61989A0004

Arrêt du Tribunal de première instance (première chambre) du 17 décembre 1991. - BASF AG contre Commission des Communautés européennes. - Concurrence - Notions d'accord et de pratique concertée - Responsabilité collective. - Affaire T-4/89.

Recueil de jurisprudence 1991 page II-01523


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


++++

1 . Concurrence - Procédure administrative - Décision de la Commission constatant une infraction - Éléments de preuve pouvant être retenus

( Traité CEE, art . 85, § 1 )

2 . Concurrence - Procédure administrative - Auditions - Caractère provisoire du procès-verbal soumis au comité consultatif et à la Commission - Vice de la procédure - Absence

( Règlement de la Commission n 99/63 )

3 . Concurrence - Procédure administrative - Respect des droits de la défense - Droit pour les parties impliquées dans une procédure de recevoir communication du rapport du conseiller-auditeur et de le commenter - Absence

4 . Concurrence - Ententes - Accords entre entreprises - Notion - Concours de volontés quant au comportement à adopter sur le marché

( Traité CEE, art . 85, § 1 )

5 . Concurrence - Ententes - Interdiction - Ententes prolongeant leurs effets au-delà de leur cessation formelle - Application de l' article 85 du traité

( Traité CEE, art . 85 )

6 . Concurrence - Ententes - Pratique concertée - Notion - Coordination et coopération incompatibles avec l' obligation pour chaque entreprise de déterminer de manière autonome son comportement sur le marché - Réunions entre concurrents ayant pour objet l' échange d' informations déterminantes pour l' élaboration de la stratégie commerciale des participants

( Traité CEE, art . 85, § 1 )

7 . Concurrence - Ententes - Infraction complexe présentant des éléments d' accords et des éléments de pratique concertée - Qualification unique en tant que "un accord et une pratique concertée" - Admissibilité - Conséquences quant aux éléments de preuve à rassembler

( Traité CEE, art . 85, § 1 )

Sommaire


1 . Une décision adressée à une entreprise en application de l' article 85, paragraphe 1, du traité, ne peut retenir comme moyens de preuve à l' encontre de celle-ci que les documents dont il apparaissait, dès le stade de la communication des griefs et à travers la mention qui en était faite dans celle-ci ou dans ses annexes, que la Commission entendait s' en prévaloir et dont l' entreprise a ainsi pu, en temps utile, discuter la valeur probante .

2 . Le caractère provisoire du procès-verbal de l' audition soumis au comité consultatif en matière d' ententes et de positions dominantes et à la Commission ne peut constituer un vice de la procédure administrative, susceptible d' entacher d' illégalité la décision qui en constitue l' aboutissement, que si le texte en question était redigé de manière à induire en erreur ses destinataires sur un point essentiel .

3 . Les droits de la défense n' exigent pas que les entreprises impliquées dans une procédure au titre de l' article 85, paragraphe 1, du traité, puissent commenter le rapport du conseiller-auditeur . En effet, le respect des droits de la défense est assuré à suffisance de droit dès lors que les différentes instances concourant à l' élaboration de la décision finale ont été informées correctement de l' argumentation formulée par les entreprises, en réponse aux griefs que leur a communiqués la Commission, ainsi qu' aux éléments de preuve présentés par la Commission pour étayer ces griefs . Or, le rapport du conseiller-auditeur est un document purement interne à la Commission, qui n' a que valeur d' avis et qui n' a pas pour objet de compléter ou de corriger l' argumentation des entreprises, ni de formuler des griefs nouveaux ou de fournir des éléments de preuve nouveaux à l' encontre de celles-ci .

4 . Pour qu' il y ait accord, au sens de l' article 85, paragraphe 1, du traité, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d' une manière déterminée . Tel est le cas lorsqu' entre plusieurs entreprises il y a eu concours de volontés pour atteindre des objectifs de prix et de volumes de vente .

5 . L' article 85 du traité est applicable aux accords entre entreprises qui ont cessé d' être en vigueur, mais qui poursuivent leurs effets au-delà de leur cessation formelle .

6 . Les critères de coordination et de coopération permettant de définir la notion de pratique concertée doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence et selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu' il entend suivre sur le marché commun . Si cette exigence d' autonomie n' exclut pas le droit des opérateurs économiques de s' adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s' oppose rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre de tels opérateurs, ayant pour objet ou pour effet, soit d' influencer le comportement sur le marché d' un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l' on est décidé à, ou que l' on envisage de, tenir soi-même sur le marché .

Constitue une pratique concertée la participation à des réunions ayant pour objet la fixation d' objectifs de prix et de volumes de vente, au cours desquelles sont échangées entre concurrents des informations sur les prix qu' ils envisagent de pratiquer, sur leur seuil de rentabilité, sur les limitations des volumes de vente qu' ils jugent nécessaires ou sur leurs chiffres de vente, car les informations ainsi communiquées sont nécessairement prises en compte par les entreprises participantes pour déterminer leur comportement sur le marché .

7 . L' article 85, paragraphe 1, du traité ne prévoyant pas de qualification spécifique pour une infraction complexe mais cependant unique, car constituée par un comportement continu, caractérisé par une seule finalité et comportant à la fois des éléments devant être qualifiés d' "accords" et des éléments devant être qualifiés de "pratiques concertées", une telle infraction peut recevoir la qualification d' "un accord et une pratique concertée", sans que soit exigée simultanément et cumulativement la preuve que chacun des éléments de fait présente les éléments constitutifs d' un accord et d' une pratique concertée .

Parties


Dans l' affaire T-4/89,

BASF AG, société de droit allemand, établie à Ludwigshafen ( République fédérale d' Allemagne ), représentée par Mes F . Hermanns et U . F . Kleier, avocats au barreau de Meerbusch, ayant élu domicile à Luxembourg en l' étude de Mes J . Loesch et Wolter, 8, rue Zithe,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM . A . McClellan, conseiller juridique principal, et B . Jansen, membre du service juridique, en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M . Roberto Hayder, représentant du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet l' annulation de la décision de la Commission du 23 avril 1986 relative à une procédure d' application de l' article 85 du traité CEE ( IV/31.149-Polypropylène, JO L 230, p . 1 ),

LE TRIBUNAL ( première chambre ),

composé de MM . J . L . Cruz Vilaça, président, R . Schintgen, D . A . O . Edward, H . Kirschner et K . Lenaerts, juges,

avocat général : M . B . Vesterdorf

greffier : M . H . Jung

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale qui s' est déroulée du 10 au 15 décembre 1990,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 10 juillet 1991,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


Les faits à l' origine du recours

1 La présente affaire concerne une décision de la Commission infligeant à quinze producteurs de polypropylène une amende pour avoir violé l' article 85, paragraphe 1, du traité CEE . Le produit faisant l' objet de la décision attaquée ( ci-après "décision ") est l' un des principaux polymères thermoplastiques bruts . Le polypropylène est vendu par les producteurs aux transformateurs, qui le convertissent en produits finis ou semi-finis . Les principaux producteurs de polypropylène ont une gamme de plus de cent qualités différentes, recouvrant un vaste éventail d' utilisations finales . Les principales qualités de base de polypropylène ont pour noms raphia, homopolymère pour moulage par injection, copolymère pour moulage par injection, copolymère high impact et film . Les entreprises destinataires de la décision sont toutes d' importants fabricants de produits pétrochimiques .

2 Le marché du polypropylène ouest-européen est approvisionné presque exclusivement à partir d' unités de production installées en Europe . Avant 1977, ce marché était approvisionné par dix producteurs, à savoir Montedison ( devenue Montepolimeri SpA, elle-même devenue ensuite Montedipe SpA ), Hoechst AG, Imperial Chemical Industries plc et Shell International Chemical Company Ltd ( appelés les "quatre grands "), représentant ensemble 64 % du marché, Enichem Anic SpA en Italie, Rhône-Poulenc SA en France, Alcudia en Espagne, Chemische Werke Huels et BASF AG en Allemagne et Chemie Linz AG en Autriche . A la suite de l' expiration des brevets de contrôle détenus par Montedison, sept nouveaux producteurs sont apparus en Europe occidentale en 1977 : Amoco et Hercules Chemicals NV en Belgique, ATO Chimie SA et Solvay et Cie SA en France, SIR en Italie, DSM NV aux Pays-Bas et Taqsa en Espagne . Saga Petrokjemi AS et Cie, producteur norvégien, a commencé ses activités au milieu de l' année 1978 et Petrofina SA en 1980 . Cette arrivée de nouveaux producteurs ayant une capacité nominale de quelque 480 000 tonnes a entraîné une augmentation substantielle de la capacité de production en Europe occidentale, qui, pendant plusieurs années, n' a pas été suivie par un accroissement correspondant de la demande, ce qui a eu pour conséquence une faible utilisation des capacités de production, qui se serait cependant redressée progressivement entre 1977 et 1983, passant de 60 à 90 %. Selon la décision, l' offre et la demande se seraient retrouvées plus ou moins en équilibre à partir de 1982 . Toutefois, pendant la plus grande partie de la période de référence ( 1977 à 1983 ), le marché du polypropylène se serait caractérisé soit par une faible rentabilité, soit par des pertes substantielles en raison, notamment, de l' importance des coûts fixes et de l' augmentation du coût de la matière première, le propylène . Selon la décision ( point 8 ), en 1983, Montepolimeri SpA détenait 18 % du marché européen du polypropylène, Imperial Chemical Industries plc, Shell International Chemical Company Ltd et Hoechst AG en auraient détenu chacun 11 %, Hercules Chemicals NV un peu moins de 6 %, ATO Chimie SA, BASF AG, DSM NV, Chemische Werke Huels, Chemie Linz AG, Solvay et Cie SA et Saga Petrokjemi AS et Cie, de 3 à 5 % chacun et Petrofina SA environ 2 %. Le polypropylène aurait fait l' objet d' un vaste courant d' échanges entre les États membres, parce que chacun des producteurs établis à l' époque dans la Communauté vendait dans tous les États membres ou presque .

3 BASF AG faisait partie des producteurs approvisionnant le marché avant 1977 . Sa position sur le marché du polypropylène était celle d' un producteur moyen dont la part de marché se situait entre 4,1 et 4,7 %.

4 Les 13 et 14 octobre 1983, des fonctionnaires de la Commission, agissant au titre de l' article 14, paragraphe 3, du règlement n 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d' application des articles 85 et 86 du traité ( JO 1962, 13, p . 204, ci-après "règlement n 17 "), ont procédé à des vérifications simultanées dans les entreprises suivantes, productrices de polypropylène et approvisionnant le marché communautaire :

- ATO Chimie SA, actuellement Atochem ( ci-après "ATO "),

- BASF AG ( ci-après "BASF "),

- DSM NV ( ci-après "DSM "),

- Hercules Chemicals NV ( ci-après "Hercules "),

- Hoechst AG ( ci-après "Hoechst "),

- Chemische Werke Huels ( ci-après "Huels "),

- Imperial Chemical Industries plc ( ci-après "ICI "),

- Montepolimeri SpA, actuellement Montedipe ( ci-après "Monte "),

- Shell International Chemical Company Ltd ( ci-après "Shell "),

- Solvay et Cie SA ( ci-après "Solvay "),

- BP Chimie ( ci-après "BP ").

Aucune vérification n' a été effectuée chez Rhône-Poulenc SA ( ci-après "Rhône-Poulenc "), ni chez Enichem Anic SpA .

5 A la suite de ces vérifications, la Commission a adressé des demandes de renseignements, au titre de l' article 11 du règlement n 17 ( ci-après "demandes de renseignements "), non seulement aux entreprises précitées, mais aussi aux entreprises suivantes :

- Amoco,

- Chemie Linz AG ( ci-après "Linz "),

- Saga Petrokjemi AS et Cie, qui fait actuellement partie de Statoil ( ci-après "Statoil "),

- Petrofina SA ( ci-après "Petrofina "),

- Enichem Anic SpA ( ci-après "Anic ").

Linz, entreprise établie en Autriche, a contesté la compétence de la Commission et a refusé de répondre à la demande . Conformément à l' article 14, paragraphe 2, du règlement précité, les fonctionnaires de la Commission ont ensuite procédé à des vérifications chez Anic et chez Saga Petrochemicals UK Ltd, filiale anglaise de Saga, ainsi qu' auprès des agences de vente de Linz établies au Royaume-Uni et en République fédérale d' Allemagne . Aucune demande de renseignements n' a été adressée à Rhône-Poulenc .

6 Les éléments obtenus dans le cadre de ces vérifications et demandes de renseignements ont amené la Commission à conclure qu' entre 1977 et 1983 les producteurs concernés avaient, en violation de l' article 85 du traité CEE, par une série d' initiatives de prix, fixé régulièrement des objectifs de prix et élaboré un système de contrôle annuel des volumes de vente en vue de se répartir le marché disponible sur la base de tonnages ou de pourcentages convenus . C' est ainsi que le 30 avril 1984, la Commission a décidé d' engager la procédure prévue par l' article 3, paragraphe 1, du règlement n 17 et, au cours du mois de mai 1984, elle a adressé une communication écrite des griefs aux entreprises précitées à l' exception d' Anic et de Rhône-Poulenc . Tous les destinataires y ont répondu par écrit .

7 Le 24 octobre 1984, le conseiller-auditeur désigné par la Commission a réuni les conseillers juridiques des destinataires de la communication des griefs pour convenir de certaines dispositions de procédure en vue de l' audition, prévue dans le cadre de la procédure administrative, qui devait débuter le 12 novembre 1984 . Lors de cette réunion, la Commission a, par ailleurs, annoncé qu' au vu de l' argumentation développée par les entreprises dans leurs réponses à la communication des griefs, elle leur adresserait incessamment des éléments de preuve complétant ceux dont elles disposaient déjà en ce qui concerne la mise en oeuvre des initiatives de prix . C' est ainsi que le 31 octobre 1984, la Commission a envoyé aux conseillers juridiques des entreprises une liasse de documents réunissant des copies des instructions en matière de prix données par les producteurs à leurs bureaux de vente, ainsi que des tableaux résumant ces documents . Afin de garantir le respect du secret des affaires, la Commission a assorti cette communication de certaines conditions; en particulier, les documents communiqués ne devaient pas être portés à la connaissance des services commerciaux des entreprises . Les avocats de plusieurs entreprises ont refusé d' accepter lesdites conditions et ont renvoyé la documentation avant l' audition .

8 Au vu des informations fournies dans les réponses écrites à la communication des griefs, la Commission a décidé d' étendre la procédure à Anic et à Rhône-Poulenc . A cette fin, une communication des griefs semblable à celle adressée aux quinze autres entreprises leur a été envoyée le 25 octobre 1984 .

9 Une première session d' auditions s' est déroulée du 12 au 20 novembre 1984 . Au cours de celle-ci, toutes les entreprises ont été entendues, à l' exception de Shell ( qui avait refusé de participer à toute audition ), d' Anic, d' ICI et de Rhône-Poulenc ( qui estimaient n' avoir pas été en mesure de préparer leur dossier ).

10 Lors de cette session, plusieurs entreprises ont refusé d' aborder les points soulevés dans la documentation qui leur avait été adressée le 31 octobre 1984, faisant valoir que la Commission avait radicalement changé l' orientation de son argumentation et qu' elles devaient, à tout le moins, être mises en mesure de présenter des observations écrites . D' autres entreprises ont soutenu n' avoir pas eu assez de temps pour étudier les documents en question avant l' audition . Une lettre commune en ce sens a été adressée à la Commission le 28 novembre 1984 par les avocats de BASF, DSM, Hercules, Hoechst, ICI, Linz, Monte, Petrofina et Solvay . Par lettre du 4 décembre 1984, Huels a déclaré se rallier au point de vue ainsi exprimé .

11 C' est pourquoi, le 29 mars 1985, la Commission a adressé aux entreprises une nouvelle série de documents, reproduisant des instructions de prix données par les entreprises à leurs bureaux de vente, accompagnés de tableaux concernant les prix, ainsi qu' un résumé des preuves ayant trait à chacune des initiatives de prix pour laquelle des documents étaient disponibles . Elle invitait les entreprises à y répondre, tant par écrit qu' au cours d' une autre session d' auditions et précisait qu' elle levait les restrictions prévues initialement concernant la communication aux services commerciaux .

12 Par une autre lettre du même jour, la Commission a répondu aux arguments avancés par les avocats, selon lesquels elle n' avait pas donné une définition juridique précise de l' entente alléguée, au sens de l' article 85, paragraphe 1, du traité, et elle a invité les entreprises à lui soumettre leurs observations écrites et orales .

13 Une deuxième session d' auditions s' est déroulée du 8 au 11 juillet 1985, et le 25 juillet 1985 . Anic, ICI et Rhône-Poulenc y ont présenté leurs observations et les autres entreprises ( à l' exception de Shell ) ont commenté les points soulevés dans les deux lettres de la Commission datées du 29 mars 1985 .

14 Le projet de procès-verbal des auditions, accompagné de la documentation utile, a été transmis aux membres du comité consultatif en matière d' ententes et de positions dominantes ( ci-après "comité consultatif ") le 19 novembre 1985 et a été envoyé aux entreprises le 25 novembre 1985 . Le comité consultatif a rendu son avis lors de sa 170e réunion, les 5 et 6 décembre 1985 .

15 Au terme de cette procédure, la Commission a pris la décision litigieuse du 23 avril 1986, qui comporte le dispositif suivant :

"Article premier

Anic SpA, ATO Chemie SA ( actuellement Atochem ), BASF AG, DSM NV, Hercules Chemicals NV, Hoechst AG, Chemische Werke Huels ( actuellement Huels AG ), ICI plc, Chemische Werke Linz, Montepolimeri SpA ( actuellement Montedipe ), Petrofina SA, Rhône-Poulenc SA, Shell International Chemical Co . Ltd, Solvay & Cie et Saga Petrokjemi AG & Co . ( actuellement fusionnée avec Statoil ) ont enfreint les dispositions de l' article 85, paragraphe 1, du traité CEE, en participant :

- pour Anic, à partir de novembre 1977 environ jusqu' à la fin de 1982 ou au début de 1983;

- pour Rhône-Poulenc, de novembre 1977 environ jusqu' à la fin de 1980;

- pour Petrofina, de 1980 jusqu' en novembre 1983 au moins;

- pour Hoechst, ICI, Montepolimeri et Shell, du milieu de l' année 1977 jusqu' à novembre 1983 au moins;

- pour Hercules, Linz, Saga et Solvay, de novembre 1977 environ jusqu' en novembre 1983 au moins;

- pour ATO, de 1978 au moins jusqu' à novembre 1983 au moins;

- pour BASF, DSM et Huels, d' un moment indéterminé entre 1977 et 1979 jusqu' en novembre 1983 au moins;

à un accord et une pratique concertée remontant au milieu de l' année 1977, en vertu desquels les producteurs approvisionnant en polypropylène le territoire du marché commun :

a ) ont pris contact l' un avec l' autre et se sont rencontrés régulièrement ( depuis le début de 1981, deux fois par mois ) dans le cadre de réunions secrètes, en vue d' examiner et de définir leur politique commerciale;

b ) ont fixé périodiquement des prix 'cible' ( ou minimaux ) pour la vente du produit dans chaque État membre de la Communauté;

c ) ont convenu de diverses mesures visant à faciliter l' application de tels objectifs de prix, y compris ( et essentiellement ) des limitations temporaires de la production, l' échange d' informations détaillées sur leurs livraisons, la tenue de réunions locales et, à partir de la fin de 1982, un système d' 'account management' ayant pour but d' appliquer les hausses de prix à des clients particuliers;

d ) ont procédé à des hausses de prix simultanées, en application desdites cibles;

e ) se sont réparti le marché en attribuant à chaque producteur un objectif ou un 'quota' annuel de vente ( 1979, 1980 et pendant une partie au moins de 1983 ) ou, à défaut d' un accord définitif pour l' année entière, en obligeant les producteurs à limiter leurs ventes mensuelles par référence à une période antérieure ( 1981, 1982 ).

Article 2

Les entreprises mentionnées à l' article 1er mettent fin immédiatement aux infractions précitées ( si elles ne l' ont pas déjà fait ) et s' abstiennent à l' avenir, dans le cadre de leur secteur polypropylène, de tout accord ou pratique concertée susceptible d' avoir un objet ou un effet identique ou similaire, y compris tout échange de renseignements du type généralement couvert par le secret professionnel, au moyen duquel les participants seraient informés directement ou indirectement de la production, des livraisons, du niveau des stocks, des prix de vente, des coûts ou des plans d' investissement d' autres producteurs individuels, ou qui leur permettrait de suivre l' exécution de tout accord exprès ou tacite ou de toute pratique concertée se rapportant aux prix ou au partage des marchés dans la Communauté . Tout système d' échange de données générales auquel les producteurs seraient abonnés ( tel que le Fides ) sera géré de manière à exclure toute donnée permettant d' identifier le comportement de producteurs déterminés; les entreprises s' abstiendront plus particulièrement d' échanger entre elles toute information supplémentaire intéressant la concurrence et non couverte par un tel système .

Article 3

Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises visées par la présente décision, en raison de l' infraction constatée à l' article 1er :

i ) Anic SpA, une amende de 750 000 écus, soit 1 103 692 500 LIT;

ii ) Atochem, une amende de 1 750 000 écus, soit 11 973 325 FF;

iii ) BASF AG, une amende de 2 500 000 écus, soit 5 362 225 DM;

iv ) DSM NV, une amende de 2 750 000 écus, soit 6 657 640 HFL;

v ) Hercules Chemicals NV, une amende de 2 750 000 écus, soit 120 569 620 BFR;

vi ) Hoechst AG, une amende de 9 000 000 écus, soit 19 304 010 DM;

vii ) Huels AG, une amende de 2 750 000 écus, soit 5 898 447,50 DM;

viii ) ICI plc, une amende de 10 000 000 écus, soit 6 447 970 UKL;

ix ) Chemische Werke Linz, une amende de 1 000 000 écus, soit 1 471 590 000 LIT;

x ) Montedipe, une amende de 11 000 000 écus, soit 16 187 490 000 LIT;

xi ) Petrofina SA, une amende de 600 000 écus, soit 26 306 100 BFR;

xii ) Rhône-Poulenc SA, une amende de 500 000 écus, soit 3 420 950 FF;

xiii ) Shell International Chemical Co . Ltd, une amende de 9 000 000 écus, soit 5 803 173 UKL;

xiv ) Solvay & Cie, une amende de 2 500 000 écus, soit 109 608 750 BFR;

xv ) Statoil, Den Norske Stats Oljeselskap AS ( qui englobe aujourd' hui Saga Petrokjemi ), une amende de 1 000 000 écus, soit 644 797 UKL .

Articles 4 et 5

( omissis )"

16 Le 8 juillet 1986, le procès-verbal définitif des auditions contenant les corrections, les compléments et les suppressions de textes demandés par les entreprises leur a été envoyé .

La procédure

17 C' est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe de la Cour le 28 juillet 1986, la requérante a introduit le présent recours visant à l' annulation de la décision . Treize des quatorze autres destinataires de cette décision ont également introduit un recours visant à son annulation ( affaires T-1/89 à T-3/89 et T-6/89 à T-15/89 ).

18 La procédure écrite s' est entièrement déroulée devant la Cour .

19 Par ordonnance du 15 novembre 1989, la Cour a renvoyé cette affaire ainsi que les treize autres devant le Tribunal, en application de l' article 14 de la décision du Conseil du 24 octobre 1988 instituant un Tribunal de première instance des Communautés européennes ( ci-après "décision du Conseil du 24 octobre 1988 ").

20 En application de l' article 2, paragraphe 3, de la décision du Conseil du 24 octobre 1988, un avocat général a été désigné par le président du Tribunal .

21 Par lettre du 3 mai 1990, le greffier du Tribunal a invité les parties à participer à une réunion informelle, en vue de déterminer les modalités d' organisation de la procédure orale . Cette réunion a eu lieu le 28 juin 1990 .

22 Par lettre du 9 juillet 1990, le greffier du Tribunal a demandé aux parties de présenter leurs observations sur une jonction éventuelle des affaires T-1/89 à T-4/89 et T-6/89 à T-15/89 aux fins de la procédure orale . Aucune partie n' a formulé d' objection sur ce point .

23 Par ordonnance du 25 septembre 1990, le Tribunal a joint les affaires précitées aux fins de la procédure orale, en raison de leur connexité, conformément à l' article 43 du règlement de procédure de la Cour, applicable alors mutatis mutandis à la procédure devant le Tribunal en vertu de l' article 11, troisième alinéa, de la décision du Conseil du 24 octobre 1988 .

24 Par ordonnance du 15 novembre 1990, le Tribunal a statué sur les demandes de traitement confidentiel introduites par les requérantes dans les affaires T-2/89, T-3/89, T-9/89, T-11/89, T-12/89 et T-13/89 et les a partiellement accueillies .

25 Par lettres déposées au greffe du Tribunal entre le 9 octobre et le 29 novembre 1990, les parties ont répondu aux questions qui leur avaient été posées par le Tribunal par lettres du greffier du 19 juillet .

26 Au vu des réponses fournies à ses questions et sur rapport du juge rapporteur, l' avocat général entendu, le Tribunal a décidé d' ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d' instruction préalables .

27 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l' audience qui s' est déroulée du 10 au 15 décembre 1990 .

28 L' avocat général a été entendu en ses conclusions à l' audience du 10 juillet 1991 .

Les conclusions des parties

29 La société BASF conclut à ce qu' il plaise au Tribunal :

1 ) annuler la décision de la Commission du 23 avril 1986, notifiée le 28 mai 1986, relative à une procédure d' application de l' article 85 du traité CEE ( IV/31-149 polypropylène );

2 ) à titre subsidiaire, annuler ou diminuer l' amende imposée à la requérante par l' article 3 de la décision précitée;

3 ) condamner la défenderesse aux dépens .

La Commission, quant à elle, conclut à ce qu' il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours;

- condamner la requérante aux dépens .

Sur le fond

30 Le Tribunal considère qu' il y a lieu d' examiner, en premier lieu, les griefs de la requérante tirés de la violation des droits de la défense, en ce que la Commission aurait omis de lui communiquer des documents sur lesquels elle a fondé la décision ( 1 ), en ce que le procès-verbal définitif des auditions n' aurait été communiqué ni aux membres de la Commission ni à ceux du comité consultatif ( 2 ), et en ce que la requérante n' aurait pas reçu communication du rapport du conseiller-auditeur ( 3 ); en second lieu, les griefs relatifs à l' établissement de l' infraction qui portent, d' une part, sur les constatations de fait opérées par la Commission ( 1 ) et, d' autre part, sur l' application de l' article 85, paragraphe 1, du traité CEE à ces faits ( 2 ), en ce que la Commission n' aurait pas correctement qualifié l' infraction ( A ) et en ce qu' elle aurait imputé à la requérante une responsabilité collective ( B ); en troisième lieu, les griefs relatifs à la fixation de l' amende qui serait partiellement prescrite ( 1 ) et qui ne serait adéquate ni à la durée ( 2 ), ni à la gravité ( 3 ) de l' infraction alléguée .

Sur les droits de la défense

1 . Omission de communiquer des documents lors de la communication des griefs

31 La requérante fait valoir que, lors de la communication des griefs, la Commission ne lui a pas transmis quatorze documents sur lesquels elle aurait fondé la décision et qu' elle l' a ainsi mise dans l' impossibilité de s' expliquer sur leur contenu . Il s' agirait des comptes rendus de la réunion du 10 mars 1982 et de celle du 13 mai 1982 établis par un cadre d' Hercules (( décision, point 15, sous b ) )), d' un document du 6 septembre 1977 prétendument découvert chez Solvay ( décision, point 16, dernier alinéa ), de la réponse de Shell à la communication des griefs ( décision, point 17 ), de deux comptes rendus de réunions internes de Shell tenues respectivement les 5 juillet et 12 septembre 1979 ( décision, points 29 et 31 ), d' un document interne de Solvay ( décision, point 32 ), d' un rappel de Solvay à ses bureaux de vente du 17 juillet 1981 ( décision, point 35 ), d' une note interne d' ICI relative au "climat de fermeté" ( décision, point 46 ), d' un document de Shell intitulé "PP W . Europe-Pricing" et "Market quality report" ( décision, point 49 ), d' une note sur le système de répartition du marché recueillie chez ATO ( décision, point 54 ), du compte rendu de la réunion du 10 mars 1982 établi par un cadre d' ICI ( décision, point 58 ), d' une note non datée d' ICI destinée à préparer une réunion avec Shell prévue pour le mois de mai 1983 ( décision, point 63, deuxième alinéa ) et, enfin, d' un document de travail relatif au premier trimestre de 1983 découvert chez Shell ( décision, point 63, troisième alinéa ).

32 La requérante soutient que, selon la jurisprudence de la Cour ( arrêt du 25 octobre 1983, AEG-Telefunken/Commission, points 21 à 30, 107/82, Rec . p . 3151 ), la Commission ne pourrait, sans violer les droits de la défense, se fonder sur de tels documents même s' ils se trouvent quelque part dans le dossier administratif rendu accessible aux entreprises en cause . Il y aurait tout lieu de supposer que, en l' absence des griefs que sont censés prouver ces documents, la décision n' aurait pas été prise dans sa forme actuelle .

33 La requérante répond à l' affirmation de la Commission, selon laquelle la décision attaquée ne serait pas fondée sur les quelques documents qui n' auraient pas été communiqués à BASF, que, faute précisément de disposer de ces documents, elle n' est pas en mesure de discuter une telle affirmation et qu' il appartient donc à la Commission d' en prouver le bien-fondé de manière détaillée .

34 La Commission rétorque, d' une part, que, contrairement à ce que soutient la requérante, le premier et le neuvième document qu' elle cite lui ont été communiqués lors de la communication des griefs et que le deuxième, le dixième et le treizième document lui ont été rendus accessibles lors de la procédure d' accès au dossier et, d' autre part, que les autres documents n' avaient pas à lui être rendus accessibles, soit parce qu' ils n' avaient pas d' intérêt dans le cadre de la procédure engagée contre elle, soit parce qu' ils ne faisaient que confirmer d' autres documents déjà connus par BASF . Pour autant qu' elle s' adresse à la requérante, la décision ne serait pas fondée sur ces documents .

35 Elle reconnaît toutefois que, par erreur, une note d' ICI relative à une réunion d' "experts" du 10 mars 1982, mentionnée dans la décision ( point 58 ), n' a pas été communiquée, mais elle ajoute que cette note ne faisait que confirmer un compte rendu de Hercules de la même réunion qui, lui, était annexé à la communication générale des griefs ( communication générale des griefs, annexe 23, ci-après "g.g . ann ."). Il en irait de même pour une note d' ICI, mentionnée au point 63 de la décision, destinée à préparer une réunion avec Shell . Ce document n' aurait été cité que pour prouver la participation de Shell au système de quotas . Ces documents ne comporteraient donc aucun élément nouveau par rapport aux griefs communiqués à BASF .

36 Le Tribunal constate qu' il résulte de la jurisprudence de la Cour que ce qui importe, ce ne sont pas les documents en tant que tels, mais les conclusions qu' en a tirées la Commission et que, si ces documents n' ont pas été mentionnés dans la communication des griefs, l' entreprise concernée a pu, à juste titre, estimer qu' ils n' avaient pas d' importance aux fins de l' affaire . En n' informant pas une entreprise que certains documents seraient utilisés dans sa décision, la Commission l' a empêchée de manifester en temps utile son opinion sur la valeur probante de ces documents . Il s' ensuit que ces documents ne peuvent être considérés comme des moyens de preuve valables en ce qui la concerne ( arrêt du 25 octobre 1983, 107/82, précité, point 27, et voir en dernier lieu l' arrêt du 3 juillet 1991, AKZO Chemie/Commission, point 21, C-62/86, Rec . p . I-0000 ).

37 En l' espèce, il y a lieu de relever que seuls les documents mentionnés dans les communications générale ou spécifique des griefs ou dans les lettres du 29 mars 1985, ou ceux annexés à celles-ci sans y être spécifiquement mentionnés, peuvent être considérés comme des moyens de preuve opposables à la requérante dans le cadre de la présente affaire . En ce qui concerne les documents annexés aux communications des griefs mais qui n' y sont pas mentionnés, ils ne peuvent être retenus dans la décision contre la requérante que si celle-ci a pu déduire raisonnablement à partir des communications des griefs les conclusions que la Commission entendait en tirer .

38 Il résulte des considérations qui précèdent que, parmi les documents cités par la requérante, seuls le compte rendu de la réunion du 10 mars 1982 établi par un cadre de Hercules (( décision, point 15, sous b ) ))et la note interne d' ICI sur le "climat de fermeté" ( décision, point 46 ) peuvent être retenus comme éléments de preuve à l' encontre de la requérante, puisqu' ils ont été mentionnés respectivement aux points 60 et 71 de la communication générale des griefs adressée à la requérante, dont ils constituent, en outre, les annexes 23 et 35 . Les autres documents cités par la requérante ne peuvent être considérés comme des moyens de preuve opposables à la requérante dans le cadre de la présente affaire .

39 La question de savoir si ces derniers documents constituent le support indispensable des constatations de fait que la Commission a opérées à l' encontre de la requérante dans la décision relève de l' examen par le Tribunal du bien-fondé de ces constatations .

2 . Non-communication du procès-verbal des auditions

40 La requérante expose qu' aux termes de l' article 9, paragraphe 4, du règlement n 99/63/CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l' article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n 17 du Conseil ( JO 1963, 127, p . 2268, ci-après "règlement n 99/63 "), "les déclarations essentielles de chaque personne entendue lors des auditions sont consignées dans un procès-verbal qui est approuvé par elle après lecture ". Or, selon BASF, ni les membres de la Commission ni ceux du comité consultatif n' ont pu disposer du procès-verbal définitif des auditions . Ils n' auraient donc pas pu se forger une idée exacte des arguments échangés, n' ayant pas tous assisté aux auditions et ne pouvant pas étudier tous les exposés écrits des entreprises concernées . Ainsi, la décision n' aurait-elle pas été prise en toute connaissance de cause .

41 La requérante ajoute qu' elle n' est pas en mesure de juger si la décision aurait été différente si les membres de la Commission avaient disposé du procès-verbal définitif . Elle estime, cependant, que même si tel n' était pas le cas, cela ne devrait pas être déterminant, car si la violation des garanties de procédure pouvait être justifiée par le fait que, même si celles-ci avaient été respectées, la décision n' aurait pas été différente, l' on méconnaîtrait le sens de ces garanties . Celui-ci résiderait dans le fait que les intéressés ont un droit à voir ces garanties respectées sous peine d' annulation de la décision . Tout au plus pourrait-on admettre qu' il incomberait à la Commission d' établir que le vice de procédure n' a eu aucune influence sur la décision . Mais la Commission ne pourrait à cet égard s' en tenir à une simple affirmation .

42 La Commission fait remarquer que l' article 9, paragraphe 4, du règlement n 99/63 ne donne aucune indication quant aux instances auxquelles la Commission doit adresser le procès-verbal provisoire ou définitif des auditions . Certes, les membres du comité consultatif ne disposaient que du procès-verbal provisoire, mais les autorités compétentes de tous les États membres étaient représentées aux sessions d' auditions à l' exception de la Grèce et du Luxembourg pour la deuxième session d' auditions . Il importerait peu, à cet égard, que le fonctionnaire présent lors des auditions n' ait pas nécessairement été le représentant de l' État au sein du comité consultatif . Au surplus, la Commission note que BASF n' a pas contesté que la version provisoire du procès-verbal rendait fidèlement compte des déclarations essentielles des parties .

43 Elle relève que, pour prendre leur décision, les membres de la Commission disposaient, quant à eux, du procès-verbal provisoire ainsi que de l' ensemble des remarques faites par les parties sur ce procès-verbal .

44 En toute hypothèse, la Commission considère que la décision n' aurait pas été différente si le procès-verbal définitif des auditions avait été disponible ( arrêt de la Cour du 10 juillet 1980, Distillers Company/Commission, point 26, 30/78, Rec . p . 2229 ).

45 Le Tribunal constate qu' il résulte de la jurisprudence de la Cour que le caractère provisoire du procès-verbal de l' audition soumis au comité consultatif et à la Commission ne peut constituer un vice de la procédure administrative, susceptible d' entacher d' illégalité la décision qui en constitue l' aboutissement, que si le texte en question était rédigé de manière à induire ses destinataires en erreur sur un point essentiel ( arrêt du 15 juillet 1970, Buchler/Commission, point 17, 44/69, Rec . p . 733 ).

46 En ce qui concerne le procès-verbal transmis à la Commission, il y a lieu de relever que cette dernière a reçu, avec le procès-verbal provisoire, les remarques et les observations faites par les entreprises sur ce procès-verbal et qu' il y a lieu, dès lors, de considérer que les membres de la Commission ont été informés de toutes les données pertinentes avant de prendre la décision .

47 En ce qui concerne le procès-verbal provisoire transmis au comité consultatif, il convient de relever que la requérante n' a pas indiqué en quoi ce procès-verbal n' aurait pas rendu compte des auditions de manière loyale et exacte et qu' elle n' a, dès lors, pas établi en fait que le texte en question était rédigé de manière à induire les membres du comité consultatif en erreur sur un point essentiel .

48 Il s' ensuit que le grief doit être rejeté .

3 . Non-communication du rapport du conseiller-auditeur

49 La requérante avait fait valoir dans sa requête que le rapport du conseiller-auditeur aurait dû être communiqué aux mandataires des entreprises, mais dans sa réplique, elle déclare prendre acte de l' ordonnance du 11 décembre 1986 ( ICI/Commission, points 5 à 8, 212/86 R, non publiée au Recueil ), dans laquelle la Cour a refusé aux parties un droit à la communication du rapport du conseiller-auditeur, et elle indique qu' il n' est pas nécessaire de traiter à nouveau cette question .

50 Selon la Commission, il n' existe aucune disposition prévoyant que l' avis du conseiller-auditeur doit être communiqué aux destinataires de la décision de la Commission . Elle considère que le conseiller-auditeur joue un rôle important dans le processus interne de formation de la volonté de la Commission et que les entreprises ne peuvent prétendre être associées à ce processus, sous peine de compromettre la franchise et l' indépendance du conseiller-auditeur .

51 Le Tribunal relève que les droits de la défense n' exigent pas que les entreprises impliquées dans une procédure au titre de l' article 85, paragraphe 1, du traité CEE puissent commenter le rapport du conseiller-auditeur qui constitue un document purement interne à la Commission . A cet égard, la Cour a jugé que ce rapport a valeur d' avis pour la Commission, qu' elle n' est en aucune manière tenue de s' y ranger et que, dans ces conditions, ce rapport ne présente aucun aspect décisif dont le juge communautaire ait à tenir compte pour exercer son contrôle ( ordonnance du 11 décembre 1986, 212/86 R, précitée, points 5 à 8 ). En effet, le respect des droits de la défense est assuré à suffisance de droit dès lors que les différentes instances concourant à l' élaboration de la décision finale ont été informées correctement de l' argumentation formulée par les entreprises, en réponse aux griefs que leur a communiqués la Commission, ainsi qu' aux éléments de preuve présentés par la Commission pour étayer ces griefs ( arrêt de la Cour du 9 novembre 1983, Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission, point 7, 322/81, Rec . p . 3461 ).

52 A cet égard, il importe de relever que le rapport du conseiller-auditeur n' a pas pour objet de compléter ou de corriger l' argumentation des entreprises, ni de formuler des griefs nouveaux ou de fournir des éléments de preuve nouveaux à l' encontre de celles-ci, mais d' exprimer l' opinion d' un fonctionnaire de la Commission en vue de l' adoption par celle-ci d' une décision . Il s' ensuit que les entreprises n' ont pas le droit, au titre du respect des droits de la défense, d' exiger la communication du rapport du conseiller-auditeur pour pouvoir le commenter ( voir arrêt de la Cour du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, point 25, 43/82 et 63/82, Rec . p . 19 ).

53 Il s' ensuit que le grief doit être rejeté .

Sur l' établissement de l' infraction

54 Selon la décision ( point 80, premier alinéa ), à partir de 1977, les producteurs de polypropylène approvisionnant la Communauté ont été parties à tout un ensemble de plans, de dispositifs et de mesures arrêtés dans le cadre d' un système de réunions périodiques et de contacts permanents . La décision ( point 80, deuxième alinéa ) ajoute que le plan d' ensemble des producteurs visait à organiser des rencontres pour parvenir à un accord exprès sur des points spécifiques .

55 Dans ces conditions, il y a lieu de vérifier, d' abord, si la Commission a établi à suffisance de droit ses constatations de fait relatives, d' une part, à la période allant de l' année 1977 à la fin de l' année 1978 ou au début de l' année 1979 ( I ) et, d' autre part, à la période allant de la fin de l' année 1978 ou du début de l' année 1979 au mois de novembre 1983 ( II ), en ce qui concerne le système des réunions périodiques ( A ), les initiatives de prix ( B ), les mesures destinées à faciliter la mise en oeuvre des initiatives de prix ( C ) et la fixation de tonnages cibles et de quotas ( D ), en rendant compte de l' acte attaqué ( a ) et des arguments des parties ( b ), avant de les apprécier ( c ); il y a lieu de contrôler, ensuite, l' application de l' article 85, paragraphe 1, du traité CEE à ces faits .

1 . Les constatations de fait

I - Pour la période allant de l' année 1977 à la fin de l' année 1978 ou au début de l' année 1979

A - Acte attaqué

56 La décision ( points 78, quatrième alinéa, et 104, troisième alinéa ) affirme que le système des réunions périodiques de producteurs de polypropylène a commencé à peu près à la fin de 1977, mais qu' il n' est pas possible de préciser la date à laquelle chaque producteur a commencé à assister à ces réunions . Elle relève que BASF, qui figure parmi les producteurs dont il n' est pas prouvé qu' ils ont "soutenu" l' initiative de décembre 1977, prétend n' y avoir assisté que "sporadiquement" avant 1980 . ( Suite à une erreur matérielle, il est indiqué au lieu de "avant 1980" "à partir de 1978" dans la version française de la décision ).

57 Toutefois, la décision ( point 105, premier et deuxième alinéas ) indique que la date précise à laquelle chaque producteur a commencé à assister aux sessions plénières périodiques ne peut être établie avec certitude . La date à laquelle Anic, ATO, BASF, DSM et Huels auraient commencé à participer aux arrangements ne pourrait avoir été ultérieure à 1979, puisqu' il serait établi que ces cinq producteurs ont tous participé à la répartition du marché ou au système de quotas introduit pour la première fois au cours de cette année .

B - Arguments des parties

58 La requérante soutient que les éléments de preuve produits par la Commission ne permettent pas d' établir sa participation aux réunions depuis décembre 1977 . Elle estime que sa participation aux réunions ne peut être incriminée dans le cadre de la présente affaire qu' à partir du moment où cette participation a été régulière . En effet, selon le point 81 de la décision, il ne saurait être question d' une infraction au droit des ententes qu' à compter du moment où une entreprise a participé régulièrement à un "système de réunions périodiques et institutionnalisées ".

59 A cet égard, la requérante expose que sa présence aux réunions n' a été régulière qu' à partir de juin 1982, même si elle reconnaît, d' une part, y avoir participé de manière sporadique avant le 1er décembre 1980, période pour laquelle elle ne se souvient plus des lieux et des dates des réunions, et admet, d' autre part, avoir participé à quatre réunions précises sur les dix-neuf dont la Commission allègue la tenue entre le début de l' année 1981 et juin 1982 .

60 La requérante s' attache, ensuite, à démontrer que la Commission cite abusivement la réponse d' ICI à la demande de renseignements ( g.g . ann . 8 ). Elle expose que, pour les réunions tenues en 1978, ICI a précisé de manière tout à fait claire qu' il s' agissait de réunions ad hoc et non de réunions "régulières" ou "institutionnalisées"; qu' en outre ICI n' a pas fait état de la présence de la requérante à ces réunions et, enfin, qu' elle a déclaré n' être en mesure de fournir les dates et les lieux des réunions d' "experts" et de "patrons" qu' à partir du 1er janvier 1980 . La requérante estime que le passage de la réponse d' ICI à la demande de renseignements où celle-ci la qualifie de "participante régulière" aux réunions est "essentiel" dans la mesure où l' on ne pourrait parler de manière sensée d' une participation régulière que lorsqu' une entreprise a au moins pris part à la majorité des réunions . Or, il résulterait de la réponse de BASF à la demande de renseignements ( communication spécifique des griefs adressée à BASF, annexe 1, ci-après "ann . g . BASF ") que tel n' était pas le cas avant le mois de juin 1982 .

61 Dans sa réplique, la requérante relève que la Commission n' avance aucun élément de nature à établir sa participation aux réunions pendant la période en cause et s' étonne, dès lors, de voir la Commission maintenir ses griefs pour cette période .

62 La Commission expose, de son côté, que, si elle ne peut indiquer avec précision la date du début de la participation de BASF aux réunions, elle estime cependant pouvoir la situer avec certitude à un moment indéterminé entre 1977 et 1979 .

63 Elle avance, comme preuves, les réponses de la requérante et d' ICI aux demandes de renseignements qu' elle leur avait adressées . Dans l' une, la requérante aurait déclaré que, "avant le 1er décembre 1980, des représentants de notre société ont participé à des réunions de producteurs européens de polypropylène à intervalles irréguliers . Il nous est impossible de nous souvenir des lieux et dates de ces rencontres ". Dans l' autre, ICI aurait classé BASF parmi les participants réguliers aux réunions sans limite de temps ( contrairement à Anic et à Rhône-Poulenc, par exemple, qui, selon ICI, n' auraient participé que pendant une période déterminée et contrairement à Hercules qui n' aurait participé qu' irrégulièrement aux réunions ) et ferait remonter le début de ces réunions à décembre 1977 .

C - Appréciation du Tribunal

64 Le Tribunal constate que les seuls éléments de preuve qu' avance la Commission pour établir la participation de BASF aux réunions durant la période en cause sont, d' une part, la réponse de la requérante à la demande de renseignements ( ann . 1, g . BASF ) et, d' autre part, la réponse d' ICI à cette même demande ( g.g . ann . 8 ).

65 En ce qui concerne cette première réponse, il y a lieu de relever que, en se référant à la période "avant le 1er décembre 1980", elle ne permet pas, à elle seule, d' établir la participation de BASF aux réunions pendant la période ici en cause . Par conséquent, il faut examiner si la réponse d' ICI à la demande de renseignements permet de corroborer les conclusions que la Commission tire de la réponse de la requérante sur ce point .

66 A cet égard, le Tribunal constate que la réponse d' ICI à la demande de renseignements classe la requérante parmi les participants réguliers aux réunions d' "experts" et de "patrons" sans préciser à partir de quand . En effet, on peut lire dans cette réponse que :

"The regular participants at meetings of 'Experts' and 'Bosses' were as follows : ATO, BASF, Chemie Linz, DSM, Hoechst, Huels, ICI, Montepolimeri, Petrofina, Saga, Solvay . The following producers participated regularly during those periods between 1979 and 1983 while they were engaged in the West European polypropylene industry : Anic - polypropylene business taken over by Montepolimeri; SIR - believed to be no longer in business; Rhône-Poulenc - polypropylene business sold to BP . In addition, Alcudia and Hercules attended meetings on an irregular basis ."

(" Les participants réguliers aux réunions des 'experts' et des 'patrons' étaient les suivants : ATO, BASF, Chemie Linz, DSM, Hoechst, Huels, ICI, Montepolimeri, Petrofina, Saga, Solvay . Les producteurs suivants ont participé régulièrement à ces réunions pendant les périodes, entre 1979 et 1983, pendant lesquelles ils exerçaient encore des activités dans l' industrie du polypropylène en Europe occidentale : Anic - dont le secteur polypropylène a été repris par Montepolimeri; SIR - présumée retirée des affaires; Rhône-Poulenc - dont le secteur polypropylène a été vendu à BP . De surcroît, Alcudia et Hercules ont assisté à certaines réunions de manière irrégulière .")

67 Ne disposant pas de données précises quant au début de la participation de la requérante à ces réunions, la Commission se réfère à un second passage de la réponse d' ICI dans lequel on peut lire :

"Because of the problems facing the polypropylene industry (...), a group of producers met in about December 1977 to discuss what, if any, measures could be pursued in order to reduce the burden of the inevitable heavy losses about to be incurred by them ... It was proposed that future meetings of those producers who wished to attend should be called on an ad hoc basis in order to exchange and develop ideas to tackle these problems ."

(" Pour faire face aux problèmes auxquels l' industrie du polypropylène était confrontée ..., un groupe de producteurs s' est réuni vers le mois de décembre 1977 pour examiner si des mesures pouvaient être prises - et lesquelles - pour réduire la charge des pertes importantes qu' ils allaient inévitablement subir ... Il a été proposé que des réunions des producteurs désireux de se rencontrer seraient convoquées à l' avenir avec un ordre du jour 'ad hoc' en vue d' échanger et de développer des idées dans la lutte contre ces problèmes .")

Elle déduit de ce passage que le début de la participation de la requérante aux réunions remonte au mois de décembre 1977 . Par ailleurs, la Commission estime que cette interprétation de la réponse d' ICI à la demande de renseignements est corroborée par le fait que, si ICI a précisé la période durant laquelle les entreprises avaient participé aux réunions ( 1979 à 1983 ) uniquement pour les entreprises dont les noms figurent dans la seconde phrase du premier passage cité, c' était pour mettre en évidence que les entreprises, dont les noms figurent dans la première phrase de ce passage, ont participé aux réunions depuis le début de celles-ci .

68 Le Tribunal constate que la réponse d' ICI à la demande de renseignements, en ce qu' elle classe la requérante parmi les participants réguliers aux réunions, vise explicitement sa participation aux réunions de "patrons" et d' "experts ". Or, le passage cité par la Commission pour faire remonter la participation de la requérante aux réunions au mois de décembre 1977 vise des réunions "ad hoc" et non les réunions de "patrons" et d' "experts" dont un autre passage de la réponse d' ICI à la demande de renseignements, dans lequel on peut lire :

"By late 1978/early 1979 it was determined that the ad hoc meetings of Senior Managers should be supplemented by meetings of lower level managers with more marketing knowledge . This two-tier level of representation became identified as ( a ) 'Bosses' ... and ( b ) 'Experts' ",

((" Fin 1978/début 1979, il a été décidé que les réunions 'ad hoc' des 'Senior' directeurs seraient complétées par des réunions de directeurs situés à un niveau moins élevé dans la hiérarchie, mais possédant de plus amples connaissances en matière de marketing . Cette représentation à deux niveaux a bientôt été désignée comme celle des ( a ) 'patrons' ... et des ( b ) 'experts' ")),

indique qu' elles ont débuté à la fin de l' année 1978 ou au début de l' année 1979 par l' adjonction, aux réunions "ad hoc" de "patrons", de réunions d' "experts ".

69 Il y a lieu de relever que cette interprétation de la réponse d' ICI à la demande de renseignements est confirmée par une lecture a pari des deux premières phrases du premier passage précité . Cette lecture est justifiée par le fait que ce qui autorise la distinction entre les entreprises mentionnées dans la première phrase et celles mentionnées dans la seconde n' est pas le début de leur participation aux réunions, mais bien la fin de celle-ci, puisque toutes les entreprises mentionnées dans la seconde phrase ont quitté le marché avant la fin de l' infraction . Il y a donc lieu d' interpréter ces deux phrases l' une à la lumière de l' autre en tenant compte du fait que les réunions de "patrons" et d' "experts" n' ont pas commencé avant la fin de l' année 1978 ou le début de l' année 1979 .

70 Le Tribunal relève, en outre, que, lors de l' audience, la Commission a reconnu, tout d' abord, qu' elle avait des doutes quant au moment où BASF a commencé à participer aux réunions, malgré sa lecture de la réponse d' ICI à la demande de renseignements; ensuite, qu' il n' est pas sûr que BASF ait participé aux réunions durant la période en cause et, enfin, que c' est pour cela que la Commission n' a pas pu désigner un moment précis à partir duquel BASF a participé à l' infraction .

71 A cet égard, les doutes de la Commission se retrouvent au point 105, deuxième alinéa, de la décision, dans lequel on peut lire que la date à laquelle la requérante a commencé à participer aux arrangements ne peut avoir été ultérieure à 1979 .

72 Il résulte de ce qui précède que la Commission ne peut présenter aucun élément de nature à prouver la participation de BASF à l' infraction avant la fin de l' année 1978 ou le début de l' année 1979 et qu' elle n' a donc pas établi à suffisance de droit cette participation .

II - Pour la période allant de la fin de l' année 1978 ou du début de l' année 1979 au mois de novembre 1983

A - Le système des réunions périodiques

a ) Acte attaqué

73 La décision ( point 78, quatrième alinéa ) relève que BASF prétend n' avoir assisté aux réunions que "sporadiquement" avant 1980 . Elle conclut ( point 105, deuxième alinéa ) que la date à laquelle BASF a commencé à participer aux arrangements ne peut avoir été ultérieure à 1979, puisqu' il est établi que BASF a participé à la répartition du marché ou au système de quotas introduit pour la première fois au cours de cette même année .

74 La décision ( points 104, troisième alinéa, et 105, deuxième et quatrième alinéas ) affirme, d' une part, qu' ICI a déclaré que BASF était une participante régulière aux réunions et, d' autre part, que le système des réunions périodiques de producteurs de polypropylène a fonctionné au moins jusqu' à la fin de septembre 1983 . Elle fait grief à BASF d' avoir participé à ce système ( point 18, premier et troisième alinéas ).

75 Selon la décision ( point 21 ), l' objet des réunions périodiques de producteurs de polypropylène était, notamment, la fixation d' objectifs de prix et de volumes de vente et le contrôle de leur respect par les producteurs .

b ) Arguments des parties

76 La requérante répète que seule une participation régulière aux réunions peut être incriminée et que sa présence aux réunions n' est devenue régulière qu' à partir de juin 1982, même si elle reconnaît avoir assisté sporadiquement aux réunions antérieures au 1er décembre 1980, ainsi qu' à quatre des dix-neuf réunions qui, selon la Commission, se seraient tenues entre le début de l' année 1981 et juin 1982 .

77 Elle relève, par ailleurs, que la Commission n' avance aucun élément de nature à établir sa participation aux réunions pendant la première moitié de 1979 . Elle s' étonne, dès lors, de voir la Commission maintenir ses griefs pour cette période et conteste la valeur probante des éléments avancés par la Commission pour affirmer le contraire, à savoir le compte rendu d' une réunion tenue les 26 et 27 septembre 1979 ( g.g . ann . 12 ), un tableau chiffré intitulé "Producers' Sales to West Europe" (" Ventes en Europe occidentale ") ( g.g . ann . 55 ) ainsi que les instructions de prix ayant précédé cette réunion ( ann . BASF, lettre du 29 mars 1985 ). SUITE DES MOTIFS SOUS LE NUM.DOC : 689A0004.1

78 A l' égard de ces éléments, la requérante fait valoir, tout d' abord, que le compte rendu de la réunion des 26 et 27 septembre 1979 ne mentionne pas son nom et ne permet donc pas d' établir sa participation à cette réunion . Elle expose, ensuite, que le tableau précité est dépourvu de valeur puisque l' on ignore à quelle fin il a été rédigé et si d' autres producteurs qu' ICI y ont eu accès . De surcroît, rien n' indiquerait qu' il soit le résultat d' une concertation entre les producteurs ni qu' il ait été porté à la connaissance de BASF . Elle soutient, enfin, que la concordance de ses instructions de prix avec celles des autres producteurs s' explique par l' augmentation du prix des matières premières . Elle relève que le fait qu' une période d' un mois et demi sépare les instructions données par les différents producteurs corrobore leur caractère autonome .

79 La requérante admet avoir participé régulièrement aux réunions à partir du 9 juin 1982 .

80 La Commission, quant à elle, expose que la participation de la requérante aux réunions dès le début de la période en cause ressort de nombreux éléments de preuve .

81 Il s' agirait, tout d' abord, des réponses d' ICI et de BASF à la demande de renseignements ( respectivement g.g . ann . 8 et ann . 1, g . BASF ). Dans la première, ICI affirmerait que la requérante a été une participante régulière aux réunions durant la période en cause et, dans la seconde, BASF aurait reconnu que, "avant le 1er décembre 1980, des représentants de notre société ont participé à des réunions des producteurs européens de polypropylène à intervalles irréguliers . Il nous est impossible de nous souvenir des lieux et dates de ces rencontres ". Cela permettrait de considérer que BASF a participé aux réunions dès le début de la période à l' examen, même si elle conteste la régularité de sa participation aux réunions avant décembre 1980 .

82 Il s' agirait, ensuite, de l' identité des instructions de prix données par la requérante les 24 et 27 juillet 1979 et de celles données par Monte, Shell, ICI, Hoechst, Linz et ATO pour le 1er septembre 1979 ( ann . A, lettre du 29 mars 1985 ). Selon la Commission, une telle convergence ne saurait être expliquée par un renchérissement des matières premières et prouverait, dès lors, la participation de la requérante aux réunions au cours desquelles ces prix auraient été fixés .

83 Il s' agirait, enfin, d' un tableau non daté, intitulé "Producers' Sales to West Europe" (" Ventes en Europe occidentale ") ( g.g . ann . 55 ), retrouvé chez ICI, reprenant pour tous les producteurs de polypropylène d' Europe occidentale les chiffres de vente en kilotonnes pour 1976, 1977 et 1978, ainsi que des chiffres mentionnés sous les rubriques "1979 actual" (" chiffres effectifs de 1979 ") et "revised target" (" objectif révisé "). Ce tableau comportant des informations devant être rigoureusement préservées en tant que secrets d' affaires, n' aurait pas pu être élaboré sans la participation de BASF .

84 Elle expose, enfin, que le fait que la requérante ne puisse se souvenir que de quatre réunions auxquelles elle a participé en 1981 ne constitue nullement une réfutation des indications fournies par ICI quant à la régularité de la participation de BASF aux réunions .

c ) Appréciation du Tribunal

85 Le Tribunal constate que la réponse d' ICI à la demande de renseignements ( g.g . ann . 8 ) classe la requérante, à la différence de deux autres producteurs, parmi les participants réguliers aux réunions de "patrons" et d' "experts" sans limite de temps . Cette réponse doit être interprétée comme faisant remonter la participation de la requérante aux réunions au début du système des réunions de "patrons" et d' "experts", qui a été instauré à la fin de l' année 1978 ou au début de l' année 1979 .

86 La réponse d' ICI à la demande de renseignements se trouve corroborée, en premier lieu, par la réponse de la requérante elle-même à la demande de renseignements ( ann . 1, g . BASF ) dans laquelle on peut lire que, "avant le 1er décembre 1980, des représentants de notre société ont participé sporadiquement à des réunions des producteurs européens de polypropylène"; en second lieu, par la mention, à côté du nom de la requérante dans différents tableaux retrouvés chez ICI, ATO et Hercules ( g.g . ann . 55 à 62 ), de ses chiffres de vente pour différents mois et différentes années, alors que, comme l' ont admis la plupart des requérantes dans leur réponse à une question écrite posée par le Tribunal, il n' aurait pas été possible d' établir les tableaux découverts chez ICI, ATO et Hercules sur la base des statistiques du système Fides d' échange de données . Dans sa réponse à la demande de renseignements, ICI a, d' ailleurs, déclaré à propos d' un de ces tableaux que "the source of information for actual historic figures in this table would have been the producers themselves" (" la source dont proviennent les chiffres de ce tableau qui correspondent à des chiffres déjà réalisés a dû être les producteurs eux-mêmes "); et en troisième lieu, la réponse d' ICI est corroborée par la concordance des instructions de prix données par la requérante les 24 et 27 juillet 1979 avec celles données par d' autres producteurs ( ann . A, lettre du 29 mars 1985 ) dont il est permis de penser qu' elles sont le résultat d' une concertation entre les producteurs qui a eu lieu aux environs de juin 1979 .

87 En ce qui concerne plus spécifiquement les onze premiers mois de l' année 1980, la décision ( point 32 ainsi que le tableau 3 ) affirme que sept réunions de producteurs se sont tenues durant cette période, mais elle ne précise pas qui y a pris part . A cet égard, le Tribunal constate que la contestation par la requérante de sa participation à ces réunions est peu crédible dès lors que, dans sa réponse à la demande de renseignements, elle a déclaré avoir participé sporadiquement aux réunions durant cette période, sans pouvoir préciser les lieux et les dates de ces réunions . D' autant plus que la requérante a précisé, devant le Tribunal, qu' elle avait utilisé le terme "sporadiquement" dans sa réponse à la demande de renseignements parce qu' elle n' était pas en mesure d' indiquer les lieux et les dates des réunions pour la période antérieure au 1er décembre 1980, et qu' elle savait seulement que certains de ses représentants avaient pris part, avant cette date, à quelques rares réunions seulement .

88 Pour le reste de la période en cause ( entre le 1er décembre 1980 et juin 1982 ), l' affirmation de la requérante selon laquelle elle n' aurait participé qu' à quatre réunions est dépourvue de crédibilité, en raison du manque de précision des déclarations qu' elle a faites sur sa participation aux réunions ainsi que de leur caractère erroné sur certains points, comme ce fut le cas pour la réunion du 13 mai 1982 dont le compte rendu ( g.g . ann . 24 ) atteste la présence de BASF, bien que cette réunion ne figure pas parmi les réunions auxquelles celle-ci a admis avoir participé dans sa réponse à la demande de renseignements .

89 C' est encore à bon droit que la Commission a estimé, sur la base des éléments qui ont été fournis par ICI dans sa réponse à la demande de renseignements, et qui ont été confirmés par de nombreux comptes rendus de réunions, que les réunions avaient pour objet, notamment, de fixer des objectifs de prix, d' une part, et de volumes de vente, d' autre part . En effet, on peut lire dans cette réponse : "' Target prices' for the basic grade of each principal category of polypropylene as proposed by producers from time to time since 1 January 1979 are set forth in Schedule ...", ainsi que "A number of proposals for the volume of individual producers were discussed at meetings" (" les 'prix cibles' qui ont été proposés périodiquement par les producteurs depuis le 1er janvier 1979 pour la qualité de base de chacune des principales catégories de polypropylène figurent dans l' annexe ..." ainsi que "un certain nombre de propositions relatives au volume des ventes des divers producteurs ont été discutées lors de réunions ").

90 De surcroît, faisant état de l' organisation, en plus des réunions de "patrons", de réunions d' "experts" en marketing à partir de la fin de l' année 1978 ou du début de l' année 1979, la réponse d' ICI à la demande de renseignements révèle que les discussions relatives à la fixation d' objectifs de prix et de volumes de vente se faisaient de plus en plus concrètes et précises, alors que, en 1978, les "patrons" s' étaient bornés à développer le concept même des prix cibles .

91 Outre le passage précédent, on peut lire l' extrait suivant dans la réponse d' ICI à la demande de renseignements : "Only 'Bosses' and 'Experts' meetings came to be held on a monthly basis" (" Seules les réunions de 'patrons' et d' 'experts' étaient tenues sur une base mensuelle "). C' est à bon droit que la Commission a pu déduire de cette réponse, ainsi que de l' identité de nature et d' objet des réunions, que celles-ci s' inscrivaient dans un système de réunions périodiques .

92 Il résulte des considérations qui précèdent que la Commission a établi à suffisance de droit que la requérante a participé régulièrement aux réunions périodiques de producteurs de polypropylène entre la fin de l' année 1978 ou le début de l' année 1979 et septembre 1983, que ces réunions avaient pour objet, notamment, la fixation d' objectifs de prix et de volumes de vente et qu' elles s' inscrivaient dans un système .

B - Les initiatives de prix

a ) Acte attaqué

93 Selon la décision ( points 28 à 51 ), un système de fixation d' objectifs de prix aurait été mis en oeuvre à travers des initiatives de prix, dont six ont pu être identifiées, la première allant de juillet à décembre 1979, la deuxième de janvier à mai 1981, la troisième d' août à décembre 1981, la quatrième de juin à juillet 1982, la cinquième de septembre à novembre 1982 et la sixième de juillet à novembre 1983 .

94 A propos de la première de ces initiatives de prix, la Commission ( décision, point 29 ) fait remarquer qu' elle ne possède aucun détail sur les réunions tenues ou les initiatives prévues au cours de la première partie de 1979 . Le compte rendu d' une réunion tenue les 26 et 27 septembre 1979 indiquerait cependant qu' une initiative était prévue sur la base d' un prix, pour la qualité raphia, de 1,90 DM/kg à partir du 1er juillet et de 2,05 DM/kg à partir du 1er septembre . La Commission disposerait des instructions de prix de certains producteurs, parmi lesquels BASF, dont il ressortirait que ces producteurs avaient donné ordre à leurs bureaux de vente d' appliquer ce niveau de prix ou son équivalent en monnaie nationale à partir du 1er septembre, et ce, pour la plupart d' entre eux, avant que la presse spécialisée n' ait annoncé la hausse prévue ( décision, point 30 ).

95 Toutefois, en raison de difficultés à majorer les prix, les producteurs auraient décidé, au cours de la réunion des 26 et 27 septembre 1979, de reporter la date prévue pour atteindre la cible de plusieurs mois, soit au 1er décembre 1979, le nouveau plan consistant à "maintenir" pendant tout le mois d' octobre les niveaux déjà atteints, avec la possibilité d' une hausse intermédiaire en novembre, qui porterait le prix à 1,90 ou 1,95 DM/kg ( décision, point 31, deux premiers alinéas ).

96 Quant à la deuxième initiative de prix, la décision ( point 32 ), si elle admet qu' aucun compte rendu des réunions tenues en 1980 n' a été découvert, affirme que les producteurs se sont réunis au moins sept fois au cours de cette année ( référence est faite au tableau 3 de la décision ). Au début de l' année, la presse spécialisée aurait annoncé que les producteurs étaient favorables à une forte poussée des prix dans le courant de 1980 . On aurait constaté cependant une baisse substantielle des cours du marché, qui seraient retombés au niveau de 1,20 DM/kg, voire moins encore, avant de se stabiliser, à partir de septembre environ . Les instructions de prix envoyées par certains producteurs ( DSM, Hoechst, Linz, Monte et Saga, outre ICI ) indiqueraient que, pour rétablir le niveau des prix, des cibles ont été fixées pour décembre 1980-janvier 1981 sur la base de 1,50 DM/kg pour le raphia, 1,70 DM/kg pour l' homopolymère et 1,95 à 2,00 DM/kg pour le copolymère . Un document interne de Solvay comporterait un tableau comparant les "prix réalisés" pour octobre et novembre 1980 avec les "prix de liste" pour janvier 1981, qui s' établiraient à 1,50/1,70/2,00 DM/kg . Initialement, il aurait été prévu d' appliquer ces niveaux à partir du 1er décembre 1980 - une réunion ayant eu lieu à Zurich du 13 au 15 octobre - mais cette initiative aurait été repoussée au 1er janvier 1981 .

97 La décision ( point 33 ) relève la participation de BASF à une des deux réunions de janvier 1981, au cours desquelles il se serait avéré nécessaire d' opérer une hausse des prix, fixée en décembre 1980 pour le 1er février 1981, sur la base de 1,75 DM/kg pour le raphia, en deux phases : l' objectif serait resté fixé à 1,75 DM/kg pour février et un objectif de 2,00 DM/kg serait introduit à partir du 1er mars "sans exception ". Un tableau des prix cibles de six grandes qualités aurait été élaboré dans six monnaies nationales et sa mise en oeuvre aurait été prévue pour les 1er février et 1er mars 1981 . Les documents recueillis auprès de BASF démontreraient notamment qu' elle a pris des mesures en vue d' introduire les prix cibles fixés pour février et mars .

98 Selon la décision ( point 34 ), le projet de relever les prix à 2,00 DM/kg au 1er mars ne paraît cependant pas avoir abouti . Les producteurs auraient modifié leurs perspectives et espéré atteindre le niveau de 1,75 DM/kg en mars . Une réunion d' "experts" dont il ne subsiste aucun compte rendu se serait tenue à Amsterdam le 25 mars 1981, mais immédiatement après au moins, BASF, DSM, ICI, Monte et Shell auraient donné instruction de porter les objectifs de prix ( ou prix "de liste ") à un niveau équivalant à 2,15 DM/kg pour le raphia, à partir du 1er mai . Hoechst aurait donné des instructions identiques pour le 1er mai, avec un retard d' environ quatre semaines sur les autres . Certains des producteurs auraient laissé à leurs bureaux de vente une certaine marge de manoeuvre en leur permettant d' appliquer des prix "minimaux" ou des "minima absolus" quelque peu inférieurs aux objectifs convenus . Au cours de la première partie de 1981, les prix auraient augmenté sensiblement, mais, bien que la hausse au 1er mai ait été fortement soutenue par les producteurs, le rythme se serait ralenti . Vers le milieu de l' année, les producteurs auraient envisagé soit de stabiliser les prix, soit même de les réduire quelque peu, la demande ayant fléchi pendant l' été .

99 En ce qui concerne la troisième initiative de prix, la décision ( point 35 ) affirme qu' en juin 1981, Shell et ICI auraient déjà envisagé une nouvelle initiative de prix pour septembre/octobre 1981, alors que la hausse des prix du premier trimestre aurait marqué un ralentissement . Shell, ICI et Monte se seraient rencontrées le 15 juin 1981 afin de discuter des méthodes à suivre pour majorer les prix sur le marché . Quelques jours après cette réunion, ICI et Shell auraient donné toutes deux instruction à leurs bureaux de vente de préparer le marché à une hausse substantielle en septembre, axée sur un nouveau prix de 2,30 DM/kg pour le raphia . Solvay aurait rappelé également à son bureau de vente du Benelux, le 17 juillet 1981, la nécessité d' aviser les clients d' une hausse substantielle au 1er septembre, dont le montant aurait été décidé au cours de la dernière semaine de juillet, alors qu' une réunion d' "experts" aurait été prévue pour le 28 juillet 1981 . Le projet initial axé sur un prix de 2,30 DM/kg en septembre 1981 aurait été revu ( probablement à cette réunion ); le niveau pour août aurait été ramené à 2,00 DM/kg pour le raphia . Celui de septembre aurait dû être de 2,20 DM/kg . Une note manuscrite recueillie chez Hercules et datée du 29 juillet 1981 ( c' est-à-dire le lendemain de la réunion, à laquelle Hercules n' a sans doute pas assisté ) citerait ces prix, qualifiés d' "officiels" pour août et septembre, et se référerait en termes voilés à la source de l' information . De nouvelles réunions auraient eu lieu à Genève le 4 août et à Vienne le 21 août 1981 . A la suite de ces sessions, les producteurs auraient envoyé de nouvelles instructions fixant l' objectif à 2,30 DM/kg pour le 1er octobre . BASF, DSM, Hoechst, ICI, Monte et Shell auraient donné des instructions presque identiques en vue d' appliquer ces prix en septembre et en octobre .

100 Selon la décision ( point 36 ), le nouveau projet aurait prévu pour les mois de septembre et d' octobre 1981 le relèvement à un "prix de base" de 2,20 à 2,30 DM/kg pour le raphia . Un document de Shell indiquerait qu' une étape supplémentaire, portant le prix à 2,50 DM/kg au 1er novembre, aurait été discutée, mais qu' il y aurait été renoncé par la suite . Les rapports des divers producteurs indiqueraient que les prix auraient augmenté en septembre et que l' initiative se serait poursuivie en octobre 1981, les prix réalisés sur le marché se situant aux alentours de 2,00 à 2,10 DM/kg pour le raphia . Une note de Hercules montrerait qu' en décembre 1981 la cible de 2,30 DM/kg aurait été révisée à la baisse et fixée à un niveau plus réaliste de 2,15 DM/kg, mais cette note ajoute que "grâce à la détermination de tous, les prix auraient atteint 2,05 DM/kg soit le montant le plus proche jamais atteint par rapport aux objectifs publiés ( sic !)". A la fin de l' année 1981, la presse spécialisée aurait relevé sur le marché du polypropylène des prix de 1,95 à 2,10 DM/kg pour le raphia, soit quelque 20 pfennigs de moins que les objectifs de prix des producteurs . Quant aux capacités, elles auraient été utilisées à concurrence de 80 %, pourcentage jugé "sain ".

101 La quatrième initiative de prix de juin-juillet 1982 se serait inscrite dans le contexte d' un retour du marché à l' équilibre entre l' offre et la demande . Cette initiative aurait été décidée à la réunion de producteurs du 13 mai 1982, à laquelle aurait participé BASF et au cours de laquelle un tableau détaillé des objectifs de prix au 1er juin aurait été élaboré pour différentes qualités de polypropylène et dans diverses monnaies nationales ( 2,00 DM/kg pour le raphia ) ( décision, points 37 à 39, premier alinéa ).

102 La réunion du 13 mai 1982 aurait été suivie d' instructions de prix émanant de ATO, BASF, Hoechst, Hercules, Huels, ICI, Linz, Monte et Shell, correspondant, sous réserve de quelques exceptions mineures, aux prix cibles définis lors de la réunion ( décision, point 39, deuxième alinéa ). Lors de la réunion du 9 juin 1982, les producteurs n' auraient pu annoncer que des hausses modestes .

103 Selon la décision ( point 40 ), la requérante aurait également participé à la cinquième initiative de prix de septembre-novembre 1982 décidée lors de la réunion des 20 et 21 juillet 1982 visant à atteindre un prix de 2,00 DM/kg le 1er septembre et de 2,10 DM/kg le 1er octobre, dans la mesure où elle aurait été présente à la plupart, sinon à toutes les réunions tenues entre juillet et novembre 1982 au cours desquelles cette initiative a été organisée et contrôlée ( décision, point 45 ). Lors de la réunion du 20 août 1982, la hausse prévue pour le 1er septembre aurait été reportée au 1er octobre et cette décision aurait été confirmée lors de la réunion du 2 septembre 1982 ( décision, point 41 ).

104 A la suite des réunions du 20 août et du 2 septembre 1982, ATO, DSM, Hercules, Hoechst, Huels, ICI, Linz, Monte et Shell auraient donné des instructions de prix conformes au prix cible défini au cours de ces réunions ( décision, point 43 ).

105 Selon la décision ( point 44 ), à la réunion du 21 septembre 1982, un examen des mesures prises pour atteindre l' objectif fixé précédemment aurait été opéré et les entreprises auraient exprimé dans l' ensemble leur soutien à une proposition visant à relever le prix à 2,10 DM/kg pour novembre-décembre 1982 . Cette hausse aurait été confirmée lors de la réunion du 6 octobre 1982 .

106 A la suite de la réunion du 6 octobre 1982, BASF, DSM, Hercules, Hoechst, Huels, ICI, Linz, Monte, Shell et Saga auraient donné des instructions de prix appliquant la hausse décidée ( décision, point 44, deuxième alinéa ).

107 A l' instar d' ATO, DSM, Hercules, Hoechst, Huels, ICI, Linz, Monte et Saga, la requérante aurait fourni à la Commission des instructions de prix adressées à ses bureaux de vente locaux, qui correspondraient non seulement entre elles pour ce qui est des montants et des délais, mais correspondraient également au tableau de prix cibles joint au compte rendu d' ICI de la réunion d' "experts" du 2 septembre 1982 ( décision, point 45, deuxième alinéa ).

108 La réunion de décembre 1982 aurait, selon la décision ( point 46, deuxième alinéa ), abouti à un accord, selon lequel le niveau prévu pour novembre-décembre devrait être introduit pour la fin janvier 1983 .

109 D' après la décision ( point 47 ), la requérante aurait, enfin, participé à la sixième initiative de prix de juillet-novembre 1983 . En effet, au cours de la réunion du 3 mai 1983, il aurait été convenu que les producteurs s' efforceraient d' appliquer un prix cible de 2,00 DM/kg en juin 1983 . Toutefois, lors de la réunion du 20 mai 1983, l' objectif précédemment défini aurait été reporté à septembre et un objectif intermédiaire aurait été fixé pour le 1er juillet ( 1,85 DM/kg ). Ensuite, lors d' une réunion du 1er juin 1983, les producteurs présents, dont BASF, auraient réaffirmé leur entière détermination à appliquer la hausse à 1,85 DM/kg . A cette occasion, il aurait été convenu que Shell prendrait l' initiative publiquement dans une revue professionnelle spécialisée, European Chemical News ( ci-après "ECN ").

110 La décision ( point 49 ) relève qu' après la réunion du 20 mai 1983 ICI, DSM, BASF, Hoechst, Linz, Shell, Hercules, ATO, Petrofina et Solvay ont donné instruction à leurs bureaux de vente d' appliquer au 1er juillet un tarif de 1,85 DM/kg pour le raphia . La décision conclut qu' il est ainsi démontré qu' à l' exception de Huels, pour qui la Commission n' a pas retrouvé trace d' instructions pour juillet 1983, tous les producteurs qui avaient participé aux réunions ou s' étaient engagés à soutenir la nouvelle cible de 1,85 DM/kg ont donné des instructions visant à faire appliquer le nouveau prix .

111 La décision ( point 50 ) relève, par ailleurs, que d' autres réunions ont eu lieu les 16 juin, 6 et 21 juillet, 10 et 23 août ainsi que les 5, 15 et 29 septembre 1983, auxquelles tous les participants habituels ont pris part . A la fin juillet et au début août 1983, BASF, DSM, Hercules, Hoechst, Huels, ICI, Linz, Solvay, Monte et Saga auraient envoyé à leurs divers bureaux nationaux de vente des instructions applicables au 1er septembre, basées sur un prix de 2,00 DM/kg pour le raphia, tandis qu' une note interne de Shell du 11 août, relative à ses prix au Royaume-Uni, indique que sa filiale au Royaume-Uni travaillait à "promouvoir" des prix de base applicables au 1er septembre, conformes aux objectifs fixés par les autres producteurs . Dès la fin du mois, cependant, Shell aurait donné instruction à son bureau de vente au Royaume-Uni de différer la hausse complète jusqu' à ce que les autres producteurs aient atteint le niveau de base souhaité . La décision précise que, sous réserve d' exceptions mineures, ces instructions sont identiques par qualité et par devise .

112 Selon la décision ( point 50, dernier alinéa ), les instructions recueillies auprès des producteurs révèlent qu' il a été décidé ultérieurement de poursuivre sur la lancée du mois de septembre, avec de nouvelles étapes, sur la base d' un prix de 2,10 DM/kg au 1er octobre pour le raphia, et d' un relèvement à 2,25 DM/kg le 1er novembre . La décision ( point 51, premier alinéa ) relève encore que BASF, Hoechst, Huels, ICI, Linz, Monte et Solvay ont toutes envoyé à leurs bureaux de vente des instructions fixant des prix identiques pour les mois d' octobre et de novembre, Hercules fixant dans un premier temps des prix légèrement inférieurs .

113 La décision ( point 51, troisième alinéa ) relève qu' une note interne recueillie chez ATO, et datée du 28 septembre 1983, comporterait un tableau intitulé "Rappel du prix de cota ( sic )", donnant pour différents pays les prix applicables en septembre et en octobre pour les trois principales qualités de polypropylène, prix identiques à ceux de BASF, DSM, Hoechst, Huels, ICI, Linz, Monte et Solvay . Au cours de la vérification effectuée chez ATO en octobre 1983, les représentants de l' entreprise auraient confirmé que ces prix avaient été communiqués aux bureaux de vente .

114 Selon la décision ( point 105, quatrième alinéa ), quelle que soit la date de la dernière réunion, l' infraction a duré jusqu' en novembre 1983, dans la mesure où l' accord a continué à produire ses effets au moins jusqu' à ce moment, novembre étant le dernier mois pour lequel on sait que des objectifs de prix ont été convenus et que des instructions de prix ont été données .

115 La décision conclut ( point 51, dernier alinéa ) en relevant qu' à la fin de 1983, selon la presse spécialisée, les prix du polypropylène se sont raffermis, le prix du raphia sur le marché atteignant 2,08 à 2,15 DM/kg ( pour un objectif cité de 2,25 DM/kg ).

b ) Arguments des parties

116 A propos de l' initiative de prix de juillet-décembre 1979, la requérante soutient que la concordance de ses instructions de prix avec celles des autres producteurs s' explique par des augmentations prouvées des prix des matières premières ( en particulier du propylène ), auxquelles tous les fabricants étaient exposés de la même manière . Elle ajoute que le fait qu' une longue période ( allant du 20 juin 1979 au 8 août 1979 ) sépare les instructions des différents producteurs ( ann . A, lettre du 29 mars 1985 ), corrobore leur caractère autonome et souligne, par ailleurs, que la Commission n' a pas établi sa participation à la réunion des 26 et 27 septembre 1979 . Enfin, la requérante fait valoir que ses instructions de prix étaient purement internes et que la Commission ne pouvait, dès lors, en inférer la mise en oeuvre d' un prix cible fixé au cours d' une réunion .

117 La requérante subdivise l' initiative de janvier-mai 1981 en trois initiatives distinctes . L' initiative de prix de janvier-février 1981, pour laquelle elle commence par relever qu' elle n' est pas mentionnée dans le tableau 7 B de la décision portant sur cette initiative de prix et qu' à l' époque où cette initiative aurait été décidée elle n' a participé à aucune réunion de producteurs . Ses instructions de prix du 22 décembre 1980 et des 20 et 25 février 1981 ( ann . BASF C, lettre du 29 mars 1985 ) auraient été données en réaction à des informations, publiées le 18 décembre 1980, annonçant une augmentation du prix des matières premières . La requérante soutient, en outre, que la mention des termes "target list prices" (" prix de liste cibles ") dans une instruction de prix d' ICI ( g.g . ann . 16 ) ne permet pas d' établir l' existence d' une réunion au cours de laquelle cette cible aurait été fixée, d' une part, parce que ces termes correspondraient à une tournure de phrase propre à ICI, indiquant sur le plan interne à ses bureaux de vente le niveau de prix qu' ils devaient viser et, d' autre part, parce que cette instruction ne ferait référence à aucune réunion .

118 Pour l' initiative de mars-avril 1981, la requérante conteste le caractère probant des instructions de prix produites par la Commission ( ann . BASF C, lettre du 29 mars 1985 ), estimant que le terme "agreed" (" convenu ") qui y est inscrit ne permet pas de savoir si BASF a accepté une hausse de prix à la suite d' échanges d' informations ou si la tentative de BASF d' augmenter ses prix a été déterminée de manière autonome par d' autres facteurs avant sa première participation aux réunions . En outre, le tableau de prix joint au compte rendu de deux réunions de janvier 1981 ( g.g . ann . 17 ) ne serait pas probant non plus, puisque rien ne prouverait qu' il ait jamais été discuté .

119 Pour l' initiative de mai 1981, elle relève que la Commission a admis ne pas disposer de comptes rendus de réunions et qu' elle procède donc uniquement à partir des instructions de prix données les 30 avril et 6 mai 1981 par BASF ( ann . BASF D, lettre du 29 mars 1985 ). Or, celles-ci s' expliqueraient par l' augmentation du coût des matières premières, dont le montant probable avait été publié dans ECN le 20 avril 1981 ( g.g . ann . 20 ). La requérante conteste également le caractère probant des instructions de prix de différents producteurs pour mai et juin ( g.g . ann . 19 ) en faisant valoir qu' il n' est pas possible d' en déduire l' existence d' une concertation entre producteurs - et encore moins la participation de BASF à une telle concertation - puisque des informations sur les prix avaient été rendues publiques avant que ces instructions ne soient données .

120 La requérante ne conteste pas avoir pris part aux initiatives de prix des années 1982 et 1983 . Elle répète cependant que ses instructions de prix étaient purement internes, ce que confirmerait un audit réalisé par une firme d' experts-comptables indépendants concernant les prix de vente nets ( après déduction des remises éventuelles ) pratiqués par les producteurs pendant la période de référence ( ci-après "audit Coopers et Lybrand "). Les conclusions de cet audit montreraient que ces instructions n' ont eu aucune influence sur les prix effectivement pratiqués sur le marché .

121 La Commission soutient, de son côté, que l' identité des instructions de prix données par la requérante les 24 et 27 juillet 1979 et de celles données par Monte, Shell, ICI, Hoechst, Linz et ATO pour le 1er septembre 1979, ne pouvant être expliquée par un renchérissement des matières premières, celle-ci prouve l' existence d' une entente sur les prix . Cette conclusion découlerait, en particulier, du compte rendu de la réunion des 26 et 27 septembre 1979 ( g.g . ann . 12 ) qui ferait référence à l' initiative de prix de 1979 puisque l' on pourrait y lire que "2.05 remains the target" (" 2,05 reste la cible ").

122 La Commission estime, ensuite, que BASF a pris part à l' initiative de prix de fin 1980/début 1981 . Elle fonde son opinion sur un télex du 22 décembre 1980 dans lequel BASF indiquerait un prix de 1,77 DM/kg applicable au 20 janvier 1981 qui serait le résultat d' un accord passé avec les autres producteurs comme le confirmerait le compte rendu de deux réunions de janvier 1981, à la seconde desquelles BASF a pris part . En effet, à ce compte rendu est joint un tableau de prix qui concorderait avec les instructions de prix de BASF et celles d' un certain nombre d' autres producteurs ( ann . C, lettre du 29 mars 1985 ).

123 Pour les mois de mars et d' avril 1981, la Commission reconnaît qu' elle ne dispose d' aucune preuve directe de la participation de BASF aux réunions, mais elle affirme que la concordance des instructions de prix de BASF avec celles des autres producteurs pour la même période ( ann . D, lettre du 29 mars 1985 ) montre que les contacts entre les producteurs n' avaient pas été soudainement interrompus . La Commission estime que sa démonstration n' est pas ébranlée par le fait que les augmentations de prix envisagées par certains producteurs avaient été publiées dans le numéro d' ECN du 20 avril 1981 ( g.g . ann . 20 ) parce que l' instruction de prix de BASF du 6 mai 1981 ne venait que confirmer une instruction de prix identique que BASF avait déjà donnée le 27 mars 1981 .

124 La Commission fait valoir que les choses se présentent exactement de la même manière pour les mois de septembre et d' octobre 1981 ( ann . E, lettre du 29 mars 1985 ).

125 Elle estime, en outre, que BASF a pris part à toutes les initiatives de prix de 1982 et de 1983 . Pour étayer cette affirmation, elle se fonde sur les comptes rendus des réunions qui s' étalent de mai 1982 à fin septembre 1983 ( g.g . ann . 24 à 40 ), ainsi que sur les instructions de prix concordantes données par BASF et les autres producteurs à la suite de ces réunions ( ann . F à I, lettre du 29 mars 1985 ).

c ) Appréciation du Tribunal

126 Le Tribunal constate que les comptes rendus des réunions périodiques de producteurs de polypropylène montrent que les producteurs qui ont participé à ces réunions y ont convenu les initiatives de prix mentionnées dans la décision . Ainsi, on peut lire dans le compte rendu de la réunion du 13 mai 1982 ( g.g . ann . 24 ):

"everyone felt that there was a very good opportunity to get a price rise through before the holidays + after some debate settled on DM 2.00 from 1st June ( UK 14th June ). Individual country figures are shown in the attached table ."

(" tout le monde pensait qu' il y avait une très bonne occasion d' obtenir une augmentation des prix avant les vacances + fixation ( après débat ) à 2 DM à partir du 1er juin ( 14 juin pour le Royaume-Uni ). Les chiffres par pays sont indiqués dans le tableau joint .")

127 Dès lors qu' il est établi à suffisance de droit que la requérante a participé à ces réunions, celle-ci ne peut affirmer ne pas avoir souscrit aux initiatives de prix qui y ont été décidées, organisées et contrôlées, sans fournir d' indices de nature à corroborer cette affirmation . En effet, en l' absence de tels indices, il n' y a aucune raison de penser que la requérante n' aurait pas souscrit à ces initiatives, à la différence des autres participants aux réunions .

128 A cet égard, il y a lieu de relever que la requérante ne conteste pas spécifiquement avoir participé aux initiatives de prix qui ont eu lieu durant la seconde moitié de l' année 1981 et durant les années 1982 et 1983 et que la concordance de ses instructions de prix avec celles données par différents producteurs permet, en outre, d' établir qu' elle a participé à la mise en oeuvre de ces objectifs de prix par les producteurs .

129 En ce qui concerne les arguments de la requérante destinés à démontrer qu' elle n' aurait pas souscrit aux initiatives de prix convenues, le Tribunal estime qu' ils ne peuvent être retenus pour les raisons qui suivent .

130 L' argument de la requérante tiré de l' identité des contraintes pesant sur les différents producteurs ne permet pas d' expliquer l' identité de leurs instructions de prix exprimées en différentes monnaies nationales, dans la mesure où l' identité des contraintes était limitée à certains facteurs de production, comme les prix des matières premières, mais ne portait pas sur les frais généraux, les coûts salariaux ou les taux d' imposition, ce qui avait pour conséquence que le seuil de rentabilité des différents producteurs était sensiblement différent, comme le montre, par exemple, le compte rendu de la réunion de la "European Association for Textile Polyolefins" du 22 novembre 1977 ( g.g . ann . 6 ), à laquelle ne participait pas la requérante . Selon ce compte rendu, Hoechst souhaitait, pour atteindre le seuil de rentabilité, un prix de 1,85 DM/kg, ICI de 1,60 DM/kg, Rhône-Poulenc de 3,50 FF et Shell de 1,50 DM/kg .

131 Quant au caractère purement interne des instructions de prix de la requérante et des prix cibles qu' elle aurait définis, le Tribunal constate que, si ces instructions sont internes en ce qu' elles sont adressées par le siège central aux bureaux de vente, elles ont été envoyées en vue d' être exécutées et donc de produire des effets externes, comme le confirme expressément l' instruction de prix donnée par BASF le 26 septembre 1983 ( g.g . ann . 42 ), dans laquelle on peut lire :

"Wir muessen Sie also bitten, unsere Kunden dahingehend zu informieren, dass ein weiterer Preisschritt fuer Lieferungen ab 1 . November von 0,15 DM/kg unvermeidbar ist ."

(" Ayez l' obligeance de faire savoir à nos clients qu' une nouvelle augmentation de prix est inévitable et que pour les livraisons à partir du 1er novembre, cette augmentation sera de 0,15 DM/kg .")

De même, des objectifs de prix purement internes perdent ce caractère dès lors qu' ils sont discutés avec d' autres producteurs . Par conséquent, l' argument de la requérante n' est pas de nature à infirmer sa participation aux initiatives de prix successives .

132 Par ailleurs, la parution dans ECN d' informations relatives aux prix n' est pas de nature à faire perdre son caractère probant à la concordance des instructions de prix de la requérante avec celles d' autres producteurs, dès lors qu' il est établi que des instructions de prix ont été données par plusieurs producteurs avant cette parution, que des réunions de producteurs ont eu lieu à l' époque en cause et qu' il ressort, en outre, clairement du compte rendu de la réunion du 1er juin 1983 ( g.g . ann . 40 ) que, lorsqu' une initiative de prix était décidée, elle était annoncée dans la presse spécialisée . En effet, on peut lire dans ce compte rendu : "Shell was reported to have committed themselves to the move and would lead publicly in ECN" (" Il a été indiqué que Shell s' était engagée dans ce mouvement et le lancerait publiquement dans ECN ").

133 Quant à l' argument de la requérante tiré de ce que l' audit Coopers et Lybrand aurait démontré que ses instructions de prix n' auraient eu aucun effet sur les prix pratiqués, il convient de relever que l' absence d' effet ne pourrait être de nature à infirmer les éléments de preuve avancés par la Commission pour établir que les initiatives de prix étaient le résultat de la fixation d' objectifs de prix par différents producteurs .

134 Enfin, le Tribunal considère que la Commission a pu raisonnablement estimer que le tableau de prix joint au compte rendu des deux réunions de janvier 1981 ( g.g . ann . 17 ) avait été discuté lors de cette réunion et qu' il était le résultat de celle-ci .

135 Il faut ajouter que c' est à bon droit que la Commission a pu déduire de la réponse d' ICI à la demande de renseignements, dans laquelle on peut lire que "' Target prices' for the basic grade of each principal category of polypropylene as proposed by producers from time to time since 1 January 1979 are set forth in Schedule ..." (" Les 'prix cibles' qui ont été proposés périodiquement depuis le 1er janvier 1979 par les producteurs pour la qualité de base de chacune des principales catégories de polypropylène figurent dans l' annexe ..."), que ces initiatives s' inscrivaient dans un système de fixation d' objectifs de prix .

136 Le Tribunal constate, enfin, que, si la dernière réunion de producteurs dont la Commission ait apporté la preuve est celle du 29 septembre 1983, il n' en reste pas moins que différents producteurs ( BASF, Hercules, Hoechst, Huels, ICI, Linz, Monte, Solvay et Saga ) ont envoyé, entre le 20 septembre et le 25 octobre 1983, des instructions de prix concordantes ( ann . I, lettre du 29 mars 1985 ) destinées à entrer en vigueur le 1er novembre suivant et que, dès lors, la Commission a pu raisonnablement estimer que les réunions de producteurs avaient continué à produire leurs effets jusqu' en novembre 1983 .

137 En outre, il y a lieu de faire observer que, pour pouvoir étayer les constatations de fait qui précèdent, la Commission n' a pas eu besoin de recourir à des documents qu' elle n' avait pas mentionnés dans ses communications des griefs ou qu' elle n' avait pas communiqués à la requérante .

138 Il résulte de ce qui précède que la Commission a établi à suffisance de droit que la requérante figurait parmi les producteurs de polypropylène entre lesquels sont intervenus des concours de volontés portant sur les initiatives de prix mentionnées dans la décision, que celles-ci s' inscrivaient dans un système et que les effets de ces initiatives de prix se sont produits jusqu' en novembre 1983 .

C - Les mesures destinées à faciliter la mise en oeuvre des initiatives de prix

a ) Acte attaqué

139 La décision (( article 1er, sous c ), et point 27; voir aussi point 42 )) fait grief à la requérante d' avoir convenu avec les autres producteurs de diverses mesures visant à faciliter l' application des objectifs de prix, comme des limitations temporaires de la production, des échanges d' informations détaillées sur ses livraisons, la tenue de réunions locales et, à partir de septembre 1982, un système d' "account management" ayant pour but d' appliquer les hausses de prix à des clients particuliers .

140 En ce qui concerne le système d' "account management", dont la forme plus tardive et plus raffinée, remontant à décembre 1982, est connue sous le nom d' "account leadership", la requérante, comme tous les producteurs, aurait été nommée coordinateur ou "leader" d' au moins un gros client, dont elle aurait été chargée de coordonner secrètement les rapports avec ses fournisseurs . En application de ce système, des clients auraient été identifiés en Belgique, en Italie, en Allemagne et au Royaume-Uni et un "coordinateur" aurait été désigné pour chacun d' eux . En décembre 1982, une version plus généralisée de ce système aurait été proposée et aurait prévu la désignation d' un chef de file (" leader "), chargé d' orienter, de négocier, d' organiser les mouvements de prix . Les autres producteurs, qui traitaient régulièrement avec les clients, étaient connus sous le nom de "contenders" et coopéraient avec l' "account leader", lorsqu' ils faisaient offre au client en question . Pour "protéger" l' "account leader" et les "contenders", tout autre producteur contacté par le client aurait été amené à faire offre à des prix supérieurs à la cible souhaitée . En dépit des affirmations d' ICI, selon lesquelles le plan se serait écroulé après quelques mois seulement d' une application partielle et inefficace, la décision affirme que le compte rendu complet de la réunion tenue le 3 mai 1983 indiquerait qu' à cette époque le cas de divers clients aurait été examiné en détail, de même que les offres de prix faites ou à faire par chaque producteur à ces clients et les volumes livrés ou en commande .

141 Selon la décision ( point 42, premier alinéa ), lors de la réunion du 2 septembre 1982, le représentant de BASF aurait mis en garde contre le risque d' une situation où tous les producteurs feraient offre au même prix de 2,00 DM; il aurait été convenu qu' au cas où ils seraient contactés les fournisseurs, autres que ceux qui approvisionnent habituellement un client, lui feraient offre à un prix supérieur à 2,00 DM pour aider à la réalisation de l' objectif .

142 La décision ( point 20 ), tout en reconnaissant qu' il n' y a pas eu de réunions locales en Allemagne, fait grief à BASF d' être restée en contact étroit avec Hoechst et Huels et d' avoir adopté avec eux une position commune sur certaines questions telles que les quotas .

b ) Arguments des parties

143 En ce qui concerne les limitations de la production, la requérante expose que les comptes rendus des réunions des 13 mai et 21 septembre 1982 ( g.g . ann . 24 et 30 ) permettent tout au plus d' établir que des propositions en ce sens ont été formulées, mais certainement pas qu' elles aient connu un quelconque succès . A propos du second de ces comptes rendus, la requérante fait valoir que, si en octobre 1982 elle a dû réduire sa production, c' était pour des raisons purement techniques . Cette réduction n' aurait d' ailleurs pas eu d' effet sur le marché, dans la mesure où elle aurait été compensée par une diminution des stocks . Cette explication cadrerait avec le texte du compte rendu, selon lequel le représentant de BASF aurait dit, non pas que l' unité de production devait être arrêtée, mais bien qu' elle serait arrêtée .

144 En ce qui concerne l' "account leadership", la requérante déclare que, si le compte rendu de la réunion du 2 septembre 1982 ( g.g . ann . 29 ) permet de penser qu' il y ait eu des tentatives en vue de mettre en place un tel système, les producteurs n' auraient cependant jamais pu se mettre d' accord sur ce point . En tout cas, BASF aurait, pour sa part, rejeté ce système dès le début et n' y aurait pris aucune part, comme l' indiquerait notamment le fait que le nom de BASF n' est pas mentionné dans ce compte rendu . Lors de l' audience, la requérante a soutenu que c' était à titre personnel que son représentant avait communiqué des idées relatives à l' "account leadership", pendant cette réunion . Par ailleurs, le tableau 3 joint au compte rendu de la réunion du 2 décembre 1982 ( g.g . ann . 33 ), dans lequel le nom de BASF figure comme "account leader" de trois clients, ne serait en rien probant puisqu' il s' agirait manifestement de propositions de l' auteur de ce tableau qui n' auraient jamais été approuvées par la requérante . D' ailleurs, les clients qui y sont cités auraient été sans importance .

145 La Commission fait observer, quant à elle, qu' elle n' a jamais, dans la décision, accusé la requérante d' avoir réduit sa production, comme celle-ci le lui ferait dire . Elle expose toutefois qu' il résulte du compte rendu de la réunion du 21 septembre 1982 ( g.g . ann . 30 ) que BASF s' est montrée disposée à soutenir l' initiative de prix convenue lors de cette réunion en réduisant sa production . La Commission ajoute que, même si de telles réductions ne s' étaient pas produites effectivement, le simple fait qu' un producteur annonce son intention de réduire sa production pour quelque raison que ce soit constituerait la divulgation interdite de secrets d' affaires .

146 La Commission affirme que la participation de BASF au système d' "account leadership" ressort des comptes rendus des réunions des 2 septembre et 2 décembre 1982 ( g.g . ann . 29 et 33 ) et de deux réunions tenues au printemps 1983 ( g.g . ann . 37 et 38 ). Lors de la première réunion, BASF aurait mis les autres entreprises en garde contre le risque d' annoncer un prix identique à tous les clients . Suite à cette remarque, il aurait été proposé et convenu que les producteurs autres que le fournisseur principal d' un client donné, devraient demander quelques pfennigs de plus à ce client . Le tableau 3 du compte rendu de la réunion du 2 décembre 1982 montrerait que BASF a été désignée comme "account leader" de trois de ses clients, en France, en République fédérale d' Allemagne et au Danemark . Le compte rendu d' une réunion du printemps 1983 confirmerait ces affirmations ( g.g . ann . 37 ).

147 En outre, la Commission reproche à BASF non seulement d' avoir joué le rôle d' "account leader", mais également d' avoir joué le rôle de "contender ". Ces différentes accusations seraient corroborées par la réponse d' ICI à la demande de renseignements ( g.g . ann . 8 ), dans laquelle ICI décrit le fonctionnement du système pour le client danois de BASF ( Jacob Holm, vis-à-vis duquel ICI et Huels jouaient le rôle de "contender "), description confirmée par le compte rendu de la réunion du 3 mai 1983 ( g.g . ann . 38 ). La Commission fait encore valoir que l' argumentation de la requérante, selon laquelle Jacob Holm était un client sans importance pour lequel BASF n' avait pas besoin de protection, peut être mise en doute parce que dans les comptes rendus de réunions, comme celui de la réunion du 1er juin 1983 ( g.g . ann . 40 ), le nom de Jacob Holm est constamment cité en bonne place lorsqu' il s' agit de la requérante, ce qui établirait qu' il s' agissait pour elle d' un client clé .

c ) Appréciation du Tribunal

148 Le Tribunal constate, en premier lieu, que si les producteurs allemands n' organisaient pas de réunions locales en Allemagne, ils n' en entretenaient pas moins des contacts étroits entre eux, contacts à la suite desquels la requérante a même été jusqu' à formuler une proposition concernant les quotas au nom des producteurs allemands, comme le montre le compte rendu d' un entretien téléphonique entre un cadre d' ICI et le représentant de la requérante ( g.g . ann . 83 ) dans lequel on peut lire : "A . ( le représentant de la requérante ) phoned to give me his company' s figure for September sales and to pass on the German producers' view of how the market might be shared in 1983" (" A . m' a téléphoné pour me communiquer les chiffres des ventes de sa société pour le mois de septembre et m' informer du point de vue des producteurs allemands sur la manière de répartir le marché en 1983 ") ( suit un tableau détaillé ) ( g.g . ann . 83 ).

149 En second lieu, le compte rendu de la réunion du 2 septembre 1982 ( g.g . ann . 29 ), à laquelle participait la requérante, indique que l' engagement des entreprises à appliquer les objectifs de prix devait aller jusqu' à accepter de perdre des volumes de vente, ce qui est confirmé par le compte rendu de la réunion du 21 septembre 1982 ( g.g . ann . 30 ), à laquelle participait également la requérante, dans lequel on peut lire que : "In support of the move BASF, Hercules and Hoechst said they would be taking plant off line temporarily" (" BASF, Hercules et Hoechst ont dit qu' elles appuieraient cette opération en interrompant momentanément la production de certaines unités "), affirmation qui étaie le grief formulé dans la décision portant sur "l' échange de renseignements sur les projets de fermeture temporaire d' usines, susceptibles de contribuer à une réduction de l' offre globale" ( point 27, quatrième tiret ).

150 En troisième lieu, le Tribunal constate que, lors de la réunion du 2 septembre 1982, c' est le représentant de la requérante ( M . A .) qui a mis en garde contre les risques qu' il y aurait à voir tous les producteurs demander un même prix aux clients et que c' est lui qui a proposé une solution à ce problème . En effet, on peut lire dans le compte rendu de cette réunion ( g.g . ann . 29 ):

"about the dangers of everyone quoting exactly DM 2.00 A .' s point was accepted but rather than go below DM 2.00 it was suggested & generally agreed that others than the major producers at individual accounts should quote a few pfs higher . Whilst customer tourism was clearly to be avoided for the next month or two it was accepted that it would be very difficult for companies to refuse to quote at all when, as was likely, customers tried to avoid paying higher prices to the regular suppliers . In such cases producers would quote but at above the mimimum levels for October ."

(" la remarque d' A . à propos des risques qui existeraient si tout le monde proposait exactement 2,00 DM a été acceptée; toutefois au lieu de descendre au-dessous de 2,00 DM, on a avancé l' idée - qui a été acceptée par tous - que des producteurs autres que les principaux fournisseurs d' un client donné devraient proposer un prix dépassant ce prix de quelques pfennigs . Tout en décidant clairement d' éviter toute nouvelle prospection pendant le mois ou les deux mois suivants, on a admis qu' il serait très difficile aux entreprises de refuser de présenter des offres, si, comme c' était probable, les clients essayaient d' éviter les prix plus élevés des fournisseurs réguliers . Dans ce cas, les producteurs devaient faire une offre, mais à un niveau supérieur aux niveaux minimum d' octobre .") SUITE DES MOTIFS SOUS LE NUM.DOC : 689A0004.2

151 En outre, le nom de la requérante figure, d' une part, dans le tableau 3 joint au compte rendu de la réunion du 2 décembre 1982 ( g.g . ann . 33 ) comme "account leader" de trois clients ( un en Allemagne, Boussac en France et Holm au Danemark ) et, d' autre part, dans le compte rendu d' une réunion tenue au printemps 1983 ( g.g . ann . 37 ) consacrée notamment à l' examen du système d' "account leadership ". Il convient de faire observer que l' on peut encore lire dans le compte rendu de la réunion du 3 mai 1983 ( g.g . ann . 38 ): "To protect BASF, it was agreed that CWH(uels ) + ICI would quote Dkr 6.75 from now to end June ( DM 1,85 )" ((" Pour protéger BASF, il a été convenu que CWH(uels ) + ICI vendraient désormais à DKR 6,75, et ce jusqu' à la fin du mois de juin ( DM 1,85 )")).

152 Il résulte de ces différents éléments de preuve que BASF a participé activement au système d' "account leadership" et qu' elle ne saurait se disculper en prétendant que c' était à titre personnel que son représentant s' était exprimé à la réunion du 2 septembre 1982 .

153 L' argument de la requérante, selon lequel les clients dont elle est accusée d' être l' "account leader" auraient été des clients sans importance, ce qui l' aurait empêchée de pouvoir être leur "account leader", ne peut pas être accueilli . En effet, la question pertinente n' est pas celle de savoir si les trois clients de la requérante étaient des clients importants ou non, mais bien celle de savoir si elle était ou non un de leurs fournisseurs principaux . Or, la requérante n' a ni allégué ni prouvé qu' elle n' était pas l' un des fournisseurs principaux de ces clients .

154 De manière plus générale, en ce qui concerne les mesures destinées à faciliter la mise en oeuvre des initiatives de prix, le Tribunal considère qu' il y a lieu d' interpréter le point 27 de la décision à la lumière du point 26, deuxième alinéa, non comme faisant grief à chacun des producteurs de s' être engagé individuellement à prendre toutes les mesures qui y sont mentionnées, mais bien comme faisant grief à chacun de ces producteurs d' avoir, à divers moments lors des réunions, adopté avec les autres producteurs un ensemble de mesures destinées à créer des conditions favorables à une augmentation des prix, notamment en réduisant artificiellement l' offre de polypropylène, ensemble dont l' exécution, en ses diverses mesures, était répartie de commun accord entre les différents producteurs en fonction de leur situation spécifique .

155 A cet égard, force est de constater que, en participant aux réunions au cours desquelles ces mesures ont été décidées, la requérante a pris part à celles-ci comme les autres participants, puisqu' elle n' avance aucun indice de nature à étayer son affirmation selon laquelle elle n' y aurait pas pris part .

156 Il résulte de ce qui précède que la Commission a établi à suffisance de droit que la requérante figure parmi les producteurs de polypropylène entre lesquels sont intervenus des concours de volontés portant sur les mesures destinées à faciliter la mise en oeuvre des initiatives de prix mentionnées dans la décision .

D - Tonnages cibles et quotas

a ) Acte attaqué

157 Selon la décision ( point 31, troisième alinéa ), "la nécessité d' un système rigoureux de quotas ( aurait été ) reconnue" au cours de la réunion des 26 et 27 septembre 1979, dont le compte rendu mentionnerait un projet proposé ou convenu à Zurich en vue de limiter les ventes mensuelles à 80 % de la moyenne atteinte au cours des huit premiers mois de l' année .

158 La décision ( point 52 ) relève encore que divers projets de répartition du marché avaient déjà été appliqués avant le mois d' août 1982 . Si chaque producteur s' était vu allouer un pourcentage du volume total estimé des commandes, il n' aurait cependant existé aucune limitation systématique préalable de la production globale . Aussi les estimations du marché total auraient-elles été revues régulièrement et les ventes de chaque producteur, exprimées en tonnages, ajustées pour correspondre au pourcentage autorisé .

159 Des objectifs en matière de volume ( exprimés en tonnes ) auraient été fixés pour 1979; ils se seraient basés au moins partiellement sur les ventes réalisées au cours des trois années antérieures . Des tableaux découverts chez ICI indiqueraient l' "objectif ajusté" par producteur pour 1979, comparé au tonnage réellement vendu au cours de cette période en Europe occidentale ( décision, point 54 ).

160 A la fin de février 1980, les producteurs auraient convenu d' objectifs de volumes pour 1980, exprimés cette fois encore en tonnages, sur la base d' un marché annuel total estimé à 1 390 000 tonnes . Selon la décision ( point 55 ), des tableaux indiquant les "objectifs convenus" afférents à chaque producteur pour 1980 auraient été découverts chez ATO et ICI . Cette première estimation du marché global se révélant trop optimiste, le quota de chaque producteur aurait dû être ajusté à la baisse pour correspondre à une consommation totale pour cette année de 1 200 000 tonnes seulement . Sauf pour ICI et DSM, les ventes réalisées par les différents producteurs correspondraient grosso modo à leur cible .

161 Selon la décision ( point 56 ), la répartition du marché pour 1981 aurait fait l' objet de négociations longues et complexes . Lors des réunions de janvier 1981, il aurait été convenu, à titre de mesure temporaire, que pour aider à réaliser l' initiative de prix de février-mars, chaque producteur réduirait ses ventes mensuelles à 1/12 de 85 % de l' "objectif" de 1980 . En attendant qu' un plan plus permanent soit mis au point, chaque producteur aurait communiqué à la réunion le tonnage qu' il espérait vendre en 1981 . Toutefois, l' addition de ces "ambitions" aurait excédé largement les prévisions de la demande totale . En dépit de plusieurs formules de compromis avancées par Shell et ICI, aucun accord de quota définitif n' aurait pu être conclu pour 1981 . Comme mesure provisoire, les producteurs se seraient assigné à chacun le même quota théorique que l' année précédente et auraient rendu compte des ventes réalisées chaque mois, au cours de la réunion . En conséquence, les ventes réalisées auraient été vérifiées à la lumière d' une répartition théorique du marché disponible sur la base du quota de 1980 ( décision, point 57 ).

162 La décision ( point 58 ) expose que, pour 1982, les producteurs ont soumis des propositions de quotas complexes, où ils ont tenté de concilier des facteurs divergents, tels que les résultats antérieurs, les ambitions sur le marché et les capacités disponibles . Le marché total à répartir aurait été estimé à 1 450 000 tonnes . Certains producteurs auraient soumis des plans détaillés de répartition du marché, d' autres se contentant de communiquer leurs propres ambitions en matière de tonnages . Lors de la réunion du 10 mars 1982, Monte et ICI auraient tenté d' aboutir à un accord . La décision ( point 58, dernier alinéa ) relève cependant que, comme en 1981, aucun accord définitif n' aurait pu être atteint et que, pendant le premier semestre de l' année, les ventes mensuelles de chaque producteur auraient été communiquées lors des réunions et comparées au pourcentage réalisé au cours de l' année précédente . Selon la décision ( point 59 ), lors de la réunion d' août 1982, les pourparlers en vue d' arriver à un accord sur les quotas pour 1983 auraient été poursuivis et ICI aurait procédé avec chacun des producteurs à des discussions bilatérales, consacrées au nouveau système . Toutefois, en attendant l' introduction d' un tel système de quotas, les producteurs auraient été invités à limiter leurs ventes mensuelles, pendant le second semestre de 1982, au pourcentage du marché global réalisé par chacun d' entre eux pendant les six premiers mois de l' année 1982 . Ainsi, en 1982, les parts de marché des producteurs de taille moyenne, comme BASF, auraient atteint un certain équilibre et seraient restées stables par rapport aux années antérieures pour la plupart des producteurs .

163 D' après la décision ( point 60 ), pour 1983, ICI aurait invité chaque producteur à communiquer ses propres ambitions et ses idées quant au pourcentage du marché qu' il conviendrait d' attribuer à chacun des autres . Ainsi, Monte, Anic, ATO, DSM, Linz, Saga et Solvay, de même que les producteurs allemands par le truchement de BASF, auraient fait parvenir des propositions détaillées . Après cela, ces diverses propositions auraient été traitées sur ordinateur pour obtenir une moyenne, qui aurait été comparée ensuite aux aspirations de chaque producteur . Ces opérations auraient permis à ICI de proposer des lignes directrices pour un nouvel accord-cadre pour 1983 . Ces propositions auraient été discutées lors des réunions de novembre et de décembre 1982 . Une proposition limitée dans un premier temps au premier trimestre de l' année aurait été discutée lors de la réunion du 2 décembre 1982 . Le compte rendu de cette réunion établi par ICI indiquerait que ATO, DSM, Hoechst, Huels, ICI, Monte et Solvay, de même que Hercules auraient trouvé "acceptable" le quota qui leur aurait été attribué ( décision, point 63 ). Ces informations seraient corroborées par le résumé d' un entretien téléphonique d' ICI avec Hercules, daté du 3 décembre 1982 .

164 La décision ( point 63, troisième alinéa ) affirme qu' un document découvert chez Shell confirmerait qu' un accord est intervenu, dans la mesure où cette entreprise se serait efforcée de ne pas dépasser son quota . Ce document confirmerait également qu' un système de régulation des volumes aurait continué à être appliqué pendant le deuxième trimestre de 1983, dans la mesure où, afin de maintenir sa part de marché aux alentours de 11 % durant le deuxième trimestre, les sociétés nationales de vente du groupe Shell auraient reçu l' ordre de réduire leurs ventes . L' existence de cet accord serait confirmée par le compte rendu de la réunion du 1er juin 1983 qui, bien que ne mentionnant pas de quotas, relaterait un échange d' informations ayant eu lieu entre les experts sur les tonnages vendus par chaque producteur au cours du mois précédent, ce qui semblerait indiquer qu' un système de quotas était appliqué ( décision, point 64 ).

165 La décision ( point 65 ) relève que, bien qu' aucun système de pénalisation pour dépassement des quotas n' ait jamais été instauré, le système en vertu duquel chaque producteur faisait rapport aux réunions sur le tonnage qu' il avait vendu au cours du mois précédent, s' exposant ainsi aux critiques éventuelles d' autres producteurs pour avoir fait preuve d' indiscipline, aurait incité les producteurs à respecter le quota qui leur avait été attribué .

b ) Arguments des parties

166 La requérante estime que le compte rendu de la réunion des 26 et 27 septembre 1979 ( g.g . ann . 12 ) ne permet pas d' établir sa participation à un accord de quotas pour l' année 1979, dans la mesure où, d' une part, rien dans ce compte rendu ne prouverait sa participation à cette réunion et dans la mesure où, d' autre part, ce compte rendu manifesterait l' absence d' accord sur les quotas à ce moment .

167 Elle soutient, en outre, à propos du tableau chiffré, intitulé "Producers' Sales to West Europe" (" Ventes en Europe occidentale ") ( g.g . ann . 55 ), que celui-ci est dépourvu de valeur probante dans la mesure où l' on ignore qui en est l' auteur, à qui il a été transmis et dans quel but il a été rédigé et que donc rien n' indiquerait qu' il soit le résultat d' une concertation préalable entre les producteurs ni qu' il ait été porté à la connaissance de BASF . Ce tableau autoriserait tout au plus la conclusion que quelqu' un a réfléchi sur les ventes de polypropylène en Europe occidentale .

168 Pour l' année 1980, la requérante fait remarquer que, d' après la Commission, c' est à la fin de février 1980 que les producteurs auraient convenu de "quotas cibles" pour cette année . Or, la Commission n' aurait nullement allégué que BASF aurait participé à une réunion de producteurs ce mois-là .

169 Par ailleurs, la requérante se livre à une analyse détaillée des tableaux produits par la Commission ( g.g . ann . 56 à 61 ) pour en déduire que les chiffres cités comme quotas pour l' ensemble des producteurs, ainsi que ceux relatifs à BASF, ne concorderaient pas dans les différents documents . Rien ne prouverait que certains documents aient fait l' objet d' une quelconque décision, tandis que d' autres documents se présenteraient comme des propositions de quotas, ce qui ne permettrait pas d' en déduire l' existence d' un accord . En ce qui concerne les chiffres cités dans le tableau joint au compte rendu des réunions de janvier 1981 ( g.g . ann . 17 ), la requérante souligne que ceux-ci portent sur le passé et non sur l' avenir et qu' ils en perdraient donc leur caractère de quotas . Elle ajoute qu' au surplus il existe des écarts tout à fait considérables entre les prétendus "quotas cibles" qui lui auraient été attribués et ses ventes effectives, contrairement à ce qui est dit au point 55, quatrième alinéa, de la décision . Cela constituerait un indice supplémentaire de l' absence d' accord .

170 Elle relève, ensuite, que la Commission a reconnu l' absence d' accord de quotas pour l' année 1981 . Le système de douzièmes provisoires dont la pratique est alléguée n' aurait constitué qu' une simple proposition que BASF n' aurait pas soutenue et qui n' aurait d' ailleurs pas abouti à un accord . Elle n' en veut pour preuve que l' absence d' accord de limitation des volumes de vente à la date du 27 mai 1981, absence confirmée par le compte rendu de la réunion tenue à cette date entre des représentants d' ICI et de Shell ( g.g . ann . 64 ) ainsi que par une proposition d' ICI ( g.g . ann . 63 ). Ces documents montrent, en effet, que des discussions avaient encore lieu à ce moment . Cette conclusion ne serait pas démentie par le fait que les entreprises ont pu échanger des informations pour se faire une idée de l' évolution du marché .

171 La requérante soutient, pour l' année 1982, que si des discussions se sont engagées entre producteurs, elles n' ont pas pu déboucher sur un accord en raison des points de vue très divergents défendus par les différents producteurs . Cela ressortirait clairement des comptes rendus des réunions des 20 août, 6 octobre et 2 décembre 1982 ( g.g . ann . 28, 31 et 33 ) et des propositions émanant de différents producteurs ( g.g . ann . 69 à 71 ) qui divergeraient fortement .

172 Elle relève, pour l' année 1983, que les documents fournis par la Commission prouvent que les producteurs de polypropylène ont discuté de propositions relatives aux quotas mais n' établissent nullement que ces propositions auraient débouché sur un accord ou que BASF aurait souscrit à un tel accord au premier trimestre de l' année 1983 . En effet, les documents produits par la Commission ne feraient, en aucun cas, état d' un accord ( g.g . ann . 82 et 83 ), mais seulement de "propositions" ( g.g . ann . 33, tableau 2 ) ou de chiffres "acceptables" ( ce qui ne signifie pas "acceptés ") pour des producteurs autres que BASF .

173 De même, les documents produits par la Commission pour prouver l' existence d' un accord au deuxième trimestre de 1983, notamment le compte rendu de la réunion du 1er juin 1983 ( g.g . ann . 40 ) et un tableau chiffré ( g.g . ann . 84 ), ne seraient pas plus probants . Le premier ne comporterait que des comparaisons de chiffres et, pour le second, BASF souligne que la Commission ne serait pas fondée à déduire d' un échange d' informations sur les ventes effectuées, dont BASF reconnaît l' existence, qu' un accord de quotas a été conclu . Dans la communication des griefs, la Commission serait d' ailleurs elle-même partie du point de vue que les accords de quotas et les échanges d' informations sur les volumes de vente n' étaient pas nécessairement liés les uns aux autres .

174 En ce qui concerne, enfin, les pressions prétendument exercées sur certains producteurs durant les réunions, la requérante fait valoir que l' on ne peut assimiler des critiques à des pressions et que, en tout état de cause, la Commission aurait dû à tout le moins établir que les critiques formulées à l' encontre de certains producteurs les ont effectivement influencés .

175 La Commission estime, de son côté, que la participation de la requérante aux accords de quotas portant sur l' année 1979 est établie par un tableau non daté, retrouvé chez ICI, intitulé "Producers' Sales to West Europe" (" Ventes en Europe occidentale ") ( g.g . ann . 55 ), reprenant pour tous les producteurs de polypropylène d' Europe occidentale les chiffres de vente en kilotonnes pour 1976, 1977 et 1978, ainsi que des chiffres mentionnés sous les rubriques "1979 actual" (" chiffres effectifs de 1979 ") et "revised target" (" objectif révisé "). BASF s' y serait vu attribuer un "revised target" (" objectif révisé ") de 55 kilotonnes . Ce tableau comportant des informations devant être rigoureusement préservées en tant que secrets d' affaires, n' aurait pas pu être élaboré sans la participation de BASF . Le compte rendu de la réunion des 26 et 27 septembre 1979 ( g.g . ann . 12 ) confirmerait que la question des quotas faisait l' objet des réunions à cette époque, ce qui anéantirait la thèse de BASF suivant laquelle ce tableau aurait été rédigé à son insu, en dehors des réunions .

176 Pour l' année 1980, elle soutient qu' un accord de quotas a été conclu . Elle fonde cette affirmation essentiellement sur un tableau daté du 28 février 1980, découvert chez ATO, intitulé "Polypropylene - Sales target 1980 ( kt )" (" Polypropylène - Objectif de ventes 1980 ( kt )") ( g.g . ann . 60 ), qui compare pour tous les producteurs d' Europe occidentale, un "1980 target" (" objectif 1980 "), des "opening suggestions" (" propositions de départ "), des "proposed adjustments" (" ajustements proposés ") et des "agreed targets 1980" (" objectifs convenus 1980 "). Ce document montrerait le processus d' élaboration des quotas . Cette analyse serait confirmée par le compte rendu des deux réunions de janvier 1981 ( g.g . ann . 17 ) au cours desquelles les objectifs de volumes de vente auraient été comparés aux quantités effectivement vendues par les différents producteurs . La Commission souligne que l' objectif du système de quotas était de stabiliser les parts de marché . C' est pourquoi les accords portaient sur les parts de marché qui étaient ensuite converties en tonnages pour servir de chiffres de référence, car à défaut d' une telle conversion, il n' aurait pas été possible de constater à partir de quel moment un participant à l' entente devait freiner ses ventes conformément aux accords . Dans ce but, il était indispensable de prévoir le volume total des ventes . Pour l' année 1980, les prévisions initiales s' étant révélées trop optimistes, le volume total des ventes initialement prévu aurait dû être adapté à plusieurs reprises, entraînant une adaptation des tonnages attribués à chacune des entreprises .

177 Pour l' année 1981, la Commission reconnaît qu' il n' y a pas eu d' accord couvrant l' ensemble de l' année . Les producteurs se seraient toutefois entendus, à titre de mesure temporaire, pour limiter leurs volumes mensuels de vente des mois de février et de mars à 1/12 de 85 % des objectifs convenus pour l' année précédente, comme l' attesterait le compte rendu des deux réunions de janvier 1981 . Pendant les autres mois de l' année, un système de contrôle continu des volumes mis sur le marché par les différents producteurs aurait fonctionné . Compte tenu du rapport étroit entre les accords de prix et les avantages résultant de ce système, la participation de BASF à celui-ci serait, de l' avis de la Commission, suffisamment établie .

178 Pour l' année 1982, elle affirme qu' aucun accord définitif n' a pu être réalisé, malgré les efforts en ce sens qu' établiraient les différents plans de quotas découverts ( g.g . ann . 69 et 71 ). Toutefois, une solution provisoire aurait été trouvée sous la forme d' une orientation déterminée des ventes en fonction des chiffres de l' année précédente . Ainsi, les parts de marché seraient restées pratiquement inchangées, la situation étant qualifiée de "quasi-consensus" par ATO ( g.g . ann . 72 ).

179 Pour l' année 1983, la Commission souligne que BASF reconnaît avoir fait des propositions sur les quotas dont elle aurait discuté avec les autres producteurs, mais qu' elle affirme dans le même temps qu' aucun accord n' a pu être conclu, sans expliquer pourquoi . Elle ajoute que BASF est même apparue à cette occasion comme le porte-parole de l' ensemble des producteurs allemands, dont elle a transmis les aspirations à ICI ( g.g . ann . 83 ).

180 La Commission poursuit en affirmant qu' elle dispose des chiffres de vente que les différents producteurs souhaitaient réaliser et des propositions qu' ils ont faites en ce sens, pour eux-mêmes et pour les autres producteurs, à la demande d' ICI et communiquées à cette dernière en vue de la conclusion d' un accord de quotas pour 1983 ( g.g . ann . 74 à 76 et 78 à 84 ). Selon la Commission, les propositions ont été traitées sur ordinateur pour obtenir une moyenne qui a été comparée ensuite aux aspirations de chaque producteur ( g.g . ann . 85 ). A ces documents, la Commission ajoute une note interne d' ICI, intitulée "Polypropylene framework 1983" (" Schéma polypropylène 1983 ") ( g.g . ann . 86 ), dans laquelle ICI décrit les grandes lignes d' un futur accord sur les quotas ainsi qu' une autre note interne d' ICI, intitulée "Polypropylene framework" (" Schéma polypropylène ") ( g.g . ann . 87 ), montrant que cette dernière considérait qu' un accord sur les quotas était indispensable .

181 La Commission affirme que le compte rendu de la réunion du 2 décembre 1982 ( g.g . ann . 33 ) montre que les experts ont examiné une proposition de quotas pour le premier trimestre de 1983 .

182 La Commission soutient que les propositions ont abouti à un accord en se fondant, pour le premier trimestre, sur un document interne de Shell ( g.g . ann . 90 ) qui prouverait que cette dernière a souscrit à un accord de quota pour 1983 puisqu' elle a enjoint à ses filiales de réduire leurs ventes pour respecter son quota (" This compares with W.E . Sales in 1Q of 43 kt : and would lead to a market share of approaching 12 % and well above the agreed SHELL target of 11 %") (" Ce chiffre est à comparer avec 43 kilotonnes de ventes pour l' Europe occidentale au cours du premier trimestre; et conduirait à une part de marché qui avoisinerait 12 % et qui serait très supérieure à l' objectif Shell convenu, de 11 %"). Or, pour pouvoir fonctionner et obtenir l' adhésion de toutes les entreprises intéressées, un tel accord de quotas devrait, selon la Commission, s' appliquer à toutes les entreprises d' un secteur . Par conséquent, BASF aurait nécessairement dû participer à cet accord, même s' il n' a pas été possible à la Commission d' établir son quota individuel .

183 Pour le deuxième trimestre de 1983, le même raisonnement s' appliquerait et serait corroboré par le compte rendu de la réunion du 1er juin 1983 ( g.g . ann . 40 ) et un tableau définissant des "1983 aspirations" à partir des chiffres de vente pour le premier semestre de 1982 ( g.g . ann . 84 ) qui, selon la Commission, montrent que les échanges d' informations relatives aux quantités vendues servaient au contrôle des quotas .

184 La Commission affirme, par ailleurs, que des pressions étaient exercées sur les producteurs qui ne respectaient pas les accords conclus . L' existence de telles pressions ressortirait de différents comptes rendus de réunions, tenues les 9 juin, 21 septembre, 2 décembre et 21 décembre 1982 ( g.g . ann . 25, 30, 33 et 34 ), dans lesquels on peut lire que ces producteurs faisaient l' objet de très sévères critiques . La Commission relève en particulier qu' au cours d' une réunion du 15 juin 1981 où Shell, ICI et Monte étaient présentes, les perturbateurs ont été qualifiés de "hooligans" ( g.g . ann . 64, a ) et qu' au cours de la réunion du 21 septembre 1982 il a été dit : "Pressure was needed on Shell Italy to restrain themselves to the agreed levels for October" (" Il s' imposait de faire pression sur Shell Italie pour la contraindre à se limiter aux niveaux qui avaient été convenus pour le mois d' octobre ") ( g.g . ann . 30 ). La Commission conclut qu' en participant à ces réunions BASF apportait son soutien à ces actions .

c ) Appréciation du Tribunal

185 Il y a lieu de rappeler que la requérante a participé régulièrement, à partir de la fin de l' année 1978 ou du début de l' année 1979, aux réunions périodiques de producteurs de polypropylène au cours desquelles des discussions relatives aux volumes de vente des différents producteurs ont eu lieu et des informations à ce sujet ont été échangées .

186 Il convient de relever, parallèlement à la participation de BASF aux réunions, que son nom figure dans différents tableaux ( g.g . ann . 55 à 61 ) dont le contenu indique clairement qu' ils étaient destinés à la définition d' objectifs de volumes de vente . Or, la plupart des requérantes ont admis dans leurs réponses à une question écrite posée par le Tribunal qu' il n' aurait pas été possible d' établir les tableaux découverts chez ICI, ATO et Hercules sur la base des statistiques du système Fides . ICI a d' ailleurs déclaré dans sa réponse à la demande de renseignements ( g.g . ann . 8 ) à propos d' un de ces tableaux que "the source of information for actual historic figures in this table would have been the producers themselves" (" la source dont proviennent les chiffres de ce tableau qui correspondent à des chiffres déjà réalisés a dû être les producteurs eux-mêmes "). La Commission était donc en droit de considérer que le contenu de ces tableaux avait été fourni par BASF dans le cadre des réunions auxquelles elle participait .

187 La terminologie utilisée dans les tableaux relatifs aux années 1979 et 1980 (( comme "revised target" (" objectif révisé "), "opening suggestions" (" suggestions de départ "), "proposed adjustments" (" ajustements proposés "), "agreed targets" (" objectifs convenus ") )) permet de conclure que des concours de volontés entre les producteurs sont intervenus .

188 En ce qui concerne plus particulièrement l' année 1979, il convient de relever sur la base de l' ensemble du compte rendu de la réunion des 26 et 27 septembre 1979 ( g.g . ann . 12 ) et sur la base du tableau non daté, saisi chez ICI ( g.g . ann . 55 ), intitulé "Producers' Sales to West Europe" (" Ventes des producteurs en Europe occidentale "), reprenant pour tous les producteurs de polypropylène d' Europe occidentale les chiffres de vente en kilotonnes pour 1976, 1977 et 1978 ainsi que des chiffres mentionnés sous les rubriques "1979 actual" (" chiffres effectifs de 1979 "), "revised target" et "79", que la nécessité de rendre le système de quotas convenu pour l' année 1979 plus rigoureux pour les trois derniers mois de cette année a été reconnue lors de cette réunion . En effet, le terme "tight" (" strict "), lu en combinaison avec la limitation à 80 % de 1/12 des ventes annuelles prévues, indique que le régime initialement envisagé pour l' année 1979 devait être rendu plus rigoureux pour ces trois derniers mois . Cette interprétation du compte rendu est corroborée par le tableau susmentionné, parce que celui-ci contient, sous le titre "79" dans la dernière colonne à droite de la colonne intitulée "revised target", des chiffres qui doivent correspondre aux quotas initialement fixés . Ceux-ci ont dû être révisés dans un sens plus rigoureux parce qu' ils avaient été établis sur la base d' un marché évalué de manière trop optimiste, comme cela a également été le cas en 1980 . Ces constatations ne sont pas infirmées par la référence, contenue au point 31, troisième alinéa, de la décision, à un projet "proposé ou convenu à Zurich en vue de limiter les ventes mensuelles à 80 % de la moyenne atteinte au cours des huit premiers mois de l' année ". En effet, cette référence, lue en combinaison avec le point 54 de la décision, doit être comprise en ce sens que des objectifs de volumes de vente avaient déjà été définis initialement pour les ventes mensuelles des huit premiers mois de l' année 1979 .

189 En ce qui concerne l' année 1980, le Tribunal constate que la fixation d' objectifs de volumes de vente pour l' ensemble de l' année ressort du tableau daté du 26 février 1980, trouvé chez ATO ( g.g . ann . 60 ) et comportant une colonne "agreed targets 1980" (" objectifs convenus 1980 "), ainsi que du compte rendu des réunions de janvier 1981 ( g.g . ann . 17 ) au cours desquelles des producteurs, parmi lesquels figure la requérante, ont comparé les quantités effectivement vendues (" Actual kt ") aux objectifs fixés (" Target kt "). En outre, ces documents se trouvent confirmés par un tableau daté du 8 octobre 1980 ( g.g . ann . 57 ), comparant deux colonnes dont l' une reprend la "1980 Nameplate Capacity" (" capacité nominale 1980 ") et l' autre le "1980 Quota" pour les différents producteurs .

190 Quant aux différences entre les chiffres repris comme "quotas" dans les tableaux, il importe de remarquer, d' une part, qu' elles sont faibles et, d' autre part, qu' elles résultent de l' adaptation des tonnages correspondant aux parts de marché attribuées aux différents producteurs . Cette adaptation, rendue nécessaire par l' évolution du marché total, doit être considérée comme une opération normale dans le cadre d' un système de quotas lorsque les participants à ce système commettent une erreur dans leur estimation de la demande totale, comme cela a été le cas, en l' espèce, pour l' année 1980 .

191 Pour l' année 1981, le Tribunal relève qu' il est fait grief aux producteurs d' avoir participé aux négociations en vue d' aboutir à un accord de quotas pour cette année et d' avoir, dans ce cadre, communiqué leurs "ambitions" et, dans l' attente d' un tel accord, d' avoir convenu, à titre de mesure temporaire, de réduire leurs ventes mensuelles à 1/12 de 85 % de l' "objectif" convenu pour 1980 pendant les mois de février et de mars 1981, de s' être assigné pour le reste de l' année le même quota théorique que l' année précédente, d' avoir chaque mois, lors des réunions, donné connaissance de leurs ventes, et, enfin, d' avoir vérifié si leurs ventes respectaient le quota théorique assigné .

192 L' existence de négociations entre les producteurs en vue d' aboutir à l' instauration d' un régime de quotas et la communication de leurs "ambitions" au cours de ces négociations sont attestées par différents éléments de preuve comme des tableaux reprenant, pour chaque producteur, ses chiffres "actual" et ses "targets" pour les années 1979 et 1980, ainsi que ses "aspirations" pour 1981 ( g.g . ann . 59 et 61 ); un tableau rédigé en italien ( g.g . ann . 62 ) reprenant, pour chaque producteur, son quota pour 1980, les propositions d' autres producteurs quant au quota qu' il faut lui attribuer pour 1981 et ses propres "ambitions" pour 1981 ainsi qu' une note interne d' ICI ( g.g . ann . 63 ) décrivant l' évolution de ces négociations dans laquelle on peut lire :

"Taking the various alternatives discussed at yesterday' s meeting we would prefer to limit the volume to be shared to no more than the market is expected to reach in 1981, say 1.35 million tonnes . Although there has been no further discussion with Shell, the four majors could set the lead by accepting a reduction in their 1980 target market share of about 0.35 % provided the more ambitious smaller producers such as Solvay, Saga, DSM, Chemie Linz, Anic/SIR also tempered their demands . Provided the majors are in agreement the anomalies could probably be best handled by individual discussions at Senior level, if possible before the meeting in Zurich ."

(" Parmi les diverses solutions discutées pendant la réunion d' hier, nous préférerions que le volume à partager soit limité à un volume ne dépassant pas le marché qu' on escompte atteindre en 1981, soit 1,35 million de tonnes . Bien qu' il n' y ait pas eu d' autres discussions avec Shell, les quatre grands pourraient donner l' exemple en acceptant une réduction d' environ O,35 % de leur objectif de part de marché 1980 à condition que les plus ambitieux des producteurs moins importants, tels que Solvay, Saga, DSM, Chemie Linz, Anic/SIR tempèrent aussi leurs exigences . A condition que les grands soient d' accord, la meilleure façon de traiter les anomalies consisterait certainement à les discuter individuellement au niveau des 'patrons' , si possible avant la réunion de Zurich .")

Ce document est accompagné d' une proposition de compromis chiffrée, comparant le résultat obtenu pour chacun par rapport à 1980 ("% of 1980 target ").

193 L' adoption de mesures temporaires consistant en une réduction des ventes mensuelles à 1/12 de 85 % de l' objectif convenu l' année précédente pendant les mois de février et de mars 1981 résulte du compte rendu des réunions de janvier 1981, dans lequel on peut lire :

"In the meantime ( février-mars ) monthly volume would be restricted to 1/12 of 85 % of the 1980 target with a freeze on customers ."

((" Dans l' intervalle ( février/mars ) le volume mensuel serait réduit à 1/12 de 85 % de l' objectif 1980 avec un gel des clients ."))

194 Le fait que les producteurs se sont assigné, pour le reste de l' année, le même quota théorique que l' année précédente et ont vérifié si les ventes respectaient ce quota, en s' échangeant chaque mois les chiffres de leurs ventes, est établi par la combinaison de trois documents . Il s' agit, tout d' abord, d' un tableau daté du 21 décembre 1981 ( g.g . ann . 67 ), reprenant pour chaque producteur ses ventes ventilées par mois, dont les trois dernières colonnes relatives aux mois de novembre et de décembre ainsi qu' au total annuel ont été ajoutées à la main . Il s' agit, ensuite, d' un tableau non daté, rédigé en italien, intitulé "Scarti per società" (" écarts ventilés par société ") et découvert chez ICI ( g.g . ann . 65 ), qui compare pour chaque producteur pour la période de janvier à décembre 1981 les chiffres de vente "actual" avec les chiffres "theoretic" (" théoriques "). Il s' agit, enfin, d' un tableau non daté, découvert chez ICI ( g.g . ann . 68 ), comparant pour chaque producteur pour la période de janvier à novembre 1981 les chiffres de vente et les parts de marché avec ceux de 1979 et de 1980, et ce en opérant une projection pour la fin de l' année .

195 En effet, le premier tableau montre que les producteurs ont échangé les chiffres de leurs ventes mensuelles . Lorsqu' il est combiné avec les comparaisons entre ces chiffres et ceux réalisés en 1980 - comparaisons qui ont été effectuées dans les deux autres tableaux, portant sur la même période - un tel échange d' informations, qu' un opérateur indépendant préserve rigoureusement comme secrets d' affaires, corrobore les conclusions auxquelles est parvenue la décision .

196 La participation de la requérante à ces différentes activités résulte, d' une part, de sa participation aux réunions au cours desquelles ces actions ont eu lieu et notamment aux réunions de janvier 1981 et, d' autre part, de la mention de son nom dans les différents documents susmentionnés . Dans ces documents figurent d' ailleurs des chiffres dont il convient de rappeler qu' ICI a déclaré dans sa réponse à une question écrite posée par le Tribunal - à laquelle d' autres requérantes font référence dans leur propre réponse - qu' il n' aurait pas été possible de les établir sur la base des statistiques du système Fides .

197 Pour l' année 1982, le Tribunal relève qu' il est fait grief aux producteurs d' avoir participé aux négociations en vue d' aboutir à un accord de quotas pour cette année; d' avoir, dans ce cadre, communiqué leurs ambitions en matière de tonnages; d' avoir, à défaut d' accord définitif, communiqué lors des réunions leurs chiffres de ventes mensuelles pendant le premier semestre, en les comparant au pourcentage réalisé au cours de l' année précédente et de s' être, pendant le second semestre, efforcés de limiter leurs ventes mensuelles au pourcentage du marché global réalisé pendant le premier semestre de cette année .

198 L' existence de négociations entre les producteurs en vue d' aboutir à l' instauration d' un régime de quotas et la communication, dans ce cadre, de leurs ambitions sont attestées, en premier lieu, par un document intitulé "Scheme for discussions 'quota system 1982' " (" Schéma de discussion d' un système de quotas 1982 ") ( g.g . ann . 69 ) dans lequel figure, pour l' ensemble des destinataires de la décision, à l' exception de Hercules, le tonnage auquel chacun estimait avoir droit et, en outre, pour certains ( tous sauf Anic, Linz, Petrofina, Shell et Solvay ), le tonnage qui, d' après eux, devrait être attribué aux autres producteurs; en second lieu, par une note d' ICI intitulée "Polypropylene 1982, Guidelines" (" Polypropylène 1982, lignes directrices ") ( g.g . ann . 70, a ) dans laquelle ICI analyse les négociations en cours; en troisième lieu, par un tableau daté du 17 février 1982 ( g.g . ann . 70, b ) dans lequel différentes propositions de répartition des ventes sont comparées - dont l' une, intitulée "ICI Original Scheme" (" Schéma initial ICI "), fait l' objet, dans un autre tableau, manuscrit, d' adaptations mineures par Monte dans une colonne intitulée "Milliavacca 27/1/82" ( il s' agit du nom d' un employé de Monte ) ( g.g . ann . 70, c ) - et, en dernier lieu, par un tableau rédigé en italien ( g.g . ann . 71 ) qui constitue une proposition complexe ( décrite au point 58, troisième alinéa, in fine, de la décision ).

199 Les mesures prises pour le premier semestre sont établies par le compte rendu de la réunion du 13 mai 1982 ( g.g . ann . 24 ), dans lequel on peut lire notamment :

"To support the move a number of other actions are needed a ) limit sales volume to some agreed prop . of normal sales ."

((" A titre de soutien, un certain nombre d' autres mesures sont nécessaires a ) limiter le volume des ventes à une certaine prop.(ortion ) convenue des ventes normales ."))

L' exécution de ces mesures est attestée par le compte rendu de la réunion du 9 juin 1982 ( g.g . ann . 25 ) auquel est joint un tableau reprenant pour chaque producteur le chiffre "actual" de ses ventes pour les mois de janvier à avril 1982, comparé avec un chiffre "theoretical based on 1981 av[erage] market share" (" théorique calculé sur la base de la part de marché moyenne de 1981 "), ainsi que par le compte rendu de la réunion des 20 et 21 juillet 1982 ( g.g . ann . 26 ) en ce qui concerne la période de janvier à mai 1982 et par celui du 20 août 1982 ( g.g . ann . 28 ) en ce qui concerne la période de janvier à juillet 1982 .

200 Les mesures prises pour le second semestre sont prouvées par le compte rendu de la réunion du 6 octobre 1982 ( g.g . ann . 31 ), dans lequel on peut lire, d' une part, "In October this would also mean restraining sales to the Jan/June achieved market share of a market estimated at 100 kt" (" En octobre, cela impliquerait aussi de limiter les ventes à la part réalisée pendant la période janvier/juin sur un marché estimé à 100 Kt ") et, d' autre part, "Performance against target in September was reviewed" (" Les résultats atteints par rapport à l' objectif en septembre ont fait l' objet d' un examen "). A ce compte rendu est joint un tableau, intitulé "September provisional sales versus target ( based on Jan-June market share applied to demand est[imated] at 120 Kt )" ((" Ventes prévisionnelles de septembre par rapport à l' objectif ( calculé sur la base de la part de marché janvier/juin appliquée à une demande estimée à 120 Kt )")). Le maintien de ces mesures est confirmé par le compte rendu de la réunion du 2 décembre 1982 ( g.g . ann . 33 ) auquel est joint un tableau comparant, pour le mois de novembre 1982, les ventes "Actual" avec les chiffres "Theoretical", calculés à partir de "J-June % of 125 Kt" (" j-juin pourcentage de 125 kt ").

201 Le Tribunal constate que, en ce qui concerne l' année 1981 ainsi que les deux semestres de l' année 1982, c' est à bon droit que la Commission a déduit de la surveillance mutuelle, lors des réunions périodiques, de la mise en oeuvre d' un système de limitation des ventes mensuelles par référence à une période antérieure, que ce système avait été adopté par les participants aux réunions .

202 Pour l' année 1983, le Tribunal constate qu' il résulte des documents produits par la Commission ( g.g . ann . 33, 85 et 87 ) qu' à la fin de l' année 1982 et au début de l' année 1983 les producteurs de polypropylène ont discuté d' un régime de quotas portant sur l' année 1983, que la requérante a participé aux réunions au cours desquelles ces discussions ont eu lieu et qu' elle a fourni à cette occasion des données relatives à ses ventes .

203 Il s' ensuit que la requérante a participé aux négociations organisées en vue de parvenir à un régime de quotas pour l' année 1983 .

204 Quant à la question de savoir si ces négociations ont effectivement abouti en ce qui concerne les deux premiers trimestres de l' année 1983, comme l' affirme la décision ( points 63, troisième alinéa, et 64 ), le Tribunal relève qu' il résulte du compte rendu de la réunion du 1er juin 1983 ( g.g . ann . 40 ) que la requérante a indiqué au cours de cette réunion les chiffres de ses ventes pour le mois de mai, tout comme neuf autres entreprises . On peut lire, par ailleurs, dans le compte rendu d' une réunion interne du groupe Shell du 17 mars 1983 ( g.g . ann . 90 ) que :

"... and would lead to a market share of approaching 12 % and well above the agreed Shell target of 11 %. Accordingly the following reduced sales targets were set and agreed by the integrated companies ."

("... et conduirait à une part de marché qui avoisinerait 12 % et qui serait très supérieure à l' objectif Shell convenu, de 11 %. C' est pourquoi les objectifs de ventes suivants, plus réduits, ont été fixés et convenus par les sociétés du groupe .")

Les nouveaux tonnages sont communiqués, après quoi il est noté que :

"this would be 11.2 % of a market of 395 kt . The situation will be monitored carefully and any change from this agreed plan would need to be discussed beforehand with the other PIMS members ."

(" cela représenterait 11,2 % d' un marché de 395 kt . La situation sera attentivement suivie et tout écart par rapport à ce qui a été ainsi convenu devra faire préalablement l' objet d' une discussion avec les autres membres du PIMS .")

205 A cet égard, le Tribunal constate que c' est à bon droit que la Commission a déduit de la combinaison de ces deux documents que les négociations entre les producteurs avaient conduit à l' instauration d' un régime de quotas . En effet, la note interne du groupe Shell montre que cette entreprise demandait à ses sociétés nationales de vente de réduire leurs ventes, non pour voir diminuer le volume global des ventes du groupe Shell, mais pour limiter à 11 % la part de marché globale de ce groupe . Une telle limitation exprimée en termes de part de marché ne peut s' expliquer que dans le cadre d' un régime de quotas . En outre, le compte rendu de la réunion du 1er juin 1983 constitue un indice supplémentaire de l' existence d' un tel régime, car un échange d' informations relatives aux ventes mensuelles des différents producteurs a pour but premier de contrôler le respect des engagements pris .

206 Il convient de relever enfin que le chiffre de 11 %, comme part de marché pour Shell, figure non seulement dans la note interne de Shell, mais également dans deux autres documents, à savoir, d' une part, une note interne d' ICI dans laquelle cette dernière relève que Shell propose ce chiffre pour elle-même, pour Hoechst et pour ICI ( g.g . ann . 87 ) et, d' autre part, le compte rendu rédigé par ICI d' une réunion du 29 novembre 1982, entre ICI et Shell, durant laquelle la proposition précédente a été rappelée ( g.g . ann . 99 ).

207 Il faut ajouter qu' en raison de l' identité d' objectif des différentes mesures de limitation des volumes de vente - à savoir diminuer la pression exercée sur les prix par l' excès d' offre - c' est à bon droit que la Commission a pu déduire que celles-ci s' inscrivaient dans un système de quotas .

208 Le Tribunal relève, par ailleurs, qu' en participant aux réunions au cours desquelles différents producteurs étaient critiqués lorsqu' ils ne s' en tenaient pas à ce qui avait été convenu, la requérante a pris part à ces critiques et a, par ce biais, exercé des pressions sur ces producteurs .

209 En outre, il y a lieu de faire observer que, pour pouvoir étayer les constatations de fait qui précèdent, la Commission n' a pas eu besoin de recourir à des documents qu' elle n' avait pas mentionnés dans ses communications des griefs ou qu' elle n' avait pas communiqués à la requérante .

210 Il y a lieu de conclure, au vu des considérations qui précèdent, que la Commission a établi à suffisance de droit que la requérante figurait parmi les producteurs de polypropylène entre lesquels sont intervenus des concours de volontés qui portaient sur les objectifs de volumes de vente pour les années 1979, 1980 et la première moitié de l' année 1983 et sur la limitation de leurs ventes mensuelles par référence à une période antérieure pour les années 1981 et 1982 mentionnés dans la décision et qui s' inscrivaient dans un système de quotas .

2 . L' application de l' article 85, paragraphe 1, du traité CEE

A - Qualification juridique

a ) Acte attaqué

211 Selon la décision ( point 81, premier alinéa ), l' ensemble de plans et d' arrangements arrêtés dans le cadre du système des réunions périodiques et institutionnalisées a constitué un "accord" unique et continu au sens de l' article 85, paragraphe 1 .

212 En l' espèce, les producteurs, en souscrivant à un plan commun de régulation des prix et des approvisionnements sur le marché du polypropylène, auraient participé à un accord-cadre qui se serait traduit par une série de sous-accords plus détaillés, élaborés à intervalles périodiques ( décision, point 81, troisième alinéa ).

213 La décision ( point 82, premier alinéa ) poursuit que, dans l' exécution détaillée du plan d' ensemble, un accord exprès a été réalisé sur de nombreux points, comme les initiatives individuelles en matière de prix et les plans annuels de quotas . Parfois, sans doute, les producteurs ne seraient pas parvenus à un consensus sur un projet définitif, comme dans le cas des quotas pour 1981 et 1982 . Toutefois, le fait qu' ils aient arrêté des mesures destinées à combler le vide, y compris l' échange d' informations et la comparaison des ventes mensuelles avec les résultats atteints au cours d' une période de référence antérieure, supposerait non seulement un accord exprès sur l' élaboration et l' application de pareilles mesures, mais indiquerait aussi l' existence d' un accord implicite visant à maintenir, dans toute la mesure du possible, les positions respectives des producteurs .

214 La conclusion selon laquelle il aurait existé un seul accord permanent ne serait aucunement affectée par le fait que certains producteurs, inévitablement, n' aient pas assisté à toutes les réunions . L' étude et la mise en oeuvre d' une "initiative" auraient pris plusieurs mois et une absence occasionnelle n' empêcherait en rien un producteur d' y avoir participé ( décision, point 83, premier alinéa ).

215 Selon la décision ( point 86, premier alinéa ), la mise en oeuvre de l' entente, du fait qu' elle s' appuyait sur un plan commun et détaillé, a constitué un "accord" au sens de l' article 85, paragraphe 1, du traité CEE .

216 La décision ( point 86, deuxième alinéa ) affirme que la notion d' "accord" et celle de "pratique concertée" sont distinctes, mais qu' il arrive que la collusion présente des éléments de l' une et de l' autre forme de coopération illicite .

217 La notion de "pratique concertée" viserait une forme de coordination entre entreprises qui, sans l' avoir poussée jusqu' à la réalisation d' une convention proprement dite, substituent sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence ( décision, point 86, troisième alinéa ).

218 Selon la décision ( point 87, premier alinéa ), en développant une notion de pratique concertée distincte, le traité CEE visait à empêcher que les entreprises ne contournent l' application de l' article 85, paragraphe 1, en s' entendant sur des modalités contraires à la concurrence et non assimilables à un accord définitif, en s' informant, par exemple, mutuellement à l' avance de l' attitude envisagée par chacun, afin qu' il puisse régler son comportement commercial en sachant que ses concurrents agiront de la même manière ( voir l' arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, ICI/Commission, 48/69, Rec . p . 619 ).

219 La Cour aurait soutenu, dans son arrêt du 16 décembre 1975 ( Suiker Unie, 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, Rec . p . 1663 ), que les critères de coordination et de coopération définis par sa jurisprudence, loin d' exiger l' élaboration d' un véritable "plan", doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité CEE relatives à la concurrence et selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu' il entend suivre sur le marché commun . S' il est exact que cette exigence d' autonomie n' exclut pas le droit des entreprises de s' adapter intelligemment au comportement constaté ou escompté de leurs concurrents, elle s' opposerait cependant rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre elles ayant pour objet soit d' influencer le comportement sur le marché d' un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l' on est décidé ou que l' on envisage d' adopter soi-même sur le marché ( décision, point 87, deuxième alinéa ). Un tel comportement pourrait tomber sous le coup de l' article 85, paragraphe 1, en tant que "pratique concertée", même lorsque les parties ne se sont pas entendues au préalable sur un plan commun définissant leur action sur le marché, mais adoptent ou se rallient à des mécanismes collusoires qui facilitent la coordination de leur comportement commercial ( décision, point 87, troisième alinéa, première phrase ).

220 En outre, la décision ( point 87, troisième alinéa, troisième phrase ) relève que, dans une entente complexe, il est possible que certains producteurs n' aient pas toujours exprimé leur consentement formel à une conduite adoptée par les autres, tout en indiquant leur soutien global au plan en question et en agissant en conséquence . A certains égards, la coopération et la collusion constantes des producteurs dans la mise en oeuvre de l' accord d' ensemble pourraient donc revêtir certaines caractéristiques propres à une pratique concertée ( décision, point 87, troisième alinéa, cinquième phrase ).

221 L' importance de la notion de pratique concertée ne résulterait donc pas, selon la décision ( point 87, quatrième alinéa ), tant de la distinction entre une telle pratique et un "accord" que de la distinction entre une collusion qui relève de l' article 85, paragraphe 1, et d' un simple comportement parallèle, en l' absence de tout élément de concertation . Peu importerait, dès lors, la forme précise que le comportement collusoire a revêtu en l' occurrence .

222 La décision ( point 88, premier et deuxième alinéas ) constate que la plupart des producteurs ont prétendu, au cours de la procédure administrative, que leur comportement dans le cadre de soi-disant "initiatives de prix" ne résultait d' aucun "accord" au sens de l' article 85 ( voir décision, point 82 ) et qu' il ne prouve pas davantage l' existence d' une pratique concertée, cette notion supposant des "actes manifestés" sur le marché; or, ceux-ci feraient totalement défaut en l' occurrence, aucune liste de prix et aucun "prix cible" n' ayant jamais été communiqué aux clients . La décision rejette cet argument, car s' il était nécessaire, en l' espèce, de s' appuyer sur l' existence d' une pratique concertée, l' obligation pour les participants de prendre certaines mesures pour réaliser leur objectif commun serait pleinement établie . Les diverses initiatives en matière de prix seraient consignées dans les documents . Il serait également hors de doute que les divers producteurs ont agi parallèlement pour les mettre en oeuvre . Les mesures prises par les producteurs, tant individuellement que collectivement, ressortiraient des documents : comptes rendus de réunions, notes internes, instructions et circulaires aux bureaux de vente et lettres aux clients . Il importerait peu qu' ils aient ou non "publié" des listes de prix . Les instructions de prix en soi fourniraient non seulement la meilleure preuve possible de l' action menée par chaque producteur pour réaliser l' objectif commun, mais aussi, par leur contenu et leur chronologie, la preuve d' une collusion .

b ) Arguments des parties

223 La requérante considère que, au vu de l' évolution de la position de la Commission quant à la qualification juridique de l' infraction, il est nécessaire de délimiter avec précision les notions d' "accord" et de "pratique concertée ". Pour qu' il y ait accord, il serait suffisant que les entreprises participantes parviennent à un accord de volontés sur une pratique restreignant la concurrence, sans qu' il soit nécessaire que cet accord de volontés soit effectivement exécuté . Pour qu' il y ait pratique concertée, il serait, en revanche, nécessaire qu' il y ait une pratique quelconque, c' est-à-dire une action ou une omission des participants imputable à une concertation, ayant des effets sur le marché ou ayant pour objet de produire de tels effets .

224 Selon la requérante, cette différence conceptuelle entre ces deux notions se doublerait d' une différence au niveau de la preuve . Pour prouver un accord, il serait nécessaire d' établir l' accord de volontés des participants . Par contre, pour la pratique concertée, il suffirait d' établir l' existence matérielle de démarches concordantes qui doivent pouvoir être imputées à une concertation dont la preuve incomberait également à la Commission .

225 De l' avis de la requérante, cette délimitation entre "accord" et "pratique concertée" serait particulièrement importante en l' espèce . D' une part, en ce qui concerne l' existence d' accords, la Commission n' aurait pas établi la volonté matérielle ou juridique de BASF de se lier elle-même . En particulier, la Commission affirmant l' existence d' un "accord-cadre", qui serait intervenu en 1977, il lui appartiendrait d' établir de manière probante si, dans quelles conditions et à quelle date BASF se serait engagée dans le cadre d' un tel accord . D' autre part, en ce qui concerne la pratique concertée, dès lors que l' existence de la seule concertation ne suffit pas, il serait nécessaire que la Commission rapporte la preuve d' un comportement uniforme des entreprises sur le marché . Or, cette preuve ferait défaut puisque, comme le montrerait l' audit Coopers et Lybrand, un écart tout à fait considérable entre les prix réellement pratiqués et les objectifs de prix prétendument convenus aurait été observé sur le marché .

226 Par ailleurs, la requérante soutient qu' il n' est pas possible de déduire de la décision si la Commission reproche aux entreprises d' avoir commis une infraction unique à l' article 85, paragraphe 1, du traité CEE, c' est-à-dire si elle leur reproche d' avoir fixé en commun des "prix cibles" et d' avoir tenté de les imposer - les autres comportements ( gestion de clientèle, répartition du marché, etc .) ne tendant qu' à imposer ces "prix cibles" sur le marché - ou si elle considère chacun de ces comportements comme une infraction distincte . Au vu du dispositif de la décision, la requérante considère qu' il y a lieu de se rallier à la seconde interprétation . Toutefois, elle fait remarquer que, quelle que soit l' interprétation retenue, la constatation que l' entreprise ne s' est pas livrée à tel ou tel comportement devrait se traduire par une réduction de l' amende parce qu' une telle constatation entraîne soit une diminution de la gravité de l' infraction générale, soit la disparition d' une des infractions retenues .

227 Selon la Commission, par contre, la question de savoir si une collusion ou une entente doit être qualifiée juridiquement d' accord ou de pratique concertée au sens de l' article 85 du traité CEE ou si cette collusion comporte des éléments de l' un et de l' autre, revêt une importance négligeable . En effet, la Commission expose que les termes "accord" et "pratique concertée" englobent les différents types d' arrangements par lesquels des concurrents, au lieu de déterminer en toute indépendance leur ligne de conduite concurrentielle future, s' imposent mutuellement une limitation de leur liberté d' action sur le marché à partir de contacts directs ou indirects entre eux .

228 La Commission soutient que l' utilisation des différents termes dans l' article 85 a pour objet d' interdire toute la gamme d' arrangements collusoires et non de préciser un traitement différent pour chacun d' eux . Par conséquent, la question de savoir où tracer une ligne de démarcation entre des termes qui ont pour objectif d' appréhender l' ensemble des comportements interdits serait sans pertinence . La ratio legis de l' introduction dans l' article 85 de la notion de "pratique concertée" consisterait à viser, à côté des accords, des types de collusion qui ne reflètent qu' une forme de coordination de fait ou une coopération pratique et qui sont néanmoins susceptibles de fausser la concurrence ( arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, 48/69, précité, points 64 à 66 ).

229 Elle fait valoir qu' il ressort de la jurisprudence de la Cour ( arrêt du 16 décembre 1975, 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, précité, points 173 et 174 ) qu' il s' agit de s' opposer à toute prise de contact, directe ou indirecte, entre des opérateurs, ayant pour objet ou pour effet soit d' influencer le comportement sur le marché d' un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l' on est décidé à, ou que l' on envisage de, tenir soi-même sur le marché . L' existence d' une pratique concertée se situerait donc déjà au niveau du contact entre concurrents, préalable à tout comportement de leur part sur le marché .

230 Pour la Commission, il y a pratique concertée dès qu' il y a concertation ayant pour objet de restreindre l' autonomie des entreprises les unes par rapport aux autres, et ce même si aucun comportement effectif n' a été constaté sur le marché . Selon la Commission, le débat porte sur le sens du mot "pratique ". Elle s' oppose à la thèse suggérée par BASF selon laquelle ce mot a le sens étroit de "comportement sur le marché ". Ce mot pourrait, de l' avis de la Commission, couvrir le simple fait de participer à des contacts pour autant que ceux-ci aient pour objet de restreindre l' autonomie des entreprises .

231 Elle ajoute que si l' on exigeait les deux éléments - concertation et comportement sur le marché - pour qu' il y ait pratique concertée, comme le fait BASF, cela conduirait à laisser hors du champ d' application de l' article 85 toute une gamme de pratiques qui ont pour objet, mais pas nécessairement pour effet, de fausser la concurrence sur le marché commun . On aboutirait ainsi à mettre en échec une partie de la portée de l' article 85 . En outre, cette thèse ne serait pas conforme à la jurisprudence de la Cour relative à la notion de pratique concertée ( arrêt du 14 juillet 1972, 48/69, précité, point 66; arrêt du 16 décembre 1975, 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, précité, point 26, et arrêt du 14 juillet 1981, Zuechner, point 14, 172/80, Rec . p . 2021 ). Si cette jurisprudence mentionne chaque fois des pratiques sur le marché, ce ne serait pas comme élément constitutif de l' infraction, comme le soutient la requérante, mais bien comme élément de fait à partir duquel la concertation peut être induite . Selon cette jurisprudence, aucun comportement effectif sur le marché ne serait requis . Seule serait requise une prise de contact entre opérateurs économiques, caractéristique de leur renoncement à leur nécessaire autonomie .

232 Pour la Commission, il n' est donc pas besoin, pour qu' il y ait infraction à l' article 85, que les entreprises aient mis en pratique ce sur quoi elles se sont concertées . Ce qui est répréhensible au sens de l' article 85, paragraphe 1, existerait pleinement dès que l' intention de substituer une coopération aux risques de la concurrence se trouve matérialisée dans une concertation, sans que nécessairement il y ait, après coup, des comportements sur le marché pouvant être constatés .

233 La Commission en déduit, au niveau de la preuve, que l' accord et la pratique concertée peuvent être prouvés à l' aide de preuves directes et indirectes . En l' espèce, elle n' aurait pas eu besoin de recourir à des preuves indirectes, comme le parallélisme de comportement sur le marché, puisqu' elle disposait des éléments de preuve directe de la collusion que sont, notamment, les comptes rendus de réunions .

234 La Commission conclut en soulignant qu' elle était en droit de qualifier l' infraction constatée en l' espèce, à titre principal, d' accord et, à titre subsidiaire et en tant que de besoin, de pratique concertée .

235 A cet égard, la Commission souligne encore que l' infraction n' a pas consisté en une série d' actes indépendants les uns des autres . Les différentes mesures prises dans le cadre de l' infraction ( en matière de prix, de quotas, d' "account leadership", etc .) ne seraient que les différentes facettes d' un seul et même ensemble .

c ) Appréciation du Tribunal

236 Il y a lieu de constater que, contrairement aux affirmations de la requérante, la Commission a qualifié chaque élément de fait retenu à l' encontre de la requérante soit d' accord, soit de pratique concertée au sens de l' article 85, paragraphe 1, du traité CEE . En effet, il résulte d' une lecture combinée des points 80, deuxième alinéa, 81, troisième alinéa, et 82, premier alinéa, de la décision que la Commission a qualifié, à titre principal, d' "accord" chacun de ces différents éléments .

237 De la même manière, il résulte d' une lecture combinée des points 86, deuxième et troisième alinéas, 87, troisième alinéa, et 88 de la décision que la Commission a qualifié, à titre subsidiaire, de "pratiques concertées", les éléments de l' infraction lorsque ceux-ci soit ne permettaient pas de conclure que les parties s' étaient entendues au préalable sur un plan commun définissant leur action sur le marché, mais avaient adopté ou s' étaient ralliées à des mécanismes collusoires qui facilitaient la coordination de leurs politiques commerciales; soit ne permettaient pas d' établir, en raison du caractère complexe de l' entente, que certains producteurs avaient exprimé leur consentement formel à une conduite adoptée par les autres, tout en indiquant leur soutien global au plan en question et en agissant en conséquence . Ainsi, la décision conclut qu' à certains égards la coopération et la collusion constantes des producteurs dans la mise en oeuvre d' un accord d' ensemble peuvent revêtir certaines caractéristiques propres à une pratique concertée .

238 Le Tribunal constate que, dès lors qu' il ressort de la jurisprudence de la Cour que, pour qu' il y ait accord, au sens de l' article 85, paragraphe 1, du traité CEE, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d' une manière déterminée ( voir les arrêts du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, point 112, 41/69, Rec . p . 661; et du 29 octobre 1980, Heintz van Landewyck/Commission, point 86, 209/78 à 215/78 et 218/78, Rec . p . 3125 ), la Commission était en droit de qualifier d' accords au sens de l' article 85, paragraphe 1, du traité CEE, les concours de volontés intervenus entre la requérante et d' autres producteurs de polypropylène qu' elle a établis à suffisance de droit et qui portaient sur des initiatives de prix, des mesures destinées à faciliter la mise en oeuvre des initiatives de prix, des objectifs de volumes de vente pour les années 1979 et 1980 et pour la première moitié de l' année 1983, ainsi que sur des mesures de limitation des ventes mensuelles par référence à une période antérieure pour les années 1981 et 1982 .

239 En outre, c' est à bon droit que la Commission, ayant établi à suffisance de droit que les effets des initiatives de prix ont continué jusqu' en novembre 1983, a considéré que l' infraction s' est poursuivie jusqu' en novembre 1983 au moins . En effet, il ressort de la jurisprudence de la Cour que l' article 85 est également applicable aux accords qui ont cessé d' être en vigueur, mais qui poursuivent leurs effets au-delà de leur cessation formelle ( arrêt du 3 juillet 1985, Binon, point 17, 243/83, Rec . p . 2015 ).

240 En vue de définir la notion de pratique concertée, il y a lieu de se référer à la jurisprudence de la Cour, dont il ressort que les critères de coordination et de coopération qu' elle a posés précédemment doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité CEE relatives à la concurrence et selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu' il entend suivre sur le marché commun . Si cette exigence d' autonomie n' exclut pas le droit des opérateurs économiques de s' adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s' oppose rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre de tels opérateurs, ayant pour objet ou pour effet soit d' influencer le comportement sur le marché d' un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l' on est décidé à, ou que l' on envisage de, tenir soi-même sur le marché ( arrêt du 16 décembre 1975, 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, précité, points 173 et 174 ).

241 En l' espèce, la requérante a participé à des réunions ayant pour objet la fixation d' objectifs de prix et de volumes de vente, réunions au cours desquelles étaient échangées entre concurrents des informations sur les prix qu' ils souhaitaient voir pratiquer sur le marché, sur les prix qu' ils envisageaient de pratiquer, sur leur seuil de rentabilité, sur les limitations des volumes de vente qu' ils jugeaient nécessaires, sur leurs chiffres de vente ou sur l' identité de leurs clients . Par sa participation à ces réunions, elle a pris part, avec ses concurrents, à une concertation ayant pour objet d' influencer leur comportement sur le marché et de dévoiler le comportement que chaque producteur envisageait d' adopter lui-même sur le marché .

242 Ainsi, la requérante a non seulement poursuivi le but d' éliminer par avance l' incertitude relative au comportement futur de ses concurrents, mais elle a nécessairement dû prendre en compte, directement ou indirectement, les informations obtenues au cours de ces réunions pour déterminer la politique qu' elle entendait suivre sur le marché . De même, ses concurrents ont nécessairement dû prendre en compte, directement ou indirectement, les informations que leur a dévoilées la requérante sur le comportement qu' elle avait décidé ou qu' elle envisageait d' adopter elle-même sur le marché, pour déterminer la politique qu' ils entendaient suivre .

243 Il s' ensuit que c' est à bon droit que, en raison de leur objet, la Commission a pu qualifier, à titre subsidiaire, de pratiques concertées au sens de l' article 85, paragraphe 1, du traité CEE, les réunions périodiques de producteurs de polypropylène auxquelles a participé la requérante entre la fin de l' année 1978 ou le début de l' année 1979 et septembre 1983 .

244 Quant à la question de savoir si la Commission était en droit de conclure à l' existence d' une infraction unique, qualifiée à l' article 1er de la décision d' "un accord et une pratique concertée", le Tribunal rappelle que les différentes pratiques concertées observées et les différents accords conclus s' inscrivaient, en raison de leur identité d' objet, dans des systèmes de réunions périodiques, de fixation d' objectifs de prix et de quotas .

245 Il faut souligner que ces systèmes s' inscrivaient dans une série d' efforts des entreprises en cause poursuivant un seul but économique, à savoir fausser l' évolution normale des prix sur le marché du polypropylène . Il serait donc artificiel de subdiviser ce comportement continu, caractérisé par une seule finalité, en y voyant plusieurs infractions distinctes . En effet, la requérante a pris part - pendant des années - à un ensemble intégré de systèmes qui constituent une infraction unique qui s' est progressivement concrétisée tant par des accords que par des pratiques concertées illicites .

246 Il importe de relever que la Commission était, en outre, en droit de qualifier cette infraction unique d' "un accord et une pratique concertée", dans la mesure où cette infraction comportait à la fois des éléments devant être qualifiés d' "accords" et des éléments devant être qualifiés de "pratiques concertées ". En effet, face à une infraction complexe, la double qualification opérée par la Commission à l' article 1er de la décision doit être comprise non comme une qualification exigeant simultanément et cumulativement la preuve que chacun de ces éléments de fait présente les éléments constitutifs d' un accord et d' une pratique concertée, mais bien comme désignant un tout complexe comportant des éléments de fait, dont certains ont été qualifiés d' accords et d' autres de pratiques concertées au sens de l' article 85, paragraphe 1, du traité CEE, lequel ne prévoit pas de qualification spécifique pour ce type d' infraction complexe .

247 Par conséquent, le grief de la requérante doit être rejeté .

B - Responsabilité collective

a ) Acte attaqué

248 La décision ( point 83, premier alinéa ) affirme que la conclusion selon laquelle il aurait existé un seul accord permanent n' est aucunement affectée par le fait que certains producteurs, inévitablement, n' aient pas assisté à toutes les réunions . L' étude et la mise en oeuvre d' une "initiative" prenaient plusieurs mois et une absence occasionnelle n' empêcherait en rien un producteur d' y avoir participé . En toute hypothèse, il aurait été de pratique courante d' informer les absents des décisions prises aux réunions . Toutes les entreprises destinataires de la présente décision auraient pris part à la conception de plans d' ensemble et aux discussions consacrées à des points de détail et leur degré de responsabilité ne serait pas atténué du fait de leur absence occasionnelle lors d' une session déterminée ( ou dans le cas de Shell, lors de toutes les sessions plénières ).

249 La décision ( point 83, deuxième alinéa ) ajoute que l' essence même de la présente affaire réside dans une association des producteurs pendant un laps de temps considérable afin de réaliser un objectif commun et que chaque participant doit assumer la responsabilité découlant non seulement de son rôle direct, mais aussi de l' exécution de l' accord dans son ensemble . Le degré de participation de chaque producteur ne serait donc pas déterminé en fonction de la période pour laquelle ses instructions de prix ont été retrouvées lors des vérifications, mais pour toute la période de son adhésion à l' initiative commune .

250 Cette considération s' appliquerait même à Anic et à Rhône-Poulenc qui ont quitté le secteur du polypropylène avant la date des vérifications de la Commission . Aucune instruction de prix aux bureaux de vente n' aurait pu être recueillie pour ces deux entreprises . Leur présence aux réunions et leur participation aux objectifs de volumes et aux plans de quotas ressortirait cependant des documents retrouvés . L' accord devrait être considéré dans son ensemble et la participation de ces entreprises serait établie même en l' absence d' instructions qu' elles auraient données en matière de prix ( décision, point 83, troisième alinéa ).

b ) Arguments des parties

251 La requérante reproche à la Commission de s' être fondée sur une méthode de preuve basée sur des présomptions et non sur des faits . Plutôt que d' établir que le comportement de BASF elle-même a constitué une infraction au droit des ententes, la Commission se serait bornée à indiquer que d' autres entreprises ont eu un comportement interdit et à en déduire que BASF elle-même a dû se comporter de la même manière . Ainsi, la Commission imputerait à la requérante une responsabilité collective .

252 La Commission répond que l' existence d' un accord-cadre peut être déduite du fait que tous les producteurs se sont mis d' accord sur un système de réunions institutionnalisées en vue de discuter leurs stratégies commerciales . Cet accord-cadre aurait été complété par des sous-accords portant sur des mesures concrètes . L' infraction à l' article 85, paragraphe 1, du traité CEE résiderait dans la combinaison de l' accord-cadre et des différents sous-accords . Dans ces conditions, il n' y aurait pas lieu, selon la Commission, de prouver spécifiquement la participation de la requérante à chaque action particulière, puisqu' il s' agirait d' une entente unique où tous les participants peuvent se voir imputer les actions des autres parties prenantes comme s' il s' agissait des leurs .

253 La Commission ajoute que les infractions à l' article 85, paragraphe 1, du traité CEE sont de celles qui ne peuvent être commises que par plusieurs parties agissant de concert . Il en résulterait qu' il convient d' imputer à chaque partie sa contribution à l' infraction des autres participants .

c ) Appréciation du Tribunal

254 Il résulte des appréciations du Tribunal relatives aux constatations de fait et à la qualification juridique opérées par la Commission que celle-ci a apporté à suffisance de droit la preuve de la réunion dans le chef de la requérante de chacun des éléments constitutifs de l' infraction retenue à son encontre dans la décision et que, dès lors, elle ne lui a pas imputé la responsabilité du comportement d' autres producteurs .

255 A cet égard, il convient de préciser que le point 83, deuxième et troisième alinéas, de la décision ne contredit pas cette constatation, puisqu' il vise principalement à justifier l' établissement de l' infraction dans le chef d' entreprises pour lesquelles la Commission n' a pas retrouvé d' instructions de prix pour toute la durée de leur participation au système de réunions périodiques .

256 Par conséquent, le grief doit être rejeté .

3 . Conclusion

257 Il résulte de tout ce qui précède que les constatations de fait opérées par la Commission à l' encontre de la requérante pour la période antérieure à la fin de l' année 1978 ou au début de l' année 1979 n' ayant pas été établies à suffisance de droit, l' article 1er de la décision doit être annulé en ce qu' il constate que la participation de la requérante à l' infraction remonte à un moment indéterminé se situant dans cette période . Pour le surplus, les griefs de la requérante relatifs aux constatations de fait et à l' application de l' article 85, paragraphe 1, du traité CEE opérées par la Commission dans l' acte attaqué doivent être rejetés .

Sur l' amende

258 La requérante reproche à la décision d' avoir violé l' article 15 du règlement n 17 en n' ayant pas adéquatement apprécié la durée et la gravité de l' infraction retenue à son encontre .

1 . La durée de l' infraction

259 La requérante fait valoir que, pour fixer le montant de l' amende, la Commission n' a pas correctement pris en compte la durée de sa participation à l' infraction, qui aurait été beaucoup plus courte que celle alléguée par la Commission .

260 La Commission expose qu' elle a correctement tenu compte de la durée de l' infraction pour fixer le montant de l' amende .

261 Le Tribunal constate qu' il résulte de ses appréciations relatives à l' établissement de l' infraction par la Commission que la durée de l' infraction constatée à l' encontre de la requérante a été plus courte que celle constatée dans la décision, puisqu' elle a débuté à partir de la fin de l' année 1978 ou du début de l' année 1979 et non à un moment indéterminé entre 1977 et 1979 . Toutefois, il résulte de ces mêmes appréciations que c' est à bon droit que la Commission a considéré que l' infraction a continué jusqu' en novembre 1983 .

262 Il s' ensuit qu' à ce titre le montant de l' amende infligée à la requérante doit être réduit .

2 . La gravité de l' infraction

A - Le rôle limité de la requérante

263 La requérante souligne que la Commission a retenu contre elle et a abusivement considéré comme établies certaines pratiques qui ne constituent pas des infractions à l' article 85, paragraphe 1, du traité CEE, mais qui - si elles avaient existé - auraient, selon la Commission, favorisé ou facilité des infractions à cette disposition . La Commission en aurait tiré des conclusions sur l' intensité de la participation de BASF aux prétendues infractions . Or, ces pratiques reprochées à BASF auraient visiblement été déterminantes dans le calcul de l' amende . La preuve qu' elle n' a pas participé à celles-ci devrait, par conséquent, entraîner une révision de l' amende .

264 Elle précise que c' est à tort que la Commission lui reproche d' avoir sciemment tenté de dissimuler l' objectif des réunions en indiquant, dans le décompte des frais de déplacement de ses salariés, un autre objectif que l' objectif réel du voyage . En fait, selon la requérante, le but indiqué dans le décompte des frais de déplacement en question était exact, même s' il n' était pas le seul . Elle n' aurait jamais eu l' intention d' induire la Commission en erreur sur le but des déplacements de ses employés .

265 La requérante soutient que c' est à tort également que la Commission a relevé que les entreprises s' exposaient, en cas de dépassement des quotas, aux pressions éventuelles d' autres producteurs sous forme de critiques . Aucun compte rendu de réunion ne ferait apparaître l' existence de critiques à l' égard des entreprises ayant dépassé leurs prétendus quotas . Rien n' indiquerait non plus que BASF ait utilisé la critique comme moyen d' exercer une pression sur les autres producteurs . Enfin, et en tout état de cause, la Commission n' aurait pas rapporté la preuve que ces prétendues critiques auraient effectivement eu une influence sur le comportement des entreprises qui en étaient l' objet .

266 La requérante nie également avoir joué le rôle de porte-parole des producteurs allemands et conteste les preuves avancées par la Commission à cet égard .

267 Enfin, elle rappelle qu' une amende ne peut lui être infligée que s' il est établi que son propre comportement a constitué une infraction au droit des ententes . Elle ajoute que la thèse de la responsabilité collective ne peut être admise notamment parce qu' elle aurait pour résultat d' enlever toute signification au critère de la "gravité de l' infraction" en vue de la détermination du montant de l' amende . Par conséquent, le seul élément restant serait la participation de BASF à des réunions pendant une période plus courte que celle alléguée par la Commission .

268 La Commission se réfère, de son côté, à ses arguments relatifs à l' établissement de l' infraction pour soutenir que l' amende infligée doit être maintenue .

269 Elle expose, en outre, que la dissimulation du but des réunions peut certes être expliquée par d' autres motifs, mais qu' elle prouve que la requérante était consciente de l' illicéité de ses agissements .

270 En ce qui concerne l' exercice de pressions sur les autres producteurs, elle estime que les comptes rendus de réunions dont elle dispose, comme celui de la réunion du 2 décembre 1982 ( g.g . ann . 33 ), ainsi que la réponse d' ICI à la demande de renseignements ( g.g . ann . 8 ) font clairement ressortir que les prix et les volumes effectivement réalisés étaient en permanence comparés avec les prix et les volumes "cibles" et que le non-respect des accords conclus entraînait des critiques, notamment de la part des producteurs allemands, ce qui aurait conduit à des pressions . BASF aurait appuyé ces actions en tant que participante à l' entente et devrait, par conséquent, en supporter la responsabilité comme s' il s' agissait d' un comportement individuel .

271 Enfin, la Commission se base sur le compte rendu, rédigé par un employé d' ICI, d' un entretien téléphonique avec un employé de BASF, daté du 14 octobre 1982 ( g.g . ann . 83 ), pour affirmer que BASF aurait été le porte-parole des producteurs allemands .

272 Le Tribunal constate qu' il résulte de ses appréciations relatives à l' établissement de l' infraction que la Commission a correctement établi le rôle joué par la requérante dans l' infraction à partir de la fin de l' année 1978 ou du début de l' année 1979 et que c' est donc à bon droit que la Commission s' est basée sur ce rôle pour calculer l' amende à infliger à la requérante .

273 En outre, il convient de rejeter comme non fondés en fait les arguments spécifiques avancés par la requérante pour étayer son affirmation selon laquelle elle aurait joué un rôle plus limité que celui qui lui est imputé dans la décision . En premier lieu, la dissimulation du but des voyages entrepris par les représentants de la requérante participant aux réunions périodiques de producteurs de polypropylène a objectivement contribué à préserver le caractère strictement secret de ces réunions . En second lieu, le Tribunal rappelle qu' il a constaté que, dans le cadre du contrôle, effectué lors des réunions, de la mise en oeuvre des objectifs de volumes de vente, des critiques ont été formulées à l' encontre de ceux qui ne respectaient pas les engagements pris . Il était donc parfaitement légitime pour la Commission de considérer que tous les participants aux réunions au cours desquelles ces critiques ont été émises, en portent la responsabilité . En troisième lieu, le Tribunal constate que c' est à bon droit que la Commission a estimé que le représentant de la requérante a agi en tant que porte-parole des producteurs allemands, puisque l' on peut lire dans une note relative à une conversation téléphonique entre ce représentant et un représentant d' ICI, datée du 14 octobre 1982 ( g.g . ann . 83 ), que :

"A . phoned to give me his company' s figure for September sales + to pass on the German producers' view of how the market might be shared in 1983 ."

(" A . m' a téléphoné pour me communiquer les chiffres des ventes de sa société pour le mois de septembre et m' informer du point de vue des producteurs allemands sur la manière de répartir le marché en 1983 .")

274 Il s' ensuit que le grief doit être rejeté .

B - La prise en compte de la situation déficitaire du marché

275 La requérante invoque, comme circonstance atténuante, le fait que pendant une très longue période les producteurs ont subi des pertes substantielles dans l' exploitation du secteur du polypropylène . Si une situation déficitaire ne constitue pas une justification à la conclusion d' accords contraires au droit de la concurrence, elle devrait cependant avoir une influence décisive sur la fixation d' éventuelles amendes . D' autant qu' il serait établi que les acheteurs ont profité de prix tout à fait avantageux et que les producteurs visés par la décision ont simplement tenté, sans succès, de réduire leurs pertes . La requérante reconnaît que la Commission a laissé entendre dans la décision ( point 108, dernier alinéa ) qu' elle considérait les pertes subies par les producteurs comme étant de nature à modérer le montant des amendes . Mais, ni les motifs de la décision ni son dispositif ne permettraient d' apprécier dans quelle mesure cette modération est intervenue, alors que la Commission a imposé les plus fortes amendes jamais infligées au titre de l' article 85, paragraphe 1, du traité CEE .

276 La Commission affirme qu' elle a déjà tenu compte des pertes subies par les producteurs comme circonstance atténuante ( décision, point 108 ). Elle estime, par conséquent, que les amendes sont justifiées, d' autant plus qu' il serait exagéré de parler de pertes ruineuses puisque, dès 1982, le déséquilibre entre l' offre et la demande aurait été résorbé, ce qui aurait conduit Solvay à proposer de supprimer les réunions de producteurs lors de la réunion du 13 mai 1982 ( g.g . ann . 24 ).

277 Le Tribunal considère que, pour apprécier ce grief, il convient d' analyser au préalable la manière dont la Commission a déterminé le montant de l' amende infligée à la requérante .

278 Le Tribunal constate que la Commission a, d' une part, défini les critères destinés à fixer le niveau général des amendes infligées aux entreprises destinataires de la décision ( point 108 de la décision ) et qu' elle a, d' autre part, défini les critères destinés à pondérer équitablement les amendes infligées à chacune de ces entreprises ( point 109 de la décision ).

279 Le Tribunal considère que les critères repris au point 108 de la décision justifient amplement le niveau général des amendes infligées aux entreprises destinataires de la décision . A cet égard, il convient de souligner spécialement le caractère patent de l' infraction à l' article 85, paragraphe 1, du traité CEE et en particulier sous a ), b ) et c ), que n' ignoraient pas les producteurs de polypropylène, lesquels ont agi de propos délibéré et dans le plus grand secret .

280 Le Tribunal considère également que les quatre critères mentionnés au point 109 de la décision sont pertinents et suffisants en vue d' arriver à une pondération équitable des amendes infligées à chaque entreprise .

281 Dans ce contexte, il faut constater que la Commission n' avait pas à individualiser ni à préciser la manière dont elle avait tenu compte des pertes substantielles qu' auraient subies les différents producteurs dans le secteur du polypropylène, dans la mesure où il s' agit d' un des éléments, mentionnés au point 108 de la décision, ayant concouru à la détermination du niveau général des amendes que le Tribunal a jugé justifié .

282 Il s' ensuit que le grief formulé par la requérante ne peut être accueilli .

C - La prise en compte des effets de l' infraction

283 La requérante fait valoir que, en confondant l' opinion que les participants ont pu avoir de l' utilité de leurs réunions avec les conséquences effectives de celles-ci, la Commission n' a pas correctement apprécié les effets de l' infraction . En l' espèce, contrairement à ce qui serait soutenu sans la moindre preuve par la Commission, les utilisateurs industriels de polypropylène n' auraient subi aucun préjudice du fait de la prétendue entente dénoncée par la Commission . En effet, il ressortirait d' une expertise du professeur Albach, de l' université de Bonn, que les prix effectivement atteints sur le marché correspondaient à ceux auxquels on pouvait s' attendre sur la base des données du marché existant et qu' ils ont donc été le résultat d' un processus concurrentiel et non d' un accord . Il ressortirait de la même étude que ce ne sont pas les objectifs de prix qui étaient déterminants dans la formation des prix du marché, mais au contraire, que ce sont les prix du marché qui étaient déterminants dans la formation des objectifs de prix . Cette étude prouverait aussi que l' on enregistre des écarts de prix considérables entre les prix pratiqués vis-à-vis d' un même acheteur au cours du même mois . La requérante ajoute que les critiques adressées par la Commission à l' étude du professeur Albach sont soit dépourvues de toute pertinence, soit contredites par une nouvelle expertise effectuée par le même professeur . Enfin, la requérante souligne que l' analyse de ce dernier est confirmée par l' audit Coopers et Lybrand qui portait sur les prix pratiqués par les différents producteurs . Elle conclut que, eu égard aux lourdes pertes subies par les producteurs pendant des années, les affirmations de la Commission apparaissent totalement fantaisistes .

284 La Commission rappelle qu' elle a exposé de façon très nuancée les effets de l' entente et a reconnu que celle-ci n' avait que partiellement atteint ses objectifs ( décision, points 91 et 92 ). Cependant, l' entente ne serait pas restée entièrement sans effet . A propos du rapport du professeur Albach, la Commission note qu' en l' état actuel des connaissances acquises par la science économique il ne serait pas possible de calculer ou de simuler des prix concurrentiels . En outre, cette étude se limiterait au marché allemand . Enfin, le calcul du prix de revient du polypropylène utilisé dans l' expertise à des fins de comparaison n' aurait aucune valeur, notamment en ce qu' il serait impossible de répartir avec précision les frais généraux des différents secteurs d' une même entreprise comme BASF . La nouvelle étude produite par le même expert se heurterait, de l' avis de la Commission, aux mêmes objections, notamment sur le plan de la méthode .

285 Le Tribunal constate que la Commission a distingué deux types d' effets de l' infraction . Le premier consiste dans le fait que, après avoir convenu des prix cibles au cours des réunions, les producteurs ont tous invité leurs services de vente à réaliser ce niveau de prix, les "cibles" servant ainsi de base à la négociation des prix avec les clients . Cela a permis à la Commission de conclure qu' en l' espèce tout indique que l' accord a bien eu un effet sensible sur les conditions de la concurrence ( décision, point 74, deuxième alinéa, renvoyant au point 90 ). Le second type d' effets de l' infraction consiste dans le fait que l' évolution des prix facturés aux divers clients, comparée aux objectifs de prix fixés au cours d' initiatives de prix déterminées, concorde avec le compte rendu de la mise en oeuvre desdites initiatives de prix, tel qu' il ressort des documents découverts chez ICI et chez d' autres producteurs ( décision, point 74, sixième alinéa ).

286 Il y a lieu de relever que le premier type d' effets a été établi à suffisance de droit par la Commission, à partir des nombreuses instructions de prix données par les différents producteurs, instructions qui concordent entre elles ainsi qu' avec les objectifs de prix fixés lors des réunions, lesquelles étaient manifestement destinées à servir de base pour négocier les prix avec les clients .

287 En ce qui concerne le second type d' effets, il y a lieu de relever, d' une part, que la Commission n' avait pas de raison de douter de l' exactitude des analyses effectuées par les producteurs eux-mêmes au cours de leurs réunions ( voir notamment les comptes rendus des réunions des 21 septembre, 6 octobre, 2 novembre et 2 décembre 1982, g.g . ann . 30 à 33 ), qui montrent que les objectifs de prix définis au cours des réunions étaient dans une large mesure traduits sur le marché, et, d' autre part, que si l' audit Coopers et Lybrand ainsi que les études économiques commandées par certains producteurs devaient permettre d' établir le caractère erroné des analyses effectuées par les producteurs eux-mêmes au cours de leurs réunions, cette constatation ne serait pas de nature à conduire à une réduction de l' amende, dans la mesure où la Commission a indiqué au point 108, dernier tiret, de la décision, qu' elle s' était fondée, pour modérer le montant des peines, sur le fait que les initiatives en matière de prix n' avaient généralement pas atteint pleinement leur but et qu' il n' existait, finalement, aucune mesure de contrainte susceptible d' assurer le respect des quotas ou d' autres arrangements .

288 Les motifs de la décision relatifs à la détermination du montant des amendes devant être lus à la lumière des autres motifs de la décision, il convient de considérer que la Commission a, à juste titre, entièrement pris en compte le premier type d' effets et qu' elle a tenu compte du caractère limité du second type d' effets . A cet égard, il y a lieu de relever que la requérante n' a pas indiqué dans quelle mesure cette prise en compte du caractère limité de ce second type d' effets pour modérer le montant des amendes aurait été insuffisante .

289 Il s' ensuit que le grief doit être rejeté .

D - La prise en compte des livraisons de la requérante dans la Communauté

290 Lors de l' audience, la requérante a soutenu que les chiffres relatifs au volume de ses ventes dans la Communauté, dont la Commission affirme, en réponse à une question posée par le Tribunal, avoir tenu compte en vue de la fixation du montant des amendes, seraient inexacts parce que la Commission lui a imputé 100 % du chiffre d' affaires de l' entreprise ROW, alors que la requérante ne participerait qu' à concurrence de 50 % au résultat des ventes de cette entreprise .

291 Le Tribunal constate que la requérante affirme, dans une lettre déposée au greffe du Tribunal le 9 janvier 1991, en réponse à des documents déposés par la Commission le 27 décembre 1990 au greffe du Tribunal, qu' il est apparu pour la première fois dans la réponse de la Commission à une question posée par le Tribunal que la Commission a imputé à la requérante 100 % du chiffre d' affaires de l' entreprise ROW et qu' elle a calculé le montant de l' amende en conséquence, sans que la décision contienne la moindre indication sur la prise en compte des résultats de la requérante dans le cadre de la fixation de l' amende .

292 Il suffit de relever que les chiffres produits par la Commission dans ses documents déposés le 27 décembre 1990 portent sur les livraisons de la requérante dans la Communauté pour l' année 1982 et qu' en conséquence ils incluent la totalité des livraisons faites par l' entreprise ROW, dont la requérante commercialisait toute la production . A cette occasion, la Commission a indiqué dans une note que la totalité de ces livraisons était incluse dans les tableaux relatifs aux quotas .

293 Il convient de souligner que, dans sa lettre déposée le 9 janvier 1991, la requérante n' a pas contredit la teneur de cette note et qu' il ressort de l' ensemble des tableaux relatifs aux objectifs de volumes de vente, annexés à la communication générale des griefs, que les livraisons de l' entreprise ROW ont été systématiquement et indistinctement prises en compte dans les aspirations de BASF, dans les quotas qui lui ont été attribués et dans les chiffres relatifs au volume de ses ventes qu' elle a fournis lors des réunions .

294 Par ailleurs, il importe de faire remarquer que la requérante n' a pas indiqué en quoi le fait qu' elle n' était actionnaire de l' entreprise ROW qu' à concurrence de 50 %, alors qu' elle commercialisait la totalité de sa production, devrait avoir pour conséquence qu' il ne faille tenir compte des livraisons de l' entreprise ROW dans la Communauté qu' à concurrence de 50 % pour la fixation des amendes .

295 Il s' ensuit que la Commission a raisonnablement pu tenir compte de la totalité des ventes de l' entreprise ROW pour déterminer les livraisons de la requérante dans la Communauté, en vue de fixer le montant de l' amende infligée à la requérante .

296 Il résulte de tout ce qui précède que l' amende infligée à la requérante est adéquate à la gravité de la violation des règles communautaires de la concurrence constatée à l' encontre de la requérante, mais qu' elle doit être réduite en raison de la durée moindre de cette violation . Cette réduction doit être limitée à 15 %, puisque, d' une part, la Commission a déjà tenu compte, pour déterminer le montant des amendes, du fait que le mécanisme d' application de l' infraction n' a été entièrement établi que vers le début de l' année 1979 ( décision, point 105, dernier alinéa ) et que, d' autre part, éprouvant un doute quant à la date précise du début de la participation de la requérante à l' infraction, elle n' a pas pu prendre lourdement en compte la période en cause en vue de la fixation de l' amende infligée à la requérante .

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

297 Aux termes de l' article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s' il est conclu en ce sens . Toutefois, selon le paragraphe 3 du même article, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs . Le recours ayant été partiellement accueilli et les parties ayant l' une et l' autre conclu à la condamnation de l' autre aux dépens, la requérante supportera, outre ses propres dépens, la moitié de ceux de la Commission, qui en supportera elle-même la moitié .

Dispositif


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL ( première chambre )

déclare et arrête :

1 ) L' article 1er, septième tiret, de la décision de la Commission, du 23 avril 1986 ( IV/31.149-Polypropylène, JO L 230, p . 1 ), pour autant qu' il déclare que BASF a participé à l' infraction à partir d' un moment indéterminé entre 1977 et 1979, et non à partir de la fin de l' année 1978 ou du début de l' année 1979, est annulé .

2 ) Le montant de l' amende infligée à la requérante à l' article 3 de cette décision est fixé à 2 125 000 écus, soit 4 557 891,25 DM .

3 ) Le recours est rejeté pour le surplus .

4 ) La requérante supportera ses propres dépens et la moitié des dépens de la Commission . La Commission supportera l' autre moitié de ses propres dépens .