Conclusions de l'avocat général Gulmann présentées le 11 novembre 1992. - CT Control (Rotterdam) BV et JCT Benelux BV contre Commission des Communautés européennes. - Recours en annulation - Décision de la Commission refusant la remise des droits à l'importation. - Affaires jointes C-121/91 et C-122/91.
Recueil de jurisprudence 1993 page I-03873
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Monsieur le Président,
Messieurs les Juges,
1. Les deux requérantes, qui exercent leurs activités de commissionnaires en douane aux Pays-Bas, ont assuré au cours des années 1982 à 1984 l' importation de plusieurs lots de miel originaire de la Jamaïque. Elles ont présenté le certificat prévu dans la Convention de Lomé pour attester l' origine jamaïcaine de ces marchandises, raison pour laquelle les marchandises ont pu être importées sans paiement des droits de douane ordinaires.
2. La Commission a procédé vers la fin de 1984 à une enquête en Jamaïque et constaté que les certificats d' origine avaient, pendant des années, été établis de manière irrégulière. Les autorités jamaïcaines ont elles-mêmes procédé par la suite à une enquête au terme de laquelle elles ont informé la Commission, le 5 décembre 1984, entre autres, de ce que les certificats d' origine présentés par les requérantes avaient été délivrés indûment et qu' ils avaient par conséquent été retirés.
Ce retrait a eu pour conséquence que les autorités néerlandaises ont, en octobre 1985, exigé des requérantes le paiement a posteriori des droits ordinaires pour l' importation de miel effectuée par ces dernières. Celles-ci ont alors immédiatement introduit une demande auprès des autorités néerlandaises tendant à une remise des droits à l' importation en vertu de l' article 13 du règlement du Conseil n 1430/79 du Conseil, relatif au remboursement ou à la remise des droits à l' importation ou à l' exportation (ci-après "règlement de base") (1). L' administration des douanes a rejeté ces demandes. Les requérantes ont alors déféré ces refus à la Tariefcommissie Amsterdam, laquelle a, le 20 novembre 1989, annulé les décisions et ordonné que les demandes soient soumises à la Commission, motif pris de ce qu' il résultait des règles communautaires alors applicables que toutes les demandes tendant à la remise des droits à l' importation devaient, en vertu de l' article 13, être soumises à la Commission.
Les demandes ont alors été transmises par les autorités néerlandaises à la Commission, laquelle après environ cinq mois d' examen du dossier, a décidé que la remise des droits à l' importation ne se justifiait pas dans les deux cas d' espèce. La Commission a pris ses décisions sur la base de l' article 13 tel que modifié par le règlement n 1672/82 (2). Dans cette version, l' article 13 était libellé comme suit:
"Il peut être procédé au remboursement ou à la remise des droits ... dans des situations autres que celles visées aux sections A à D qui résultent de circonstances particulières n' impliquant aucune négligence ou manoeuvre de la part de l' intéressé" (3).
3. Les requérantes ont conclu à l' annulation de ces décisions et ont fait valoir quatre moyens à l' appui de leurs demandes.
La Commission, soutenue par le gouvernement néerlandais, a conclu au rejet du recours.
Le délai laissé à la Commission aux fins de la décision
4. Au moment du dépôt, en 1985, par les requérantes, de leurs demandes de remise des droits auprès des autorités néerlandaises, le règlement d' application en vigueur était le règlement n 1575/80 de la Commission, fixant les dispositions d' application de l' article 13 du règlement de base, modifié en dernier lieu par le règlement n 945/83 de la Commission (ci-après "règlement d' application de 1980") (4). Pour ce qui est des décisions à prendre par la Commission, l' article 5, paragraphe 2 disposait comme suit:
"Cette décision doit intervenir dans un délai de quatre mois à compter de la date de réception par la Commission du dossier visé à l' article 3 paragraphe 1".
L' article 7 du règlement disposait que l' autorité nationale devait donner une suite favorable à la demande dans l' hypothèse où la Commission n' aurait pas arrêté sa décision dans le délai de quatre mois visé à l' article 5.
5. Le règlement d' application de 1980 a été abrogé avec effet au 1er janvier 1987 et remplacé par le règlement n 3799/86 de la Commission, fixant les dispositions d' application des articles 4 bis, 6 bis, 11 bis et 13 du règlement de base (ci-après "règlement d' application de 1986") (5). Le nouveau règlement modifiait, sur un certain nombre de points, les règles de procédure jusqu' alors applicables. La modification la plus importante dans le cadre des présentes affaires était que le délai laissé à la Commission était désormais porté à six mois; voir l' article 8, deuxième alinéa.
6. Les requérantes font valoir que la Commission était tenue d' examiner leurs demandes de remise des droits sur la base des règles relatives au délai, telles qu' elles étaient en vigueur au moment où il a été procédé au recouvrement a posteriori, c' est-à-dire, en fonction du délai de quatre mois prévu dans le règlement d' application de 1980. La Commission n' ayant pas pris de décision à l' intérieur du délai précité, les autorités néerlandaises étaient tenues de donner une suite favorable aux demandes, et la décision de la Commission devenait par là-même sans objet et devait dès lors être annulée.
A l' encontre de cette thèse, la Commission et le gouvernement néerlandais font valoir qu' il y a lieu d' appliquer les règles procédurales du règlement d' application de 1986, puisque les demandes relatives à la remise des droits n' ont été déposées auprès de la Commission qu' après l' entrée en vigueur du règlement le 1er janvier 1987; ce qui implique que la décision doit être prise par la Commission dans les six mois, suite à l' allongement du délai ouvert aux fins de la procédure d' examen.
7. Il résulte de la jurisprudence de la Cour que les règles de fond sont habituellement interprétées comme ne visant des situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur que si des indications suffisamment claires amènent à conclure que tel était bien l' effet recherché, alors que le principe est exactement inverse en ce qui concerne les règles de procédure. C' est ainsi que les règles de procédure trouvent normalement à s' appliquer même pour l' examen de situations juridiques nées avant l' entrée en vigueur des règles (6).
Les requérantes font valoir que ce principe ne s' applique pas dans les cas présentement en cause. Elles font valoir que les règles de procédure et de fond pertinentes en l' espèce forment un tout indissociable et qu' elles ne sauraient dès lors être considérées isolément quant à leur effet dans le temps. Elles renvoient à cet égard aux arrêts de la Cour dans les affaires Salumi II et Reichelt (7).
Les questions décisives dans ces deux affaires étaient de savoir si de nouvelles règles communautaires (dans l' affaire Reichelt, le règlement n 1430/79) ayant remplacé des règles nationales préexistantes pouvaient être appliquées à des litiges nés antérieurement à leur entrée en vigueur. La Cour a déclaré à cet égard ce qui suit:
"Remplaçant les réglementations nationales en la matière par une réglementation communautaire, ce texte comporte des règles tant de procédure que de fond, qui forment un tout indissociable et dont les dispositions particulières ne peuvent être considérées isolément, quant à leur effet dans le temps" (point 11 des motifs dans l' arrêt Salumi II).
La Cour s' est donc refusée à conférer aux nouvelles règles communautaires une portée rétroactive. Cette solution s' appliquait tant aux règles de fond qu' aux règles de procédure. Pour ce qui est des règles de fond, le résultat était conforme aux prémisses générales exposées par la Cour, et il n' est pas surprenant que les règles de procédure n' aient pu être assorties d' effet juridique antérieurement aux règles de fond auxquelles elles se rattachaient.
On ne saurait, à notre sens, tirer de ces arrêts des conclusions par rapport aux questions décisives qui se posent en l' espèce, à savoir, si la Commission devait traiter les demandes de remise des droits sur la base des règles de procédure en vigueur au moment où les demandes lui ont été soumises ou sur la base des règles applicables au moment de l' introduction des demandes devant les autorités néerlandaises, étant entendu que c' était les règles de fond en vigueur au moment de la remise des demandes aux autorités néerlandaises qui devaient servir de référence.
8. La question qui se pose dans les présentes affaires est de savoir s' il existe entre les règles de fond et de procédure pertinentes en l' espèce un rapport tel qu' il y a lieu d' appliquer la règle afférente au délai de quatre mois prévu par le règlement d' application de 1980. Quant au point de savoir si les règles de fond et de procédure pertinentes en l' espèce "forment un tout indissociable", il ne s' agit pas tant de se demander si les règles de fond et de procédure pertinentes en l' espèce se trouvent dans des règlements différents, ou dans différentes sections des mêmes règlements; il s' agit plutôt de vérifier l' existence éventuelle d' une cohérence entre les règles de fond et les règles de procédure, en sorte que le fait d' appliquer de nouvelles règles de procédure aurait directement ou indirectement une incidence sur le contenu et la portée des règles de fond. Il n' y a pas lieu de s' écarter du principe de base relatif aux effets dans le temps des règles de procédure, à moins que l' on puisse établir qu' un tel principe est susceptible d' avoir une telle incidence sur l' application des règles de fond. Les requérantes n' ont pas démontré que tel est le cas dans les affaires présentement en cause. Il y a donc lieu de faire application en l' espèce du principe de base qui régit l' effet dans le temps des règles de procédure (8).
Le premier moyen des requérantes doit donc être rejeté.
Sur la motivation des décisions de la Commission
9. Les requérantes font valoir que les décisions ne satisfont pas à l' exigence de motivation visée à l' article 190 du traité CEE. D' après elles, le renvoi à l' arrêt de la Cour dans les affaires jointes Van Gend & Loos et Bosman (9) est insuffisant pour les besoins d' une motivation et est d' ailleurs erroné. Les requérantes considèrent que la Commission ne saurait se limiter à renvoyer à un arrêt sans indiquer les raisons pour lesquelles cet arrêt serait pertinent, et qu' au reste, sur le fond même de l' affaire, la Commission fait erreur lorsqu' elle considère que cet arrêt est pertinent en l' espèce.
10. L' exposé des motifs des décisions contient un exposé des éléments de fait et de droit qui sous-tendent les demandes de remise des droits et se termine par les considérations suivantes:
"considérant que le déclarant est un commissionnaire en douane, qui a accompli les formalités de mise en libre pratique pour le compte d' autrui, mais en son propre nom, en assumant lui-même l' obligation de payer les droits à l' importation dont seraient éventuellement passibles les marchandises déclarées;
considérant qu' il a ainsi engagé sa responsabilité tant pour le paiement des droits à l' importation, que pour la régularité des documents qu' il a présentés aux autorités douanières à l' appui de la déclaration de mise en libre pratique;
considérant que le fait de recevoir des certificats non valables ou des documents invalidés, par la suite, par les autorités compétentes ne peut être considéré comme circonstances particulières au sens de l' article 13 du règlement (CEE) n 1430/79 pouvant motiver un remboursement des droits à l' importation légalement dus, la bonne foi concernant la validité de ces certificats et la vérité de leur contenu n' étant généralement pas protégée, conformément à l' arrêt de la Cour dans l' affaire 98 et 230/83;
considérant qu' il n' est dès lors pas justifié d' octroyer pour ce cas le remboursement des droits à l' importation demandé".
La Commission montre dans son exposé des motifs qu' il ne saurait être décisif aux fins de la remise des droits que le recouvrement s' opère dans le chef d' un commissionnaire en douane; la Commission déclare ensuite que l' existence de "circonstances particulières" au sens de l' article 13 fait défaut dans le cadre d' un recouvrement a posteriori qui tire son origine de ce que des certificats se sont avérés avoir été indûment délivrés.
Les considérations qui précèdent satisfont aux exigences que l' on peut poser quant à la motivation des décisions.
11. On doit dès lors examiner si, comme le soutiennent les requérantes, la motivation est entachée d' une erreur de fond, eu égard à l' existence de différences si considérables entre l' arrêt dans les affaires Van Gend & Loos/Bosman et les présentes affaires que cet arrêt ne saurait être revendiqué à l' appui de l' inexistence, dans le cadre des présentes affaires, de "circonstances particulières" au sens de l' article 13.
La Cour a déclaré dans l' arrêt Van Gend & Loos/Bosman qu' un recours à la notion de "circonstances particulières" présuppose:
"... que la cause extérieure invoquée par des sujets de droit ait des conséquences irrésistibles et inévitables au point de rendre objectivement impossible pour les personnes concernées le respect de leurs obligations."
La Cour a constaté ensuite:
"En l' espèce, s' agissant d' opérateurs professionnels avertis comme les requérantes, le fait de recevoir des certificats d' origine invalides ne peut être considéré comme une circonstance imprévisible et inévitable malgré toutes les diligences déployées. Un commissionnaire en douane, par la nature même de ses fonctions, engage sa responsabilité tant pour le paiement des droits à l' importation que pour la régularité des documents qu' il présente aux autorités douanières. En ce qui concerne l' argument selon lequel les requérantes n' étaient pas en mesure de répercuter la perte sur leurs commettants en raison de la faillite de ceux-ci, il y a lieu d' observer que l' article 13 du règlement n 1430/79 n' est, de toute évidence, pas destiné à protéger les commissionnaires en douane contre la faillite de leurs clients."
"Il y a lieu d' écarter également la thèse des requérantes, selon laquelle le fait que les certificats d' origine ou de provenance auraient été délivrés par les autorités douanières des pays indiqués sur ceux-ci constituerait une "circonstance particulière" au sens de l' article 13 précité. La Commission, en estimant que ce fait rentre dans la catégorie des risques professionnels auxquels s' expose un commissionnaire en douane, par la nature même de ses fonctions, n' a pas dépassé la marge d' appréciation que lui laisse l' article 13 du règlement n 1430/79." (Points 16 et 17 des motifs).
C' est à tort, selon nous, que les requérantes font valoir que la Commission ne peut pas en l' espèce fonder sa motivation sur cet arrêt. Les différences invoquées par les requérantes au regard des faits de la cause à la base des présentes affaires et de l' arrêt font défaut. Il nous paraît évident qu' on ne peut pas accorder d' importance à la circonstance que les agences en douane sont plus ou moins grandes ou plus ou moins expérimentées. Le point décisif est que les intéressés exercent une activité en qualité de commissionnaire en douane et que cette activité a fait l' objet d' un agrément. Il est en outre sans importance que le recouvrement a posteriori tire son origine de la constatation que le document qui servait de base à l' exemption des droits de douane s' est avéré être un faux, ou qu' il a dû être retiré parce qu' une enquête a montré que les conditions de son établissement n' étaient pas réunies. Le point décisif dans les deux cas est qu' il n' a pas été satisfait aux conditions d' exemption des droits de douane et que cette possibilité constitue un risque qui peut être mis à charge d' importateurs même de bonne foi.
Il apparaît au reste clairement de l' arrêt que la bonne foi des requérantes au regard du caractère correct des certificats d' origine n' a aucune incidence au regard de l' existence de "circonstances particulières".
On ne saurait attribuer d' importance à la circonstance qu' il n' a pas été démontré que le miel importé n' était pas en réalité originaire de Jamaïque ou d' un autre État ACP, ne serait-ce que parce que la remise des droits ne peut être obtenue que si l' importateur a établi que la marchandise importée est originaire d' un État ACP. En outre, cette question concerne la légalité du retrait des certificats d' origine et ne saurait dès lors être avancée comme argument à l' appui de l' illégalité des décisions de la Commission concernant les demandes de remise des droits, voir à cet égard l' arrêt de la Cour dans l' affaire Italgrani (10), concernant l' application de l' article 13 du règlement de base, dans lequel la Cour a constaté ce qui suit:
"Il résulte de ce qui précède que les requérantes ne peuvent utilement se prévaloir, à l' encontre de la décision attaquée, que de moyens tendant à démontrer, en l' espèce, l' existence de circonstances particulières ainsi que l' absence de négligence ou de manoeuvre de leur part, et non de moyens tendant à démontrer l' illégalité de la décision qui les assujettirait au paiement des droits litigieux..." (point 13 des motifs).
12. Il y a lieu dès lors de rejeter le moyen des requérantes tiré du défaut de motivation des décisions.
Sur l' illégalité des décisions résultant des vérifications effectuées par la Commission en Jamaïque
13. Les requérantes font valoir que le retrait des certificats d' origine est illégal en tant qu' il procède de vérifications de la Commission en Jamaïque elles-mêmes illégales parce qu' effectuées en violation des règles de la convention de Lomé II, notamment l' article 25 du protocole n 1 (11).
Ce moyen doit évidemment être rejeté. Ce moyen, qui concerne la légalité de la décision des autorités néerlandaises de recouvrer a posteriori des droits d' importation ne saurait être invoqué dans les présentes affaires, voir l' arrêt précité dans l' affaire Italgrani. Au reste, ce moyen ne résiste pas non plus à une analyse de fond. La Commission ne conteste certes pas qu' elle n' a pas suivi la procédure indiquée à l' article 25 du protocole n 1. Mais les requérantes n' ont en aucune manière établi que la Commission a agi contrairement aux règles de la convention de Lomé II en effectuant des vérifications dans un pays ACP en vue de faire constater l' existence éventuelle d' irrégularités lors de l' établissement de certificats d' origine. De telles vérifications ont bien entendu lieu en accord avec les autorités du pays ACP concerné.
Sur la violation des droits de défense
14. Les requérantes soutiennent que la procédure suivie pour l' adoption des décisions litigieuses ne répond pas aux garanties imposées à cet égard par le droit communautaire, considéré entre autres à la lumière de l' article 6 de la convention européenne des droits de l' homme. Les requérantes font observer qu' elles n' ont pas eu la possibilité de faire valoir leur point de vue directement auprès de la Commission et qu' elles n' ont pas disposé de toutes les informations ayant eu de l' importance pour l' adoption des décisions litigieuses.
Dans son arrêt du 17 mars 1983, Control Data (12), ainsi que dans l' arrêt Van Gend & Loos/Bosman, la Cour a déjà eu l' occasion de statuer sur de tels moyens. La Cour a considéré que la Commission avait suivi la procédure prévue par les règlements pertinents. Il s' agissait, comme dans les présentes affaires, de cas dans lesquels
- les opérateurs avaient introduit des demandes auprès des autorités nationales en vue d' obtenir la remise des droits à l' importation,
- les demandes contenaient l' argumentation des requérantes, assorties de la documentation requise, à l' appui de ce que les conditions d' obtention de la remise des droits étaient remplies et dans lesquels
- les demandes ont été soumises à la Commission; celle-ci, avant de prendre sa décision, avait entendu un comité composé de représentants des États membres.
La Cour a estimé dans ces arrêts que la procédure indiquée avait permis aux requérantes d' exposer auprès des autorités nationales tous les arguments qu' elles souhaitaient présenter. La Cour en a conclu que "dans ces conditions, le grief tiré de l' existence d' un vice de forme doit être rejeté" (13).
Les requérantes dans les présentes affaires ne contestent pas en principe que la procédure prévue dans les règles communautaires pertinentes a été suivie et que les arrêts Van Gend & Loos/Bosman et Control Data contiennent une prise de position sur des moyens analogues à ceux qui ont été soulevés en l' espèce. Elles estiment toutefois qu' il y a lieu pour la Cour de reconsidérer ces arrêts dans les affaires précitées, entre autres à la lumière de sa jurisprudence plus récente concernant l' importance qu' il y a lieu d' accorder au respect des droits de la défense. Elles renvoient à cet égard à une série d' arrêts, et en particulier à l' arrêt de la Cour du 27 juin 1991, Al-Jubail ainsi qu' à l' arrêt du 12 février 1992, PTT Nederland contre Commission (14).
Les requérantes n' ont rien exposé qui justifie de modifier la jurisprudence de la Cour telle qu' elle résulte des arrêts Van Gend & Loos/Bosman et Control Data. Il n' y a pas de contradiction entre ces arrêts et la jurisprudence de la Cour notamment en matière de droits antidumping et de concurrence, à laquelle les requérantes se sont au reste référées. La Cour a constamment souligné que le droit communautaire commandait le strict respect du principe du contradictoire, mais il est évident que le principe du contradictoire n' a pas la même portée dans tous les types d' affaires. Le principe du contradictoire revêt une importance plus particulière dans des affaires dans lesquelles les institutions de la Communauté estiment que des opérateurs ont enfreint le droit communautaire et que celles-ci ont, à cette occasion, la possibilité de réagir au détriment desdits opérateurs. Lorsque, en revanche, des opérateurs introduisent eux-mêmes des demandes en vue de la remise de droits, on ne saurait poser des exigences allant au-delà de celles résultant des règles communautaires pertinentes dans le cas d' espèce, et que la Cour a jugé suffisantes.
15. On doit pouvoir partir de ce que les requérantes ont exposé, dans les demandes qu' elles ont introduites devant les autorités nationales, tous les arguments que l' on peut faire valoir en vue de la remise des droits. Le traitement ultérieur de ces demandes n' est pas de nature telle qu' il soit nécessaire de donner aux requérantes la possibilité d' avancer de nouveaux arguments. Les requérantes ont d' ailleurs reconnu au cours de la procédure orale qu' au cours de la période qui s' est écoulée entre les demandes et le traitement, par la Commission, de ces dernières, aucun élément nouveau n' était apparu qu' elles n' auraient pu intégrer dans leur argumentation aux fins de la remise des droits. Au reste, il n' y aurait rien eu à objecter si les requérantes, qui avaient connaissance de la transmission de leurs demandes à la Commission, avaient pu compléter leur argumentation telle qu' elle était contenue dans les demandes. Une telle argumentation supplémentaire aurait été, le cas échéant, concrètement justifiée, eu égard au très long laps de temps qui s' est écoulé entre l' introduction des demandes auprès des autorités néerlandaises et leur transmission à la Commission.
16. Eu égard aux considérations qui précèdent, nous n' estimons pas qu' il y ait lieu de faire droit à ce moyen des requérantes.
Conclusion
17. Nous proposons dès lors à la Cour de rejeter les recours et de condamner les requérantes aux dépens, étant entendu que le Royaume des Pays-Bas supportera ses propres dépens.
(*) Langue originale: le danois.
(1) - JOCE 1979, L 175, p. 1.
(2) - JOCE 1982, L 186, p. 1.
(3) - L' article 13 a été modifié par le règlement nº 3069/86 du Conseil (JOCE 1986, L 286, p. 1) et est désormais libellé comme suit:
Il peut être remboursé au remboursement ou à la remise ... dans des situations particulières, autres que celles visées aux sections A à D, qui résultent de circonstances n' impliquant ni manoeuvre ni négligence manifeste de la part de l' intéressé.
Il est constant dans ces affaires qu' il y a lieu de statuer sur les demandes sur la base de l' article 13 tel qu' il était libellé dans le règlement de 1982.
(4) - JOCE 1980, L 161, p. 13, et JOCE 1983, L 104, p. 14.
(5) - JOCE 1986, L 352, p. 19.
(6) - Voir par exemple l' arrêt du 12 novembre 1981, Salumi II (affaires jointes 212/80 à 217/80, Rec. p. 2735) et arrêt du 3 octobre 1985, FKF (affaire 154/84, Rec. p. 3165).
(7) - Arrêt Salumi II, précité (voir références dans la note précédente) et affaire 113/81, arrêt du 27 mai 1982, Reichelt (Rec. p. 1957).
(8) - Est sans pertinence, à notre sens, le renvoi opéré par les requérantes aux conclusions de l' avocat général Lenz du 22 septembre 1988 dans l' affaire 148/87 Frydendahl Pedersen (Rec. p. 4993), qui concernait les mêmes règles que celles en cause dans les présentes affaires. La Cour n' a pas eu l' occasion de statuer sur la question de savoir si le règlement d' application de 1986 avait un effet rétroactif. Ce point avait en revanche été envisagé par la Commission et l' avocat général Lenz. L' affaire Frydendahl Pedersen se différencie sur un point essentiel des présentes affaires, à savoir qu' elle avait trait à une demande présentée à la Commission avant l' entrée en vigueur du règlement d' application de 1986. La requérante avait fait valoir que le règlement d' application de 1986 était illégal pour autant qu' il s' appliquerait avec effet rétroactif à l' ensemble des demandes n' ayant pas encore fait l' objet d' une décision au 1er janvier 1987. La Commission et l' avocat général Lenz étaient en principe d' accord avec la requérante pour considérer que les nouvelles règles du règlement d' application de 1986 n' avaient pas d' effet rétroactif en l' espèce; ils considéraient en effet que les nouvelles règles n' affectaient pas le traitement des demandes déjà présentées à la Commission antérieurement à l' entrée en vigueur du règlement.
(9) - Arrêt du 13 novembre 1984 (affaires jointes 98/83 et 220/83, Rec. p. 3763).
(10) - Arrêt du 12 mars 1987 (affaires jointes 244/85 et 245/85, Rec. p. 1303).
(11) - JOCE 1980, L 347, p. 73.
(12) - Affaire 294/81, Rec. p. 911.
(13) - Voir point 9 des motifs dans l' affaire Van Gend & Loos/Bosman et point 17 des motifs dans l' arrêt Control Data.
(14) - Le premier arrêt a été rendu dans l' affaire 49/88, Rec. I, p. 3187, et le second dans les affaires jointes C-48/90 et 66/90, Rec. p. I-0000.