Conclusions de l'avocat général M. Joseph Gand

du 16 février 1965

Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

Un avis 143/B, publié au bulletin «Informations au personnel de la Commission de la C. E. E.» du 16 août 1963, a porté à la connaissance des intéressés l'ouverture d'un concours sur titres, interne à l'institution, pour un emploi d'assistant B 3-B 2 au Service de presse et d'information des Communautés, bureau de Londres. Il était précisé que le concours, qui faisait suite à une tentative infructueuse pour pourvoir le poste par mutation ou promotion, était ouvert aux auxiliaires comme aux fonctionnaires. Les candidats devaient remettre leur demande à la division du recrutement «avant le 9 septembre 1963 au plus tard» contre reçu et sur un formulaire spécial. Se présentèrent notamment Mlle Rauch, qui était alors fonctionnaire de grade C 1 à la division du recrutement, et Mlle Kurz, qui avait été engagée à titre d'auxiliaire à partir du 15 février 1963 pour occuper l'emploi vacant à Londres. Par décision du 20 février 1964, la réunion des présidents nomma Mlle Kurz. Mlle Rauch, qui avait été classée au second rang par le jury sur la liste d'aptitude, vous a saisis le 29 avril 1964 du recours 16-64.

Elle vous demande de dire nulles et de nul effet tant la décision d'admettre au concours 143/B Mlle Kurz et de la porter sur la liste d'aptitude, qu'en tant que de besoin la décision de l'autorité investie du pouvoir de nomination d'accepter cette liste telle quelle sans vérifier le droit de Mlle Kurz de participer au concours, enfin la décision de la même autorité de nommer cette auxiliaire au poste vacant.

I

1.

Les moyens qu'elle invoque dans sa requête et son mémoire en réplique sont nombreux, mais l'énoncé des conclusions fait déjà apparaître celui qui pose la question de principe la plus importante et qu'il faut examiner d'abord. Le concours interne, prévu à l'article 29-1 b du statut, est-il, comme le soutient Mlle Rauch, réservé aux seuls fonctionnaires, ou bien est-il ouvert également, ainsi que l'admet la Commission, aux auxiliaires, étant précisé que si l'on adopte cette seconde solution, elle doit être étendue par identité de motifs aux agents temporaires?

Ce moyen, d'après la Commission, ne serait pas recevable. En effet, la décision d'admettre les auxiliaires à concourir était déjà incluse dans l'avis de vacance et dans l'avis de concours, régulièrement publiés, et dont la requérante n'a pas contesté la légalité dans le délai imparti par l'article 91 du statut pour les recours contentieux en matière de personnel. Mlle Rauch n'est par suite pas recevable, pour demander l'annulation de mesures prises par le jury du concours ou par l'autorité investie du pouvoir de nomination qui se bornent à appliquer des décisions antérieures, à invoquer des griefs qui concernent en réalité ces décisions antérieures seules.

Cette fin de non recevoir doit être écartée. Même si les délais de recours sont expirés à l'encontre d'un acte qui constitue tout à la fois une décision faisant grief et le premier stade d'une procédure administrative complexe — tel paraît bien être le cas de l'avis de vacance d'emploi d'après votre arrêt Lassalle contre Parlement européen et de l'avis de concours — l'illégalité de ces actes peut être invoquée à l'appui du recours formé contre la décision qui clôt la procédure: en l'espèce, la nomination de Mlle Kurz. Nous ne pouvons sur ce point que nous référer aux conclusions que nous avons présentées dans l'affaire Ley, 12-64 et 29-64.

Il faut donc se prononcer sur la valeur du moyen. A l'appui de leur thèse, Mlle Rauch comme la Commission invoquent successivement le texte du règlement no 31 du Conseil et l'intention de ses auteurs, puis la jurisprudence de votre arrêt Schmitz-Wollast du 19 mars 1964. Examinons ces divers arguments.

Le règlement no 31 fixe à la fois le statut des fonctionnaires de la C. E. E. (comme d'ailleurs de ceux de la C. E. E. A.) et, dans une seconde partie, le régime applicable aux «autres agents» des Communautés, en particulier des agents temporaires et des agents auxiliaires.

Le recrutement des premiers, des fonctionnaires, que l'article 1er du statut définit comme les personnes nommées «dans les conditions prévues à ce statut dans un emploi permanent d'une des institutions des Communautés», est subordonné notamment par l'article 28 d), sauf certaines exceptions, à la réussite d'un concours dans les conditions prévues à l'annexe III. Ni cet article, ni l'annexe ne se réfèrent d'une façon exclusive à un concours général ou externe.

D'autre part, l'article 29, nous avons eu récemment l'occasion de le rappeler, fixe les diverses modalités auxquelles peut recourir l'autorité compétente en vue de pourvoir aux vacances d'emploi. Ce sont dans l'ordre :

la promotion ou la mutation au sein de l'institution,

l'organisation de concours internes à celle-ci,

les demandes de transfert de fonctionnaires d'autres institutions des trois Communautés,

enfin les autres formes de concours.

Or, dit Mlle Rauch, le concours interne se place entre deux procédures: promotion ou transfert qui ne s'appliquent qu'à des personnes ayant déjà la qualité de fonctionnaires; il ne peut donc concerner également que des fonctionnaires. L'argument, comme le fait remarquer la Commission, n'est pas déterminant, car les procédures régies par les lettres a et c constituent des opérations de recrutement sans concours; si, d'après l'article 28 d, nul ne peut être nommé fonctionnaire sans avoir passé un concours, l'admission des «autres agents» au concours interne n'est pas en elle-même incompatible avec cette règle du statut. La requérante objecte alors à cette thèse qu'elle serait inéquitable; elle impliquerait que, pour être nommé à un même emploi, le fonctionnaire sera astreint à passer deux concours, un pour le recrutement initial et un autre pour la promotion, tandis que l'auxiliaire n'aurait à en subir qu'un seul que l'on pourrait appeler de promotion. En quoi cela serait-il nécessairement contraire au statut? Celui-ci exige le concours pour l'acquisition de la qualité de fonctionnaire à l'entrée au service, puis, en vertu de l'article 45-2o, pour le passage d'une catégorie à une catégorie supérieure; à cette occasion, le fonctionnaire pourra très régulièrement se trouver en concurrence avec des personnes extérieures à l'institution qui subiront pour la première fois de telles épreuves.

A défaut de précision dans le statut et en particulier à l'article 29-1 b sur ce qu'il faut entendre par concours «internes à l'institution», force est donc de se reporter au régime applicable aux agents auxiliaires. Et l'on remarquera tout de suite que, si différent qu'il soit du statut des fonctionnaires, statut et régime constituent les deux parties d'un même règlement qui englobe ainsi toutes les catégories de personnel auxquelles recourent les Communautés.

Que la situation de l'auxiliaire diffère de celle du fonctionnaire, c'est l'évidence même. Il n'a pas comme celui-ci la stabilité; le lien qui l'unit à l'institution est contractuel; il ne peut être engagé que pour des missions précises qui ne peuvent comporter l'affectation à un emploi compris dans le tableau des effectifs, sauf lorsqu'il assure un interim pour une durée limitée; la durée effective de son engagement, y compris celle du renouvellement éventuel de son contrat, ne peut excéder un an; il ne bénéficie pas du régime de sécurité sociale des fonctionnaires. Mais, malgré toutes ces différences, il reste que le lien qui l'attache à l'institution est un lien de droit public; c'est pour aider celle-ci à accomplir sa mission qu'il est recruté; l'article 54 de son régime lui rend applicables la plupart des dispositions du titre II du statut fixant les droits et obligations du fonctionnaire. Enfin, en vertu de l'article 7 de ce même régime, s'il est titulaire d'un contrat de durée indéterminée, il est électeur et éligible au comité du personnel prévu à l'article 9 du statut, et la Commission paritaire peut être consultée par l'institution ou par ce comité sur toute question de caractère général intéressant les auxiliaires comme les temporaires. Autant d'éléments qui montrent l'absence de cloison étanche entre fonctionnaires et auxiliaires; les uns et les autres, avec un régime juridique différent, dans des conditions et à des titres divers, collaborent aux missions qui sont celles de la Communauté. Les auxiliaires sont déjà «à l'intérieur» de l'institution. Cela conduit, pensons-nous, à admettre qu'à défaut d'une disposition en sens contraire à l'article 29 ils doivent pouvoir participer aux concours internes. Ils entrent ainsi en concurrence avec les fonctionnaires, mais s'il est communément admis que le statut est fondé pour une large part sur le régime de la préférence interne, pourquoi celle-ci devrait-elle être limitée aux fonctionnaires à l'exclusion des auxiliaires — ou des temporaires — qui participent déjà dans une certaine mesure aux tâches de l'institution? Il serait peu réaliste d'autre part de méconnaître que, ces agents qui leur sont pourtant nécessaires, les Communautés auraient peu de chances de les recruter si elles ne leur ouvraient pas au départ certaines possibilités de titularisation dans des conditions plus larges et plus favorables qu'à ceux qui viennent de l'extérieur.

Au reste, la solution que nous vous proposons nous paraît pouvoir se recommander de l'arrêt de la première chambre dans l'affaire 18-63 Schmitz-Wollast du 19 mars dernier. Vous connaissez cette affaire. Une auxiliaire dont le contrat expirait normalement au 31 janvier 1963 a obtenu l'annulation de la décision de ne pas proroger son contrat au-delà de cette date, décision dont les motifs de caractère disciplinaire ne vous ont pas paru valables en droit, et comme à l'époque de la décision annulée un concours interne était ouvert pour pourvoir le poste qu'elle occupait, votre arrêt condamne expressément l'institution défenderesse à faire participer la requérante à ce concours. Sans doute Mme Schmitz-Wollast avait-elle été engagée pour la première fois le 28 juillet 1959 et l'avocat de Mlle Rauch en tire argument pour la qualifier de «fausse auxiliaire» et dire que la solution admise à son sujet ne peut être étendue aux «vrais auxiliaires», ceux qui, comme Mlle Kurz, ont été engagés après le 1er janvier 1962. Mais, depuis cette dernière date qui est celle de l'entrée en vigueur du statut, la situation de Mme Schmitz-Wollast s'était trouvée modifiée et était régie par un nouveau contrat conclu sous l'empire des règles prévues par le règlement no 31 pour les «autres agents» et dans les conditions prévues à l'article 99 du nouveau régime. D'autre part, malgré les longues observations de la requérante sur ce point, nous n'avons rien trouvé dans votre arrêt 18-63 qui vienne à l'appui de la distinction qu'elle prétend établir, qui restreigne la portée de la solution que vous avez adoptée; celle-ci tend à faire admettre au concours interne une auxiliaire dont le contrat était à l'époque régi par le règlement no 31 au même titre que le contrat de Mlle Kurz.

Peu importe enfin que cette dernière, comme le soutient la requérante dans sa réplique, ait été considérée à tort comme auxiliaire alors qu'elle aurait dû en réalité être regardée comme un agent temporaire. A le supposer exact, le fait nous semble sans portée puisque les temporaires ont avec l'institution des liens au moins aussi étroits, sinon plus, que les auxiliaires.

Nous vous proposerons donc d'écarter ce moyen, pour en venir maintenant à la suite de l'argumentation de Mlle Rauch qui nous retiendra moins longuement.

2.

La requérante soutient en deuxième lieu que la nomination de Mlle Kurz serait intervenue en violation de l'article 52 b du régime applicable aux autres agents, tel qu'il est défini par le Règlement no 31. Cet article limite à un an la durée effective de l'engagement d'un agent auxiliaire, y compris la durée du renouvellement éventuel de son contrat. Or, la décision de la réunion des présidents nommant Mlle Kurz est intervenue le 20 février 1964, alors que l'intéressée, engagée le 15 février 1963, n'était plus valablement agent auxiliaire au service de la Commission depuis le 15 février 1964.

La Commission fait à ce moyen une double réponse. D'abord la disposition en cause ne vaudrait que dans les rapports entre l'institution, l'auxiliaire et l'autorité budgétaire; quant à la requérante, elle ne serait pas fondée à l'invoquer. La portée de l'article 52 serait de dénier aux auxiliaires le droit d'être maintenus en fonctions au delà de la période d'un an, mais il n'y aurait pas d'obligation pour l'administration de mettre fin à l'engagement à l'issue de cette période. L'intérêt du service, l'impossibilité de faire appel à un fonctionnaire ou à un agent temporaire pourrait conduire l'institution à maintenir en fonctions un auxiliaire à l'expiration de la durée légale plutôt que d'en engager un nouveau moins expérimenté. Nous sommes sensibles à cet argument d'opportunité, mais il est peu convaincant sur le plan juridique. L'article 52 dit que la durée effective de l'engagement ne peut excéder un an, ce qui nous paraît exclure cette possibilité de maintien en fonctions au-delà de la durée réglementaire. D'autre part, l'admission au concours interne suppose que l'intéressé soit actuellement au service de l'institution; il ne peut donc dépendre de celle-ci, en prolongeant irrégulièrement les fonctions de quelqu'un qui ne remplit plus les conditions prévues pour être auxiliaire, de l'admettre, irrégulièrement aussi, à concourir. Et les autres candidats sont certainement recevables à réclamer le respect de cette disposition du règlement no 31, comme de toute autre sur le recrutement.

L'institution défenderesse nous paraît mieux inspirée lorsqu'elle fait remarquer que, si la réunion des présidents a pris sa décision le 20 février 1964, la procédure écrite demandant son accord en vue de cette nomination a été engagée le 13 février, donc avant l'expiration de la durée d'un an prévue à l'article 52. Nous irons même plus loin que la Commission, car il nous paraît que, pour apprécier si une personne remplit les conditions pour participer à un concours, il faut se placer, non à la date à laquelle ce concours se clôt par la nomination, mais à la date à laquelle il s'ouvre. Lorsque Mlle Kurz a présenté sa candidature, le délai d'un an était loin d'arriver à échéance. Nous vous proposerons d'écarter le moyen.

3.

Nous vous demanderons de réserver le même sort au dernier moyen de la requête tiré de ce que le «choix de la Commission aurait dû être motivé» par application de l'article 25. On relèvera que, si le moyen est ainsi libellé, Mlle Rauch, qui reconnaît avoir été informée par lettre que le choix de l'administration ne s'était pas porté sur elle, n'attaque pas cette décision, mais celle qui comportait nomination de Mlle Kurz. Sous cet angle, la décision explicitement attaquée visait, aux dires de l'administration, la liste d'aptitude sur laquelle figurait la candidate retenue. Il ne nous paraît pas d'ailleurs que les auteurs du règlement no 31 aient entendu étendre l'article 25 qui concerne les décisions individuelles faisant grief au cas des nominations à la suite d'un concours. Ce que vous avez jugé par l'arrêt Raponi pour les promotions peut s'appliquer, pour les mêmes raisons, aux nominations. L'autorité qui nomme a une entière liberté d'appréciation à l'intérieur de la liste d'aptitude. On ne voit pas ce qu'une obligation purement formelle de motivation apporterait comme garantie effective aux candidats heureux ou malheureux.

II

Aux trois moyens contenus dans la requête initiale, la réplique en ajoute six nouveaux.

1.

Deux d'entre eux — les sixième et neuvième — respectivement tirés de la violation de l'article 1 de l'annexe III et de l'article 11 du règlement intérieur de la Commission ont été expressément abandonnés à l'audience. Quant aux autres, ils ne sont recevables, en vertu de l'article 42, paragraphe 2, du règlement de procédure, que s'ils se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure écrite.

2.

Cela est très douteux pour le cinquième moyen par lequel Mlle Rauch reproche à l'institution défenderesse de ne pas avoir arrêté au préalable les modalités générales d'exécution de la procédure de concours dans les conditions prévues à l'article 110 du statut que vous connaissez bien. La requérante n'ignorait pas, lors de l'introduction de sa requête, que la Commission n'avait pas fait application de l'article 110; en tout cas la procédure écrite ne lui a aucunement révélé cette abstention. En toute hypothèse, si vous estimiez que le moyen peut être régulièrement invoqué, nous vous proposerions de l'écarter pour les raisons que nous avons données dans les affaires 12-64 et 29-64. Les règles du statut sur le concours ne présentent pas de difficultés d'interprétation telles qu'elles appelleraient nécessairement, pour pouvoir être appliquées, des disposition générales d'exécution.

3.

La Commission oppose également l'irrecevabilité au septième moyen tiré des conditions dans lesquelles s'est déroulé le concours. Il s'agissait d'un concours sur titres. L'avis exigeait des candidats, d'une part des titres ou diplômes et une pratique professionnelle, d'autre part des connaissances linguistiques; il portait que la vérification des connaissances linguistiques et des autres connaissances demandées pour les fonctions à exercer serait faite par la voie d'un entretien avec le jury. Or, en fait, le jury aurait procédé à de véritables épreuves qu'il a qualifiées «d'entretien». La requérante cite, à l'appui de son affirmation, un certain nombre de questions qui lui auraient été posées, soit sur la réglementation des Communautés, soit sur la vie politique anglaise, transformant ainsi le concours en un concours sur épreuves qui n'aurait pas été organisé conformément à l'annexe III. Si vous n'avez pas à substituter votre appréciation à celle du jury, vous devez, dit la requérante, contrôler la manière dont il a formé sa conviction, et vous devez être en mesure de vérifier si les questions posées par lui aux deux candidats ont été d'une égale difficulté, s'il s'est montré d'une égale rigueur pour apprécier les connaissances linguistiques des intéressées, ce qu'elle conteste. Mais nul n'était mieux placé que Mlle Rauch pour savoir, dès l'introduction de sa requête, en quoi avait consisté l'entretien qu'elle avait eu avec le jury, et si les questions qui lui avaient été posées étaient de nature à transformer un concours sur titres en concours sur épreuves, ou sur titres et épreuves. Le moyen tiré des conditions dans lesquelles s'est déroulé le concours ne nous paraît donc pas recevable.

Si l'on estimait au contraire que la connaissance qu'elle a eue au cours de l'instance du procès-verbal des opérations du jury comportant la note attribuée à chacune des deux candidates inscrites sur la liste d'aptitude constitue cet élément révélé au cours de la procédure écrite, le moyen nous paraîtrait cependant devoir être rejeté. L'appréciation comparative des mérites des candidats, dont il n'est pas établi qu'elle repose sur des données de droit ou de fait inexactes, la note attribuée à chacun d'eux relèvent du pouvoir discrétionnaire du jury.

4.

On ne peut en tout cas opposer cette même irrecevabilité au quatrième moyen tiré de ce que Mlle Kurz a posé sa candidature après l'expiration du délai prévu par l'avis de concours. Et la question nous paraît assez délicate en droit et en fait.

Aux termes de l'avis de concours publié le 16 août 1963, les candidats devaient remettre leur demande contre reçu à la division du recrutement «avant le 9 septembre 1963 au plus tard». Prise à la lettre, cette formule impliquerait d'ailleurs que le délai expirait le 8 septembre au soir; mais on peut admettre qu'il s'agit d'une maladresse de rédaction, et qu'il faut comprendre — ainsi que le porte la note générale précédant l'ensemble des avis de concours publiés dans ce numéro du bulletin — que la date limite est le 9 septembre. D'autre part, les candidatures devaient être présentées sur un formulaire spécial signé par l'agent.

En fait, l'opération s'est déroulée de la façon suivante: le 9 septembre était enregistrée au service du recrutement une lettre par laquelle le chef du bureau de Londres du service d'information faisait connaître que Mlle Kurz, qui serait certainement candidate, n'avait pu être touchée en temps utile, étant en vacances; son chef de service adressait donc, en attendant qu'elle pût remplir elle-même le formulaire, un acte de candidature, évidemment non signé de l'intéressée. Un dossier fut ouvert, et le 13 septembre arrivait la confirmation de Mlle Kurz; celle-ci précisait qu'étant en voyage de vacances en France sans adresse fixe elle n'avait pu avoir connaissance à temps des conditions d'ouverture du concours.

Mlle Rauch souligne que la date du 9 septembre est sujette à caution, du fait que l'administration n'a pas produit le registre ad hoc dans lequel sont inscrites les candidatures avec leur numéro d'ordre. Mais ce registre existe-t-il, et quel texte prévoit sa tenue? Surtout elle relève que, d'après le formulaire spécial, la candidature doit être signée par l'intéressée, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce, au moins dans le délai imparti par l'avis de concours.

Juridiquement et dans la pratique, le respect de ce délai est fort important et il s'impose à l'administration comme aux candidats; aussi avons-nous été tenté d'abord d'admettre le bien fondé du moyen. Quelles qu'aient été les raisons pour lesquelles Mlle Kurz n'avait pu présenter elle-même sa candidature dans les délai et forme impartis, il lui appartenait au cours de son congé de garder avec son service un contact suffisant pour parer à toute éventualité. — A la réflexion, une telle solution nous paraît exagérément formaliste, si l'on peut admettre que la méconnaissance des conditions strictes de délai et de forme n'a pas eu en l'espèce pour objet de permettre une fraude de la part du candidat. Or, tel ne paraît pas le cas. La lettre du chef de service porte comme date ce que l'avocat de la requérante appelle avec raison une «fioriture bizarre» et que nous lisons comme un 6; elle est parvenue au service le 9, ainsi qu'en fait foi le cachet d'arrivée, donc dans le délai, et nous ne voyons pas sur quelle base on contesterait la force probante de ce cachet. Sans doute n'émane-t-elle pas de l'intéressée, mais son chef de service écrit en son nom, il se présente comme son mandataire, et il a raison d'interpréter ainsi ses intentions puisque presque aussitôt Mlle Kurz confirme sa candidature, cette fois dans les formes régulières. Nous vous proposerons donc d'admettre qu'en l'espèce il n'y a pas eu violation des règles posées par l'avis de vacance.

5.

Reste un dernier moyen tiré encore du procès-verbal des opérations du jury et présenté de la façon suivante: le jury déclare avoir retenu deux critères, à savoir les connaissances linguistiques et la pratique professionnelle (cotées globalement sur 10), alors qu'il aurait dû indiquer les points obtenus par chacune des candidates pour chacun de ces deux critères.

Mais, en vertu de l'article 5 de l'annexe III, il appartient au jury, en cas de concours sur titres, d'établir les critères sur la base desquels il appréciera les titres des candidats; c'est ce qu'il a fait et, à défaut d'une disposition précise, rien, pensons-nous, ne l'obligeait à noter séparément les connaissances linguistiques ou la pratique.

Aucun moyen ne nous paraissant en définitive pouvoir être retenu,

Nous concluons :

au rejet du recours de Mlle Rauch,

et à ce que chaque partie supporte ses propres dépens, conformément à l'article 70 du règlement de procédure.