61989J0105

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 14 novembre 1990. - Ibrahim Buhari Haji contre Institut national d'assurances sociales pour travailleurs indépendants. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal du travail de Bruxelles - Belgique. - Sécurité sociale - Règlement (CEE) no 1408/71 - Champ d'application - Ancien ressortissant d'un État non fondateur - Liquidation d'une pension de retraite dans un État tiers. - Affaire C-105/89.

Recueil de jurisprudence 1990 page I-04211


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


++++

1 . Sécurité sociale des travailleurs migrants - Réglementation communautaire - Champ d' application personnel - Ressortissant d' un État tiers ayant perdu la nationalité d' un État membre avant l' adhésion de ce dernier à la Communauté - Exclusion

( Règlement du Conseil n 1408/71, art . 2, § 1 )

2 . Sécurité sociale des travailleurs migrants - Égalité de traitement - Inapplicabilité au bénéficiaire d' une prestation sociale exclu du champ d' application du règlement n 1408/71

( Traité CEE, art . 7; règlement du Conseil n 1408/71, art . 3, § 1 )

3 . Sécurité sociale des travailleurs migrants - Prestations - Clauses de résidence - Levée - Limites - Résidence dans un État membre - Législation nationale subordonnant le paiement d' une pension de retraite aux personnes résidant dans un pays tiers à une exigence de réciprocité - Admissibilité

(( Traité CEE, art . 51, sous b ); règlement du Conseil n 1408/71, art . 10 ))

Sommaire


1 . La qualité de "ressortissant" de "l' un des États membres" requise par l' article 2, paragraphe 1, du règlement n 1408/71 doit être appréciée en se plaçant à l' époque où le travailleur exerçait sa profession . Cette condition de nationalité ne peut pas être considérée comme remplie lorsque le travailleur en cause était, au moment où il exerçait sa profession et versait ses cotisations, ressortissant d' un État qui n' était pas encore membre de la Communauté et qu' il a perdu la qualité de ressortissant de cet État avant que celui-ci ne le devienne .

Lorsqu' un bénéficiaire de prestations sociales garanties par la législation d' un État membre en raison de l' exercice d' une activité professionnelle non salariée exercée dans un territoire ayant entretenu à l' époque avec un État membre des relations particulières doit ainsi être considéré comme ne satisfaisant pas à ladite condition de nationalité, sa situation n' entre pas dans le champ d' application des règlements n s 1408/71 et 574/72 .

2 . Le principe de non-discrimination inscrit dans l' article 7, alinéa 1, du traité et mis en oeuvre par l' article 3, paragraphe 1, du règlement n 1408/71 en matière de sécurité sociale, n' est pas applicable, aux termes mêmes de cette dernière disposition, lorsque le bénéficiaire d' une prestation sociale n' entre pas dans le champ d' application de ce dernier règlement .

3 . L' article 51, sous b ), du traité, qui a été mis en oeuvre par l' article 10 du règlement n 1408/71, ne garantit, au niveau du droit communautaire, le paiement des prestations acquises au titre d' un régime de sécurité sociale d' un ou de plusieurs États membres qu' aux bénéficiaires qui résident sur le territoire d' un État membre .

Il en résulte que le droit communautaire ne s' oppose pas à une législation nationale qui prévoit qu' une pension de retraite de travailleur indépendant n' est payable à l' étranger qu' aux bénéficiaires résidant sur le territoire d' un pays tiers où une telle pension pourrait leur être payée en application d' un accord de réciprocité, dans la mesure où elle ne produit des effets qu' à l' extérieur de la Communauté .

Parties


Dans l' affaire C-105/89,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l' article 177 du traité CEE, par le tribunal du travail de Bruxelles et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Ibrahim Buhari Haji

et

Institut national d' assurances sociales pour travailleurs indépendants,

une décision à titre préjudiciel sur l' interprétation des articles 7, premier alinéa, 48, paragraphes 2 et 3, sous c ) et d ), et 51, sous b ), du traité CEE, des articles 1er à 4, 10, paragraphe 1, premier alinéa, et 44 à 51 du règlement ( CEE ) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l' application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l' intérieur de la Communauté, ainsi que du règlement ( CEE ) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d' application du règlement n° 1408/71, dans leur version issue du règlement ( CEE ) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983 ( JO L 230, p . 6 ),

LA COUR ( cinquième chambre ),

composée de M . J . C . Moitinho de Almeida, président de chambre, Sir Gordon Slynn, MM . R . Joliet, F . Grévisse et M . Zuleeg, juges,

avocat général : M . J . Mischo

greffier : M . H . A . Ruehl, administrateur principal

considérant les observations écrites présentées :

- pour M . Ibrahim Buhari Haji, par Me Constantin Nikis, avocat au barreau de Bruxelles,

- pour la Commission des Communautés européennes, par M . Lima, membre du service juridique, en qualité d' agent,

vu le rapport d' audience et à la suite de la procédure orale du 6 juin 1990,

ayant entendu l' avocat général en ses conclusions présentées à l' audience du 2 octobre 1990,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par arrêt du 23 mars 1989, parvenu à la Cour le 3 avril suivant, le tribunal du travail de Bruxelles a posé, en application de l' article 177 du traité CEE, trois questions préjudicielles relatives à l' interprétation de certaines dispositions du traité CEE, du règlement ( CEE ) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l' application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l' intérieur de la Communauté, ainsi que du règlement ( CEE ) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d' application du règlement n° 1408/71, dans leur version issue du règlement ( CEE ) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983 ( JO L 230, p . 6 ).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d' un litige opposant M . Ibrahim Buhari Haji à l' Institut national d' assurances sociales pour travailleurs indépendants ( ci-après "Inasti ").

3 Né sur le territoire du Nigeria en 1914, M . Buhari a eu la nationalité britannique jusqu' à l' indépendance de ce territoire en 1960 . Depuis, il a la nationalité nigériane .

4 Entre novembre 1937 et décembre 1986, il a travaillé comme commerçant au Congo belge, devenu, le 1er juillet 1960, le Zaïre, où il continue de résider .

5 Ayant acquitté, jusqu' à l' indépendance du Congo belge, des cotisations obligatoires de pension, M . Buhari a sollicité, en août 1986, une pension de retraite auprès de l' Inasti pour sa carrière effectuée au Congo belge jusqu' au 30 juin 1960 .

6 Se fondant sur ce que M . Buhari possédait la nationalité nigériane et résidait au Zaïre, l' Inasti a, par décision du 10 novembre 1987, rejeté sa demande en application du 2° de l' article 144 de l' arrêté royal du 22 décembre 1967 portant règlement général relatif à la pension de retraite et de survie des travailleurs indépendants, qui prévoit que la pension de retraite n' est payable à l' étranger qu' aux bénéficiaires "résidant sur le territoire d' un pays où une pension de travailleur salarié pourrait leur être payée en application d' un accord de réciprocité ".

7 Saisi d' un recours formé contre cette décision de rejet, le tribunal du travail de Bruxelles, par jugement du 23 mars 1989, a dit pour droit que M . Buhari avait droit à une pension de retraite de travailleur indépendant du chef de son activité dans l' ex-Congo belge pour la période du 1er janvier 1938 au 30 juin 1956 . En ce qui concerne la période du 1er juillet 1956 au 30 juin 1960, le tribunal a ordonné la réouverture des débats aux fins de permettre à M . Buhari de rapporter les preuves nécessaires pour la reconnaissance de cette période en vue de l' octroi d' une pension .

8 Le tribunal a, par ailleurs, constaté qu' en vertu de la législation sociale belge M . Buhari pourrait percevoir sa pension au Zaïre ou au Nigeria s' il était ressortissant belge ou d' un État membre de la Communauté européenne et qu' avec sa nationalité nigériane il pourrait la percevoir à condition de résider en Belgique ou dans un autre État membre de la Communauté européenne .

9 C' est dans ce contexte que le tribunal du travail de Bruxelles, par le même jugement du 23 mars 1989, a décidé de surseoir à statuer sur la liquidation effective de la pension jusqu' à ce que la Cour se soit prononcée sur les questions de savoir :

"- si la liquidation, par un État membre, d' une pension de retraite ( en l' espèce : de travailleur indépendant ) du chef d' une activité professionnelle ( en l' espèce : de colon ) exercée antérieurement 'dans un territoire ayant entretenu à l' époque, avec cet État membre, des relations particulières' , à une personne ayant eu, à cette même époque, la nationalité d' un second État ( devenu entre-temps ) membre, et ressortissant actuellement d' un État tiers, mais constitué d' un autre territoire ayant entretenu à l' époque avec ce second État ( devenu entre-temps ) membre, également des relations particulières, tombe, ou non, dans le champ d' application des articles 1 à 4, 10, paragraphe 1, premier alinéa, et 44 à 51 du règlement n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l' application de la sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l' intérieur de la Communauté, et, subséquemment, 35 à 59 du règlement n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d' application de celui-ci, et, dans la négative :

- si le refus, par un État membre, de liquider une prestation de sécurité sociale ( en l' espèce : une pension de retraite de travailleur indépendant du chef d' une activité professionnelle antérieure de colon sur le territoire de son ex-colonie ) à une personne résidant 'dans ce territoire ayant entretenu, à l' époque, avec cet État membre des relations particulières' et domiciliée dans un autre territoire - ayant entretenu, à l' époque avec un second État ( devenu entre-temps ) membre également des relations particulières -, lequel est devenu actuellement un État tiers et dont elle possède maintenant la nationalité, formulé au seul motif de la conjonction de ses nationalité et résidence actuelles, constitue, ou non, une 'discrimination exercée en raison de la nationalité' visée par les articles 7, premier alinéa, inchangé, 48, paragraphes 2 et 3, sous c ) et d ), et 50, sous b ) ( 1 ), du traité, qu' elle soit directe ou indirecte ou encore fondée sur la nationalité par application de critères formellement neutres mais aboutissant, en fait, au même résultat, à savoir : désavantager les non-ressortissants par l' existence d' un obstacle disproportionné, ou encore :

- si la lettre et l' esprit des textes communautaires visés ci-dessus sont, ou non, compatibles avec le texte de la réglementation nationale belge, actuellement en vigueur, de l' article 144, 2°, de l' arrêté royal du 22 décembre 1967 ( portant règlement général relatif à la pension de retraite et de survie des travailleurs indépendants ), tel que modifié par les articles 24 de l' arrêté royal du 17 juillet 1972 et 64, 1°, de celui du 24 septembre 1984, ou avec l' interprétation restrictive qu' en donne le défendeur ."

10 Pour un plus ample exposé des faits de l' affaire au principal, du déroulement de la procédure et des observations écrites présentées à la Cour, il est renvoyé au rapport d' audience . Les éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour .

Sur la première question

11 Par la première question, la juridiction nationale vise, en substance, à savoir si la situation d' un bénéficiaire de prestations sociales garanties par la législation d' un État membre à raison de l' exercice d' une activité professionnelle non salariée exercée dans un territoire ayant entretenu, à l' époque, avec un État membre, des relations particulières entre ou non dans le champ d' application des règlements n°s 1408/71 et 574/72, lorsque, au cours de la période en question, ce bénéficiaire était le ressortissant d' un État qui n' était pas, à l' époque, membre de la Communauté européenne et n' est devenu membre qu' après que ce bénéficiaire en eut perdu la nationalité .

12 Le champ d' application des règlements n°s 1408/71 et 574/72 est défini par l' article 2, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71 dans les termes suivants :

"Le présent règlement s' applique aux travailleurs salariés ou non salariés qui sont ou ont été soumis à la législation de l' un ou de plusieurs États membres et qui sont des ressortissants de l' un des États membres ou bien des apatrides ou des réfugiés résidant sur le territoire d' un des États membres ..."

13 Quant à la première condition, tenant à ce qu' un travailleur doit être ou avoir été soumis à la législation de l' un ou de plusieurs États membres, il résulte du jugement de renvoi que M . Buhari a droit à une pension de retraite belge de travailleur indépendant en vertu, notamment, de l' arrêté royal n° 72 du 10 novembre 1967, relatif à la pension de retraite et de survie des travailleurs indépendants .

14 Il y a lieu de constater, d' une part, qu' une telle réglementation nationale entre dans la qualification de "législation" qui, selon les termes de l' article 1er, sous j ), du règlement n° 1408/71, "désigne, pour chaque État membre, les lois, les règlements, les dispositions statutaires et toutes autres mesures d' application existants ou futurs qui concernent les branches et régimes de sécurité sociale visés à l' article 4, paragraphes 1 et 2 ". Parmi ces branches et régimes figurent, notamment, les prestations de retraite et de survie, objet de la réclamation du requérant .

15 Il y a lieu de relever, d' autre part, que l' élément essentiel à prendre en considération pour déterminer le champ d' application de ce règlement n' est pas le lieu où l' activité a été exercée, mais le rapport qui lie le travailleur, quel que soit l' endroit où il a exercé ou exerce son activité professionnelle, à un régime de sécurité sociale d' un État membre dans le cadre duquel il a accompli des périodes d' assurance ( arrêt du 9 juillet 1987, Laborero et Sabato, 82/86 et 103/86, Rec . p . 3401 ).

16 Il en résulte qu' une réglementation telle que l' arrêté royal belge n° 72 entre dans le champ d' application du règlement n° 1408/71 .

17 En ce qui concerne la seconde condition posée par l' article 2, paragraphe 1, du règlement, selon laquelle le travailleur salarié ou non salarié concerné doit être un ressortissant d' un État membre, il y a lieu de relever que la Cour a jugé, dans son arrêt du 12 octobre 1978, Belbouab ( 10/78, Rec . p . 1915 ), que celle-ci doit être interprétée en ce sens que la qualité de ressortissant de l' un des États membres se situe à l' époque de l' exercice du travail, du versement des cotisations relatives aux périodes d' affiliation et de l' acquisition des droits correspondants .

18 Il résulte de cette considération que le critère de la qualité de "ressortissant" de "l' un des États membres" requis par l' article 2, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71 doit être apprécié en se plaçant à l' époque où le travailleur exerçait sa profession .

19 Cette condition de nationalité ne peut pas être considérée comme remplie lorsque le travailleur en cause était, au moment où il exerçait sa profession et versait ses cotisations, ressortissant d' un État qui n' était pas encore membre de la Communauté et qu' il a perdu la qualité de ressortissant de cet État avant que celui-ci ne le devienne .

20 En effet, ainsi que la Cour l' a déjà jugé, notamment dans l' arrêt Belbouab, précité, les règlements pris pour l' application de l' article 51 du traité CEE doivent être interprétés à la lumière de l' objectif poursuivi par ce texte, qui est d' assurer l' établissement d' une liberté aussi complète que possible de la circulation des travailleurs à l' intérieur du marché commun .

21 Or, la situation de travailleurs qui avaient la nationalité d' un État devenu ultérieurement membre de la Communauté européenne, mais qui l' ont perdue avant qu' il ne le devienne, est étrangère à la réalisation de la libre circulation des travailleurs salariés ou non salariés à l' intérieur de la Communauté . Il n' en va autrement que pour ceux d' entre eux qui ont conservé la nationalité de l' État en question, après que cet État est devenu membre de la Communauté et dont les droits sont reconnus et protégés dans le cadre de la réglementation communautaire sur la sécurité sociale par les dispositions transitoires des articles 94, pour les travailleurs salariés, et 95, pour les travailleurs non salariés, du règlement n° 1408/71, qui permettent de prendre en considération toute période d' assurance, d' emploi ou de résidence accomplie antérieurement à l' adhésion pour la détermination des droits ouverts conformément aux dispositions de ce règlement .

22 Ces dispositions ne couvrant pas le cas des personnes qui, comme M . Buhari, ont perdu leur nationalité avant l' adhésion de l' État considéré, la garantie des droits qu' elles ont acquis ne peut être assurée que par l' existence, dans l' acte d' adhésion, d' une disposition spéciale en leur faveur . Or, l' acte d' adhésion du Royaume-Uni n' en comporte aucune .

23 Il y a donc lieu de répondre à la première question que la situation d' un bénéficiaire de prestations sociales garanties par la législation d' un État membre à raison de l' exercice d' une activité professionnelle non salariée exercée dans un territoire ayant entretenu, à l' époque, avec un État membre, des relations particulières n' entre pas dans le champ d' application des règlements n°s 1408/71 et 574/72, lorsque, au cours de la période en question, ce bénéficiaire était le ressortissant d' un État qui n' était pas, à l' époque, membre de la Communauté européenne et n' est devenu membre qu' après que ce bénéficiaire en eut perdu la nationalité .

Sur la deuxième question

24 La deuxième question posée par le tribunal du travail de Bruxelles porte sur le point de savoir si le refus de liquider la pension à laquelle a droit, en vertu de la législation d' un État membre, une personne ayant la nationalité d' un État tiers et résidant dans un autre État tiers constitue ou non une discrimination interdite par le traité CEE .

25 A cet égard, le juge de renvoi fait remarquer qu' en vertu de la législation sociale belge M . Buhari pourrait percevoir sa pension au Zaïre ou au Nigeria s' il était ressortissant belge ou d' un État membre de la Communauté européenne et qu' avec sa nationalité nigériane il pourrait également la percevoir à condition de résider en Belgique ou dans un autre État membre de la Communauté européenne .

26 Il y a lieu de relever que l' interdiction faite par l' article 7 du traité CEE de toute discrimination exercée en raison de la nationalité, dans le domaine d' application du traité, a été mise en oeuvre, en matière de sécurité sociale, par l' article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71, qui prévoit que les personnes qui résident sur le territoire de l' un des États membres et auxquelles s' appliquent les dispositions du règlement sont soumises aux obligations et admises au bénéfice de la législation sur la sécurité sociale de tout État membre dans les mêmes conditions que les ressortissants de celui-ci .

27 Il résulte des termes mêmes de ces textes que le principe de non-discrimination n' est pas applicable dans une situation telle que celle de l' espèce, où le bénéficiaire d' une prestation sociale n' entre pas dans le champ d' application personnel du règlement n° 1408/71 .

28 Il y a donc lieu de répondre à la deuxième question que le principe de non-discrimination inscrit dans l' article 7, paragraphe 1, du traité CEE et mis en oeuvre par l' article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71 en matière de sécurité sociale n' est pas applicable lorsque le bénéficiaire d' une prestation sociale n' entre pas dans le champ d' application de ce dernier règlement .

Sur la troisième question

29 La troisième question vise, en substance, le point de savoir si les dispositions du droit communautaire font obstacle à une législation nationale qui prévoit qu' une pension de retraite de travailleur indépendant n' est payable à l' étranger qu' aux bénéficiaires résidant sur le territoire d' un pays où une pension de travailleur salarié pourrait leur être payée en application d' un accord de réciprocité .

30 Selon l' article 51, sous b ), du traité CEE, qui a été mis en oeuvre par l' article 10 du règlement n° 1408/71, le paiement des prestations acquises au titre d' un régime de sécurité sociale d' un ou de plusieurs États membres n' est garanti, au niveau du droit communautaire, qu' aux bénéficiaires qui résident sur le territoire d' un État membre .

31 Il en résulte que le droit communautaire ne s' oppose pas à une législation nationale qui ne permet pas la liquidation des prestations de sécurité sociale à une personne résidant dans un pays tiers .

32 Il y a, dès lors, lieu de répondre à la troisième question préjudicielle que les dispositions du droit communautaire ne font pas obstacle à une législation nationale qui prévoit qu' une pension de retraite de travailleur indépendant n' est payable à l' étranger qu' aux bénéficiaires résidant sur le territoire d' un pays tiers où une pension de travailleur salarié pourrait leur être payée en application d' un accord de réciprocité, dans la mesure où elle ne produit des effets qu' à l' extérieur de la Communauté .

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

33 Les frais exposés par la Commission des Communautés européennes, qui a soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l' objet d' un remboursement . La procédure revêtant, à l' égard des parties au principal, le caractère d' un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens .

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR ( cinquième chambre ),

statuant sur les questions à elle soumises par le tribunal du travail de Bruxelles, par jugement du 23 mars 1989, dit pour droit :

1 ) La situation d' un bénéficiaire de prestations sociales garanties par la législation d' un État membre en raison de l' exercice d' une activité professionnelle non salariée exercée dans un territoire ayant entretenu à l' époque avec un État membre des relations particulières n' entre pas dans le champ d' application du règlement ( CEE ) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l' application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l' intérieur de la Communauté, ainsi que du règlement ( CEE ) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d' application du règlement ( CEE ) n° 1408/71, dans leur version issue du règlement ( CEE ) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983, lorsque, au cours de la période en question, ce bénéficiaire était le ressortissant d' un État qui n' était pas, à l' époque, membre de la Communauté européenne et n' est devenu membre qu' après que ce bénéficiaire en eut perdu la nationalité .

2 ) Le principe de non-discrimination inscrit dans l' article 7, paragraphe 1, du traité CEE et mis en oeuvre par l' article 3, paragraphe 1, du règlement ( CEE ) n° 1408/71 en matière de sécurité sociale n' est pas applicable lorsque le bénéficiaire d' une prestation sociale n' entre pas dans le champ d' application du règlement ( CEE ) n° 1408/71 .

3 ) Les dispositions du droit communautaire ne font pas obstacle à une législation nationale qui prévoit qu' une pension de retraite de travailleur indépendant n' est payable à l' étranger qu' aux bénéficiaires résidant sur le territoire d' un pays tiers où une pension de travailleur salariée pourrait leur être payée en application d' un accord de réciprocité, dans la mesure où elle ne produit des effets qu' à l' extérieur de la Communauté .