CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. ALBERTO TRABUCCHI,

PRÉSENTÉES LE 4 AVRIL 1974 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Les positions tarifaires dont nous devons nous occuper dans cette affaire, déférée à la Cour par le Bundesfinanzhof en relation avec la classification douanière d'éléments en verre destinés à la fabrication de lampes de divers types et destinés à divers usages, sont celles figurant sous les positions 70.11, 85.20 et 70.21 du tarif douanier commun.

La position douanière 70.11 est intitulée comme suit : «Ampoules et enveloppes tubulaires en verre, ouvertes, non finies, sans garnitures, pour lampes, tubes et valves électriques et similaires». Cette position figure sous le chapitre intitulé «Verre et ouvrages en verre». La dernière position de ce chapitre, soit celle portant le no 70.21, possède un caractère résiduaire et comprend les «autres ouvrages en verre».

Au chapitre 85 du tarif douanier commun, intitulé «Machines et appareils électriques et objets servant à des usages électrotechniques», la position tarifaire 85.20 a trait aux «Lampes et tubes électriques à incandescence ou à décharge pour l'éclairage ou les rayons ultraviolets ou infrarouges; lampes à arc; lampes à allumage électrique utilisées en photographie pour la production de la lumière-éclair». Le point D de cette position a trait aux «parties et pièces détachées».

Les produits dont la classification est discutée devant le juge allemand sont constituées de réflecteurs et de lentilles, tous deux en verre comprimé, destinés à la fabrication de lampes de projecteurs pour vitrines, de réflecteurs à rayons infrarouges à usage médical, agricole ou industriel et de lampes flash pour photographie. Le réflecteur est de forme conique et la lentille est destinée à être unie au réflecteur au moyen d'une soudure effectuée après l'insertion des filaments. La lampe qui en résulte est remplie ensuite de gaz inerte puis complétée par l'application d'un culot fileté.

En vue de la classification douanière correcte de ces produits, le juge allemand demande en premier lieu ce que l'on doit entendre par l'expression «ampoules en verre» au sens de la position tarifaire 70.11 du tarif douanier commun. Dans une seconde question, qui constitue une spécification de la première, il demande à la Cour de préciser à quoi correspond l'expression «ampoules en verre, ouvertes, non finies» au sens de la même position. Une demande de précision supplémentaire figure dans la troisième question; par cette dernière, le juge allemand cherche à obtenir des éclaircissements quant à savoir si des articles en verre de forme conique et ouverts aux deux extrémités, tels que les réflecteurs dont il est question ci-dessus avant la soudure de la lentille, sont visés par la définition précitée ou relèvent au contraire de la position 85.20 ou de la position 70.21 du tarif douanier commun.

La demanderesse au principal a conclu à l'instance en demandant que l'autorité douanière soit tenue de classer les réflecteurs sous la position 70.11 ou, à titre subsidiaire, sous la position 85.20 D et les lentilles sous cette dernière position, en s'opposant ainsi à la classification des produits susdits, effectuée par l'administration défenderesse sous la position 70.21, position à laquelle correspond le droit de douane le plus élevé.

Il convient d'examiner en premier lieu si les réflecteurs sont des «ampoules en verre, ouvertes, non finies» au sens visé par la position tarifaire 70.11.

Conformément à une règle généralement appliquée pour la mise en oeuvre du tarif douanier commun, toute référence à un article dans une position déterminée du tarif couvre cet article même incomplet ou non fini à la condition qu'il présente, en l'état, les caractéristiques essentielles de l'article complet ou fini. Comme l'a précisé la Commission, les auteurs des règles d'interprétation précédant le tarif douanier commun annexé au règlement no 1/72 du Conseil du 20 décembre 1971 (JO no L 1 de 1972, p. 11), lesquels, au no 2, a), ont énoncé expressément cette règle de classification, n'ont rien fait d'autre que de prendre acte d'une règle qui était déjà généralement appliquée et ils n'ont par conséquent nullement innové par rapport à la pratique antérieure.

Selon les notes de janvier 1972 relatives à la Nomenclature de Bruxelles, la règle d'interprétation précitée s'étend également aux simples ébauches d'articles, à moins que celle-ci ne soient spécialement dénommées dans une position déterminée. Sont compris dans cette notion, les articles non utilisables en l'état, ayant approximativement la forme ou le profil de la pièce ou de l'objet fini, ne pouvant être utilisés, sauf à titre exceptionnel à d'autres fins qu'à la fabrication de cette pièce ou de cet objet.

Dans l'application de ces critères, la Commission serait néanmoins portée à exclure le fait qu'un réflecteur ouvert des deux côtés puisse rentrer dans la position tarifaire 70.11, étant donné que celui-ci serait privé des caractéristiques essentielles des ampoules et enveloppes en verre visées par cette position. Cette condition serait uniquement remplie après la soudure de la lentille au réflecteur.

Nous estimons par contre qu'il ne semble pas qu'il faille exclure le fait que la notion d'ampoules non finies puisse englober les cônes réflecteurs dont il s'agit.

L'entreprise intéressée a fait remarquer que pour les ampoules du genre de celles qui nous intéressent en l'espèce, la soudure de la lentille au cône réflecteur ne peut avoir lieu avant le montage des filaments, lesquels sont précisément insérés dans la partie la plus large du cône réflecteur, tandis que les petites ouvertures situées dans la partie inférieure servent seulement à l'ajustage final de la lampe qui doit être opéré après la diffusion de gaz stérile dans l'ampoule et la fermeture de cette dernière au moyen d'un culot. Ce qui signifie que la soudure de la lentille au cône fait nécessairement partie des opérations de finissage de l'ampoule.

Cela étant, si l'on excluait les cônes réflecteurs dont il s'agit de la position 70.11, on en viendrait pratiquement, pour le type d'ampoules en question, à restreindre l'applicabilité de cette position tarifaire au seul produit fini, et cela contrairement à ce que prévoit expressément cette position tarifaire.

Si la notion d'«ampoule non finie» doit avoir une portée et une application concrètes et si en soudant la lentille au cône réflecteur l'on obtient déjà une ampoule finie prête à devenir lampe par la simple adjonction de gaz inerte et la fermeture de l'ampoule, force est d'admettre que cette notion englobe les cônes réflecteurs en verre qui sont la partie constitutive la plus importante — probablement aussi du point de vue économique — de l'ampoule dont ils préfigurent déjà la forme.

Cette conclusion trouve sa confirmation dans une autre considération de caractère plus général.

En effet, si l'on considère que, sur la seule base déjà de la règle générale citée ci-dessus, toute référence à un article déterminé dans une position tarifaire couvre cet article même incomplet ou non fini, il faut admettre que quand une position tarifaire prévoit elle-même expressément son extension à des articles «ouverts, non finis» de la catégorie considérée, comme c'est le cas de la position tarifaire 70.11 pour les ampoules destinées à la fabrication de lampes, l'application de celle-ci doit comprendre de manière spécifique le type de marchandise dont il s'agit. En fait, si cette disposition expresse doit avoir une signification, elle doit être entendue en ce sens qu'elle comprend la situation qui constitue en particulier la règle pour les produits qui y sont prévus en ce qui concerne la présentation de ceux-ci à la douane. Autrement dit, il s'agit d'un cas pour lequel le législateur a expressément tranché sans aucun doute possible en faveur de l'inclusion dans la position douanière dont il s'agit des éléments qui, dans le cas concret, doivent normalement être considérés comme constitutifs du produit fini, pourvu que ceux-ci ne soient pas expressément mentionnés dans d'autres positions tarifaires.

L'ample portée que, pour les raisons précitées, il faut reconnaître à une position tarifaire du genre dont il s'agit en l'espèce, amène nécessairement à appliquer également cette position aux lentilles destinées à constituer le couvercle des cônes réflecteurs, du moins lorsque celles-ci sont importées conjointement avec ces réflecteurs et pourvu qu'elles ne soient pas susceptibles d'une autre utilisation. Dans ces conditions, en effet, la lentille, article complémentaire pour la confection de l'article fini, peut être considérée comme un élément de l'article principal qu'elle sert à compléter au moyen de la simple opération de montage qui rend fini l'article importé «non fini» ; en tant que telles, les lentilles doivent donc être soumises au même régime tarifaire que les cônes réflecteurs.

Il est clair que les lentilles, qu'elles soient considérées en soi ou conjointement avec les cônes réflecteurs, ne relèvent pas de la position tarifaire 85.20, et cela contrairement à ce que désirerait, au moins dans la première hypothèse, l'entreprise Osram. Dans les notes précédant le chapitre 85 du tarif douanier commun, au no 1b, les auteurs du tarif douanier commun ont exclu de ce chapitre les ouvrages en verre de la position 70.11. Puisque, se référant à des parties et pièces détachées de lampes et de tubes électriques, la position tarifaire 85.20 ne peut comprendre les ampoules en verre qui sont partie constitutive des lampes, nous estimons avec la Commission qu'il serait illogique de faire rentrer dans cette position des parties et pièces détachées d'ampoules. On ne voit pas, d'autre part, pour quelle raison celles-ci devraient être classées sous la position 70.21, position qui possède un caractère purement résiduaire, lorsqu'il apparaît de manière certaine que ces articles sont importés en tant que partie constitutive de l'article visé par la position tarifaire 70.11.

En conclusion, je propose que la Cour réponde au Bundesfinanzhof de la manière suivante :

1)

La position 70.11 du tarif douanier commun, par l'expression «ampoules en verre … ouvertes, non finies … pour lampes» comprend des articles en verre de forme conique, ouverts aux deux extrémités, destinés à constituer le réflecteur d'une lampe et à contenir le filament électrique.

2)

Entrent également dans la même position les articles en verre destinés nécessairement à constituer la lentille couvrant ledit réflecteur, quand ils sont importés conjointement avec les cônes réflecteurs dont il s'agit.


( 1 ) Traduit de l'italien.