CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. PIETER VERLOREN VAN THEMAAT

présentées le 19 juin 1985 ( *1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. Introduction

1.1. Les questions du Bundesgerichtshof

Dans un litige relatif au paiement d'arriérés de redevances dues pour une licence, un franchisé allemand a invoqué avec succès en appel à l'encontre de son franchiseur français la nullité du contrat de franchisage en question sur la base du droit de la concurrence de la CEE. Selon le juge d'appel, l'article 85 du traité CEE prohiberait un contrat de franchisage tel que celui dont il s'agit en l'espèce, au motif qu'il contient des restrictions au jeu de la concurrence qui ne sont pas exemptées de l'interdiction visée à l'article 85, paragraphe 1, en vertu de. l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE et du règlement no 67/67/CEE, du 22 mars 1967 (JO 1967, L 57, p. 849).

La demanderesse dans la procédure au principal a ensuite formé un recours en révision de cet arrêt devant le Bundesgerichtshof. Estimant que l'arrêt du juge d'appel soulevait un certain nombre de questions relatives au droit communautaire, le Bundesgerichtshof a déféré à la Cour, par ordonnance du 15 mai 1984, un certain nombre de questions.

Ainsi qu'il ressort de la doctrine, les systèmes de distribution par contrats de franchisage ne se sont réellement développés dans les différents États membres qu'après 1970. Toutefois, ils ont alors connu un développement très rapide et ils occupent actuellement une place importante à côté d'autres systèmes de distribution. Même si la Cour limite les réponses aux questions posées aux contrats de franchisage présentant les caractéristiques des contrats litigieux, ces réponses pourront, dès lors, avoir une importance indirecte pour la validité de dizaines de milliers de contrats. L'importance de votre réponse aux questions posées est encore corroborée par la circonstance que la Commission n'a pas encore défini de politique claire à cet égard, ainsi qu'il ressort de ses observations écrites et orales dans la présente procédure.

Les questions du Bundesgerichtshof se lisent comme suit:

1)

L'article 85, paragraphe 1, du traité CEE est-il applicable aux contrats de franchisage, tels que les contrats entre les parties au litige, ayant pour objet l'application d'un système de distribution particulier dans lequel le franchiseur non seulement cède au franchisé des marchandises, mais lui concède également le droit d'utiliser la raison sociale, la marque, le conditionnement des marchandises et lui fournit encore d'autres prestations de services?

2)

En cas de réponse affirmative à la première question, le règlement no 67/67/CEE de la Commission, du 22 mars 1967, concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords d'exclusivité (ci-après dénommé « règlement sur les exemptions par catégories ») est-il applicable à de tels contrats?

3)

En cas de réponse affirmative à la deuxième question:

a)

Le règlement sur les exemptions par catégories est-il également applicable dans le cas où participent d'un côté au contrat plusieurs entreprises juridiquement autonomes, mais économiquement liées entre elles, qui forment au regard du contrat une entité économique?

b)

Le règlement sur les exemptions par catégories, et notamment son article 2, paragraphe 2, sous c), recouvre-t-il l'obligation incombant au franchisé de ne faire de la publicité qu'après approbation du franchiseur, en accord avec la publicité de celui-ci et en utilisant le matériel publicitaire mis à sa disposition par le franchiseur, et, en général, d'appliquer les méthodes commerciales du franchiseur? Le fait que le matériel publicitaire du franchiseur mentionne ses prix indicatifs est-il imponant dans ce contexte?

c)

Le règlement sur les exemptions par catégories, et notamment ses articles 1er, paragraphe 1, sous b), 2, paragraphe 1, sous a), et 2, paragraphe 2, sous b), recouvre-t-il l'obligation incombant au franchisé de distribuer les produits visés au contrat exclusivement ou au moins en majeure partie dans un local commercial précis, spécialement aménagé à cet effet?

d)

Le règlement sur les exemptions par catégories, et notamment son article 1er, paragraphe 1, sous b), recouvre-t-il l'obligation incombant au franchisé, tenu principalement de s'approvisionner exclusivement auprès du franchiseur, de ne s'approvisionner, pour la part « libre » des produits visés au contrat, qu'auprès de fournisseurs agréés par le franchiseur?

e)

Le règlement sur les exemptions par catégories admet-il l'obligation incombant au franchiseur de soutenir le franchisé en matière commerciale, publicitaire et professionnelle?

1.2. Les principales dispositions des contrats conclus par le franchisé en cause

Ainsi qu'il ressort des trois contrats conclus entre les parties de l'affaire principale et déposés après l'audience à la demande de la Cour, le franchiseur s'engage:

à n'accorder le droit d'utiliser la marque Pronuptia de Paris à aucun autre tiers sur le territoire contractuel concerné dans chaque cas (respectivement Hambourg, Oldenburg et Hanovre) (article 1er, paragraphe 1);

à n'ouvrir aucun autre magasin Pronuptia sur le territoire couvert par le contrat (article 1er, paragraphe 2);

à ne fournir aucun produit ou service à des tiers sur ce territoire (article 1er, paragraphe 2);

à assister le franchisé en ce qui concerne les aspects commerciaux et publicitaires de son commerce, l'aménagement et l'assortiment du magasin, la formation du personnel, les techniques de vente, la mode et les produits, l'achat, le marchéage et, de manière tout à fait générale, à aider le franchisé à augmenter son chiffre d'affaires et sa rentabilité (article 3, paragraphe 1).

Le franchisé (qui, en vertu de l'article 3, paragraphe 5, reste le seul propriétaire de son commerce, en assume seul les risques et en perçoit aussi seul l'intégralité des bénéfices) est tenu, entre autres:

de vendre les produits concernés en utilisant la raison sociale et la marque Pronuptia de Paris exclusivement dans le local commercial visé à l'article 1er et qui doit être aménagé principalement pour la vente d'articles de mariage et conformément à l'image de marque de Pronuptia de Paris (articles 3, paragraphe 3, et 4, paragraphe 1);

d'acheter chez le franchiseur 80 % des robes et accessoires de mariée, ainsi qu'une partie, à déterminer par la défenderesse elle-même, des tenues de cocktail et de réception (article 3, paragraphe 6);

d'acheter les autres robes et accessoires de mariée, tenues de cocktail et de réception uniquement chez les vendeurs agréés par le franchiseur (article 3, paragraphe 6);

de payer au franchiseur pendant la durée du contrat une redevance égale à 10 % de l'ensemble de son chiffre d'affaires (y compris le chiffre d'affaires afférent aux produits obtenus chez des tiers) (article 5, paragraphe 1);

de s'abstenir de tout acte de concurrence avec un commerce de Pronuptia, en particulier de ne pas se livrer à la distribution spécialisée de robes de mariée et accessoires, pendant la durée du contrat et pendant l'année suivant la fin de celui-ci en République fédérale d'Allemagne, à Berlin-Ouest ou sur un territoire où Pronuptia est déjà représentée (articles 6, paragraphe 6, et 9);

de s'assigner pour objectif principal la vente des articles visés au contrat (article 6, paragraphe 6);

d'exercer son commerce dans un local commercial situé à un emplacement précis et d'aménager ce local essentiellement pour la vente d'articles de mariée, conformément à l'image de marque de Pronuptia de Paris et selon ses indications (articles 1er, paragraphe 3, 3, paragraphe 3, et 4, paragraphe 1);

d'exercer son commerce et notamment la vente des produits visés au contrat en utilisant uniquement la marque et la raison sociale de Pronuptia de Paris (articles 3, paragraphe 3, et 4, paragraphe 1);

de ne faire de la publicité avec la marque Pronuptia de Paris qu'avec l'accord préalable du franchiseur, de n'organiser sa publicité que conformément à la publicité de Pronuptia et en utilisant le matériel publicitaire mis à sa disposition par Pronuptia et contenant les prix indicatifs (articles 1er, paragraphe 1, et 6, paragraphe 1);

de faire de la publicité, de distribuer le plus consciencieusement possible le matériel publicitaire et, de manière générale, d'appliquer les méthodes commerciales du franchiseur (article 6, paragraphe 5);

d'observer scrupuleusement tous les droits de propriété industrielle ou commerciale de Pronuptia et d'informer sur-le-champ Pronuptia de toute infraction à ses droits par des tiers et dont il aurait connaissance (article 14).

En vertu de l'article 6, paragraphe 1, Pronuptia recommande au franchisé des prix indicatifs adéquats et (sans préjudice de la liberté du franchisé de fixer lui-même les prix) les deux parties considèrent ces prix indicatifs comme des directives pour la vente au détail.

1.3. Plan de nos conclusions

Comme nous l'avons observé, votre réponse aux questions posées pourra aussi avoir des conséquences sur la validité juridique d'autres contrats de franchisage, ainsi que sur la politique à appliquer à cet égard par la Commission. Aussi ferons-nous d'abord, dans la deuxième partie des présentes conclusions, un certain nombre d'observations générales sur ce système de distribution relativement nouveau dans la Communauté. Notre but sera notamment d'examiner dans quelle mesure la législation, la jurisprudence et la doctrine et notamment aussi les organisations professionnelles concernées ont déjà vu se dessiner le contenu et le caractère juridique des contrats de franchisage portant sur la vente de produits avec, un degré de certitude tel que les prises de position de la Cour pourraient avoir un caractère plus général à cet égard. A notre avis, la formulation des questions du Bundesgerichtshof n'empêcherait pas en soi la Cour de statuer en ce sens. Cette formulation exclut seulement que la Cour se prononce aussi sur des contrats de franchisage existant déjà depuis plus longtemps dans la Communauté (par exemple dans le secteur hôtelier, de la restauration et des débits de boissons) en ce qui concerne les prestations de services ou le franchisage de la production.

Dans la troisième partie de nos conclusions, nous nous demanderons quelles similitudes et quelles différences les contrats de franchisage en général et, en particulier, les contrats de franchisage tels que ceux dont il s'agit en l'espèce présentent avec d'autres systèmes de distribution dont la pratique juridique de la Communauté et notamment la jurisprudence de la Cour ont déjà dû s'occuper, tels que les contrats de représentants de commerce, les contrats d'exclusivité de vente ou d'achat, les systèmes de distribution sélective et les contrats de brasserie, ainsi que les contrats de licence. A cet égard, nous examinerons aussi quelles conclusions peuvent être tirées de votre jurisprudence en la matière pour la présente affaire.

Dans la quatrième partie de nos conclusions, nous proposerons alors des réponses qui seraient, à notre avis, susceptibles d'être données aux questions posées en l'espèce.

2. Remarques sur les contrats de franchisage portant sur la vente de produits en général

2.1. Le développement du système de franchisage comme nouveau système de distribution

Il ressort de la littérature déjà relativement abondante que le système de franchisage, qui est basé sur l'expérience américaine, déjà plus ancienne, ne s'est développé comme nouveau système de distribution dans la CEE qu'après 1970. Or, depuis cette date, il a connu un développement très rapide. C'est ainsi qu'en 1969, il n'existait encore en République fédérale d'Allemagne qu'un petit nombre de systèmes de franchisage dans le secteur de la distribution. En 1978, le nombre total de systèmes de franchisage (y compris dans le secteur des prestations de services) était déjà passé à 85 (avec 11000 franchisés) et en mai 1982 à 200 (avec 120000 franchisés), réalisant un chiffre d'affaires total de 100 milliards de DM, dont 65 à 75 milliards dans le secteur du commerce de détail. En France (où ils n'ont aussi commencé à se développer qu'après 1970), le nombre de systèmes de franchisage s'est élevé en 1981 à plus de 300 et en 1985 à 500 (avec 25000 magasins affiliés et 8 % du chiffre d'affaires total du commerce de détail). Aux Pays-Bas, les systèmes de franchisage étaient au nombre de 280 en 1983. L'évolution a été similaire dans d'autres États membres après 1970.

2.2. Caractéristiques juridiques selon la doctrine

Il ressort ensuite de la doctrine, et la Commission l'a confirmé à l'audience, qu'il n'existe de réglementation légale spécifique en matière de contrats de franchisage dans aucun État membre. Par ailleurs, ni la jurisprudence, qui n'est pas inexistante dans ce domaine, ni la doctrine ne permettent de donner une définition précise des contrats de franchisage en général ou de ceux portant sur la distribution des produits en particulier sur la base de ces contrats. Toutefois, les systèmes de franchisage pour la distribution de produits semblent être caractérisés, dans tous les États membres examinés, par les éléments principaux suivants: 1) une forte intégration des franchisés, qui conservent toutefois leur indépendance et assument leurs propres risques, dans le réseau de distribution des franchiseurs; 2) la création de la stratégie commerciale sur la base d'un effet de chaîne réalisé par la concession contre rétribution d'une raison sociale, d'une marque commerciale, d'un sigle ou d'un symbole communs et souvent par un aménagement similaire des magasins; 3) des droits d'exclusivité du franchisé sur un territoire déterminé et pour des produits déterminés, ainsi que des droits d'exclusivité plus ou moins étendus du franchiseur quant à la livraison ou la sélection des produits commercialisés par le franchisé. La doctrine semble aussi admettre unanimement que le concept européen de « contrat de franchisage » doit être conçu dans un sens beaucoup plus étroit que le concept américain originaire, qui recouvrait beaucoup plus de systèmes de distribution. Or, comme nous le montrerons encore par la suite, la doctrine américaine récente donne aussi une définition restreinte des contrats de franchisage.

Sur la base d'une analyse juridique comparée effectuée par elle, Me E. M. Kneppers-Heynert a donné, dans un article récent paru dans Bijblad Industriële Eigendom (1984, no 10, p 251 et suiv.), la définition condensée suivante, qui nous paraît assez représentative ( 1 ) :

« Le franchisage est une forme de collaboration commerciale entre entrepreneurs indépendants, réglée par contrat et dans laquelle une partie, le franchiseur, concède à un ou plusieurs tiers, le(s) franchisé(s), le droit d'utiliser sa raison sociale et/ou sa marque et, éventuellement, d'autres signes distinctifs lors de la vente de produits ou la prestation de services ayant lieu sur la base d'un concept (ou système ou formule) de marketing exclusif, développé par le franchiseur et en échange duquel le franchiseur perçoit une rétribution; le franchiseur contrôle l'utilisation des droits par le franchisé afin de garantir une présentation uniforme au public et une qualité constante des produits et/ou des prestations de services. »

Le code européen de déontologie du franchisage, établi par la Fédération européenne du franchising et ses huit associations membres (dont six sont issues de la CEE) et qui a été versé à l'audience, indique, entre autres, les six caractéristiques suivantes pour un contrat de franchisage:

« 1)

La propriété d'une raison sociale, d'un nom commercial, de sigles ou de symboles, éventuellement d'une marque de fabrique, de commerce ou de service, et d'un savoir-faire mis à la disposition d'une ou de plusieurs entreprises franchisées, ainsi que le contrôle par le franchiseur d'un ensemble de produits et/ou de services présentés d'une manière originale et spécifique, et qui doivent obligatoirement être adoptés et utilisés par le franchisé, cette manière reposant sur un ensemble de techniques commerciales spécifiques qui ont été expérimentées auparavant et qui sont continuellement développées et vérifiées en ce qui concerne leur valeur et leur efficacité.

2)

Tout contrat de franchise implique un paiement effectué sous quelque forme que ce soit par le franchisé au franchiseur en reconnaissance du service apporté par le franchiseur qui fournit son nom, sa manière, sa technologie et son savoir-faire.

3)

Le franchisage est donc plus qu'un contrat de vente ou de concession ou qu'un contrat de licence dans lequel les deux parties acceptent l'une et l'autre des obligations importantes à l'égard de l'autre, au-delà et en deçà de celles établies dans une relation commerciale conventionnelle.

4)

Le franchiseur garantira la validité de ses droits sur la marque, l'enseigne, le sigle, le slogan, etc. et assurera aux entreprises franchisées la jouissance paisible de ceux qu'il met à leur disposition.

5)

Le franchiseur sélectionnera et acceptera seulement les candidats franchisés qui posséderont les qualifications exigées par la franchise. Toute discrimination pour des raisons de politique, de race, de langue, de religion ou de sexe sera exclue des qualifications.

6)

Le contrat de franchise spécifiera notamment les points mentionnés ci-dessous, étant bien entendu que les dispositions adoptées seront compatibles avec le droit national ou communautaire:

les modalités et conditions de paiement des droits et royalties;

la durée du contrat et la base de renouvellement, l'époque et la durée du préavis;

les droits du franchiseur préalablement à la cession par le franchisé;

la définition des ‘droits territoriaux ouverts’ accordés au franchisé, y compris des options (si accordées) sur des territoires avoisinants;

une base pour la répartition des actifs affectés par le contrat si le contrat prend fin;

les dispositions de répartition relatives à la fourniture des marchandises, y compris la responsabilité et les coûts du transport;

les conditions de paiement;

les services fournis par le franchiseur: assistance pour la commercialisation, promotion, publicité, technologie et savoir-faire, conseils pour la direction, l'administration ou le commerce, conseils financiers et fiscaux, conditions auxquelles ces services seront rendus et les charges s'y rapportant, formation;

obligations du franchisé: fournir des comptes et des données de fonctionnement, recevoir une formation et accepter des procédures d'inspection. »

En ce qui concerne la formation et l'assistance, le code de déontologie contient encore un grand nombre de règles particulières, dont toutefois seules les règles suivantes nous semblent avoir un certain intérêt pour l'appréciation d'un contrat de franchisage au sens du code de déontologie au regard de l'article 85 du traité CEE:

« —

le franchiseur assistera le franchisé en le conseillant sur ses frais de fonctionnement et ses marges de telle sorte qu'il réussisse à n'importe quel moment donné dans ses affaires;

toute clause de non-concurrence applicable après la rupture ou la cessation du contrat doit être spécifiée et définie précisément dans le contrat quant à sa durée et son étendue territoriale ».

2.3. Jurisprudence

Ce n'est qu'en France que les définitions, établies par les organisations professionnelles, sont reprises à des degrés divers par la jurisprudence — voir tribunal de grande instance de Bressuire, 19 juin 1973 (SVPNAS/Billy); tribunal correctionnel de Paris, 4 mars 1974 (Maje Distribution); cour d'appel de Paris (cinquième chambre), 28 avril 1978 (Morvan/Intercontinents); cour d'appel de Paris, 10 mai 1978 (Télé-fleurs/Interflora, Cahiers de droit de l'entreprise, juin 1978); cour d'appel de Douai, 22 avril 1982, Gazette du Palais, 1982, « doctrine », p. 565); cour d'appel de Colmar (premiere chambre civile), 9 juin 1982 (Félicitas/Georges, Dalloz 1982, Recueil p. 553). La caractéristique de cette jurisprudence est que les droits d'exclusivité ne sont pas toujours considérés comme essentiels (cour d'appel de Colmar et cour d'appel de Douai), alors que la mise à disposition d'une raison sociale, de sigles et de symboles, ainsi que l'assurance d'une méthode uniforme de vente le sont. L'absence de définition légale fait que les contrats de franchisage sont, du reste, toujours appréciés exclusivement sur la base des clauses du contrat concret en cause.

Nous n'avons pu trouver dans la Communauté une décision judiciaire sur les aspects des ententes dans les contrats de franchisage que dans un arrêt du Bundesgerichtshof du 23 mars 1982 (Meierei-Zentrale, Wirtschaft und Wettbewerb 1982, p. 781). Dans cet arrêt, l'interdiction des prix verticalement imposés, édictée à l'article 15 de la loi allemande sur les ententes (Gesetz gegen Wettbewerbsbeschränkungen — loi contre les restrictions du jeu de la concurrence), a été jugée applicable à un contrat de franchisage fixant des prix de détail. Or, dans son rapport Full-Line Forcing & Tie-In-Sales de 1981, la «Monopolies and Mergers Commission » britannique a estimé que des obligations d'achat exclusif étaient également pertinentes dans certaines circonstances au regard du droit des ententes.

Aux États-Unis, comme nous l'avons observé précédemment, le concept de contrat de franchisage a été utilisé à l'origine dans un sens très large. Or, selon l'interprétation plus restreinte de ce concept, apparue récemment (et qui a surtout servi d'exemple pour le développement du franchisage en Europe), le franchisage est défini comme la concession par le propriétaire d'une marque commerciale ou d'une raison sociale, par laquelle la vente d'un produit ou la prestation d'un service est concédée à un tiers sous cette marque ou cette raison sociale (Black's Law Dictionary, 5e édition, 1979, et von Kalinowski, Antritrust Laws and Trade Regulation, vol. 2, paragraphe 6H.01/supplément 1981).

De même qu'au Royaume-Uni, les obligations d'exclusivité d'achat, prévues dans les contrats de franchisage, ne sont pas considérées sans plus aux États-Unis comme des « tying-arrangements », prohibés par le droit des ententes. Or, elles peuvent être considérées comme telles dans certaines conditions de marché. Depuis l'arrêt Sylvania de 1977, la « rule of reason » est appliquée aux clauses de restriction territoriale verticale pour vérifier s'il existe une restriction (notamment horizontale) du jeu de la concurrence. Les clauses relatives aux prix de détail du franchisé sont considérées comme interdites en soi lorsqu'il apparaît qu'à cet égard il ne s'agit pas de prix simplement recommandés, mais que le franchiseur tente d'obliger, de quelque manière que ce soit, le franchisé à appliquer aussi ses suggestions ou recommandations. Dans l'arrêt Sylvania, des restrictions de territoire et notamment des « restrictions de magasin », dont il s'agit aussi dans l'affaire Pronuptia, ont aussi été soumises à la « rule of reason » en dépit des restrictions du jeu de la concurrence qu'elles impliquaient entre les revendeurs de Sylvania. Les restrictions « verticales » du jeu de la concurrence, telles que celles dont il s'agit dans l'affaire Sylvania, ont été jugées favorables à la concurrence entre les marques en dépit des restrictions qu'elles impliquaient pour la concurrence à l'intérieur de la marque. Les restrictions verticales du jeu de la concurrence, telles que celles dont il s'agit dans cette affaire, ne pourraient être considérées comme tombant sous le coup de l'interdiction générale, prévue par la législation américaine sur les ententes, que dans certains cas et sur la base de leurs effets économiques réels. Eu égard aussi à la pratique juridique américaine ultérieure, l'existence ou l'inexistence d'une concurrence effective avec d'autres produits sur le marché des produits en cause paraît, à cet égard, avoir une importance déterminante. En ce qui concerne cette pratique juridique américaine, nous observerons déjà ici que le problème, spécifiquement communautaire, des marchés nationaux distincts, caractérisés par des prix généralement très divergents, n'existe pas aux États-Unis. Un marché intérieur unique y est déjà réalisé depuis longtemps, de sorte que le problème de l'obstacle mis aux importations parallèles n'existe pas.

2.4. Observations finales

Sur la base de la doctrine et de la jurisprudence à l'intérieur de la Communauté, les conceptions de la Fédération européenne des associations de franchisage, que nous avons reproduites plus haut, et les définitions américaines les plus récentes des contrats de franchisage tels que ceux dont il s'agit en l'espèce, nous estimons qu'outre le caractère indépendant des entreprises concernées, l'élément consistant, dans une licence, à utiliser une raison sociale, un nom commercial, un sigle ou d'autres symboles, ainsi qu'un savoir-faire au sens large, doublé d'un mode de présentation uniforme, avec pour contrepartie caractéristique une rétribution par le franchisé en échange des licences accordées, sont des éléments déterminants de la nature d'un contrat de franchisage pour le commerce de produits. Pour l'appréciation au regard du droit des ententes, ce sont surtout la position sur le marché des entreprises concernées et la distinction entre la relation verticale entre le franchiseur et le franchisé et la relation horizontale entre l'un et l'autre et leurs concurrents qui sont importants dans la jurisprudence américaine. C'est notamment l'existence ou l'absence d'une concurrence entre les marques qui (sauf dans des conditions de marché particulières) paraît être considérée comme étant plus importante pour le maintien d'une concurrence effective que la concurrence à l'intérieur de la marque. Tant aux États-Unis qu'en République fédérale d'Allemagne, le fait que les franchisés soient tenus par les franchiseurs de respecter des prix verticalement imposés paraît être considéré en soi comme contraire à l'interdiction des accords sur les prix, édictée par le droit des ententes. Pour le surplus, tant la jurisprudence des États-Unis que celle de trois des grands États membres de la CEE paraissent apprécier chaque contrat sur la base de ses mérites propres, y compris ses clauses spécifiques, et (pour autant que l'appréciation porte sur des aspects du droit des ententes) sur la base des circonstances spécifiques du marché. Ce dernier point semble notamment valoir pour l'appréciation des différentes clauses d'exclusivité pouvant figurer dans des contrats de franchisage.

3. Similitudes et différences entre les contrats de franchisage et d'autres systèmes de distribution dont il a été question dans la jurisprudence de la Cour

3.1. Représentants de commerce exclusifs

Étant donné que la qualité d'entrepreneur indépendant ou le fait pour le franchisé d'agir en son nom propre et à ses propres risques est toujours considéré comme une caractéristique essentielle dans la doctrine et la jurisprudence relatives aux contrats de franchisage, nous pensons, contrairement à Pronuptia, qu'une comparaison entre cette nouvelle espèce de contrats et les contrats de représentants de commerce au sens de la communication de la Commission du 24 décembre 1962 (JO 1962, p. 2921) n'est pas: pertinente pour la réponse aux questions du Bundesgerichtshof. Ainsi qu'il ressort de l'article 3, paragraphe 5, précité des contrats; en cause, ceux-ci ne s'écartent pas non plus; à cet égard de la structure générale.

3.2. Contrats d'exclusivité de vente

Les contrats litigieux présentent plus de similitudes avec les contrats d'exclusivité de vente. Les droits d'exclusivité d'achat du franchisé, inscrits à l'article 1er précité, paragraphes 1 et 2, et les droits (restreints) d'exclusivité de livraison du franchiseur, inscrits à l'article 3, paragraphe 6, présentent à première vue une similitude évidente avec les caractéristiques qui, en vertu de l'article 1er, paragraphe 1, sont déterminantes pour l'applicabilité du règlement no 67/67/CEE, du 22 mars 1967, concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE à des catégories d'accords d'exclusivité de vente. Il est dès lors compréhensible que le juge de renvoi ait posé en l'espèce des questions séparées sur l'applicabilité du règlement précité.

En ce qui concerne la première question du juge de renvoi concernant l'applicabilité en principe de l'article 85 aux contrats de franchisage, c'est surtout son analogie avec l'énoncé du problème par la Cour dans l'affaire 32/65 (Italie/Commission, arrêt du 13 juillet 1966, Rec. 1966, p. 563) qui nous paraît importante. L'attendu 2, figurant à la page 592 de cet arrêt, se prêterait éventuellement, en particulier — et sous réserve des différences entre les contrats de franchisage et les contrats d'exclusivité de vente « classiques », dont nous parlerons plus loin —, à une application par analogie lors de la réponse à la première question du juge de renvoi.

Cet attendu se lit comme suit:

« attendu qu^on ne saurait, en outre, écarter l'éventuelle application de l'article 85 à un accord de concession exclusive, au motif que concédant et concessionnaire ne seraient pas concurrents entre eux;

qu'en effet, la concurrence visée à l'article 85, paragraphe 1, n'est pas seulement celle que pourraient se faire les parties à l'accord, mais aussi celle qui pourrait s'exercer entre l'une d'elles et les tiers;

qu'il doit en être d'autant plus ainsi que, par un tel accord, les parties pourraient chercher, en empêchant ou en limitant la concurrence des tiers sur le produit, à instituer ou garantir à leur profit un avantage injustifié au détriment du consommateur ou de l'usager, contraire aux objectifs généraux de l'article 85;

qu'il est donc possible que, sans entraîner un abus de position dominante, un accord entre opérateurs économiques situés à des stades différents soit susceptible d'affecter le commerce entre États membres et, simultanément, ait pour but ou pour effet d'empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence, tombant ainsi sous l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1;

que chacun des articles 85 et 86, répondant ainsi à des objectifs propres, est indifféremment applicable à divers types d'accords, dès lors que sont réunies les conditions spéciales de l'un ou de l'autre de ces articles ».

L'attendu suivant écarte aussi une comparaison avec des représentants de commerce et autres formes d'intégration, dans lesquelles une seule et même entreprise intègre son réseau de distribution dans sa propre entreprise (et où il n'y a donc pas d'accords entre plusieurs entreprises — indépendantes).

L'importance de l'attendu cité en premier lieu nous paraît résider dans le fait qu'il semble s'appliquer mutatis mutandis à tous les accords bilatéraux verticaux. Ensuite, à l'instar de la jurisprudence américaine, cet attendu semble considérer comme déterminante pour l'applicabilité de l'article 85, paragraphe 1, plus particulièrement la possibilité de restrictions horizontales du jeu de la concurrence et non pas tellement les restrictions mutuelles de la liberté d'action des parties liées verticalement entre elles sur le marché.

Cette conclusion n'est pas non plus modifiée par le fait que, dans l'arrêt Grundig-Consten (affaires jointes 56 et 58/64, Rec. 1966, p. 429, à la page 496), la Cour a considéré (en ce qui concerne l'argument que l'accord favorisait la concurrence entre produits similaires de marques différentes) « que si la concurrence entre producteurs est généralement plus apparente que celle entre distributeurs de la même marque, il n'en résultera pas pour autant qu'un accord tendant à restreindre cette dernière devrait échapper à l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1, du seul fait qu'il pourrait renforcer la première ». La Cour considère ensuite dans le même arrêt « qu'aux fins de l'application de l'article 85, paragraphe 1, la prise en considération des effets concrets d'un accord est superflue dès qu'il apparaît qu'il a pour objet de restreindre, empêcher ou fausser le jeu de la concurrence ».

Si on examine plus attentivement l'arrêt Grundig-Consten dans son ensemble, il apparaît, selon nous, qu'effectivement la Cour avait ici aussi concrètement en vue des restrictions du jeu de la concurrence entre le vendeur exclusif et des tiers (en l'espèce des importateurs parallèles des produits d'une même marque), en d'autres termes des restrictions du jeu horizontal de la concurrence. A cet égard, nous renvoyons plus particulièrement au dernier attendu de la page 496 de l'arrêt. Or, sur ce point, la Cour estime que la concurrence horizontale à l'intérieur de la marque est, dans une plus large mesure que dans la jurisprudence américaine récente, aussi pertinente, notamment lorsque la protection des marchés nationaux contre des importations parallèles est en cause.

Dans l'arrêt préjudiciel du 30 juin 1966 dans l'affaire 56/65 (Société technique minière/Maschinenbau Ulm, Rec. 1966, p. 337), la Cour a encore précisé utilement, à la page 360, « que, dès lors, pour apprécier si un contrat assorti d'une clause concédant un droit exclusif de vente doit être considéré comme interdit en raison de son objet ou de son effet, il y a lieu de prendre en considération notamment la nature et la quantité limitée ou non des produits faisant l'objet de l'accord, la position et l'importance du concédant et celle du concessionnaire sur le marché des produits concernés, le caractère isolé de l'accord litigieux ou, au contraire, la place de celui-ci dans un ensemble d'accords, la rigueur des clauses destinées à protéger l'exclusivité ou, au contraire, les possibilités laissées à d'autres courants commerciaux sur les mêmes produits par le moyen de réexportations et d'importations parallèles ».

3.3. Contrats de brasserie

Les contrats d'exclusivité de vente, qui ont été examinés dans votre jurisprudence, se rapportaient pour la plupart aux importateurs exclusifs et, ainsi qu'il ressort des communications de la Commission à l'audience, cela valait d'une manière générale pour les contrats d'exclusivité de vente qui lui avaient été notifiés. A cet égard, il n'y avait notamment pas des dizaines de détaillants directement concernés, comme c'est le cas dans la présente affaire. Toutefois, votre jurisprudence relative à ce qu'il est convenu d'appeler les contrats de brasserie est justement importante sur ce point. Sur la base d'un passage tiré de l'attendu que nous venons de citer de l'arrêt STM/ Maschinenbau Ulm, la Cour a déjà affirmé dans le premier arrêt Haecht (affaire 23/67, Rec. 1967, p. 525, à la page 537), en ce qui concerne les contrats de brasserie (avec obligation de s'approvisionner exclusivement auprès d'une seule brasserie) dont il s'agissait en l'espèce:

« que, pour apprécier si elle est frappée par l'article 85, paragraphe 1, une convention ne peut donc être isolée de ce contexte, c'est-à-dire des circonstances de fait ou de droit ayant pour conséquence qu'elle a pour effet d'empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence;

que, par rapport à cet objectif, l'existence de contrats similaires peut être prise en considération dans la mesure où l'ensemble des contrats de ce genre est de nature à restreindre la liberté du commerce ».

En cas d'application par analogie aux contrats de franchisage, cet attendu, combiné avec l'attendu suivant, nous paraît avoir pour effet que l'article 85, paragraphe 1, est applicable lorsqu'un franchiseur d'un État membre A occupe une position telle sur le marché d'un État membre B qu'il peut rendre sensiblement plus difficile l'accès au marché de l'État membre B pour d'autres producteurs ou des grossistes au moyen (de ses propres filiales et) d'un certain nombre de contrats de franchisage avec des commerçants indépendants.

Il ressort de l'attendu 5 de votre arrêt dans l'affaire Bilger/Jehle (43/69, Rec. 1970, p. 127) que, si l'on tient compte d'autres contrats similaires, il faut tenir compte non seulement de contrats conclus par un grand nombre de détaillants avec le même producteur (ou grossiste), mais aussi de contrats d'exclusivité d'achat similaires, conclus avec d'autres producteurs du même État. Dans le cas des contrats de brasserie, un tel effet global de cloisonnement du marché pourra effectivement résulter en particulier de l'ensemble de ces contrats entre détaillants d'un État membre déterminé et producteurs du même État membre. Pour autant que nous avons pu le vérifier, la Cour n'a eu à examiner jusqu'à présent que des contrats de brasserie de ce genre, conclus entre une brasserie et des acheteurs professionnels d'un seul et même État membre. Or, à notre avis, dans le cas des contrats de franchisage, un effet de cloisonnement du marché (ou toute autre restriction horizontale du jeu de la concurrence) pourra aussi résulter de l'effet global de contrats de franchisage pour des produits similaires, indépendamment du lieu d'établissement du producteur ou du grossiste.

En ce qui concerne les contrats de brasserie, votre arrêt du 1er février 1977 dans l'affaire 47/76 (A. de Norre et M. de Clercq/NV Brouwerij Concordia, Rec. 1977, p. 65) nous paraît avoir une certaine importance pour la réponse à la deuxième question posée par le Bundesgerichtshof dans l'affaire Pronuptia. Dans cet arrêt, la Cour a notamment déclaré qu'en dépit de certaines différences, reconnues par la Cour, avec les contrats d'exclusivité de vente traditionnels, pour lesquels le règlement no 67/67 a jadis été promulgué, ce règlement s'applique aussi aux contrats de brasserie, c'est-à-dire « aux accords auxquels ne participent que deux entreprises ressortissant d'un seul et même État membre, dans lesquels l'une s'engage, vis-à-vis de l'autre, à n'acheter certains produits qu'à celle-ci dans le but de la revente, et qui ne présentent pas les caractéristiques énoncées à l'article 3 du règlement no 67/67 de la Commission, pour autant qu'à défaut d'exemption, ils tomberaient sous le coup de l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE». Ainsi qu'il ressort de l'attendu 13 de cet arrêt, celui-ci était notamment basé sur la constatation « que les accords dont il s'agit remplissent les conditions énoncées à l'article 1er, paragraphe 1, sous b), du règlement no 67/67 », ainsi que (comme il ressort des attendus 16 à 33) sur votre arrêt dans l'affaire Roubaix Wattrelos (affaire 63/75, Rec. 1976, p. 111).

En ce qui concerne cet arrêt aussi, il faut, à notre avis, soutenir en principe que, pour l'appréciation de la possibilité d'une application par analogie dans l'affaire Pronuptia, il n'est pas essentiel que cet arrêt soit limité aux contrats auxquels seulement deux entreprises ressortissant d'un seul État membre sont parties. Nous pensons que rien dans les attendus de l'arrêt n'indique que la Cour aurait estimé que le règlement no 67/67 n'est pas applicable au contrat de brasserie entre un détaillant établi dans l'État membre A et une brasserie située dans l'État membre B.

Toutefois, l'arrêt laisse évidemment entièrement en suspens la question de savoir si d'autres caractéristiques des contrats de franchisage tels que ceux dont il s'agit dans la présente procédure s'opposent à l'applicabilité du règlement no 67/67. Selon nous, comme nous l'exposerons plus en détail dans la partie suivante de nos conclusions, tel est effectivement le cas.

3.4. Systèmes de distribution sélective

Dans la présente procédure, Pronuptia a aussi invoqué l'arrêt Metro (affaire 26/76, Rec. 1977, p. 1875). Dans l'attendu 20 de cet arrêt, la Cour a considéré, entre autres,

« que, notamment, dans le secteur de la production de biens de consommation durables, de haute qualité et technicité, dans lequel un nombre relativement restreint de producteurs, grands et moyens, offre une gamme variée d'appareils aisément interchangeables, en tout cas aux yeux des consommateurs, la structure du marché ne s'oppose pas à l'existence de canaux de distribution différenciés adaptés aux caractéristiques propres des différents producteurs et aux besoins des différentes catégories de consommateurs;

que, dans cette perspective, la Commission a, à juste titre, reconnu que des systèmes de distribution sélective constituaient, parmi d'autres, un élément de concurrence conforme à l'article 85, paragraphe 1, à condition que le choix des revendeurs s'opère en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif, relatifs à la qualification professionnelle du revendeur, de son personnel et de ses installations, que ces conditions soient fixées d'une manière uniforme à l'égard de tous les revendeurs potentiels et appliquées de façon non discriminatoire ».

Or, à notre avis, l'alinéa cité en dernier lieu ne se prête déjà pas à une application par analogie dans la présente affaire parce que, dans les contrats de franchisage litigieux, des critères quantitatifs rigoureux sont utilisés à côté de critères qualitatifs.

Une certaine importance indirecte pour la présente affaire revient plutôt à l'alinéa précédent de l'attendu 20 précité, ainsi qu'à l'avant-dernier alinéa de l'attendu 21 qui se lit ensuite:

« que la préoccupation, s'agissant de grossistes et détaillants spécialisés, de maintenir un certain niveau de prix correspondant à celle du maintien, dans l'intérêt du consommateur, de la possibilité pour ce canal de distribution de subsister à côté de formes de distribution nouvelles axées sur une politique concurrentielle de nature différente, rentre dans le cadre des objectifs qui peuvent être poursuivis sans tomber nécessairement sous l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1, et, si tel était en tout ou en partie le cas, dans le cadre de l'article 85, paragraphe 3 ».

L'alinéa 2 de l'attendu 22 nous paraît également important pour l'affaire Pronuptia. Il dit

« qu'il appartiendra cependant à la Commission de veiller à ce que la rigidité (certaine, constatée dans l'alinéa 1) de cette structure (de prix) ne soit pas renforcée, ce qui pourrait se produire dans l'hypothèse d'une multiplication de réseaux de distribution sélective pour la commercialisation d'un même produit » (les précisions entre parenthèses sont ajoutées par nous).

Enfin, l'attendu 24 indique les dispositions que la Commission ne juge pas restrictives du jeu de la concurrence.

Dans l'affaire 31/80 (L'Oréal, Rec. 1980, p. 3775), la Cour a considéré (attendu 17) que:

« Lorsque l'accès à un réseau de distribution sélective est subordonné à des conditions allant au-delà d'une simple sélection objective de caractère qualitatif, en particulier lorsqu'il est fondé sur des critères quantitatifs, le système de distribution tombe en principe sous l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1, pour autant, ainsi que la Cour l'a observé par son arrêt du 30 juin 1966 (STM, affaire 56/65, Rec. 1966, p. 337), que l'accord remplisse diverses conditions dépendant moins de sa nature juridique que de ses rapports, d'une part, avec le ‘commerce entre les États membres’, d'autre part, avec le ‘jeu de la concurrence’. »

Les deux attendus suivants explicitent ces conditions (l'attendu 18 indiquant qu'il faut surtout avoir égard aux conséquences de l'accord en cause sur les possibilités d'importation parallèle, tandis que l'attendu 19 renvoie, entre autres, aux attendus déjà cités du premier arrêt Haecht). Dans l'affaire Lancôme (affaire 99/79, Rec. 1980, p. 2511), la Cour avait déjà adopté un point de vue similaire à celui contenu dans l'attendu 17. Les attendus précités ont également une certaine importance pour l'affaire actuellement pendante.

En ce qui concerne le caractère prohibé d'une « clause relative au local commercial » visée à l'article 4 des contrats litigieux, la Commission a encore invoqué l'attendu 51 de l'arrêt du 21 février 1984 dans l'affaire 86/82 (Hasselblad, Rec. 1984, p. 883).

Après avoir confirmé le caractère prohibé des critères de sélection quantitatifs, cet attendu affirme qu'« au moyen de la clause 28, la requérante était en mesure de restreindre en fait la liberté des commerçants, voire de distributeurs agréés, de s'établir dans un secteur où leur présence pouvait, selon la requérante, affecter le jeu de la concurrence ». L'attendu 52 confirme ensuite le caractère prohibé, affectant entre autres cette clause.

3.5. Contrats de licence

Étant donné que les licences jouent aussi un rôle déterminant dans les contrats de franchisage, vos arrêts dans les affaires Nungesser (affaire 258/78, Rec. 1982, p. 2015) et Coditei II (affaire 262/81, Rec. 1982, p. 3381) ont aussi une certaine importance pour la présente affaire. Dans l'attendu 58 de l'arrêt Nungesser, la Cour a conclu, « en tenant compte de la spécificité des produits en cause », que « dans un cas comme celui de l'espèce, la concession d'une licence exclusive ouverte, c'est-à-dire d'une licence qui ne vise pas la situation des tiers, tels les importateurs parallèles et les licenciés pour d'autres territoires, n'est pas, en soi, incompatible avec l'article 85, paragraphe 1, du traité ». En revanche, à l'attendu 61 du même arrêt, elle a rappelé que, selon sa jurisprudence constante, « la protection territoriale absolue en faveur d'un licencié, destinée à permettre le contrôle et l'entrave des importations parallèles, aboutit au maintien artificiel des marchés nationaux distincts contraire au traité ». Le caractère déterminant de ce point de vue est confirmé par l'attendu 78.

Dans l'affaire Coditei II, la Cour a décidé qu'« un contrat concédant un droit exclusif de représentation d'un film pour une période déterminée, sur le territoire d'un État membre, par le titulaire du droit d'auteur sur cette œuvre, ne relève pas, en soi, des interdictions prévues par l'article 85 du traité, mais qu'il appartient, le cas échéant, à la juridiction nationale de vérifier si, dans un cas d'espèce, les modalités d'exercice du droit exclusif concédé par ce contrat se placent dans un contexte économique ou juridique dont l'objet ou l'effet serait d'empêcher ou de restreindre la distribution de films ou de fausser la concurrence sur le marché cinématographique, eu égard aux particularités de celui-ci ». Or, il ressort de l'attendu 19 de l'arrêt que l'exercice du droit exclusif de représentation d'un film cinématographique ne peut ainsi pas créer, entre autres, « la possibilité de redevances dépassant une juste rémunération des investissements réalisés ou une exclusivité d'une durée excessive par rapport à ces exigences ». Cet attendu a notamment une certaine importance pour la présente affaire, étant donné que le litige principal concerne plus particulièrement les redevances.

4. Réponses aux questions posées

4.1. Observations générales

Tous les arrêts que nous avons cités contiennent, selon nous, des éléments ayant une certaine importance pour les réponses aux questions posées.

La nature des contrats de franchisage auxquels les questions se rapportent correspond à notre avis aux caractéristiques des contrats de franchisage définies par la doctrine et la jurisprudence et que nous avons indiquées plus haut dans la mesure où le droit d'utiliser la raison sociale et la marque ou le sigle Pronuptia de Paris, la transmission du savoir-faire au sens large et l'obligation d'aménager le magasin d'une certaine manière conformément à l'image de marque et selon les indications du franchiseur constituent des éléments essentiels des contrats de franchisage (articles 1er, paragraphe 3, 3, paragraphes 1 et 3, et 4, paragraphes 1 et 14). Ce caractère essentiel ressort aussi des redevances convenues comme prix de la licence et fixées au taux de 10 % de l'ensemble du chiffre d'affaires du franchisé (article 5, paragraphe 1). Or, en vertu de l'article 3, paragraphe 5, du contrat, le franchisé assume en principe seul les risques de son fonds de commerce. Sous l'angle économique, ce sont aussi, à notre avis, surtout ces caractéristiques qui rendent les contrats de franchisage, comme nouvelle méthode de distribution, particulièrement attrayants pour les franchiseurs. Vu de l'extérieur, un magasin aménagé et géré conformément au contrat donne l'impression d'être une filiale. Or, contrairement à une filiale, le franchiseur n'a pas à assumer les frais d'investissement. Il n'a pas non plus à effectuer une étude de marché dans la zone d'implantation parce que, en cas de mévente (notamment en cas de rapport défavorable entre les frais et les bénéfices afférents au magasin en question), il n'assume aucun risque, mais a, en revanche, droit aux redevances non négligeables, fixées au taux de 10 % de l'ensemble du chiffre d'affaires.

Comme en témoigne son développement foudroyant, le nouveau système paraît aussi avantageux pour le franchisé, probablement parce qu'il lui fournit notamment un accès (généralement exclusif) à des produits de qualité dont la valeur commerciale est déjà établie. Cette valeur commerciale sera notamment établie lorsque — comme c'est le cas en l'espèce et, au dire du franchisé, aussi dans d'autres systèmes de franchisage nommément cités par lui — le franchiseur a déjà des filiales propres sur d'autres marchés régionaux ou locaux de l'État membre en question et que le système de franchisage constitue donc une extension d'un système de filiales propres du franchiseur, lequel système a déjà fait ses preuves sur le marché des produits en cause.

Enfin, l'existence d'un système de franchisage à côté d'autres systèmes de distribution pourra se révéler attrayant pour les consommateurs pour des raisons similaires, mais aussi à des conditions similaires à celles indiquées dans l'attendu 20 de l'arrêt Metro concernant les systèmes de distribution sélective. Pour autant que l'agréation des franchisés est soumise à des restrictions quantitatives (par exemple sous la forme d'une autorisation d'un seul franchisé seulement dans une région déterminée, comme c'est le cas en l'espèce), nous pensons, sur la base de vos arrêts précités dans les affaires L'Oréal, Lancôme et Hasselblad, que l'article 85, paragraphe 1, doit, en principe, être jugé applicable au contrat litigieux, si les conditions générales développées dans vos arrêts précités dans les affaires 32/65, 56 et 68/64, 56/65, 23/67, 43/69, 47/76, 26/76 et 258/78 sont remplies.

Selon nous, on peut notamment déduire des arrêts précités les critères suivants qui sont importants pour l'appréciation des contrats de franchisage tels que ceux en cause en l'espèce.

a)

Étant donné que l'applicabilité de l'article 85, paragraphe 1, dépend, ainsi qu'il ressort de l'ensemble des arrêts précités de la Cour, des effets horizontaux de contrats verticaux (par exemple l'exclusion de certains concurrents tels que les importateurs parallèles), la question de savoir si un contrat de franchisage entraîne ou non une répartition équitable des droits et obligations entre le franchiseur et le franchisé ne nous semble pas en soi importante pour la question relative à l'applicabilité de l'article 85, paragraphe 1. Il nous semble qu'il en va en principe de même pour les différentes obligations du franchisé à l'égard du franchiseur, telles que les obligations relatives à la spécialisation (articles 3, paragraphe 3, 4, paragraphe 1, et 6, paragraphe 6), la publicité (articles 1er, paragraphe 1, et 6, paragraphes 4 et 5) et l'aménagement et la gestion déterminées du fonds de commerce (articles 3, paragraphe 3, et 4, paragraphe 1). En ce qui concerne de telles obligations verticales, nous estimons que l'article 85, paragraphe 1, ne peut être applicable que lorsqu'il peut être démontré dans un cas concret que des tiers (concurrents, fournisseurs ou acheteurs) subissent un préjudice du fait de ces obligations, ce qui ne sera que rarement le cas lorsqu'il existe un nombre suffisant d'autres canaux de distribution pour des produits similaires.

b)

Lorsqu'il s'agit ainsi plus particulièrement des effets « horizontaux » ou, en termes plus précis, des effets du contrat pour les tiers, il faudra, ainsi qu'il ressort de votre jurisprudence, notamment se demander si les importations parallèles ne deviennent pas impossibles (par exemple les arrêts Grundig-Consten, Bilger/Jehle, et Nungesser), si l'accès au marché est restreint pour d'autres fournisseurs ou commerçants, eu égard à la position des fournisseurs concernés sur le marché des produits en cause (voir les attendus cités des affaires 56/65, 23/67, 43/69, 26/76 et 31/80), et si le contrat de franchisage n'a pas pour effet une hausse des prix (arrêt Metro et affaire Coditei II), voire l'instauration d'un système de prix verticalement imposés au moyen d'obligations contractuelles ou d'ententes de fait entre le franchiseur, ses filiales et ses différents franchisés.

Toutefois, en ce qui concerne ce dernier critère et contrairement à la jurisprudence américaine et allemande que nous avons citée sur ce point, nous pensons que votre jurisprudence générale relative au système de prix verticalement imposés et aux autres systèmes d'ententes sur les prix ne doit être appliquée que s'il existe une position économique dominante sur les marchés locaux concernés ou un système de prix verticalement imposés qui est également appliqué par des concurrents. L'effet de hausse de prix, qui résulte des clauses du contrat litigieux relatives aux redevances et qui est presque certainement très important, ne nous paraît aussi justifier en soi, à la lumière des attendus 21 et 22 de l'arrêt Metro, l'applicabilité de l'article 85, paragraphe 1, que lorsqu'un franchiseur d'un Etat membre A joue un rôle déterminant dans la formation des prix sur un nombre considérable de marchés locaux de l'État membre B ou y occupe à un autre titre une position économique dominante.

Sur la base des critères précités, il nous paraît possible de répondre en termes suffisamment clairs à la première question du juge de renvoi pour lui permettre de statuer dans le cas concret. A cet égard, il nous paraît certainement souhaitable de donner à cette question une réponse plus concrète que celle proposée par la Commission.

Étant donné que nous estimons, pour des raisons sur lesquelles nous reviendrons encore, que le règlement no 67/67/CEE n'est pas applicable aux contrats de franchisage tels que ceux dont il s'agit ici, il n'est, selon nous, pas nécessaire de répondre à la troisième question du juge de renvoi en tant que telle. Toutefois, la Cour pourrait éventuellement préciser dans les attendus de son arrêt que les obligations visées dans la troisième question, sous b), d) et e), ne peuvent pas être considérées, sauf circonstances exceptionnelles, comme des restrictions du jeu de la concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1.

4.2. Réponse à la première question

Pour répondre à la première question à la lumière des critères que nous avons déduits de votre jurisprudence et venons de résumer, nous pensons notamment que les articles 1er, paragraphes 1 et 2, 3, paragraphes, 4, paragraphe 1, 5, paragraphe 1, et 6, paragraphes 1 et 6, des contrats versés au dossier sont importants. Du fait du caractère indéterminé des contrats de franchisage, tel qu'il ressort de la doctrine et de la jurisprudence, nous laissons à votre appréciation le soin de limiter effectivement votre réponse à la première question du Bundesgerichtshof aux contrats de franchisage ayant un contenu similaire à celui des contrats conclus en l'espèce par les parties. Il est alors évidemment très important pour la pratique juridique que vous résumiez ce contenu dans votre arrêt.

A notre avis, votre réponse à la première question pourrait se lire comme suit:

« L'article 85, paragraphe 1, du traité CEE est applicable aux contrats de franchisage tels que ceux conclus en l'espèce entre les parties pour autant, entre autres:

a)

qu'ils sont conclus entre un franchiseur d'un État membre ou une filiale telle qu'elle est visée à la troisième question, sous a), et qui est totalement dépendante de lui, et un ou plusieurs franchisés établis dans un ou plusieurs autres États membres, tandis que

b)

le franchiseur possède, par le biais de ses filiales et ses franchisés, une part de marché non négligeable sur le marché des produits en question dans un ou plusieurs de ces États membres ou sur une partie importante de leur territoire et, en outre, soit que

c)

les contrats empêchent, restreignent ou visent à empêcher ou à restreindre les importations parallèles des produits visés aux contrats sur le territoire contractuel ou les exportations des produits visés aux contrats par le franchisé à destination d'autres États membres, soit que

d)

les contrats aboutissent, notamment par la création de monopoles locaux ou régionaux pour les produits visés aux contrats, par des clauses relatives aux redevances et par des clauses contractuelles ou des pratiques concertées sur la fixation de prix, ainsi que par l'absence de concurrence effective sur des produits similaires, à la fixation de prix de détail trop élevés, c'est-à-dire des prix qu'en dépit d'une qualité éventuellement supérieure des produits visés aux contrats, il ne serait pas possible de pratiquer s'il existait une concurrence effective. »

Dans la formulation de cette réponse, nous avons voulu indiquer que les critères c) et d) doivent être considérés comme des critères complémentaires alternatifs. En ce qui concerne le critère c), conformément à votre jurisprudence constante, l'accent est mis sur l'empêchement d'une protection territoriale absolue des marchés nationaux, ce qui ne peut avoir aucun effet horizontal sensible de restriction de la concurrence qu'en cas de parts de marché négligeables. En revanche, en ce qui concerne le critère d), l'accent est mis sur l'empêchement de hausses de prix monopolistiques, ce qui ne sera en général possible qu'en cas de parts de marché considérables sur les marchés locaux ou régionaux concernés et en cas d'absence d'autres formes de distribution de produits similaires, ayant un effet de baisse des prix.

4.3. Réponses aux deuxième et troisième questions

A l'instar de la Commission et du gouvernement français, nous pensons qu'une exemption par catégories pour les contrats de franchisage est souhaitable, en particulier eu égard au fait qu'ils sont actuellement très fréquents et qu'ils doivent, en général, être jugés globalement positifs, les buts ou effets de restriction de la concurrence, qui sont également indéniables, ne s'opposant à l'exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE que dans certaines circonstances de marché déterminées (notamment en cas d'absence de systèmes de distribution concurrents) et en présence de certaines modalités de ces contrats.

Il est vraisemblable que les contrats de franchisage contribueront notamment en règle générale, cela aussi dans l'intérêt des consommateurs, à améliorer la distribution des produits, étant donné qu'ils permettront une pénétration rapide des nouveaux produits ou des produits ayant des qualités particulières sur les marchés de détail, territorialement fortement décentralisés. A cet égard, il incombe à la Commission d'acquérir d'abord l'expérience requise en matière d'exemptions par catégories, cela par un certain nombre de décisions individuelles dans des cas représentatifs, et de préciser ensuite dans un règlement sur les exemptions par catégories, conformément aux quatre conditions visées à l'article 85, paragraphe 3, les conditions auxquelles une importance plus grande peut effectivement être reconnue aux effets positifs des contrats de franchisage qu'aux effets de restriction de la concurrence, qui doivent être jugés indispensables en raison de leur effet positif.

Or, à l'instar de la Commission et du gouvernement français, nous estimons aussi que le règlement no 67/67 ne peut pas être jugé applicable aux contrats de franchisage tels que ceux dont il s'agit en l'espèce. Selon nous, cette conclusion se fonde notamment sur les considérations importantes suivantes.

En premier lieu, il est établi qu'au moment de l'adoption du règlement no 67/67, il n'existait plus guère de contrats de franchisage portant sur la distribution de produits à l'intérieur de la Communauté et qu'il n'était donc pas possible de se pencher, lors de l'élaboration de ce règlement, sur les problèmes très spécifiques soulevés par ces contrats. Les problèmes qui ont été examinés lors de l'élaboration du règlement et pour lesquels l'expérience suffisante, requise par le quatrième considérant du règlement no 19/65/CEE, avait été acquise concernaient, en fait, uniquement les importateurs exclusifs. Il est apparu de la réponse de la Commission à une question posée par nous à l'audience que lors de l'instauration des nouvelles exemptions récentes par catégories pour les contrats d'exclusivité de vente et d'achat, l'applicabilité n'a pas non plus été plaidée ni par les intéressés ni par les experts du gouvernement.

En deuxième lieu, nous estimons, sur la base de la doctrine et de la jurisprudence que nous avons examinées et des opinions des organisations d'entreprises de franchisage que nous avons reproduites, que le contenu des contrats de franchisage est principalement déterminé par le souci d'aligner dans toute la mesure du possible l'aménagement et la gestion du fonds de commerce du franchisé sur ceux du franchiseur ou de ses filiales au moyen de licences portant sur la raison sociale, les marques, les sigles ou symboles, le savoir-faire au sens large et d'autres clauses. En contrepartie, non seulement le franchisé assume tous les risques liés aux résultats d'exploitation, mais il est aussi tenu de verser une redevance — considérable en l'espèce — au franchiseur comme prix de la licence. Les obligations d'exclusivité de livraison et d'achat dont le contenu ne peut être apprécié du point de vue de la politique des ententes qu'en liaison avec la forme d'intégration très poussée des franchisés au niveau du commerce de détail dans un réseau de points de vente du franchiseur, gérés de manière uniforme, ne jouent à cet égard qu'un rôle accessoire. En revanche, dans le règlement no 67/67, les contrats de licence jouent précisément tout au plus un rôle accessoire.

En troisième lieu, les contrats de franchisage, ayant les caractéristiques dont il s'agit en l'espèce, sont fondamentalement différents des contrats de brasserie auxquels, selon la Cour, le règlement no 67/67 est applicable, étant donné qu'ils conduisent à la formation d'un monopole local ou régional strict des produits concernés. A cet égard, nous renvoyons notamment à l'article 1er des contrats versés au dossier de la procédure. Du reste, la différence avec les contrats d'exclusivité de vente, que nous avons citée en deuxième lieu, vaut également pour les contrats de brasserie.

En quatrième lieu, nous estimons que l'application du règlement no 67/67 est exclue en raison de son article 3, sous b). Les contrats de franchisage qui ont un contenu tel que celui dont il s'agit ici donnent une protection territoriale absolue au franchisé et rendent difficile pour les commerçants l'achat des produits visés au contrat chez d'autres commerçants établis dans le marché commun. A cet égard, nous renvoyons outre à l'article 1er déjà cité, aussi aux articles 3, paragraphes 3 et 6, et 4, paragraphe 1, des contrats déposés.

Pour ces quatre raisons, nous vous proposons de répondre dans les termes suivants à la deuxième question du juge de renvoi:

« Le règlement no 67/67/CEE concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords d'exclusivité (règlement sur les exemptions par catégories) n'est pas applicable aux contrats de franchisage ayant un contenu tel que celui des contrats conclus en l'espèce entre les parties. »

Dans ces conditions, il n'est pas nécessaire de répondre à la troisième question du juge de renvoi. Or, la réponse que nous avons proposée pour la première question, éventuellement en liaison avec certains attendus de votre arrêt qui devront être consacrés à certaines clauses du contrat ne restreignant pas le jeu de la concurrence, pourra permettre au juge de renvoi de déterminer quelles dispositions du contrat visées dans la troisième question doivent être jugées pertinentes pour l'applicabilité de l'article 85, paragraphe 1.


( *1 ) Traduit du néerlandais.

( 1 ) N.d.t.: traduction libre.