Conclusions de l'avocat général

M. MAURICE LAGRANGE

30 avril 1964

Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

Par jugement en date du 29 mai 1963, le tribunal d'arrondissement de Luxembourg (Chambre correctionnelle) vous demande de donner, à titre préjudiciel, une interprétation des traités européens (nous citons) «sur les points et textes signalés, et tous autres, le cas échéant, déterminant la durée des sessions des Assemblées des Communautés européennes et résolvant ainsi la question de l'immunité parlementaire des prévenus-défendeurs à la date du 6 novembre 1962».

Vous vous rappelez, en effet, que deux membres de la chambre des députés du Grand-Duché, qui sont aussi membres du Parlement européen, s'étaient prévalus de leur immunité parlementaire en cette double qualité en vue de faire déclarer irrecevable une action en diffamation et injures par voie de presse dirigée contre eux. A la suite d'une procédure assez compliquée, une assignation fut lancée le 6 novembre 1962, c'est-à-dire pendant les quelques heures de l'année où la Chambre des députés luxembourgeoise ne s'est pas trouvée en session: celle-ci, en effet, ouverte le 7 novembre 1961, avait été close par arrêté ministériel du 29 octobre 1962 avec effet au 5 novembre 1962, alors que la nouvelle session ordinaire devait s'ouvrir le premier mardi après le 3 novembre, c'est-à-dire le 6 à 3 heures de relevée! Dès lors, l'immunité ne jouait plus dans l'ordre interne, mais la question restait posée au sujet de la qualité des prévenus en tant que membres du Parlement européen.

A cet égard, le tribunal a éprouvé des doutes sur le point de savoir si le Parlement européen était en session, ordinaire ou extraordinaire, à la date du 6 novembre 1962, doutes résultant notamment de l'incertitude des textes des traités relatifs à la durée des sessions. Or, cette question devait être éclaircie, puisque, aux termes de l'article 9 de chacun des trois protocoles sur les privilèges et immunités, c'est seulement «pendant la durée des sessions de l'Assemblée» que ses membres bénéficient… «sur leur territoire national, des immunités reconnues aux membres du Parlement de leur pays».

Et c'est pourquoi, estimant qu'une décision préalable était nécessaire pour rendre son jugement et usant de la faculté que lui offraient l'article 177, alinéa 2, et l'article 150, alinéa 2, des traités C.E.E. et Euratom, le tribunal (nous citons le dispositif du jugement) «renvoie les parties devant la Cour de justice des Communautés européennes à l'effet de voir interpréter par cette juridiction les traités invoqués par les prévenus-défendeurs, à savoir sur les points et textes signalés, et tous autres, le cas échéant, déterminant la durée des sessions des Assemblées des Communautés européennes et résolvant ainsi la question de l'immunité parlementaire des prévenus-défendeurs à la date du 6 novembre 1962».

I

Plusieurs questions de procédure et de compétence doivent être d'abord résolues.

A.

La première a trait à la validité de la saisine de la Cour. Vous avez remarqué, en effet, que le tribunal «renvoie les parties devant la Cour de justice,» alors qu'il aurait dû saisir la Cour lui-même. A cet égard, cependant, il n'y a pas de difficulté: la Cour a été effectivement saisie par une transmission directe du greffier en chef du tribunal adressée au greffier de la Cour, et non par les parties: la saisine est régulière.

B.

Le deuxième problème concerne l'objet des questions posées. Ce point est plus délicat, car il interfère directement sur la compétence de la Cour. Cette compétence a, en effet, une double limite :

1o

Une limite résultant de l'article 177: il faut que la demande ait trait à une question relative à l'interprétation du traité ou à la validité ou l'interprétation d'un acte des institutions communautaires: il s'agit ici d'une interprétation abstraite, la Cour ne pouvant en aucun cas se substituer au juge national pour résoudre le litige dont celui-ci à a connaître;

2o

Limite résultant de la question posée: la Cour ne peut répondre qu'à cette question, non à d'autres, sans d'ailleurs se faire juge de l'opportunité ou de la pertinence de la question quant au jugement du litige au principal.

Et, tout d'abord, que demande exactement le tribunal? Si l'on s'en tenait au dispositif du jugement, on devrait constater que le tribunal ne mentionne pas les textes dont il sollicite l'interprétation et ne précise pas la nature des difficultés d'interprétation auxquelles il se heurte. Toutefois, si l'on s'en réfère aux motifs, on voit bien que le tribunal désire y voir clair sur le problème de la durée des sessions du Parlement européen, dans la mesure où ce problème commande la solution du litige au sujet de l'existence d'une immunité à la date du 6 novembre 1962, et que le doute qu'il éprouve a trait à l'interprétation de l'article 22 du traité C.E.C.A., et aux articles 139 du traité C.E.E. et 109 du traité Euratom, textes expressément cités dans les motifs du jugement. Or, il suffit de lire ces articles pour constater que le manque de concordance entre eux, d'une part, et, d'autre part, l'absence dans les traités de Rome de toute disposition concernant la clôture de la session ordinaire provoquent des difficultés d'interprétation au sujet de la durée des sessions, difficultés qui ressortissent à la compétence de la Cour. Quant à celle-ci, on vous l'a rappelé à la barre, elle n'a jamais hésité à faire l'effort nécessaire pour dégager des questions posées par la juridiction de renvoi celles qui ont trait à sa compétence propre d'interprétation. Cet effort apparaît peu considérable en l'espèce en ce qui concerne les traités.

Cependant, l'interprétation des textes des traités visés au jugement ne permettrait pas, à elle seule, au tribunal de résoudre le litige. Il est nécessaire, en outre, de faire état du règlement intérieur du Parlement européen, pris par application de l'article 25 du traité C.E.C.A. et des articles 142 du traité C.E.E. et 112 du traité Euratom, règlement qui contient des dispositions sur les sessions du Parlement. Or, ces dispositions, elles aussi, soulèvent dés questions touchant à leur interprétation, et même à l'appréciation de leur validité par rapport aux traités, toutes questions qui sont également de la compétence de la Cour en vertu de l'article 177 du traité C.E.E. et de l'article 150 du traité Euratom. Bien que le jugement ne comporte pas de demande explicite sur ces points, nous estimons que la Cour doit aussi se prononcer à leur sujet. Nous pensons d'ailleurs répondre ainsi au voeu du tribunal qui demande une interprétation, non seulement des «textes signalés», mais de «tous autres» de nature à lui permettre de résoudre la question litigieuse.

C.

Troisième problème : La Cour est-elle compétente pour statuer à titre préjudiciel sur les questions posées en tant qu'elles concernent l'interprétation du traité C.E.C.A.?

Bien que le traité de Paris n'ait pas institué de procédure de renvoi devant la Cour, ainsi que l'ont fait les traités de Rome, une interprétation, à vrai dire hardie, mais défendable à notre avis, de l'article 31 de ce traité pourrait conduire à admettre que cet article comporte une attribution générale, sinon exclusive, de compétence à la Cour pour ce qui concerne l'interprétation du traité et des règlements d'exécution et, en conséquence, autorise, sinon exige, le renvoi à la Cour, à titre préjudiciel, de ces questions lorsqu'elles sont soulevées devant les tribunaux nationaux.

Toutefois, il n'est pas nécessaire en l'espèce de prendre parti sur cette question délicate. En effet, les dispositions de l'article 22 du traité C.E.C.A. sont parfaitement claires et n'ont nul besoin d'être interprétées. Les difficultés sont tout entières dans les traités de Rome et dans le règlement intérieur du Parlement européen: en effet, le problème de l'application simultanée à une institution commune de dispositions divergentes des traités de Paris et de Rome a trait uniquement à l'interprétation de ces derniers, notamment de l'article 232 du traité C.E.E. et de la convention sur les institutions communes. Quant aux dispositions «obscures», en tant qu'elles règlent l'ouverture des sessions sans rien dire de leur clôture, ce sont celles des traités de Rome. Enfin, en ce qui concerne le règlement intérieur, la compétence de la Cour se trouve suffisamment fondée, tant en ce qui concerne l'interprétation que l'appréciation de validité, par les articles 177 du traité C.E.E. et 150 du traité Euratom et, bien entendu, l'appréciation de validité doit éventuellement être examinée aussi bien à l'encontre du traité C.E.C.A. que des deux autres.

D.

Quatrième problème : La question posée par le tribunal d'arrondissement de Luxembourg n'est-elle pas devenue sans objet du fait qu'une demande de levée d'immunité a été adressée par le plaignant au Parlement européen et se trouve actuellement en instance devant cette institution?

Nous ne le pensons pas. Le tribunal saisi au principal est, en effet, seul juge de la question de savoir si, en sollicitant la mainlevée de l'immunité, le plaignant devrait être regardé comme ayant renoncé à sa thèse d'après laquelle le Parlement européen ne se trouvait pas en session le 6 novembre 1962. De même est-il seul juge de l'opportunité d'attendre, pour se prononcer sur la poursuite, que le Parlement ait lui-même statué sur la mainlevée. Quant à la Cour, elle est tenue de se prononcer sur la question préjudicielle dont elle a été régulièrement saisie et à l'égard de laquelle elle se reconnaît compétente.

Le seul problème pour la Cour est un problème d'opportunité: convient-il de statuer immédiatement, ou, au contraire, d'attendre la décision du Parlement européen? Nous pensons, pour notre part, que la première solution est préférable. Tout dépend, en effet, de la décision qui sera prise. Si cette décision prononçait la levée de l'immunité, la question qui nous est posée devrait sans doute être considérée comme devenue sans objet, mais, dans le cas contraire, pourraient surgir des problèmes de conflits fort délicats, tant pour la Cour que pour le tribunal, au sujet de l'autorité à leur égard de la décision du Parlement, conflits qu'il y a tout intérêt à prévenir: or, nous ne pouvons évidemment préjuger le sens de la décision. Dans les deux cas, d'ailleurs, le Parlement serait contraint de prendre parti, au moins implicitement, sur les questions de principe qui vous sont posées et il y a, dès lors, le plus grand intérêt à ce •que ces questions soient résolues préalablement par la Cour.

II

Le terrain étant ainsi déblayé, arrivons- en au fond.

La convention sur les institutions communes n'a réalisé la concordance des textes relatifs à l'Assemblée que sur un seul point, à savoir la composition de l'institution, qui a fait l'objet d'une modification de l'article 21 du traité C.E.C.A. : aucune modification, en particulier, de l'article 22 qui nous intéresse. Il faut donc, conformément à la doctrine qui résulte notamment de l'article 232 du traité C.E.E. et qui a été suivie jusqu'ici dans d'autres domaines, le domaine budgétaire par exemple, appliquer concurremment les trois traités; c'est d'ailleurs ce à quoi tend le règlement intérieur du Parlement européen.

Si l'on procède à une comparaison de l'article 22 du traité C.E.C.A. et de l'article 139 du traité C.E.E. ( 1 ), on constate d'abord des règles communes :

1o

Existence d'une session annuelle ; «l'Assemblée tient une session annuelle»;

2o

«Réunion de plein droit» à une certaine date;

3o

Possibilité pour l'Assemblée de «se réunir en session extraordinaire à la demande de la majorité de ses membres» ainsi que du Conseil, de la Haute Autorité (pour la C.E.C.A.) et de la Commission (pour la C.E.E. et l'Euratom).

Deux divergences, en revanche ;

1o

La date différente fixée pour la réunion de plein droit: deuxième mardi de mai pour la C.E.C.A., troisième mardi d'octobre pour les deux autres Communautés;

2o

Fixation d'une date limite à la session annuelle dans la C.E.C.A. («la session ne peut se prolonger au delà de la fin de l'exercice financier en cause», c'est-à-dire le 30 juin) ; absence de toute règle à ce sujet dans les deux autres traités.

C'est dans ces conditions que le Parlement européen a été amené à établir, dans son règlement intérieur, le système suivant (article premier du règlement) :

«1.

Le Parlement tient une session annuelle.

2.

Il se réunit de plein droit le deuxième mardi de mai et le troisième mardi d'octobre et décide souverainement de la durée des interruptions de la session.

A titre exceptionnel, le bureau élargi prévu à l'article 13, statuant à la majorité des membres le composant, peut modifier la durée des interruptions ainsi fixées, par décision motivée prise 15 jours au moins avant la date précédemment arrêtée par le Parlement pour la reprise de sa session, sans que cette date puisse être reculée de plus de 15 jours (alinéa ajouté par une résolution du Parlement en date du 28 juin 1963, Journal officiel du 12 juillet 1963).

3.

Il doit être convoqué extraordinairement par son président, sur demande de la majorité de ses membres ou sur demande de la Haute Autorité, de l'une des Commissions européennes ou de l'un des Conseils.»

Le régime adopté par le Parlement européen repose donc sur l'existence d'une session annuelle, qui n'est jamais close (ni d'ailleurs suspendue), mais «interrompue» à des dates et pour une durée fixées par le Parlement lui-même et, exceptionnellement dans certaines conditions, par le «bureau élargi».

Ce système est-il compatible avec les traités? A première vue, on pourrait en douter. En effet, il paraît donner à la «session annuelle» prévue par les traités un caractère permanent qui est contraire aux textes: l'article 22 du traité C.E.C.A. enferme expressément la durée de. la session annuelle entre deux dates précises; quant à l'article 139 du traité C.E.E., en ne fixant pas de date pour la clôture de la session annuelle, il a simplement entendu laisser à l'Assemblée la latitude de fixer elle-même cette date, mais non lui permettre de rester en permanence en session: l'ouverture de la session suppose sa clôture, que le Parlement ne prononce jamais, et, d'autre part, la permanence de la session est incompatible avec l'institution d'un régime de sessions extraordinaires prévu par les traités.

Cependant, Messieurs, à la réflexion, nous ne pensons pas que le règlement intérieur du Parlement européen soit, sur le point qui nous occupe, contraire aux traités.

Tout d'abord, le règlement prend soin de préciser que le Parlement «se réunit de plein droit le deuxième mardi de mai et le troisième mardi d'octobre», conformément aux dispositions des traités. Il est vrai qu'il n'édicte pas de règle quant à la clôture de la session. Mais il convient de remarquer que les traités eux-mêmes ne parlent pas de «clôture» (pas plus d'ailleurs que d'«ouverture»), et il n'appartenait pas au Parlement de légiférer sur ce point qui est, en effet, de nature constitutionnelle. L'ouverture du Parlement, qui, dans certaines constitutions, est constituée par un acte solennel du chef de l'État, surtout dans les régimes monarchiques, s'oppose généralement à la règle de la «réunion de plein droit», qui constitue une prérogative de souveraineté reconnue au Parlement. Quant à la «clôture», il s'agit aussi d'une prérogative constitutionnelle, reconnue souvent au pouvoir exécutif: tel était le cas de la Constitution française de 1875; tel est encore le cas de la Constitution luxembourgeoise, pour ne citer que ces deux exemples.

Les traités européens, qui, malgré bien des analogies, n'ont tout de même pas le caractère d'une constitution, au sens plein de ce terme, n'avaient pas à tenir compte de telles considérations. Il leur suffisait de déterminer dans quelles conditions l'Assemblée parlementaire se réunirait et se séparerait. A cet égard, nous l'avons vu, il n'est pas douteux qu'ils ont entendu exclure un régime de permanence des sessions, c'est-à-dire un régime dans lequel l'Assemblée serait «réunie» en permanence. En organisant un système prévoyant des «interruptions» de session, le Parlement européen s'est conformé à cette règle.

On ne peut assimiler ces périodes pendant lesquelles la session est «interrompue» à certaines pratiques nationales qui permettent à une assemblée parlementaire de suspendre la session, par le moyen d'un congé ou, plus simplement, en chargeant son président de la convoquer à une date ultérieure: en ce cas, la suspension des travaux de l'assemblée ne se distingue guère de la fixation de la date de la prochaine séance au cours d'une session, la date étant simplement reculée.

Ici, le cas est tout différent: c'est la session elle-même qui est «interrompue», donc, pendant toute la durée des interruptions, l'Assemblée, non seulement ne siège pas, mais n'est pas en session. D'autre part — et c'est là que nous rencontrons la différence essentielle avec les exemples de droit interne auxquels nous avons fait allusion —, une telle pratique ne heurte aucun principe constitutionnel: alors qu'en droit constitutionnel interne un procédé permettant à l'Assemblée de fixer elle-même la durée de ses sessions, sous prétexte de les «interrompre» (et donc de les reprendre) à sa guise, pourrait constituer un moyen de violer les règles constitutionnelles relatives à la durée des sessions et, par exemple, les prérogatives dont jouit l'exécutif à cet égard, il ne peut en être ainsi dans les traités européens. En effet, comme nous l'avons dit, nous n'avons ici ni ouverture, ni clôture de sessions faisant intervenir un autre pouvoir: le Parlement européen se réunit de plein droit à certaines dates; il met fin lui-même à la session et peut se réunir en session extraordinaire à la demande de la majorité de ses membres. Il apparaît ainsi que la disposition du règlement en vertu de laquelle le Parlement «décide souverainement de la durée des interruptions de la session», celle-ci étant «la session annuelle», est tout simplement un procédé pratique par lequel l'Assemblée profite de ce qu'elle est réunie pour décider de la reprise de ses travaux à une date ultérieure, sans qu'il soit nécessaire de provoquer, pendant l'interruption, le nombre de signatures exigé pour obtenir une réunion en session extraordinaire: une telle réunion se trouve d'ores et déjà décidée, avec fixation de sa date. Notons seulement que, pour être pleinement conforme aux dispositions des traités, la décision devrait être prise à la majorité des membres de l'Assemblée.

Au surplus, Messieurs, nous trouvons tant dans la pratique suivie par le Parlement européen que dans le texte même du règlement une confirmation très nette de la distinction entre les interruptions de session et les simples interruptions de séances. En ce qui concerne le texte du règlement, la distinction apparaît clairement dans l'article 20. Pour ce qui est de la pratique, si nous prenons au hasard l'un des fascicules de compte rendu des débats, par exemple le fascicule no 61 (séance du 4 au 8 février 1963), nous lisons (page 5) ce qui suit :

«M. le Président. — La séance est ouverte.

1. Reprise de la session

M. le Président. — Je déclare reprise la session du Parlement européen, qui avait été interrompue le 23 novembre 1962.»

A la page 24, le président fixe au lendemain la prochaine séance avec son ordre du jour et lève la séance. Le lendemain à 15 h 30, il se borne à ouvrir la séance et il en va de même les jours suivants jusqu'à la fin du «cycle» des séances (pour employer un terme neutre) ; à ce moment, nous lisons (page 230) :

«7. Adoption du procès-verbal

M. le Président. — Conformément à l'article 20, paragraphe 2, du règlement, je dois soumettre au Parlement le procès-verbal de la présente session qui a été établi à mesure du déroulement des débats.

Il n'y a pas d'observation?…

Le procès-verbal est adopté.

8. Interruption de la session

M. le Président. — Le Parlement a maintenant épuisé son ordre du jour.

Le bureau élargi propose de fixer la prochaine séance au lundi 25 mars 1963 à 17 heures.

Il n'y a pas d'opposition?…

Il en est ainsi décidé.

Les propositions concernant l'ordre du jour seront communiquées aux membres du Parlement dès qu'elles auront été établies.

En remerciant mes collègues d'avoir accompli un bon et rapide travail dans des conditions parfois difficiles, je déclare la session interrompue jusqu'au 25 mars 1963.

(Applaudissements)

La séance est levée.

(La séance est levée à 11 h 30).»

Tout se passe donc comme si le Parlement tenait plusieurs sessions par an. Nous trouvons même dans certains procès-verbaux une déclaration finale du président déclarant, in terminisLa prochaine session aura lieu» de telle date à telle date (exemples: compte rendu des débats, no 63, page 44; no 66, page 172).

Signalons, enfin, que, conformément à son règlement, le Parlement européen adopte le procès-verbal de la dernière séance avant que la session soit déclarée interrompue. Parfois même, le procès-verbal adopté est celui «de la présente session» (compte rendu no 61, que nous avons lu il y a un instant, et no 66, page 172, déjà cité). Or, une telle pratique est conforme aux régimes comportant plusieurs sessions (Laferrière, Droit constitutionnel, 2e édition, page 744). Lorsqu'il y a seulement interruption de séance, le procès-verbal est normalement adopté au début de la séance suivante.

La vérité est que l'expression même «interruption de session» a une acception différente suivant qu'on se trouve dans un régime de session permanente ou, comme dans les Communautés, dans un régime de sessions, ordinaires et extraordinaires, de durée limitée: dans le premier cas, l' «interruption» est un simple fait, par exemple, un ajournement de séances d'une certaine durée; dans le second cas, au contraire, l'expression prend un sens juridique: c'est l'intervalle entre les sessions (Laferrière, même ouvrage, page 992, note 1).

Quant à l'argument, qui a été invoqué à la barre, d'après lequel les commissions parlementaires ne peuvent se réunir entre les sessions, il n'est pas pertinent. En effet, tout dépend à cet égard des constitutions: d'après la Constitution luxembourgeoise, de telles réunions des commissions pendant l'intervalle des sessions seraient, en effet, prohibées. Sous le régime de la Constitution française de 1875, au contraire, les commissions pouvaient se réunir entre les sessions. Le règlement intérieur du Parlement européen règle la question à son article 39, aux termes duquel «les commissions se réunissent, sur convocation de leur président ou sur l'initiative du président du Parlement, au cours ou en dehors de la session».

Dans ces conditions, Messieurs, et sans mettre en cause la légalité du règlement intérieur du Parlement européen, qui ne nous paraît pas contraire aux traités, nous estimons que, pendant la durée de l' «interruption» de session, le Parlement n'est pas en session, au sens de l'article 9 de chacun des trois protocoles sur les privilèges et immunités.

Nous concluons :

à ce que l'article 9 de chacun des trois protocoles sur les privilèges et immunités soit interprété en ce sens que la «durée des sessions de l'Assemblée» ne comprend pas la période pendant laquelle l'interruption de la session a été décidée par le Parlement européen dans les conditions prévues par son règlement intérieur;

et à ce que le tribunal d'arrondissement de Luxembourg statue sur les dépens de la présente instance.


( 1 ) Pour plus de commodité, nous ferons désormais abstraction du traité Euratom dont les dispositions, vous le savez, sont identiques à celles du traité C.E.E.