61991C0109

Conclusions jointes de l'Avocat général Van Gerven présentées le 28 avril 1993. - Gerardus Cornelis Ten Oever contre Stichting Bedrijfspensioenfonds voor het Glazenwassers- en Schoonmaakbedrijf. - Demande de décision préjudicielle: Kantongerecht Utrecht - Pays-Bas. - Egalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins - Pension de survie - Limitation des effets dans le temps de l'arrêt C-262/88, Barber. - Affaire C-109/91. - Michael Moroni contre Collo GmbH. - Demande de décision préjudicielle: Arbeitsgericht Bonn - Allemagne. - Egalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins - Pensions professionnelles - Limitation des effets dans le temps de l'arrêt C-262/88, Barber. - Affaire C-110/91. - David Neath contre Hugh Steeper Ltd. - Demande de décision préjudicielle: Industrial Tribunal, Leeds - Royaume-Uni. - Egalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins - Pensions professionnelles - Utilisation de facteurs actuariels différenciés selon le sexe - Limitation des effets dans le temps de l'arrêt C-262/88, Barber. - Affaire C-152/91. - Coloroll Pension Trustees Ltd contre James Richard Russell, Daniel Mangham, Gerald Robert Parker, Robert Sharp, Joan Fuller, Judith Ann Broughton et Coloroll Group plc. - Demande de décision préjudicielle: High Court of Justice, Chancery Division - Royaume-Uni. - Egalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins - Pensions professionnelles - Utilisation de facteurs actuariels différenciés selon le sexe - Limitation des effets dans le temps de l'arrêt C-262/88, Barber. - Affaire C-200/91.

Recueil de jurisprudence 1993 page I-04879
édition spéciale suédoise page I-00341
édition spéciale finnoise page I-00375


Conclusions de l'avocat général


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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. Dans les présentes affaires, une série de questions préjudicielles sont posées à la Cour, relatives à l' interprétation de l' article 119 du traité CEE, en particulier eu égard à l' arrêt du 17 mai 1990, Barber (1). Dans l' affaire Moroni (C-110/91), un certain nombre de questions d' interprétation sont en outre posées, qui concernent le rapport entre la disposition et l' arrêt précités, d' une part, et, d' autre part, la directive 86/378/CEE du Conseil, du 24 juillet 1986, relative à la mise en oeuvre du principe de l' égalité de traitement entre hommes et femmes dans les régimes professionnels de sécurité sociale (2).

2. Étant donné l' ampleur et la complexité des questions posées et des observations introduites devant la Cour, nous nous proposons de procéder de la manière suivante. Nous examinerons tout d' abord la question la plus cruciale à notre avis, qui constitue en quelque sorte le fil conducteur de ces affaires, soit la question de la portée précise dans le temps des effets de l' arrêt Barber. En outre, nous examinerons la question de savoir si cet arrêt, ainsi que la limitation dans le temps qu' il comporte, s' appliquent également à d' autres régimes de pension que celui dont il était question dans ledit arrêt. Ensuite, nous examinerons la question, soulevée en particulier dans les affaires Neath (C-152/91) et Coloroll (C-200/91), relative à la compatibilité avec l' article 119 de l' utilisation, pour le calcul des contributions et des prestations de pension, d' éléments de calculs actuariels fondés sur le sexe. Enfin, nous aborderons un certain nombre d' autres questions posées dans les présentes affaires, à savoir (i) la question de savoir si le versement d' une pension de veuf est visé par l' article 119 (question posée dans l' affaire Ten Oever, C-109/91); (ii) la possibilité, pour le conjoint du travailleur décédé, d' invoquer l' article 119, et ceci contre les trustees d' un régime de pensions (une des questions essentielles posées dans l' affaire Coloroll) et (iii) un certain nombre de questions relatives aux modalités concrètes et à la responsabilité liées à la mise en oeuvre du principe d' égalité de traitement, inscrit à l' article 119, dans le domaine des régimes professionnels de pensions (de nouveau dans l' affaire Coloroll).

Préalablement, il est toutefois utile de rappeler succinctement l' arrêt Barber et de décrire les antécédents des différents litiges au principal, pour autant que ceux-ci présentent un intérêt aux fins des présentes conclusions.

La jurisprudence de la Cour relative à l' article 119 du traité CEE et l' arrêt Barber

3. Il est constant que l' article 119 du traité comporte, pour les États membres, l' obligation de garantir le principe de l' égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins pour un même travail. Le deuxième alinéa de cette même disposition définit la "rémunération" comme "le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l' employeur au travailleur en raison de l' emploi de ce dernier". Depuis l' arrêt Defrenne I, la Cour a développé une large interprétation de la notion de rémunération ainsi définie: cette notion s' étend

"à tous les avantages, en espèces ou en nature, actuels ou futurs, pourvu qu' ils soient payés, fût-ce indirectement, par l' employeur au travailleur en raison de l' emploi de ce dernier" (3).

En outre, dans l' arrêt Defrenne II, la Cour a ajouté que l' article 119

"s' applique directement, et sans nécessité de mesures d' application plus détaillées de la part de la Communauté ou des États membres, à toutes formes de discriminations directes et ouvertes, susceptibles d' être constatées à l' aide des seuls critères d' identité de travail et d' égalité de rémunération retenus par l' article cité" (4).

S' agissant de l' interprétation du terme "avantages" au sens de l' article 119, dans l' arrêt Defrenne I, la Cour a considéré que, bien qu' ils ne soient pas en principe totalement étrangers à la notion de rémunération, les régimes ou prestations de sécurité sociale, notamment les pensions de retraite, ne sont pas visés par ladite notion d' "avantages". La Cour en est arrivée à cette conclusion en se fondant sur les caractéristiques suivantes des régimes de sécurité sociale: (i) ils sont directement réglés par la loi à l' exclusion de tout élément de concertation au sein de l' entreprise ou de la branche professionnelle intéressée et obligatoirement applicables à des catégories générales de travailleurs; et (ii) ils assurent aux travailleurs le bénéfice d' un système légal au financement duquel travailleurs, employeurs et éventuellement les pouvoirs publics contribuent dans une mesure qui est plus fonction de considérations de politique sociale que du rapport d' emploi entre employeur et travailleur, de sorte que la part incombant aux employeurs dans le financement de ces régimes ne saurait être considérée comme constituant un paiement direct ou indirect au travailleur au sens de l' article 119 (5). Toutefois, dans l' arrêt du 13 mai 1986, Bilka, en appliquant ces critères, la Cour en est arrivée à qualifier d' avantages au sens de l' article 119 des prestations dans le cadre d' un régime de pensions d' entreprise qui trouvait sa source dans un accord, intervenu entre l' employeur et le conseil d' entreprise et faisait partie intégrante des contrats de travail (6).

4. Dans l' arrêt Barber, la Cour devait statuer sur un régime de pensions conventionnellement exclu ("contracted-out"), approuvé en vertu de la législation britannique, c' est-à-dire un régime professionnel de pensions qui est institué soit en concertation entre partenaires sociaux, soit par une décision unilatérale de l' employeur, dont le financement est assuré entièrement par l' employeur ou à la fois par ce dernier et par les travailleurs et auquel les travailleurs peuvent s' affilier à titre de substitution partielle de leur pension légale. La Cour a déduit des principes qui précèdent que

"les pensions versées par les régimes conventionnellement exclus constituent bien des avantages payés par l' employeur au travailleur en raison de l' emploi de ce dernier et [que], par conséquent, elles relèvent du champ d' application de l' article 119 du traité" (7).

Interrogée sur la compatibilité avec l' article 119 d' un régime dans lequel un homme licencié pour cause économique ne peut prétendre qu' à une pension avec paiement différé, à l' âge normal de la retraite, alors qu' une femme se trouvant dans les mêmes conditions, perçoit une pension de retraite immédiate, la Cour a répondu par la négative. Le motif donné par la Cour, au point 32 de son arrêt, en est le suivant:

"l' article 119 interdit toute discrimination en matière de rémunération entre travailleurs masculins et travailleurs féminins, quel que soit le mécanisme qui détermine cette inégalité. Dès lors, la fixation d' une condition d' âge différente selon le sexe pour les pensions versées dans le cadre d' un régime conventionnellement exclu est contraire à l' article 119, même si la différence entre les âges de retraite des hommes et des femmes est alignée sur celle prévue par le régime légal national."

5. Toutefois, la Cour était consciente des conséquences financières significatives de son arrêt. En outre, elle estimait que, étant donné les exceptions au principe de l' égalité de traitement en ce qui concerne l' âge de la retraite, prévues dans les directives 79/7/CEE (8) et 86/378/CEE (9), les États membres ont pu raisonnablement estimer que l' article 119 ne s' appliquait pas à des pensions versées par des régimes conventionnellement exclus. Telles sont les deux raisons pour lesquelles la Cour a décidé de limiter dans le temps l' effet de son arrêt:

"Dans ces conditions, des considérations impérieuses de sécurité juridique s' opposent à ce que des situations juridiques qui ont épuisé leurs effets dans le passé soient remises en cause, alors que, dans un tel cas, l' équilibre financier de nombre de régimes de pensions conventionnellement exclus risquerait d' être rétroactivement bouleversé. Il convient, toutefois, d' aménager une exception en faveur des personnes qui auraient pris en temps utile des initiatives en vue de sauvegarder leurs droits. Il y a lieu, enfin, de préciser qu' aucune limitation des effets de ladite interprétation ne peut être admise pour ce qui concerne l' ouverture du droit à une pension à partir de la date du présent arrêt" (10).

La Cour a donc décidé que

"l' effet direct de l' article 119 du traité ne peut être invoqué pour demander l' ouverture, avec effet à une date antérieure à celle du présent arrêt, d' un droit à pension, exception faite pour les travailleurs ou leurs ayants droit qui ont, avant cette date, engagé une action en justice ou soulevé une réclamation équivalente selon le droit national applicable" (11).

C' est autour des expressions "des situations juridiques qui ont épuisé leurs effets dans le passé", "l' ouverture du droit à pension à partir de la date du présent arrêt" et "l' ouverture, avec effet à une date antérieure à celle du présent arrêt, d' un droit à pension" que tourne la problématique de la limitation dans le temps des effets de l' arrêt Barber, sur laquelle portent les présentes affaires.

Antécédents des présentes affaires

6. L' affaire Ten Oever. M. Ten Oever était marié avec Mme F. Heeren, qui avait travaillé dans le secteur du nettoyage. L' employeur de Mme Heeren l' avait affiliée à un régime de pensions géré par la Stichting Bedrijfspensioenfonds voor het Glazenwassers- en Schoonmaakbedrijf (ci-après: "la Stichting"). Il s' agit d' un régime collectif professionnel de pensions financé par les employeurs et les travailleurs. Jusqu' au 1er janvier 1989, le règlement en matière de pension de la Stichting ne prévoyait que des pensions de veuves; depuis cette date, il prévoit également l' octroi de pensions de veufs, toutefois sans rétroactivité. Après que son épouse fut décédée le 13 octobre 1988, M. Ten Oever a sollicité - selon l' ordonnance de renvoi, à une date antérieure au 17 mai 1990 - l' octroi d' une pension de survie prenant effet le 13 octobre 1988. La Stichting a rejeté cette demande, en arguant du fait qu' au moment du décès, une telle pension n' était pas prévue par le règlement du régime.

Le 8 juin 1990, M. Ten Oever a introduit une action devant le kantonrechter te Utrecht, afin que celui-ci ordonne qu' une pension de veuf lui soit accordée à partir du 13 octobre 1988. Selon M. Ten Oever, une telle pension fait partie de la rémunération au sens de l' article 119 du traité et le refus d' accorder une pension de veuf - qui, s' il était une femme et si son épouse était un homme, lui serait versée en tant que pension de veuve - est contraire au principe de l' égalité de rémunération entre les hommes et les femmes, inscrit dans cette disposition. En revanche, la Stichting invoque la limitation dans le temps des effets de l' arrêt Barber, dans lequel, pour la première fois, la Cour aurait estimé que des versements au titre de régimes de pensions extra-légaux revêtent le caractère d' une rémunération. Étant donné que, selon la Stichting, à l' époque de l' arrêt Barber, la procédure n' avait pas encore été engagée, M. Ten Oever n' aurait pas droit à la pension.

Le kantonrechter a considéré qu' il était souhaitable de poser à la Cour des questions préjudicielles portant sur ces problèmes (12).

7. L' affaire Moroni. M. Moroni (né en 1948) était un travailleur employé par la société Collo GmbH de 1968 à 1983. En 1983, il est entré au service d' un autre employeur. Lors de son embauche par Collo, il avait obtenu un engagement en matière de pension au titre du régime de pensions de cette entreprise, qui prévoyait entre autres que les travailleurs salariés obtiendraient le droit à la pension si, après avoir atteint l' âge de 65 ans (pour les femmes, après avoir atteint l' âge de 60 ans), ils quittaient l' entreprise et la vie professionnelle, pour autant que, à cette époque, ils aient été employés pendant au moins dix ans par Collo. Le 6 novembre 1990, M. Moroni a saisi l' Arbeitsgericht Bonn de son litige avec Collo. En invoquant l' article 119 du traité CEE et les articles 5 et 6 de la directive 83/378/CEE, il prétend que la pension d' entreprise qui lui a été promise doit lui être versée dès après qu' il a atteint l' âge de 60 ans et que la valeur des points de retraite qu' il a acquis doit être calculée comme si le versement de la pension lui avait été promis dès après qu' il aurait atteint l' âge de 60 ans. En revanche, Collo invoque l' article 8 de la directive précitée. Estimant que l' issue du litige dépend de l' interprétation qu' il convient de donner aux dispositions concernées de droit communautaire, l' Arbeitsgericht Bonn soumet à la Cour un certain nombre de questions préjudicielles (13).

Il convient de décrire la législation allemande pertinente. Selon cette législation, M. Moroni a acquis vis-à-vis de Collo, malgré son départ anticipé, sur le fondement de son lien d' emploi et de l' époque à laquelle, avant de quitter l' entreprise, il a reçu l' engagement en matière de pension, des points de retraite ("Versorgungsanwartschaft") non susceptibles de déchéance qui, s' agissant de la pension de vieillesse contestée, engendrent des droits à pension ("Versorgungsanspruch") à l' âge de 65 ans (14). En cas de départ anticipé de l' entreprise, le calcul de ce droit s' effectue de la manière suivante: la pension d' entreprise qui serait due s' il avait atteint l' âge de 65 ans dans l' entreprise, est proportionnellement diminuée en fonction de la durée réelle du lien d' emploi par rapport à la durée que ce lien d' emploi aurait eue jusqu' à la fin de sa 65ème année (15). En revanche, un travailleur féminin ayant acquis des points de retraite non susceptibles de déchéance subit, en cas de départ anticipé, en vertu du régime de pensions de Collo, une réduction proportionnellement moindre dans le calcul de ses droits à pension: s' agissant de la durée possible du lien d' emploi, on ne fait entrer en ligne de compte, dans son cas, que la période qui expire à l' âge de 60 ans (moment auquel elle peut cesser de travailler sans que cela n' entraîne de diminution de la pension).

Selon la législation allemande, M. Moroni possède en outre la possibilité de demander l' ouverture du droit à pension d' entreprise obtenu chez Collo anticipativement, soit avant la fin de sa 65ème année (et au plus tôt, la fin de sa 60ème année) (16). Toutefois, à cet effet, les travailleurs masculins se voient imposer la condition selon laquelle ils puissent faire valoir leur droit à la retraite dans le cadre du régime légal et qu' ils le fassent effectivement ce qui, outre l' accomplissement de certaines périodes d' assurance dans le cadre du régime légal d' assurance vieillesse, suppose en général une période relativement longue de chômage avant l' âge de 60 ans. Cette condition ne s' applique pas aux travailleurs féminins (17). En outre, aux fins d' obtenir l' ouverture anticipée de ses droits à pension, M. Moroni doit, de surcroît, consentir à une réduction supplémentaire: outre la réduction proportionnelle au prorata de l' ancienneté dont il est question ci-dessus, le travailleur masculin doit accepter ce qu' il est convenu d' appeler un abattement actuariel ("versicherungsmathematischer Abschlag"). En revanche, un travailleur féminin qui a accompli les périodes d' assurance requises par le régime légal de retraite, peut, sans difficultés, faire liquider sa pension de vieillesse anticipée: en cas de départ anticipé de l' entreprise avec des points de retraite non susceptibles de déchéance, elle ne doit consentir qu' à la réduction qui en découle et ni à une réduction proportionnelle, ni à l' abattement actuariel pour cause de départ anticipé à la retraite.

Ce traitement des hommes et des femmes dans le régime professionnel de pensions, correspond au régime légal de la pension de vieillesse qui lui a servi de modèle (18).

8. L' affaire Neath. M. Neath (né en 1935) a été employé depuis 1973 par Hugh Steeper Ltd jusqu' à ce qu' il soit licencié pour raisons économiques le 29 juin 1990, soit après l' arrêt Barber. A ce moment, il était âgé de 54 ans et 11 mois. Pendant cette période, M. Neath avait été successivement affilié à deux régimes professionnels de pensions gérés par Hugh Steeper. Entre décembre 1975 et décembre 1978, il avait été affilié au régime de pensions n 5; depuis janvier 1979 jusqu' à son licenciement, il avait été affilié au régime de pensions n 4, un régime conventionnellement exclu, auquel les droits qu' il avait acquis dans le cadre du premier régime avaient été transférés.

Ces deux régimes sont financés par des cotisations de l' employeur ainsi que des travailleurs, le montant des cotisations versées par ces derniers étant le même pour les hommes et pour les femmes. Toutefois, certaines modalités des régimes différaient en fonction du sexe du travailleur. Ainsi, une femme pouvait prendre sa retraite avec une pension d' entreprise complète à l' âge de 60 ans, alors qu' un homme ne pouvait le faire qu' à l' âge de 65 ans.

Un affilié au régime de pensions n 4 pouvait, avec le consentement de l' employeur et des trustees de ce régime de pensions, prendre une retraite anticipée, prenant cours immédiatement, à tout moment suivant son 50ème anniversaire. Si ledit consentement est donné, la pension est calculée en fonction de la pension que l' affilié aurait reçue à la date normale du départ en retraite, en tenant compte toutefois de la durée du versement de la pension anticipée. A cet effet, on applique une réduction de 6 % pour chaque année et pour chaque mois entre la date effective du départ en retraite et l' âge normal de la retraite. Si l' employeur et les trustees n' autorisent pas un affilié à prendre sa retraite anticipée, l' affilié quittant ce régime n 4 après son 50ème anniversaire et avant la date normale de la retraite n' a droit qu' à une pension différée ou à un transfert de ses droits acquis à un autre régime de pensions. S' il opte pour une pension différée, le régime de pensions n 4 lui est redevable de la partie de la pension qui a été constituée au cours de son affiliation audit régime. En revanche, si l' affilié opte pour un transfert des droits acquis, un montant actuariel égal à la somme qu' il a constituée pendant son affiliation au régime de pensions n 4 est transféré à un autre régime de pensions de son choix. Cela implique que le régime de pensions n 4 n' est plus tenu de verser des prestations à cette personne.

Lorsque M. Neath a été licencié, l' autorisation nécessaire pour qu' il prenne immédiatement sa retraite ne lui a pas été accordée; il lui restait dès lors à choisir entre une pension différée et un transfert de ses droits. Il lui a été précisé que, s' il optait pour un transfert de ses droits, une somme de 30.672,50 UKL serait transférée. Le calcul de cette valeur de transfert a été effectué en supposant que la date normale du départ en retraite de M. Neath, pour des prestations au titre d' une activité accomplie après le 17 mai 1990 (c' est-à-dire après l' arrêt Barber), serait l' âge de 60 ans. En revanche, on a considéré que l' arrêt Barber ne s' appliquait pas aux périodes d' emploi précédant la date de l' arrêt. En outre, on est parti du principe selon lequel l' article 119 du traité ne s' opposait pas à l' utilisation d' éléments de calculs actuariels. Il résulte des calculs de l' actuaire en ce qui concerne le régime de pensions n 4 que si, pour le calcul des prestations de M. Neath pour toute sa période d' occupation, on se fondait sur la date normale de retraite de 60 ans, la valeur de transfert de ses droits se serait élevée à 39.934,56 UKL en utilisant les facteurs de calculs actuariels définis pour les hommes. Si l' on utilisait les facteurs de calculs actuariels définis pour les femmes, la valeur de transfert de ses droits s' élèverait à 41.486,25 UKL: cette différence s' explique par le fait que ces derniers éléments de calculs se fondent sur une espérance de vie plus longue pour les femmes, de sorte que les coûts qui, pour le régime de pensions n 4, sont liés aux prestations destinées aux femmes sont considérés comme étant plus élevés que ceux relatifs aux hommes.

Après que les options qui lui étaient offertes lui ont été exposées, M. Neath a assigné Steeper devant l' Industrial Tribunal Leeds, au motif que les conditions qui lui étaient offertes étaient moins favorables que celles qui seraient offertes à une femme dans les mêmes conditions. En ce qui concerne la possibilité de choisir une pension différée, il devrait attendre cinq ans de plus pour obtenir celle-ci par rapport au cas d' une femme; s' il voulait faire valoir à ce moment son droit d' échanger une partie de sa pension contre une prestation en capital, il recevrait une somme inférieure (17.193,94 UKL) à celle que recevrait une femme dans une situation similaire (21.029,02 UKL). Cette différence serait à nouveau fondée sur des éléments de calculs actuariels qui supposent une espérance de vie plus longue pour les femmes. M. Neath estime que ces différences sont contraires à l' article 119 du traité, tel que celui-ci est interprété par la Cour dans l' affaire Barber. L' Industrial Tribunal a décidé de consulter la Cour à ce sujet (19).

9. L' affaire Coloroll. La procédure au principal dans cette affaire a pour origine l' effondrement financier, au milieu de l' année 1990, du Coloroll Group of Companies, et la nécessité, qui en a découlé, de liquider certains régimes de pensions de ces entreprises. Il ne s' agit pas d' un litige classique, mais d' une procédure d' intérêt collectif (ce qu' il est convenu d' appeler, en anglais, "representative action"), que Coloroll Pension Trustees Ltd (ci-après "les Coloroll Trustees"), à l' heure actuelle encore trustee de huit régimes de pensions du Coloroll Group, a introduites devant la High Court. Elle souhaite obtenir de la High Court des instructions sur des sujets qui relèvent du pouvoir de contrôle en matière de trusts de cette juridiction. Les "parties défenderesses" dans la procédure au principal sont un certain nombre de personnes choisies par les trustees de Coloroll, qui sont représentatives des différents intérêts et points de vue (20).

Les trustees de Coloroll se trouvent confrontés à toute une série d' éléments qui peuvent influencer leurs décisions relatives à la liquidation des régimes de pensions. Tous ces régimes prévoient des règles différentes selon qu' il s' agit d' hommes ou de femmes. La différence la plus importante consiste dans le fait que tous les régimes de pensions prévoient comme date normale du départ en retraite pour les hommes l' âge de 65 ans et pour les femmes l' âge de 60 ans, soit les âges auxquels, au Royaume-Uni, la pension d' État est due. Il en résulte que des montants de pensions différents sont dus à des travailleurs masculins et féminins du même âge et ayant le même nombre d' années d' activité. En outre, lorsqu' une prestation de substitution est accordée sur le fondement d' une capitalisation des droits à pension, on recourt à des éléments de calculs actuariels qui, en raison des différences dans l' espérance de vie et la date de départ à la retraite des hommes et des femmes, produisent pour eux des résultats différents. Enfin, deux des régimes de retraite présentent une caractéristique particulière, en ce sens qu' ils ne comportent pas de travailleurs affiliés du sexe féminin; toutefois, même dans ce cas, les facteurs de calculs précités, liés au sexe, influencent les prestations dues à certains travailleurs masculins.

Il résulte de ces différences de traitement fondées sur le sexe que les trustees de Coloroll ne sont pas en mesure de déterminer de manière définitive les obligations dont ils sont tenus d' assurer l' exécution à la liquidation des régimes de retraite. Ils craignent en particulier que les règles de répartition prévues par les actes constitutifs des trusts et les règles des régimes de retraite ne puissent, dans certains cas, être écartées par l' article 119 du traité CEE. Aussi longtemps que la Cour n' a pas précisé dans quelle mesure cet article s' applique en l' espèce, selon les trustees de Coloroll, on ne peut pas dire avec certitude comment les fonds doivent être répartis. Dans cette perspective, le Chancery Division de la High Court pose une série de questions à la Cour (21).

L' effet dans le temps de l' arrêt Barber

10. Les interprétations possibles. Comme on l' a exposé, la question-clé posée dans les présentes affaires concerne l' incidence précise dans le temps de l' arrêt Barber. Il ressort des observations formulées devant la Cour que l' importance pratique de la réponse à cette question est énorme. Nous nous consacrerons dès lors immédiatement à l' examen du noeud du problème. Apparemment, il existe quatre interprétations possibles de la limitation que la Cour a voulu apporter à l' effet dans le temps de l' arrêt Barber.

Une première interprétation consisterait à n' appliquer le principe de l' égalité de traitement qu' aux travailleurs qui, à partir du 17 mai 1990, sont devenus membres d' un régime professionnel de pensions et ont commencé à effectuer des versements à ce régime. Cette optique enlève à l' arrêt Barber pratiquement tout effet rétroactif. Elle aboutit, dans la pratique, à ce que l' arrêt ne produise son plein effet que dans une quarantaine d' années.

Une deuxième interprétation consiste à n' appliquer le principe de l' égalité de traitement qu' aux prestations qui sont dues au titre de périodes d' activité postérieures au 17 mai 1990. Les périodes précédant cette date ne seraient pas affectées par l' effet direct de l' article 119.

Selon une troisième interprétation, le principe de l' égalité de traitement doit être appliqué à toutes les pensions qui sont exigibles ou qui sont servies pour la première fois après le 17 mai 1990, que ce soit la totalité de la pension ou une partie de la pension qui ait été constituée pendant des périodes de travail précédant cette date ou au moyen de cotisations versées avant cette date. En d' autres termes, ce ne sont pas les périodes d' activité (antérieures ou postérieures à l' arrêt Barber) mais la date à laquelle s' ouvre la pension qui joue un rôle décisif.

Une quatrième interprétation réside dans l' application de l' égalité de traitement à toutes les prestations de pension servies après le 17 mai 1990, y compris les prestations relatives à des pensions dont la date d' ouverture est antérieure à cette date et en l' occurrence également, comme dans l' interprétation précédente, quelle que soit la date des périodes d' activité pendant lesquelles la pension a été constituée. Cette interprétation est incontestablement celle dont la portée est la plus radicale (22).

11. Les débats devant la Cour ont surtout porté sur la deuxième et la quatrième interprétations. La première conception n' a été préconisée par aucune des parties dans les présentes affaires. La troisième interprétation a été préconisée par la Commission, à l' époque de ses observations écrites dans les affaires Ten Oever, Moroni et Neath. Toutefois, dans ses observations écrites dans l' affaire Coloroll et à l' audience, la Commission s' est ralliée à la deuxième thèse.

A présent, outre la Commission, la deuxième thèse est défendue, devant la Cour, par tous les fonds de pension ou les trustees qui sont intervenus et par tous les États membres qui ont présenté des observations (le Danemark, l' Allemagne, l' Irlande, les Pays-Bas et le Royaume-Uni). Dans l' affaire Coloroll, elle est également reprise par deux parties défenderesses, Mme Broughton et le Coloroll Group.

Quatre parties défenderesses dans la procédure au principal dans l' affaire Coloroll (MM. Russell, Parker, Sharp et Mme Fuller) ont plaidé en faveur de la quatrième thèse.

12. Pour bien situer l' actuelle problématique, il convient d' encore prêter attention au "protocole sur l' article 119 du traité instituant la Communauté européenne", joint en annexe au traité sur l' Union européenne (23) et ce bien que ce traité, signé à Maastricht le 7 février 1992, ne soit pas encore entré en vigueur. Ce protocole est rédigé de la manière suivante:

"Aux fins de l' application de l' article 119, des prestations en vertu d' un régime professionnel de sécurité sociale ne seront pas considérées comme rémunération si et dans la mesure où elles peuvent être attribuées aux périodes d' emploi antérieures au 17 mai 1990, exception faite pour les travailleurs ou leurs ayants droit qui ont, avant cette date, engagé une action en justice ou introduit une réclamation équivalente selon le droit national applicable."

Nous reviendrons plus tard sur la signification de ce protocole pour l' interprétation qu' il convient de donner à l' effet dans le temps de l' arrêt Barber.

13. La jurisprudence de la Cour relative à l' effet dans le temps des arrêts. Avant d' adopter une position en ce qui concerne l' effet dans le temps de l' arrêt Barber, nous estimons qu' il est important de préciser les motifs qui ont amené la Cour à introduire cette limitation dans son arrêt. Il est indéniable qu' il s' agit en l' occurrence d' un procédé inhabituel, eu égard au caractère déclaratoire attaché, en principe, à l' interprétation par la Cour du droit communautaire au titre de l' article 177 du traité (24). La Cour l' a exprimé de la manière suivante, dans les arrêts Salumi et Denkavit Italiana:

"L' interprétation que, dans l' exercice de la compétence que lui confère l' article 177, la Cour de justice donne d' une règle du droit communautaire, éclaire et précise, lorsque besoin en est, la signification et la portée de cette règle, telle qu' elle doit ou aurait dû être comprise et appliquée depuis le moment de sa mise en vigueur. Il en résulte que la règle ainsi interprétée peut et doit être appliquée par le juge même à des rapports juridiques nés et constitués avant l' arrêt statuant sur la demande d' interprétation, si par ailleurs les conditions permettant de porter devant les juridictions compétentes un litige relatif à l' application de ladite règle se trouvent réunies.

Ce n' est qu' à titre exceptionnel que la Cour de justice, ainsi qu' elle l' a reconnu dans son arrêt du 8 avril 1976 (aff. 43/75, Defrenne/Sabena, Rec. 1976, p. 455), pourrait, par application d' un principe général de sécurité juridique inhérent à l' ordre juridique communautaire, en tenant compte des troubles graves que son arrêt pourrait entraîner pour le passé dans les relations juridiques établies de bonne foi, être amenée à limiter la possibilité pour tout intéressé d' invoquer la disposition ainsi interprétée en vue de remettre en cause ces relations juridiques.

Pareille limitation ne saurait toutefois être admise que dans l' arrêt même qui statue sur l' interprétation sollicitée. L' exigence fondamentale d' une application uniforme et générale du droit communautaire implique qu' il appartient à la seule Cour de justice de décider des limitations intratemporelles à apporter à l' interprétation qu' elle donne" (25).

14. Il ressort du passage précité que, dans sa décision de limiter dans le temps la portée d' un arrêt, la Cour se laisse guider par deux considérations principales, à savoir un principe général de sécurité juridique inhérent à l' ordre juridique communautaire et le souci d' éviter que certaines relations juridiques qui ont été établies de bonne foi soient sérieusement compromises par une application rétroactive intégrale de l' arrêt. Toutefois, il convient d' ajouter à cette observation que, ainsi que la Cour l' a confirmé itérativement, le simple fait qu' une décision juridictionnelle entraîne des conséquences pratiques importantes ne constitue pas en soi un motif suffisant pour en compromettre l' application intégrale. La Cour l' a exprimé de la manière suivante dans l' arrêt Blaizot, en se référant à l' arrêt Defrenne II:

"Pour décider s' il y a lieu ou non de limiter la portée d' un arrêt dans le temps, il faut, selon la jurisprudence de la Cour (voir, notamment, l' arrêt du 8 avril 1976, précité), prendre en considération que, si les conséquences pratiques de toute décision juridictionnelle doivent être pesées avec soin, on ne saurait cependant aller jusqu' à infléchir l' objectivité du droit et compromettre son application future en raison des répercussions qu' une décision de justice peut entraîner pour le passé" (26).

15. Il est constant que le principe de la sécurité juridique fait partie intégrante de l' ordre juridique communautaire (27). Cela revient à considérer que la Cour est prête, eu égard à des circonstances particulières, à ne pas remettre en cause des relations juridiques établies dans le passé, bien qu' une précision donnée entre-temps par la Cour eût amené à le faire. Il ressort de la jurisprudence que la Cour reconnaît la bonne foi ou la confiance légitime (28), dans le chef des parties intéressées ou des États membres, comme une circonstance particulière de ce type lorsque l' application rétroactive de la décision juridictionnelle entraîne des problèmes sérieux pour ces parties ou pour des États membres. Une telle bonne foi existe lorsque, lors de l' établissement de relations juridiques, ces parties ou États membres "ont pu raisonnablement estimer" (29) que l' attitude qu' ils ont adoptée était conforme au droit communautaire, comme par exemple lorsque la portée d' une disposition de droit communautaire n' était pas entièrement claire. A fortiori la Cour a-t-elle reconnu la bonne foi dans les cas dans lesquels les institutions communautaires avaient elles-mêmes créé l' apparence d' une validité de droit communautaire, soit en approuvant un acte déterminé de droit communautaire dérivé qui admettait l' existence des pratiques concernées (arrêts Pinna I (30), Barber, Legros), soit en négligeant d' introduire une action au titre de l' article 169 contre l' État membre qui ne respecte pas ses obligations communautaires (Defrenne II, Legros) ou en adoptant une attitude hésitante à l' égard de la question de la compatibilité (arrêt Blaizot).

Si toutefois il est constant que des parties ou des États membres, notamment à la lumière d' une jurisprudence claire et bien connue de la Cour, ne pouvaient nourrir de doutes en ce qui concerne les obligations communautaires qui leur incombent, la condition de bonne foi n' est pas réunie. Ainsi que cela ressort des arrêts Worringham (31) et Essevi et Salengo (32), la Cour ne se voit pas alors obligée de limiter sa décision dans le temps.

16. La bonne foi des intéressés ou des États membres constitue ainsi une circonstance particulière, qui peut justifier la limitation de l' effet dans le temps d' un arrêt, lorsque, en l' absence de limitation dans le temps, des relations de droit établies dans le passé seraient sérieusement compromises. Selon la Cour, un tel problème existe lorsque, au-delà des éléments propres à la procédure, l' arrêt concerné peut entraîner d' importantes conséquences économiques et financières, de caractère général. Ainsi, dans l' arrêt Defrenne II, la Cour a-t-elle montré de la compréhension pour la crainte exprimée par les gouvernements britannique et irlandais, de voir un grand nombre d' entreprises connaître des difficultés financières sérieuses par suite de revendications imprévisibles en matière de rémunération (33). Étant donné notamment la bonne foi (indiquée ci-dessus) des opérateurs économiques, la Cour a considéré que

"dans l' ignorance du niveau global auquel les rémunérations auraient été établies, des considérations impérieuses de sécurité juridique tenant à l' ensemble des intérêts en jeu, tant publics que privés, empêchent en principe de remettre en cause les rémunérations pour des périodes passées;

qu' en conséquence, l' effet direct de l' article 119 ne peut être invoqué à l' appui de revendications relatives à des périodes de rémunération antérieures à la date du présent arrêt, sauf en ce qui concerne les travailleurs qui ont introduit antérieurement un recours en justice ou soulevé une réclamation équivalente" (34).

L' attention de la Cour pour "l' ensemble des intérêts en jeu, tant publics que privés" (35), y compris les conséquences financières sérieuses d' un arrêt pour les parties ou les autorités qui ont agi de bonne foi, ressort également d' un certain nombre d' arrêts récents. Ainsi, dans l' arrêt Blaizot, la Cour a-t-elle tenu compte de la possibilité que sa décision, déclarant incompatibles avec l' article 7 du traité CEE des droits d' inscription complémentaires pour les étudiants universitaires étrangers, "bouleverserait rétroactivement le système de financement de l' enseignement universitaire et serait susceptible d' entraîner des conséquences imprévisibles pour le bon fonctionnement des institutions universitaires" (36). Dans l' arrêt Barber également, la Cour a retenu (voir le passage cité ci-dessus au point 5) que "l' équilibre financier de nombre de régimes de pensions conventionnellement exclus risquerait d' être rétroactivement bouleversé." Récemment encore, dans l' arrêt Legros, dans lequel la Cour a déclaré incompatible avec le traité une taxe levée par les départements français d' outre-mer (ce qu' il est convenu d' appeler l' "octroi de mer"), la Cour s' est montrée disposée à limiter l' effet dans le temps de son arrêt en raison des répercussions financières catastrophiques qu' une exigibilité des taxes indues payées représenterait pour les départements français d' outre-mer:

"Dans ces conditions des considérations impérieuses de sécurité juridique s' opposent à la remise en cause de rapports juridiques qui ont épuisé leurs effets dans le passé, alors que cette remise en cause bouleverserait rétroactivement le système de financement des collectivités locales des DOM français" (37).

17. Explication de l' effet dans le temps de l' arrêt Barber. C' est à la lumière de la jurisprudence mentionnée ci-dessus que doit être lu le passage de l' arrêt Barber concernant la limitation dans le temps des effets de cet arrêt.

Toutefois, au préalable, nous formulerons encore les observations suivantes: aux fins de la problématique présentement examinée, la compréhension de la façon dont les régimes professionnels de pensions (conventionnellement exclus ou complémentaires) sont constitués et gérés, revêt un intérêt décisif. Ainsi que cela ressort des observations déposées par les gouvernements qui sont intervenus devant la Cour et par les régimes de pensions, la plupart de ces régimes de pensions sont caractérisés par la constitution progressive de la pension. Concrètement, le travailleur constitue des droits à pension en fonction des périodes d' activité qu' il a accomplies chez l' employeur concerné. A cette fin, le travailleur et/ou l' employeur versent périodiquement à un fonds de pension privé des cotisations au titre de certaines périodes d' activité (calculées sur la base d' éléments de calculs actuariels) (38).

En droit, ce caractère de constitution progressive de la pension inhérent aux régimes professionnels de pensions impose d' opérer une distinction entre la naissance des droits à pension, en l' occurrence à la suite de la constitution progressive de la pension en fonction des périodes d' activité accomplies, et la survenance de l' exigibilité de ces droits, en l' occurrence lors de l' ouverture de la pension.

Du point de vue financier et économique, l' équilibre de ces régimes professionnels de pensions est fondé, entre autres, sur un certain nombre de prémisses, au nombre desquelles figurent des éléments relatifs à l' âge de la retraite et aux chances de survie des hommes et des femmes (voir ci-dessous, aux points 34 à 39).

18. Il nous paraît que la Cour elle aussi, dans l' arrêt Barber, reconnaît, fût-ce implicitement, la différence entre la constitution et l' ouverture de la pension d' entreprise. C' est ainsi qu' il convient de comprendre la conclusion de la Cour selon laquelle les prestations de pension d' un régime conventionnellement exclu "constituent bien des avantages payés par l' employeur au travailleur en raison de l' emploi de ce dernier" (39). En effet, dans l' optique de l' article 119 du traité CEE, il convient de considérer les prestations dans le cadre d' une pension professionnelle comme une forme de rémunération "différée" que le travailleur a constituée au titre de l' activité qu' il a exercée pour un ou plusieurs employeurs, pendant une période d' activité déterminée.

D' ailleurs, la distinction mentionnée ci-dessus fait comprendre ce que, au point 44 de l' arrêt Barber, la Cour entend viser par "l' ouverture de droits à une pension à partir de la date du présent arrêt". Étant donné que c' est le travail lui-même et, le cas échéant, les cotisations concernées, qui font naître les droits à pension du travailleur et les obligations correspondantes de l' employeur et/ou des régimes de pensions (des trustees de ceux-ci), la Cour vise clairement, en l' occurrence, des périodes d' activité postérieures au 17 mai 1990. Toute discrimination fondée sur le sexe qui intervient après cette date dans ce domaine - notamment en faisant entrer en ligne de compte un âge de la retraite différent aux fins du calcul de cotisations et/ou de prestations dues par suite de ces cotisations - est visée par la prohibition de l' article 119.

19. A notre avis, la distinction entre la constitution de la pension (ou la naissance de droits à pension) et l' ouverture de la pension (ou la survenance de l' exigibilité de droits à pension) est également importante pour une bonne compréhension de ce que la Cour entend préciser au point 44 de l' arrêt Barber, lorsqu' elle estime que "des situations juridiques qui ont épuisé leurs effets dans le passé" ne doivent pas être remises en cause. Il convient surtout d' éviter de lire ce passage littéralement, comme le font certaines parties dans la procédure au principal dans l' affaire Coloroll (en particulier MM. Russell, Parker et Sharp). Si l' on interprète ce passage littéralement, on peut en effet prétendre que les effets d' une pension d' entreprise ne sont totalement épuisés qu' après que la pension a été payée dans sa totalité au travailleur (retraité). Il découlerait d' une telle interprétation que la limitation dans le temps de l' arrêt, décidée par la Cour, ne revêtirait pratiquement aucune signification et que l' effet utile de la limitation apportée par la Cour disparaîtrait très largement (40).

La distinction entre la constitution et l' ouverture de la pension permet également d' apporter des précisions en l' occurrence. Étant donné que c' est l' activité elle-même et, le cas échéant, les cotisations concernées, qui font naître les droits et obligations du travailleur et de l' employeur (et/ou des administrateurs du régime de pensions), on peut raisonnablement admettre que, par l' expression "situations juridiques qui ont épuisé leurs effets dans le passé", la Cour a visé des situations dans lesquelles le droit à pension était déjà acquis au titre de périodes d' activité antérieures à l' arrêt Barber. En effet, la naissance d' un droit à pension sur la base d' une période d' activité expirée donne lieu à une situation juridique dont les effets sont épuisés, en ce sens que le travailleur a définitivement acquis le droit à pension relatif à cette période de travail.

20. La raison pour laquelle la Cour a opté en faveur d' une limitation de son arrêt aux droits à pension tels qu' ils sont compris ci-dessus, peut directement être reliée au souhait exprimé explicitement par la Cour de ne pas bouleverser rétroactivement l' équilibre financier des régimes de pensions conventionnellement exclus. La sécurité juridique implique, dans ce contexte, que l' étendue de ces droits soit déterminée en se fondant sur la règle communautaire qui s' appliquait au moment de la période d' activité sur la base de laquelle ces droits ont été acquis, c' est-à-dire l' article 119 tel qu' il était interprété avant l' arrêt Barber.

Cela ne constitue pas du tout une nouveauté en droit communautaire. On peut mentionner un précédent dans le domaine de la jurisprudence communautaire en matière de régimes de sécurité sociale, à savoir l' arrêt du 12 octobre 1978, Belbouab. Cette affaire se rapportait au règlement (CEE) n 1408/71. Elle concernait un travailleur algérien qui avait joui de la nationalité française avant l' indépendance de l' Algérie et qui avait exercé une activité en France et en Allemagne, en tant que ressortissant français. Lorsqu' il a demandé une pension de mineur en Allemagne, il s' est heurté au refus de faire entrer en ligne de compte les périodes d' assurance accomplies en France, et ce parce qu' il ne remplissait plus la condition de nationalité d' un État membre prévue à l' article 2, paragraphe 1, du règlement. La Cour a réfuté de la manière suivante la prémisse de la juridiction de renvoi, selon laquelle la condition de nationalité prévue par l' article 2, paragraphe 1 du règlement, concernerait la nationalité au moment du dépôt de la demande d' octroi de pension:

"que [la condition de nationalité contenue à l' article 2, paragraphe 1] doit être interprétée - pour respecter le principe de sécurité juridique dont l' un des impératifs exige que toute situation de fait soit normalement, et sauf indication, expresse contraire, appréciée à la lumière des règles de droit qui en sont contemporaines - en ce sens que la qualité de ressortissant de l' un des États membres se situe à l' époque de l' exercice du travail, du versement des cotisations relatives aux périodes d' affiliation et de l' acquisition des droits correspondants" (41).

Dès lors, ce n' est pas le moment où une demande de pension se concrétise qui est décisif pour l' application du règlement (CEE) n 1408/71, et en particulier de la condition de nationalité qu' il comporte, mais les périodes d' activité ou les périodes d' assurance: ce sont les périodes pendant lesquelles les cotisations d' assurance sont payées et, ainsi que le déclare explicitement la Cour dans l' arrêt Belbouab, où les droits correspondants, y compris le droit à une pension légale, sont acquis (42).

L' arrêt Pinna I offre une application analogue du principe de sécurité juridique, cette fois dans le domaine des allocations familiales. Estimant que l' article 73, paragraphe 2, du règlement (CEE) n 1408/71, dans la version alors en vigueur - qui, en matière d' allocations familiales, prévoyait, pour les travailleurs occupés en France, un régime qui dérogeait à celui contenu au paragraphe 1 de cette disposition pour les autres États membres - était nul, la Cour a néanmoins limité l' effet dans le temps de sa décision. Selon la Cour, "des considérations impérieuses de sécurité juridique tenant à l' ensemble des intérêts en jeu, tant publics que privés, empêchent, en principe, de remettre en cause la perception des prestations familiales pour des périodes antérieures au prononcé du présent arrêt" (43). Concrètement, la Cour a considéré que l' invalidité de la disposition concernée ne pouvait être invoquée "à l' appui de revendications relatives à des prestations pour des périodes antérieures à la date du présent arrêt" (44).

21. L' interprétation proposée. Eu égard à ce qui précède, le point 45 des motifs et le point 5 du dispositif de l' arrêt Barber, dans lesquels la Cour déclare que l' article 119 ne peut être invoqué pour "demander l' ouverture, avec effet à une date antérieure à celle du présent arrêt, d' un droit à pension" (ci-dessus, au point 5) doivent être interprétés en ce sens qu' ils visent le droit à pension qui a été acquis au titre de périodes d' activité antérieures à l' arrêt Barber. En d' autres termes, nous optons pour la deuxième interprétation mentionnée ci-dessus (au point 10).

Cette interprétation correspond le mieux à la bonne foi des employeurs et des régimes de pensions d' entreprise. En effet, il convient de faire entrer en ligne de compte leur conviction, selon laquelle des conditions d' âge de la retraite différentes selon le sexe étaient admises. La Cour l' a reconnu expressément dans l' arrêt Barber: à la lumière des exceptions au principe d' égalité de traitement contenues dans les directives 79/7/CEE et 86/378/CEE, les États membres et les "milieux intéressés" ont pu "raisonnablement" estimer "que l' article 119 ne s' appliquait pas à des pensions versées par des régimes conventionnellement exclus et que des exceptions au principe d' égalité entre travailleurs masculins et travailleurs féminins continuaient d' être admises en cette matière" (45).

Le fait qu' il convient de prendre en considération la bonne foi des parties, et en particulier des employeurs et des régimes professionnels de pensions, implique qu' avant l' arrêt Barber, eu égard à la conviction selon laquelle l' article 119 n' était pas applicable, elles pouvaient promettre des pensions et fonder des prestations sur un âge de la retraite différent pour les hommes et pour les femmes. L' équilibre financier des régimes de pensions concernés pouvait donc, avant l' arrêt, s' appuyer sur ce fondement. Ce n' est qu' en ce qui concerne les périodes d' activité postérieures à l' arrêt Barber que les employeurs savaient qu' aux fins de la gestion des régimes professionnels de pensions et du calcul des cotisations dans ce but, il convenait de tenir compte d' un même âge de la retraite pour les hommes et les femmes. Si l' on ne prenait pas en considération leur bonne foi et celle des administrateurs des régimes de pensions, il en résulterait des problèmes financiers sérieux pour les régimes de pensions. Tout cela plaide pour qu' on ne porte pas préjudice aux obligations contractées et aux versements effectués avant la date de l' arrêt Barber (46).

22. Incidemment, nous voudrions signaler que la troisième interprétation, selon laquelle l' ouverture de la pension après le 17 mai 1990 est proposée comme critère décisif (et cela quel que soit le moment auquel se situent les périodes d' activité auxquelles la pension se rapporte) ne saurait, à notre avis, en aucun cas être retenue. Nous pensons qu' il ne serait pas souhaitable de retenir une telle interprétation non seulement étant donné la manière, indiquée ci-dessus, dont les droits à pension sont constitués, mais en outre en raison de l' iniquité manifeste à laquelle cette interprétation aboutirait pour de nombreux travailleurs: aucun travailleur dont la pension d' entreprise n' a été exigible ou servie pour la première fois avant la date précitée ne pourrait se prévaloir du principe de l' égalité de rémunération. Des situations entièrement identiques, qui ne diffèrent que parce qu' elles conduisaient à l' ouverture du droit à prestation avant ou après le 17 mai 1990, seraient alors traitées d' une manière très différente.

Enfin, à notre sens, la quatrième interprétation est trop extrême. En effet, elle ne tient nullement compte de l' équilibre financier des régimes professionnels de pensions, tel que celui-ci a été constitué de bonne foi sur la base des facteurs de calculs qui se fondaient sur un âge différent de la retraite pour les hommes et pour les femmes.

23. L' interprétation, proposée en l' occurrence, de la limitation dans le temps des effets de l' arrêt Barber correspond, pour une bonne part, à celle retenue dans le protocole sur l' article 119 en annexe au traité sur l' Union européenne. D' ailleurs, nous relèverons que, si la Cour adoptait une opinion différente, son point de vue serait en tout cas dépassé aussitôt que le traité sur l' Union européenne sera en vigueur.

En effet, la disposition de l' article 239 du traité est applicable au protocole qui sera annexé au traité CEE: dès que le traité sur l' Union européenne sera entré en vigueur, ce protocole fera partie intégrante du traité CEE. En d' autres termes, il aura la même valeur juridique que les dispositions du traité (47). Nous devons toutefois insister sur le fait que le protocole ne tend pas à apporter de modification à l' article 119 et qu' il ne paraît pas non plus remettre en cause la jurisprudence de la Cour. En effet, l' article B, cinquième tiret, du traité d' Union confirme expressément que l' Union se donne pour objectif "de maintenir intégralement l' acquis communautaire et de le développer", visant ainsi l' ensemble des règles communautaires existantes, telles que celles-ci sont interprétées et appliquées par la Cour (48). Nous ne saurions dès lors voir dans le protocole qu' une définition déclaratoire de la portée donnée à l' article 119 et à la jurisprudence de la Cour (49).

L' arrêt Barber et la limitation dans le temps qu' il prévoit s' appliquent-ils à d' autres régimes professionnels de pensions que celui visé dans cet arrêt?

24. Dans l' affaire Coloroll, la High Court demande à la Cour si la limitation dans le temps de l' arrêt Barber s' étend à d' autres régimes de pension que les régimes de pension conventionnellement exclus dont il était question dans ce dernier arrêt (troisième question), en d' autres termes si cette limitation s' étend également à des pensions complémentaires ou extra-légales et pas seulement à des pensions relevant de régimes conventionnellement exclus. Cette question est également soulevée dans l' affaire Moroni, bien que les questions posées par l' Arbeitsgericht Bonn visent en premier lieu à savoir si l' arrêt Barber, en particulier sur la question de l' incompatibilité avec l' article 119 d' une différence, selon le sexe, de l' âge auquel on peut bénéficier d' une pension (voir ci-dessus, au point 4), est également applicable au régime de pensions dont question dans cette affaire.

25. Les deux questions sont liées et, à notre avis, ont trait surtout à la portée qui doit être donnée à l' arrêt Bilka de 1986. Nous rappellerons que, dans cet arrêt, la Cour a décidé que des prestations dans le cadre d' un régime professionnel de pensions applicable dans une entreprise allemande constituaient des avantages au sens de l' article 119 (voir ci-dessus, au point 3).

Selon les parties défenderesses au principal dans l' affaire Coloroll, à l' exception de Mme Broughton et du Coloroll Group, dans l' arrêt Bilka, qui avait trait à un régime de pensions d' entreprise qui n' était pas un régime conventionnellement exclu, la Cour a visé l' ensemble de la situation relative à ce type de régimes de pensions. En d' autres termes, selon ces parties, cet arrêt ne concernait pas seulement la question de l' exclusion des travailleurs affiliés à des régimes de pensions qui ne sont pas conventionnellement exclus - dont il s' agissait de manière spécifique dans cette affaire - mais il concernait également la question de la date de prise de cours de la pension dans le cadre de ce type de régimes de pensions d' entreprise. Étant donné que, s' agissant de régimes de pensions d' entreprise qui ne sont pas des régimes conventionnellement exclus, la question de la date de prise de cours avait dès lors déjà été traitée dans l' arrêt Bilka et donc longtemps avant l' arrêt Barber, selon ces parties, la limitation dans le temps apportée dans l' arrêt Barber ne doit pas s' appliquer aux régimes de pensions d' entreprise qui ne sont pas conventionnellement exclus.

Mme Broughton, le Coloroll Group, le gouvernement britannique ainsi que, dans l' affaire Moroni, le gouvernement allemand, estiment en revanche que la portée de l' arrêt Bilka est bel et bien limitée à la question de l' exclusion des travailleurs affiliés à des régimes professionnels de pensions qui ne sont pas conventionnellement exclus. Contrairement au gouvernement allemand, les trois autres parties estiment que, s' agissant de la date de prise de cours de la pension, question soulevée de manière spécifique dans cette affaire, l' arrêt Barber, y compris la limitation dans le temps qu' il prévoit, s' applique à tous les régimes professionnels de pensions, aussi bien aux régimes conventionnellement exclus qu' aux régimes qui ne sont pas conventionnellement exclus.

26. Tout comme Mme Broughton, le Coloroll Group et le gouvernement britannique, nous estimons que l' arrêt Barber, y compris la limitation dans le temps qu' il prévoit, est applicable à tous les régimes professionnels de pensions, quel que soit le type dont ils relèvent.

A notre avis, dans l' arrêt Bilka, la Cour ne s' est prononcée que sur la question de savoir si un régime de pensions d' entreprise du type de celui qui était en cause - en l' occurrence un régime de pensions d' entreprise conçu contractuellement et exclusivement financé par l' employeur qui était établi après concertation au sein de l' entreprise concernée - relevait du champ d' application de l' article 119, et sur la question de savoir si l' exclusion des travailleurs à temps partiel (principalement des femmes) d' un tel régime constituait une discrimination contraire à cette disposition. La Cour a répondu aux deux questions par l' affirmative. Ce n' est que dans l' arrêt Barber que la Cour a également abordé le caractère licite d' un âge différent selon le sexe, en ce qui concerne la prise de cours de la pension, dans le cadre de régimes professionnels de pensions (dans ce cas, conventionnellement exclus) (voir ci-dessus au point 4).

Bien que ledit arrêt ait trait à un régime professionnel de pensions conventionnellement exclu, nous estimons que la Cour a traité la question ainsi soulevée dans cette affaire, relative à la date de prise de cours de la pension, en statuant d' une manière générale, valable pour tous les régimes professionnels de pensions et que, par conséquent, la limitation dans le temps prévue dans l' arrêt est également applicable à des régimes de pensions qui ne sont pas conventionnellement exclus. En effet, dans le dispositif de l' arrêt Barber, nous ne trouvons aucun élément étayant une distinction à opérer entre régimes de pension conventionnellement exclus et régimes de pension qui ne sont pas conventionnellement exclus, dès lors que les points 3 et 5 de ce dispositif ne font nullement apparaître une limitation aux seuls régimes professionnels de pensions conventionnellement exclus. En outre, économiquement, une telle distinction conduirait à des distorsions arbitraires entre les régimes de pensions respectifs. Par ailleurs, si, dans l' arrêt Bilka, la Cour s' était également prononcée sur la date de prise de cours de la pension dans le cadre de régimes de pensions qui ne sont pas conventionnellement exclus, à notre avis, elle aurait également limité l' effet dans le temps de cet arrêt plutôt que, comme c' est le cas, de lui donner un effet rétroactif jusqu' au ... 8 avril 1976, c' est-à-dire la date à laquelle la Cour, dans l' arrêt Defrenne II, a reconnu un effet direct à l' article 119 (50). Il résulterait de tout cela que, s' agissant de la date de prise de cours de la pension, l' article 119 serait appliqué avec ou sans rétroactivité de plus de quatorze ans, selon que le régime de pensions professionnel concerné revêt un caractère non conventionnellement exclu ou conventionnellement exclu. Les conséquences financières d' une telle interprétation seraient catastrophiques pour des États membres dans lesquels des régimes de pensions professionnels complémentaires, c' est-à-dire non conventionnellement exclus, sont fréquents. Telle ne saurait avoir été l' intention de la Cour.

L' utilisation d' éléments de calculs actuariels différents selon le sexe est-elle contraire à l' article 119 du traité?

27. Les positions des parties. Les affaires Neath (question 3 sous b)) et Coloroll (question 4) soulèvent la question de savoir si le fait que les prestations servies en vertu d' un régime de pension soient calculées au moyen d' éléments de calculs actuariels, et en particulier d' hypothèses actuarielles relatives à l' espérance de vie différente des hommes et des femmes, qui conduisent à des résultats différents pour les hommes et pour les femmes, est compatible avec l' article 119 du traité CEE.

Les fonds de pension et leurs administrateurs, ainsi que la plupart des États membres qui interviennent, soutiennent que cela est tout à fait normal. Ces éléments de calculs actuariels seraient fondés sur des données statistiques fiables et objectives relatives aux espérances de vie après l' âge de la retraite. Étant donné que ces données varient d' un sexe à l' autre - en moyenne les femmes vivent plus longtemps et dès lors jouissent plus longtemps de leur pension que les hommes - les facteurs actuariels présenteraient un intérêt essentiel pour l' appréciation des engagements assumés par un régime de pensions et, dès lors, pour la structuration du financement de l' ensemble du régime de pensions. Le fait de prendre en compte les données actuarielles - qui constitue par ailleurs une pratique généralement admise dans les régimes (contractuels) d' assurances - exercerait donc une influence directe et pleinement légitime sur le montant des droits qui sont transmissibles à un autre régime ainsi que sur les montants des prestations de remplacement (c' est-à-dire celles prévues pour le cas où un affilié opte pour un capital au lieu d' une pension périodique): dans ce dernier cas, dans des conditions égales pour le surplus, les hommes perçoivent une somme inférieure à celle que perçoivent les femmes.

28. En revanche, la Commission estime que le principe d' égalité de rémunération entre les hommes et les femmes doit être appliqué individuellement et non par catégorie. Le fait qu' en général, les femmes vivent plus longtemps que les hommes, ne revêtirait aucune signification pour l' espérance de vie d' une personne déterminée et on ne saurait admettre qu' une personne soit pénalisée par des hypothèses dont il n' est pas certain qu' elles se révéleront exactes dans son cas spécifique. En outre, il existe de nombreux facteurs de risques qui n' entrent pas en ligne de compte: les risques liés à l' exercice d' une profession, les habitudes en matière de tabagisme, la santé etc. Enfin, s' agissant des régimes de pensions, il n' existerait aucune nécessité technique d' opérer une distinction fondée sur des espérances de vie: certains régimes de pensions, et tous les régimes de pensions d' État, ont recours à un système de compensation des risques qui couvre les différences dans la durée de vie supposée des hommes et des femmes (51). La Cour suprême des États-Unis aurait déclaré qu' une discrimination analogue dans les régimes de pensions était incompatible avec le Civil Rights Act 1964. La Commission en conclut que, étant donné leur incompatibilité avec l' article 119 du traité, ni les employeurs ni les administrateurs ne peuvent invoquer des éléments de calculs actuariels différents pour justifier une réduction proportionnellement plus importante de la pension d' un homme par rapport à celle d' une femme dans le cas d' une prise de retraite anticipée, pour justifier un montant inférieur en capital pour les hommes et pour les femmes, en cas d' option en faveur de cette possibilité, ou pour justifier une mesure différente de réduction de la pension nécessaire pour servir une pension de veuve ou de veuf à un ayant droit. Il en irait de même s' agissant du versement d' une somme en capital aux administrateurs d' un autre régime de pensions après qu' un travailleur a changé d' emploi, ces administrateurs étant également tenus au respect du principe de l' égalité de rémunération à l' égard dudit travailleur. Ce n' est que si le montant en capital est payé à une compagnie d' assurance ou à un autre tiers, totalement étranger à la relation d' emploi et qui n' est donc pas tenu au respect de l' article 119, qu' il ne serait pas interdit à cette entreprise ou à ce tiers d' utiliser des tables de mortalité différentes pour les hommes et pour les femmes.

29. La législation et la jurisprudence communautaires. Avant de formuler notre point de vue, nous allons situer, dans le cadre du droit communautaire, la question des facteurs de calcul actuariels. La législation communautaire comporte la directive 86/378/CEE. Contrairement à la proposition initiale de directive émanant de la Commission, qui interdisait expressément de fixer le montant des prestations ou des taux de cotisation en tenant compte "d' éléments de calculs différents actuariels ou autres en ce qui concerne les phénomènes de morbidité, de mortalité ou d' espérance de vie" (52), la directive contient différentes exceptions à la mise en application du principe de l' égalité de traitement dans les régimes de sécurité sociale d' entreprise et sectoriels, exceptions qui ont trait à l' utilisation d' éléments de calculs actuariels différents selon le sexe. Pour la clarté de l' exposé, nous mentionnerons ci-dessous ces exceptions:

- l' article 9, sous c) dispose que, en dérogation à l' interdiction imposée par l' article 6, paragraphe 1, sous i), premier alinéa, de fixer des niveaux différents en fonction du sexe pour les cotisations des travailleurs, les États membres peuvent différer sur ce point la mise en application du principe de l' égalité de traitement "pour tenir compte des éléments de calculs actuariels différents", et ce au plus tard treize ans à compter de la notification de la directive, c' est-à-dire jusqu' au 30 juillet 1999;

- l' article 6, paragraphe 1, sous h) permet de fixer des niveaux différents selon le sexe pour les prestations dans la mesure nécessaire pour tenir compte d' éléments de calculs actuariels qui sont différents pour les deux sexes dans le cas de prestations définies comme étant fondées sur les cotisations (53);

- selon l' article 6, paragraphe 1, sous i), deuxième alinéa, des niveaux différents selon les sexes peuvent être fixés pour les cotisations des employeurs dans le cas de prestations définies comme étant fondées sur les cotisations (54) "s' il s' agit de rapprocher les montants de ces prestations";

- selon l' article 6, paragraphe 1, sous d), des règles différentes selon le sexe peuvent être fixées, dans la mesure prévue aux points h) et i), pour le remboursement des cotisations quand le travailleur quitte le régime sans avoir rempli les conditions qui lui garantissent un droit différé aux prestations à long terme;

- l' article 6, paragraphe 1, sous j), enfin, permet de prévoir des normes différentes ou des normes applicables seulement aux travailleurs d' un sexe déterminé, dans la mesure prévue aux points h) et i), en ce qui concerne la garantie ou le maintien du droit à des prestations différées quand le travailleur quitte le régime.

La législation communautaire contient dès lors cinq restrictions importantes à la mise en application du principe de l' égalité de traitement, qui ont trait à des facteurs de calculs actuariels, dont quatre ne sont pas limitées dans le temps (55). Elles se rapportent tantôt à des cotisations soit de travailleurs, soit d' employeurs, tantôt au versement de prestations ou au remboursement de cotisations.

30. S' agissant du rapport entre les éléments de calculs actuariels et le principe d' égalité de traitement, il n' existe pas encore de jurisprudence communautaire (56). Il convient une fois de plus de prendre en considération l' arrêt Barber, dans lequel la Cour, dans l' intérêt d' un contrôle juridictionnel efficace du respect du principe d' égalité de traitement (57), a confirmé expressément que

"le principe de l' égalité des rémunérations doit être assuré pour chaque élément de la rémunération, et non pas seulement en fonction d' une appréciation globale des avantages consentis aux travailleurs" (58).

C' est précisément ce passage de l' arrêt que la Commission invoque pour soutenir que le principe de non-discrimination inscrit à l' article 119 s' étend à tous les aspects d' un régime professionnel de pensions, y compris les facteurs de calculs actuariels (59). En outre, selon la Commission, il ne convient pas de faire entrer en ligne de compte les exceptions susmentionnées de la directive 86/378/CEE, étant donné que dans les arrêts Bilka et Barber, la Cour aurait confirmé qu' en ce qui concerne le travailleur, l' article 119 est directement applicable aux conditions d' un régime professionnel de pensions.

31. L' applicabilité de principe de l' interdiction de discrimination. Ainsi, nous nous trouvons directement confronté à la question de la règle de droit communautaire qui s' applique à la problématique dont il est actuellement question, soit l' article 119 du traité, soit la directive 86/378/CEE. La délimitation du champ d' application de la première disposition et de celui des directives du Conseil qui visent à mettre en application le principe de l' égalité de traitement a toujours été délicate à opérer. Exprimé en termes succincts, la jurisprudence de la Cour considère que lorsqu' un litige peut déjà être résolu par l' interprétation de l' article 119, seule cette disposition est pertinente sur le plan du droit communautaire (60). Autrement dit, les directives de mise en application du principe de l' égalité de traitement ne jouent que pour autant qu' elles complètent ou étendent l' effet de l' article 119 (61); cependant, elles ne peuvent en aucune façon modifier ou limiter le contenu ou la portée de cet article (62). La circonstance que, s' agissant de la prise en compte de facteurs de calcul actuariels différents selon le sexe, la directive 86/387/CEE comporte des exceptions au principe de l' égalité de traitement (voir ci-dessus au point 29), ne saurait dès lors constituer un motif pour considérer que ces exceptions seraient également applicables, par analogie, au principe de l' égalité de traitement inscrit à l' article 119. Les exceptions à la portée de l' article 119 doivent découler de cet article lui-même.

32. S' agissant de ce dernier point, soit la portée qu' il convient de conférer à l' interdiction de discrimination inscrite à l' article 119, depuis l' arrêt Defrenne II, la Cour adopte une jurisprudence constante, qui a également été confirmée dans l' arrêt Barber:

"(...) il y a lieu d' établir une distinction, à l' intérieur du champ d' application global de l' article 119, entre, d' une part, les discriminations directes et ouvertes, susceptibles d' être constatées à l' aide des seuls critères d' identité de travail et d' égalité de rémunération retenus par l' article cité, et, d' autre part, les discriminations indirectes et déguisées qui ne peuvent être identifiées qu' en fonction de dispositions d' application plus explicites, de caractère communautaire ou national" (63).

Dès lors, l' applicabilité directe de l' article 119 ne vaut que pour des formes de discrimination qui, déjà en tant que telles, peuvent être établies par la juridiction nationale (64) à l' aide des critères "d' identité de travail" et "d' égalité de rémunération" mentionnés dans cet article (65). Dans l' arrêt Defrenne II, la Cour a précisé que tel est le cas des discriminations décelables par le juge sur la base d' analyses purement juridiques, en l' occurrence celles qui ont leur source dans des dispositions de nature législative ou dans des conventions collectives de travail (66) et des discriminations dans des situations dans lesquelles le juge est en mesure d' établir tous les éléments de fait pour apprécier s' il y a discrimination en matière de rémunération, en l' occurrence dans le cas de rémunérations inégales de travailleurs masculins et de travailleurs féminins pour un même travail, accompli dans un même établissement ou service (public ou privé) (67).

Bien que, selon la Cour, la pleine réalisation des objectifs économiques et sociaux de l' article 119 (68) exige en outre que toutes les autres discriminations fondées sur le sexe soient supprimées, elle considère que des dispositions légales de droit communautaire nationales plus détaillées sont nécessaires:

"qu' on ne saurait méconnaître, en effet, qu' une mise en oeuvre intégrale de l' objectif poursuivi par l' article 119, par l' élimination de toutes discriminations entre travailleurs féminins et travailleurs masculins, directes ou indirectes, dans la perspective non seulement des entreprises individuelles, mais encore de branches entières de l' industrie et même de l' économie globale, peut impliquer, dans certains cas, la détermination de critères dont la mise en oeuvre réclame l' intervention de mesures communautaires et nationales adéquates" (69).

33. Appliquée à la problématique des éléments de calculs actuariels, cette jurisprudence entraîne les conséquences suivantes. Dans certains cas, comme dans l' affaire Moroni (ci-dessus, au point 7), l' inégalité de traitement par suite de l' utilisation de facteurs actuariels différents dans le domaine des prestations (en l' occurrence, en ce qui concerne le droit relatif à une pension anticipée) découle d' un régime légal. Dans d' autres cas, comme dans les affaires Neath (ci-dessus, au point 8) et Coloroll (ci-dessus, au point 9), des différences fondées sur des éléments de calculs actuariels se présentent dans le cadre de transferts de droits ou de prestations en capital par suite des conditions contractuelles des régimes professionnels de pensions en cause, et cela même dans des régimes de pensions auxquels ne sont affiliés que des travailleurs de sexe masculin (affaire Coloroll, au point 9).

Toutefois, dans tous ces cas, la juridiction nationale a la possibilité de constater l' existence d' une inégalité de traitement en se fondant sur une analyse purement juridique: en effet, les éléments de calculs actuariels sont contenus dans une règle légale ou relèvent des conditions d' un régime professionnel de pensions (compris dans l' acte constitutif du trust, dans les statuts ou dans des conditions générales) et ne sont manifestement fondés sur rien d' autre que sur la différence entre hommes et femmes (70). En outre, la discrimination peut être constatée par le juge en fonction des critères de l' identité de travail et de l' égalité de rémunération inscrits à l' article 119: quand la prestation de pension, la prestation en capital ou le transfert de droits auquel un travailleur masculin (ou féminin) peut prétendre est inférieur à ceux auxquels a droit un travailleur féminin (ou masculin), selon la règle adoptée par la jurisprudence de la Cour de justice, il y inégalité de rémunération des travailleurs d' un sexe par rapport à ceux de l' autre sexe (71). Il convient dès lors d' en conclure que le fait de prendre en compte des éléments de calculs actuariels différents selon le sexe, à tout le moins dans la mesure où ceux-ci aboutissent à des contributions ou prestations différentes pour les travailleurs masculins et féminins (voir ci-dessus, au point 34), constitue une inégalité de traitement fondée sur le sexe qui est en principe interdite par l' article 119 (72).

34. Motifs de justification possibles. Néanmoins, se pose la question de savoir si l' on peut indiquer un motif objectif de cette inégalité de traitement, qui soit susceptible de la justifier selon le droit communautaire. De divers côtés, on soutient que l' on pourrait trouver un tel motif de justification dans des différences objectivement définissables d' espérance de vie moyenne entre les hommes et les femmes.

Avant d' aborder ce point, nous voudrions attirer l' attention sur la réserve formulée à la fin du point précédent. De même que les gouvernements britannique et néerlandais, nous estimons que l' utilisation d' éléments de calculs actuariels liés au sexe en vue de l' estimation des engagements financiers d' un régime de pensions n' est pas, en tant que telle, interdite par l' article 119. En d' autres termes, l' article 119 n' interfère pas dans le mode de financement d' un régime professionnel de pensions, pour autant que celui-ci n' aboutisse pas à une inégalité de rémunération des travailleurs d' un sexe par rapport à ceux de l' autre sexe. A la différence du gouvernement britannique - dont le point de vue en la matière s' écarte d' ailleurs de celui du gouvernement néerlandais - nous estimons toutefois que, si l' utilisation de ce type de facteurs actuariels aboutit à des différences dans les contributions des travailleurs et/ou à des différences dans les prestations (73) - que ce soit sous la forme de transfert de droits, de prestation en capital ou de pension réduite dans le cadre d' un départ anticipé à la retraite -, l' article 119 s' applique intégralement (voir ci-dessus, au point 33).

35. Nous en venons donc à la question de savoir si des différences d' espérance de vie moyenne entre hommes et femmes sont susceptibles de justifier l' utilisation de facteurs actuariels fondés sur le sexe aux fins du calcul des cotisations des travailleurs et des prestations dont ils bénéficient dans des régimes professionnels de pensions. Il est exact qu' en tant que groupe, les femmes s' avèrent vivre plus longtemps que les hommes. Il est toutefois également constant que, pris individuellement, tous les hommes et toutes les femmes ne répondent pas aux caractéristiques moyennes du groupe de leur sexe: beaucoup de femmes vivent moins longtemps que la moyenne de vie d' un homme et beaucoup d' hommes vivent plus longtemps que la moyenne de vie d' une femme. La question essentielle qui se pose porte dès lors sur le point de savoir s' il y a discrimination au sens de l' article 119 lorsque des travailleurs masculins et féminins ne sont pas considérés en tant qu' individus, mais en tant que groupe et qu' il en découle une inégalité de traitement pour des travailleurs masculins ou féminins pris individuellement.

A notre avis, il convient de répondre à cette question par l' affirmative: bien que - à la différence de la disposition américaine correspondante, le Civil Rights Act de 1964, qui s' oriente explicitement vers l' égalité de traitement de l' individu, abstraction faite du groupe de personnes d' un même sexe dont il fait partie (74) - l' article 119 impose l' application du principe d' égalité de traitement en termes généraux pour "les travailleurs masculins et les travailleurs féminins", cette règle tend également à considérer le travailleur en tant qu' individu en ce qui concerne son droit à une même rémunération pour un même travail et pas seulement en tant que membre de l' un ou l' autre des groupes de personnes du même sexe (75). En effet, comme la Cour l' a confirmé dans l' arrêt Murphy, l' article 119 se fonde sur le principe qui s' oppose à ce qu' en raison du sexe, une rémunération inférieure soit payée aux travailleurs d' un sexe déterminé accomplissant un travail de valeur égale à celle du travail effectué par les travailleurs du sexe opposé (76). Le seul fait que, en général, les femmes vivent plus longtemps en moyenne que les hommes ne peut dès lors constituer une raison suffisante pour conclure à une différence de traitement dans le domaine des cotisations et des prestations en matière de pensions professionnelles.

36. Nous pouvons également exprimer ce qui précède d' une autre manière. Une inégalité de traitement entre hommes et femmes peut être justifiée et dès lors ne pas constituer une discrimination illicite, lorsque la différence de traitement s' appuie sur des différences objectives qui sont pertinentes, c' est-à-dire qui se rapportent effectivement à l' objet du régime qui comporte une inégalité de traitement. Dans cette perspective, nous pourrions par exemple concevoir que des facteurs qui exercent une influence directe sur l' espérance de vie d' un individu déterminé tels que les risques liés à l' exercice d' une profession déterminée, les comportements en matière de tabagisme, d' alimentation et de boisson etc., devraient être pris en considération, si cela était possible d' un point de vue technique, pour justifier des différences individuelles en matière de cotisations et/ou de prestations. Il en va toutefois différemment s' agissant des différences d' espérance de vie moyennes entre hommes et femmes. Ces différences ne sont pas liées à l' espérance de vie d' un individu déterminé et ne sont donc pas pertinentes pour le calcul des cotisations et/ou des prestations qui peuvent être imputées à cet individu.

37. Le fait que, comme le gouvernement danois le fait observer, il résulte de ce qui précède qu' une redistribution s' impose entre les deux sexes, de telle sorte qu' un sexe "subventionne" en fait les prestations de retraite servies au sexe opposé, ne constitue pas, à notre avis, une objection convaincante. Pour infirmer cette objection, nous nous référons à l' arrêt City of Los Angeles, Department of Water and Power v Manhart de la Cour suprême américaine, dans laquelle ladite Cour suprême a rejeté un argument analogue de la manière suivante:

"(...) quand des risques d' assurance sont regroupés, les meilleurs risques subventionnent toujours les risques plus mauvais. Les personnes en bonne santé subventionnent les prestations médicales pour les personnes en moins bonne santé; les travailleurs célibataires subventionnent les pensions des travailleurs mariés; les personnes qui mangent, boivent ou fument de manière excessive peuvent subventionner les prestations de pension pour des personnes dont les habitudes sont plus sobres. Le fait de traiter différentes catégories de risques comme s' ils étaient les mêmes aux fins d' une assurance de groupe est une pratique commune qui n' a jamais été considérée comme étant intrinsèquement injuste. Le fait d' assurer les personnes à la santé fragile et les personnes en bonne santé comme si elles constituaient des risques équivalents peut être plus fréquent que le fait de traiter des hommes et des femmes d' une manière dissemblable; mais seule l' habitude, et rien d' autre, ne fait paraître l' une de ces 'subventions' moins juste que l' autre." (77)

Le gouvernement danois exprime aussi la crainte que des travailleurs qui se rendent compte que leurs cotisations bénéficient pour partie à des travailleurs du sexe opposé, ne veuillent pas s' affilier à de tels systèmes; cette crainte ne nous paraît pas non plus fondée, à tout le moins dans la mesure où l' on admet que l' interdiction de l' article 119 s' étend à tous les régimes professionnels de pensions, quelle que soit la forme juridique adoptée par ceux-ci (voir également ci-dessous, aux points 62 et 63).

38. Pour justifier l' utilisation d' éléments de calculs actuariels différents selon le sexe aux fins de la détermination des cotisations des travailleurs ou des prestations de pension, certaines parties invoquent la nécessité de maintenir l' équilibre financier des régimes professionnels de pensions. C' est surtout le gouvernement britannique qui essaye de convaincre la Cour de cette nécessité. Son argumentation est la suivante: le fait que les femmes vivent en moyenne plus longtemps que les hommes constitue un élément essentiel de l' estimation du passif financier d' un tel système, étant donné qu' elles sont supposées bénéficier de leur pension pendant une période plus longue que leurs collègues masculins. Il en découle nécessairement, pour un régime, des coûts inégaux selon qu' il s' agit d' hommes ou de femmes, ce qui devrait immanquablement entraîner des conséquences pour le niveau des cotisations. Par ailleurs, le fait d' imposer une méthode neutre sur le plan du sexe pour le calcul du financement requis pour le régime irait à l' encontre de la réalité et affecterait la capacité, pour les actuaires, de formuler un avis sérieux relatif aux engagements d' un régime de pensions ainsi qu' au niveau approprié des cotisations futures.

39. Bien que nous ne puissions pas exclure a priori, étant donné la jurisprudence récente de la Cour, que la nécessité d' un équilibre financier puisse, dans certaines circonstances, justifier un traitement discriminatoire (78), ces arguments ne nous convainquent pas. Nous pouvons difficilement admettre qu' il soit nécessaire, d' un point de vue technique, de tenir compte de facteurs actuariels différents selon le sexe (en particulier, des différences dans l' espérance de vie entre hommes et femmes) pour déterminer les cotisations et les prestations à mettre en oeuvre, dès lors qu' aucun régime public de pensions ne paraît opérer une telle distinction (79) et que certains régimes professionnels de pensions, en particulier dans des pays dans lesquels l' utilisation d' une telle distinction est interdite, ne le font pas non plus (80). Nous pouvons certes comprendre qu' il est important pour un régime de pensions, aux fins de l' estimation des engagements actuels et futurs, de se forger une idée exacte de l' espérance de vie des affiliés au régime. Toutefois, cette observation ne concerne que les méthodes internes de gestion actuarielle qui sont utilisées par les actuaires aux fins de vérifier les moyens qui sont nécessaires pour, en tenant compte de la durée de vie des bénéficiaires de pensions, maintenir l' équilibre financier entre cotisations et prestations. Rien n' empêche les actuaires de tenir compte, aux fins de la définition de cet équilibre, de facteurs actuariels différents selon le sexe (voir ci-dessus, au point 34). Ce que toutefois l' article 119 exige, c' est que la fixation du montant des cotisations et des prestations qui sont soit demandées soit versées aux travailleurs bénéficiaires de pensions -- s' agissant donc des rapports externes du régime avec ses affiliés - s' effectue, pour les hommes et pour les femmes, en se fondant sur les mêmes critères.

Si dès lors nous estimons que la nécessité du maintien de l' équilibre financier des régimes professionnels de pensions ne constitue pas un motif de justification d' un traitement discriminatoire entre les hommes et les femmes dans le domaine des cotisations et des prestations, cette nécessité nous paraît en revanche constituer une raison justifiant une conception large de la limitation dans le temps de l' interprétation proposée, qui sera examinée ci-après et qui, à notre avis, est justifiée. C' est sur cette question que porteront les points suivants.

40. La limitation de l' effet dans le temps de l' interprétation proposée en l' occurrence. Si la Cour souhaite faire sien le point de vue adopté en l' occurrence, il conviendrait de limiter l' effet de cette interprétation dans le temps et d' indiquer de manière aussi précise que possible les modalités de cette limitation.

Telle est également la portée de la question n 4 sous c) posée par la High Court dans l' affaire Coloroll, dans laquelle la High Court demande dans quelle mesure (et en particulier pour quelles périodes) on peut exiger des trustees d' un régime de pensions qu' ils revoient et recalculent les éléments déterminés sur une base actuarielle pour des événements antérieurs au 17 mai 1990.

Pratiquement toutes les parties qui sont intervenues devant la Cour ont pris position en ce qui concerne l' effet dans le temps d' une décision dans laquelle, par hypothèse, la Cour déclarerait l' article 119 applicable à l' utilisation d' éléments de calculs actuariels différents selon le sexe. Nous pouvons résumer leurs positions de la manière suivante.

41. Les gouvernements allemand et britannique soutiennent qu' il convient d' appliquer les mêmes principes que ceux relatifs à l' effet dans le temps de l' arrêt Barber lui-même. Le gouvernement britannique en déduit que les prestations ne seraient à revoir ou à recalculer que dans la mesure où elles correspondent à des périodes d' emploi se situant à partir du 17 mai 1990.

Le gouvernement néerlandais ne propose aucune date mais soutient que les différences actuellement applicables en matière de prestations périodiques à vie en cas de retraite anticipée ou en matière de conversion en un capital unique d' une partie de la pension devraient continuer à exister, pour autant qu' elles aient été constituées au cours de périodes d' activité antérieures à une date à préciser par la Cour ou, du moins, au 17 mai 1990.

Le point de vue adopté par la Commission est moins univoque. Dans l' affaire Neath, elle a suggéré, en partant manifestement du principe selon lequel le problème des facteurs actuariels n' était pas visé par l' arrêt Barber que, si la Cour se range à l' interprétation proposée ci-dessus, elle limite l' effet dans le temps de sa décision dans l' affaire présentement examinée. En revanche, dans ses observations dans l' affaire Coloroll, la Commission estime que le raisonnement adopté dans l' arrêt Barber en ce qui concerne les effets dans le temps dudit arrêt, doit également s' appliquer en ce qui concerne des actions qui contestent une discrimination qui avait semblé être permise sur le fondement de la directive 89/378/CEE. Si la Cour adoptait une autre position, la Commission suggère qu' elle invite les parties à présenter des observations écrites relatives à la limitation dans le temps de sa décision qui soit la mieux adaptée.

42. Tout comme les parties intervenantes précitées, nous estimons que les principes indiqués par la Cour dans l' affaire Barber quant à l' effet dans le temps, tout comme nous l' avons précisé ci-dessus (aux points 17 à 20), doivent s' appliquer. Cela signifie qu' il nous paraît nécessaire, s' agissant également de la problématique des éléments de calculs actuariels, eu égard à des motifs impératifs de sécurité juridique et étant donné la bonne foi des opérateurs économiques et des États membres, de limiter l' effet dans le temps de l' interprétation proposée en l' occurrence. En effet, tant les opérateurs économiques que les États membres pouvaient se fier à l' admissibilité, en droit communautaire, des différences en matière de calculs actuariels utilisées par les régimes professionnels de pensions, eu égard notamment aux exceptions significatives que prévoyait, sur ce point, la directive 86/378/CEE (ci-dessus, au point 29) quant à la mise en application du principe d' égalité de traitement inscrit dans cette directive. Se fiant à ces éléments, les administrateurs des régimes de pensions ont fixé les cotisations réclamées aux travailleurs masculins et aux travailleurs féminins et les prestations qui leur étaient servies, en ce qui concerne des périodes situées dans le passé, en prenant en compte de telles différences actuarielles. Apporter un changement à cette situation, pour le passé, pourrait sérieusement compromettre l' équilibre financier des systèmes.

Plus spécifiquement, s' agissant de la date de la limitation dans le temps à fixer, contrairement au gouvernement britannique, et, semble-t-il, contrairement à la Commission dans ses observations dans l' affaire Coloroll, nous estimons que la Cour ne saurait prendre, en tant que point de référence, l' arrêt Barber, mais la date de l' arrêt dans les présentes affaires. En effet, la décision prise dans l' arrêt Barber se rapportait à une autre problématique, en l' occurrence la question de savoir si l' article 119 permettait l' existence d' un âge différent selon le sexe pour le droit à une pension professionnelle. Ce n' est que dans les présentes affaires, et en particulier dans les affaires Neath et Coloroll, qu' il est demandé à la Cour de prendre position sur la problématique relative aux éléments de calculs actuariels utilisés dans le cadre de ces pensions.

43. Cela nous conduit à conclure de la manière suivante. Étant donné notamment les exceptions prévues par la directive 86/378/CEE, les milieux intéressés pouvaient raisonnablement supposer que l' utilisation de facteurs actuariels différents selon le sexe, en particulier pour la fixation des cotisations réclamées aux travailleurs et des prestations qui leur étaient versées, pouvait être autorisée au titre de l' article 119. Afin d' éviter que des régimes de pensions constitués dans le passé notamment sur le fondement de tels facteurs, puissent être remis en cause, avec toutes les répercussions financières considérables qui peuvent en découler, il convient donc que la Cour limite l' effet de son interprétation aux droits à pension qui correspondent à des périodes d' activités à partir de la date de son arrêt dans les affaires Neath et Coloroll présentement examinées. La seule exception que nous estimons souhaitable en la matière concerne la situation de personnes - travailleurs ou leurs ayants droit - qui, dès avant la date de l' arrêt de la Cour, ont engagé une action en justice ou soulevé une réclamation équivalente selon le droit national applicable.

Le versement d' une pension de veuf est-il visé par l' article 119 du traité?

44. Dans l' affaire Ten Oever, le kantonrechter te Utrecht demande à la Cour si les prestations extra-légales versées à des proches survivants - en l' espèce, le versement d' une pension de veuf - doivent être considérées comme une rémunération ou un avantage au sens de l' article 119.

M. Ten Oever, le gouvernement britannique et la Commission estiment qu' il convient de répondre à cette question par l' affirmative. La Stichting et les gouvernements allemand et néerlandais plaident en revanche en faveur d' une réponse négative.

45. Avant de prendre position, il est nécessaire de décrire les caractéristiques précises de la pension de veuf en cause. Selon le règlement de pension de la Stichting, il s' agit d' une pension qui est servie à l' homme avec lequel l' affiliée de sexe féminin ou l' ancienne affiliée de sexe féminin était mariée au moment de son décès, pourvu que ce mariage ait eu lieu avant le soixante-cinquième anniversaire de la femme dont question (81).

En outre, il ressort des observations du gouvernement néerlandais et de la Stichting qu' il s' agit en l' occurrence d' un régime de pensions d' une caisse de retraite sectorielle qui a été rendu obligatoire aux Pays-Bas pour l' ensemble du secteur professionnel du lavage de vitres et du nettoyage par application de la Wet betreffende verplichte deelneming in een bedrijfspensioenfonds (loi néerlandaise sur l' affiliation obligatoire à une caisse de pensions professionnelle) (82). Pour qu' une telle participation à une caisse de pensions soit rendue obligatoire - ce qui se produit par arrêté ministériel - la loi précitée exige que les organisations considérées comme représentatives d' employeurs et de travailleurs d' un secteur professionnel qui a institué une caisse de pensions introduisent une demande à cet effet (83). Le gouvernement néerlandais précise que le contenu du régime de pensions est déterminé par des négociations collectives entre les organisations de travailleurs et celles d' employeurs; le financement du régime est généralement assuré par une cotisation moyenne payée, comme c' est aussi le cas en l' espèce (voir ci-dessus, au point 6), à la fois par les employeurs et par les travailleurs. Enfin, les modifications de la décision déclarant le régime obligatoire, des statuts et du règlement de la caisse de pensions professionnelle, requièrent l' approbation préalable du ministre compétent.

46. Une telle pension de veuf constitue-t-elle une forme de rémunération au sens de l' article 119 du traité? Selon le gouvernement néerlandais, on peut en douter ou, à tout le moins, cela n' est pas évident: d' une part l' arrêt Barber - qui toutefois ne portait pas sur des prestations en faveur des survivants - paraît indiquer que les régimes professionnels de pensions sont effectivement visés par l' article 119; d' autre part, les prestations en faveur des proches survivants occuperaient cependant une position spécifique dans le droit communautaire dérivé. Le gouvernement néerlandais renvoie, en la matière, à l' article 3, paragraphe 2, de la directive 79/7/CEE, qui exclut expressément les prestations de survivants de l' égalité de traitement dans le régime légal de la sécurité sociale, ainsi qu' à l' article 9, sous b) de la directive 86/378/CEE, qui permet aux États membres de différer la mise en application du principe de l' égalité de traitement en ce qui concerne "les pensions de survivants jusqu' à ce qu' une directive impose le principe de l' égalité de traitement dans les régimes légaux de sécurité sociale sur ce sujet". Selon le gouvernement néerlandais, cette situation particulière des prestations de conjoint survivant a également été confirmée par la proposition de directive complétant la mise en oeuvre du principe de l' égalité de traitement entre hommes et femmes dans les régimes légaux et professionnels de sécurité sociale, que la Commission a présentée au Conseil le 27 octobre 1987 (84). L' article 4 de cette proposition réalise le principe d' égalité de traitement pour les prestations de conjoint survivant (85).

Le gouvernement néerlandais trouve enfin une confirmation de la situation spécifique en droit communautaire des prestations de conjoint survivant dans l' arrêt Newstead de la Cour. Selon la Stichting, dans ce dernier arrêt, la Cour serait partie du principe selon lequel une pension de veuve ne constitue pas un élément de la rémunération au sens de l' article 119.

47. Nous examinerons tout d' abord l' argument que les parties précitées estiment trouver dans l' arrêt Newstead. Cette affaire concernait la compatibilité avec le droit communautaire d' un régime professionnel de pensions britannique (une nouvelle fois du type conventionnellement exclu) qui imposait uniquement aux fonctionnaires masculins l' obligation de verser 1,5 % de leur salaire brut à un fonds de pensions pour veuves. Bien que le salaire brut des fonctionnaires masculins et féminins fût le même, les cotisations concernées entraînaient un salaire net inférieur pour les hommes. Toutefois, un fonctionnaire célibataire, comme M. Newstead, obtenait, lorsqu' il quittait ses fonctions ou en cas de décès, le remboursement de ses cotisations, assorties d' un intérêt pondéré.

La Cour a estimé que l' article 119, lu en combinaison avec la directive 75/117/CEE, ne s' opposait pas à un tel régime (86). La Cour a ajouté, entre autres, que la disparité litigieuse du salaire net résultait, en revanche, d' un prélèvement d' une cotisation à un régime professionnel de retraite. Étant donné que ce régime se substituait au régime légal, la Cour en a conclu qu' une telle cotisation doit, "tout comme une cotisation à un régime légal de sécurité sociale, être regardée comme relevant du champ d' application de l' article 118 du traité, et non de celui de l' article 119" (87).

En deuxième lieu, interrogée quant à la compatibilité du régime avec la directive 76/207/CEE du Conseil (88), la Cour en est venue à constater, en se référant aux articles 3, paragraphe 2 de la directive 79/7/CEE et 9, sous b) de la directive 86/378/CEE, mentionnés ci-dessus (au point 46), qu' aucune des directives adoptées par le Conseil en vue d' assurer la mise en oeuvre progressive des principes d' égalité de traitement en matière de sécurité sociale ne s' applique aux pensions de survivant (89). La Cour en a conclu qu' il n' y avait pas non plus violation de la directive 76/207/CEE: selon la Cour, le cas visé par la juridiction nationale relevait de l' exception à l' application du principe de l' égalité de traitement prévue à l' article 1er, paragraphe 2 de la directive 76/207/CEE (90).

48. L' on se gardera de tirer des conséquences trop extrêmes de cet arrêt. En effet, la Cour était avant tout confrontée à la question de savoir si une différence de salaire net entre les hommes et les femmes, par suite de l' affiliation obligatoire des premiers nommés à un fonds de pensions pour veuve, constituait une discrimination contraire à l' article 119; la question de savoir si une pension de veuve doit être considérée elle-même comme une rémunération au sens de cette disposition n' était pas soulevée en tant que telle. Toutefois, nous estimons que constitue un élément déterminant le fait que, dans l' arrêt Barber, la Cour soit expressément revenue sur le point de vue qu' elle avait adopté dans l' arrêt Newstead, selon lequel le régime de pension complémentaire concerné ne relevait pas de l' article 119, mais de l' article 118. En effet, dans l' arrêt Barber, la Cour a considéré que "les pensions versées par un régime professionnel privé conventionnellement exclu entrent dans le champ d' application de l' article 119 du traité." (91)

49. Dans l' arrêt Barber, la Cour en est arrivée à cette conclusion en se fondant sur une analyse du régime professionnel de pensions conventionnellement exclu en cause dans cette affaire, qui revient sur les critères développés dans les arrêts Defrenne I et Bilka (voir ci-dessus, au point 3) et que nous appliquerons ci-après également à la pension de veuf dont il est question dans l' affaire Ten Oever. Il convient cependant de faire tout d' abord observer ce qui suit: il découle de la nature même d' une pension de veuf telle que celle dont il est question en l' espèce que cette pension n' est pas accordée au travailleur, mais à son conjoint survivant. Toutefois, malgré les termes de la définition de la "rémunération" au sens de l' article 119, donnée par la Cour (voir ci-dessus, au point 3), à savoir les avantages payés "par l' employeur au travailleur en raison de l' emploi de ce dernier", cette circonstance ne nous paraît pas constituer une objection convaincante à l' encontre de l' applicabilité de l' article 119 à une telle pension de veuf. En revanche, il est essentiel que, selon le règlement de pension de la Stichting, l' affiliation à la caisse donne droit à la pension de veuf:(92) en d' autres termes, comme le gouvernement britannique le fait observer à juste titre, cette pension est acquise dans le cadre du lien d' emploi entre le travailleur et l' employeur et dès lors, est versée au conjoint survivant en raison de l' emploi de son épouse décédée, c' est-à-dire, selon les termes du règlement de pension, l' "affilié féminin ou l' ancien affilié féminin".

50. Reste la question de savoir si un régime de pensions tel que celui dont il est question ne présente pas plutôt, ainsi que le soutiennent le gouvernement néerlandais et la Stichting, les caractéristiques d' une pension de vieillesse, comme c' était le cas dans l' arrêt Defrenne I, et, de ce fait, ne relève pas du champ d' application de l' article 119. Si nous appliquons à la pension de veuf dont il est question dans l' affaire Ten Oever, les critères développés dans les arrêts Defrenne I, Bilka et Barber (voir ci-dessus, au point 3), nous devons répondre par la négative à cette question. En effet, en premier lieu, il est clair que, bien qu' il ait été rendu obligatoire par la loi, ce régime de pensions constitue le résultat d' une concertation collective au sein du secteur professionnel concerné et n' est pas fixé en tant que tel directement par la loi. Les pouvoirs publics se limitent à déclarer obligatoire à l' ensemble d' un secteur professionnel le régime concerné, sur demande des organisations patronales et syndicales considérées comme représentatives qui, de prime abord, ont fixé elles-mêmes le contenu du régime de pensions, par le biais de négociations collectives. Le régime résulte dès lors "d' une concertation entre partenaires sociaux" (93).

En outre, il n' est pas contesté que le régime de pensions en question soit financé exclusivement par les employeurs et les travailleurs sans aucune participation des pouvoirs publics (94).

Enfin, ce régime n' est pas obligatoirement applicable à des catégories générales de travailleurs, mais seulement aux travailleurs employés par certaines entreprises, à savoir les travailleurs du secteur du lavage de vitres et du nettoyage. Selon les termes de l' arrêt Barber, il convient dès lors d' admettre que l' affiliation à ce régime résulte nécessairement de la relation de travail avec un employeur déterminé et que le régime en question, même s' il a été reconnu et rendu obligatoire par les pouvoirs publics, est régi par des réglementations qui lui sont propres (95).

51. Il résulte de l' ensemble de ces éléments qu' une pension de veuf, telle qu' elle apparaît dans l' affaire Ten Oever, est visée par le champ d' application de l' article 119 du traité. Bien qu' il nous paraisse que, à strictement parler, même avant l' arrêt Barber, et en particulier à partir de l' arrêt Bilka, on pouvait en arriver à cette conclusion en se fondant sur la jurisprudence de la Cour, tout comme les gouvernements néerlandais, britannique et allemand, nous estimons qu' une limitation dans le temps de la décision de la Cour s' impose sur ce point également. En effet, une fois de plus, étant donné l' exception prévue à l' article 9, sous b), de la directive 86/378/CEE (voir ci-dessus, au point 46), les États membres et les milieux intéressés pouvaient estimer que des discriminations dans les régimes professionnels de pensions, relatives à l' octroi de pensions de veuf, étaient encore licites selon le droit communautaire.

Dès lors, nous estimons qu' une fois de plus, la Cour doit limiter dans le temps sa décision relative à l' applicabilité de l' article 119 aux pensions de veuf, et ce conformément aux principes que nous avons indiqués ci-dessus en ce qui concerne l' effet dans le temps de l' arrêt Barber (96). S' agissant de la date de référence, nous ne considérons pas que la date de l' arrêt Barber soit la date appropriée, mais qu' il s' agit plutôt de celle de l' arrêt à rendre dans l' affaire Ten Oever, étant donné que ce n' est que dans cette dernière affaire qu' on a demandé à la Cour de statuer sur cette problématique.

Concrètement, le point de vue proposé en l' occurrence signifie que, à la différence du point de vue soutenu entre autres par le gouvernement britannique, M. Ten Oever possède quand même un droit à la pension de veuf qu' il réclame, étant donné qu' en sa qualité d' ayant droit, il a pris en temps utile l' initiative d' assurer ses droits, en l' occurrence par une action introduite le 8 octobre 1990 devant le kantonrechter te Utrecht.

La possibilité, pour le conjoint du travailleur décédé, d' invoquer l' article 119

52. L' affaire Coloroll (dans la première question) et partiellement également l' affaire Ten Oever, soulèvent la question de savoir si, outre le travailleur lui-même, des personnes qui en dépendent, en l' occurrence sa veuve ou son veuf, peuvent invoquer l' effet direct de l' article 119 du traité CEE en ce qui concerne des droits à des prestations au titre d' un régime de pensions.

Cinq parties défenderesses dans la procédure au principal dans l' affaire Coloroll (MM. Russell, Parker, Sharp, Mmes Fuller et Broughton), les gouvernements britanniques et irlandais et la Commission répondent à cette question par l' affirmative. En revanche, le gouvernement néerlandais soutient que l' article 119 vise exclusivement la relation entre employeur et travailleur. Étant donné que les survivants de ce dernier sont étrangers à cette relation, ils ne pourraient pas invoquer ladite disposition de leur propre chef. Toutefois, le gouvernement néerlandais ajoute immédiatement que l' importance pratique de cet aspect du champ d' application personnel de l' article 119 n' est pas très grande, dans la mesure où, normalement, les survivants auront la possibilité d' invoquer l' article 119 en qualité d' héritiers dès lors que, à tout le moins, selon le droit successoral national, ils peuvent être ayants cause en ce qui concerne les droits éventuels du travailleur décédé à l' égard de son ancien employeur.

53. Nous ne pouvons pas adopter ce dernier point de vue. Ci-dessus (au point 51), nous avons déjà conclu qu' une pension de veuf du type de celle dont il est question dans l' affaire Ten Oever, est visée par le champ d' application de l' article 119 du traité CEE. S' agissant d' un tel régime de pensions, mais également d' autres pensions professionnelles, la question relative à la possibilité, pour le conjoint survivant du travailleur, d' invoquer l' article 119, ne se pose concrètement, la plupart du temps, que quand le travailleur lui-même est décédé et que le conjoint survivant réclame les prestations au régime de pensions auquel le travailleur était affilié. Si ce conjoint ne pouvait pas, en droit, invoquer l' article 119, dans une telle situation, le principe de l' égalité de rémunération se trouverait privé de tout effet utile.

D' ailleurs, la Cour a déjà admis une telle attitude dans le cadre de l' application de la directive 79/7/CEE, en l' occurrence dans l' arrêt Verholen. Cette affaire soulevait entre autres la question de savoir si le conjoint d' une travailleuse qui est visée par le champ d' application de la directive précitée (mais qui n' est pas elle-même partie au procès) peut invoquer les dispositions de cette directive lorsqu' il subit les effets d' une disposition nationale discriminatoire. La Cour a reconnu expressément que

"le droit d' invoquer les dispositions de la directive 79/7/CEE n' est pas limité aux justiciables relevant du champ d' application personnel de la directive, dans la mesure où il ne saurait être exclu que des personnes autres puissent avoir un intérêt direct à voir respecter le principe de non-discrimination dans le chef des personnes protégées" (97).

Bien que la Cour reconnaisse qu' il appartient au droit national de déterminer la qualité et l' intérêt d' un justiciable pour agir en justice, elle a rappelé sa jurisprudence constante, selon laquelle le droit communautaire exige que la législation nationale ne porte pas atteinte au droit à une protection juridictionnelle effective et selon laquelle l' application de la législation nationale ne saurait conduire à rendre pratiquement impossible l' exercice des droits conférés par l' ordre juridique communautaire (98). Concrètement, la Cour a répondu à la question posée qu' un justiciable peut invoquer devant une juridiction nationale les dispositions de la directive 79/7/CEE, lorsqu' il subit les effets d' une disposition nationale discriminatoire concernant son épouse, qui n' est pas partie au procès, pour autant toutefois que son épouse relève elle-même du champ d' application de la directive (99).

54. Dès lors, le conjoint survivant peut aussi invoquer lui-même l' effet direct de l' article 119 en ce qui concerne les droits à prestations que le travailleur décédé possédait au titre d' un régime professionnel de pensions, bien que s' appliquent bien entendu, également en la matière, les limitations dans le temps que nous avons exposées en ce qui concerne l' arrêt Barber et la problématique des éléments de calculs actuariels.

La possibilité d' invoquer l' article 119 contre les trustees d' un régime professionnel de pensions

55. C' est en d' autres termes que se pose la question déférée à la Cour dans l' affaire Coloroll (première question), qui consiste à savoir si, s' agissant de droits à prestations en matière de pension, le travailleur ou ses ayants droit peuvent également invoquer l' effet direct de l' article 119 contre une personne autre que l' employeur, en l' occurrence les trustees d' un régime professionnel de pensions. Nous examinerons d' abord la question de principe elle-même, relative à la possibilité d' invoquer dans ces conditions l' effet direct de cette disposition, avant d' évoquer les autres problèmes visés par les questions de la High Court.

La plupart des parties défenderesses dans la procédure au principal dans l' affaire Coloroll - à l' exception de Mme Broughton et du Coloroll Group -, le gouvernement britannique et la Commission estiment que l' article 119 peut être également invoqué contre les trustees d' un régime de pensions. Nous ne pouvons que souscrire à leurs arguments: l' intérêt pratique et l' effet utile de l' article 119 seraient considérablement restreints et la protection juridique nécessaire aux effets de cet article serait sérieusement entravée si un travailleur ou ses ayants droit ne pouvaient invoquer cette disposition qu' à l' égard de l' employeur. Cela vaut en particulier pour des pays comme le Royaume-Uni, dans lesquels le recours à des trusts pour les régimes professionnels de pensions est largement répandu.

56. D' ailleurs, ce point de vue se trouve conforté tant par la formulation de l' article 119 que par la jurisprudence de la Cour. S' agissant du texte de l' article 119, la Commission fait observer à bon droit que par "rémunération", il faut entendre tous les avantages payés directement ou indirectement par l' employeur au travailleur en raison de l' emploi de ce dernier. C' est notamment à la lumière de cette formulation que dans l' arrêt Barber, la Cour a considéré que la circonstance que les pensions professionnelles conventionnellement exclues n' étaient pas versées au travailleur par l' employeur même, mais par les trustees d' un régime de pensions, n' était pas pertinente aux fins de l' application de l' article 119:

"Cette interprétation de l' article 119 n' est pas infirmée par la circonstance que le régime professionnel privé en cause soit constitué en forme de trust et géré par des trustees jouissant d' une indépendance formelle vis-à-vis de l' employeur, étant donné que l' article 119 vise également les avantages payés par l' employeur de manière indirecte" (100).

En outre, dans une jurisprudence constante depuis l' arrêt Defrenne II, la Cour a confirmé le caractère impératif et applicable erga omnes de la prohibition de discrimination inscrite à l' article 119:

"S' agissant de cette dernière disposition, il convient de rappeler que, ayant un caractère impératif, la prohibition de discrimination entre travailleurs masculins et travailleurs féminins s' impose non seulement à l' action des autorités publiques, mais s' étend également à toutes conventions visant à régler de façon collective le travail salarié ainsi qu' aux contrats entre particuliers" (101).

Il résulte de cette jurisprudence que la Cour ne limite pas l' effet direct de l' article 119 à des situations verticales (pouvoirs publics-particulier) et aux clauses conclues de façon collective ou de façon individuelle entre l' employeur et le travailleur, mais s' étend à tous les contrats entre particuliers. Indéniablement, ceux-ci incluent les accords contractuellement conclus par un employeur avec des personnes, y compris des administrateurs, quelle que soit la manière dont ceux-ci sont désignés pour gérer les droits à pension découlant pour un travailleur de sa relation de travail avec cet employeur.

57. A notre avis, on ne saurait invoquer, comme le fait notamment Mme Broughton, à l' encontre de cet effet de l' article 119 à l' égard des trustees d' un régime de pensions professionnel, le fait que les trustees pourraient être obligés d' agir contrairement aux dispositions de l' acte constitutif du trust et seraient éventuellement dans l' impossibilité de mettre en oeuvre ce dernier. Le caractère fondamental du principe de l' égalité de rémunération entre les hommes et les femmes, consacré par l' article 119, qui constitue une application de l' interdiction des discriminations fondées sur le sexe et dès lors d' un droit fondamental (102) fait en sorte que toute disposition contraire à ce principe, qu' elle soit contenue soit dans une mesure légale ou administrative nationale, soit dans un contrat ou un acte (constitutif de trust) de droit privé, doit s' effacer devant cette règle. Une conception différente permettrait de tourner trop facilement le principe d' égalité de traitement, en faisant appel à des tiers étrangers à la relation de travail.

Contrairement à ce que soutient le gouvernement néerlandais, à notre avis, ce point de vue n' est pas non plus réfuté par l' article 6, paragraphe 2 de la directive 86/378/CEE. Cette disposition impose aux organes de gestion d' un régime de pensions professionnel complémentaire ou conventionnellement exclu de tenir compte du principe d' égalité de traitement, quand l' octroi des prestations est laissé à leur discrétion. Nous ne pouvons que lire dans cette disposition la confirmation de la volonté du législateur communautaire de donner au principe d' égalité de traitement un effet aussi efficace que possible et nullement un argument a contrario dont il ressortirait que s' agissant de discriminations en matière de rémunération directement concernées par l' article 119, le travailleur ou son ou ses ayants droit ne pourraient également invoquer cette dernière disposition à l' égard de trustees. D' ailleurs, la directive précitée ne saurait déroger à l' effet de l' article 119 (voir ci-dessus, au point 31).

58. Par souci de clarté, nous voudrions encore examiner un autre point soulevé par le gouvernement néerlandais. Le gouvernement néerlandais se réfère en effet aux complications auxquelles une extension de l' effet direct horizontal de l' article 119 pourrait donner lieu lorsqu' un travailleur a été affilié successivement - le plus souvent, mais pas nécessairement du fait d' un changement d' employeur - à différents régimes professionnels de pension. Cette question est également relevée par la High Court dans sa question 5 (2). Dans de telles circonstances, il arrive très souvent (voir la possibilité de choix de la part du travailleur, entre une pension différée et un transfert de droits, dont il est question dans l' affaire Neath, ci-dessus au point 8) que, en échange du transfert, le régime de pensions le plus récent ait repris l' obligation de versement de prestations du régime précédent. Dans un tel cas, le dernier régime de pensions peut-il être confronté avec les droits d' un travailleur fondés sur une inégalité de traitement à laquelle il était soumis dans un régime de pension antérieur, lorsqu' il avait un autre employeur?

Tout comme les parties intervenantes qui préconisent la deuxième interprétation de l' effet dans le temps de l' arrêt Barber, nous estimons que cet "effet de dominos" redouté est pratiquement entièrement neutralisé par les limitations relatives à l' effet dans le temps des décisions de la Cour que nous avons proposées ci-dessus, et en particulier de l' arrêt Barber lui-même (voir ci-dessus, au point 21) ainsi que de l' arrêt à intervenir dans les affaires Neath et Coloroll, dans lesquelles il est demandé à la Cour de statuer sur les éléments de calculs actuariels (ci-dessus, au point 43). La question de la détermination des périodes de travail pour lesquelles un travailleur peut valablement invoquer le principe d' égalité de traitement est alors claire pour toutes les parties, de sorte qu' en principe il n' y aurait plus de problèmes non plus quant au transfert de droits d' un régime de pensions à l' autre.

59. Effets de l' article 119 en ce qui concerne l' intervention des trustees. Pour le cas où l' article 119 peut également être invoqué à l' encontre des trustees d' un régime de pensions, dans l' affaire Coloroll, la High Court pose une série de sous-questions relatives à la manière dont doivent intervenir les trustees ou l' employeur pour mettre en application le principe d' égalité de traitement (question 1, (2) (i), (ii) et (iii)) (103). En substance, il s' agit de deux questions, à savoir (i) l' influence du droit communautaire sur la manière dont les trustees ou l' employeur doivent exercer leurs compétences et (ii) la forme que doit prendre, sur le plan financier, le principe de l' égalité de traitement, à savoir la question de savoir si celui-ci doit être mis en oeuvre par le biais d' un relèvement des prestations versées aux travailleurs du sexe désavantagé ou si cette mise en oeuvre est également possible par le biais d' une réduction des prestations aux travailleurs du sexe avantagé.

S' agissant du premier point, l' effet du droit communautaire en ce qui concerne l' exercice des compétences des trustees ou des employeurs, nous pourrons nous contenter d' un bref commentaire. Il est clair que ces personnes sont tenues de faire tout ce qui relève de leurs compétences pour garantir le fait que les prestations qui doivent être servies aux travailleurs ou à leurs ayants droit satisfont au principe de l' égalité de traitement, en tenant compte des limitations de l' effet dans le temps de ce principe, suggérées ci-dessus. A cette fin, ils peuvent être tenus de coopérer, coopération qui, selon l' ordonnance de renvoi de la High Court, est le plus souvent requise pour apporter des modifications dans l' acte constitutif du trust et dans les dispositions du régime de pensions. Il va de soi qu' à cette fin, une mission importante de contrôle est réservée à la juridiction nationale, qui doit assurer le plein effet du droit communautaire et la protection juridique requise à cet effet;(104) la juridiction nationale doit, à cette fin, donner aux dispositions nationales (légales et a fortiori, conventionnelles ou statutaires), dans toute la mesure où une marge d' appréciation lui est accordée par son droit national, une interprétation et une application conformes aux exigences du droit communautaire et, pour autant qu' une telle interprétation conforme n' est pas possible, elle doit, si nécessaire, laisser inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire légale, conventionnelle ou statutaire (105).

60. La deuxième question, à savoir le résultat financier à atteindre pour les travailleurs, nous paraît plus délicate. C' est avec raison qu' un certain nombre de parties défenderesses dans la procédure au principal dans l' affaire Coloroll (MM. Russell, Parker, Sharp et Mme Fuller) se réfèrent sur ce point à l' arrêt Defrenne II. Dans cet arrêt, la Cour a considéré, eu égard à la finalité sociale qui fonde l' article 119 - telle qu' elle s' exprime dans l' amélioration des conditions de vie et de travail de la main-d' oeuvre, prescrite par l' article 117 - qu' il convient "d' écarter l' objection tirée de ce que cet article pourrait être respecté autrement que par un relèvement des salaires les moins élevés" (106). Toutefois, il convient de lire cet attendu dans son contexte: la procédure au principal concernait une demande d' indemnisation introduite par Mme Defrenne à l' encontre de son ancien employeur, la Sabena, en raison de discriminations en matière de salaires qui concernaient une activité qui avait été exercée au cours de la décennie précédente. Dès lors, il convient de considérer que cet attendu ne peut se rapporter qu' à des discriminations encourues dans le passé. La jurisprudence la plus récente a confirmé le fait que, s' agissant de telles discriminations et dans l' attente d' une mesure qui les neutralise, un relèvement des salaires les plus bas s' impose: en particulier, depuis l' arrêt Razzouk et Beydoun (107), la Cour a indiqué que le "seul système de référence valable" pour une mise en oeuvre immédiate du principe de l' égalité de traitement, aussi longtemps qu' un régime n' a pas encore été adapté à ce principe, doit être trouvé dans le régime de pensions en vigueur. Cela implique que, dans l' attente d' un nouveau régime adapté, la règle applicable dans le régime existant aux membres du groupe du sexe le plus avantagé doive également être appliquée aux membres du groupe du sexe le moins désavantagé (108). Pour le passé ou, exprimé de manière plus précise, pour des prestations de pension qui se rapportent à des périodes de travail situées dans le passé, le principe de l' égalité de traitement exige donc que les prestations dont bénéficie le groupe du sexe désavantagé soient relevées pour atteindre le niveau de celles dont bénéficie le groupe du sexe avantagé.

Il en va toutefois autrement en ce qui concerne les prestations qui se fondent sur un nouveau régime, adapté au principe d' égalité de traitement, qui se rapporte aux périodes d' activité situées dans le futur. Tout comme la Commission, nous estimons que le droit communautaire ne s' oppose pas à une réduction de telles prestations, pour autant que ces prestations restent fixées à un niveau égal pour les travailleurs masculins et les travailleurs féminins. L' adoption d' un autre point de vue équivaudrait à une immixtion peu souhaitable du droit communautaire dans un domaine de la politique qui, dans l' état actuel du droit communautaire, relève de la compétence des États membres lesquels, comme la Cour l' a souligné itérativement, "disposent d' une marge d' appréciation raisonnable en ce qui concerne la nature des mesures de protection et les modalités concrètes de leur réalisation" (109).

61. Relation entre la responsabilité du régime de pensions et celle de l' employeur. Pour le cas où l' article 119 peut être invoqué à la fois à l' encontre de l' employeur et à l' encontre des trustees d' un régime de pensions, la High Court pose un certain nombre de questions détaillées relatives au rapport entre la responsabilité du régime de pensions et celle de l' employeur (question 1 (3)), en particulier lorsque les moyens du régime de pensions ou de l' employeur sont insuffisants (question 1 (4)).

Tout comme Mme Broughton, le Coloroll Group, le gouvernement britannique et la Commission, nous estimons que, dans l' état actuel du droit communautaire, ces questions ne peuvent être traitées qu' au plan national. L' article 119 du traité CEE impose une obligation d' effet direct en vertu de laquelle la même rémunération doit être garantie, pour le même travail, aux travailleurs masculins et aux travailleurs féminins. Ni le traité, ni aucune autre législation communautaire, ne règlent les obligations respectives de l' employeur et de tiers en ce qui concerne la mise en oeuvre de cette obligation, en particulier dans l' hypothèse de l' insolvabilité d' un régime professionnel de pensions ou de l' employeur. Le principe selon lequel il appartient à la juridiction nationale de conférer son plein effet au droit communautaire et de garantir la protection juridique requise à cette fin s' applique également en l' occurrence (ci-dessus, au point 54). A cet égard, il est en tout cas clair que les dispositions en matière de responsabilité qui s' appliquent à une violation de l' article 119 ne sauraient être plus défavorables que celles concernant des recours similaires de nature interne ni aménagées de manière à rendre pratiquement impossible ou à tout le moins extrêmement difficile l' exercice des droits conférés par l' ordre juridique communautaire (110).

L' article 119 et les différentes méthodes de financement des régimes professionnels de pensions

62. Par la question 5 (1), la High Court souhaite encore s' entendre dire si, s' agissant de régimes de pensions qui ne sont pas exclusivement financés par les cotisations des employeurs, mais également par des cotisations complémentaires des travailleurs, imposées ou volontaires, l' article 119 ne s' applique qu' aux prestations à payer sur la partie du patrimoine de la caisse provenant des cotisations des employeurs, ou également aux prestations qui proviennent des cotisations précitées des travailleurs.

La réponse à cette question revêt un intérêt de principe, même si elle nous paraît évidente. En premier lieu, il convient de revenir au passage cité ci-dessus (au point 4) de l' arrêt Barber, dans lequel la Cour a considéré que les pensions versées par les régimes conventionnellement exclus constituent des avantages proposés par l' employeur au travailleur en raison de l' emploi de ce dernier et que, par conséquent, elles relèvent du champ d' application de l' article 119 (111). La Cour en est arrivée à cette conclusion en se fondant sur une analyse des régimes de pensions concernés, dans le cadre de laquelle elle a entre autres constaté que "leur financement est assuré entièrement par l' employeur ou à la fois par ce dernier et par les travailleurs, sans que, en aucun cas, les pouvoirs publics y participent" (112). Il en ressort que, s' agissant de la qualification des "avantages" visés par l' article 119, la Cour n' opère aucune distinction entre les prestations d' un régime professionnel de pensions selon le mode de financement d' un tel régime, que celui-ci soit fondé uniquement sur les cotisations des employeurs ou bien qu' il soit fondé sur les cotisations des employeurs et celles des travailleurs. Le fait que ce ne sont pas uniquement les prestations versées grâce aux cotisations des employeurs qui relèvent de l' article 119 pouvait d' ailleurs déjà être déduit de l' arrêt Worringham, dans lequel la Cour a estimé qu' une cotisation de travailleur à un régime de pensions conventionnellement exclu (pour lequel il n' existait d' obligation de cotiser que pour les travailleurs masculins) qui était versée par l' employeur au nom des employés à une caisse de pensions, constituait une rémunération au sens de l' article 119 (113).

Pareille distinction entre les cotisations des employeurs et les cotisations des travailleurs serait d' ailleurs inopérante dans la pratique. Les deux formes de cotisations ne sont normalement pas séparées l' une de l' autre dans le patrimoine d' un régime de pensions et sont gérées comme un ensemble. Néanmoins, même si une distinction était possible, nous considérons qu' elle serait totalement arbitraire et indésirable: les régimes qui sont exclusivement financés par les cotisations des employeurs devraient alors appliquer intégralement le principe d' égalité de traitement, tandis que cela ne vaudrait que partiellement - en l' occurrence pas à concurrence des cotisations des travailleurs - pour les régimes dont le financement dépend également des cotisations des travailleurs. Cela conduirait indéniablement à l' élaboration de nombre de constructions visant à tourner l' article 119 et donnerait lieu dès lors à de nouvelles formes de discriminations.

63. A notre avis, pour une large part, les mêmes motifs conduisent à considérer qu' il ne convient pas d' opérer une distinction, en ce qui concerne l' application de l' article 119, selon qu' il s' agit de cotisations de travailleurs obligatoires ou volontaires. Les arguments d' un certain nombre de parties intervenantes, selon lesquels de telles cotisations facultatives de travailleurs sont gérées dans un fonds séparé et selon lesquels, la plupart du temps, les prestations correspondantes ne sont pas calculées en se fondant sur les périodes d' activité et sur la rémunération des affiliés, mais par la constatation d' une somme déterminée qui correspond à la valeur des cotisations versées, ne peuvent pas nous convaincre du point de vue contraire. En l' occurrence également, il s' agit généralement de prestations qui sont versées en vertu d' un régime de pensions conventionnellement exclu ou complémentaire, et on ne saurait nier que, au sens de l' arrêt Barber, ces prestations font elles aussi partie des avantages qu' un employeur propose à un travailleur en raison de l' emploi de ce dernier. En d' autres termes, l' article 119 est applicable à toutes les prestations qui sont payées aux travailleurs en raison de leur emploi, dans le cadre d' un régime professionnel de pensions.

Applicabilité de l' article 119 aux régimes de pensions auxquels ne sont affiliées que les personnes d' un seul sexe

64. Par sa dernière question, la sixième, la High Court souhaite s' entendre dire si l' article 119 s' applique également aux régimes de pensions auxquels n' ont toujours été affiliées que des personnes d' un seul sexe. Il s' agit plus particulièrement de la question de savoir si une personne qui a été affiliée à un tel régime a droit aux prestations supplémentaires auxquelles elle aurait eu droit au titre de l' article 119 si ledit régime de pensions avait eu un affilié ou des affiliés de l' autre sexe.

65. Du point de vue de l' article 119, la réponse à cette question est aisée, étant donné que les régimes de pensions auxquels ne sont affiliés que des travailleurs d' un seul sexe concernent habituellement, sinon toujours, une entreprise ou une partie d' entreprise dans laquelle ne sont employés que des travailleurs d' un seul sexe. Dans l' arrêt Macarthys, la Cour a expressément rejeté la thèse selon laquelle un travailleur féminin peut invoquer l' article 119 pour réclamer la rémunération à laquelle elle pourrait prétendre si elle était un homme, même en l' absence, actuelle ou antérieure, dans l' entreprise ou le service concerné, de tout travailleur masculin accomplissant actuellement ou ayant accompli antérieurement un travail comparable (ce qu' il est convenu d' appeler le critère du "travailleur masculin hypothétique"). La Cour a confirmé qu' au titre de l' article 119, les comparaisons sont restreintes "à des rapprochements qui s' établissent au plan des appréciations concrètes, concernant des prestations de travail accomplies effectivement, dans le cadre d' un même établissement ou service, par des travailleurs de sexe différent" (114).

En d' autres termes, dans la mesure où, dans le cadre d' une entreprise ou d' une partie d' une entreprise, ne travaillent que des travailleurs d' un seul sexe, ces travailleurs ne sauraient invoquer l' article 119 en vue d' aligner leur rémunération et leurs autres avantages sur le niveau de cette même rémunération et de ces mêmes avantages qui seraient conférés à un travailleur hypothétique de l' autre sexe. En effet, dans un tel cas, le critère, essentiel pour l' application de l' article 119, du travail identique ou à tout le moins comparable, accompli par le travailleur de l' autre sexe, ne peut pas être appliqué.

Bien entendu, il en irait autrement pour le cas où un employeur en viendrait à proposer des régimes de pensions différents à ses travailleurs, selon leur sexe. Dans une telle hypothèse, à propos de laquelle le gouvernement britannique fait, à juste titre, observer qu' elle ne relève pas du champ d' application de la question posée par la High Court, il nous paraît que l' article 119 requiert que l' on examine si les prestations en matière de pension attribuées aux travailleurs masculins et aux travailleurs féminins - au titre de leurs régimes de pensions différents - satisfont aux critères d' "égalité de rémunération" et d' "identité de travail" au sens de l' article 119.

Conclusions

66. Étant donné les considérations qui précèdent, nous suggérons à la Cour de répondre aux questions déférées dans les présentes affaires de la manière suivante:

Dans les affaires C-109/91, C-110/91, C-152/91 et C-200/91:

L' effet direct de l' article 119 du traité ne saurait être invoqué pour réclamer une pension professionnelle acquise au titre de périodes d' activité antérieures à la date de l' arrêt du 17 mai 1990, Barber (C-262/88), exception faite pour les travailleurs ou leurs ayants droit qui ont, avant cette date, engagé une action en justice ou soulevé une réclamation équivalente selon le droit national applicable.

Dans l' affaire C-109/91:

Il convient de considérer une pension de veuf, telle que celle dont il est question dans la présente affaire, comme une rémunération au sens de l' article 119, deuxième alinéa, du traité CEE. Toutefois, l' article 119 ne saurait, à cet égard, être invoqué pour réclamer une telle pension de veuf dans la mesure où cette pension correspond à des périodes d' activité antérieures à la date de l' arrêt de la Cour dans la présente affaire, exception faite pour les travailleurs ou leurs ayants droit qui ont, avant cette date, engagé une action en justice ou soulevé une réclamation équivalente selon le droit national applicable.

Dans les affaires C-110/91 et C-200/91:

L' interdiction découlant de l' article 119 du traité CEE, de fixer un âge différent selon le sexe pour l' octroi de la pension, ainsi que la limitation dans le temps de cette règle, telle qu' elle est prévue par l' arrêt du 17 mai 1990, Barber (C-262/88), ne sont pas seulement applicables aux régimes de pensions conventionnellement exclus, mais également à toutes les autres formes de régimes professionnels de pensions.

Dans les affaires C-152/91 et C-200/91:

L' article 119 du traité empêche de prendre en compte, dans le cadre d' un régime de pensions professionnel, des éléments de calcul actuariels différents selon le sexe, à tout le moins pour autant qu' il en résulte des montants différents de cotisations ou de prestations pour les travailleurs masculins et pour les travailleurs féminins. L' effet direct de l' article 119 du traité ne peut toutefois pas être invoqué en la matière pour réclamer des pensions qui correspondent à des périodes d' activité antérieures à la date de l' arrêt dans les présentes affaires, exception faite pour les travailleurs ou leurs ayants droit qui ont, avant cette date, engagé une action en justice ou soulevé une réclamation équivalente selon le droit national applicable.

Dans l' affaire C-200/91:

1. Le conjoint survivant peut lui aussi invoquer l' effet direct de l' article 119 du traité CEE, s' agissant de droits à des prestations que le travailleur décédé possédait en vertu d' un régime de pensions professionnel.

2. L' article 119 du traité peut être invoqué par le travailleur ou ses ayants droit contre les trustees d' un régime professionnel de pensions.

3. Les trustees d' un régime professionnel de pensions sont tenus, au titre de l' article 119 du traité CEE, de faire tout ce qui relève de leurs compétences pour garantir que les prestations servies aux travailleurs ou à leurs ayants droit respectent le principe d' égalité de traitement inscrit dans cet article.

4. Aussi longtemps que l' article 119 du traité CEE ne reçoit pas une exécution correcte, les prestations en matière de pension des personnes appartenant au groupe du sexe désavantagé doivent être relevées pour atteindre le niveau dont bénéficient les personnes du groupe du sexe avantagé. Le droit communautaire ne s' oppose toutefois pas à ce qu' un nouveau régime, adapté au principe d' égalité de traitement, qui se rapporte à des périodes d' activité situées dans l' avenir, diminue les prestations en matière de pension, pour autant que ces prestations restent fixées à un niveau égal pour les travailleurs masculins et les travailleurs féminins.

5. Dans l' état actuel du droit communautaire, la question relative à la relation entre la responsabilité d' un régime de pensions et celle de l' employeur, s' agissant de violations de l' article 119 du traité CEE, et en particulier de l' insuffisance des moyens financiers de l' une de ces parties, ne peut être traitée qu' au niveau national. En revanche, le droit communautaire exige que les règles nationales en matière de responsabilité s' appliquant à une violation de l' article 119 ne soient pas plus défavorables que celles qui s' appliquent à des actions nationales analogues, et qu' elles ne soient pas de nature à rendre pratiquement impossible ou à tout le moins extrêmement difficile l' exercice des droits conférés par l' ordre juridique communautaire.

6. La question de savoir si un régime de pensions professionnel est financé exclusivement sur la base de cotisations des employeurs ou, également, sur la base de cotisations des travailleurs, obligatoires ou volontaires, est indifférente pour l' application de l' article 119 du traité.

7. Quand, dans une entreprise ou une partie d' entreprise, ne travaillent que des travailleurs d' un seul sexe, lesquels sont affiliés à un régime professionnel de pensions auquel ne sont affiliées que des personnes de ce sexe, ces travailleurs ne sauraient invoquer l' article 119 du traité CEE en vue de l' alignement de leur pension sur celle qui serait conférée à un travailleur hypothétique de l' autre sexe.

(*) Langue originale: le néerlandais.

(1) - Arrêt du 17 mai 1990 (C-262/88, Rec. p. I-1889).

(2) - JO 1986, L 225, p. 40.

(3) - Arrêt du 25 mai 1971, Defrenne/Belgique (80/70, Rec. p. 445), au point 6; entre autres confirmé par l' arrêt du 9 février 1982, Garland (12/81, Rec. p. 359), au point 5; arrêt Barber, au point 12; voir encore l' arrêt très récent du 17 février 1993, Commission/Belgique (C-173/91, non encore publié au Recueil des arrêts de la Cour), au point 13.

(4) - La citation provient de l' arrêt du 27 mars 1980, Macarthys (129/79, Rec. p. 1275), au point 10, lequel, sur ce point, renvoie expressément à l' arrêt Defrenne II; en ce qui concerne l' arrêt Defrenne II lui-même, voir l' arrêt du 8 avril 1976 (43/75, Rec. p. 455), et en particulier les points 18, 21, 24 et 40. Pour des confirmations ultérieures, voir entre autres l' arrêt du 11 mars 1981, Worringham (69/81, Rec. p. 767), au point 23; arrêt du 31 mars 1981, Jenkins (96/80, Rec. p. 911), au point 17; arrêt Barber, au point 37.

(5) - Arrêt Defrenne I, aux points 7 à 9; voir l' arrêt du 13 mai 1986, Bilka (170/84, Rec., p. 1607), aux points 17 et 18; voir également l' arrêt récent Commission/Belgique cité à la note 3, au point 14.

(6) - Arrêt Bilka, au point 22.

(7) - Arrêt Barber, au point 28.

(8) - En particulier, l' article 7, paragraphe 1 de la directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l' égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale, JO 1979, L 6, p. 24.

(9) - En particulier, l' article 9, initio et sous a) de cette directive.

(10) - Arrêt Barber, au point 44.

(11) - Arrêt Barber, au point 45 des motifs, point 5 du dispositif.

(12) - Pour la formulation précise des questions posées par le kantonrechter, nous renvoyons au rapport d' audience.

(13) - Pour le texte précis des questions, nous renvoyons au rapport d' audience.

(14) - Article 1er, paragraphe 1 de la Gesetz zur Verbesserung der betrieblichen Altersversorgung (ci-après BetrAVG - loi allemande pour l' amélioration des régimes professionnels de prévoyance vieillesse).

(15) - Article 2, paragraphe 1, BetrAVG.

(16) - Article 6 BetrAVG.

(17) - L' Arbeitsgericht renvoie, à cet effet, à l' article 1248, paragraphes 2 et 3 du Reichsversicherungsordnung (code allemand d' assurance sociale) et à l' article 25, paragraphes 2 et 3 de l' Angestelltenversicherungsgesetz (loi relative à l' assurance invalidité vieillesse des employés).

(18) - Sur ce point, l' Arbeitsgericht Bonn fait observer que tant le Bundessozialgericht que le Bundesverfassungsgericht ont constaté que les dispositions concernées du régime légal de pensions de vieillesse, ne soulevaient pas, jusqu' en 1992, d' objections en droit du point de vue de l' égalité de traitement entre les hommes et les femmes.

(19) - Pour la formulation précise, voir à nouveau le rapport d' audience dans cette affaire.

(20) - Voir, pour une description de la situation des personnes, le rapport d' audience dans cette affaire.

(21) - Voir le rapport d' audience dans l' affaire Coloroll.

(22) - Voir également la description de ces interprétations possibles effectuée par S. Honeyball et J. Shaw, Sex, law and the retiring man , Eur. L. Rev., 1991, (47), pp. 56 et 57. Pour un aperçu des prises de position de la doctrine sur ce point, voir D. Curtin, The constitutional structure of the Union: a Europe of bits and pieces , C.M.L. Rev., 1993 (17), aux pages 50 à 51, avec les références.

(23) - Le texte de ce traité a été publié au JO 1992, C 191.

(24) - Voir, sur ce point, R. Joliet, Le droit institutionnel des Communautés européennes. Le contentieux, Liège, Faculté de droit, d' Economie et de Sciences sociales de Liège, 1981, p. 219.

(25) - Arrêt du 27 mars 1980, Denkavit Italiana (61/79, Rec. p. 1205), aux points 16 à 18 et arrêt Salumi (affaires jointes 66/79, 127/79 et 128/79, Rec. p. 1237), aux points 9 à 11; voir également les arrêts du 10 juillet 1980, Ariete (811/79, Rec. p. 2545), aux points 6 à 8 et Mireco (826/79, Rec. p. 2559), aux points 7 à 9; arrêts du 2 février 1988, Barra (309/85, Rec. p. 355), aux points 11 à 13 et Blaizot (24/86, Rec. 1988, p. 379), aux points 27 et 28; arrêt du 5 octobre 1988, Padovani (210/87, Rec. p. 6177), au point 12. Récemment, la Cour a encore résumé ces principes dans l' arrêt du 16 juillet 1992, Legros (C-163/90, Rec. I-4625), au point 30.

(26) - Arrêt Blaizot, au point 30; arrêt Defrenne II, au point 71; voir également l' arrêt Worringham (cité ci-dessus à la note 4), au point 31 et l' arrêt Legros, cité dans la note précédente, au point 30.

(27) - Pour des confirmations expresses, voir entre autres l' arrêt du 21 septembre 1983, Deutsche Milchkontor (affaires jointes 205 à 215/82, Rec. p. 2633), au point 30. Sur la sécurité juridique en tant que principe de protection de relations juridiques établies de bonne foi, voir entre autres, K.-D. Borchardt, Der Grundsatz des Vertrauenschutzes im Europaeischen Gemeinschaftsrecht, Kehl, Schriftenreihe Europa-Forschung, Tome 15, 1988, pp. 135-136, et M. Schlockermann, Rechtssicherheit als Vertrauensschutz in der Rechtssprechung des EuGH, dissertation, Munich, 1984, pp. 144 à 151.

(28) - Ce terme a été utilisé par la Cour dans l' arrêt du 27 mai 1981, Essevi et Salengo (affaires jointes 142/80 et 143/80, Rec. p. 1413), au point 34.

(29) - Cette expression apparaît tant dans l' arrêt Barber, au point 43, que dans l' arrêt Legros, au point 33.

(30) - Arrêt du 15 janvier 1986 (41/84, Rec., p. 1), au point 27: étant donné que le Conseil avait approuvé l' article 73, paragraphe 2, du règlement (CEE) n 1408/71, la France avait cru pouvoir maintenir, pendant une période prolongée, des pratiques qui ne trouvaient pas de base légale dans les articles 48 et 51 du traité.

(31) - Arrêt Worringham, au point 33.

(32) - Précédemment cité à la note 28, au point 34.

(33) - Arrêt Defrenne II, au point 70. En revanche, dans l' arrêt Worringham, la Cour revient à la conclusion selon laquelle l' ampleur des situations qui seraient en l' espèce affectées par l' effet direct de cette disposition n' était pas suffisamment pertinente pour, dans l' intérêt de la sécurité juridique, limiter l' effet dans le temps de l' arrêt: arrêt Worringham, au point 33.

(34) - Arrêt Defrenne II, aux points 74 et 75.

(35) - La Cour a également utilisé cette expression dans l' arrêt Pinna I, au point 28; voir, à ce sujet, J. Boulouis, Quelques observations à propos de la sécurité juridique , dans Du droit international au droit de l' intégration. Liber amicorum Pierre Pescatore, Baden-Baden, Nomos, 1987, (53), p. 55.

(36) - Arrêt Blaizot, au point 34.

(37) - Arrêt Legros, au point 34. Pour une autre limitation dans le temps récente en raison des conséquences financières importantes d' une décision, cette fois relative à la nullité d' un règlement communautaire dans le domaine de la politique agricole (en particulier, une perception d' un clawback à la charge des produits qui avaient bénéficié d' une prime variable à l' abattage), voir l' arrêt du 10 mars 1992, Lomas (affaires jointes C-38/90 et C-151/90, Rec. p. I-1781), aux points 27 à 30.

(38) - A cet égard, il convient d' opérer une distinction entre ce qu' il est convenu d' appeler les régimes à cotisations fixes (souvent nommés également defined contribution plans ou money purchase schemes ) et ce qu' il est convenu d' appeler les régimes à prestations fixes (également dénommés defined benefit plans ). Dans les premiers régimes, la prestation est constituée par la somme capitalisée des cotisations qui, auparavant, ont été versées périodiquement par les affiliés et, dès lors, la prestation dépend de ces cotisations. Dans les régimes à prestations fixes, en revanche, l' importance de la prestation est fixée d' avance (dans l' acte constitutif du trust, les statuts, les conditions de la police ou d' autres conditions générales) en fonction du nombre d' années de service, que ce soit sous la forme d' une somme fixe ou sous la forme d' un pourcentage de la dernière rémunération du travailleur. Incidemment, nous ferons observer que les régimes de pensions dont question dans l' affaire Coloroll relèvent de ce deuxième type et que, selon le dossier, la plus grande partie des régimes de pensions professionnels au Danemark, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni relèvent également de cette catégorie. Concernant la distinction précitée opérée entre les régimes de pensions professionnels, voir entre autres P.-G. d' Herbais, Mémento des retraités dans la C.E.E. Analyse comparée des régimes de base et complémentaires des salariés et des fonctionnaires, Paris, CERR, 1990, pp. 17 et 18; voir également, conjointement avec l' établissement d' autres catégories, G. Tamburi et P. Mouton, Problèmes de frontières entre régimes privés et régimes publics de pensions , Revue internationale du Travail, 1986, (143), pp. 145 et 146.

(39) - Arrêt Barber, au point 28; voir ci-dessus, au point 4.

(40) - La Cour a confirmé que l' on ne saurait interpréter des arrêts de la Cour d' une manière qui les prive de toute portée utile, entre autres dans l' arrêt du 2 mars 1989, Pinna II (359/87, Rec. p. 585), au point 16; voir également les conclusions de l' avocat général Lenz dans cette affaire, en particulier aux pages 605 et 606, au point 29, qui cite la jurisprudence dont il ressort qu' une interprétation téléologique des arrêts de la Cour est courante.

(41) - Arrêt du 12 octobre 1978, Belbouab (10/78, Rec. p. 1915), au point 7, passage que nous soulignons; voir en outre l' arrêt du 14 novembre 1990, Buhari Haji (C-105/89, Rec. p. I-4211), au point 17. Dans les arrêts Henck du 14 juillet 1971, la Cour avait déjà considéré que le principe de la sécurité juridique impose de se référer à l' état du droit en vigueur lors de l' application du texte litigieux (...) : arrêts, respectivement, 12/71, Rec. 1971, p. 743, au point 5, 13/71, Rec. 1971, p. 767, au point 5, et 14/71, Rec. 1971, p. 779, au point 5.

(42) - Ce principe sert déjà de fondement à la jurisprudence de la Cour relative au règlement n 3: voir en particulier l' arrêt du 26 juin 1975, Horst (6/75, Rec. p. 823), au point 8.

(43) - Arrêt Pinna I, au point 28.

(44) - Arrêt Pinna I, au point 30; sauf, ajoutait la Cour, en ce qui concerne les travailleurs qui ont, avant cette date, introduit un recours en justice ou soulevé une réclamation équivalente. La Cour a réitéré son point de vue en la matière dans l' arrêt du 13 novembre 1990, Yáñez-Campoy (C-99/89, Rec. p. I-4097), au point 18.

(45) - Arrêt Barber, au point 43.

(46) - La Cour a itérativement adopté un point de vue analogue lors de l' annulation d' actes des institutions. Elle a déclaré que, pour d' importants motifs de sécurité juridique , l' annulation de l' acte concerné ne pouvait pas mettre en cause la validité des paiements effectués et des engagements pris en exécution de cet acte jusqu' au jour du prononcé de l' arrêt concerné: voir l' arrêt du 3 juillet 1986, Conseil/Parlement (34/86, Rec. p. 2155), au point 48 et l' arrêt du 31 mars 1992, Conseil/Parlement (C-284/90, Rec. p. I-2277), au point 37.

(47) - C. Vedder, Artikel 239 , dans Grabitz Kommentar zum EWG-Vertrag, Munich, Beck, p. 2, n 5. Ainsi, la violation d' un protocole équivaut à une violation du traité: M. Hilf, Artikel 239 , dans Groeben-Thiesing-Ehlermann, Kommentar zum EWG-Vertrag, IV, Baden-Baden, Nomos, 1991, p. 5947, aux points 7 et 8. Par ailleurs, dans le droit international des traités, les protocoles sont considérés, de manière générale, comme partie intégrante du traité auquel ils sont annexés: Myers, The name and scope of Treaties , Am.J.Int.L., 1957 (574), 587; voir entre autres la définition du traité à l' article 2, paragraphe 1, sous a), de la convention de Vienne sur le droit des traités du 21 mai 1969: un accord international conclu par écrit entre États, et régi par le droit international, qu' il soit consigné dans un instrument unique ou dans deux ou plusieurs instruments connexes, et quelle que soit sa dénomination particulière .

(48) - Voir également l' article C du traité sur l' Union européenne, qui dispose que le cadre institutionnel de l' Union respecte et développe l' acquis communautaire .

(49) - Voir, dans le même sens, S. Prechal, Bommen ruimen in Maastricht , Nederlands Juristenblad, 1992 (349), p. 354.

(50) - En effet, selon sa propre jurisprudence (ci-dessus, au point 13), la Cour n' aurait pas la possibilité de limiter maintenant les effets dans le temps de l' arrêt Bilka. Pour un cas dans lequel la Cour a refusé d' imposer une telle limite dans le temps en ce qui concerne un arrêt précédent, voir l' arrêt Barra, cité à la note 25, au point 14.

(51) - Ces arguments ont déjà été présentés par la Commission dans l' exposé des motifs du 29 avril 1983, relatif à la proposition qui deviendra la directive 86/378/CEE: COM(83) 217 final, aux pages 7 et 8.

(52) - Article 6, paragraphe 1, sous h) et i) de la proposition de la Commission du 5 mai 1983, JO 1983, C 134, p. 7. Cette conception de la Commission a été entre autres appuyée par le Parlement: voir le rapport de M. H. Peeters au nom de la Commission de l' affaire sociale et de l' emploi du 12 mars 1984, Parlement Européen, Document de séance, 1983-1984, doc. 1-1502/8 (PE 87/755/def.), p. 10.

(53) - L' expression définies comme étant fondées sur les cotisations renvoie à ce qu' il est convenu d' appeler les régimes à cotisations fixes; voir à ce sujet, ci-dessus, à la note 38.

(54) - Voir la note précédente.

(55) - Ces exceptions se sont heurtées à la critique de différents auteurs qui expriment entre autres des doutes quant à la compatibilité de ces exceptions avec l' article 119 du traité: voir D. Curtin, Occupational pension schemes and Article 119: beyond the fringe? , C.M.L.Rev., 1987, (215), pp. 225 à 229; E. Ellis, European Community Sex Equality Law, Oxford, Clarendon Press, 1991, pp. 56 à 57; A. Laurent, Les CE éliminent des discriminations fondées sur le sexe dans les régimes professionnels de sécurité sociale , Revue internationale du Travail, 1986, (753), pp. 759 à 761; S. Prechal et N. Burrows, Gender discrimination law of the European Community, Aldershot, Dartmouth, 1990, pp. 280 à 282.

(56) - Nous pouvons, en l' occurrence, ne pas prendre en considération la jurisprudence développée par la Cour et par le Tribunal dans des affaires de fonctionnaires, relatives à la prise en compte de droits à pension acquis par ailleurs, et en particulier de la contre-valeur actuarielle de ces droits, dans le chef de membres du personnel des institutions communautaires: voir entre autres l' arrêt du 6 octobre 1983 (affaires jointes 118 à 123/82, Celant e.a./ Commission, Rec. 1983, p. 2995); l' arrêt du 9 novembre 1989, Bonazzi-Bertottilli et autres/Commission (affaires jointes 75/88, 146/88 et 147/88, Rec. p. 3599) et l' arrêt du 14 février 1990, Schneemann et autres/Commission (C-137/88, Rec. p. I-369).

(57) - Voir les points 33 et 34 de l' arrêt Barber.

(58) - Arrêt Barber, point 35 des motifs et point 3 du dispositif.

(59) - En l' occurrence, nous ne nous prononcerons pas sur la question de savoir s' il convient effectivement de conférer à ce passage une portée à ce point significative. En effet, le passage cité se rapportait à des avantages de différentes natures qui, selon les circonstances, étaient consentis à des travailleurs masculins ou féminins. Il était demandé au juge d' apprécier globalement tous ces avantages, tâche difficile à assumer. En l' espèce, il ne s' agit toutefois pas de différents éléments de la rémunération, mais du mode de calcul actuariel d' un seul élément de la rémunération.

(60) - On trouve une illustration claire de ce principe dans l' arrêt Macarthys: bien que le juge de renvoi ait surtout déféré à la Cour des questions relatives à la portée de la directive 75/117/CEE, la Cour a considéré que le litige pouvait être résolu dans sa totalité par l' interprétation de l' article 119; voir le point 17 de cet arrêt.

(61) - Ainsi, il convient de signaler que la directive 86/378/CEE possède un champ d' application personnel plus large que l' article 119 étant donné que, en vertu de son article 3, elle s' applique également aux travailleurs indépendants. Le champ d' application matériel de la directive concerne entre autres tous les régimes professionnels qui assurent une protection contre les risques de maladie, invalidité, vieillesse, accident du travail et maladie professionnelle, ainsi que chômage (article 4, a).

(62) - Voir, s' agissant de la directive 75/111/CEE, l' arrêt Jenkins, au point 22; l' arrêt du 3 décembre 1987, Newstead (192/85, Rec. p. 4753), au point 20. Cela a été expressément confirmé par la Cour dans l' arrêt Barber, au point 11.

(63) - Arrêt Defrenne II, au point 18.

(64) - La référence aux discriminations susceptibles d' être judiciairement établies apparaît pour la première fois dans l' arrêt Macarthys, au point 10; voir également l' arrêt Worringham, au point 23 et l' arrêt Jenkins, au point 17. Au point 38 de l' arrêt Barber, la Cour parle de la juridiction nationale .

(65) - Arrêt Macarthys, au point 10; arrêt Worringham, au point 23; arrêt Jenkins, au point 17; arrêt Barber, au point 37.

(66) - Arrêt Defrenne II, au point 21.

(67) - Arrêt Defrenne II, aux points 22 et 23; arrêt Macarthys, au point 10; arrêt Worringham, au point 23; arrêt Jenkins, au point 17.

(68) - Sur ces objectifs, voir l' arrêt Defrenne II, aux points 8 à 12.

(69) - Arrêt Defrenne II, au point 19. Dans ses conclusions dans l' affaire Burton (Rec. 1982, p. 582, au point 2.6), en se référant à l' arrêt Jenkins, l' avocat général VerLoren van Themaat a soutenu, d' une manière qui emporte la conviction, que la question de la portée de l' effet direct de l' article 119 dépend essentiellement du point de savoir si l' inégalité de traitement peut être constatée en se fondant sur une analyse purement juridique des circonstances de l' espèce, et ne dépend pas tellement du point de savoir si l' on se trouve en présence de discriminations directes ou indirectes , ouvertes ou déguisées .

(70) - Voir, à ce sujet, s' agissant de la discrimination fondée sur le sexe relative aux conditions d' accès, dont il était question dans l' affaire Barber, en l' occurrence la condition d' âge, figurant dans le régime de pension de Guardian, nos conclusions dans cette affaire, Rec. 1990, pp. I-1934-1935, au point 47.

(71) - Voir l' arrêt Barber, au point 38.

(72) - Pour des exemples d' autres discriminations, plus indirectes, dans les régimes de pensions d' entreprises, voir D. Curtin, art.cit., C.M.L.Rev., 1987, p. 216.

(73) - Si le régime de pensions est également financé par des contributions des employeurs et/ou des contributions publiques, à notre avis, pour le calcul de ces contributions, on peut tenir compte de facteurs actuariels liés au sexe dans la mesure où les différences qui en découlent n' aboutissent en aucune façon à des différences dans la charge des contributions des travailleurs masculins et féminins et dans la mesure où les prestations servies aux hommes et aux femmes grâce à ces contributions ne présentent pas non plus un caractère discriminatoire.

(74) - Le Civil Rights Act interdit entre autres to discriminate against any individual with respect to his compensation, terms, conditions, or privileges of employment, because of such individual' s (...) sex (d' opérer des discriminations à l' égard de tout individu relatives à sa rémunération, aux conditions, à la situation ou aux avantages liés au travail, en raison du sexe d' une telle personne): 42 USC § 2000e(a)(1).

(75) - Voir, dans le même sens, D. Curtin, Scalping the Community legislator: occupational pensions and Barber , C.M.L.Rev., 1990, (475), p. 495.

(76) - Arrêt du 4 février 1988 (157/86, Rec. p. 673), au point 9; voir également les conclusions de l' avocat général Lenz dans cette affaire, Rec. p. 684, au point 12.

(77) - 435 US 677, en particulier à la page 710; 55 L Ed 2d 657, p. 666.

(78) - Voir notamment l' arrêt l' Equal Opportunities, dans lequel il s' agissait de l' interprétation d' une exception au principe de l' égalité de traitement des hommes et des femmes, prévu à l' article 7, paragraphe 1, sous a), de la directive 79/7/CEE: arrêt du 7 juillet 1992 (C-9/91, Rec. p. I-4297), en particulier les points 15 à 18. Cette jurisprudence a encore été, récemment, confirmée et précisée par la Cour: voir l' arrêt du 30 mars 1993, Thomas (C-328/91, non encore publié au Recueil de la jurisprudence de la Cour), en particulier aux points 9 à 12. Egalement dans l' arrêt récent Poucet, consacré pour l' essentiel à la question de savoir si un organisme chargé de la gestion d' un régime particulier de sécurité sociale doit être considéré comme une entreprise au sens des articles 85 et 86 du traité CEE, la Cour a souligné la nécessité de l' équilibre financier d' un tel régime: arrêt du 17 février 1993 (affaires jointes C-159/91 et C-160/91, non encore publié au Recueil de la jurisprudence de la Cour), en particulier au point 13. On peut également mentionner l' arrêt Celant, dans lequel la Cour, s' agissant de la prise en considération de périodes d' assurance accomplies sous l' empire d' un régime national de pensions dans le cadre du régime de pensions communautaire, a également souligné la nécessité d' une saine gestion financière de ce régime: arrêt Celant, cité à la note 56, au point 27.

(79) - Voir A. Laurent, ibidem, p. 760.

(80) - Nous pensons en particulier aux États-Unis, où il est constant que l' utilisation de facteurs actuariels différents selon le sexe aux fins du calcul des cotisations pour des régimes de pensions est contraire au Civil Rights Act 1964 depuis l' arrêt de la Cour suprême américaine dans l' affaire Los Angeles Department of Water and Power v Manhart, 435 U.S. 702, 55 L. Ed. 2d 657, 98 S. Ct. 1370 (1978). En 1983, la Cour suprême a considéré que l' utilisation de tels facteurs pour les prestations dans le cadre de semblables systèmes était également affectée par le principe de non-discrimination: Arizona Governing Committee for Tax Deferred Annuity and Deferred Compensation Plans v Norris, 463 U.S. 1073, 77 L. Ed. 2d 1236, 103 S. Ct. 3492 (1983); voir également Florida v Long, 487 U.S. 223, 101 L. Ed. 2d 206, 108 S. Ct. 2354 (1988).

(81) - Selon l' article 2, paragraphe 1, sous c) du règlement de pension de la Stichting, en vigueur depuis le 1er janvier 1989.

(82) - Loi du 17 mars 1949, Staatsblad J 121.

(83) - Article 3, paragraphe 1 de la loi sur l' affiliation obligatoire à une caisse de pensions professionnelle.

(84) - JO 1987, C 309, p. 10. Le cinquième considérant de cette proposition renvoie expressément à l' article 9, sous b), de la directive 86/378/CEE.

(85) - Il convient de faire observer que l' article 4 fait partie du titre I de la proposition de directive, Prestations de survivants et, dans ce titre, est accompagné des dispositions qui tendent à réaliser le principe de l' égalité de traitement dans le domaine des prestations d' orphelin (article 5) et des prestations pour d' autres survivants (article 6).

(86) - Arrêt Newstead, cité à la note 62, au point 21.

(87) - Au point 15 de l' arrêt Newstead.

(88) - Directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l' égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l' accès à l' emploi, à la formation et à la promotion professionnelles et les conditions de travail, JO 1987, L 39, p. 40.

(89) - Arrêt Newstead, aux points 25 à 27.

(90) - Arrêt Newstead, au point 28. L' article 1er, paragraphe 2 de cette directive renvoie, en vue d' assurer la mise en oeuvre progressive du principe d' égalité de traitement en matière de sécurité sociale, à des dispositions arrêtées par le Conseil, sur proposition de la Commission, qui en préciseront notamment le contenu, la portée et les modalités d' application.

(91) - Arrêt Barber, au point 30 des motif et au point 2 du dispositif.

(92) - Article 2, paragraphe 1, première phrase du règlement de pension dans sa version applicable à partir du 1er janvier 1989.

(93) - Arrêt Barber, au point 25.

(94) - La même situation se présentait dans l' arrêt Barber: voir le point 25 de cet arrêt.

(95) - Arrêt Barber, au point 26.

(96) - D' ailleurs, la Commission propose une approche analogue dans la proposition de directive du 27 octobre 1987, mentionnée ci-dessus, dont l' article 13, paragraphe 2 dispose que, en ce qui concerne l' application du principe de l' égalité de traitement aux prestations de conjoint survivant, la directive ne peut être invoquée au sujet des demandes introduites avant la date de sa mise en oeuvre.

(97) - Arrêt du 11 juillet 1991 (affaires jointes C-87/90, C-88/90 et C-89/90, Rec. 1991, p. I-3757), au point 23.

(98) - Arrêt Verholen, au point 24.

(99) - Arrêt Verholen, au point 26 des motifs et au point 3 du dispositif.

(100) - Arrêt Barber, point 29.

(101) - Arrêt du 27 juin 1990, Kowalska (C-33/89, Rec. p. I-2591), au point 12, en référence à l' arrêt Defrenne II, au point 39; s' agissant des conventions collectives de travail, voir également l' arrêt du 7 février 1991, Nimz (C-184/89, Rec. p. I-297), au point 17.

(102) - Voir l' arrêt du 15 juin 1978, Defrenne III (149/77, Rec. p. 1365), au point 27; l' arrêt du 20 mars 1984, Razzouk et Beydoun/Commission (affaires jointes 75/82 et 117/82, Rec. p. 1509), au point 16. C' est précisément le caractère fondamental du principe de l' égalité de traitement dans l' ordre juridique communautaire qui a amené la Cour, itérativement, à donner une interprétation stricte aux exceptions à ce principe autorisées par la juridiction communautaire. Voir les arrêts du 26 février 1986, Roberts (151/84, Rec. p. 703), au point 35, Marshall (152/84, Rec. 1986, p. 723), au point 54 et Beets-Proper (262/84, Rec. 1986, p. 773), au point 38.

(103) - Pour l' exacte formulation, voir le rapport d' audience.

(104) - Il s' agit d' une jurisprudence constante de la Cour: voir entre autres l' arrêt du 19 juin 1990, Factortame I (C-213/89, Rec. p. I-2433), au point 19 et l' arrêt du 19 novembre 1991, Francovich et Bonifaci (affaires jointes C-6/90 et C-9/90, Rec. p. I-5357), au point 32.

(105) - Voir l' arrêt Murphy, cité ci-dessus à la note 76, au point 11; l' arrêt Nimz, cité à la note 101, au point 19; l' arrêt du 9 mars 1978, Simmenthal (106/77, Rec. p. 629), au point 21.

(106) - Arrêt Defrenne II, au point 15.

(107) - Arrêt Razzouk et Beydoun, cité à la note 102, au point 19; voir en ce qui concerne le critère de seul système de référence valable utilisé dans cet arrêt, J. Mertens de Wilmars, Le système communautaire de contrôle des sanctions dans le domaine de l' égalité de traitement entre hommes et femmes , dans Egalité de traitement entre les hommes et les femmes, Revue du Travail, avril-mai-juin 1990, (731), p. 735.

(108) - La Cour a utilisé ce critère en particulier afin d' assurer l' application du principe d' égalité de traitement consacré par l' article 4, paragraphe 1, de la directive 79/7/CEE aussi longtemps que le législateur national ne procède pas à la mise en oeuvre (entière) de cette directive: voir l' arrêt du 4 décembre 1986, FNV (71/85, Rec. p. 3855), au point 22; l' arrêt du 24 mars 1987, McDermott et Cotter (286/85, Rec. p. 1453), au point 18; l' arrêt du 24 juin 1987, Borrie Clarke (384/85, Rec. p. 2865), au point 12; l' arrêt du 13 décembre 1989, Ruzius-Wilbrink (C-102/88, Rec. p. 4311), au point 20; l' arrêt Kowalska, cité à la note 101, au point 20; l' arrêt Nimz, cité à la même note, au point 18; l' arrêt du 11 juillet 1991, Johnson (C-31/90, Rec. p. I-3723), au point 36.

(109) - Arrêt du 12 juillet 1984, Hofmann (184/83, Rec. p. 3047), au point 27; arrêt du 7 mai 1991, Commission/Belgique (C-229/89, Rec. p. I-2205), au point 22; arrêt du 19 novembre 1992, Molenbroek (C-226/91, non encore publié au Recueil de la jurisprudence de la Cour), au point 15.

(110) - La Cour l' a d' ailleurs expressément confirmé dans des affaires relatives à l' égalité de traitement: voir, s' agissant de la directive 79/7/CEE, l' arrêt Verholen, cité à la note 97, ainsi que l' arrêt du 25 juillet 1991, Emmott (C-208/90, Rec. p. I-4269), au point 16. Voir, plus particulièrement en ce qui concerne les recours en indemnisation, l' arrêt Francovich et Bonifaci, au point 43. Les trois arrêts renvoient, sur ce point, à l' arrêt du 9 novembre 1983, San Giorgio (199/82, Rec. p. 3595), en particulier au point 12.

(111) - Arrêt Barber, au point 28; voir déjà la dernière phrase du point 25: Dès lors, lesdits régimes font partie des avantages que l' employeur propose aux travailleurs .

(112) - Arrêt Barber, au point 25.

(113) - Arrêt Worringham, au point 17.

(114) - Arrêt Macarthys, au point 15.