61989A0058

Arrêt du Tribunal de première instance (quatrième chambre) du 7 février 1991. - Calvin Williams contre Cour des comptes des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Reclassement - Recevabilité - Faits nouveaux - Procédure de promotion et procédure de concours. - Affaire T-58/89.

Recueil de jurisprudence 1991 page II-00077


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


++++

Fonctionnaires - Recours - Réclamation administrative préalable - Délais - Forclusion - Réouverture - Conditions - Fait nouveau

( Statut des fonctionnaires, art . 90 et 91 )

Sommaire


Si, aux termes de l' article 90, paragraphe 1, du statut, tout fonctionnaire peut demander à l' autorité investie du pouvoir de nomination de prendre à son égard une décision, cette faculté ne permet pas au fonctionnaire d' écarter les délais prévus par les articles 90 et 91 du statut pour l' introduction d' une réclamation et d' un recours, en mettant indirectement en cause, par le biais d' une demande, une décision antérieure qui n' avait pas été contestée dans les délais . Seule l' existence de faits nouveaux substantiels peut justifier la présentation d' une demande tendant au réexamen d' une telle décision .

Étant donné la distinction entre les règles de classement applicables aux lauréats des concours et celles applicables en matière de promotion, un fonctionnaire ne saurait, pour remettre en cause le classement dont il a fait l' objet après sa réussite à un concours, prétendre pouvoir faire état d' un fait nouveau découlant du classement obtenu par certains de ses collègues promus .

Parties


Dans l' affaire T-58/89,

Calvin Williams, fonctionnaire de la Cour des comptes des Communautés européennes, demeurant à Luxembourg, représenté initialement par Me Victor Biel, avocat au barreau de Luxembourg, puis par Me Jean-Paul Noesen, avocat au barreau de Luxembourg, ayant élu domicile à Luxembourg en l' étude de ce dernier, 38, avenue Victor Hugo,

partie requérante,

contre

Cour des comptes des Communautés européennes, représentée par MM . Michael Becker et Marc Ekelmans, membres du service juridique, et, lors de la procédure orale, par MM . Michael Becker et Jean-Marie Stenier, membres du service juridique, tous en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de la Cour des comptes, 12, rue Alcide De Gasperi, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet l' annulation de la décision de la Cour des comptes refusant de réexaminer le classement du requérant,

LE TRIBUNAL ( quatrième chambre ),

composé de MM . R . Schintgen, président de chambre, D . A . O . Edward et R . García-Valdecasas, juges,

greffier : Mme B . Pastor, administrateur

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 3 octobre 1990,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


Les faits à l' origine du recours

1 M . Williams a été engagé, en octobre 1974, par la commission de contrôle, organisme de contrôle financier relevant du Conseil des Communautés européennes, comme agent temporaire de grade A 7, puis, par décision du Conseil du 16 décembre 1976, il a été nommé fonctionnaire de cette commission avec effet au 1er octobre 1976 et classement au grade A 7 . Avec effet au 1er mai 1978, le requérant a été transféré dans ce grade à la Cour des comptes des Communautés européennes ( ci-après "Cour des comptes "), à la suite de la création de celle-ci . Le requérant a été, ensuite, promu au grade A 6 avec effet au 1er mai 1979 .

2 Pendant la période de 1979 à 1983, le requérant a posé sa candidature, sans aucun succès, à 29 concours internes ou interinstitutionnels organisés par la Cour des comptes en vue de pourvoir des emplois de grade A 5, A 4 ou A 3 .

3 Le 1er octobre 1982, la Cour des comptes a décidé d' organiser le concours interne n CC/A/17/82, en vue de pourvoir à un emploi d' administrateur principal chargé d' exécuter des travaux de conception et d' analyse portant sur le service administratif interne et les questions budgétaires . Selon l' avis de concours, la nomination devait se faire, en principe, au grade de base de la carrière A 5 . A l' issue de ses travaux, le jury du concours a dressé une liste d' aptitude, sur laquelle M . Schwiering figurait en première place et le requérant en seconde place . Par décision du 24 mars 1983, la Cour des comptes a nommé M . Schwiering à l' emploi d' administrateur principal avec classement au grade A 5 . Le 18 novembre 1983, M . Williams a déposé devant la Cour de justice des Communautés européennes ( ci-après "Cour ") un recours contre la décision de nomination de M . Schwiering, en faisant valoir, en substance, que ce dernier ne remplissait pas les conditions requises pour être admis à participer au concours en question . Par arrêt du 16 octobre 1984 ( Williams/Cour des comptes, 257/83, Rec . p . 3547 ), la Cour a jugé fondé le recours du requérant et annulé les décisions de la Cour des comptes du 24 mars 1983, portant nomination de M . Schwiering, et du 5 septembre 1983, rejetant la réclamation de M . Williams .

4 En exécution de cet arrêt, au vu de la liste d' aptitude établie à la suite du concours n CC/A/17/82 et en application de la décision n 81-5 de la Cour des comptes, du 3 décembre 1981, relative aux critères applicables à la nomination en grade et au classement en échelon du personnel ( ci-après "décision n 81-5 "), le président de la Cour des comptes, en qualité d' autorité investie du pouvoir de nomination ( ci-après "AIPN "), a, le 18 octobre 1984, nommé le requérant administrateur principal avec classement au grade A 5, échelon 3, et effet au 16 octobre 1984 . Ce dernier n' a pas contesté son classement .

5 Le 3 janvier 1985, le requérant a adressé au président de la Cour des comptes une demande au titre de l' article 25 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes ( ci-après "statut "), visant à ce que la date de la prise d' effet de sa nomination au grade A 5 soit fixée au jour où le jury du concours n CC/A/17/82 a définitivement arrêté la liste d' aptitude, soit au 17 décembre 1982 . Cette demande est demeurée sans réponse de la part de l' AIPN et la décision implicite de rejet ainsi opposée au requérant n' a pas fait l' objet d' une réclamation .

6 Le requérant a été mis en congé d' office en application de l' article 59, paragraphe 2, du statut pendant la période du 12 juin 1987 au 12 juin 1988 .

7 Le 2 septembre 1988, le requérant a saisi l' AIPN de la Cour des comptes d' "une plainte au sens de l' article 90, paragraphe 2, du statut", selon ses propres termes, dans laquelle il demandait à être nommé au grade A 4 en application de l' article 3 de la décision n 81-5 . Il faisait valoir que, au vu des critères différents appliqués au classement d' autres fonctionnaires de la Cour des comptes, en particulier de MM . Ruppert et Beurotte, lors de leur promotion, son propre classement, tel qu' il avait été fixé dans la décision de nomination du 18 octobre 1986, était incorrect .

8 M . Ruppert a été recruté et nommé fonctionnaire par décision du 1er août 1980 et M . Beurotte par décision du 1er juillet 1982 . Le premier a été promu au grade A 3 par décision du 23 octobre 1986 . Cette décision de promotion a fait l' objet d' un recours introduit le 24 juin 1987 par un autre fonctionnaire de la Cour des comptes, qui a été rejeté par arrêt de la Cour du 4 juillet 1989 ( Kerzmann/Cour des comptes, 198/87, Rec . p . 2083 ). L' avis relatif à l' introduction de ce recours a été publié au Journal officiel des Communautés européennes le 28 juillet 1987 ( JO C 200, p . 7 ). M . Beurotte, pour sa part, a été promu au grade A 5 le 15 décembre 1987 .

9 En 1988, le requérant a été élu au comité du personnel de la Cour des comptes, dont il a été membre à partir du 30 mars 1988 .

10 Par réponse en date du 13 septembre 1988, l' AIPN a rejeté la demande du requérant, en réservant les suites disciplinaires qu' appellent, selon elle, les accusations portées par le requérant, dans sa note du 2 septembre 1988, contre le collège de la Cour des comptes et ses agents . Une procédure disciplinaire a effectivement été engagée contre le requérant .

La procédure

11 C' est dans ces conditions que, par requête déposée au greffe de la Cour le 30 novembre 1988, M . Williams a introduit le présent recours visant à l' annulation de la décision de rejet opposée, le 13 septembre 1988, à sa plainte . Le recours a été inscrit sous le numéro 349/88 .

12 La procédure écrite s' est entièrement déroulée devant la Cour . Elle a suivi un cours régulier .

13 En vertu de l' article 14 de la décision du Conseil du 24 octobre 1988 instituant un Tribunal de première instance des Communautés européennes, la Cour ( première chambre ), par ordonnance du 15 novembre 1989, a renvoyé l' affaire devant le Tribunal, où elle a été enregistrée sous le numéro T-58/89 .

14 Dans son mémoire en défense, avant de développer ses moyens sur le fond, la partie défenderesse a soulevé une exception d' irrecevabilité à l' encontre du recours .

15 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal ( quatrième chambre ) a décidé d' ouvrir la procédure orale et de limiter les débats, à ce stade, à la question de la recevabilité de l' affaire, en application de l' article 92, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, applicable mutatis mutandis au Tribunal, en vertu de l' article 11, troisième alinéa, de la décision du Conseil du 24 octobre 1988 .

16 La procédure orale s' est déroulée le 3 octobre 1990 . Les représentants des parties ont été entendus en leur plaidoirie et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal .

17 Le requérant a conclu à ce qu' il plaise au Tribunal :

- ordonner à la Cour des comptes de produire les dossiers personnels de MM . Jean-Jack Beurotte et Edouard Ruppert,

- dire le recours recevable,

- annuler la décision de rejet de sa réclamation,

- renvoyer l' affaire devant l' AIPN de la Cour des comptes pour exécution de l' arrêt à intervenir,

- condamner la partie défenderesse à tous les dépens .

18 La défenderesse a conclu à ce qu' il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours comme irrecevable, sinon comme non fondé,

- condamner la partie requérante aux dépens .

19 Au cours de l' audience, le Tribunal a demandé aux représentants de la Cour des comptes de produire les procès-verbaux des réunions du comité du personnel et des différents comités dont le requérant était membre qui se sont tenues, à compter du mois d' avril 1988, pendant la période de son congé d' office . La Cour des comptes a déféré à cette demande le 10 octobre 1990 . A l' examen des procès-verbaux qui lui ont été communiqués, le Tribunal a constaté que, pendant la période en cause, le requérant n' a assisté qu' à une réunion du comité du personnel, le 30 mars 1988 .

Sur la recevabilité

20 A l' appui de son exception d' irrecevabilité, la défenderesse invoque deux moyens, tirés, d' une part, du non-épuisement de la procédure administrative et, d' autre part, de la tardiveté de la "plainte" introduite le 2 septembre 1988 .

Sur le premier moyen, tiré du défaut d' épuisement du recours administratif

21 La défenderesse fait valoir que la décision de l' AIPN du 18 octobre 1984 nommant le requérant à un emploi d' administrateur principal et le classant au grade A 5 n' a pas été contestée par celui-ci, pour autant qu' elle fixait son classement en grade, avant sa note du 2 septembre 1988 .

22 La défenderesse considère que, en dépit du fait que le requérant qualifie sa note du 2 septembre 1988 de "plainte au sens de l' article 90, paragraphe 2, du statut", il s' agit en réalité d' une demande introduite en vertu de l' article 90, paragraphe 1, du statut . Cette qualification serait dictée par la portée réelle de ladite note, par laquelle le requérant sollicite un reclassement en grade, motivé par la survenance d' un fait prétendument nouveau qui serait de nature à justifier un réexamen du classement arrêté dans la décision du 18 octobre 1984 .

23 La défenderesse fait valoir que la préexistence d' un acte faisant grief, en l' espèce la décision du 18 octobre 1984 classant le requérant au grade A 5, ne permet pas à elle seule de qualifier la note du 2 septembre 1988 de réclamation plutôt que de demande .

24 La défenderesse rappelle que, suivant l' article 90, paragraphe 1, du statut, tout fonctionnaire peut demander à l' AIPN de prendre à son égard une décision . Elle souligne que, selon une jurisprudence constante de la Cour, cette faculté ne permet cependant pas au fonctionnaire d' écarter les délais prévus par les articles 90 et 91 pour l' introduction d' une réclamation et d' un recours, en mettant indirectement en cause, par le biais d' une demande, une décision antérieure qui n' avait pas été contestée dans les délais; seule l' existence de faits nouveaux substantiels peut justifier la présentation d' une demande tendant au réexamen d' une telle décision ( arrêt du 26 septembre 1985, Valentini/Commission, point 14, 231/84, Rec . p . 3027 ).

25 Elle ajoute que la Cour a jugé, dans son arrêt du 4 février 1987, Pressler-Hoeft/Cour des comptes ( 302/85, Rec . p . 513 ), "qu' une demande basée sur l' article 90, paragraphe 1, du statut introduite après l' expiration des délais de recours contre l' acte faisant grief n' est admissible qu' en cas de survenance d' un fait nouveau de nature à motiver un réexamen de la situation ".

26 Selon la défenderesse, c' est donc bien une demande que le requérant, alléguant la survenance de faits nouveaux, a introduite, le 2 septembre 1988, en vue d' obtenir de l' AIPN une décision de reclassement au grade A 4 . Or, observe-t-elle, selon l' article 91, paragraphe 2, du statut, un recours à la Cour de justice n' est recevable que si l' AIPN a été préalablement saisie d' une réclamation au sens de l' article 90, paragraphe 2 . Relevant que le requérant n' a pas introduit de réclamation contre le rejet explicite de sa demande, la défenderesse conclut à l' irrecevabilité de son recours juridictionnel .

27 Le requérant considère, d' une part, que le présent recours ne saurait être déclaré irrecevable pour une simple question de forme, alors qu' une demande formelle au titre de l' article 90, paragraphe 1, du statut, suivie d' une réclamation distincte au titre de l' article 90, paragraphe 2, du statut, n' aurait pas eu d' effet utile . Il soutient, d' autre part, qu' il a été clair dans sa formulation et qu' il n' appartient pas à la partie défenderesse de déformer ses propos .

28 Afin de trancher la question de la qualification de la note du requérant du 2 septembre 1988, il y a lieu d' analyser, tout d' abord, le libellé du document litigieux, qualifié par le requérant lui-même de "plainte au sens de l' article 90, paragraphe 2, du statut ". S' il est vrai que la note ne contient ni le terme de réclamation ni celui de demande, il convient néanmoins de relever qu' elle comporte une référence expresse à l' article 90, paragraphe 2, du statut . Le Tribunal estime que ce dernier élément est suffisant pour lui permettre de qualifier ladite note de réclamation et non de demande . La circonstance que le requérant ait utilisé le terme de "plainte" au lieu de celui de réclamation est, quant à elle, sans importance et, partant, ne peut se voir attribuer aucune conséquence .

29 En ce qui concerne l' objet de cette réclamation, le Tribunal constate que le requérant, remettant en question le classement arrêté dans la décision du 18 octobre 1984, demande à être classé au grade A 4 en application de l' article 3 de la décision n 81-5 . Le Tribunal considère que c' est à tort que la défenderesse soutient qu' une réclamation ne peut avoir un tel objet . En effet, la jurisprudence qu' elle invoque à cet égard n' envisage pas seulement des cas de réclamations introduites par des fonctionnaires contre des décisions de classement, mais inclut également des cas dans lesquels la Cour a qualifié de réclamations des notes qui sollicitaient un reclassement et qui étaient qualifiées par les requérants de demandes ( arrêts du 7 mai 1986, Barcella/Commission, 191/84, Rec . p . 1541, et du 4 février 1987, Pressler-Hoeft, précité ).

30 Il s' ensuit que le requérant a respecté la procédure précontentieuse fixée par les articles 90 et 91 du statut .

31 Il résulte de ce qui précède que le premier moyen invoqué par la défenderesse à l' appui de son exception d' irrecevabilité doit être écarté .

Sur le second moyen, tiré du caractère tardif de la note du 2 septembre 1988

32 La défenderesse considère que, à supposer même que la note du 2 septembre 1988 puisse être qualifiée de réclamation au sens de l' article 90, paragraphe 2, du statut, il conviendrait de relever que cette réclamation aurait dû être introduite dans un délai de trois mois à compter du jour où le requérant a eu connaissance de l' acte lui faisant grief, c' est-à-dire, en l' occurrence, de la décision du 18 octobre 1984 fixant son classement au grade A 5 .

33 La défenderesse rappelle une nouvelle fois que, s' il est vrai qu' un fonctionnaire peut, après l' expiration de ce délai de trois mois, introduire une demande fondée sur l' article 90, paragraphe 1, du statut, cette demande n' est admissible qu' en cas de survenance d' un fait nouveau de nature à motiver un réexamen de la situation . Ce n' est que si le requérant arrive à établir la survenance d' un tel fait que la règle statutaire pourrait, en l' espèce, être écartée .

34 La défenderesse soutient que c' est à tort que le requérant qualifie de faits nouveaux la décision de l' AIPN du 23 octobre 1986 portant promotion de M . Ruppert au grade A 3 et celle du 15 décembre 1987 portant promotion de M . Beurotte au grade A 5 . Ayant été prises sur la base de l' article 45 du statut, ces décisions de promotion ne sauraient être considérées comme des cas d' application de la décision n 81-5, laquelle concerne le classement en grade et en échelon des lauréats de concours, et ne sauraient donc permettre d' affirmer que ladite décision recevrait désormais une application différente .

35 Au surplus, la défenderesse conteste l' affirmation du requérant selon laquelle ce n' est qu' en été 1988 qu' il aurait eu connaissance des décisions de promotion intervenues en octobre 1986 et en décembre 1987 . En ce qui concerne plus particulièrement la décision de promotion du 23 octobre 1986, la défenderesse souligne qu' elle a été affichée dans les locaux de la Cour des comptes durant une période d' un mois pendant laquelle le requérant exerçait normalement ses activités . Elle rappelle que cette décision a fait l' objet d' un recours devant la Cour, introduit par un autre fonctionnaire de la Cour des comptes invoquant, en substance, les mêmes arguments que ceux dont fait présentement état le requérant . L' avis relatif à l' introduction de ce recours ayant été publié au Journal officiel le 28 juillet 1987, la défenderesse en déduit que le requérant a nécessairement dû avoir connaissance de la décision en cause au plus tard le 28 juillet 1987 . Pour ce qui est de la décision de promotion du 15 décembre 1987, la défenderesse observe que le requérant a siégé à partir d' avril 1988 au comité du personnel, ce qui lui a permis d' obtenir des informations sur les décisions de promotion intervenues en décembre 1987 .

36 La défenderesse conclut qu' en tout état de cause le recours est irrecevable pour cause de tardiveté, compte tenu de ce que, selon elle, le requérant n' a pas établi de faits nouveaux de nature à justifier une réouverture des délais de recours ou, à tout le moins, de ce qu' il n' a pas introduit de réclamation dans les trois mois de la connaissance qu' il a eue des faits prétendument nouveaux .

37 Le requérant soutient que la promotion de M . Ruppert au grade A 3 et celle de M . Beurotte au grade A 5, moyennant une application très "généreuse" par l' AIPN de la décision n 81-5 ou moyennant l' adoption de nouveaux critères, constituent des faits nouveaux justifiant un réexamen de sa situation .

38 Quant à la date à laquelle il a eu connaissance de ces faits nouveaux, le requérant objecte que, le 28 juillet 1987, il se trouvait en congé d' office et que, dans ces conditions, il n' avait pas accès au Journal officiel; en outre, à supposer même qu' il ait lu l' avis publié au Journal officiel concernant le recours formé par un collègue, une telle circonstance n' impliquerait pas qu' il ait eu connaissance des conditions dans lesquelles avait été décidée la promotion de M . Ruppert . Il allègue que ce n' est que le 2 septembre 1988 qu' il a appris que M . Beurotte ne disposait pas, au moment de sa promotion, en décembre 1987, de l' expérience requise pour être promu et qu' il ne possédait pas de diplôme universitaire reconnu du niveau de la licence . La réclamation du 2 septembre 1988, ajoute-t-il, a été introduite dans le délai de trois mois suivant la reprise de ses activités, à la suite de son congé d' office d' une année, du 12 juin 1987 au 12 juin 1988 .

39 Il y a lieu de rappeler, comme la Cour l' a signalé à plusieurs reprises, que, si, aux termes de l' article 90, paragraphe 1, du statut, tout fonctionnaire peut demander à l' AIPN de prendre à son égard une décision, cette faculté ne permet pas au fonctionnaire d' écarter les délais prévus par les articles 90 et 91 du statut pour l' introduction d' une réclamation et d' un recours, en mettant indirectement en cause, par le biais d' une demande, une décision antérieure qui n' avait pas été contestée dans les délais . Seule l' existence de faits nouveaux substantiels peut justifier la présentation d' une demande tendant au réexamen d' une telle décision ( arrêts du 14 juin 1988, Muysers e.a./Cour des comptes, 161/87, Rec . p . 3037, et du 13 novembre 1986, Becker/Commission, 232/85, Rec . p . 3401 ).

40 En l' espèce, le requérant prétend que la façon dont l' AIPN a appliqué la décision n 81-5 lors des promotions de MM . Ruppert et Beurotte constitue un fait nouveau et substantiel justifiant un réexamen de son classement .

41 Afin d' apprécier le bien-fondé de cette affirmation, il convient d' examiner, tout d' abord, l' objet et la portée de la décision n 81-5 . Cette décision arrête les "critères applicables à la nomination en grade et au classement en échelon du personnel de la Cour des comptes ". Elle est basée sur les articles 29, 30 et 32 du statut, relatifs au recrutement . Elle a pour objet d' "établir des critères égaux pour le classement des lauréats de concours" et précise qu' il y a lieu d' "appliquer les mêmes critères au classement des agents temporaires ". Elle repose sur la considération que "la politique de classement des lauréats de concours de la Cour des comptes constitue un élément important de sa politique du personnel ". Il ressort ainsi clairement de son libellé qu' elle ne concerne que le classement en grade et en échelon des lauréats d' un concours, qu' il soit interne, interinstitutionnel ou externe, puisqu' elle ne fait aucune distinction entre les différentes sortes de concours, mais que, en revanche, elle n' a pas vocation à être appliquée dans le cas des promotions .

42 A cet égard, il y a lieu, en effet, de rappeler la distinction existant entre la promotion et le concours, entre les dispositions relatives aux promotions et celles relatives aux concours . L' article 45, paragraphe 1, premier alinéa, du statut dispose :

"La promotion est attribuée par décision de l' autorité investie du pouvoir de nomination . Elle entraîne pour le fonctionnaire la nomination au grade supérieur de la catégorie ou du cadre auquel il appartient . Elle se fait exclusivement au choix, parmi les fonctionnaires justifiant d' un minimum d' ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion ainsi que des rapports dont ils ont fait l' objet ."

43 Comme la Cour l' a jugé, à plusieurs reprises, les dispositions relatives aux promotions ont pour objet de régler la progression, dans leurs catégories ou cadres respectifs, d' agents des Communautés qui, au moment de la promotion, ont déjà la qualité de fonctionnaire ( arrêt du 12 juillet 1984, Angelidis/Commission, 17/83, Rec . p . 2907 ) et d' assurer, pendant le déroulement de la carrière d' un fonctionnaire, la plus grande continuité possible dans l' évolution de son ancienneté et de son traitement ( arrêts du 29 janvier 1985, Michel/Commission, 273/83, Rec . p . 347, et du 14 juin 1988, Lucas/Commission, 47/87, Rec . p . 3019 ).

44 Il convient de mettre en exergue les différences caractérisant, d' une part, la procédure de promotion et, d' autre part, la procédure de concours . Pour la promotion d' un fonctionnaire, divers facteurs d' appréciation entrent en ligne de compte : le niveau général des services qu' il a rendus dans l' accomplissement de ses tâches ( arrêts du 17 mars 1983, Hoffmann/Commission, 280/81, Rec . p . 889, et du 14 juillet 1983, OEhrgaard et Delvaux/Commission, 9/82, Rec . p . 2379 ), la compétence, l' âge, l' ancienneté dans le grade ou dans le service ( arrêt du 24 mars 1983, Colusse/Parlement, 298/81, Rec . p . 1131 ). De là découle l' importance donnée au rapport de notation, comme élément indispensable d' appréciation chaque fois que la carrière d' un fonctionnaire est prise en considération par le pouvoir hiérarchique ( arrêt du 10 juin 1985, Vincent/Parlement, 7/86, Rec . p . 2473 ).

45 En ce qui concerne le concours, l' avis de concours constitue la norme qui établit les critères et les conditions exigées des candidats . Les dispositions du statut relatives au classement en échelon lors de la nomination tendent, notamment, à donner à l' AIPN la possibilité de tenir compte de la formation et de l' expérience professionnelle spécifique acquise par le candidat avant son entrée en service .

46 Il s' ensuit que le concours et la promotion constituent des procédures différentes, qui sont régies par des dispositions différentes du statut et obéissent chacune à des critères qui lui sont propres .

47 En l' espèce, la décision n 81-5, qui ne concerne que le classement des lauréats d' un concours interne, interinstitutionnel ou externe, n' avait pas à être appliquée aux décisions portant promotion de MM . Ruppert et Beurotte . Ces dernières ne peuvent donc être considérées comme des faits nouveaux et substantiels quant à la mise en oeuvre de la décision n 81-5, qui permettraient au requérant de demander un réexamen de l' application qui lui a été faite de ladite décision lors de sa nomination au grade A 5 à la suite d' un concours interne .

48 Il découle de ce qui précède que le requérant n' a pas établi de faits nouveaux substantiels justifiant la réouverture des délais prévus par les articles 90 et 91 du statut pour introduire un recours contre l' acte lui faisant grief, à savoir la décision du 18 octobre 1984 portant sa nomination au grade A 5 . Partant, le recours doit être rejeté comme irrecevable .

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

49 Aux termes de l' article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s' il est conclu en ce sens . Toutefois, selon l' article 70 du même règlement, les frais exposés par les institutions dans les recours des agents des Communautés restent à la charge de celles-ci .

Dispositif


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL ( quatrième chambre )

déclare et arrête :

1 ) Le recours est rejeté comme irrecevable .

2 ) Chacune des parties supportera ses propres dépens .