Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 13 décembre 1991. - Roquette Frères SA contre Direction générale des impôts. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal de grande instance de Paris - France. - Organisations communes des marchés dans les secteurs des céréales et du sucre - Méthode de constatation de la production d'isoglucose - Isomérisations successives. - Affaire C-210/90.
Recueil de jurisprudence 1992 page I-00731
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Monsieur le Président,
Messieurs les Juges,
1 . Le tribunal de grande instance de Paris pose trois questions préjudicielles portant sur l' interprétation de certaines dispositions relatives à la constatation de la production d' isoglucose . Ces questions ont été soulevées dans le cadre d' un litige qui oppose la société Roquette frères, seule productrice française d' isoglucose, à la direction générale des impôts et ayant pour objet l' annulation de l' "avis de constatation", émis par la direction générale des impôts, exigeant le paiement de 397 528 FF à titre de "cotisations à la production" dues, en vertu des dispositions agricoles communautaires pertinentes, pour des quantités d' isoglucose produites et non déclarées .
A - La production d' isoglucose "enrichi"
2 . En fait, il faut relever ce qui suit .
L' isoglucose est un produit de substitution de sucre obtenu par isomérisation de sirop de glucose, ce dernier étant, à son tour, un dérivé de l' amidon .
L' isomérisation est un procédé ( réalisé en une colonne d' isomérisation ) qui permet de transformer le glucose en une solution de glucose et de fructose en pourcentages, respectivement, de 58 à 52 % et de 42 à 48 %. L' isoglucose ainsi obtenu présente une composition et un pouvoir édulcorant tout à fait analogues à ceux du sucre liquide ( composé en parties égales de glucose et de fructose ).
Si la composition que nous venons d' indiquer est celle de l' isoglucose standard, il faut, d' autre part, souligner que, par un procédé ultérieur il est possible de produire de l' isoglucose "enrichi", en augmentant la proportion de fructose et en réduisant, dans une mesure correspondante, celle de glucose .
Cette opération se déroule en deux phases . Tout d' abord, par chromatographie, les molécules de fructose sont séparées, dans l' isoglucose standard, de celles de glucose . Ultérieurement, le glucose est soumis à une nouvelle isomérisation . On obtient ainsi encore de l' isoglucose composé de glucose et de fructose dans les proportions indiquées ci-avant .
Naturellement, le cycle peut être répété . L' isoglucose résultant de la deuxième isomérisation peut être scindé en fructose et en glucose; ce dernier peut être de nouveau isomérisé . Et ainsi de suite .
En pratique, par une répétition du cycle de séparation et de réisomérisation du glucose, la proportion de fructose extrait du sirop de glucose initialement utilisé est progressivement augmentée . Ainsi, par exemple, en prenant comme input initial une quantité de 100 tonnes de glucose il est possible d' obtenir, après quatre isomérisations successives, 100 tonnes d' isoglucose dont la teneur en fructose n' est plus d' environ 50 %, mais supérieure à 90 %, et dont la teneur en glucose est évidemment réduite à moins de 10 %.
3 . Le but du procédé que nous venons de décrire est d' obtenir un produit qui, par rapport à l' isoglucose standard, présente un pouvoir édulcorant plus élevé . Le fructose est, en effet, l' élément qui a des propriétés sucrantes . Il s' ensuit que l' augmentation de la teneur en fructose accroît également la capacité de substitution de l' isoglucose par rapport au sucre .
Ainsi, alors que 100 tonnes d' isoglucose résultant de la première isomérisation ont à peu près les mêmes propriétés sucrantes que 100 tonnes de sucre ( converti en saccharose ), 100 tonnes d' isoglucose "enrichi", ayant une teneur en fructose supérieure à 90 %, ont un pouvoir sucrant égal à environ 200 tonnes de sucre converti . En d' autres termes, il faut environ 200 tonnes de sucre pour obtenir une quantité d' édulcorant égale à celle que l' on peut tirer de seulement 100 tonnes de sirop de glucose soumis à un cycle de réisomérisations successives . Cela veut dire également que 100 tonnes d' isoglucose "enrichi", ayant une teneur en fructose proche de 100 %, peuvent être mélangées avec du glucose dans une mesure permettant d' obtenir 200 tonnes d' isoglucose ayant une teneur en fructose de 50 % environ et, par conséquent, 200 tonnes de produit ayant les mêmes capacités sucrantes que le sucre .
4 . Enfin, il faut aussi relever que la méthode des isomérisations successives est précisément pratiquée par la requérante dans l' affaire principale .
B - La réglementation communautaire pertinente
5 . Comme nous l' avons indiqué, l' isoglucose est un produit de substitution directe du sucre; en même temps, il est un dérivé du glucose qui, à son tour, est obtenu à partir de l' amidon . Il s' ensuit que, en considération de son emploi, l' isoglucose est soumis à la réglementation de l' organisation commune des marchés dans le secteur du sucre, tandis que, par son origine, il entre dans le cadre de l' organisation commune du secteur des céréales .
Les différentes dispositions qui revêtent de l' importance dans le cas d' espèce sont décrites de manière détaillée et exhaustive dans le rapport d' audience, auquel nous renvoyons . Nous nous limiterons ici à rappeler seulement certains points relatifs à la réglementation de l' isoglucose dans le cadre des deux secteurs mentionnés ci-avant et qui nous paraissent importants pour la suite de notre exposé .
a ) L' OCM dans le secteur des céréales
6 . A cet égard, il suffit de signaler que l' article 11 du règlement ( CEE ) n 2727/75 ( 1 ) prévoit l' octroi de restitutions à la production en faveur, notamment, du maïs et du froment tendre utilisés pour la fabrication d' amidon, et des gruaux et semoules de maïs utilisés pour la fabrication de glucose par le procédé d' hydrolyse directe (( article 11, paragraphe 1, sous a ) et c ), du règlement n 2727/75 )). Ainsi qu' il ressort du neuvième considérant dudit règlement, le bénéfice en question est accordé pour permettre à l' industrie de l' amidon, des fécules et du glucose de se procurer les produits de base à des prix inférieurs à ceux qui résulteraient sans cela de l' application des mécanismes communautaires ( prix communs et prélèvements ), en évitant ainsi que ces produits soient remplacés par des produits concurrents plus compétitifs quant au prix .
Il faut relever également que, par le règlement ( CEE ) n 1665/77 ( 2 ), le Conseil a supprimé les restitutions à la production ( prévues antérieurement ) en ce qui concerne les céréales destinées à la fabrication d' isoglucose ( voir article 1er du règlement n 1665/77 ).
La même règle établit en outre que, par isoglucose, on entend le sirop obtenu à partir de sirops de glucose d' une teneur en poids d' au moins 10 % de fructose ( et 1 % au total d' oligosaccharides et de polysaccharides ).
Enfin, en conformité avec la suppression de la restitution à la production pour la fabrication d' isoglucose, le règlement prévoit que les États membres récupèrent auprès des fabricants d' isoglucose les montants correspondant aux restitutions accordées aux céréales dont le glucose a été tiré .
7 . Pour l' application de cette disposition, le règlement ( CEE ) n 1761/77 de la Commission ( 3 ) - tel qu' il a été modifié par le règlement ( CEE ) n 3609/84 ( 4 ) - dispose, en outre, que les montants à récupérer sont calculés en multipliant la quantité d' isoglucose produite, par un coefficient déterminé dont la valeur est différente selon le type de céréale employé . Il est donc évident que, pour déterminer la restitution à la production à récupérer, il est nécessaire d' avoir constaté au préalable combien d' isoglucose a été produit par l' entreprise en question . Le règlement n 1761/77 ne précise toutefois pas de quelle manière on doit procéder à cette constatation .
b ) L' OCM dans le secteur du sucre
8 . Quant aux dispositions relatives au secteur du sucre, il faut, tout d' abord, rappeler que, ainsi qu' il résulte du deuxième considérant du règlement de base - le règlement ( CEE ) n 1785/81 ( 5 ) - il existe un rapport de substitution directe entre l' isoglucose et le sucre .
En outre, ces deux marchés sont caractérisés par une situation d' excédents structurels, ce qui a incité le législateur communautaire à instituer un régime de quotas dans le but de limiter la production ( voir articles 23 et suivants du règlement n 1785/81 ) ( 6 ). Dans la même perspective, un système de "cotisations à la production" destiné à garantir le financement intégral, par les producteurs eux-mêmes, des charges occasionnées par l' écoulement des excédents ( voir onzième considérant et article 28 du règlement n 1785/81 ) ( 7 ) a été prévu .
9 . En vue d' une application efficace et harmonieuse, dans toute la Communauté, du régime des quotas et des cotisations à la production, la Commission a défini tant ce que l' on doit entendre par production d' isoglucose que la méthode pour quantifier cette production .
A cet effet, le règlement ( CEE ) n 1443/82 de la Commission ( 8 ) a précisé que, au sens des articles 26 à 29 du règlement de base ( relatifs précisément au régime des quotas et des cotisations à la production ), il faut considérer comme production d' isoglucose la quantité totale de produit obtenue à partir de glucose et de ses polymères, ayant une teneur en poids à l' état sec d' au moins 10 % de fructose ( voir article 2 du règlement n 1443/82 ).
10 . La règle que nous venons de citer a été ultérieurement complétée par le règlement ( CEE ) n 434/84 ( 9 ). Celui-ci a amendé l' article 2 du précédent règlement n 1443/82 justement pour préciser la méthode à utiliser pour constater la quantité d' isoglucose produite .
En conséquence, au sens de l' article 2, paragraphe 2, du règlement n 1443/82, tel qu' il a été modifié par le règlement n 434/84, la quantité d' isoglucose produite doit être constatée par :
a ) comptage physique du volume du produit tel quel
et
b ) détermination de la teneur en matière sèche selon la méthode réfractométrique,
immédiatement à la sortie du processus d' isomérisation et avant toute opération de séparation de glucose et de fructose ou toute opération de mélange .
C - Les questions préjudicielles
11 . A la lumière des éléments exposés jusqu' ici il est maintenant possible de répondre aux questions formulées par la juridiction nationale .
a ) La première question
Par la première question, la juridiction interroge en substance la Cour sur la liaison existant entre la réglementation dans le secteur du sucre et la réglementation dans le secteur des céréales, en ce qui concerne la méthode de calcul de la production d' isoglucose .
Or, comme nous l' avons relevé précédemment, dans le secteur du sucre, et en particulier en vue de l' application des règles relatives aux quotas et aux cotisations à la production, la constatation de la quantité d' isoglucose produite est réglementée par l' article 2 du règlement n 1443/82, tel qu' il a été modifié par le règlement n 434/84 .
Le contenu de la règle est clair . Elle impose de compter toutes les quantités d' isoglucose produites, à la sortie de la colonne d' isomérisation . Techniquement, cela est réalisé - ainsi qu' il résulte de l' ordonnance de renvoi - par l' installation d' un compteur destiné précisément à enregistrer le volume d' isoglucose résultant de chaque isomérisation et avant toute opération de séparation entre glucose et fructose .
Dans le cas d' une entreprise qui, comme la requérante dans l' affaire principale, produit de l' isoglucose à haute teneur en fructose, selon la méthode décrite ci-avant, les règles introduites par le règlement n 434/84 font donc en sorte que soient comptées les quantités d' isoglucose provenant de toute réisomérisation successive de glucose recyclé . Il s' ensuit que, plus les cycles de séparation et de réisomérisation réalisés par le producteur pour "enrichir" la teneur en fructose de l' isoglucose sont nombreux, plus la quantité d' isoglucose enregistrée et comptée aux fins de l' application de la réglementation pertinente du secteur du sucre sera élevée .
Un exemple permet de mieux clarifier les conséquences pratiques découlant du règlement n 434/84 . Le rapport d' audience décrit de manière détaillée l' exemple d' un producteur qui aurait transformé, par isomérisation, 100 tonnes de glucose en 100 tonnes d' isoglucose; qui, ultérieurement, aurait recyclé le glucose contenu dans l' isoglucose, en le soumettant à une nouvelle isomérisation; et qui aurait effectué quatre cycles successifs de réisomérisation .
A la fin du processus ( une isomérisation + quatre réisomérisations de glucose recyclé ) l' output sera de 100 tonnes d' isoglucose à haute teneur en fructose : en effet, à chaque réisomérisation une partie du glucose aura été transformée en fructose . Toutefois, du point de vue comptable, 187,5 tonnes d' isoglucose seront enregistrées au total . Cela dépend du fait que, bien qu' il s' agisse d' un produit recyclé, chaque passage dans la colonne d' isomérisation comporte une production d' isoglucose qui est enregistrée ponctuellement à la sortie de la colonne elle-même .
12 . Il faut également relever - même si, sur ce point, la société Roquette n' a pas formulé de contestations explicites - que cette méthode de constatation de la production d' isoglucose, établie par le règlement n 434/84, a été rendue nécessaire afin d' éviter que les objectifs fondamentaux de la réglementation communautaire dans le secteur du sucre ne soient compromis .
Dans le règlement de base - règlement n 1785/81 - il est indiqué, en effet, que l' isoglucose est un produit de substitution directe du sucre et que, par conséquent, les marchés de ces deux produits sont strictement liés . Le même règlement précise, en outre, que la situation de la Communauté dans le secteur des édulcorants est caractérisée par des excédents structurels et que, par conséquent, les décisions adoptées pour l' un des deux produits en question ont nécessairement des répercussions sur l' autre . Il s' ensuit que l' isoglucose et le sucre doivent être soumis, en principe, à un régime commun .
Il résulte de ces prémisses - nous semble-t-il - que l' un des objectifs de la réglementation en question est de garantir l' équilibre entre les deux marchés en évitant des distorsions de concurrence entre l' isoglucose et le sucre .
Or, comme nous l' avons indiqué, c' est précisément de cet objectif que s' inspire la méthode de constatation de la production d' isoglucose prévue par le règlement n 434/84 .
Ce dernier tient compte du fait que la réisomérisation du glucose vise à augmenter la teneur en fructose de l' isoglucose obtenu; ce processus se traduit donc par une augmentation du pouvoir sucrant de l' isoglucose et, en conséquence, par une capacité plus élevée de substitution à l' égard du sucre . En effet, comme nous l' avons déjà relevé, 100 tonnes d' isoglucose ayant une teneur en fructose proche de 100 % présentent un pouvoir édulcorant égal à environ 200 tonnes de sucre converti, alors que 100 tonnes d' isoglucose non enrichi, ayant une teneur en fructose proche de 50 %, présentent un pouvoir édulcorant égal à environ 100 tonnes de sucre converti .
Il en résulte que la méthode de calcul prévue par le règlement n 434/84 tient compte du fait qu' à chaque réisomérisation du glucose correspond une augmentation de la teneur en fructose de l' isoglucose totale et, par conséquent, de sa capacité de substitution à l' égard du sucre .
Cette méthode, en comptant toutes les quantités d' isoglucose résultant de chaque réisomérisation successive, permet donc d' éviter que l' isoglucose "enrichi" ne soit comptabilisé, en particulier pour l' application des règles sur les quotas et les cotisations à la production, de la même manière que l' isoglucose "standard" dont la teneur en fructose est à peu près égale à celle du sucre . De ce point de vue, par conséquent, le règlement n 434/84 apparaît tout à fait cohérent avec l' objectif de garantir tant l' application correcte des mesures de limitation de l' offre introduites par le législateur communautaire, que l' équilibre entre les deux marchés liés du sucre et de l' isoglucose .
13 . En revanche, la situation est tout autre dans le secteur des céréales où des règles différentes sont applicables pour la constatation de la production d' isoglucose . En effet, pour l' application du régime de la récupération des restitutions à la production, la teneur différente en fructose de l' isoglucose et, par conséquent, ses propriétés édulcorantes supérieures ou inférieures sont tout à fait dépourvues d' influence . Pour calculer les sommes à récupérer, il importe seulement d' établir la quantité de céréales employée pour la transformation en amidon et, ultérieurement, en glucose et en isoglucose . Cette quantité est calculée en multipliant par un coefficient déterminé la quantité de produit fini ( l' isoglucose ) obtenue à partir de la céréale de base .
Or, à cette fin, il ne faut considérer que la quantité d' isoglucose résultant de la première isomérisation .
En effet, c' est cette donnée qui est représentative tant de la quantité de glucose employée que, en conséquence, de la quantité de céréales dont le glucose lui-même est tiré .
Inversement, si l' on tenait compte également des quantités d' isoglucose provenant du recyclage successif du glucose, on "glonflerait" artificiellement la quantité de céréales employée . En effet, le recyclage ne fait que modifier la composition, et précisément la teneur en fructose, de l' isoglucose produit; mais il est évident que, d' autre part, quel que soit le nombre des opérations de recyclage effectuées, la quantité de produit intermédiaire ( glucose ) et de base ( céréales ) employée demeure tout à fait inchangée .
Il s' ensuit que, pour l' application des règles visées au règlement n 1761/77, tel qu' il a été modifié par le règlement n 3609/84, il faudra se baser uniquement sur la production d' isoglucose résultant de la première isomérisation . En pratique, cela veut dire que les quantités d' isoglucose résultant des opérations de réisomérisation de glucose recyclé devront être déduites de la quantité totale calculée selon la méthode prévue par le règlement n 434/84 .
b ) La deuxième question
Par la deuxième question, la juridiction demande en substance à la Cour de déclarer si, dans l' hypothèse de réisomérisations successives non pas de glucose pur, mais d' un sirop d' isoglucose contenant un peu plus de 10 % de fructose, les quantités d' isoglucose résultant de chaque isomérisation doivent être comptées en application du règlement n 1443/82, tel qu' il a été modifié par le règlement n 434/84 .
Pour répondre à cette question, il est nécessaire de présenter une brève prémisse . La requérante dans l' affaire principale, informée du fait que, en appliquant le règlement que nous venons de citer, l' administration française entendait comptabiliser les quantités d' isoglucose résultant de chaque opération de réisomérisation, a modifié son processus de production . Elle a commencé par introduire dans la colonne d' isomérisation non plus du glucose pur ( séparé par chromatographie ), mais une solution d' isoglucose à très basse teneur en fructose ( 11 % environ ).
Selon l' entreprise Roquette, un tel produit n' entrerait pas dans le champ d' application des règles établies par le règlement n 434/84 . En effet, ce dernier concernerait seulement l' isoglucose produit à partir de glucose ou de ses polymères et non pas à partir d' autre isoglucose .
Nous dirons tout de suite que cette interprétation nous semble devoir être repoussée dans la mesure où elle reflète une lecture formaliste des règles et ne tient pas compte des finalités de la méthode de calcul introduite par le règlement en question .
A cet égard, il suffit de relever que, comme la Commission l' a justement souligné, le règlement n 434/84 répond précisément à l' objectif de comptabiliser chaque quantité d' isoglucose produite dans le cadre d' un processus de recyclage destiné à enrichir la teneur en fructose de l' isoglucose lui-même . Or, ce processus se réalise tant dans le cas où le produit recyclé est du glucose pur que dans celui où le produit recyclé est une solution d' isoglucose à teneur élevée de glucose . Dans les deux cas, le processus réalisé est le même, tout comme le produit qui en provient est identique . En effet, dans l' un et l' autre cas, par une opération d' isomérisation, le glucose ( pur ou en partie combiné avec du fructose ) est transformé en isoglucose .
Et d' autre part, les proportions mêmes de la solution d' isoglucose soumise à réisomérisation font penser que la méthode utilisée par l' entreprise n' est qu' un moyen habile pour chercher à se soustraire à l' application rigoureuse des règles sur la constatation de la production d' isoglucose dans le secteur du sucre .
Nous estimons donc que la méthode de calcul prévue par le règlement n 1443/82, tel qu' il a été modifié par le règlement n 434/84, doit également être appliquée dans le cas où un producteur, pour obtenir de l' isoglucose à haute teneur en fructose, soumet à des cycles successifs de réisomérisation non pas du glucose pur, mais de l' isoglucose ayant une teneur en fructose supérieure à 10 %. Il s' ensuit que l' isoglucose résultant de chaque cycle de réisomérisation doit être comptabilisé comme une quantité relevant du régime des quotas institué par le règlement n 1785/81 .
c ) La troisième question
Par la troisième question, la juridiction demande en substance à la Cour d' établir si l' isoglucose utilisé comme produit intermédiaire pour la fabrication d' autres produits relève des quotas visés au règlement n 1785/81 .
A ce propos, il suffit de souligner que l' isoglucose constitue un produit de substitution directe du sucre, tant comme produit final que comme produit intermédiaire et que, précisément en raison de cette large possibilité de substitution, la réglementation communautaire a établi qu' en principe toute quantité produite de sucre ou d' isoglucose relève des quotas, indépendamment de la destination de ces produits .
Comme la Commission l' a relevé avec raison, cela est confirmé a contrario par l' article 31 du règlement n 1785/81, qui prévoit que le Conseil décide que le sucre ou l' isoglucose destinés à la fabrication de certains produits peuvent être exclus de la production déterminante pour l' application du régime des quotas .
Enfin, il faut relever également que la Cour, dans l' arrêt du 27 juin 1990, Maizena ( C-18/89, Rec . p . I-2587 ), a reconnu qu' une altération de l' égalité de traitement entre l' isoglucose et le sucre, dans le cas où ceux-ci constituent des produits intermédiaires, se traduit nécessairement par une distorsion de concurrence, étant donné l' interchangeabilité entre les deux produits, même au niveau intermédiaire .
A la lumière de ces considérations, nous estimons donc que l' isoglucose utilisé comme produit intermédiaire pour la fabrication d' autres produits doit être soumis au régime des quotas institué par le règlement n 1785/81 .
D - Conclusions
Nous concluons donc en proposant à la Cour de répondre à la juridiction nationale dans les termes suivants :
"1 ) Pour le calcul des restitutions à la production à récupérer auprès des fabricants d' isoglucose, conformément aux dispositions du règlement ( CEE ) n 1761/77 de la Commission, tel qu' il a été modifié par le règlement ( CEE ) n 3609/84, la production d' isoglucose doit être constatée en déduisant, de la quantité totale, calculée selon la méthode prévue par le règlement ( CEE ) n 1443/82 de la Commission, tel qu' il a été modifié par le règlement ( CEE ) n 434/84, les quantités d' isoglucose résultant de la réisomérisation de glucose recyclé .
(*) Langue originale : l' italien .
( 1 ) Règlement du Conseil du 29 octobre 1975 ( JO L 281, p . 1 ).
( 2 ) Règlement du Conseil du 20 juillet 1977 ( JO L 186, p . 15 ).
( 3 ) Règlement de la Commission du 29 juillet 1977 ( JO L 191, p . 90 ).
( 4 ) Règlement de la Commission du 20 décembre 1984 ( JO L 333, p . 38 ).
( 5 ) Règlement du Conseil du 30 juin 1981 ( JO L 177, p . 4 ).
( 6 ) Puisque Roquette est le seul producteur français d' isoglucose, son quota correspond à celui attribué à la France ( métropolitaine ).
( 7 ) Une autre "cotisation de résorption" et une "cotisation de résorption spéciale", destinées à couvrir des exigences spécifiques de financement, ont été instituées, respectivement, par le règlement ( CEE ) n 934/86 du Conseil, du 24 mars 1986 ( JO L 87, p . 1 ), et par le règlement ( CEE ) n 1914/87 du Conseil, du 2 juillet 1987 ( JO L 183, p . 5 ).
( 8 ) Règlement de la Commission du 8 juin 1982 ( JO L 158, p . 17 ).
( 9 ) Règlement de la Commission du 9 février 1984 ( JO L 51, p . 13 ).