Arrêt de la Cour du 30 mai 1991. - Commission des Communautés européennes contre République fédérale d'Allemagne. - Directives - Nature de la mesure de transposition en droit interne - Pollution atmosphérique - Plomb. - Affaire C-59/89.
Recueil de jurisprudence 1991 page I-02607
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
++++
1 . Actes des institutions - Directives - Exécution par les États membres - Transposition d' une directive sans action législative - Conditions - Existence d' un contexte juridique général assurant la pleine application de la directive - Insuffisance d' une pratique conforme aux impératifs de la directive
( Traité CEE, art . 189, alinéa 3 )
2 . Environnement - Pollution atmosphérique - Directive 82/884 - Fixation d' une valeur limite applicable à la concentration de plomb - Adoption d' une norme juridique contraignante - Obligation des États membres
( Directive du Conseil 82/884, art . 2 )
3 . Recours en manquement - Objet du litige - Détermination par l' avis motivé - Délai imparti à l' État membre - Cessation postérieure du manquement - Intérêt à la poursuite de l' action - Responsabilité éventuelle de l' État membre
( Traité CEE, art . 169 )
1 . La transposition en droit interne d' une directive n' exige pas nécessairement une reprise formelle et textuelle de ses dispositions dans une disposition légale expresse et spécifique et peut, en fonction de son contenu, se satisfaire d' un contexte juridique général, dès lors que celui-ci assure effectivement la pleine application de la directive d' une façon suffisamment claire et précise, afin que, au cas où la directive vise à créer des droits pour les particuliers, les bénéficiaires soient mis en mesure de connaître la plénitude de leurs droits et de s' en prévaloir, le cas échéant, devant les juridictions nationales .
La conformité d' une pratique avec les impératifs de protection d' une directive ne saurait constituer une raison de ne pas transposer cette directive dans l' ordre juridique interne par des dispositions susceptibles de créer une situation suffisamment précise, claire et transparente pour permettre aux particuliers de connaître leurs droits et leurs obligations . En effet, afin de garantir la pleine application des directives, en droit et non seulement en fait, les États membres doivent prévoir un cadre légal précis dans le domaine concerné .
2 . L' obligation faite aux États membres de fixer une valeur limite à ne pas dépasser dans des conditions déterminées pour le plomb contenu dans l' atmosphère, prévue par l' article 2 de la directive 82/884, est instaurée, selon l' article 1er de ce texte, en vue de contribuer spécifiquement à la protection des êtres humains contre les effets du plomb dans l' environnement . En dehors de l' hypothèse de l' exposition professionnelle à laquelle elle ne s' applique pas, cette obligation implique que, dans tous les cas où le dépassement de la valeur limite pourrait mettre en danger la santé des personnes, celles-ci puissent se prévaloir de règles impératives pour pouvoir faire valoir leurs droits . Par ailleurs, la fixation d' une telle valeur dans un texte dont le caractère obligatoire est incontestable s' impose également pour que tous ceux dont les activités risquent d' engendrer des nuisances connaissent exactement les obligations auxquelles ils sont soumis .
3 . L' objet d' un recours introduit au titre de l' article 169 du traité est fixé par l' avis motivé de la Commission et, même au cas où le manquement a été éliminé postérieurement au délai déterminé en vertu du deuxième alinéa de cet article, la poursuite de l' action conserve un intérêt en vue d' établir la base d' une responsabilité qu' un État membre peut être dans le cas d' encourir, en conséquence de son manquement, à l' égard d' autres États membres, de la Communauté ou de particuliers .
Dans l' affaire C-59/89,
Commission des Communautés européennes, représentée par M . Ingolf Pernice, membre de son service juridique, en qualité d' agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M . Guido Berardis, membre de son service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,
partie requérante,
contre
République fédérale d' Allemagne, représentée initialement par M . Martin Seidel, en qualité d' agent, et Me Dieter Sellner, avocat au barreau de Bonn, puis par Me Sellner seul, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l' ambassade de la République fédérale d' Allemagne, 20-22, avenue Émile Reuter,
partie défenderesse,
ayant pour objet de faire constater que, en n' ayant pas arrêté toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour assurer la transposition intégrale en droit interne de la directive 82/884/CEE du Conseil, du 3 décembre 1982, concernant une valeur limite pour le plomb contenu dans l' atmosphère ( JO L 378, p . 15 ), la République fédérale d' Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CEE,
LA COUR,
composée de MM . O . Due, président, MM . G . F . Mancini, T . F . O' Higgins, J . C . Moitinho de Almeida, G . C . Rodríguez Iglesias et M . Díez de Velasco, présidents de chambre, Sir Gordon Slynn, MM . C . N . Kakouris, R . Joliet, F . A . Schockweiler, F . Grévisse, M . Zuleeg et P . J . G . Kapteyn, juges,
avocat général : M . J . Mischo
greffier : Mme D . Louterman, administrateur principal
vu le rapport d' audience,
ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l' audience du 6 décembre 1990,
ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 6 février 1991,
rend le présent
Arrêt
1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 28 février 1989, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l' article 169 du traité CEE, un recours visant à faire constater que la République fédérale d' Allemagne, en n' ayant pas arrêté toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour assurer la transposition complète en droit interne de la directive 82/884/CEE du Conseil, du 3 décembre 1982, concernant une valeur limite pour le plomb contenu dans l' atmosphère ( JO L 378, p . 15, ci-après "directive "), a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CEE .
2 Cette directive, qui vise à protéger les êtres humains contre les risques saturnins, a pour objet de préciser, au moyen d' une valeur limite, la concentration de plomb contenu dans l' atmosphère qui ne doit pas être dépassée dans certaines conditions .
3 L' article 2, paragraphe 2, de la directive dispose que cette valeur limite est de 2 microgrammes de plomb par mètre cube d' air, exprimée en concentration moyenne annuelle .
4 L' article 3, paragraphe 1, prévoit que les États membres doivent prendre les mesures nécessaires pour garantir que, cinq ans après la notification de la directive, les concentrations de plomb contenu dans l' atmosphère, mesurées conformément à l' article 4, ne soient pas supérieures à la valeur limite indiquée à l' article 2 .
5 En vertu de l' article 12, paragraphe 1, de la directive, les États membres étaient tenus de mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive dans un délai de vingt-quatre mois à compter de sa notification . La directive ayant été notifiée à la République fédérale d' Allemagne le 9 décembre 1982, elle devait donc être transposée en droit allemand au plus tard le 9 décembre 1984 .
6 La Commission reproche à la République fédérale d' Allemagne de n' avoir pas satisfait à l' obligation découlant de l' article 2 de la directive, d' adopter une norme impérative, assortie de sanctions efficaces, en vue d' interdire expressément, sur tout le territoire national, le dépassement de la valeur maximale de 2 microgrammes de plomb par mètre cube . Elle fait également grief à la République fédérale d' Allemagne de n' avoir pas pris les mesures appropriées pour garantir le respect de cette valeur limite, comme l' exige l' article 3, paragraphe 1, de la directive .
7 La République fédérale d' Allemagne réplique que la protection voulue par la directive correspond à celle résultant de la loi fédérale sur la protection contre les effets nocifs sur l' environnement de la pollution de l' air, des bruits, des vibrations et autres types de nuisances du 15 mars 1974 ( BGBl . I, p . 721, ci-après "loi relative à la lutte contre les pollutions ") ainsi que de ses mesures d' application . Elle ajoute que les résultats concrets qu' elle a atteints en matière de pollution par le plomb satisfont largement aux exigences de la directive .
8 Pour un plus ample exposé des faits du litige, du déroulement de la procédure et des moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d' audience . Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour .
En ce qui concerne l' absence d' une norme impérative générale
9 L' article 3 de la loi relative à la lutte contre les pollutions définit les effets nocifs sur l' environnement comme étant "des nuisances qui, en raison de leur importance ou de leur durée, sont de nature à entraîner des dangers, des inconvénients importants ou des nuisances importantes pour l' environnement ou pour le voisinage ". Cette loi ne précise toutefois pas le seuil à partir duquel ces nuisances doivent être considérées comme nocives pour l' environnement . En vertu de son article 48, il incombe au gouvernement fédéral d' arrêter, après avoir entendu les milieux intéressés et recueilli l' accord du Bundesrat, les "dispositions administratives générales nécessaires pour la mise en oeuvre" de la loi .
10 Sur la base de cet article 48, le gouvernement de la République fédérale d' Allemagne a adopté, en 1974, la première disposition administrative générale de mise en oeuvre de la loi relative à la lutte contre les pollutions ( ci-après "circulaire technique 'air' "). Celle-ci a été modifiée à diverses reprises, et notamment le 27 février 1986 ( GMBl . p . 95 ). Il n' est pas contesté que le point 2.5.1 de cette circulaire fixe, pour le plomb, la valeur maximale de 2 microgrammes par mètre cube, qui figure à l' article 2, paragraphe 2, de la directive .
11 La Commission est d' avis, cependant, que cette circulaire n' a pas de caractère obligatoire . Elle considère, en outre, que son champ d' application est plus limité que celui de la directive .
12 La Commission estime que, dans l' ordre juridique allemand, les circulaires administratives ne sont, en général, pas reconnues comme des règles de droit . En effet, la loi fondamentale, et spécialement son article 80, paragraphe 1, subordonnerait l' adoption de règlements par l' administration à certaines conditions, notamment de procédure, qui ne seraient pas remplies en l' espèce . En outre, il serait admis, tant en jurisprudence qu' en doctrine, que les circulaires administratives ne doivent pas obligatoirement être respectées, lorsque se présente une situation atypique, c' est-à-dire une situation à laquelle l' auteur des dispositions administratives ne pouvait ou ne voulait apporter de solution du fait qu' il devait régler le problème d' une manière générale .
13 Par ailleurs, toujours selon la Commission, les prescriptions de la circulaire ne s' imposeraient pas aux sources de pollution autres que les installations qui y sont visées et elles comporteraient uniquement des règles concernant la protection de l' atmosphère qui doivent être appliquées lors de certaines mesures administratives se rapportant à ces installations .
14 A ce propos, la République fédérale d' Allemagne fait valoir que le cadre réglementaire visant à faire respecter la valeur limite de la directive couvre toutes les sources de rejets de plomb .
15 Ce cadre viserait, en effet, en premier lieu, les installations soumises à autorisation au sens, notamment, de l' article 4 de la loi relative à la lutte contre les pollutions, c' est-à-dire les installations qui, en raison de leurs caractéristiques propres ou de leur exploitation, sont de nature à provoquer des effets particulièrement nocifs sur l' environnement, à mettre en danger, à léser considérablement ou à gêner particulièrement la collectivité ou le voisinage . Les seuils de nuisance que ne peuvent dépasser ces installations seraient visés au point 2.5.1 de la circulaire technique "air", qui reprend pour le plomb la valeur limite fixée par la directive . Ces seuils seraient des normes minimales qui devraient être respectées, même en cas de situations atypiques .
16 En second lieu, ce cadre couvrirait également les autres installations . En effet, en vertu de l' article 22 de la loi relative à la lutte contre les pollutions, ces installations devraient être construites et exploitées de manière à éviter les effets nocifs sur l' environnement qui sont évitables en l' état actuel de la technique . Or, cette notion d' effets nocifs sur l' environnement aurait été concrétisée au point 2.5.1 de la circulaire technique "air ". En vertu de l' article 25, paragraphe 2, lorsque de tels effets nocifs mettent en danger la vie ou la santé humaine, les autorités compétentes pourraient interdire en tout ou en partie la construction ou l' exploitation de ces installations, s' il n' était pas possible de protéger autrement la collectivité ou le voisinage .
17 En troisième lieu, les rejets de plomb provenant de l' utilisation de véhicules automobiles auraient été réglementés par la loi sur le plomb dans l' essence .
18 Il convient de rappeler à ce propos que, selon la jurisprudence de la Cour ( voir, notamment, arrêt du 28 février 1991, Commission/Allemagne ( C-131/88, Rec . p . I-825 ), la transposition en droit interne d' une directive n' exige pas nécessairement une reprise formelle et textuelle de ses dispositions dans une disposition légale expresse et spécifique et peut, en fonction de son contenu, se satisfaire d' un contexte juridique général, dès lors que celui-ci assure effectivement la pleine application de la directive d' une façon suffisamment claire et précise, afin que, au cas où la directive vise à créer des droits pour les particuliers, les bénéficiaires soient mis en mesure de connaître la plénitude de leurs droits et de s' en prévaloir, le cas échéant, devant les juridictions nationales .
19 A cet égard, il faut relever que l' obligation faite aux États membres de fixer une valeur limite à ne pas dépasser dans des conditions déterminées, prévue par l' article 2 de la directive, est instaurée, selon l' article 1er, "en vue de contribuer spécifiquement à la protection des êtres humains contre les effets du plomb dans l' environnement ". Elle ne s' applique, cependant, pas à l' exposition professionnelle . En dehors de cette dernière hypothèse, elle implique donc que dans tous les cas où le dépassement des valeurs limites pourrait mettre en danger la santé des personnes, celles-ci puissent se prévaloir de règles impératives pour pouvoir faire valoir leurs droits . Par ailleurs, la fixation d' une valeur limite dans un texte dont le caractère obligatoire est incontestable s' impose également pour que tous ceux dont les activités risquent d' engendrer des nuisances connaissent exactement les obligations auxquelles ils sont soumis .
20 Or, il convient de relever, en premier lieu, que la valeur limite de 2 microgrammes par mètre cube ne se retrouve que dans la circulaire technique "air" et que cette dernière n' a qu' un champ d' application limité .
21 Contrairement à ce que soutient la République fédérale d' Allemagne, cette circulaire ne s' applique pas à toutes les installations . En effet, son paragraphe 1 limite son domaine d' application aux installations soumises à autorisation, au sens, notamment, de l' article 4 de la loi relative à la lutte contre les pollutions, c' est-à-dire aux installations qui, en raison de leurs caractéristiques propres ou de leur exploitation, sont de nature à provoquer des effets particulièrement nocifs sur l' environnement, à mettre en danger, à léser considérablement ou à gêner particulièrement la collectivité ou le voisinage . Le même paragraphe n' impose des obligations aux autorités administratives qu' à l' occasion essentiellement de l' examen des demandes d' autorisation de construire, d' exploiter ou de modifier de telles installations, ou lorsque des obligations sont imposées ultérieurement à ces installations ou encore en cas d' enquête sur la nature et l' importance des émissions provenant de ces installations ou sur les nuisances en provenance de la zone dans laquelle elles sont exploitées .
22 La circulaire a ainsi pour domaine d' application le voisinage immédiat des constructions ou d' équipements bien déterminés, alors que la directive a un champ d' application plus vaste, qui concerne l' ensemble du territoire des États membres . Le caractère général de la directive ne saurait dès lors se satisfaire d' une transposition expressément limitée à certaines sources de dépassement de la valeur limite qu' elle prescrit et à certains actes à prendre par les autorités administratives .
23 Il convient d' ajouter, en second lieu, que le souci de permettre aux particuliers de se prévaloir de leurs droits n' est pas davantage satisfait dans le domaine d' application propre de la circulaire, à savoir les installations soumises à autorisation . La République fédérale d' Allemagne et la Commission divergent, en effet, sur le point de savoir dans quelle mesure la doctrine et la jurisprudence allemandes ont reconnu un caractère contraignant aux circulaires techniques . La Commission a pu faire état d' une jurisprudence déniant ce caractère notamment dans le domaine fiscal; la République fédérale d' Allemagne a produit, quant à elle, une jurisprudence reconnaissant ce caractère dans le domaine nucléaire . Force est de constater que dans le cas particulier de la circulaire technique "air", la République fédérale d' Allemagne n' a fait état d' aucune jurisprudence nationale reconnaissant explicitement à cette circulaire un effet direct à l' égard des tiers, au-delà de son effet obligatoire pour l' administration . Dès lors, on ne saurait prétendre que les particuliers soient en mesure de connaître avec certitude l' étendue de leurs droits, afin de s' en prévaloir le cas échéant devant les juridictions nationales, ni que ceux dont les activités risquent d' engendrer des nuisances sont suffisamment informés de l' étendue de leurs obligations .
24 Il découle des considérations qui précèdent qu' il n' est pas établi que la mise en oeuvre de l' article 2, paragraphe 1, de la directive a été faite avec une force contraignante incontestable, ni avec la spécificité, la précision et la clarté requises par la jurisprudence de la Cour, afin que soit satisfaite l' exigence de la sécurité juridique .
En ce qui concerne l' absence de mesures appropriées visant au respect de la valeur limite
25 La Commission fait grief à la République fédérale d' Allemagne de n' avoir pas pris les mesures appropriées pour assurer que la valeur limite prescrite par la directive soit effectivement respectée, comme l' exigerait l' article 3 de la directive . Elle souligne que les plans pour la protection de l' atmosphère qui doivent être établis et exécutés, en vertu des articles 44 à 47 de la loi relative à la lutte contre les pollutions, lorsque la pollution atmosphérique risque de produire des effets nocifs sur l' environnement, ne permettent pas d' assurer que la valeur limite fixée dans la directive soit effectivement respectée . En premier lieu, parce que ces mesures ne concerneraient que des zones déterminées et ne garantiraient pas le respect de la valeur limite sur l' ensemble du territoire . En second lieu, parce que les autorités administratives bénéficieraient d' un pouvoir d' appréciation quant à la décision de mettre en oeuvre ces plans de protection de l' atmosphère . En troisième lieu, parce que les procédures à suivre prendraient tellement de temps qu' il ne serait pas possible de garantir efficacement et à bref délai le respect de la valeur limite .
26 La République fédérale d' Allemagne fait, tout d' abord, valoir que les valeurs de nuisances constatées en Allemagne se situent largement en dessous de la valeur de 2 microgrammes de plomb par mètre cube fixée par la directive .
27 Elle expose qu' elle est d' ailleurs en mesure d' assurer le respect effectif de cette valeur limite . A cet égard, elle se prévaut notamment des articles 44 à 47 de la loi relative à la lutte contre les pollutions, qui prescrivent aux autorités compétentes des Laender de définir des zones exposées et d' établir pour celles-ci des plans de protection de l' atmosphère . En ce qui concerne le reproche que de tels plans n' ont été élaborés que pour une partie du territoire fédéral, elle soutient qu' il serait tout à fait inutile d' établir ces plans pour des régions dans lesquelles il n' existe aucun danger que la valeur limite soit dépassée . Elle ajoute que les autorités administratives n' ont aucune marge d' appréciation quant à la décision de mettre en oeuvre des plans de protection de l' atmosphère lorsque des menaces concrètes se précisent . Elle précise enfin que, depuis le 1er septembre 1990, ces plans doivent respecter les valeurs limites de la directive .
28 Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que la conformité d' une pratique avec les impératifs de protection d' une directive ne saurait constituer une raison de ne pas transposer cette directive dans l' ordre juridique interne par des dispositions susceptibles de créer une situation suffisamment précise, claire et transparente pour permettre aux particuliers de connaître leurs droits et leurs obligations . Ainsi que la Cour l' a jugé dans l' arrêt du 15 mars 1990, Commission/Pays-Bas, point 25 ( C-339/87, Rec . p . I-851 ) afin de garantir la pleine application des directives, en droit et non seulement en fait, les États membres doivent prévoir un cadre légal précis dans le domaine concerné .
29 Il en résulte que l' argument de la République fédérale d' Allemagne, selon lequel aucun cas contraire à la directive n' a plus été signalé dans la pratique, ne saurait être retenu .
30 Il convient donc d' examiner si les dispositions invoquées par la République fédérale d' Allemagne assurent une mise en oeuvre correcte de la directive .
31 Aux termes de l' article 44 de la loi relative à la lutte contre les pollutions, les autorités compétentes, selon le droit applicable dans les Laender, doivent déterminer de façon permanente la nature et l' importance de certaines pollutions atmosphériques pouvant provoquer des effets nocifs sur l' environnement dans certaines zones particulièrement exposées . Selon l' article 47, dans sa rédaction en vigueur au moment de l' introduction du recours, si ces constatations indiquent que les pollutions atmosphériques provoquent des effets nocifs sur l' environnement ou qu' il y a lieu de s' attendre à de tels effets pour l' ensemble de la zone exposée ou pour une partie de celle-ci, ces mêmes autorités compétentes doivent établir un plan de protection de l' atmosphère pour cette zone .
32 L' article 3, paragraphe 1, de la directive exige, quant à lui, que les États membres prennent les mesures nécessaires pour garantir que les concentrations de plomb contenues dans l' atmosphère ne soient pas supérieures à la valeur limite de 2 microgrammes par mètre cube .
33 A cet égard, il convient de relever que les autorités compétentes des Laender ne doivent mettre en oeuvre les plans de protection de l' atmosphère que lorsqu' elles constatent des effets nocifs sur l' environnement . Or, ainsi qu' il a été dit plus haut, la loi relative à la lutte contre les pollutions ne précise pas le seuil à partir duquel des effets nocifs sur l' environnement peuvent être constatés . La circulaire technique "air", quant à elle, n' impose des obligations aux autorités administratives qu' à l' occasion d' actes bien définis et à propos d' installations déterminées . Il n' existe, dès lors, pas de règles générales et impératives aux termes desquelles les autorités administratives seraient tenues de prendre des mesures dans tous les cas où les valeurs limites de la directive risquent d' être dépassées .
34 Il en résulte que l' article 3 de la directive n' a pas été transposé dans l' ordre juridique interne de manière à couvrir tous les cas susceptibles de se présenter et que la réglementation nationale n' a pas le caractère contraignant requis afin que soit satisfaite l' exigence de la sécurité juridique .
35 La circonstance que, postérieurement au recours, la législation allemande ait été modifiée n' est pas de nature à changer cette appréciation . Il est, en effet, de jurisprudence constante que l' objet d' un recours introduit au titre de l' article 169 du traité est fixé par l' avis motivé de la Commission et que, même au cas où le manquement a été éliminé postérieurement au délai déterminé en vertu du deuxième alinéa dudit article, la poursuite de l' action conserve un intérêt en vue d' établir la base d' une responsabilité qu' un État membre peut être dans le cas d' encourir, en conséquence de son manquement, à l' égard d' autres États membres, de la Communauté ou de particuliers .
36 Au vu de l' ensemble des considérations qui précèdent, il convient de constater qu' en n' adoptant pas dans le délai prescrit toutes les mesures nécessaires pour se conformer aux dispositions de la directive 82/884 concernant une valeur limite pour le plomb contenu dans l' atmosphère, la République fédérale d' Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CEE .
Sur les dépens
37 Aux termes de l' article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens . La République fédérale d' Allemagne ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens .
Par ces motifs,
LA COUR
déclare et arrête :
1 ) En n' adoptant pas dans le délai prescrit toutes les mesures nécessaires pour se conformer aux dispositions de la directive 82/884/CEE du Conseil, du 3 décembre 1982, concernant une valeur limite pour le plomb contenu dans l' atmosphère, la République fédérale d' Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CEE .
2 ) La République fédérale d' Allemagne est condamnée aux dépens .