61990C0057

Conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 19 septembre 1991. - Commission des Communautés européennes contre République française. - Sécurité sociale - Cotisations d'assurance maladie sur les retraites complémentaires et sur les indemnités de préretraite - Personnes résidant dans un autre État membre que la France. - Affaire C-57/90.

Recueil de jurisprudence 1992 page I-00075


Conclusions de l'avocat général


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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

A - Les faits

1 . Dans la présente affaire, la Commission reproche à la République française d' avoir manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions combinées de l' article 13, paragraphe 1, et de l' article 33 du règlement ( CEE ) n 1408/71 ( 1 ) du Conseil, en précomptant une cotisation d' assurance maladie sur les retraites complémentaires ainsi que sur les indemnités de préretraite perçues par des personnes résidant dans un État membre autre que la France et dont la couverture des risques maladie et maternité n' est pas à la charge d' un régime français ( il y a lieu de préciser à cet égard que, d' après la définition de l' objet du litige et le contenu d' ensemble du recours, il s' agit exclusivement de personnes qui relèvent de l' assurance maladie d' un autre État membre et qui ne sont donc pas à la charge du régime français ).

2 . Si la Commission estime que son grief est fondé, elle admet toutefois que les prestations correspondantes - parce qu' elles reposent sur des dispositions conventionnelles - ne relèvent pas, en vertu des dispositions combinées de l' article 4 et de l' article 3, paragraphe 1, sous j ), du champ d' application matériel du règlement n 1408/71 .

3 . Ce qui importe, selon elle, c' est, d' une part, que les intéressés tombent sous le coup du règlement précité et qu' il s' agit de versements aux caisses d' assurance maladie, lesquelles n' échappent certes pas au champ d' application du règlement n 1408/71 . D' autre part, elle croit pouvoir déduire - et cela lui paraît déterminant - du règlement n 1408/71 ( avec la jurisprudence correspondante ) un principe selon lequel les travailleurs migrants ne seraient soumis qu' à une seule législation puisque l' article 13, paragraphe 1, prévoirait que les personnes auxquelles le règlement est applicable, ne sont soumises qu' à la législation d' un seul État membre, tandis que l' article 33 aurait concrétisé cette règle en ce qui concerne les retenues effectuées sur des pensions ou rentes pour la couverture des prestations de maladie et de maternité . Partant, il y aurait lieu de présumer - et la Commission mentionne à ce stade le principe dit du parallélisme - qu' un État membre ne peut prélever aucune cotisation d' assurance maladie dans les cas où, en vertu du droit communautaire, l' assurance maladie relève de la législation d' un autre État membre ( un point de vue qui serait d' ailleurs partagé par la majorité des membres de la Commission administrative pour la sécurité sociale des travailleurs migrants ).

4 . Quant au point de savoir - après avoir entendu les arguments développés au cours de la procédure - si le reproche soulevé par la Commission est vraiment fondé ou s' il est possible en droit de financer l' assurance maladie par des prélèvements sur des prestations qui ne sont pas incluses dans le champ d' application du règlement n 1408/71, il y a lieu de faire observer en détail ce qui suit .

B - Appréciation

5.1 . Il convient, tout d' abord, d' examiner la thèse de la partie défenderesse relative aux bénéficiaires de prestations de préretraite et d' après laquelle la législation française prévoirait toujours un droit à prestation en cas de maladie et de maternité, peu importe que le bénéficiaire réside en France ou dans un autre État membre . La partie défenderesse estime que, dans un tel cas, le principe du parallélisme invoqué par la Commission - à supposer qu' il existe en droit communautaire - ne serait nullement violé en imposant à ces bénéficiaires de cotiser également à l' assurance maladie française .

6 . A ce sujet, nous avons pu lire dans la duplique que dans les cas où seules des indemnités de préretraite sont versées - dans le respect de la condition imposée à cet égard de l' absence de toute activité rémunérée - la jurisprudence pertinente ( voir l' arrêt prononcé dans l' affaire 302/84 ( 2 )) prévoit l' applicabilité du droit français en tant que droit de l' État du dernier emploi, de sorte que les prestations en cas de maladie sont, conformément à l' article 19 du règlement n 1408/71, à la charge de l' État français . Il s' y trouve encore exposé que le résultat est le même pour les personnes qui perçoivent également une pension de retraite, car les indemnités de préretraite ne peuvent être cumulées qu' avec certaines rentes et pensions de retraite ( à savoir, celles qui se réfèrent à une activité antérieure à l' activité au titre de laquelle les indemnités de préretraite sont versées ). Partant, dans un tel cas de figure, c' est encore le droit français qui serait applicable en raison du lieu du dernier emploi, et les prestations en cas de maladie devraient donc - même si celles de retraite sont versées dans un autre État membre - être mises à la charge des organismes français, conformément à l' article 19, précité, du règlement n 1408/71 . En effet, le point déterminant étant en dernière analyse que les bénéficiaires d' indemnités de préretraite sont des travailleurs salariés, il y aurait lieu de s' en tenir à l' article 34, paragraphe 2, du règlement n 1408/71, d' après lequel les articles 27 à 33 ne sont pas applicables aux titulaires d' une pension qui ont droit à des prestations au titre de la législation d' un État membre du fait de l' exercice d' une activité professionnelle .

7 . Nous nous permettons toutefois de dire d' ores et déjà qu' il paraît difficile de défendre sur cette base le point de vue qu' au moins les bénéficiaires d' indemnités de préretraite seraient dans l' ensemble visés à tort par l' action intentée par la Commission et dans le dispositif de son recours .

8 . Certes, la thèse de la défenderesse ne semble guère contestable dans le cas des personnes qui ne perçoivent que des indemnités de préretraite . En effet, pour ces dernières, c' est sans aucun doute l' article 19 du règlement n 1408/71 qui est déterminant, ainsi qu' il résulte d' ailleurs de l' avis motivé de la Commission qui a été joint au mémoire en défense et qui ne se réfère pas à la présente affaire . Cependant, il est difficile d' admettre l' argumentation de la partie défenderesse lorsqu' il s' agit de situations - également imaginables - où le bénéficiaire d' indemnités de préretraite peut faire valoir simultanément un droit à une pension au titre d' une activité antérieure exercée dans un autre État membre . De fait, c' est à tort que la partie défenderesse en arrive dans ce cas à appliquer l' article 19 par le biais de l' article 34, paragraphe 2 - dont nous avons indiqué la teneur précédemment - car il ne s' agit pas dans cette hypothèse de véritables titulaires d' une pension ou d' une rente "qui ont droit aux prestations du fait de l' exercice d' une activité professionnelle", mais de pensionnés qui ont droit à des indemnités de préretraite . Le point de vue de la Commission d' après lequel il conviendrait dans une telle hypothèse d' appliquer, par exemple, l' article 28 du règlement n 1408/71 - ce qui, en ce qui concerne l' assurance maladie, entraînerait en fait l' applicabilité d' un autre ordre juridique que la législation française - nous semble en l' occurrence plus convaincant .

9 . Nous ne pouvons donc envisager de rejeter le recours en ce qui concerne les cotisations à l' assurance maladie française prélevées aux bénéficiaires d' indemnités de préretraite, au motif que la condition mentionnée dans la description de l' objet du litige ( couverture du risque maladie par des organismes autres que français ) ne serait pas remplie .

10 . 2 . Après cela, il y a lieu d' examiner avant tout si l' existence du principe invoqué par la Commission et décrit au début de notre exposé, peut effectivement être établie ou si la partie défenderesse a raison de le contester et d' affirmer qu' au contraire, le règlement n 1408/71 comporterait de très nombreuses dérogations à la règle de l' unicité de législation et admettrait très souvent l' application concurrente de plusieurs législations différentes ( comme le montreraient, par exemple, son article 14 quater et l' annexe VII à laquelle ce dernier renvoie ).

11 . Il faut préciser d' emblée que la Commission - ce que la partie défenderesse semble oublier - ne se réfère pas seulement à l' article 13 du règlement n 1408/71 et à son article 33 ( dont les termes ne sont manifestement pas directement applicables aux circonstances qui importent à la Commission en l' espèce ). Elle se réfère également à ce qui peut être dégagé de la jurisprudence relative aux problèmes qui se posent en l' occurrence . Or, force est de reconnaître sur ce point - et nous tenons à le souligner dès maintenant - qu' il existe une série d' arrêts ( en particulier de l' époque antérieure à l' entrée en vigueur du règlement n 1408/71 ) qui semblent confirmer le bien-fondé du point de vue de la partie requérante .

12 . Ainsi convient-il de se pencher sur l' arrêt prononcé dans l' affaire 92/63 ( 3 ), où il s' agissait notamment de l' interprétation de l' article 12 du règlement n 3, donc de la disposition équivalant - parce qu' elle déterminait le droit applicable aux salariés - à l' article 13 du règlement n 1408/71, à cette différence près cependant qu' elle n' établissait pas avec la même précision que cette dernière que les personnes soumises au règlement n' étaient assujetties aux dispositions juridiques que d' un seul État membre . Pour déterminer la véritable portée de l' article 12, il convenait donc d' examiner si l' application simultanée de plusieurs législations à un seul travailleur salarié était contraire aux dispositions des articles 48 à 51 du traité . A la suite de cet examen au regard des dispositions précitées du traité, la Cour a effectivement conclu - tout en insistant sur le principe selon lequel il convenait de protéger les travailleurs migrants contre toute discrimination en matière de sécurité sociale - que l' article 12 du règlement n 3 excluait l' application de la législation d' un autre État membre que l' État d' emploi . D' après sa teneur d' ensemble, il est vrai que cette déduction ne peut manifestement être considérée que comme la démonstration d' un principe général . Dans la mesure où le même arrêt a encore souligné qu' il n' était pas admissible d' obliger les intéressés à verser des cotisations à un organisme de sécurité sociale qui ne leur apporterait aucun avantage supplémentaire pour le même risque et la même période, cela constitue également ( eu égard à l' absence de disposition expresse correspondante dans le règlement n 3 ) la déduction d' un principe sur lequel le règlement était implicitement fondé .

13 . La situation est analogue en ce qui concerne l' arrêt prononcé dans l' affaire 19/67 ( 4 ), qui se réfère également à l' article 12 du règlement n 3 . Il vaut certes la peine de noter comme plaidant dans le sens de la Commission que cet arrêt a souligné qu' il convenait, dans l' intérêt tant des travailleurs et des employeurs que des caisses, d' éviter tout cumul ou enchevêtrement inutile des charges et des responsabilités, qui résulterait d' une application, simultanée ou alternative, des législations de plusieurs États membres . Il convient, à cet égard, de retenir la constatation selon laquelle l' article 12 entend empêcher toute application concurrente de dispositions nationales susceptibles d' accroître les charges sociales pesant sur le travailleur salarié ou sur l' employeur, sans apporter aucun avantage correspondant .

14 . Mais certains arrêts ultérieurs prononcés dans les affaires 73/72 ( 5 ), 276/81 ( 6 ), 302/84 ( 7 ) et 60/85 ( 8 ) valent également la peine d' être mentionnés . En effet, le premier de ces arrêts se réfère, à propos de l' article 12 du règlement n 3, à un "principe" et à une "règle générale ". D' autre part, dans les trois autres arrêts, la Cour ne souligne pas seulement que les dispositions du titre II des règlements n s 3 et 1408/71 tendent à garantir que les intéressés soient soumis au régime de sécurité sociale d' un seul État membre; elle affirme encore que ce "principe, appliqué par la Cour sous l' empire du règlement n 3" se trouve exprimé par l' article 13, paragraphe 1, du règlement n 1408/71 .

15 . Enfin, il convient de se référer à l' arrêt prononcé dans l' affaire C-140/88 ( 9 ) où il a fallu analyser en particulier l' article 33 du règlement n 1408/71 ( aux termes duquel "l' institution d' un État membre débitrice d' une pension ou d' une rente qui applique une législation prévoyant des retenues de cotisations à la charge du titulaire d' une pension ou d' une rente, pour la couverture des prestations de maladie et de maternité, est autorisée à opérer ces retenues, calculées suivant ladite législation, sur la pension ou la rente dues par elle, dans la mesure où les prestations servies ... sont à la charge d' une institution dudit État membre "). Cet arrêt mérite d' être relevé parce qu' il souligne - en se référant aux objectifs poursuivis par le règlement n 1408/71 - que les règles énoncées par l' article 33 constituent l' application d' un principe plus général .

16 . Face à cette jurisprudence, la référence de la partie défenderesse à l' annexe VII du règlement n 1408/71, avec l' exception qu' elle prévoit au principe de l' unicité de la législation applicable, fait sans aucun doute long feu . Quant à cette référence, il y a lieu de dire, d' une part, que, dans le fond, il est de l' essence des principes d' admettre certaines dérogations ( qui devront toutefois - comme la Commission l' a remarqué à juste titre - être d' interprétation stricte ). D' autre part, il faut ajouter que l' annexe en question ne se rapporte qu' à un cas très particulier de cumul entre activité salariée et activité non salariée et qu' elle n' a, en outre, absolument rien à voir avec le problème de l' assurance maladie .

17 . Si nous suivons ce raisonnement, c' est-à-dire si nous admettons le bien-fondé de la thèse de la Commission relative à l' applicabilité du principe de l' unicité de législation ou du principe du parallélisme entre cotisations et prestations, force nous sera de constater que cette situation ne peut par principe s' accommoder d' une réglementation qui, comme les dispositions françaises litigieuses, a pour conséquence d' imposer le versement de cotisations à l' assurance maladie française à des titulaires d' indemnités de préretraite et de rentes ou de pensions complémentaires, qui sont couverts en vertu du droit communautaire par une assurance maladie d' un autre État membre .

18 . 3 . Cette conclusion ne peut d' ailleurs en rien être ébranlée par certains autres arguments de la partie défenderesse, auxquels nous allons nous référer maintenant .

19 . a ) C' est le cas notamment de son allégation selon laquelle les prélèvements litigieux constitueraient des contributions de solidarité ne donnant lieu à l' ouverture d' aucun droit .

20 . La Commission a pu répondre à cela d' une part que la réglementation française ne prévoyait aucune différence entre les cotisations prélevées sur des rentes et pensions légales et celles prélevées sur les indemnités de préretraite et les pensions complémentaires . Tous ces prélèvements sont soumis aux mêmes dispositions et servent sans distinction aucune à financer la caisse générale d' assurance maladie . La Commission a pu, en outre, rappeler que le règlement n 1408/71 ne contient pas de définition particulière du terme "cotisations" et qu' aucune de ses dispositions n' implique que certaines cotisations devraient faire l' objet d' un examen séparé, en raison de leur caractère de contribution de solidarité .

21 . b ) Dans la mesure où la partie défenderesse se réfère encore au principe, dégagé par la jurisprudence, de la sécurité juridique, qui serait d' une importance particulière en ce qui concerne les conséquences financières de dispositions de droit communautaire ( voir l' arrêt prononcé dans l' affaire C-30/89 ( 10 )) et qui jouerait donc également un rôle important dans le droit de la sécurité sociale, elle doit souffrir qu' on lui oppose que le principe invoqué par la Commission a été - comme nous l' avons démontré précédemment - jadis dégagé par la jurisprudence comme découlant des règles du traité relatives à l' élimination des obstacles à la libre circulation des personnes . Sa portée ne fait donc plus depuis bien longtemps l' objet d' aucun doute, même si l' article 33 du règlement n 1408/71 se borne - conformément au champ d' application matériel de ce règlement - à mentionner les organismes d' assurance vieillesse qui relèvent du champ d' application du règlement ainsi que leur droit à opérer des retenues de cotisations au titre de l' assurance maladie .

22 . c ) Dans la mesure où la partie défenderesse a souligné, d' autre part, que le règlement n 1408/71 aurait été adopté sur la base de l' article 51 du traité CEE ( qui ne mentionnerait que la totalisation de toutes les périodes prises en considération par les différentes législations nationales ainsi que le paiement des prestations aux personnes résidant sur les territoires d' autres États membres ) et qu' il ne concernerait donc pas des questions de financement de la sécurité sociale, nous pouvons lui répondre que l' article 51 du traité CEE se borne à énumérer aux lettres a ) et b ) ( comme le terme "notamment" du premier alinéa le montre ) les mesures les plus importantes et qu' il ne contient donc pas de liste exhaustive des textes entrant en ligne de compte . Ajoutons que le caractère indéfendable du point de vue de la défenderesse résulte déjà de l' article 33 du règlement n 1408/71 ( où sont réglées des questions relatives à la perception des cotisations ) ainsi que du principe - précité - du parallélisme, qui a été mentionné très tôt dans la jurisprudence .

23 . d ) Cette appréciation négative vaut également pour l' argument fondé sur l' article 33 du règlement n 1408/71, d' après lequel cette disposition aurait pour élément caractéristique son assiette et qu' il faudrait donc écarter les prélèvements effectués sur des indemnités de préretraite et sur des retraites complémentaires, car de telles prestations ne pourraient, d' après la jurisprudence, être assimilées à des pensions ou à des retraites ( voir l' arrêt prononcé dans l' affaire 171/82 ( 11 ) à propos du système français de la "garantie de ressources démission" ainsi que l' arrêt C-262/88 ( 12 ) relatif à une pension complémentaire qui avait été considérée comme une "rémunération" au sens de l' article 119 du traité CEE ).

24 . Même s' il faut reconnaître que, eu égard à son champ d' application limité, l' article 33 précité ne s' applique certainement pas directement en l' espèce, il reste cependant que l' appréciation de la Commission est en harmonie avec le principe - d' interprétation large - du parallélisme, qui a été dégagé par la jurisprudence et dont il résulte que l' assiette n' est pas l' élément déterminant mais que la destination donnée au prélèvement a également son importance en droit communautaire .

25 . e ) Enfin, c' est à tort que l' on a opposé au point de vue de la Commission qu' il pourrait entraîner des discriminations à deux égards : la première serait constituée par le fait que des salariés bénéficiant d' indemnités de préretraite et résidant hors de France, seraient favorisés par rapport aux salariés domiciliés en France s' ils étaient dispensés du versement de la cotisation; d' autre part, il y aurait discrimination dans la mesure où l' appréciation portée par la Commission n' inclurait pas les systèmes de sécurité sociale financés par l' impôt, de sorte que les États membres appliquant de tels systèmes pourraient, en tout état de cause, prélever des cotisations sur les retraites et les pensions complémentaires ainsi que sur les indemnités de préretraite .

26 . En ce qui concerne la première hypothèse, nous pouvons constater notamment une certaine contradiction dans les développements de la partie défenderesse, qui a affirmé au cours de la procédure écrite que les bénéficiaires d' indemnités de préretraite résidant en France versent des cotisations sur ces prestations même s' ils ne sont pas affiliés à l' assurance maladie, alors que son représentant au cours de la procédure orale a clairement répondu par la négative à la question de savoir s' il existait des bénéficiaires d' indemnités de préretraite résidant en France sans y être affiliés à l' assurance maladie . Mais ce qui importe avant tout, c' est que la Commission a pu observer à ce sujet qu' un certain degré d' inégalité de traitement existe également en ce qui concerne les cotisations grevant les pensions incluses dans le champ d' application du règlement n 1408/71 ( parce que l' assiette applicable dans le cas des travailleurs migrants peut dans certaines circonstances être inférieure à celle applicable aux travailleurs qui ne sont restés employés que dans un État membre ) et qu' elle a pu - à juste raison - souligner à ce propos que le droit communautaire n' entendait nullement exclure de telles discriminations (" à rebours "). De fait, les considérants du règlement n 1408/71 révèlent bien que ce texte a pour objet non pas une égalité générale de traitement de tous les travailleurs salariés, mais avant tout la protection des travailleurs auxquels s' appliquent les législations de plusieurs États membres . Cela résulte très clairement du cinquième considérant, aux termes duquel "les règles de coordination des législations nationales de sécurité sociale s' inscrivent dans le cadre de la libre circulation des travailleurs ressortissants des États membres et doivent, à ce titre, contribuer à l' amélioration de leur niveau de vie et des conditions de leur emploi ...".

27 . En ce qui concerne la seconde hypothèse, il suffit de rappeler que les autres systèmes mentionnés par la partie défenderesse appliquent un mode de financement d' une nature radicalement différente . C' est pourquoi les différences éventuelles pouvant en résulter ne sauraient en droit d' être qualifiées de discriminations . Nous pouvons cependant ajouter qu' il n' est nullement certain ( mais c' est un point qu' il n' y a pas lieu d' examiner ici ) que le principe du parallélisme ne s' appliquerait pas également à ces systèmes, à un titre ou à un autre .

C - Conclusions

28 . 4 . Partant, pour faire la synthèse des développements précédents, force nous est de conclure que le recours de la Commission paraît fondé et que la Cour de justice devrait, dès lors, constater que, en précomptant une cotisation d' assurance maladie sur les retraites complémentaires ainsi que sur les indemnités de préretraite perçues par des personnes résidant dans un État membre autre que la France et dont la couverture des risques maladie et maternité n' est pas à la charge du régime français, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du règlement ( CEE ) n 1408/71 du Conseil . Dans ces conditions, la défenderesse devrait également être condamnée aux dépens .

(*) Langue originale : l' allemand .

( 1 ) Règlement du 14 juin 1971 ( JO L 149, p . 2 ).

( 2 ) Arrêt du 12 juin 1986, Ten Holder/Nieuwe Algemene Bedrijfsvereniging ( 302/84, Rec . p . 1821 ).

( 3 ) Arrêt du 9 juin 1964, Nonnemacher, Moebs/Sociale Verzekeringsbank ( 92/63, Rec . p . 557 ).

( 4 ) Arrêt du 5 décembre 1967, Sociale Verzekeringsbank/Van der Vecht ( 19/67, Rec . p . 445 ).

( 5 ) Arrêt du 1er mars 1973, Bentzinger/Steinbruchs-Berufsgenossenschaft ( 73/72, Rec . p . 283 ).

( 6 ) Arrêt du 23 septembre 1982, Sociale Verzekeringsbank/Kuijpers ( 276/81, Rec . p . 3027 ).

( 7 ) Arrêt dans l' affaire 302/84, loc . cit .

( 8 ) Arrêt du 10 juillet 1986, Luijten/Raad van Arbeit ( 60/85, Rec . p . 2365 ).

( 9 ) Arrêt du 21 février 1991, Noij/Staatssecretaris van Financien ( C-140/88, Rec . p . I-388 ).

( 10 ) Arrêt du 13 mars 1990, Commission/France ( C-30/89, Rec . p . I-691 ).

( 11 ) Arrêt du 5 juillet 1983, Valentini/Assedic ( 171/82, Rec . p . 2157 ).

( 12 ) Arrêt du 17 mai 1990, Barber ( C-262/88, Rec . p . I-1889 ).