61989A0169

Arrêt du Tribunal de première instance (quatrième chambre) du 11 décembre 1991. - Erik Dan Frederiksen contre Parlement européen. - Fonctionnaires - Annulation d'une promotion - Annulation d'un rejet de candidature. - Affaire T-169/89.

Recueil de jurisprudence 1991 page II-01403


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


++++

1 . Fonctionnaires - Recours - Intérêt à agir - Recours d' un candidat à un emploi vacant dirigé contre la nomination d' un autre candidat - Recevabilité - Conditions - Possibilité objective pour le requérant d' être nommé

( Statut des fonctionnaires, art . 90 et 91 )

2 . Fonctionnaires - Recrutement - Avis de vacance d' emploi - Objet - Examen des candidatures au regard des conditions énoncées - Pouvoir d' appréciation de l' administration - Limites - Respect des conditions posées par l' avis de vacance

( Statut des fonctionnaires, art . 4 )

3 . Fonctionnaires - Promotion - Pouvoir d' appréciation de l' administration - Contrôle juridictionnel - Limites

( Statut des fonctionnaires, art . 45 )

Sommaire


1 . S' il est vrai qu' un fonctionnaire, candidat à un emploi vacant, n' a aucun intérêt légitime à voir annuler la nomination d' un autre candidat à ce poste s' il ne peut lui-même valablement y prétendre, il en va différemment du fonctionnaire qui satisfait aux conditions de l' avis de vacance et dont les mérites sont susceptibles de lui donner accès au poste à pourvoir .

2 . Le rôle essentiel d' un avis de vacance d' emploi est d' informer les intéressés d' une façon aussi exacte que possible de la nature des conditions requises pour occuper le poste à pourvoir afin de les mettre en mesure d' apprécier s' il y a lieu pour eux de faire acte de candidature . L' avis de vacance constitue ainsi le cadre de légalité que l' autorité investie du pouvoir de nomination s' impose à elle-même, de sorte que si elle découvre, lors de l' examen des candidatures, que les conditions requises par cet avis sont plus sévères que ne l' exigent les besoins du service, il lui est loisible de recommencer la procédure en retirant l' avis de vacance original et en le remplaçant par un avis corrigé .

3 . Pour évaluer l' intérêt du service ainsi que les mérites à prendre en considération dans le cadre d' une décision de promotion prévue à l' article 45 du statut, l' autorité investie du pouvoir de nomination dispose d' un large pouvoir d' appréciation et, dans ce domaine, le contrôle du juge communautaire doit se limiter à la question de savoir si, eu égard aux voies et moyens qui ont pu conduire l' administration à son appréciation, celle-ci s' est tenue dans des limites non critiquables et n' a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée .

A cet égard, l' exercice du pouvoir d' appréciation dont dispose l' autorité investie du pouvoir de nomination suppose un examen scrupuleux des dossiers de candidature et une observation consciencieuse des exigences énoncées à l' avis de vacance, un tel pouvoir d' appréciation ayant pour contrepartie l' obligation d' examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents de chaque candidature .

Parties


Dans l' affaire T-169/89,

Erik Dan Frederiksen, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Luxembourg, représenté par Me Georges Vandersanden, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l' étude de Me Alex Schmitt, 62, avenue Guillaume,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par M . Jorge Campinos, jurisconsulte, en qualité d' agent, assisté par M . Didier Petersheim, membre du service juridique, également en qualité d' agent, et par Me Vanderberghe, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès du secrétariat général du Parlement européen, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet l' annulation de la décision du président du Parlement européen, du 3 juillet 1989, promouvant Mme X au poste de conseiller linguistique à la division de la traduction danoise ( direction générale de la traduction et des services généraux ) et, pour autant que de besoin, de la note du service du recrutement, du 17 juillet 1989, informant le requérant du rejet de sa candidature au même poste,

LE TRIBUNAL ( quatrième chambre ),

composé de MM . R . García-Valdecasas, président, D . A . O . Edward et R . Schintgen, juges,

greffier : M . H . Jung

vu la procédure écrite et à la suite des procédures orales des 5 décembre 1990 et 3 octobre 1991,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


Les faits à l' origine du recours

1 Le requérant, M . Erik Dan Frederiksen, est traducteur principal de grade LA 4 à la division de la traduction danoise, au sein de la direction générale VII "Traduction et services généraux" ( ci-après "DG VII ") du Parlement européen ( ci-après "Parlement "). Après avoir enseigné, en qualité de professeur certifié de l' enseignement secondaire, le français et l' allemand au Danemark à partir de 1965, il est entré au service du Parlement le 1er août 1973 . Affecté à un emploi de traducteur de grade LA 7, puis nommé réviseur, il a bénéficié de promotions régulières jusqu' à sa promotion au grade LA 4, qu' il a obtenue le 1er janvier 1978 . Au mois de juillet 1979, il a été transféré à la division de la terminologie, où il a travaillé jusqu' au mois de mai 1988, date à laquelle il a rejoint la division de la traduction danoise . Au sein de celle-ci, il a été, entre autres, responsable de l' organisation d' un cours de langue française .

2 Le 9 janvier 1989, le Parlement a publié un avis de vacance d' emploi n 5809, concernant un poste de conseiller linguistique de grade LA 3 à la division de la traduction danoise . Les termes pertinents de l' avis de vacance étaient les suivants :

"Nature des fonctions

Conseiller linguistique placé sous l' autorité du chef de division et notamment chargé de l' assister dans les domaines suivants :

- formation professionnelle des fonctionnaires et autres agents de la division;

- formation et suivi du travail des nouveaux(lles ) traducteurs(trices ) et des stagiaires boursiers;

- organisation de la documentation de la division, notamment en vue de l' établissement de dossiers de documentation spécifiques pour répondre aux besoins des traducteurs, informatisation du travail de documentation et du travail terminologique de la division;

- contrôle de la qualité des textes traduits .

Le conseiller linguistique peut être appelé à traduire et réviser des textes difficiles, et des tâches particulières pourront lui être confiées dans le cadre de l' organisation de la division .

Remplace en cas d' empêchement le chef de division .

Ces travaux exigent une aptitude et un intérêt à améliorer et développer les méthodes de travail d' une division linguistique, d' une part, et à suivre la formation professionnelle, d' autre part .

Qualifications et connaissances requises

- Formation de niveau universitaire sanctionnée par un diplôme ou expérience professionnelle garantissant un niveau équivalent;

- expérience professionnelle confirmée dans le domaine de la traduction et de la révision;

- connaissance des techniques d' informatisation appliquées aux travaux de gestion;

- connaissances linguistiques : parfaite maîtrise de la langue danoise; les candidats doivent avoir, en outre, une connaissance approfondie de deux autres langues officielles de la Communauté européenne ainsi qu' une bonne connaissance d' une quatrième de ces langues; la connaissance d' une cinquième langue est souhaitable et la connaissance d' autres langues ... sera prise en considération ."

3 Dans son "Bilan des activités de la DG VII au cours de l' exercice 1988", Mme Carmen G . de Enterria, directeur général de la DG VII, s' était exprimée comme suit :

"Au-delà de ... problèmes techniques, la direction de la traduction est toujours confrontée aux difficultés de remplacement du personnel absent pour diverses raisons : mi-temps, maladie, CCP ( congé de convenance personnelle ), formation professionnelle .

Les perspectives de développement de cette direction passent, comme pour la direction de l' édition, par une meilleure utilisation des ressources humaines et par une généralisation des technologies modernes .

A cet égard, le plan de formation professionnelle spécifique à la direction a été très favorablement accueilli, tant par les linguistes que par les secrétaires des pools dactylographiques ."

Elle avait conclu que :

"Un effort important devra être poursuivi en matière de formation et d' utilisation des nouvelles technologies ."

4 Le requérant et deux autres membres de la division de la traduction danoise, Mme X et M . Y, ont posé leurs candidatures à la suite de la publication de l' avis de vacance précité .

5 Mme X était entrée au service du Parlement le 2 février 1973 . Elle avait été promue au grade LA 4 à la même date que le requérant . Elle a toujours travaillé, d' abord en qualité de traducteur, puis de réviseur, au sein de la division de la traduction danoise . Pour des raisons d' ordre familial, elle a travaillé, à compter du 1er octobre 1979, à mi-temps, sauf pendant la période du 1er avril au 1er octobre 1983 .

6 M . Y était entré au service de la Commission des Communautés européennes le 1er février 1976, avant d' être transféré au Conseil en 1977, puis au Parlement en 1979 . Il avait été promu au grade LA 4 en 1986 . Il a toujours travaillé, au sein du Parlement, à la division de la traduction danoise . Pendant la période 1987/1988, il a été responsable, au sein de cette division, des travaux de terminologie et de la liaison avec les bureaux et les groupes de terminologie des autres institutions des Communautés .

7 Dans leurs rapports de notation pour la période 1983/1984, les trois candidats avaient obtenu une mention "excellent" et deux "bon ". Pour la période 1985/1986, le requérant avait reçu une mention "excellent" ( qualité de travail ), deux "très bon" et cinq "bon"; Mme X une mention "excellent" ( connaissances ), quatre "très bon" et trois "bon"; et M . Y deux mentions "excellent" ( connaissances et qualité du travail ), quatre "très bon" et deux "bon ". Pour la période 1985/1986, le premier notateur du requérant était son supérieur hiérarchique à la division de la terminologie, M . Minnaert . Mme X et M . Y, pour leur part, avaient été notés par le même notateur de la division de la traduction danoise .

8 Chaque rapport de notation contenait une déclaration de l' intéressé sur ses connaissances linguistiques . Dans le rapport établi pour la période 1985/1986, le requérant avait fait valoir une "très bonne" connaissance de l' allemand, de l' anglais et du français, une "bonne" connaissance de l' italien et de l' espagnol, et une connaissance "passable" du néerlandais; Mme X une "très bonne" connaissance de l' allemand, de l' anglais, du français et de l' italien, et une "bonne" connaissance du grec et du néerlandais; et M . Y une "très bonne" connaissance de quatre langues autres que le danois, à savoir l' allemand, l' anglais, le français et le néerlandais .

9 Le requérant avait suivi cinq cours de formation en matière d' informatique organisés par le Parlement (( introduction à l' informatique I et II ( 3 jours chacun ), MS-DOS ( 2 jours ), dBase III ( 4 jours ), et Open Access II ( 5 jours ) )). Dans une note annexée à son acte de candidature, il a déclaré que, outre les connaissances qu' il avait pu acquérir grâce à cette formation, il utilisait des programmes d' instruction ( notamment le WordPerfect ) ainsi que les bases de données Epoque, Celex, APC et Eurodicautom; qu' il était le propriétaire/utilisateur d' un ordinateur Commodore PC 10-III ( comportant un disque dur de 32 Mb, ainsi que deux lecteurs de disquettes de 5.25" et 3.5", respectivement, et une imprimante matrix NEC P2200 ), équipé de logiciels GW-Basic et MS-DOS; qu' il disposait de certains autres programmes et outils tels que dBase III Plus et PC Tools; enfin, qu' il travaillait avec le logiciel Open Access récemment installé sur l' un des nouveaux ordinateurs M240 de la division de la traduction danoise . Entre février et avril 1989, il avait suivi deux cours de formation complémentaire sur Open Access II ( 5 jours ) et Open Access II Advanced ( 5 jours ). Mme X, pour sa part, avait assisté à deux séminaires dirigés par M . Y, ayant pour objet une initiation à la consultation des bases de données Eurodicautom et Epoque; elle avait reçu certaines informations sur l' utilisation desdites bases de données Eurodicautom et Epoque, ainsi qu' un guide pour l' application d' Epoque; en outre, elle utilisait, pour la consultation de ces bases de données dans le cadre de son travail de traducteur-réviseur, un terminal télétype sans processeur . Dans le cadre des mesures d' instruction ordonnées par le Tribunal, le Parlement a demandé que soit pris en compte le fait que Mme X, selon ses propres déclarations, avait à sa disposition chez elle un ordinateur Commodore 128 depuis 1988 . En ce qui concerne M . Y, dont les connaissances en matière d' informatique n' ont pas été précisées en détail, il ressort du dossier qu' il avait dirigé les séminaires susvisés à l' intention des linguistes de la division danoise; qu' il avait préparé un guide pour l' utilisation de la base de données Epoque et que, pendant la période 1987/1988, il avait suivi des cours de formation en vue de l' utilisation du logiciel Open Access ( 5 jours ) et de la base de données Celex .

10 Par note du 2 février 1989 adressée à Mme De Enterria, M . John Hargreaves, directeur de la traduction et de la terminologie, a commenté les trois candidatures au poste de conseiller linguistique comme suit :

"Trois candidatures ont été introduites en réponse à cet affichage .

Pour ce qui est de l' ancienneté de grade, deux candidats, M . Frederiksen et Mme X ont une ancienneté identique - leur ancienneté de service étant, par ailleurs, sensiblement la même .

Le troisième candidat, M . Y, a une ancienneté de grade et de service nettement inférieure .

Pour ce qui est des rapports de notation, celui de M . Y est de loin le meilleur, suivi, dans l' ordre, par ceux de Mme X et de M . Frederiksen . Il convient de noter que ces rapports ont trait au travail effectué en tant que réviseur/traducteur principal .

Les trois candidats ont un large éventail de connaissances linguistiques .

Mme X est un traducteur/réviseur dont les qualités professionnelles à la division ne sont plus à démontrer . Elle a suivi des cours de langue mais elle n' a pas acquis d' autres connaissances qui pourraient la préparer au travail de formation, de documentation et d' informatisation énoncé dans la nature des fonctions .

M . Y a effectué, en plus de ses fonctions de traducteur/réviseur, un travail de terminologie et de documentation très apprécié à la division et également en liaison avec le groupe 'terminologie danois du Conseil' . Il a, en outre, organisé des cours de formation destinés à familiariser les linguistes de la division avec certaines bases de données .

M . Frederiksen est également un traducteur/réviseur dont les qualités sont hautement appréciées à la division . Pendant plusieurs années, il a travaillé à la division de la terminologie où il a bénéficié d' une expérience fort utile de la documentation et de l' informatique, domaines dans lesquels ses compétences sont remarquables . Avant d' entrer au Parlement européen, il a, par ailleurs, acquis une expérience pédagogique qui serait particulièrement utile pour les tâches de formation et de suivi énoncées à l' avis de vacance .

A la lumière du profil des candidats, le choix devrait se faire entre M . Y et M . Frederiksen .

En raison de l' ancienneté de grade supérieure de M . Frederiksen, qui est par ailleurs nettement plus âgé que M . Y, je propose la promotion de M . Frederiksen .

Sa nomination serait de nature à assurer la poursuite de l' excellent fonctionnement de cette division : il répond à toutes les exigences du poste et jouit en plus du respect de ses collègues en raison de ses qualités personnelles ainsi que de son expérience confirmée dans tous les domaines nécessaires ."

11 Par note du 10 mars 1989, Mme De Enterria a proposé au directeur général de l' administration, du personnel et des finances la promotion de Mme X au poste de conseiller linguistique "pour les raisons exposées dans la note jointe ". Cette note était rédigée dans les termes suivants :

"Des trois candidatures introduites suite à cet affichage, il résulte que :

- concernant l' ancienneté de service, Mme X se place en tête, suivie, dans l' ordre de M . Frederiksen et M . Y;

- concernant l' ancienneté de grade, celles de Mme X et de M . Frederiksen sont identiques avec une différence nettement inférieure pour M . Y;

- concernant les rapports de notation : des deux candidats les plus anciens, celui de Mme X comporte des 'excellent' dans les rubriques 1 ( connaissances générales et professionnelles nécessaires à l' exercice des fonctions ) et 4 ( capacité d' organisation - esprit et méthode ) tandis que M . Frederiksen n' a que 'très bien' . Le reste du rapport doit être considéré comme équivalent .

Deux des candidats, Mme X et M . Y, ont toujours travaillé à la division de la traduction danoise alors que M . Frederiksen a exercé ses fonctions à la division de la terminologie entre juillet 1979 et mai 1988 .

Les trois candidats ont un large éventail de langues, néanmoins, seule Mme X dispose de la langue grecque y compris au niveau de la révision .

Après comparaison des qualifications des trois candidats et compte tenu, d' une part, de la situation des postes d' encadrement à la direction de la traduction ( sur 21 postes LA 3, trois postes seulement sont occupés par une femme ) et, d' autre part, à la lumière du programme d' action mené par notre institution dans le respect du principe de l' égalité des chances hommes/femmes, je propose la promotion de Mme X au poste de conseiller linguistique, même si la candidate se voit, pour l' instant, dans l' obligation de travailler à mi-temps pour des raisons familiales ( jeunes enfants )."

12 Cette proposition de nomination de Mme X a donné lieu le même jour à une protestation adressée à M . Hargreaves par 27 traducteurs et 6 secrétaires de la division de la traduction danoise, y compris M . Y, au motif que la recommandation de M . Hargreaves avait été méconnue "alors que sa recommandation avait été basée strictement et uniquement sur l' avis de vacance approuvé par l' autorité investie du pouvoir de nomination ".

13 Par note du 14 mars 1989, M . Hargreaves a demandé à Mme De Enterria de réexaminer sa proposition aux motifs, notamment, que le profil de Mme X correspondait moins bien aux exigences du poste à pourvoir et que le travail à mi-temps n' était pas compatible avec l' exercice des fonctions de conseiller linguistique au Parlement, les tâches afférentes à ce poste étant directement liées au rythme des activités parlementaires . Mme De Enterria lui a répondu, le 22 mars 1989, que les éléments sur lesquels son attention avait été attirée ne l' avaient pas fait changer de position .

14 Le 26 avril 1989, Mme De Enterria a adressé une note à M . Hans Drangsfeldt, chef de la division de la traduction danoise, lui demandant de confirmer "que la nomination de Mme X comme conseiller linguistique ne provoquerait aucune incompatibilité avec le bon fonctionnement de votre division ". Une copie de cette note a été adressée à M . Hargreaves . Le même jour, M . Hargreaves a écrit à Mme De Enterria que, si elle voulait imposer son choix, c' était à elle d' en assumer l' entière responsabilité "sans demander à M . Drangsfeldt ou à moi-même d' entériner une décision que vous, et vous seule, aurez prise ".

15 Le 16 mai 1989, après un entretien avec Mme De Enterria, M . Drangsfeldt lui a écrit "qu' à long terme la nomination d' un candidat qui ne remplit certainement pas les qualifications formelles requises dans l' avis de vacance risque de porter atteinte à l' attitude des fonctionnaires dans la division vis-à-vis de l' institution ". Dans une note ultérieure du 31 mai 1989, M . Drangsfeldt a souligné ce qui suit :

"Une des qualifications formelles requises dans l' avis de vacance est 'connaissance des techniques d' informatisation appliquées aux travaux de gestion' . Mme X ne possède pas cette qualification formelle qui est absolument indispensable pas seulement pour l' accomplissement des tâches énumérées sous la rubrique 'Nature des fonctions' , mais surtout pour le développement et la rationalisation à court et moyen terme de la division ."

16 Dans une note du 7 juin 1989, adressée au secrétaire général du Parlement, Mme De Enterria a maintenu sa proposition, faisant valoir que :

"Pour ce qui est des qualifications concernant 'la connaissance des techniques d' informations ( sic ) appliquées aux travaux de gestion' dont, selon l' avis du chef de la division concernée, une telle méconnaissance pourrait 'à long terme ... porter atteinte à l' attitude des fonctionnaires de la division ...' , aucun élément ne nous permet de préjuger une quelconque incapacité intellectuelle de la part de la candidate proposée . Il est exact que dans le dossier personnel de l' autre candidat figurent trois certificats relatifs aux cours de 'Open access' et 'Wordperfect' organisés par notre institution . L' absence d' un travail contraignant à la division de la terminologie dans laquelle ledit candidat a prêté ses services dans la période comprise entre le 19 juillet 1979 et le 1er mai 1988, lui a certainement permis de profiter de ces avantages de formation professionnelle .

Concernant la candidate proposée par la direction générale, j' ai pu m' assurer qu' elle utilise les installations informatiques de la division pour des opérations de base, telles que des recherches de documentation et de précédents : dans les années passées en fait, une formation de base à l' informatique avait été donnée à des réviseurs danois par des collègues de la division . La formation complémentaire peut d' ailleurs être obtenue en quelques jours seulement s' agissant des mêmes cours suivis par les fonctionnaires de notre institution, toutes catégories confondues ...

Pour toutes ces raisons et à l' appui des arguments contenus dans ma proposition du 10 mars ( ancienneté, qualifications, sens des responsabilités ), je vous prie, Monsieur le secrétaire général, de bien vouloir procéder à la signature pour faire intervenir la nomination de Mme X ...".

17 Le 3 juillet 1989, l' autorité investie du pouvoir de nomination ( ci-après "AIPN ") a promu Mme X à la carrière de conseiller linguistique, au grade LA 3, avec effet à compter du 1er juin 1989 .

18 Le 12 juillet 1989, le requérant a introduit une réclamation contre la décision portant nomination de Mme X .

19 Le 17 juillet 1989, le requérant a reçu une lettre du service de recrutement l' informant du rejet de sa candidature .

20 La nomination de Mme X a donné lieu, le 2 août 1989, à une protestation de la part de la délégation des linguistes du Parlement au motif, notamment, qu' un conseiller linguistique ne peut pas valablement travailler à mi-temps .

21 Le 31 août 1989, Mme De Enterria, à l' invitation du service juridique du Parlement, a commenté la réclamation du requérant comme suit :

"Ayant examiné personnellement les dossiers des trois candidats à la vacance ... j' ai trouvé la candidature de Mme X la plus méritante; néanmoins, elle avait été écartée dans la proposition de ses supérieurs immédiats .

De ma part, uniquement la situation administrative de Mme X, c' est-à-dire son travail à temps partiel, avait été l' objet d' hésitation . A ce sujet, j' ai pu vérifier que cette situation répond exclusivement à des exigences d' ordre familial, ayant pourtant un caractère non définitif . Pour cette raison, dans mes motivations à la proposition pour le pourvoi du poste, je fais un appel à l' effort mené par notre institution dans le respect du principe d' égalité des chances homme/femme ( une action positive dans ce sens pourrait s' avérer nécessaire )."

22 Le 3 octobre 1989, appelée à préciser "sur quelles bases on pouvait considérer que les connaissances de Mme X en 'techniques d' informatisation appliquées aux travaux de gestion' étaient suffisantes", Mme De Enterria a répondu au service juridique dans les termes suivants :

"Pour ce qui est notamment des connaissances informatiques de la candidate retenue, je vous rappelle que dans l' 'examen comparatif des mérites' qui m' a amené à proposer la promotion de Mme X, j' ai également vérifié, à partir de renseignements objectifs qui m' ont été confirmés par M . Y, réviseur spécialisé en informatique ayant organisé la formation professionnelle permanente 'interne' des réviseurs danois, que :

1 ) Mme X avait suivi les deux périodes de formation professionnelle ( en groupes de deux ou trois fonctionnaires ) prévues à l' intérieur de la division danoise;

2 ) Qu' elle utilisait régulièrement, et sans assistance 'technique' , les installations communes de la division danoise pour les recherches de documentation et pour les liaisons avec le bureau de la terminologie .

J' en ai conclu que ses connaissances étaient suffisantes aux 'travaux de gestion' dont il est question dans l' avis de vacance d' emploi ( pourvoi d' un poste de conseiller linguistique )."

23 Le 16 octobre 1989, Mme de Enterria a adressé au service juridique une seconde note rédigée dans les termes suivants :

"Étant donné que les fonctions du conseiller linguistique ne peuvent en aucune façon être assimilées à celles d' un expert en informatique, je tiens encore une fois à vous signaler que la description des fonctions qui figure dans l' avis de vacance n 5809 est tout à fait la même que celle de l' avis de concours pour le pourvoi du même poste dans les divisions espagnole et portugaise .

Ayant été membre du jury dans les concours précités, je tiens à vous communiquer, avec l' autorisation préalable de M . Quemener, son président, que lors de la fixation de critères pour l' examen des dossiers des candidats, la connaissance des techniques informatiques a été exclue de la cotation de titres, cela en fonction du caractère subsidiaire que les membres du jury ont accordé auxdites connaissances .

Ainsi donc, s' il s' avère souhaitable, même nécessaire, que l' encadrement d' une division de la traduction puisse se servir du support informatique, il me semblerait extravagant que le choix du candidat puisse s' appuyer sur le niveau des connaissances acquises dans ce domaine . Bien que, dans le cas du présent litige, la candidate proposée réunissait, ( ainsi ) que vous pouvez le vérifier, au moins le standard minimum nécessaire pour pouvoir faire face aux exigences du travail ."

24 Les avis auxquels Mme De Enterria avait fait référence dans sa note du 16 octobre 1989 se rapportaient aux concours généraux n PE/126/LA et PE/127/LA, organisés par le Parlement en vue de pourvoir, respectivement, un poste de conseiller linguistique de langue espagnole et un poste de conseiller linguistique de langue portugaise ( JO 1988, C 114, p . 19 - édition espagnole - et p . 17 - édition portugaise ). Sous la rubrique "Titres, diplômes et expérience requis", ces avis indiquaient :

"Les candidats doivent posséder :

- une formation de niveau universitaire ...;

- une expérience professionnelle confirmée dans le domaine de la traduction et de la révision .

En outre, ( texte espagnol ) il est souhaitable que le candidat connaisse les techniques informatiques appliquées aux travaux de gestion/(texte portugais ) la connaissance des techniques de l' informatique appliquées à la gestion est souhaitable ."

25 Entre-temps, les rapports de notation des trois candidats avaient été établis pour la période 1987/1988 . M . Y avait obtenu trois mentions "excellent" ( connaissances, capacité d' organisation et qualité du travail ), trois "très bon" et deux "bon"; Mme X deux mentions "excellent" ( connaissances et qualité du travail ) trois "très bon" et trois "bon"; et le requérant trois "excellent" ( connaissances, capacité d' organisation et qualité du travail ), quatre "très bon" et un "bon ". Le rapport du requérant pour cette dernière période comportait l' appréciation suivante :

"L' intéressé est exceptionnellement qualifié pour l' exercice de ses fonctions . Grâce à ses connaissances approfondies de l' informatique, de la pédagogie et de la terminologie, il apporte une contribution hautement appréciée aux travaux de la division dans son ensemble ."

En ce qui concerne les connaissances de langues, Mme X faisait valoir l' acquisition de nouvelles connaissances de niveau "passable" en espagnol, et le requérant celle de nouvelles connaissances de niveau "bien" en portugais . Pendant la période concernée, le requérant avait suivi des cours d' espagnol des niveaux III-V . Les trois rapports avaient été signés respectivement par M . Drangsfeldt, en tant que premier notateur, le 21 juillet 1989, par M . Hargreaves, en tant que notateur final, le 26 juillet 1989, par le requérant le 31 juillet 1989, par M . Y le 2 août 1989 et par Mme X le 19 septembre 1989 .

26 Par lettre du 29 novembre 1989, le président du Parlement a informé le requérant du rejet de sa réclamation en faisant valoir les motifs suivants :

"... sur la base de l' analyse comparative des qualifications, des mérites et des rapports de notation des différents candidats, il est apparu que la candidature de Mme X répondait le mieux aux exigences indiquées dans l' avis de vacance susmentionné, en raison notamment du fait qu' elle possédait un champ de connaissances linguistiques plus étendu, un rapport de notation 1985/1986 meilleur et une ancienneté de service plus longue que les autres candidats . En outre, et contrairement à vos affirmations, il n' apparaît pas que Mme X, qui a suivi une formation sur la pratique de l' informatique en matière de documentation et de terminologie, aurait en ce domaine une qualification insuffisante eu égard à l' avis de vacance ...

J' ajoute enfin que le travail à temps partiel ne réduit en rien la vocation à la promotion d' un fonctionnaire . La promotion peut seulement s' opposer par la suite au maintien du mi-temps, si celui-ci s' avère être incompatible par rapport à l' intérêt du service ".

27 Suite à sa nomination, Mme X a demandé et a obtenu, le 4 décembre 1989, l' autorisation de travailler à mi-temps jusqu' au 30 septembre 1990 . Sur question du Tribunal, le Parlement a fait savoir, le 29 mars 1990, que Mme X était, parmi les fonctionnaires du Parlement de grade A 3, LA 3 ou d' un grade supérieur, le seul fonctionnaire qui ait été autorisé à exercer son activité à mi-temps au cours des cinq dernières années .

La procédure

28 C' est dans ces conditions que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 décembre 1989, le requérant a introduit le présent recours visant l' annulation de la décision par laquelle Mme X a été promue au poste de conseiller linguistique .

29 A la demande du Tribunal, la partie défenderesse a déposé, le 29 mars 1990, certaines pièces relatives à l' examen comparatif des mérites des candidats au poste à pourvoir, dont la production avait été demandée dans la requête ou auxquelles il avait été fait référence dans le mémoire en défense .

30 Le 27 avril 1990, Mmes et MM . Soren Anker Christensen, Vibeke Emborg, Elke Flatterich, Ebbe Torring Jensen, Jorn Kofoed-Nielsen, Lennart Bach Nielsen, Nini Pedersen, Hanne Riisberg, et Leif Winther ont introduit une demande en intervention à l' appui des conclusions de la partie requérante . Par ordonnance du 13 juin 1990, cette demande a été rejetée .

31 Le 17 juillet 1990, la procédure écrite a été déclarée close .

32 Le 20 septembre 1990, le requérant a renouvelé la demande introduite dans son mémoire en réplique et visant à ce que certains documents complémentaires soient versés au dossier par le Parlement . Par lettre du 10 octobre 1990, le Parlement a pris position sur cette demande .

33 Le 25 octobre 1990, sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a demandé au Parlement de produire tous les documents auxquels le requérant avait fait référence, pour autant que ces documents se trouvaient dans les archives du Parlement ou dans celles de ses services et n' avaient pas déjà été versés au dossier, ainsi que tout document relatif à la rédaction de l' avis de vacance en cause . Le même jour, le Tribunal a ouvert la procédure orale .

34 En réponse à la demande du Tribunal, le Parlement a versé au dossier un certain nombre de documents complémentaires . Le Parlement a affirmé qu' il ne disposait d' aucun autre document afférent à la décision de nomination de Mme X, à la décision de rejet de la réclamation du requérant, ou à la motivation de ces décisions . Le Parlement a également affirmé que ses services n' avaient conservé aucun document relatif à la rédaction de l' avis de vacance, sauf le texte définitif final .

35 La procédure orale s' est déroulée le 5 décembre 1990 . Les représentants des parties ont été entendus en leur plaidoirie et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal . A l' issue de l' audience, le président a annoncé que le Tribunal ordonnerait une mesure d' instruction complémentaire sous une forme qui serait communiquée ultérieurement aux parties .

36 Par ordonnance du 7 décembre 1990, le Parlement a été invité à fournir un complément de renseignements et de documents afin de permettre au Tribunal d' établir en fait, d' une part, quelle était la nature des connaissances de Mme X en matière de techniques d' informatisation et, d' autre part, sur la base de quelles informations et recommandations avaient été prises les décisions du président du Parlement du 3 juillet 1989, promouvant Mme X, et du 29 novembre 1989, rejetant la réclamation du requérant . Par lettre du 28 janvier 1991, le Parlement a répondu aux questions posées par le Tribunal, expliquant notamment quelle est la procédure interne suivie au sein de ses services lors de la préparation d' une proposition de nomination destinée au président du Parlement en tant qu' AIPN . Le même jour, le Parlement a versé au dossier certains documents supplémentaires . Ces documents comportaient, notamment, une déclaration écrite en langue danoise de M . Y, relative au contenu et à la durée des cours qu' il avait assurés et qui avaient été suivis par Mme X, ainsi qu' une copie de l' intégralité des dossiers transmis au président du Parlement, au vu desquels ce dernier, en sa qualité d' AIPN, avait pris les décisions des 3 juillet et 29 novembre 1989 .

37 Par lettre du 21 février 1991, en réponse à une question du Tribunal, le Parlement a précisé que certaines des notes manuscrites figurant dans le dossier transmis au président du Parlement avec la proposition de nomination au poste de conseiller linguistique avaient été apposées par le secrétaire général du Parlement en personne .

38 Au vu des informations et des documents recueillis, le Tribunal a décidé qu' il y avait lieu de procéder à une expertise en vue de s' instruire, d' une part, sur les critères à appliquer pour apprécier les connaissances d' un candidat en matière de "techniques d' informatisation appliquées aux travaux de gestion" et, d' autre part, sur la mesure dans laquelle ces critères se trouveraient remplis par un candidat disposant, respectivement, des connaissances du requérant et de celles de Mme X . Le Tribunal a donc invité les parties, par lettre de son greffier du 27 février 1991, à présenter leurs propositions, si possible d' un commun accord, sur le choix d' un expert et leurs éventuelles observations sur les questions que le Tribunal se proposait de lui poser .

39 Par téléfax du 7 mars 1991, dont une copie a été transmise au Tribunal, la partie requérante a proposé à la partie défenderesse les noms de deux personnes . Par lettre du 14 mars 1991, la partie requérante a soumis au Tribunal ses observations sur les questions proposées . Par lettre du 14 mars 1991, la partie défenderesse, en formulant ses observations sur les questions proposées, a contesté l' opportunité et le bien-fondé de la mesure d' expertise qu' entendait ordonner le Tribunal . Elle n' a ni proposé le nom d' un expert ni répondu aux propositions de la partie requérante . Invitée de nouveau, par lettre du greffier du Tribunal du 21 mars 1991, à prendre position sur le choix d' un expert, la partie défenderesse, par lettre du 12 avril 1991, a réitéré ses objections juridiques à la désignation d' un expert et, pour le reste, s' en est remise à la sagesse du Tribunal .

40 Dans ces circonstances, le Tribunal a décidé de désigner d' office un expert, conformément à l' article 49, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, alors applicable mutatis mutandis à la procédure devant le Tribunal . Par ordonnance du 23 avril 1991, Mme Hélène Bauer Bernet, directeur honoraire, anciennement conseiller en informatique juridique au service juridique de la Commission des Communautés européennes, a été désignée comme expert .

41 L' expert a déposé son rapport le 11 juin 1991 . Les parties ont formulé, dans le délai imparti à cet effet, leurs observations sur le rapport d' expertise .

42 Dans son rapport, l' expert a répondu à la question du Tribunal relative aux critères permettant d' apprécier les connaissances des candidats en matière de "techniques d' informatisation appliquées aux travaux de gestion" comme suit :

"Les critères ... sont à mon avis les suivants :

- connaissance d' un système opératoire ( operating system ) suffisamment puissant et répandu, permettant des applications de gestion et pouvant supporter des configurations à postes multiples, par exemple MS-DOS, Unix ou Novell;

- pratique de l' informatique suffisante pour déceler et résoudre de manière autonome les problèmes mineurs;

- expérience d' une application réelle de gestion multifonction, si possible dans un contexte administratif ".

43 L' expert a ensuite examiné les qualifications de Mme X et du requérant, telles qu' elles ont été exposées ci-avant au point 9, qui lui avaient été communiquées en dehors de toute référence directe à leurs identités respectives . Il a conclu :

"a ) Formation

Le premier candidat ( Mme X ) a reçu une formation d' utilisateur averti ou de 'correspondant informatique' . Une telle formation, aussi longue soit-elle, ne donne pas ipso facto les connaissances techniques permettant l' informatisation de travaux de gestion; il s' agit d' une différence d' ordre qualitatif . ( L' insistance du candidat sur l' importance de cette formation pourrait être interprétée comme l' indice d' un manque de sensibilité aux autres aspects de l' informatique .)

b ) Équipement

Le système opératoire d' un ordinateur domestique de type Commodore 128 ne présente pas la complexité et ne possède pas les fonctions du système opératoire d' un véritable micro-ordinateur de gestion . Les applications de gestion sur un tel ordinateur ( à l' aide, par exemple, du logiciel Superbase ) sont marginales . Le candidat n' évoque d' ailleurs pas l' utilisation d' un tel logiciel ."

Quant aux connaissances dont disposait le requérant, l' expert a conclu :

"Un candidat ayant suivi cinq cours de formation en matière d' informatique, totalisant 17 jours ... s' il ne peut pour autant être qualifié d' informaticien, a au moins montré une aptitude à assimiler un minimum de connaissances théoriques pertinentes quant au contenu et au niveau .

Quant aux aspects pratiques : un candidat qui possède l' équipement suivant ... et plusieurs logiciels pertinents dont dBase III et qui a une expérience avec Open Access installé dans la division de la traduction concernée, peut être réputé avoir une certaine pratique ."

44 L' expert a été entendu à l' audience du 3 octobre 1991 et a répondu aux questions posées par le Tribunal et par le représentant du requérant . L' agent du Parlement a renoncé à poser des questions à l' expert .

45 Appelé à développer les critères qu' il avait énoncés dans son rapport écrit, l' expert a expliqué que l' application des techniques d' informatisation aux travaux de gestion implique la capacité de

"trouver la relation entre le problème tel qu' il est formalisable, modélisable et ce qui est offert sur le marché, qui sont de nos jours des logiciels standards ... ( de trouver ) les passerelles nécessaires pour accorder ce qui existe avec ce que l' on souhaite avoir ... Il faut avoir la connaissance des structures logicielles de l' informatique ... ( et ) ... être en état de connaître les contraintes et les possibilités d' un ... logiciel ... ( La ) personne visée dans la description n' a aucun intérêt à être programmeur et on n' a aucun intérêt à le lui demander . ( Elle ) n' a même aucun intérêt à être analyste-programmeur ... ( mais elle ) doit avoir un état d' esprit, une connaissance qui lui permette de coopérer efficacement avec une personne du type analyste-programmeur ... ( Il ) s' agit de pouvoir bien comprendre le problème mais, ensuite, de pouvoir le mettre en forme d' une manière qui soit orientée vers l' informatique, quelle qu' en soit la définition . Il y a là quelque chose qui demande une très grande rigueur et une connaissance des possibilités de la machine en matière de 'gestion' ".

46 Appelé à préciser la nature des connaissances d' un "utilisateur", l' expert a expliqué qu' une telle formation :

"pourrait être très longue, très perfectionnée, très bonne au point de permettre de transmettre l' information à de nombreuses personnes ... Cela n' empêche pas, évidemment, étant formateur et utilisateur, de devenir gestionnaire, mais c' est une formation qui n' est pas celle d' un gestionnaire . ... ( On ) peut être bon utilisateur ... d' une base de données comme Eurodicautom sans avoir la moindre connaissance de l' existence d' un système opératoire ".

47 Interrogé sur les connaissances respectives des deux candidats, l' expert a exprimé l' opinion que, pour répondre aux exigences de l' avis de vacance, un candidat devrait avoir au minimum les connaissances du requérant, les connaissances de Mme X étant d' une nature différente et insuffisantes en soi pour répondre aux exigences de l' avis de vacance .

48 Après l' audition de l' expert, les représentants des parties ont été entendus en leurs observations et en leur plaidoirie finale, à l' issue desquelles le président a prononcé la clôture de la procédure orale .

49 La partie requérante conclut à ce qu' il plaise au Tribunal :

- déclarer le recours recevable et fondé;

- en conséquence, annuler la décision du président du Parlement européen, du 3 juillet 1989, de nommer Mme X au poste de conseiller linguistique à la traduction danoise et, pour autant que de besoin, la communication du 17 juillet 1989 du service de recrutement;

- en tout état de cause, condamner la partie défenderesse à l' ensemble des dépens .

50 La partie défenderesse conclut à ce qu' il plaise au Tribunal :

- déclarer le recours irrecevable, sinon mal fondé;

- le rejeter;

- constater que la décision de rejet opposée le 29 novembre 1989 à la réclamation du requérant contenait expressément les motifs du rejet de sa candidature;

- statuer, en conséquence, sur les dépens conformément aux dispositions applicables .

Sur la recevabilité

51 Le Parlement excipe de l' irrecevabilité du recours au motif que le requérant ne justifie pas d' un intérêt à agir . Selon le Parlement, il n' est pas évident que, dans l' hypothèse où la promotion de Mme X serait annulée, le requérant serait promu à sa place . Le Parlement fait observer que le troisième candidat, M . Y, n' a été écarté qu' en raison de son âge et de son ancienneté de grade, tous deux inférieurs à ceux du requérant et que, en tout état de cause, si l' avis de vacance devait être interprété en ce sens que le poste déclaré vacant exigeait une connaissance approfondie de l' informatique, les cours généraux d' informatique que le requérant a suivis ne seraient pas non plus suffisants pour lui permettre de satisfaire à cette exigence .

52 Selon le requérant, la notion d' intérêt à agir est intimement liée à celle d' acte faisant grief . L' acte attaqué lui ferait assurément grief dans la mesure où il a attribué la promotion à laquelle il s' était porté candidat à un autre candidat que lui-même . Le degré d' individualisation qui doit caractériser l' intérêt à agir n' exigerait pas que le requérant doive être la seule personne à pouvoir tirer bénéfice de l' action qu' il poursuit .

53 S' il est vrai qu' un fonctionnaire n' a aucun intérêt légitime à voir annuler la nomination d' un autre candidat à un poste vacant auquel il ne peut valablement prétendre lui-même ( arrêt de la Cour du 30 mai 1984, Picciolo/Parlement, 111/83, Rec . p . 2323 ), il convient toutefois de relever dans le cas d' espèce que, tant au cours de la procédure qui a précédé l' adoption de la décision portant nomination de Mme X qu' au cours de la procédure administrative qui a suivi la réclamation introduite par le requérant à l' encontre de cette décision, les connaissances du requérant en matière d' informatique n' ont à aucun moment été mises en cause . De même, tout au long de la présente procédure contentieuse, le Parlement n' a jamais affirmé de manière expresse que le requérant ne pouvait valablement prétendre au poste à pourvoir, l' exception d' irrecevabilité n' étant invoquée qu' à titre purement subsidiaire . En tout état de cause, l' expert a estimé dans son rapport et a confirmé lors de l' audience que les connaissances du requérant étaient qualitativement supérieures à celles de Mme X et qu' elles satisfaisaient aux exigences de l' avis de vacance .

54 L' exception d' irrecevabilité doit, dès lors, être rejetée .

Sur le fond

55 A l' appui de ses conclusions, le requérant invoque deux moyens tirés, respectivement, de la motivation erronée de l' acte attaqué et de la violation de l' article 45 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes ( ci-après "statut "). Les arguments invoqués à l' appui de ces deux moyens étant intimement connexes, il convient d' examiner les deux moyens ensemble .

Arguments des parties

56 Le requérant prétend que la motivation de la décision litigieuse est entachée d' erreurs en ce qui concerne, en premier lieu, l' appréciation des connaissances des candidats en matière d' informatique; en second lieu, l' appréciation des autres connaissances des candidats; en troisième lieu, l' application du principe de l' égalité des chances entre les femmes et les hommes; et, en quatrième lieu, la possibilité d' exercer à mi-temps les fonctions afférentes au poste à pourvoir .

57 En premier lieu, le requérant, invoquant l' arrêt de la Cour du 30 octobre 1974, Grassi/Conseil ( 188/73, Rec . p . 1099 ), selon lequel l' AIPN est tenue de respecter le cadre qu' elle s' est imposée à elle-même par l' avis de vacance, prétend que la candidate nommée ne satisfaisait pas à l' une des qualifications et connaissances essentielles requises par l' avis de vacance en cause, et plus précisément qu' elle ne disposait pas de la "connaissance des techniques d' informatisation appliquées aux travaux de gestion" exigée par ledit avis . Les connaissances de Mme X dans ce domaine auraient été "extrêmement légères sinon inexistantes", sa prétendue formation en matière d' informatique étant limitée à une formation destinée à initier les débutants à la consultation des bases de données, consultations normalement effectuées par des secrétaires . Pour autant que le Parlement fait état des informations écrites, sous forme de guides ou autres, dont Mme X a été la destinataire, le requérant fait observer qu' il aurait pu produire des centaines de pages portant sur les cours d' informatique qu' il a suivis . Pour ce qui est de ses propres connaissances, le requérant prétend que même si sa formation a été acquise, pour l' essentiel, dans le cadre des travaux de la division de la terminologie, elle a porté directement sur des tâches d' informatisation et de gestion correspondant à celles visées dans l' avis de vacance . Il ajoute que cette formation, destinée à permettre aux non-spécialistes de créer et de gérer indépendamment leurs propres bases de données, a été acquise sur des logiciels utilisés dans les services du Parlement et précise, à cet égard, qu' une connaissance adéquate du logiciel MS-DOS est indispensable pour pouvoir utiliser les ordinateurs dont s' est équipé le Parlement et pour effectuer des travaux d' informatisation .

58 En second lieu, le requérant soutient que ses autres qualifications étaient au moins équivalentes à celles de Mme X . En ce qui concerne leurs connaissances linguistiques, il fait observer qu' ils travaillaient tous les deux à partir de toutes les langues officielles de la Communauté sauf une, à savoir le portugais dans le cas de Mme X et le grec dans son propre cas . Quant à leurs rapports de notation, le requérant prétend que, si les rapports concernant la période 1985/1986 avaient été établis par le même notateur, et non par deux chefs de division différents, il est plus que probable que ses connaissances linguistiques lui auraient apporté une seconde mention "excellent", comme tel a été le cas dans son rapport de notation pour la période 1987/1988 . Le requérant attire l' attention du Tribunal sur certaines erreurs commises par Mme De Enterria, dans sa note du 10 mars 1989, en référence au contenu des rapports de notation, ainsi que sur le fait que ses propres rapports de notation montrent une amélioration constante . Il estime que l' AIPN aurait dû prendre en considération les rapports couvrant la période 1987/1988, qui non seulement étaient les plus récents mais encore, contrairement aux rapports antérieurs, avaient tous été établis au sein de la même division et par les mêmes notateurs, à savoir MM . Drangsfeldt et Hargreaves . Rappelant que la consultation des rapports de notation a pour objet de garantir que l' AIPN exerce son pouvoir d' appréciation en toute connaissance de cause ( arrêt de la Cour du 23 janvier 1975, De Dapper/Parlement, 29/74, Rec . p . 45 ), le requérant fait observer que lesdits rapports ont été, en l' espèce, établis tardivement et, en tout état de cause, n' ont été remis aux intéressés qu' après la décision de nomination de Mme X, circonstances qui ont été sanctionnées par la Cour dans sa jurisprudence ( arrêts du 14 juillet 1977, Geist/Commission, 61/76, Rec . p . 1419; du 18 décembre 1980 et du 17 décembre 1981, Gratreau/Commission, 156/79 et 51/80, Rec . p . 3943 et 3139 ). Il ajoute que ces rapports étaient du moins disponibles - et auraient donc dû être pris en considération - lors de l' examen de sa réclamation ( arrêt de la Cour du 23 octobre 1986, Vaysse/Commission, 26/85, Rec . p . 3131 ). En ce qui concerne l' ancienneté de service, le requérant fait valoir que, puisque Mme X n' est entrée en fonctions que six mois avant lui et qu' elle a travaillé à mi-temps depuis 1979, elle ne peut prétendre disposer d' une qualification supérieure à cet égard .

59 En troisième lieu, le requérant soutient que la décision litigieuse a été principalement motivée par le fait qu' il y a, au sein du Parlement, insuffisamment de femmes par rapport au nombre d' hommes occupant des postes élevés . Il rappelle que, selon la jurisprudence de la Cour, le principe de l' égalité de traitement entre hommes et femmes impose le respect de la neutralité et exclut la reconnaissance d' un droit de préférence ( arrêts du 13 décembre 1987, Delauche/Commission, 111/86, Rec . p . 5345, et du 12 février 1987, Bonino/Commission, 233/85, Rec . p . 739 ).

60 En quatrième lieu, le requérant estime que pour un conseiller linguiste chargé d' assister le chef de division, le travail à mi-temps n' est pas compatible avec l' intérêt du service .

61 Quant au moyen tiré de la prétendue violation de l' article 45 du statut, le requérant prétend que "l' examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion ainsi que des rapports dont ils ont fait l' objet" prévu par cet article doit être effectué d' une manière objective, tandis que Mme De Enterria a détourné cette procédure de son caractère objectif en voulant favoriser Mme X, contre l' intérêt du service et des fonctionnaires qui font partie de la division de la traduction danoise . Cette attitude a été confirmée, selon le requérant, par la décision de proroger, malgré l' avis contraire de MM . Drangsfeldt et Hargreaves et malgré les protestations de la délégation des linguistes, l' autorisation dont bénéficiait Mme X d' exercer son activité à mi-temps . De l' avis du requérant, il est significatif que cette décision, du 4 décembre 1989, ait été prise "Vu la note de Mme Carmen G . De Enterria du 28 août 1989" et non pas, comme d' habitude, "Vu l' avis favorable de la direction générale concernée ". Selon le requérant, il est exceptionnel qu' une décision de promotion soit prise contre l' avis concordant des supérieurs directs de l' intéressé et qu' elle soulève une protestation vigoureuse de la part des membres du même service .

62 En réponse à ces arguments, le Parlement examine, tout d' abord, les termes utilisés dans la version danoise de l' avis de vacance pour définir les qualifications et connaissances requises des candidats . Il fait observer que les termes pertinents ((" kendskab til administrativ anvendelse af edb ( elektronisk databehandling )")) n' exigent qu' une "connaissance de l' application administrative de l' informatique ". Il attire l' attention sur la rédaction, dans la version française dudit avis, de la rubrique "nature des fonctions", dans laquelle il n' est question que de l' "informatisation du travail de documentation et du travail terminologique de la division ". Le niveau d' aptitude requis devrait être analysé dans le cadre du "Bilan des activités de la DG VII", tel qu' il a été établi par Mme De Enterria ( voir ci-avant, point 3 ). La seule interprétation valable de l' avis de vacance serait celle que lui a donnée l' AIPN lorsqu' elle a approuvé les termes de l' avis . L' "informatisation du travail de documentation et du travail terminologique de la division" visée par l' avis de vacance ne serait que l' une des huit tâches attribuées au conseiller linguistique et ne saurait, à elle seule, déterminer le candidat le plus apte à exercer l' ensemble des fonctions afférentes à ce poste . Elle ne résiderait pas dans la "mise en informatique des données", mais consisterait plutôt à constater et à coordonner le bon déroulement de l' informatisation des travaux de terminologie et de traduction . Les tâches de programmation et de mise à jour ne seraient pas effectuées par des fonctionnaires de catégorie A, mais par des fonctionnaires de catégorie B ou C . Le Parlement en conclut que, dès lors que les candidats au poste de conseiller linguistique avaient des connaissances suffisantes pour accéder aux différentes bases de données et constater la qualité de leur mise à jour, leurs qualifications répondaient aux exigences de l' avis de vacance . Quant aux connaissances respectives de Mme X et du requérant en informatique et en langues, le Parlement reprend pour l' essentiel l' évaluation faite par Mme De Enterria, en rappelant, par ailleurs, qu' il appartient à l' AIPN seule d' apprécier les aptitudes des candidats ( arrêts de la Cour du 12 décembre 1956, Mirossevich/Haute Autorité, 10/55, Rec . p . 367, et du 27 juin 1973, Kley/Commission, 35/72, Rec . p . 679 ).

63 En ce qui concerne les rapports de notation couvrant la période 1987/1988, le Parlement prétend que, au moment où a été prise la décision litigieuse de promotion, l' AIPN ne disposait pas encore desdits rapports . L' AIPN se serait donc basée sur les rapports antérieurs et, en tout état de cause, le principe de la sécurité juridique ne permettrait pas de prendre en compte des éléments postérieurs à ladite décision . Le Parlement ajoute qu' un retard de huit mois dans l' établissement de ces rapports n' était pas excessif . De plus, le Parlement met en cause la crédibilité du rapport dont le requérant a fait l' objet pour la période 1987/1988, aux motifs que ce rapport a été rédigé par les personnes qui soutenaient sa candidature au poste de conseiller linguistique et que, statistiquement, les appréciations figurant sur ce rapport ne correspondent pas à celles qui ont été portées dans les rapports des autres fonctionnaires de la division danoise . Quant au calcul de l' ancienneté de service, le Parlement souligne que les droits et obligations des fonctionnaires travaillant à mi-temps, sauf pour ce qui est de la rémunération et du temps de travail, sont les mêmes que ceux des fonctionnaires exerçant leur activité à plein-temps .

64 Quant à la discrimination positive dont aurait bénéficié Mme X, le Parlement soutient que ce motif n' a été invoqué par Mme De Enterria qu' "après comparaison des qualifications des trois candidats ". En tout cas, selon le Parlement, l' AIPN ne s' est pas fondée, lorsqu' elle a pris sa décision, sur le principe de l' égalité des chances pour accorder une préférence à la candidate nommée . A supposer même que les termes de certains des documents qui ont été transmis à l' AIPN dans le cadre de la procédure de promotion aient pu l' induire en erreur, l' AIPN aurait néanmoins confirmé sa décision et motivé celle-ci à suffisance de droit lorsqu' elle a rejeté, en toute connaissance des données rectifiées, la réclamation introduite par le requérant .

65 Quant au fait que Mme X ait exercé son activité à mi-temps, le Parlement estime que le requérant n' a pas prouvé en quoi cette circonstance aurait perturbé le service . Il ajoute qu' elle ne saurait constituer un motif d' annulation de la décision de promotion litigieuse, puisque la seule conséquence juridique d' une éventuelle incompatibilité avec l' intérêt du service aurait été la suppression de l' autorisation qui avait été accordée à l' intéressée de travailler à mi-temps .

Appréciation du Tribunal

66 Le Tribunal estime qu' il y a lieu, tout d' abord, de distinguer les deux aspects des moyens et arguments invoqués par le requérant . En premier lieu, il s' agit de vérifier si Mme X remplissait l' une des conditions requises par l' avis de vacance, à savoir celle relative à la "connaissance des techniques d' informatisation appliquées aux travaux de gestion ". En second lieu, il s' agit de contrôler la manière dont l' AIPN a procédé à l' examen comparatif des mérites des candidats prévu par l' article 45 du statut .

67 En ce qui concerne la première question, il y a lieu de relever que la Cour a jugé que le rôle essentiel de l' avis de vacance est d' informer les intéressés d' une façon aussi exacte que possible de la nature des conditions requises pour occuper le poste dont il s' agit afin de les mettre en mesure d' apprécier s' il y a lieu pour eux de faire acte de candidature . L' avis de vacance constitue ainsi le cadre de légalité que l' AIPN s' impose à elle-même . Toutefois, si elle découvre que les conditions requises par l' avis sont plus sévères que ne l' exigent les besoins du service, il lui est loisible de recommencer la procédure de promotion en retirant l' avis de vacance original et en le remplaçant par un avis corrigé ( arrêts du 30 octobre 1974, Grassi/Conseil, 188/73, Rec . p . 1099, et du 7 février 1990, Culin/Commission, C-343/87, Rec . p . I-225 ).

68 Il incombe donc au Tribunal de vérifier s' il existait bien une adéquation objective entre, d' une part, le texte de l' avis de concours et, d' autre part, les qualifications de Mme X . L' examen des qualifications du requérant ne présente aucun intérêt pour la réponse à donner à cette question .

69 En revanche, la réponse à la seconde question nécessite un examen par le Tribunal des documents concernant les mérites tant du requérant que de Mme X . Toutefois, cet examen n' implique pas que le Tribunal puisse procéder de façon autonome à une comparaison des mérites des candidats, encore moins qu' il puisse substituer sa propre appréciation de ces mérites à celle de l' AIPN . Pour évaluer l' intérêt du service ainsi que les mérites à prendre en considération dans le cadre de la décision de promotion prévue à l' article 45 du statut, l' AIPN dispose d' un large pouvoir d' appréciation et, dans ce domaine, le contrôle du juge communautaire doit se limiter à la question de savoir si, eu égard aux voies et moyens qui ont pu conduire l' administration à son appréciation, celle-ci s' est tenue dans des limites non critiquables et n' a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée ( arrêt de la Cour du 23 octobre 1986, Vaysse/Commission, 26/85, Rec . p . 3131 ). Il y a lieu de relever, en outre, que l' exercice du pouvoir d' appréciation dont dispose l' AIPN suppose un examen scrupuleux des dossiers et une observation consciencieuse des exigences énoncées à l' avis de vacance ( arrêt de la Cour du 30 octobre 1974, Grassi, 188/73, précité ), un tel pouvoir d' appréciation ayant pour contrepartie l' obligation d' examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d' espèce ( arrêt de la Cour du 21 novembre 1991, Technische Universitaet Muenchen/Hauptzollamt Muenchen, C-269/90, Rec . p . I-0000 ).

70 Il s' ensuit que le Tribunal doit se limiter à contrôler l' objectivité et l' exactitude de l' examen comparatif des mérites prévu par l' article 45 du statut, tel qu' il devait être effectué dans le cas d' espèce par l' AIPN au regard des termes de l' avis de vacance .

71 En ce qui concerne la première question, à savoir l' adéquation des qualifications présentées par Mme X, d' une part, à celles énoncées dans l' avis de vacance, d' autre part, il y a lieu de souligner que l' avis en cause, publié en 1989, indiquait comme connaissance requise une "connaissance des techniques d' informatisation appliquées aux travaux de gestion", tandis que les avis de concours concernant les postes de conseillers linguistiques de langues espagnole et portugaise, publiés au cours de l' année 1988 et évoqués par Mme De Enterria dans sa note du 16 octobre 1989 ( voir ci-avant, points 23 et suivants ), se limitaient à énoncer qu' une telle connaissance était souhaitable . S' il est vrai, comme le prétend le Parlement, que l' "informatisation du travail de documentation et du travail terminologique de la division" n' était qu' une des huit tâches attribuées au conseiller linguistique, il n' en demeure pas moins que la modification intervenue entre 1988 et 1989 - en ce qui concerne les exigences figurant dans les avis de concours susvisés, d' une part, et celles figurant dans l' avis de vacance en cause, d' autre part, quant aux connaissances requises des candidats en matière d' informatique - doit être considérée comme significative . Ce caractère significatif résulte notamment de ce qui a été écrit par Mme De Enterria en personne dans son "Bilan des activités de la DG VII au cours de l' exercice 1988", précité, invoqué par le Parlement lui-même comme devant constituer le cadre dans lequel il convient d' analyser l' avis de vacance en cause . En effet, ce "Bilan" mettait l' accent, quant à l' avenir, sur la nécessité d' utiliser les nouvelles technologies afin de répondre aux problèmes de la direction de la traduction . L' importance de l' informatique pour le travail de la division de la traduction danoise a, en outre, été soulignée dans les notes de M . Hargreaves, du 2 février 1989, et de M . Drangsfeldt, du 31 mai 1989 .

72 Dans ces circonstances, le Tribunal constate que, contrairement à ce que prétend le Parlement, l' exigence, dans l' avis de vacance, d' une "connaissance des techniques d' informatisation appliquées aux travaux de gestion" traduisait une exigence effective de la part de l' AIPN quant à l' organisation de ses services et que cette exigence, telle qu' elle avait été définie par l' administration elle-même, ne peut être qualifiée d' accessoire . Une telle condition, même conçue en termes techniques, doit être présumée avoir une portée objective, permettant de dégager des critères concrets délimitant le cadre à l' intérieur duquel s' exercera le pouvoir d' appréciation de l' AIPN, la définition de ce cadre ne pouvant être laissée à une interprétation discrétionnaire de cette dernière .

73 Il ressort de l' expertise ordonnée par le Tribunal que l' exigence d' une "connaissance des techniques d' informatisation appliquées aux travaux de gestion", figurant dans l' avis de vacance, doit être interprétée en ce sens qu' elle requérait des candidats une connaissance qualitativement différente, d' une part, de celle d' un utilisateur ou d' un chercheur de bases de données et, d' autre part, de celle d' un programmeur ou d' un analyste-programmeur . Il en ressort de plus que seule une connaissance répondant au profil de "gestionnaire" dégagé par l' expert correspondait de manière spécifique à la "nature des fonctions" décrites dans l' avis de vacance, à savoir l' "informatisation du travail de documentation et du travail terminologique de la division ".

74 Quant aux connaissances de Mme X, il ressort de la déclaration écrite de M . Y au sujet des séminaires qu' il a dirigés et auxquels a participé Mme X ( voir ci-avant, point 35 ) que "l' une des finalités majeures était ... précisément de familiariser des participants n' ayant aucune connaissance des matériels informatiques avec la manipulation purement technique d' un terminal d' ordinateur ". A la lumière des explications fournies par l' expert, le Tribunal constate que ni une telle formation ni l' utilisation ultérieure d' un terminal pour des recherches de documentation et de précédents ne sauraient suffire à conférer une connaissance des techniques d' informatisation appliquées aux travaux de gestion répondant aux exigences qualitatives précisées ci-avant . Sous cet aspect, le Tribunal relève comme particulièrement significative la remarque figurant dans le rapport écrit de l' expert, selon laquelle "l' insistance du candidat sur l' importance de cette formation pourrait être interprétée comme l' indice d' un manque de sensibilité aux autres aspects de l' informatique ". Le Tribunal a également relevé que, lors de son audition, l' expert a affirmé de manière positive que des connaissances telles que celles qui étaient attribuées à Mme X n' étaient pas suffisantes pour satisfaire aux critères qu' il avait énoncés comme étant ceux permettant d' apprécier les connaissances des candidats dans le domaine en cause .

75 Dans ces circonstances, le Tribunal constate que les connaissances de Mme X ne satisfaisaient pas aux exigences énoncées dans l' avis de vacance, telles que celles-ci devaient être objectivement interprétées . Il s' ensuit que, pour autant que l' AIPN a considéré que Mme X remplissait les conditions requises par l' avis de vacance tel qu' il avait été publié, l' AIPN a dépassé les limites qu' elle s' était elle-même imposées quant à ses possibilités de choix et à l' intérieur desquelles elle devait se tenir, tant au moment où a été prise la décision de nomination de Mme X qu' au moment où a été prise la décision de rejet de la réclamation introduite par le requérant . Faute d' avoir retiré l' avis de vacance original et faute de l' avoir remplacé par un avis dont les termes auraient été explicitement modifiés, l' AIPN ne pouvait qu' écarter la candidature de Mme X .

76 En tout état de cause, il y a lieu de constater que le Parlement n' a pas apporté la preuve qu' une appréciation de l' adéquation des connaissances de Mme X aux exigences de l' avis de vacance ait été effectivement opérée par l' AIPN avec l' objectivité et l' exactitude nécessaires . En effet, il ressort des explications fournies par le Parlement que le dossier transmis au président du Parlement, en tant qu' AIPN, en vue de la prise de décision sur la nomination au poste de conseiller linguistique de langue danoise, ne contenait pas le moindre élément lui permettant de procéder à une telle appréciation, l' avis de vacance et la déclaration annexée par le requérant à son acte de candidature étant, parmi les documents transmis au président, les seuls à faire référence à des connaissances en matière d' informatique . De même, si l' on examine les appréciations portées par les instances inférieures tant au cours de la procédure de préparation de la décision de nomination litigieuse qu' au cours de la procédure qui a précédé la décision de rejet de la réclamation introduite par le requérant, force est de constater que les appréciations portées par Mme De Enterria dans ses notes des 7 juin, 3 octobre et 16 octobre 1989 étaient entachées d' une erreur en ce qu' elles reposaient à tort, ainsi qu' il ressort clairement de la dernière note du 16 octobre 1989, sur la supposition que les exigences énoncées dans l' avis de vacance étaient les mêmes que celles figurant dans les avis de concours concernant les postes de conseillers linguistiques de langues espagnole et portugaise publiés l' année précédente . Il y a lieu de constater, en outre, que l' appréciation à laquelle avait procédé le service juridique du Parlement et qui a été transmise au président en vue de la prise de décision sur la réclamation du requérant était également entachée d' une erreur, dans la mesure où elle se fonde expressément sur l' appréciation antérieurement portée par Mme De Enterria et se borne à affirmer que "une telle appréciation ressortit au pouvoir discrétionnaire de l' AIPN qui a partagé l' avis de son directeur général ".

77 En ce qui concerne la seconde question relative à l' examen comparatif des mérites des candidats prévu par l' article 45 du statut, le Tribunal considère que les constatations déjà faites sont suffisantes en soi pour établir que cet examen a manqué de l' objectivité et de l' exactitude nécessaires . Il y a lieu de constater, en outre, que la seule appréciation comparative portée à la connaissance du président du Parlement, en sa qualité d' AIPN, en vue de la décision de nomination qu' il lui incombait de prendre, à savoir l' appréciation à laquelle avait procédé Mme De Enterria dans sa note du 10 mars 1989, était incomplète et entachée d' erreurs manifestes, en fait et en droit .

78 Le Tribunal relève que la note du 2 février 1989 adressée par M . Hargreaves à Mme De Enterria se livre à une comparaison des mérites des trois candidats par référence, d' une part, à la nature des fonctions afférentes au poste déclaré vacant et, d' autre part, aux qualifications et connaissances requises par l' avis de vacance . La note de Mme De Enterria du 10 mars 1989, en revanche, reste muette sur divers aspects traités par M . Hargreaves, notamment en ce qui concerne l' expérience de M . Y en matière de terminologie, l' expérience du requérant en matière de pédagogie et, surtout, les connaissances et l' expérience des trois candidats dans le domaine de l' informatique . Elle contient, en outre, une erreur sérieuse dans l' évaluation des rapports de notation, Mme X et le requérant - contrairement à ce qui est affirmé dans la note - se trouvant à parité en ce qui concerne le nombre de mentions "excellent" qu' ils avaient obtenues . Enfin, elle fait référence, à titre de considération sinon déterminante du moins équivalente aux autres dans le cadre de l' examen comparatif des mérites, à un souci d' assurer l' égalité des chances entre les femmes et les hommes, alors que le Parlement, tant dans ses mémoires qu' au cours de l' audience, a insisté sur le fait que cette considération n' avait été nullement pertinente et n' avait d' ailleurs pas été prise en compte par l' AIPN .

79 Le Tribunal estime qu' un tel manque d' objectivité et d' exactitude ne saurait être compensé, comme l' a prétendu le Parlement, ni par le fait que le dossier transmis au président contenait un tableau mécanographique, sur lequel le secrétaire général du Parlement avait griffonné une évaluation correcte des rapports de notation - sans pour autant corriger celle de Mme De Enterria -, ni par le fait que l' avis du service juridique du Parlement, préparé en vue de l' instruction de la réclamation du requérant, note entre parenthèses, sur sa treizième page, l' erreur commise sur ce point par Mme De Enterria .

80 Il ressort de l' ensemble des considérations qui précèdent qu' en arrêtant la décision attaquée l' AIPN s' est écartée du cadre de légalité qu' elle s' était elle-même imposé par l' avis de vacance et que, en outre, son appréciation a été entachée d' une erreur manifeste, tant en ce qui concerne la vérification de l' accomplissement par la candidate nommée des conditions énoncées dans l' avis de vacance que la comparaison des mérites respectifs des candidats . Il s' ensuit que les deux moyens invoqués par le requérant doivent être accueillis et que, dès lors, la décision du président du Parlement promouvant Mme X au poste de conseiller linguistique de langue danoise doit être annulée .

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

81 Aux termes de l' article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s' il est conclu en ce sens . La partie défenderesse ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens .

Dispositif


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL ( quatrième chambre )

déclare et arrête :

1 ) La décision du président du Parlement européen, du 3 juillet 1989, promouvant Mme X au poste de conseiller linguistique à la division de la traduction danoise ( direction générale de la traduction et des services généraux ) à la suite de la publication de l' avis de vacance n 5809 ( PE 128908 ), est annulée .

2 ) La partie défenderesse est condamnée aux dépens .