CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. GERHARD REISCHL,
PRÉSENTÉES LE 9 JUIN 1977 ( 1 )
Monsieur le Président,
Messieurs les Juges,
L'affaire dans laquelle nous présentons aujourd'hui nos conclusions a pour objet une décision adoptée par la Commission en vertu de l'article 85 du traité CEE. Cette décision concerne un système de distribution, créé, pour la vente de ses produits, par l'entreprise Schwarzwälder Apparate-Bau-Anstalt August Schwer Söhne GmbH (SABA) qui, en république fédérale d'Allemagne, fabrique essentiellement des appareils de télévision, de radio et des magnétophones.
Ce système comprend une série d'accords qui s'appliquent ou doivent s'appliquer selon les territoires de vente.
En république fédérale d'Allemagne et à Berlin-Ouest, la vente s'effectue par l'intermédiaire de grossistes et de détaillants spécialisés. Pour eux, les documents qui revêtent de l'importance sont les conditions de vente applicables au marché intérieur, l'attestation d'engagement pour la CEE des grossistes SABA, l'attestation d'engagement de distribution imposée des grossistes SABA, le contrat type de coopération et l'attestation d'engagement de distribution imposée des détaillants spécialisés SABA.
Dans d'autres États de la CEE, la vente se fait par l'intermédiaire de concessionnaires exclusifs. Pour ceux-ci, l'élément important est l'accord type de concession exclusive.
Pour le contenu de ces accords, nous renvoyons à la décision de la Commission. Nous nous bornerons ici à n'en citer que les éléments suivants — dans la mesure où ils revêtent de l'importance pour la présente affaire:
Au premier plan figure le système de distribution imposée applicable aux grossistes, aux concessionnaires exclusifs et aux détaillants spécialisés, qui établit l'obligation de n'approvisionner comme revendeurs dans le marché commun que des négociants SABA.
Est agréé en tant que grossiste, celui qui exploite un commerce spécialisé, qui fournit une contribution à la mise en place et au renforcement du réseau de distribution SABA, qui participe au service à la clientèle et qui souscrit avec SABA un contrat de coopération établissant en particulier l'obligation de réaliser avec les produits SABA un chiffre d'affaires satisfaisant et de souscrire à l'avance des contrats de livraison semestriels; au cours de la procédure judiciaire, cette dernière obligation — nous y reviendrons — a été modifiée en ce sens que des contrats spéciaux de livraison ne doivent être conclus à l'avance que pour quatre mois et au cours du dernier trimestre de chaque année un contrat relatif au chiffre d'affaires annuel doit être souscrit pour l'année suivante. En outre, il est interdit aux grossistes allemands d'approvisionner des consommateurs finals sur le territoire fédéral et à Berlin-Ouest. Une exception ne s'applique qu'à la livraison d'entreprises industrielles avec l'obligation de respecter certaines conditions qui ont également été modifiées au cours de la procédure judiciaire.
Est agréé en qualité de détaillant, celui qui exploite un commerce spécialisé et qui dispose d'un point de vente se prêtant à la publicité et à la présentation ainsi que d'un personnel formé. Les détaillants spécialisés SABA sont obligés d'offrir un assortiment de produits SABA aussi complet que possible, de réaliser un chiffre d'affaires satisfaisant sur les produits SABA, de maintenir un stock correspondant, d'exposer les appareils de manière représentative et d'assurer le service technique à la clientèle ainsi que des garanties.
De 1962 à 1974, l'entreprise SABA a effectué les notifications à la Commission, prévues dans le règlement no 17, afin d'obtenir une exemption de son système de distribution en vertu de l'article 85, paragraphe 3 du traité CEE. Au cours de la procédure administrative, les réglementations initiales ont été partiellement modifiées.
En novembre 1973, la requérante dans la présente affaire est, elle aussi, intervenue dans la procédure par une demande, présentée conformément à l'article 3 du règlement no 17. Elle a élevé des objections contre le système de distribution pour le motif que par la manière dont il est aménagé, il exclut le commerce de gros en libre service — tel que la requérante l'exerce, elle aussi. Son intervention a eu pour conséquence que l'interdiction des livraisons directes applicable aux grossistes allemands, a été modifiée de telle manière qu'elle n'englobe pas les livraisons aux consommateurs finals professionnels.
En portant une appréciation exhaustive sur le système de distribution, la Commission est parvenue à la conclusion que quelques-uns de ces éléments ne seraient pas englobés par l'article 85, paragraphe 1 du traité CEE. Il en serait ainsi pour les conditions de vente applicables au marché intérieur, pour l'exigence d'une qualification spécialisée, que les négociants SABA doivent remplir, pour l'obligation de participer à la mise en place du réseau de distribution et de services ainsi que pour l'interdiction applicable aux grossistes allemands d'approvisionner des consommateurs finals privés en république fédérale d'Allemagne et à Berlin-Ouest.
Pour les autres éléments, il a été admis qu'ils tombaient sous le coup de l'article 85, paragraphe 1, c'est-à-dire qu'ils avaient pour conséquence de restreindre la concurrence et d'entraver le commerce international. La Commission l'a constaté pour l'accord de coopération à souscrire avec les grossistes et pour l'obligation, applicable aux détaillants, d'offrir un assortiment de produits SABA aussi complet que possible, de réaliser un chiffre d'affaires satisfaisant sur les produits SABA et de maintenir un stock correspondant. A son avis, il en est également de même pour l'accord en vertu duquel SABA ne fournit pas les négociants qui ne font pas partie du système de distribution et les négociants SABA ne doivent pas approvisionner les négociants qui ne sont pas agréés en qualité de négociants SABA.
Dans la mesure où l'article 85, paragraphe 1 intervient ici, la Commission a estimé toutefois qu'il y avait lieu d'accorder une exemption conformément à l'article 85, paragraphe 3. Elle est parvenue à cette appréciation d'une part parce qu'elle a constaté des améliorations au sens de l'article 85, paragraphe 3, qui bénéficient aux consommateurs, d'autre part parce qu'elle n'a pu apercevoir aucune restriction qui ne serait pas indispensable pour atteindre les avantages mentionnés et enfin parce qu'à son avis, le système de distribution n'offre pas la possibilité d'exclure la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause.
La décision définitive de la Commission adoptée le 15 décembre 1975 a été rédigée en conséquence. Son article 1 contient une attestation négative en ce qui concerne les conditions de vente applicables au marché intérieur. L'article 2 déclare que conformément à l'article 85, paragraphe 3, l'article 85, paragraphe 1 n'est pas applicable aux attestations d'engagement pour la CEE des grossistes SABA (dans la rédaction du 1er juillet 1974), à l'accord type de concession exclusive (dans la rédaction de 1966/1967), à l'attestation d'engagement de distribution imposée des grossistes SABA (dans la rédaction du 1er juillet 1974), au contrat type de coopération (dans la rédaction du 2 janvier 1974), à l'attestation d'engagement pour la CEE des détaillants spécialisés SABA (dans la rédaction du 1er juillet 1974) et à l'attestation d'engagement de distribution imposée des détaillants spécialisés SABA (dans la rédaction du 1er juillet 1974). En outre, la décision dispose que SABA devra présenter chaque année à la Commission des rapports sur certaines opérations et qu'elle s'appliquera jusqu'au 21 juillet 1980.
L'entreprise Metro SB-Großmärkte GmbH & CO. KG, partie requérante, a, elle aussi, été informée de l'issue de la procédure par une lettre du 14 janvier 1976 à laquelle était jointe la décision de la Commission.
L'entreprise Metro n'a pas voulu se contenter de ce résultat. Convaincue que la Commission n'a pas appliqué correctement l'article 85 du traité CEE, elle a saisi la Cour de justice par une requête du 10 mars 1976. D'après sa demande, la décision de la Commission du 15 décembre 1975 et le rejet de sa réclamation qu'elle aperçoit dans la lettre du 14 janvier 1976, doivent être annulés.
Avant d'aborder ces demandes, nous voudrions encore mentionner que l'entreprise SABA qui soutient la thèse de la Commission ainsi que l'association du commerce de gros en libre service, qui estime que la thèse de la requérante est exacte, se sont jointes à la procédure en qualité de parties intervenantes.
I — Sur la recevabilité du recours
Au début de nos développements relatifs à cette affaire, il convient de faire quelques remarques à propos de la recevabilité du recours.
Elle est contestée par SABA, partie intervenante. A son avis, il n'est pas possible de dire que la décision attaquée concerne individuellement la requérante. En effet, celle-ci n'est concernée qu'au même titre que tous les commerçants qui sont intéressés à la vente de produits SABA et qui n'ont pas voulu remplir les conditions du système de distribution. Mais il s'agirait alors de milliers de personnes dans le marché commun, c'est-à-dire que l'on pourrait parler d'une catégorie délimitée de manière purement abstraite au sens de votre jurisprudence.
La Commission, elle aussi, a élevé des objections contre la recevabilité. Elles ne concernent toutefois que la demande relative au rejet de la réclamation de la requérante dans la lettre du 14 janvier 1976. A ce propos, elle a fait valoir que la décision d'exemption a traité de cette réclamation et l'a également prise partiellement en considération. C'est cette décision qui aurait créé la situation juridique déterminante; en revanche, la lettre du 14 janvier 1976 n'en constituerait qu'une explication et n'aurait donc pas de signification juridique indépendante.
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Parmi ces objections, nous traiterons tout d'abord — parce que cela nous paraît plus simple — celle que nous avons mentionnée en second lieu. Disons-le tout de suite, elle est justifiée. Comme nous l'avons déjà dit, les réclamations présentées par Metro ont été prises en considération au cours de la procédure administrative concernant le système de distribution imposé et elles ont abouti à une certaine modification de ce dernier. Dans la mesure où il n'en a pas été tenu compte, on doit dire qu'elles ont déjà été rejetées tacitement par la décision d'exemption. Cette dernière a donc créé les effets juridiques déterminants à l'égard de la requérante également. En revanche, la lettre du 14 janvier 1976 ne contient en réalité qu'une explication de la décision et la raison pour laquelle des réclamations de la requérante d'une portée plus vaste ne peuvent pas être considérées comme justifiées. La situation juridique créée par la décision d'exemption n'a donc plus été influencée par la lettre que nous avons mentionnée. La seconde demande, qui n'a du reste été présentée qu'à toutes fins utiles, parce que la requérante ne connaissait pas entièrement l'appréciation juridique, doit donc être qualifiée d'irrecevable eu égard à la nature juridique de l'acte auquel elle se rapporte. |
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En ce qui concerne l'autre objection, la question se pose de savoir si la requérante remplit les conditions de l'article 173 du traité CEE pour intenter un recours contre la décision d'exemption, en qualité de tiers ne participant pas au système de distribution et auquel la décision, ainsi qu'il ressort de son dispositif, n'a même pas été adressée, mais qui n'en a été qu'informé, c'est-à-dire si la décision la concerne directement et individuellement.
Mais, avec la Commission, nous doutons que cette considération paraisse impérative et qu'elle doive nécessairement aboutir à l'irrecevabilité du recours. En premier lieu, il faut reconnaître qu'il existe sans aucun doute une différence entre les affaires auxquelles se rapporte la jurisprudence indiquée et celle qui nous intéresse ici: Dans la première, il s'agissait toujours d'actes qui étaient adresses à des États membres et qui visaient à la promulgation d'actes normatifs de souveraineté, tandis qu'ici, nous avons affaire à l'autorisation d'un système de distribution relevant du droit privé. La portée des actes dont il s'agissait dans la jurisprudence est donc entièrement différente de celle qu'il convient d'admettre en l'espèce, et par conséquent d'autres critères pourraient également se justifier pour l'appréciation de la recevabilité. En l'occurence, on pourrait considérer qu'il est suffisant que la décision litigieuse présente des éléments individuels importants dans la mesure où elle autorise des critères d'un système de distribution qui font l'objet d'accords individuels ou qui excluent de tels accords. En outre, il ne faut pas oublier que l'article 85 du traité CEE doit également protéger la concurrence par rapport aux tiers, c'est-à-dire aux personnes qui ne sont pas parties à un accord. Si on ne leur reconnaît pas un droit d'action, le contrôle judiciaire est pratiquement exclu dans de tels cas, car, en règle générale, les parties à l'accord n'introduiront aucun recours en cas d'exemption. On ne peut pas non plus — en tout cas pas avec le même bien-fondé que dans les affaires dans lesquelles il s'agit de dispositions d'exécution nationales et souveraines, recourir à la procédure de l'article 177 et aux possibilités de contrôle judiciaire qui en découlent. En effet, dans le droit de la concurrence, lorsqu'il s'agit de cas comme celui-ci, des indices pour un recours aux procédures nationales ne s'imposent pas avec la même force et, dans ce domaine, la perte de temps que provoque le détour par ces procédures avec des renvois à la Cour de justice en application de l'article 177, doit paraître particulièrement grave. Nous estimons donc qu'il est justifiable dans des affaires de concurrence du genre de celle-ci, d'écarter les doutes que l'on peut assurément avoir quant à la recevabilité du recours et, en se souvenant du principe déjà souligné à maintes reprises dans votre jurisprudence, selon lequel l'article 173 ne doit pas être interprété de manière restrictive, de reconnaître un droit d'action en faveur de toute personne qui, de par son activité, est susceptible de participer à la distribution, mais que le système autorisé en exclut. Tel est manifestement le cas de la requérante qui exploite un rayon spécial pour l'électrotechnique de divertissement. Si l'on ne veut pas aller aussi loin, on pourrait cependant, pour la question de savoir si la requérante est individuellement concernée, songer à tenir compte du fait qu'elle a introduit auprès de la Commission une réclamation contre le système de distribution, conformément à l'article 3 du règlement no 17 (qui comme nous le savons exige un intérêt légitime), qu'elle a participé à la procédure par une consultation écrite et orale et surtout qu'elle a été informée de la décision d'exemption, ce qui peut être considéré comme une communication des motifs du rejet de la demande au sens de l'article 6 du règlement no 99/63. Même si ledit article 3 — auquel SABA s'est référé — n'autorise des demandes que lorsqu'il s'agit de la constatation de contraventions aux dispositions relatives à la concurrence mais non pas d'exemptions ou de la délivrance d'attestations négatives, du fait que la procédure en constatation d'une contravention et en délivrance d'une exemption a constitué une unité, l'introduction de la demande a créé pour la requérante un rapport si étroit avec le litige que l'on peut dire qu'elle aussi est individuellement et spécialement concernée par la décision qui constitue la conclusion de toute la procédure. Nous estimons donc que l'on ne devrait pas faire valoir l'objection contre la recevabilité présentée par SABA et, qu'en conséquence, rien ne s'oppose à l'examen de la question de savoir si la demande principale est fondée. |
II — Sur le fond de l'affaire
La requérante critique à différents points de vue l'appréciation du système de distribution SABA par la Commission. En premier lieu, elle fait valoir — nous negligeons actuellement les détails — que SABA aurait une position dominante sur le marché, ce qui veut manifestement dire que la décision n'aurait pas pu être fondée sur l'article 85 du traite CEE mais qu'il aurait fallu également recourir à l'article 86. En outre, elle trouve à redire au fait que les grossistes soient soumis à une interdiction des livraisons directes en ce qui concerne d'importants acheteurs institutionnels tels que les églises, les écoles, etc. et que les acheteurs finals professionnels ne puissent être approvisionnés qu'à des conditions très restrictives. Elle critique également l'obligation de coopération applicable aux grossistes, qui serait inacceptable pour le commerce de gros en self-service, et le fait que ce système exclut les petits négociants par l'obligation, d'une part, de réaliser un chiffre d'affaires déterminé et, d'autre part, d'exposer les produits de manière représentative. En outre, la requérante estime que l'on ne peut pas dire que le système aboutit à une amélioration de la distribution: en vérité, il porte préjudice aux consommateurs et il exclut en particulier une concurrence de prix à laquelle ils sont particulièrement intéressés. Enfin, elle estime que le délai d'exemption a été en tout cas calculé de manière trop large.
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Avant de traiter en détail de ces points, nous voudrions examiner deux remarques, qu'à notre avis, la Commission a faites à bon droit. En premier lieu, il ne faudrait pas oublier que l'appréciation d'un système comme celui-ci comporte des analyses économiques difficiles. En particulier, la question de savoir si la restriction de concurrence qui l'accompagne est compensée par certains avantages, requiert des estimations complexes. Cela veut dire nécessairement que la Commission possède à cet égard une marge d'appréciation et cela signifie en même temps une limitation correspondante du contrôle judiciaire, comme vous l'avez déjà souligné dans votre jurisprudence relative aux droits de la concurrence du traité CECA (affaires 36, 37, 38, 40-59 — «Präsident», «Geitling», «Mausegatt» et I. Nold/Haute Autorité de la CECA — arrêt du 15 juillet 1960, Recueil 1960, p. 891). Votre arrêt rendu dans les affaires 56, 58-64 (Consten GmbH et Grundig-Verkaufs-GmbH/Commission de la CEE, arrêt du 13 juillet 1966, Recueil 1966, p. 501) l'a également affirmé pour le droit de la concurrence du traité CEE. La Cour de justice ne peut donc pas étudier tous les détails des appréciations; elle doit se borner pour l'essentiel à déterminer si dans son ensemble le jugement de la Commission qui en découle apparaît défendable ou si de graves objections peuvent lui être adressées. En second lieu, il ne faudrait pas perdre de vue que l'élément déterminant pour la décision de la Commission est l'appréciation qui pouvait être portée lors de son adoption ainsi que l'estimation de l'évolution ultérieure, qui pouvait être faite à cette date d'après les circonstances qui étaient alors connues. Des appréciations de fait devenues possibles actuellement, c'est-à-dire un an et demi plus tard ne peuvent donc être incluses qu'avec réserve dans l'analyse. C'est le cas notamment pour l'appréciation de la concurrence de prix, telle qu'elle s'est développée après la création du système et aussi pour le fait qu'un nombre croissant d'autres producteurs introduisent les mêmes systèmes de distribution ou des systèmes analogues. Nous reviendrons encore sur ces questions dans un autre contexte. |
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En examinant la critique de la requérante, étudions tout d'abord l'affirmation selon laquelle SABA aurait une position dominante sur le marché pour certains produits de l'électrotechnique de divertissement, affirmation derrière laquelle se dissimule, comme nous l'avons dit, le grief que le système de distribution aurait dû être apprécié conformément à l'article 86. La Commission a répliqué à cette affirmation en indiquant qu'il existe sur le marché en question un grand nombre de petits et moyens producteurs, en faisant remarquer que certains vendeurs posséderaient — ce qui n'est pas exact pour SABA — un large éventail d'autres produits auxquels le commerce ne pourrait pas renoncer, en constatant enfin qu'il existe également sur le marché un grand nombre de marques d'importation de différents pays. Il apparaît que, pour l'année 1974, la part de marché de SABA qui, en république fédérale d'Allemagne était de 5-10 % pour les différents appareils, a été inférieure à 1 % dans d'autres États membres. Si l'on se limite aux appareils de télévision en couleur, qui représentaient 60 % du chiffre d'affaires de SABA, on arrive, pour celle-ci à une part de marché d'environ 7 % puisque sept autres producteurs sont présents sur le marché. On ne peut donc pas parler d'une position dominante; il existerait au contraire une âpre concurrence entre les différents producteurs. A cela la requérante n'a rien pu opposer de substantiel. Elle s'est limitée à indiquer que les producteurs mentionnés par la Commission n'étaient pas tous des concurrents de SABA; elle a fait état de la réputation particulière de la marque SABA, puis — sans autre spécification — elle a fait valoir que les parts de marché de SABA seraient supérieures à ce qui résulte du calcul de la Commission. Après cela, on peut se demander si le grief de négligence de l'article 86 du traité CEE — au cas où les allégations de la requérante devraient réellement être comprises en ce sens — a encore été maintenu par la suite. D'après les faits qui sont parvenus à notre connaissance, on peut dire en tout cas qu'il n'y a pas lieu d'admettre que SABA a une position dominante sur le marché et que, par conséquent, son comportement ne doit pas être apprécié également selon l'article 86. |
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En ce qui concerne l'appréciation du de distribution à la lumière de l'article 85, à laquelle la Commission s'est limitée, nous voudrions au préalable porter notre attention sur les éléments qui, à son avis, sont tout à fait étrangers à l'article 85, paragraphe 1. C'est du cas et de la nécessité pour les négociants susceptibles d'être approvisionnés de remplir certaines conditions techniques et professionnelles et de l'interdiction imposée aux grossistes de livrer les produits SABA à des consommateurs finals privés, en vertu de laquelle il n'est pas possible d'approvisionner d'importants acheteurs institutionnels, tels que les maisons de retraite, les hôpitaux, la Croix-Rouge, es institutions religieuses, etc. et une livraison à des acheteurs finals professionnels n'est autorisée que si l'assurance est donnée que l'utilisation a lieu à des fins professionnelles. Aucune critique n'a été émise à l'égard du premier point — approvisionnement exclusif de négociants qui remplissent des conditions techniques et professionnelles particulières. Il est manifeste qu'elle n'aurait pas été fondée. En effet, la Commission a raison lorsqu'elle affirme qu'il n'y a aucune objection à faire à cet égard du point de vue du droit de la concurrence, parce que ces conditions sont relativement faciles à remplir et parce qu'elles ne s'accompagnent pas d'une restriction quantitative, mais que l'on doit parler d'un système ouvert, accessible à toute personne, qui remplit les conditions. En revanche, la requérante a formulé une critique à l'égard des deux autres points. Elle objecte que ces restrictions ont rendu nécessaires des contrôles lors de la livraison. Mais étant donné la structure du commerce de gros en libre service, ces contrôles ne seraient pas possibles et ce type de commerce serait donc exclu de la concurrence pour les produits SABA. Elle allègue, en outre, que dans le cas de l'approvisionnement d'acheteurs institutionnels importants, il s'agirait d'une restriction inadmissible de l'activité normale du commerce de gros. Dans la mesure où l'approvisionnement des consommateurs finals professionnels est soumis à des conditions restrictives, la requérante estime que, tant dans leur rédaction initiale que sous la forme atténuée qui leur a été donnée au cours de la procédure, ces conditions sont inadmissibles non seulement pour les grossistes mais aussi pour les consommateurs finals professionnels.
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Dans un paragraphe ultérieur, nous devons donc nous occuper des facteurs qui, de l'avis de la Commission, tombaient certes sous le coup de l'article 85, paragraphe 1 du traité CEE, mais justifiaient une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3. Nous avons indiqué au début de quoi il s'agit. C'est d'une part l'obligation applicable aux grossistes de réaliser un chiffre d'affaires déterminé avec des produits SABA, de souscrire des contrats de livraison à long terme et de s'employer à renforcer le réseau de distribution. C'est d'autre part l'obligation applicable aux détaillants de réaliser des chiffres d'affaires déterminés, d'offrir un assortiment de produits SABA aussi complet que possible et de les exposer de manière représentative. Sur ce point, la requérante estime qu'en réalité les conditions d'exemption de l'article 85, paragraphe 3 ne sont pas remplies: la production ou la distribution des produits ne serait pas améliorée, les utilisateurs ne tireraient aucun avantage et en particulier la concurrence de prix serait exclue pour les produits SABA. Elle a exposé en détail que les conditions du contrat de coopération n'étaient pas acceptables pour le commerce de gros en libre service: ce dernier serait donc exclu de la distribution et cela au détriment du consommateur. L'exclusion, réalisée par le système de distribution, des petits négociants que précisément le commerce de gros en libre service pourrait approvisionner, agit dans le même sens. La requérante estime, en outre, que le système a pour effet de concentrer les négociants sur une seule marque; les utilisateurs seraient donc privés — et cela aussi serait un désavantage — du choix qu'ils souhaitent avoir ainsi que de conseils neutres. En outre, la Commission n'aurait pas tenu compte ou aurait insuffisamment tenu compte du fait que les fabricants d'électrotechnique de divertissement créent de plus en plus des systèmes de distribution de ce genre, ce qui renforcerait les effets indiqués sur le marché; elle aurait aussi néglité le fait que, selon la législation anti-trust des États-Unis, ces systèmes sélectifs de distribution font l'objet d'une appréciation très sévère. Tous ces points appellent, à notre avis, les remarques suivantes.
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Il reste enfin un dernier point de la critique, c'est-à-dire le grief selon lequel la date d'exemption aurait été calculée de manière trop large. Ce grief n'appelle pas de longues remarques, étant donné surtout que les développements de la requérante sur ce point sont très succints. Certes, il est exact, d'une part que la situation du marché peut se modifier rapidement et que les constatations relatives à des questions du droit de la concurrence ne peuvent donc souvent être énoncées que pour une période limitée. D'autre part, la Commission a souligné à bon droit qu'il s'agit en l'espèce de l'appréciation difficile des conséquences économiques d'un système complexe pour laquelle il n'était pas possible de prendre en considération une période trop courte. Sans doute, la Commission dispose d'une marge d'appréciation considérable. Nous n'apercevons aucun indice montrant qu'elle en ait fait usage de manière fautive. A cela il s'ajoute, en outre, que certaines conditions ont été imposées à SABA dans la décision. L'obligation qui en découle de présenter chaque année un rapport permet à la Commission de contrôler la pratique d'admission et éventuellement d'intervenir. Pour toutes ces raisons aucune objection ne peut être formulée contre la durée de validité de la décision d'exemption. |
III — |
En terminant, nous ne pouvons que vous proposer de rejeter le recours introduit par Metro, comme irrecevable dans la mesure où il concerne la lettre du 14 janvier 1976, comme non fondé dans la mesure où il vise la décision d'exemption. Puisque étant donné cette appréciation, la requérante et son intervenante doivent être considérées comme parties perdantes, il semble convenable de les condamner aux dépens de la procédure y compris les dépens de la procédure incidente et ceux également de la requérante admise par la Commission, à moins que vous n'estimiez plus équitable de limiter à la requérante la condamnation aux dépens et d'ordonner pour l'intervenante, qui l'a soutenu, qu'elle supporte les siens. |
( 1 ) Traduit de l'allemand.