61991J0018

Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 19 juin 1992. - Mme V contre Parlement européen. - Pourvoi - Fonctionnaires - Agent temporaire - Conditions de mise en invalidité - Commission d'invalidité. - Affaire C-18/91 P.

Recueil de jurisprudence 1992 page I-03997


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


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1. Fonctionnaires - Invalidité - Commission d' invalidité - Délibérations - Établissement d' un procès-verbal - Condition non essentielle

(Statut des fonctionnaires, annexe II, art. 7 et 9)

2. Fonctionnaires - Recours - Acte faisant grief - Notion - Lettre de notification des conclusions de la commission d' invalidité - Exclusion

(Statut des fonctionnaires, art. 90 et 91; annexe II, art. 9, alinéa 2)

3. Fonctionnaires - Congé de maladie - Justification de la maladie - Production d' un certificat médical non motivé - Rejet - Inadmissibilité - Visite médicale de contrôle - Conclusions contredisant le certificat médical - Absence irrégulière à compter de la visite de contrôle

(Statut des fonctionnaires, art. 59)

4. Fonctionnaires - Agent temporaire - Licenciement - Résiliation du contrat à durée indéterminée d' un agent soumis à une procédure de mise en invalidité - Admissibilité

(Régime applicable aux autres agents, art. 47)

Sommaire


1. Bien que l' absence d' un procès-verbal relatif aux travaux d' une commission d' invalidité soit regrettable, son existence n' est cependant pas une condition essentielle pour la validité des délibérations de cette commission. C' est, par conséquent, à bon droit que le Tribunal a jugé que l' absence d' un tel procès-verbal n' entachait pas d' irrégularité la procédure en constatation d' invalidité.

2. Il appartient à la commission d' invalidité de déterminer l' état d' invalidité d' un agent temporaire. Dès lors, l' autorité investie du pouvoir de nomination ne disposant, à cet égard, d' aucune marge d' appréciation, la transmission des conclusions de la commission d' invalidité à l' intéressé, prévue par l' article 9, deuxième alinéa, de l' annexe II du statut, ne saurait être qualifiée de décision de l' autorité investie du pouvoir de nomination susceptible de faire l' objet d' un recours en annulation. Par ailleurs, au cas où la commission ne conclut pas à l' existence d' une invalidité, la transmission de ses conclusions à l' intéressé peut raisonnablement être considérée comme portant clôture de la procédure de mise en invalidité.

3. Si l' article 59 du statut donne à l' administration la faculté de soumettre le fonctionnaire qui produit un certificat médical pour justifier d' être empêché d' exercer ses fonctions à une visite médicale de contrôle, il ne prévoit pas que l' administration puisse refuser de tenir compte dudit certificat médical, même si ce dernier ne mentionne pas les raisons de l' incapacité de travail. Dès lors, le refus de l' administration d' accepter comme valable un certificat médical non motivé, sans avoir fait usage de la faculté de soumettre l' agent concerné à une visite de contrôle, est contraire à l' article 59 du statut.

Lorsque les conclusions de la visite de contrôle contredisent celles du certificat médical produit par l' intéressé, les effets administratifs de cette visite ne commencent à courir qu' à partir du moment où elle est effectuée, toute rétroactivité à cet égard portant atteinte à la crédibilité et à la présomption de régularité du certificat médical.

Dès lors, en jugeant que l' administration était en droit, d' une part, de rejeter un certificat médical non motivé et, d' autre part, de reconnaître un effet rétroactif aux constatations résultant de la visite de contrôle, selon lesquelles l' intéressé n' avait, à aucun moment de sa période d' absence, établi avoir droit à un congé de maladie, le Tribunal a commis une erreur de droit, qu' il appartient à la Cour de corriger en annulant la décision de l' administration portant rejet du certificat médical et constatant que l' intéressé ne se trouvait pas en congé de maladie justifié avant la date à laquelle la visite médicale de contrôle a été effectuée.

4. La résiliation unilatérale du contrat à durée indéterminée d' un agent temporaire, expressément prévue par l' article 47 du régime applicable aux autres agents, trouve sa justification dans le contrat d' emploi et n' a pas besoin, dès lors, d' être motivée, le contrat d' engagement constituant, en effet, la base des rapports entre cet agent et l' institution concernée.

Aucune disposition ne s' oppose à ce que l' institution concernée procède à la résiliation du contrat d' engagement d' un agent temporaire soumis à une procédure de mise en invalidité, étant entendu que cette résiliation ne peut porter préjudice à l' accomplissement des travaux de la commission d' invalidité et à une éventuelle reconnaissance, par celle-ci, de l' invalidité survenue avant la résiliation ni affecter les droits de l' intéressé à l' issue de la procédure y afférente.

Parties


Dans l' affaire C-18/91 P,

introduite par Mme V., ancien agent temporaire du Parlement européen, demeurant à Bruxelles, représentée par Me Andrea Guarino, avocat au barreau de Rome, ayant élu domicile à Luxembourg en l' étude de Me Alain Lorang, 51, rue Albert Ier,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l' arrêt rendu par le Tribunal de première instance des Communautés européennes (quatrième chambre) le 22 novembre 1990, dans l' affaire T-54/89 ayant opposé Mme V. au Parlement européen et tendant à l' annulation de cet arrêt,

l' autre partie à la procédure étant:

Parlement européen, représenté par M. Jorge Campinos, jurisconsulte, et M. Manfred Peter, chef de division, en qualité d' agents, et Me Aloyse May, avocat au barreau de Luxembourg, ayant élu domicile à Luxembourg au secrétariat général du Parlement européen, Kirchberg,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de MM. P. J. G. Kapteyn, président de chambre, C. N. Kakouris et M. Díez de Velasco, juges,

avocat général: M. C. Gulmann

greffier: M. H. A. Ruehl, administrateur principal

vu le rapport du juge rapporteur,

ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 13 décembre 1991,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 18 janvier 1991, Mme V. a, en vertu de l' article 49 du statut CEE et des dispositions correspondantes des statuts CECA et CEEA de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l' arrêt du Tribunal de première instance, du 22 novembre 1990, Mme V./Parlement européen (T-54/89, Rec. p. II-659), en tant qu' il a rejeté son recours tendant à l' annulation du rapport de la commission d' invalidité qui avait examiné son cas ainsi que de plusieurs décisions du Parlement européen portant, respectivement, refus de l' admettre au bénéfice du régime d' invalidité, refus de reconnaître le certificat médical d' arrêt de travail qu' elle avait présenté, résiliation de son contrat d' agent temporaire et rejet de ses différentes réclamations et, d' autre part, à se voir garantir son droit à être soumise à une procédure régulière de constatation d' invalidité.

2 Il ressort de l' arrêt attaqué que la requérante avait été engagée en 1981, comme agent temporaire au groupe du Parti populaire européen (ci-après "groupe du PPE") du Parlement européen. Au cours des années suivantes, ses congés cumulés de maladie ayant excédé douze mois pendant une période de trois ans, Mme V. a été soumise à une première procédure tendant à déterminer l' existence éventuelle d' une invalidité conformément à l' article 59, paragraphe 1, quatrième alinéa, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après "statut"). La commission d' invalidité a conclu le 20 novembre 1986 que l' intéressée n' était atteinte d' aucune invalidité.

3 Suite à de nouvelles absences répétées, le Parlement a saisi une nouvelle commission d' invalidité du cas de Mme V. Cette commission d' invalidité a elle aussi conclu à l' absence d' une invalidité.

4 Par lettre du 24 février 1988, portant le numéro 05169, le directeur général du personnel du Parlement a envoyé à l' intéressée, sans commentaire, les conclusions de la commission d' invalidité.

5 Par lettre du même jour, le président du groupe du PPE, en sa qualité d' autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après "AIPN"), a notifié à Mme V. la résiliation de son contrat, en précisant que le délai de préavis de trois mois requis en vertu de l' article 47, paragraphe 2, sous a), du régime applicable aux autres agents (ci-après "RAA"), commençait à courir le 1er mars 1988.

6 Le jour précédent, Mme V. avait transmis à l' administration un certificat d' arrêt de travail pour deux mois, daté du 23 février 1988, signé par son médecin et ne mentionnant aucune raison médicale. Ce certificat a été refusé par lettre du directeur général du personnel, du 26 février 1988.

7 L' intéressée a présenté un second certificat médical, daté du 1er mars 1988 et prévoyant un arrêt de travail du 1er mars au 1er juin 1988. Le 7 mars 1988, le médecin-conseil du Parlement a effectué une visite de contrôle au domicile de Mme V. et a estimé que celle-ci était apte à travailler.

8 Les réclamations introduites par l' intéressée contre les décisions et prises de position du Parlement, indiquées ci-dessus, ont été rejetées.

9 Par le recours introduit devant le Tribunal de première instance, Mme V. demandait:

a) l' annulation du "rapport de la commission d' invalidité", tel qu' il lui a été transmis le 24 février 1988;

b) l' annulation de la "décision" du directeur général du personnel lui transmettant ledit rapport et refusant l' "admission de la requérante au bénéfice du régime d' invalidité";

c) l' annulation de la décision du directeur général du personnel, du 26 février 1988, refusant le premier certificat médical;

d) l' annulation de la décision du président du groupe PPE de mettre fin à son contrat de travail;

e) l' annulation du rejet, par le président du groupe PPE, des réclamations qu' elle avait introduites contre les décisions indiquées ci-dessus sous b) et d);

f) qu' il plaise au Tribunal de garantir son droit à être soumise à une procédure régulière de constatation de son invalidité.

10 Par son pourvoi, Mme V. demande que l' arrêt attaqué, par lequel le Tribunal de première instance a rejeté les différentes conclusions de son recours, soit réformé.

11 Pour un plus ample exposé du déroulement de la procédure ainsi que des moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport du juge rapporteur. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

Sur les moyens tirés de l' irrégularité de la procédure suivie devant la commission d' invalidité

12 Il ressort de l' arrêt attaqué que, en vue de la désignation du troisième membre de la commission d' invalidité, le médecin désigné par Mme V. avait déclaré par lettre du 17 octobre 1987 qu' il n' avait "aucune objection à accepter comme troisième membre de la commission d' invalidité" le médecin proposé par le Parlement, tout en ajoutant: "Néanmoins je désire mettre en évidence les conditions que je voudrais voir acceptées préalablement à l' accord définitif...". Considérant que ces conditions étaient inacceptables, le Parlement avait demandé au président de la Cour de justice de commettre d' office le troisième membre de la commission d' invalidité, conformément à l' article 7, troisième alinéa, de l' annexe II du statut.

13 Le Tribunal a estimé dans l' arrêt attaqué (point 33) que les termes de la lettre du 17 octobre 1987 du médecin désigné par Mme V., interprétés à la lumière de ceux de la lettre du 6 octobre 1987 du médecin désigné par le Parlement, ne laissaient aucun doute sur la nature des conditions auxquelles était soumis l' accord donné par le premier pour la désignation du professeur Alexandre comme troisième membre de la commission d' invalidité. Ces conditions, qui n' étaient pas de pure forme, étaient expressément qualifiées de préalables à un "accord définitif", dont elles avaient donc pour effet de suspendre la conclusion. La requérante ne peut prétendre en conséquence qu' un accord était intervenu entre les médecins désignés par elle et par le Parlement. Il s' ensuit que le moyen tiré d' un prétendu vice de procédure lors de la constitution de la commission d' invalidité devait être rejeté.

14 La requérante fait valoir, contre ce jugement, que le médecin désigné par elle et celui désigné par le Parlement s' étaient déjà mis d' accord, au cours d' une conversation téléphonique, sur le troisième membre de la commission d' invalidité. Les conditions formulées dans la lettre du 17 octobre 1987, susmentionnée, seraient, dès lors, purement formelles et ne sauraient, en tout état de cause, modifier l' accord déjà donné. D' ailleurs, le Tribunal n' aurait pas dû s' arrêter à la formulation pure et simple de cette lettre, écrite du reste par un médecin et non pas par un juriste, mais aurait dû examiner son contenu.

15 Il y a lieu de relever à cet égard que, d' après l' article 168 A du traité CEE et les dispositions correspondantes du traité CECA et CEEA, ainsi que l' article 51, premier alinéa, du statut CEE et les dispositions correspondantes des statuts CECA et CEEA de la Cour de justice, le pourvoi est limité aux questions de droit. Il en résulte que le pourvoi ne peut s' appuyer que sur des moyens portant sur la violation de règles de droit, à l' exclusion de toute contestation des faits constatés par le Tribunal.

16 L' appréciation portée par le Tribunal quant au sens du contenu d' une lettre transmise par le médecin désigné par la requérante au médecin désigné par le Parlement, suite à un entretien téléphonique entre ceux-ci, constitue une constatation purement factuelle.

17 Par conséquent, le moyen par lequel cette constatation est contestée doit être rejeté comme irrecevable.

18 Le Tribunal, en réponse au moyen tiré de l' irrégularité de la procédure tenant à l' absence de procès-verbal concernant les travaux de la commission d' invalidité, a jugé que, comme la Cour l' avait déjà jugé dans l' arrêt du 10 décembre 1987, Jaensch/Commission (277/84, Rec. p. 4923), "l' existence d' un procès-verbal n' est pas une condition essentielle pour la validité des délibérations d' une commission. En l' espèce, l' absence de procès-verbal n' a pas eu d' incidence ni sur la continuation des travaux de la commission d' invalidité ni sur l' exercice du contrôle juridictionnel dont ils font présentement l' objet."

19 La requérante fait valoir à cet égard que l' existence d' un procès-verbal quant aux travaux et aux conclusions de la commission d' invalidité est nécessaire, d' autant plus que, dans le cas d' espèce, le rapport de ladite commission, parvenu à la requérante sous forme d' un formulaire préimprimé sur lequel les passages non pertinents avaient été biffés, était tout à fait inapte à permettre la vérification de l' existence d' un lien logique entre les constatations effectuées et les conclusions auxquelles était parvenue la commission en question.

20 Ce moyen doit être rejeté. Comme la Cour l' a jugé dans l' arrêt du 10 décembre 1987, Jaensch, précité, bien que l' absence d' un procès-verbal quant aux travaux d' une commission d' invalidité soit regrettable, son existence n' est cependant pas une condition essentielle pour la validité des délibérations d' une telle commission. Par ailleurs, les défauts éventuels du rapport consécutif de la commission d' invalidité ne peuvent pas avoir d' incidence sur l' absence de procès-verbal.

21 Il y a lieu d' ajouter que si l' on pouvait considérer comme un moyen autonome les défauts allégués du rapport de la commission d' invalidité transmis à la requérante, il convient d' observer que l' arrêt du Tribunal attaqué ne porte pas sur de tels défauts et que des moyens nouveaux, non contenus dans le recours, ne peuvent pas être présentés lors du pourvoi, ainsi qu' il découle des articles 113, paragraphe 2, et 116, paragraphe 1, du règlement de procédure.

Sur le moyen tiré de la qualification erronée de la lettre du 24 février 1988 adressée par le directeur général du Parlement à la requérante

22 Le Tribunal constate dans l' arrêt attaqué que la lettre n 05169, du 24 février 1988, par laquelle le directeur général du Parlement chargé du personnel a transmis à la requérante les conclusions de la commission d' invalidité, n' est pas une décision de l' AIPN susceptible de faire l' objet d' un recours en annulation, puisqu' elle s' inscrit dans le cadre de la notification des conclusions de ladite commission prévue à l' article 9, deuxième alinéa, de l' annexe II du statut.

23 Le Tribunal constate, par ailleurs, que cette lettre ne constitue pas une décision mettant fin à la procédure de mise en invalidité. Il se réfère à cet égard à l' article 33, paragraphe 2, du RAA, pour conclure que, dans l' hypothèse où la commission d' invalidité est parvenue à la conclusion qu' un agent n' était pas atteint d' une invalidité, l' AIPN ne peut prendre une décision contraire et que, en conséquence, il n' appartient pas à l' AIPN de prendre une décision mettant fin à la procédure.

24 La requérante attaque ce dernier jugement. Elle soutient que tous les actes produisant des effets juridiques sur la relation de travail entre l' institution et son personnel relèvent de la compétence exclusive de l' AIPN, à moins que la compétence n' ait été expressément attribuée à un autre organe. Tel serait le cas de la clôture de la procédure d' invalidité, susceptible de produire des effets juridiques à l' égard de l' intéressé. L' admission au régime d' invalidité relevant de la compétence de l' AIPN, le refus d' admission devrait également relever de la compétence de l' AIPN. La requérante ne pense pas que les dispositions mentionnées par le Tribunal prescrivent sans équivoque que la décision concernant le refus d' admission au régime d' invalidité échappe à la compétence de l' AIPN.

25 Elle soutient, par conséquent, que la lettre du 24 février 1988 constitue une telle décision de refus relevant de la compétence de l' AIPN, décision pourtant adoptée par le directeur général qui n' était pas compétent.

26 Il convient d' observer à cet égard que, conformément à l' article 33, paragraphe 2, du RAA, "l' état d' invalidité est déterminé par la commission d' invalidité prévue à l' article 9 du statut". Dès lors, l' AIPN ne disposant d' aucune marge d' appréciation en la matière, la transmission des conclusions de la commission d' invalidité à l' intéressé, prévue par l' article 9, deuxième alinéa, de l' annexe II du statut, ne saurait être qualifiée de décision. Par ailleurs, au cas où ladite commission ne conclut pas à l' existence d' un cas d' invalidité, comme en l' espèce, la transmission de ses conclusions à la personne intéressée peut raisonnablement être considérée comme portant clôture de la procédure de mise en invalidité.

27 Il résulte des considérations qui précèdent que ce moyen n' est pas fondé.

Sur le moyen tiré de l' irrégularité du rejet des certificats médicaux présentés par la requérante

28 Il ressort des points 46 et 47 de l' arrêt attaqué que le Tribunal estime que l' interprétation correcte de l' article 59 du statut conduit à considérer que l' administration est en droit de rejeter un certificat médical, sans faire procéder aux contrôles médicaux prévus à cette disposition, en tenant compte de toutes les circonstances, notamment du rapport de la commission d' invalidité ainsi que du fait que le certificat en cause ne mentionne pas les raisons médicales de l' interruption d' activité qu' il prescrit.

29 La requérante fait valoir à cet égard que, de l' arrêt de la Cour du 27 avril 1989, Fedeli/Parlement (271/87, Rec. p. 993), ressort le principe selon lequel la présentation d' un certificat médical fait naître une présomption de légitimité de l' absence du fonctionnaire et que, en cas de doute, l' unique moyen dont l' institution concernée peut se prévaloir est la visite médicale de contrôle. Le refus pur et simple d' un certificat médical ne serait, dès lors, pas envisagé dans le droit de la fonction publique communautaire. Par ailleurs, même lorsque l' institution fait usage de son pouvoir de soumettre le fonctionnaire concerné à la visite médicale de contrôle et que celle-ci donne des résultats qui ne coïncident pas avec ceux du certificat médical, présenté par l' intéressée, l' institution ne serait pas pour autant habilitée à estimer que l' absence du fonctionnaire a été injustifiée dès l' origine, les effets juridiques de la visite de contrôle se produisant ex nunc.

30 Quant à la "motivation" d' un certificat médical, la requérante soutient que chaque institution doit accepter comme valable un certificat rédigé selon les règles déontologiques du pays du médecin consulté. Ainsi, en Belgique, il serait prévu qu' un certificat médical ne mentionne pas obligatoirement la maladie du patient.

31 A titre subsidiaire, la requérante fait valoir que, en tout état de cause, le "refus" du premier certificat médical aurait dû provenir de l' AIPN et non pas du directeur général du personnel.

32 Il convient de rappeller à cet égard que la Cour a jugé, en matière de sécurité sociale des travailleurs, que l' institution compétente de sécurité sociale ainsi que l' employeur sont liés, en fait et en droit, par les constatations médicales effectuées par l' institution du lieu de résidence ou de séjour du travailleur quant à la survenance et à la durée de l' incapacité de travail, lorsqu' ils ne font pas examiner l' intéressé par un médecin de leur choix, comme les y autorise la réglementation communautaire (arrêts de la Cour du 12 mars 1987, Rindone, 22/86, Rec. p. 1339, et du 3 juin 1992, Paletta, C-45/90, Rec. p. I-0000).

33 Le principe ainsi exprimé devrait être transposé en matière d' interprétation du statut des fonctionnaires, comme il ressort par ailleurs de l' arrêt du 27 avril 1989, Fedeli, précité. En effet, l' article 59 dudit statut, susmentionné, sans prévoir le pouvoir de l' administration de refuser de tenir compte d' un certificat médical, même si celui-ci ne mentionne pas les raisons médicales de l' incapacité de travail de l' agent concerné, prévoit, par contre, la faculté de l' administration de faire examiner l' agent en cause par un médecin de son choix. Dès lors, il y a lieu de conclure que le refus de l' administration du Parlement d' accepter le certificat médical du 23 février 1988, sans avoir fait usage de sa faculté de soumettre Mme V. à une visite médicale de contrôle, est contraire à l' article 59 du statut.

34 Par ailleurs, la disposition de l' article 59, susmentionné, selon laquelle l' agent intéressé "peut être soumis à tout contrôle médical organisé par l' institution", doit être interprétée en ce sens que les effets administratifs des conclusions de la visite médicale de contrôle commencent à courir à partir du moment où celle-ci est effectuée. En effet, toute rétroactivité reconnue aux conclusions d' une telle visite de contrôle porterait atteinte au principe de crédibilité et à la présomption de régularité d' un certificat médical.

35 Ainsi, en retenant au point 47 de l' arrêt attaqué que, compte tenu des circonstances particulières de l' espèce, le Parlement était en droit de rejeter le certificat médical du 23 février 1988 et en reconnaissant un effet rétroactif aux conclusions de la visite de contrôle du 7 mars 1988 concernant le certificat médical du 1er mars 1988, par la constatation que "la requérante n' a, à aucun moment au cours de la période critique, établi qu' elle aurait droit à un congé de maladie", le Tribunal a commis une erreur de droit.

36 Par conséquent, ce chapitre de l' arrêt attaqué doit être annulé.

Sur les moyens tirés de l' irrégularité de la décision de licenciement de la requérante

37 Le Tribunal a estimé, dans l' arrêt attaqué, que les dispositions des articles 47 et 48 du RAA ne s' opposaient pas à la résiliation unilatérale, sans motivation, du contrat à durée indéterminée d' un agent temporaire, et qu' il n' était pas prévu que l' engagement d' une procédure d' invalidité ait pour effet de suspendre le droit de l' AIPN de mettre fin à un tel contrat tant que les conclusions de la commission d' invalidité n' avaient pas été notifiées à l' intéressée.

38 La requérante soutient que, même si cela ne figure pas encore explicitement dans une disposition du statut, on devrait reconnaître comme principe fondamental du droit de la fonction publique communautaire que le droit de l' AIPN de résilier le contrat d' un agent temporaire est suspendu pendant une procédure d' invalidité.

39 Comme la Cour a jugé dans l' arrêt du 18 octobre 1977, Schertzer/Parlement (25/68, Rec. p. 1729), la base des rapports d' un agent temporaire avec l' institution concernée est constituée par un "contrat d' engagement d' agent temporaire". Par ailleurs, la résiliation unilatérale d' un tel contrat d' emploi, expressément prévue par l' article 47 du RAA, trouve sa justification dans ce contrat d' emploi et n' a pas besoin, dès lors, d' être motivée, et c' est sous ce point que la situation d' un agent temporaire se distingue, essentiellement, de celle d' un fonctionnaire statutaire.

40 Il convient de constater qu' il n' y a pas de disposition statutaire qui s' oppose à ce que l' institution concernée procède à la résiliation du contrat d' engagement d' un agent temporaire soumis à une procédure de mise en invalidité, étant entendu que la résiliation du contrat ne peut porter préjudice à l' accomplissement des travaux de la commission d' invalidité et à une éventuelle reconnaissance, pour celle-ci, de l' invalidité survenue avant la résiliation ni affecter les droits de l' agent concerné à l' issue de la procédure y afférente.

41 Ce moyen doit donc être rejeté.

42 La requérante fait valoir ensuite que la décision de résiliation de son contrat d' agent temporaire est entachée de détournement de pouvoir, dans la mesure où elle a comme motif réel la volonté de démettre un travailleur à cause de la précarité de sa santé.

43 A cet égard, le Tribunal a conclu, au point 48 de l' arrêt attaqué, que "le seul fait que la décision de licenciement a été prise avant que la requérante n' ait eu connaissance des conclusions de la commission d' invalidité ne permet pas au Tribunal de conclure à l' existence d' un détournement de pouvoir".

44 Il convient de constater que, par ce moyen, la requérante conteste la constatation de fait contenue dans l' arrêt attaqué, selon laquelle un détournement de pouvoir n' a pas été prouvé. Par conséquent, ce moyen doit être rejeté comme irrecevable.

Sur la demande de mise en place d' une nouvelle procédure d' invalidité

45 Dans sa requête introductive d' instance, la requérante avait également demandé "qu' il plaise au Tribunal de garantir son droit à être soumise à un nouvel examen médical pour vérifier l' existence des conditions de la mise en invalidité". Cette demande, ayant été formulée pour le cas où la procédure d' invalidité serait annulée, n' a pas fait l' objet d' une appréciation de la part du Tribunal.

46 La requérante soutient que l' omission du Tribunal d' accéder à une telle demande constitue une violation d' une des protections fondamentales consacrées par le droit en faveur des travailleurs.

47 Ce moyen, ainsi formulé, doit être entendu en ce sens que le Tribunal a omis de reconnaître à la requérante le droit d' être soumise à une nouvelle procédure de mise en invalidité, même si la procédure précédemment engagée n' avait pas été annulée. Ce moyen est ainsi fondé sur une condition inexacte, une telle demande n' ayant pas été formulée devant le Tribunal.

48 Si, par ailleurs, ce moyen doit être compris en ce sens que le Tribunal a omis de prendre position sur la demande selon laquelle, en cas d' annulation de la procédure de mise en invalidité attaquée, une nouvelle procédure régulière devrait être engagée, il suffit de constater que cela est la conséquence normale de l' annulation et que, en tout état de cause, dans la présente espèce la procédure n' a pas été annulée.

49 Par conséquent, il n' existe pas d' omission illégale dans l' arrêt attaqué d' accéder à une telle demande et, dès lors, ce moyen ne saurait être accueilli.

50 Il résulte de l' ensemble des développements qui précèdent qu' il y a lieu d' annuler l' arrêt attaqué du Tribunal, du 22 novembre 1990, dans la mesure où il a retenu que le Parlement était en droit de rejeter le certificat médical du 23 février 1988 et de donner un effet rétroactif aux constatations de la visite médicale de contrôle du 7 mars 1988.

51 Pour le surplus, il convient de rejeter le pourvoi.

52 S' agissant du chapitre annulé de l' arrêt du Tribunal, l' affaire est en état d' être jugée. La Cour, statuant définitivement sur le litige conformément à l' article 54, premier alinéa, du statut CEE de la Cour, doit, au vu de ce qui précède (points 27-35), annuler la décision contenue dans la lettre du directeur général du Parlement, du 26 février 1988, portant rejet du certificat médical du 23 février 1988, ainsi que la constatation que la requérante ne se trouvait pas en congé de maladie justifié avant la date du 7 mars 1988.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

53 Les parties ayant respectivement succombé en leurs moyens, il y a lieu, conformément à l' article 69, paragraphe 3, en combinaison avec l' article 122, du règlement de procédure, de faire supporter à chacune de celles-ci ses propres dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR (quatrième chambre)

déclare et arrête:

1) L' arrêt du Tribunal du 22 novembre 1990, rendu dans l' affaire T-54/89, est annulé dans la mesure où il a retenu que le Parlement était en droit de rejeter le certificat médical du 23 février 1988 et de donner un effet rétroactif aux constatations de la visite médicale de contrôle du 7 mars 1988.

2) Le pourvoi est rejeté pour le surplus.

3) La Cour, statuant au fond, annule a) la décision contenue dans la lettre du directeur général du Parlement, du 26 février 1988, portant rejet du certificat médical du 23 février 1988, et b) la reconnaissance d' un effet rétroactif aux conclusions de la visite médicale de contrôle du 7 mars 1988.

4) Chacune des parties supportera ses propres dépens.