présenté dans l'affaire C-348/89 ( *1 )
I — Cadre juridique
1. |
La demande introduite auprès du Tribunal Fiscal Aduaneiro do Porto a pour objet le contrôle de la légalité d'un recouvrement a posteriori de droits à l'importation qui n'ont pas été exigés du redevable, pour des marchandises déclarées pour un régime douanier comportant l'obligation de payer de tels droits. |
2. |
L'article 2, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement (CEE) n° 1697/79 dispose que, « lorsque les autorités compétentes constatent que tout ou partie du montant des droits à l'importation ... légalement dus pour une marchandise déclarée pour un régime douanier comportant l'obligation de payer de tels droits n'a pas été exigé du redevable, elles engagent une action en recouvrement des droits non perçus ». Cette disposition formule le principe général de l'obligation de recouvrer les droits légalement dus et non perçus. Sa justification figure dans la motivation du règlement selon laquelle le « caractère essentiellement économique des droits à l'importation ou des droits à l'exportation en vigueur dans la Communauté » (premier considérant) n'est pas compatible avec des insuffisances de recouvrement qui auraient des conséquences préjudiciables sur l'économie communautaire. |
3. |
Cette règle générale souffre deux exceptions: l'impossibilité, pour les autorités douanières, de procéder au recouvrement des droits a posteriori (article 5, paragraphe 1, du règlement n° 1697/79) et la possibilité pour les autorités douanières de se dispenser du recouvrement a posteriori (article 5, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 1697/79). Aux termes de cette dernière disposition, « (l)es autorités compétentes peuvent ne pas procéder au recouvrement a posteriori du montant des droits à l'importation ou des droits à l'exportation qui n'ont pas été perçus par suite d'une erreur des autorités compétentes elles-mêmes qui ne pouvait raisonnablement être décelée par le redevable, ce dernier ayant, pour sa part, agi de bonne foi et observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne sa déclaration en douane ». |
4. |
La décision de ne pas procéder au recouvrement appartient aux autorités des États membres ou à la Commission des Communautés européennes, selon que le montant des droits est inférieur ou supérieur à 2000 écus [articles 2 et 4 du règlement (CEE) n° 1573/80)]. |
II — Faits et procédure
5. |
La demanderesse au principal, la société importatrice Mecanarte — Metalúrgica da Lagoa Lda. (ci-après « Mecanarte »), a acheté auprès de son fournisseur en République fédérale d'Allemagne, Schmolz & Bickenbach, un lot de 42 bottes de tôle d'acier laminée à chaud et a présenté aux autorités douanières portugaises un certificat de circulation des marchandises, modèle EUR 1 n° D 790072, émis à Düsseldorf le 18 février 1986, qui indiquait que ces marchandises étaient originaires de République fédérale d'Allemagne. |
6. |
En considérant que les marchandises ont été déclarées en provenance de la République fédérale d'Allemagne, le régime communautaire leur a été appliqué et elles ont été classées sous les positions tarifaires 73.13.230.100 j et 73.13.260.000 t et importées en exonération des droits de douane. |
7. |
Par lettre du 29 mars 1988, le service de surveillance douanière de Düsseldorf a fait savoir à la direction générale des douanes portugaises que le certificat EUR 1 n° D 790072 avait été invalidé au motif qu'il avait été indûment émis par la société Schmolz & Bickenbach et que les produits d'acier laminé désignés dans le certificat étaient originaires de la République démocratique allemande, et non de la République fédérale d'Allemagne. |
8. |
A la suite de cette communication, le bureau des douanes de Porto a procédé, par l'intermédiaire de son Serviço da Conferência Final, à la liquidation a posteriori de droits d'un montant de 3611599 ESC, à la charge de la société importatrice Mecanarte. |
9. |
Contre l'avis de liquidation, confirmé par la décision du directeur des douanes de Porto, laquelle rejetait une demande de Mecanarte tendant à ce que le dossier soit adressé à la Commission des Communautés européennes, afin que celle-ci décide le non-recouvrement a posteriori des droits en cause, Mecanarte a introduit un recours en annulation devant le Tribunal Fiscal Aduaneiro do Porto. |
10. |
Le Tribunal a considéré que le recours contentieux dont il était saisi soulevait certaines questions d'interprétation et de validité de l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79, ainsi que d'interprétation de l'article 4 du règlement n° 1573/80. |
11. |
En conséquence, le Tribunal Fiscal Aduaneiro do Porto, par ordonnances des 16 octobre et 7 novembre 1989, enregistrées au greffe de la Cour le 15 novembre 1989, a sursis à statuer et a posé à la Cour, en application de l'article 177 du traité CEE, les questions préjudicielles suivantes:
|
12. |
Conformément à l'article 20 du protocole sur le statut de la Cour de justice de la CEE, des observations écrites ont été déposées:
|
13. |
La Cour, sur rapport du juge rapporteur, l'avocat général entendu, a décidé, conformément à l'article 95 du règlement de procédure, de renvoyer l'affaire devant la troisième chambre et d'ouvrir la procédure orale sans mesures d'instruction préalables. |
III — Observations écrites déposées devant la Cour
1. Sur la première question
14. |
Le gouvernement portugais, le ministère public portugais, le Conseil et la Commission s'accordent à soutenir que les autorités nationales exercent dans le cadre de l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79 un pouvoir d'appréciation lié. La société Mecanarte ne prend pas une position définitive sur cette question, mais elle n'exclut pas que l'article 5, paragraphe 2, dudit règlement accorde aux autorités nationales un pouvoir discrétionnaire. |
15. a) |
Le gouvernement portugais soutient que l'article 5 du règlement n° 1697/79 pose une exception au principe général de l'article 2, paragraphe 1, dudit règlement visant l'obligation de recouvrer les droits de douane légalement dus et non perçus, dans le respect des principes de la sécurité juridique et de la bonne foi du redevable. Le respect de ces valeurs, la ratio legis même de la disposition, serait en contradiction avec l'attribution aux autorités nationales du pouvoir de décider de recouvrer ou de ne pas recouvrer les droits, dès lors que les conditions prévues par cette disposition sont remplies. Le gouvernement portugais rappelle, dans ce contexte, que la Cour de justice, dans l'arrêt du 22 octobre 1987, Foto-Frost (314/85, Rec. p. 4199), a estimé que la disposition de l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79 doit être interprétée comme signifiant que, dès lors que toutes ces conditions sont remplies, le redevable a un droit à ce qu'il ne soit pas procédé au recouvrement. Si le redevable a un droit au non-recouvrement des droits, dès lors que toutes les conditions sont réunies, les autorités nationales exercent, selon le gouvernement portugais, dans le cadre de l'article 5, paragraphe 2, un pouvoir d'appréciation lié. De l'avis du gouvernement portugais, l'emploi du terme « peuvent » est dû à une exigence de technique législative qui a conduit à opposer l'article 5, paragraphe 1 : « aucune action en recouvrement ne peut être engagée », et le paragraphe 2: «les autorités compétentes peuvent ne pas procéder au recouvrement a posteriori ». Le paragraphe 1 consacre une véritable impossibilité légale du recouvrement a posteriori, alors que le paragraphe 2 définit deux solutions possibles, dont l'une est celle que les autorités nationales ne peuvent procéder au recouvrement si les conditions prévues par cette disposition sont réunies. |
16. |
D'après le ministère public portugais, le « pouvoir » mentionné à l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79 est à considérer comme limité, compte tenu, d'une part, de l'obligation générale de recouvrement a posteriori consacrée à l'article 2 dudit règlement et, d'autre part, du droit du redevable au non-recouvrement a posteriori lorsque les conditions prévues dans l'article 5, paragraphe 2, précité, sont réunies. |
17. b) |
Le Conseil fait valoir que le pouvoir des autorités accordé par l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79 reste lié à la vérification des conditions requises pour ne pas procéder au recouvrement. Ces conditions revêtent un caractère objectif dont la vérification peut être contrôlée par les justiciables et éventuellement faire l'objet de recours devant les instances judiciaires. A cet égard, il ne semble pas justifié, selon le Conseil, de parler de «pouvoir discrétionnaire » dans la mesure où la légalité des mesures adoptées par les autorités compétentes peut être déférée, sous l'angle des conditions requises pour ne pas procéder au recouvrement, à l'appréciation du juge. |
18. |
Le Conseil ajoute que la différence dans la formulation du paragraphe 2 — « les autorités compétentes peuvent ne pas... » — par rapport au paragraphe 1 — « aucune action en recouvrement ne peut être engagée ... » — est due au fait que le Conseil a habilité la Commission à déterminer l'application du paragraphe 2 (voir deuxième alinéa du paragraphe 2). |
19. |
De l'avis du Conseil, cette interprétation garantit le respect des principes de sécurité juridique et de confiance légitime en vertu desquels la législation communautaire doit être claire et prévisible pour les justiciables et a, d'ailleurs, été retenue par la Cour de justice dans l'affaire Foto-Frost (314/85, précitée). |
20. |
En conclusion, le Conseil suggère à la Cour de répondre comme suit à la première question : « L'article 5, paragraphe 2, premier alinéa, ab initio, du règlement (CEE) n° 1697/79 du Conseil, du 24 juillet 1979, prévoit trois conditions précises pour que les autorités compétentes puissent ne pas procéder au recouvrement a posteriori. Cette disposition doit donc être interprétée comme signifiant que, dès lors que toutes ces conditions sont remplies, le redevable a un droit à ce qu'il ne soit pas procédé au recouvrement. » |
21. c) |
La Commission se réfère à une jurisprudence constante de la Cour de justice selon laquelle l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79 « doit être interprété comme signifiant que, dès lors que les trois conditions y énoncées sont remplies, le redevable a un droit à ce qu'il ne soit pas procédé au recouvrement a posteriori » (arrêts du 22 octobre 1987, Foto-Frost, 314/85, précitée; du 23 mai 1989, Top Hit, 378/87, Rec. p. 1359, et du 12 juillet 1989, Binder, 161/88, Rec. p. 2415). A la lumière de cette jurisprudence, la Commission considère que, dès l'instant où les conditions prévues par l'article 5, paragraphe 2, sont remplies, l'autorité nationale perd tout pouvoir discrétionnaire de poursuivre le recouvrement a posteriori. |
22. d) |
La société Mecanarte estime qu'il n'y a pas d'inconvénient à admettre l'existence d'un pouvoir discrétionnaire à l'article 5, paragraphe 2, puisqu'il doit être exercé par une seule entité, à savoir la Commission des Communautés européennes, pour tout l'espace communautaire. Ce pouvoir discrétionnaire n'est pas pour autant absolu, mais il comporte, au contraire, de très nets aspects de compétence liée, comme l'obligation de remplir au préalable les conditions énumérées à l'article 5, paragraphe 2. |
2. Sur la deuxième question
23. a) |
Le gouvernement portugais, le ministère public portugais, le Conseil et la Commission font observer que, en raison de la réponse à la première question, la deuxième question devient sans objet. |
24. |
Par ailleurs, le Conseil fait valoir que, en tout état de cause, l'article 5, paragraphe 2, ne constitue pas une violation des principes mentionnés par le juge national, car tous les agents économiques sont soumis à la même réglementation, et l'appréciation des faits est obligatoirement contrôlée par la Commission qui, finalement, prend une décision à ce propos. |
25. b) |
La société Mecanarte souligne qu'il n'y aura pas de pouvoir discrétionnaire intolérable dans la mesure où la décision de recouvrement ou de non-recouvrement appartient toujours à la Commission. De cette façon, une telle interprétation ne risque pas, selon la société Mecanarte, une incompatibilité avec la sauvegarde des principes mentionnés par le juge national. |
3. Sur la troisième question
26. a) |
Le gouvernement portugais, le ministère public portugais et la Commission s'accordent à soutenir que le terme « erreur », au sens de l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79, recouvre toute erreur commise par les autorités compétentes elles-mêmes sans se limiter aux erreurs de calcul ou de transcription. |
27. |
Ils estiment, cependant, en ce qui concerne la nature de l'erreur qui est pertinente aux fins du recouvrement a posteriori, que seules les erreurs qui résultent d'un comportement actif de l'administration nationale peuvent être prises en considération pour justifier le non-recouvrement. Il y a donc lieu d'écarter tous les cas où les agents de l'administration sont eux-mêmes victimes d'une erreur commise par d'autres. Dans un pareil cas, aucune confiance légitime ne pouvait résulter du comportement de l'administration, car cette confiance doit se fonder toujours sur un comportement de l'administration publique adopté en pleine connaissance de cause. |
28. b) |
Selon la société Mecanarte, la troisième question est étroitement liée à celle de la bonne foi du redevable. A cet égard, Mecanarte estime que, si le redevable fournit de bonne foi les déclarations qui conduisent à la classification erronée, en induisant les autorités douanières en erreur, mais sans intention de provoquer cette erreur, le droit de bénéficier d'une décision de non-recouvrement ne pourra lui être retiré. Il est sans intérêt, en pareil cas, de rechercher si les éléments qui ont induit lesdites autorités en erreur proviennent ou non de lui. |
29. c) |
Le Conseil n'a pas pris position sur cette question. |
4. Sur la quatrième question
30. a) |
Le gouvernement portugais estime que l'« autorité compétente de l'État membre dans lequel a été commise l'erreur ayant conduit à la perception d'un montant insuffisant », à laquelle se réfèrent expressément les articles 2 et 3 du règlement n° 1573/80, ne peut être que celle qui a procédé, ou devrait procéder, à l'opération de recouvrement. Le fait que l'article 5, paragraphe 2, revête le caractère d'une dérogation à l'article 2 du règlement n° 1697/79 interdit, selon le gouvernement portugais, une interprétation extensive qui élargirait l'erreur aux agissements des autorités douanières de l'autre État membre, à savoir l'État d'exportation. |
31. b) |
Le ministère public portugais, la société Mecanarte et la Commission s'accordent, cependant, à soutenir que l'erreur pertinente pour l'application de l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79 recouvre l'erreur commise tant par les autorités compétentes pour le recouvrement a posteriori elles-mêmes que par celles de l'État membre exportateur de la marchandise. |
32. |
Selon la société Mecanarte, cela découle du simple fait que, si le premier poste de douane se trompe, le second commettra automatiquement la même erreur. |
33. |
La Commission fait remarquer que son interprétation à ce propos est confirmée par l'article 2 du règlement (CEE) n° 2380/89 de la Commission, du 2 août 1989 (JO L 225, p. 30), qui a remplacé, à compter du 1er septembre 1989, le règlement n° 1573/80 et qui précise qu'il peut s'agir de l'autorité compétente de l'État membre dans lequel l'erreur a été commise, mais aussi de celle de l'État membre où elle a été constatée. En constatant que cette précision ne figurait pas parmi les dispositions d'application du règlement n° 1573/80, en vigueur au moment de la décision prise par les douanes portugaises, la Commission souligne qu'elle n'a pas eu pour objet de modifier le sens de l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79, mais plutôt de le confirmer, en tenant compte de toute erreur des autorités nationales, que celles-ci soient à l'origine de l'erreur, ou qu'elles se bornent à la constater au moment du recouvrement a posteriori. |
34. c) |
Le Conseil n'a pas pris position sur cette question. |
5. Sur la cinquième question
35. |
Le gouvernement portugais, le ministère public portugais, la société Mecanarte et la Commission s'accordent à soutenir que l'article 5, paragraphe 2, in fine, du règlement n° 1697/79 s'applique au cas où le redevable s'est conformé à toutes les exigences légales en vigueur concernant la déclaration, même lorsqu'il a fourni, de bonne foi, des éléments inexacts ou incomplets aux autorités compétentes. Le Conseil n'a pas pris position sur cette question. |
36. a) |
Le gouvernement portugais se réfère à l'arrêt de la Cour de justice dans l'affaire Foto-Frost (314/85, précité), dans laquelle la Cour a souligné que la condition en cause de l'article 5, paragraphe 2, était vérifiée dans la mesure où l'opérateur économique avait correctement rempli sa déclaration en douane. Selon le gouvernement portugais, cette condition peut être remplie même dans les cas où le redevable a fourni à la douane de bonne foi des éléments inexacts ou incomplets. |
37. b) |
La société Mecanarte fait valoir que l'exigence du respect de « toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur » a pour but de garantir non seulement que le redevable a eu un comportement diligent, mais également que l'erreur qui a entraîné le non-recouvrement des impositions n'a pas été provoquée par une faute de sa part. Il en résulte, selon la société Mecanarte, que, au cas où le redevable fournit une information inexacte, mais pour des raisons autres que la mauvaise foi ou la négligence, il garde le droit de bénéficier d'une exemption de paiement. |
38. c) |
La Commission souligne, à titre liminaire, que la bonne foi et le respect des « dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne la déclaration en douane » sont deux conditions distinctes posées par l'article 5, paragraphe 2, et qui doivent s'apprécier séparément. |
39. |
En ce qui concerne la condition du « respect des dispositions prévues par la réglementation en vigueur », la Commission se réfère à la jurisprudence de la Cour de justice selon laquelle cette réglementation comprend, tout à la fois, les règles communautaires et les règles nationales complétant ou transposant celles-ci. |
40. |
Dans la mesure où les marchandises sont déclarées pour la mise en libre pratique, comme c'est le cas en l'espèce, les énonciations auraient été précisées par la directive 79/695/CEE du Conseil, du 24 juillet 1979, et sa directive d'application 82/57/CEE de la Commission, du 17 décembre 1981, lesquelles visent une déclaration de mise en libre pratique ainsi que les documents qui doivent y être joints. |
41. |
De l'avis de la Commission, ces exigences ne peuvent aller au-delà des données et documents que le déclarant peut raisonnablement connaître et obtenir, quel que soit le régime douanier en cause. |
42. |
En ce qui concerne la bonne foi du redevable, la Commission estime que l'article 5, paragraphe 2, perdrait tout effet utile si l'autorité qui a commis ou constaté l'erreur pouvait rejeter la demande de non-recouvrement au motif que le déclarant a fourni des informations ou des documents inexacts, alors que cette inexactitude est due à l'erreur elle-même et n'est pas imputable au déclarant. |
6. Sur la sixième question
43. a) |
Le gouvernement portugais et le ministère public portugais estiment qu'il ressort des dispositions combinées de l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79 et des articles 2 et 4 du règlement d'application n° 1573/80 que le législateur communautaire n'a prévu l'intervention de la Commission que dans le cas où les autorités compétentes ont des doutes sur la décision de non-recouvrement, et dans le cas où des dettes douanières sont égales ou supérieures à 2000 écus. Cela correspond à la nécessité de la sécurité juridique et de l'uniformité dans l'application de l'article 5, paragraphe 2, et se justifie par l'importance de la somme en jeu, et par ses répercussions sur l'économie communautaire. D'après le gouvernement portugais, cette interprétation est corroborée par l'article 8 du règlement n° 1573/80, qui prévoit le rejet tacite de la demande de non-recouvrement dès lors que la Commission n'a pas arrêté sa décision dans le délai légal. |
44. b) |
La Commission observe, d'abord, qu'il est de pratique courante dans les États membres de ne soumettre à la Commission les décisions à prendre en vertu de l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79 que lorsque le montant des droits à recouvrer a posteriori dépasse 2000 écus et que la demande de l'intéressé est considérée comme justifiée par l'administration nationale. |
45. |
La Commission estime que cette pratique se justifie par le libellé des articles 2 et 4 du règlement n° 1573/80, qui ne visent que les cas dans lesquels, toutes les conditions définies à l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79 étant remplies, l'autorité nationale entend renoncer au recouvrement a posteriori et qui établissent des procédures distinctes selon que le montant à recouvrer est supérieur ou non à 2000 écus. L'autorité nationale peut donc statuer elle-même dans la mesure où elle considère que les conditions de la protection de la confiance légitime ne sont pas remplies. |
46. |
En admettant que le texte du règlement n° 1573/80 n'impose pas nécessairement une telle interprétation, celle-ci découle, cependant, d'après la Commission, de la finalité de l'attribution d'un pouvoir de décision à la Commission, et cela, notamment, pour les deux raisons suivantes. |
47. |
En premier lieu, le fait que le pouvoir de décision soit réservé à la Commission dans les cas économiquement les plus importants doit permettre d'assurer l'application uniforme du droit communautaire. Celle-ci serait menacée si les autorités nationales continuaient à se référer à des pratiques et critères nationaux pour l'interprétation du droit communautaire, notamment en matière de la protection de la confiance légitime. L'unité du droit communautaire est surtout mise en cause dans les cas où il est donné suite à une demande de renonciation au recouvrement a posteriori, dès lors que la décision des autorités nationales est presque toujours définitive, puisque l'intéressé ne s'y oppose pas et que la Commission n'intervient pas. En revanche, les conséquences pour l'unité du droit communautaire d'une décision de procéder au recouvrement a posteriori sont moins grandes. S'il n'est pas exclu que les États membres traitent ces cas de façon différenciée, c'est à l'intéressé qu'il appartient de solliciter ou non une modification de la décision et de garantir de cette façon l'application à son cas de critères uniformes. |
48. |
En second lieu, le pouvoir de décision de la Commission réside dans le fait que l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79 traite de la renonciation à des ressources propres de la Communauté. La Commission étant l'organe compétent pour l'exécution du budget de la Communauté, il est compréhensible qu'elle tienne à exercer une forte influence sur de telles décisions. Il en résulte, d'après la Commission, qu'il n'est pas nécessaire de lui attribuer un pouvoir de décision lorsque les autorités nationales ordonnent le recouvrement a posteriori. |
49. |
En outre, la Commission estime que son pouvoir de décision dans la matière concernée doit rester l'exception, d'autant que la procédure devant elle est nettement plus coûteuse que celle à suivre à l'échelon national. Pour cette raison, la Commission s'efforce depuis quelque temps de transférer, dans le plus grand nombre de cas possible, son pouvoir de décision aux autorités des États membres. Cet effort s'est, d'ailleurs, déjà traduit par l'adoption du règlement n° 2380/89, précité, qui a remplacé le règlement n° 1573/80. |
50. |
La Commission propose donc de répondre à la sixième question que la compétence attribuée à elle par l'article 4 de son règlement n° 1573/80 ne s'étend qu'aux décisions de non-recouvrement a posteriori portant sur des montants supérieurs à 2000 écus. |
51. c) |
Par contre, la société Mecanarte estime que l'attribution à la Commission du pouvoir de décider tant du recouvrement que du non-recouvrement est le seul moyen de garantir un exercice uniforme et égalitaire de ce pouvoir en respectant les règles communautaires d'égalité de traitement entre les citoyens des États membres. |
52. |
D'après la société Mecanarte, la conception selon laquelle la décision de recouvrement peut être prise par les autorités nationales, même si le montant est supérieur à 2000 écus, ne tient compte que de l'intérêt qui s'attache au recouvrement des recettes, mais méconnaît l'exigence que ce recouvrement doit avoir lieu dans le respect des conditions d'égalité et d'uniformité, sans discrimination en raison du territoire ou de la nationalité. |
53. d) |
Le Conseil n'a pas pris position sur cette question. |
7. Sur les septième et huitième questions
54. |
a) Quant à la huitième question, le gouvernement portugais, la société Mecanarte et la Commission font remarquer que celle-ci est étroitement liée à la sixième question. |
55. |
Le gouvernement portugais et le ministère public portugais soulignent que les demandes des opérateurs économiques doivent être introduites auprès des autorités nationales compétentes, et seule leur appréciation permettra la mise en mouvement des compétences prévues aux articles 2 et 4 du règlement n° 1573/80. Le ministère public portugais rappelle que deux situations doivent être distinguées:
|
56. |
La Commission renvoie à ses considérations sur la sixième question, d'où il résulte que les autorités nationales doivent apprécier la demande et que, si elles concluent à la présence des conditions définies à l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79, c'est-à-dire si elles se prononcent pour le non-recouvrement, elles doivent soumettre le cas à l'appréciation de la Commission, lorsque le montant en cause dépasse 2000 écus. |
57. |
La société Mecanarte fait valoir que la compétence des autorités nationales de renoncer à une demande adressée à elles, en termes dûment motivés, par le redevable, dans le cas où elles ont décidé de procéder au recouvrement, doit être exclue, au même titre qu'il n'y a pas lieu, selon la société Mecanarte, de reconnaître leur compétence pour décider librement de ne pas procéder au recouvrement. |
58. |
b) Quant à la septième question, le gouvernement portugais et la société Mecanarte font remarquer, à titre liminaire, que cette question d'interprétation se pose parce que le juge a quo soutient qu'il existe une contradiction notoire entre la réglementation douanière portugaise en cause et les articles 2 et 4 du règlement n° 1573/80. Selon eux, cette contradiction n'existe pas. |
59. |
Le gouvernement portugais fait observer que le législateur portugais s'est limité, en ce qui concerne les dispositions douanières portugaises en cause, à conférer à la « vérification finale » et à la direction générale la compétence d'exercer les pouvoirs dévolus aux autorités nationales par l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79, en liaison avec les articles 2 et 4 du règlement n° 1573/80. En effet, selon le gouvernement portugais, le législateur communautaire a défini un domaine d'action pour les autorités nationales, mais a laissé au législateur national le soin de déterminer les organes de l'administration douanière compétents à cet effet. Au moyen de l'adoption de normes internes d'exécution, le législateur portugais avait, dans le but d'optimiser et de rationaliser la décision, concentré les pouvoirs dans le domaine des recouvrements et des non-recouvrements a posteriori sur la direction générale des douanes, laquelle déciderait notamment, dès lors que les conditions exigées sont réunies, de demander l'intervention de la Commission. |
60. |
La société Mecanarte constate, en premier lieu, qu'il n'existe, pour les affaires d'un montant inférieur à 2000 écus, aucune contradiction avec la réglementation communautaire, parce que celle-ci prévoit elle-même que tant l'appréciation que la décision sur le recouvrement ou non-recouvrement appartiennent à l'administration nationale compétente, au Portugal à la direction générale des douanes. En second lieu, la société Mecanarte estime que la contradiction peut également être exclue pour les affaires d'un montant supérieur à 2000 écus si l'on admet que la décision à prendre par la direction générale sera de soumettre ces affaires à l'appréciation de la Commission des Communautés et non pas de statuer elle-même au fond. |
61. |
Le ministère public portugais estime que la septième question n'a pas le caractère d'une question d'interprétation dont dépend la solution du litige au principal. D'après lui, il est possible de mettre l'application de la réglementation douanière portugaise en cause en conformité avec les articles 2 et 4 du règlement d'application n° 1573/80. |
62. |
La Commission concentre ses observations sur quelques principes à respecter dans le cadre de l'article 177 du traité CEE. Elle fait remarquer, à cet égard, que la Cour de justice n'a pas de compétence pour apprécier la hiérarchie des normes nationales et n'est pas autorisée non plus à se prononcer sur l'opportunité du renvoi préjudiciel. Au reste, la Commission souligne que les juridictions nationales ne sont pas compétentes pour constater elles-mêmes l'invalidité des actes des institutions communautaires et doivent, par conséquent, soumettre la question à l'appréciation de la Cour de justice. |
63. |
c) Le Conseil n'a pas pris position sur les septième et huitième questions. |
M. Zuleeg
Juge rapporteur
( *1 ) Langue de procédure: le portugais.
ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)
27 juin 1991 ( *1 )
Dans l'affaire C-348/89,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CEE, par le Tribunal Fiscal Aduaneiro do Porto et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre
Mecanarte — Metalúrgica da Lagoa Lda.
et
Chefe do Serviço da Conferência Final da Alfândega do Porto,
une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation et la validité de l'article 5, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 1697/79 du Conseil, du 24 juillet 1979, concernant le recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou des droits à l'exportation (JO L 197, p. 1), ainsi que sur l'interprétation de l'article 4 du règlement (CEE) n° 1573/80 de la Commission, du 20 juin 1980, fixant les dispositions d'application de l'article 5, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 1697/79 (JO L 161, p. 1),
LA COUR (troisième chambre),
composée de MM. J. C. Moitinho de Almeida, président de chambre, F. Grévisse et M. Zuleeg, juges,
avocat général: M. G. Tesauro
greffier: M. J. A. Pompe, greffier adjoint
considérant les observations écrites présentées:
— |
pour Mecanarte, par Mes Ricardo Garção Soares et Adriano Garção Soares, avocats au barreau de Porto, |
— |
pour le ministère public portugais, par Mme Isabel Aguiar, représentante du ministère public auprès du Tribunal Fiscal Aduaneiro do Porto, |
— |
pour le gouvernement portugais, par M. Luis Inês Fernandes, directeur du service des affaires juridiques à la direction générale des Communautés européennes, et par Mme Maria Luisa Duarte, consultante du service des affaires juridiques à la direction générale des Communautés européennes, en qualité d'agents, |
— |
pour le Conseil des Communautés européennes, par MM. Bjarne Hoff-Nielsen, chef de division, et Amadeu Lopes-Sabino, administrateur principal du service juridique, en qualité d'agents, |
— |
pour la Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Jörn Sack et Herculano Lima, ses conseillers juridiques, en qualité d'agents, |
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les observations orales de la partie requérante au principal, du gouvernement portugais, du Conseil des Communautés européennes et de la Commission des Communautés européennes, à l'audience du 12 décembre 1990,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 6 février 1991,
rend le présent
Arrêt
1 |
Par ordonnance du 16 octobre 1989, parvenue à la Cour le 14 novembre suivant, le Tribunal Fiscal Aduaneiro do Porto a posé, en application de l'article 177 du traité CEE, huit questions préjudicielles sur l'interprétation et la validité de l'article 5, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 1697/79 du Conseil, du 24 juillet 1979, concernant le recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou des droits à l'exportation (JO L 197, p. 1), ainsi que sur l'interprétation de l'article 4 du règlement (CEE) n° 1573/80 de la Commission, du 20 juin 1980, fixant les dispostions d'application de l'article 5, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 1697/79 (JO L 161, p. 1). |
2 |
Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un recours par lequel la société importatrice Mecanarte-Metalúrgica da Lagoa Lda. (ci-après « Mecanarte ») demande l'annulation de l'avis de recouvrement a posteriori de droits de douane émis par le bureau des douanes de Porto. |
3 |
Mecanarte a importé au Portugal un lot de 42 bottes de tôle d'acier laminée à chaud, achetées auprès de son fournisseur en République fédérale d'Allemagne, Schmolz & Bickenbach, et a présenté aux autorités douanières portugaises un certificat de circulation des marchandises, modèle EUR 1 n° D 790072, émis à Düsseldorf le 18 février 1986, qui indiquait que ces marchandises étaient originaires de République fédérale d'Allemagne. |
4 |
L'autorité douanière portugaise, considérant que la marchandise était déclarée comme provenant de la République fédérale d'Allemagne, l'a classée, en application du régime communautaire, sous les positions tarifaires 73.13.230.100 j et 73.13.260.000 t du tarif douanier commun et l'a exonérée des droits de douane à l'importation. |
5 |
Par lettre du 29 mars 1988, le service de surveillance douanière de Düsseldorf a fait savoir à la direction générale des douanes portugaises que le certificat EUR 1 n° D 790072 avait été invalidé au motif qu'il avait été indûment émis par la société Schmolz & Bickenbach, et que les produits d'acier laminé désignés dans le certificat étaient originaires de la République démocratique allemande, et non de la République fédérale d'Allemagne. |
6 |
A la suite de cette communication, le bureau des douanes de Porto a procédé, par l'intermédiaire de son Serviço da Conferência Final, à la liquidation a posteriori de droits d'un montant de 3611599 ESC, mis à la charge de Mecanarte. |
7 |
Contre l'avis de liquidation, confirmé par la décision du directeur des douanes de Porto, laquelle rejetait une demande de Mecanarte tendant à ce que le dossier soit adressé à la Commission des Communautés européennes, afin que celle-ci décide le non-recouvrement a posteriori des droits en cause, Mecanarte a introduit un recours en annulation devant le Tribunal Fiscal Aduaneiro do Porto. |
8 |
Ayant des doutes tant en ce qui concerne l'interprétation et la validité de l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79 du Conseil qu'en ce qui concerne l'interprétation de l'article 4 du règlement n° 1573/80 de la Commission, le Tribunal Fiscal Aduaneiro do Porto a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
|
9 |
Pour un plus ample exposé des faits du litige au principal, du déroulement de la procédure ainsi que des observations écrites déposées devant la Cour, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour. |
10 |
Dans la présente affaire, deux dispositions sont essentiellement en cause :
ainsi que
|
Sur les première et deuxième questions
11 |
Par la première et la deuxième question, il est demandé si l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79 accorde aux autorités compétentes le pouvoir discrétionnaire de procéder ou non au recouvrement a posteriori de droits de douane et, en cas de réponse affirmative, si cette disposition est valide au regard des principes fondamentaux posés par le traité. |
12 |
En ce qui concerne la première question, il y a lieu de relever que, selon une jurisprudence constante de la Cour, l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79 doit être interprété comme signifiant que, dès lors que toutes les conditions posées par ce texte sont remplies, le redevable a un droit à ce qu'il ne soit pas procédé au recouvrement a posteriori (voir arrêts du 22 octobre 1987, Foto-Frost, point 22, 314/85, Rec. p. 4199; du 23 mai 1989, Top Hit, point 18, 378/87, Rec. p. 1359; et du 12 juillet 1989, Binder, point 16, 161/88, Rec. p. 2415). |
13 |
Dans la mesure où le redevable a un tel droit, les autorités nationales compétentes sont tenues de ne pas procéder au recouvrement a posteriori, sans quoi ce droit perdrait toute valeur. |
14 |
Il convient, dès lors, de répondre à la première question que l'article 5, paragraphe 2, ab initio, du règlement n° 1697/79 du Conseil, du 24 juillet 1979, doit être interprété en ce sens qu'il confère aux autorités nationales compétentes un pouvoir lié en ce qui concerne la décision de ne pas procéder au recouvrement a posteriori lorsque les conditions prévues par l'article 5, paragraphe 2, dudit règlement sont remplies. |
15 |
En ce qui concerne la deuxième question, il y a lieu de remarquer que la juridiction nationale ne l'a posée que pour le cas où il résulterait de la réponse apportée à la première question que l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79 accorde aux autorités nationales un pouvoir discrétionnaire. |
16 |
Étant donné la réponse apportée à la première question, la deuxième question est sans objet. |
Sur les troisième et quatrième questions
17 |
Par les troisième et quatrième questions, qu'il convient d'examiner ensemble, le juge national demande à la Cour de lui préciser ce que recouvre l'expression« erreur des autorités compétentes elles-mêmes qui ne pouvait raisonnablement être décelée par le redevable » figurant à l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79. |
18 |
Ces questions soulèvent trois problèmes distincts:
|
19 |
II convient, à titre liminaire, de relever que l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79 a pour objectif de protéger la confiance légitime du redevable quant au bien-fondé de l'ensemble des éléments intervenant dans la décision de recouvrer ou non les droits de douane. |
20 |
II en résulte, en premier lieu, que la notion d'erreur ne peut être limitée aux simples erreurs de calcul ou de transcription, mais comprend n'importe quel type d'erreur entachant la décision prise, comme c'est, notamment, le cas d'une interprétation ou d'une application incorrecte des règles de droit applicables. |
21 |
A cet égard, la référence à l'erreur de calcul et de transcription faite dans les considérants du règlement n° 1697/79 doit être regardée comme un simple exemple, qui n'épuise pas tous les cas possibles d'erreurs à prendre en considération dans le cadre de l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79. |
22 |
Il en résulte, en second lieu, que, en l'absence de définition précise et exhaustive des « autorités compétentes » donnée par le règlement n° 1697/79 ou par le règlement n° 1573/80 pris pour son application, en vigueur à l'époque où les faits qui sont à la base de l'affaire au principal se sont produits, toute autorité qui, dans le cadre de ses compétences, fournit des éléments entrant en ligne de compte pour le recouvrement des droits de douane et peut ainsi susciter la confiance légitime du redevable doit être regardée comme une « autorité compétente » au sens de l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79. Il en va notamment ainsi des autorités douanières de l'État membre exportateur qui interviennent au sujet de la déclaration en douane. |
23 |
Il en résulte, en troisième lieu, que la confiance légitime du redevable n'est digne de la protection prévue à l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79 que si ce sont les autorités compétentes « elles-mêmes » qui, ainsi que le prévoit expressément le texte du règlement, ont créé la base sur laquelle reposait la confiance du redevable. Ainsi, seules les erreurs imputables à un comportement actif des autorités compétentes et qui n'ont pu être raisonnablement décelées par le redevable ouvrent droit au non-recouvrement a posteriori des droits de douane. |
24 |
Cette condition ne peut être considérée comme remplie lorsque les autorités compétentes sont induites en erreur, notamment sur l'origine de la marchandise, par des déclarations inexactes du redevable dont elles n'ont pas à vérifier ou à apprécier la validité. En pareil cas, c'est le redevable qui, selon une jurisprudence constante de la Cour, supporte le risque provenant d'un document commercial qui se révèle faux lors d'un contrôle ultérieur (arrêt du 13 novembre 1984, Van Gend en Loos, point 20, 98/83 et 230/83, Rec. p. 3763). |
25 |
En revanche, si l'inexactitude des déclarations du redevable n'est elle-même que la conséquence de renseignements erronés donnés par des autorités compétentes et liant ces dernières, les dispositions du paragraphe 1 de l'article 5 du règlement n° 1697/79 font obstacle au recouvrement a posteriori des droits à l'importation et à l'exportation. |
26 |
Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de répondre aux troisième et quatrième questions que les erreurs visées à l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79 recouvrent toutes les erreurs d'interprétation ou d'application des textes relatifs aux droits d'importation et d'exportation qui n'ont pu être raisonnablement décelées par le redevable, dès lors qu'elles sont la conséquence d'un comportement actif soit des autorités compétentes pour le recouvrement a posteriori, soit de celles de l'État membre d'exportation, ce qui exclut les erreurs provoquées par des déclarations inexactes du redevable, sous réserve des cas où l'inexactitude de ces déclarations ne serait que la conséquence de renseignements erronés donnés par des autorités compétentes et liant ces dernières. |
Sur la cinquième question
27 |
La cinquième question vise, en substance, à savoir si le redevable qui fournit de bonne foi à la douane des éléments de taxation inexacts ou incomplets satisfait, néanmoins, à toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne la déclaration en douane, au sens de l'article 5, paragraphe 2, premier alinéa, in fine, du règlement n° 1697/79. |
28 |
Ainsi que la Cour l'a souligné dans l'arrêt Top Hit, précité (points 22 et 26), le respect des dispositions prévues par la réglementation en vigueur concernant la déclaration en douane exige que le déclarant fournisse aux autorités douanières toute information nécessaire prévue par les règles communautaires et les règles nationales, complétant ou transposant, le cas échéant, celles-ci, au regard du traitement douanier demandé pour la marchandise concernée. |
29 |
Cette obligation ne peut, cependant, aller au-delà de la production des données et documents que le redevable peut raisonnablement connaître et obtenir. Il en résulte que, si un opérateur économique fait état de bonne foi d'éléments qui, tout en étant inexacts ou incomplets, sont les seuls qu'il pouvait raisonnablement connaître ou obtenir et donc faire figurer dans la déclaration en douane, la condition du respect des dispositions en vigueur concernant la déclaration en douane doit être considérée comme remplie. |
30 |
Il y a donc lieu de répondre à la cinquième question que l'article 5, paragraphe 2, premier alinéa, in fine, du règlement n° 1697/79 doit être interprété en ce sens qu'il s'applique à la situation où le redevable s'est conformé à toutes les exigences posées à la fois par les règles communautaires concernant la déclaration en douane et par les règles nationales qui, le cas échéant, les complètent ou les transposent, bien qu'il ait fourni de bonne foi des éléments inexacts ou incomplets aux autorités compétentes, dès lors que ces éléments sont les seuls qu'il pouvait raisonnablement connaître ou obtenir. |
Sur la sixième question
31 |
Par la sixième question, la juridiction nationale vise, en substance, à savoir si, en vertu de l'article 4 du règlement n° 1573/80, la Commission n'est compétente que pour décider du non-recouvrement a posteriori de droits de douane, ou si sa compétence s'étend également aux décisions de recouvrement, lorsque le montant des droits non perçus est égal ou supérieur à 2000 écus. |
32 |
Ainsi qu'il résulte déjà de l'arrêt de la Cour du 26 juin 1990, Deutsche Fernsprecher, points 12 et 13 (C-64/89, Rec. p. I-2535), le pouvoir de décision attribué à la Commission par l'article 4 du règlement n° 1573/80 ne concerne que les cas dans lesquels les autorités nationales compétentes sont convaincues que les conditions de l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1697/79 sont remplies et estiment donc ne pas devoir procéder au recouvrement a posteriori. |
33 |
Cette interprétation est, comme la Cour l'a précisé dans le même arrêt, conforme à la finalité du règlement n° 1573/80, qui consiste à garantir l'application uniforme du droit communautaire. Celle-ci risque d'être mise en cause dans les cas où il est donné suite à une demande de renonciation au recouvrement a posteriori, car l'appréciation sur laquelle peut se fonder un État membre pour prendre une décision favorable risque, dans les faits, en raison de l'absence probable de tout recours contentieux, d'échapper à un contrôle qui permet d'assurer une application uniforme des conditions posées par la législation communautaire. Par contre, cela n'est pas le cas quand les autorités nationales procèdent au recouvrement, quel que soit le montant en cause. Il est alors loisible à l'intéressé de contester une telle décision devant les juridictions nationales. Par conséquent l'uniformité du droit communautaire pourra être assurée par la Cour de justice dans le cadre de la procédure préjudicielle. |
34 |
II y a donc lieu de répondre à la sixième question que la compétence attribuée à la Commission par l'article 4 du règlement n° 1573/80 ne s'étend qu'aux décisions de non-recouvrement a posteriori portant sur des droits d'un montant égal ou supérieur à 2000 écus. |
Sur la huitième question
35 |
Par la huitième question, qui est étroitement liée à la sixième question et qu'il convient, dès lors, d'examiner ensuite, le juge national demande à la Cour si, lorsque la décision de recouvrement incombe aux autorités nationales et que le redevable présente une demande motivée afin qu'il ne soit pas procédé au recouvrement, la demande ainsi présentée doit être soumise à la Commission ou s'il appartient aux autorités nationales de statuer sur elle. |
36 |
Ainsi que l'a jugé la Cour dans l'arrêt du 26 juin 1990, Deutsche Fernsprecher, précité, il appartient aux autorités nationales de procéder au recouvrement des droits à l'importation et à l'exportation, quel que soit le montant en cause. Compte tenu de la finalité du règlement n° 1573/80 qui, comme l'a précisé la Cour dans le même arrêt, est de garantir l'application uniforme du droit communautaire, il appartient aussi aux autorités nationales de statuer sur une demande motivée formée par un redevable en vue d'une décision de non-recouvrement. L'obligation de soumettre le cas à l'appréciation de la Commission n'existe, comme il a été dit ci-avant au point 34, que dans la mesure où les autorités nationales se prononcent pour le non-recouvrement et lorsque le montant en cause est égal ou supérieur à 2000 écus. |
37 |
Il y a donc lieu de répondre à la huitième question que, lorsque le redevable présente une demande tendant à ce qu'il ne soit pas procédé au recouvrement des droits d'importation ou d'exportation, il appartient aux autorités nationales de statuer sur cette demande et il ne leur incombe de soumettre le cas à l'appréciation de la Commission que lorsqu'elles envisagent de ne pas recouvrer des droits d'un montant égal ou supérieur à 2000 écus. |
Sur la septième question
38 |
Par la septième question, le Tribunal Fiscal Aduaneiro do Porto soulève des problèmes d'ordre procédural concernant l'application de l'article 177 du traité CEE. |
39 |
II ressort de la motivation de la décision préjudicielle que la juridiction nationale part de l'idée que les deux dispositions du règlement portugais des douanes, applicables dans le cas de l'espèce, outre qu'elles sont contraires au droit communautaire, sont également affectées de vices d'inconstitutionnalité, fonctionnelle et matérielle, résultant du fait, d'une part, qu'elles ont été adoptées dans l'exercice de la fonction administrative et non dans celui de la fonction législative, qui, en l'espèce, appartient à l'assemblée de la République, et, d'autre part, qu'elles sont contraires au principe de la primauté du droit international sur le droit interne. |
40 |
Sur cette base, le Tribunal Fiscal Aduaneiro do Porto se demande, en premier lieu, s'il est compétent pour procéder au renvoi préjudiciel, dans la mesure où il constate l'inconstitutionnalité des dispositions nationales en cause, étant donné que la constatation de l'inconstitutionnalité d'une règle du droit interne est soumise, selon l'article 280, paragraphe 3, de la Constitution portugaise, au recours devant la cour constitutionnelle portugaise et que, par conséquent, seule cette dernière pourrait être compétente pour procéder au renvoi préjudiciel dans de telles affaires. Il se demande, en second lieu, si le renvoi préjudiciel n'est pas superflu, dans la mesure où il peut être remédié, dans l'ordre juridique national, aux vices d'une disposition nationale. |
41 |
Ainsi, la septième question préjudicielle soulève deux problèmes distincts concernant les modalités d'application de l'article 177 du traité CEE:
|
42 |
S'agissant du premier problème, il y a lieu de rappeler que l'article 177 du traité attribue compétence à la Cour pour statuer, à titre préjudiciel, tant sur l'interprétation des traités et des actes des institutions communautaires que sur la validité de ces actes. Cet article dispose, dans son deuxième alinéa, que les juridictions nationales peuvent soumettre de telles questions à la Cour et, dans son troisième alinéa, qu'elles sont tenues de le faire si leurs décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne. |
43 |
Les compétences reconnues à la Cour par l'article 177 ont essentiellement pour objet d'assurer une application uniforme du droit communautaire par les juridictions nationales. A cet effet, l'article 177 fournit au juge national un moyen d'éliminer les difficultés que pourrait soulever l'exigence de donner au droit communautaire son plein effet dans le cadre des systèmes juridictionnels des États membres. |
44 |
L'effet utile du système instauré par l'article 177 du traité exige que les juridictions nationales disposent de la faculté la plus étendue de saisir la Cour de justice si elles considèrent qu'une affaire pendante devant elles soulève des questions exigeant une interprétation ou une appréciation de validité des dispositions du droit communautaire nécessaires au règlement du litige qui leur est soumis. |
45 |
De plus, l'efficacité du droit communautaire se trouverait menacée si l'existence d'un recours obligatoire devant la cour constitutionnelle pouvait empêcher le juge national, saisi d'un litige régi par le droit communautaire, d'exercer la faculté qui lui est attribuée par l'article 177 du traité de soumettre à la Cour de justice les questions portant sur l'interprétation ou sur la validité du droit communautaire, afin de lui permettre de juger si une règle nationale est ou non compatible avec celui-ci. |
46 |
II y a lieu, dès lors, de répondre à la première branche de la septième question qu'une juridiction nationale saisie d'un litige concernant le droit communautaire et qui constate l'inconstitutionnalité d'une disposition nationale n'est pas privée de la faculté ou dispensée de l'obligation, prévues à l'article 177 du traité CEE, de saisir la Cour de justice de questions concernant l'interprétation ou la validité du droit communautaire du fait que cette constatation est soumise à un recours obligatoire devant la cour constitutionnelle. |
47 |
S'agissant du second problème, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la répartition des fonctions juridictionnelles entre les juridictions nationales et la Cour, opérée par l'article 177 du traité, les juridictions nationales jouissent d'un pouvoir d'appréciation en ce qui concerne le point de savoir si une décision sur un point de droit communautaire est nécessaire pour leur permettre de rendre leur décision (voir, notamment, arrêt du 6 octobre 1982, Cilfit, point 10, 283/81, Rec. p. 3415). |
48 |
A cet égard, il convient de préciser que le pouvoir d'appréciation du juge national au sens de l'article 177, deuxième alinéa, du traité CEE s'étend également à la question de savoir à quel stade de la procédure il y a lieu de déférer une question préjudicielle à la Cour. |
49 |
Ainsi, il y a lieu de répondre à la deuxième branche de la septième question que, en vertu de l'article 177, deuxième alinéa, du traité CEE, il incombe au juge national d'apprécier la pertinence des questions de droit soulevées par le litige dont il se trouve saisi et la nécessité d'une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement ainsi que le stade de la procédure auquel il y a lieu de déférer une question préjudicielle à la Cour. |
Sur les dépens
50 |
Les frais exposés par le gouvernement portugais, le ministère public portugais, le Conseil des Communautés européennes et la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. |
Par ces motifs, LA COUR (troisième chambre), statuant sur les questions à elle soumises par le Tribunal Fiscal Aduaneiro do Porto, par ordonnance du 16 octobre 1989, dit pour droit: |
|
|
|
|
|
|
Moitinho de Almeida Grévisse Zuleeg Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 juin 1991. Le greffier J.-G. Giraud Le président de la troisième chambre J. C. Moitinho de Almeida |
( *1 ) Langue de procédure: le portugais.