Arrêt de la Cour du 14 décembre 1962. - Commission de la Communauté économique européenne contre Grand-Duché de Luxembourg et Royaume de Belgique. - Affaires jointes 2/62 et 3/62.
Recueil de jurisprudence
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édition spéciale finnoise page 00133
Sommaire
Parties
Objet du litige
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
1 . PROCEDURE - OBLIGATIONS DES ETATS MEMBRES DE LA C.E.E . - MANQUEMENT - POUVOIRS DE LA COMMISSION - PROCEDURES DE DEROGATION - ABSENCE D ' EFFETS SUR L ' EXERCICE DE CES POUVOIRS
( TRAITE C.E.E . , ART . 169 , 226 )
2 . OBLIGATIONS DES ETATS MEMBRES DE LA C.E.E . - MANQUEMENT - DEMANDE DE DEROGATION POSTERIEURE - EFFET
3 . DROITS DE DOUANE - ELIMINATION - CREATION DE NOUVEAUX DROITS INTERDITE - CARACTERE STRICT DE CETTE INTERDICTION
( TRAITE C.E.E . , ART . 9 , 12 )
4 . DROITS DE DOUANE - ELIMINATION - TAXES D ' EFFET EQUIVALENT - NOTION
( TRAITE C.E.E . , ART . 9 , 12 )
5 . POLITIQUE DE LA C.E.E . - REGLES COMMUNES - DISPOSITIONS FISCALES - IMPOSITIONS AU SENS DE L ' ARTICLE 95 DU TRAITE C.E.E . - PORTEE DE CET ARTICLE
6 . MARCHE COMMUN - PROCEDURES COMMUNAUTAIRES - DECISIONS UNILATERALES A EVITER
1 . DES PROCEDURES DE DEROGATION COMME CELLES PREVUES A L ' ARTICLE 226 DU TRAITE C.E.E . , DONT LA SOLUTION DEPEND DE L ' APPRECIATION DE LA COMMISSION , SONT DISTINCTES PAR LEUR NATURE ET LEURS EFFETS DE LA PROCEDURE COMMINATOIRE DONT DISPOSE LA COMMISSION EN VERTU DE L ' ARTICLE 169 ET NE SAURAIENT DONC EN RIEN PARALYSER CETTE DERNIERE .
2 . UNE DEMANDE DE DEROGATION AUX REGLES GENERALES DU TRAITE NE PEUT AVOIR POUR EFFET DE RENDRE LICITES DES MESURES UNILATERALES PRISES EN CONTRADICTION AUXDITES REGLES ET NE PEUT EN CONSEQUENCE LEGITIMER RETROACTIVEMENT L ' INFRACTION INITIALE .
3 . IL RESULTE DE LA NETTETE , DE LA FERMETE , DE L ' ETENDUE SANS RESERVE DES ARTICLES 9 ET 12 , DE LA LOGIQUE DE LEURS DISPOSITIONS ET DE L ' ENSEMBLE DU TRAITE QUE L ' INTERDICTION DES DROITS DE DOUANE NOUVEAUX , LIEE AUX PRINCIPES DE LA LIBRE CIRCULATION DES PRODUITS , CONSTITUE UNE REGLE ESSENTIELLE ET QU ' EN CONSEQUENCE TOUTE EVENTUELLE EXCEPTION , D ' AILLEURS D ' INTERPRETATION STRICTE , DOIT ETRE CLAIREMENT PREVUE .
4 . AU SENS DES ARTICLES 9 ET 12 DU TRAITE C.E.E . , LA TAXE D ' EFFET EQUIVALENT PEUT ETRE CONSIDEREE QUELLES QUE SOIENT SON APPELLATION OU SA TECHNIQUE COMME UN DROIT UNILATERALEMENT IMPOSE , SOIT AU MOMENT DE L ' IMPORTATION , SOIT ULTERIEUREMENT , ET QUI , FRAPPANT SPECIFIQUEMENT UN PRODUIT IMPORTE D ' UN PAYS MEMBRE A L ' EXCLUSION DU PRODUIT NATIONAL SIMILAIRE , A POUR RESULTAT EN ALTERANT SON PRIX D ' AVOIR AINSI SUR LA LIBRE CIRCULATION DES PRODUITS LA MEME INCIDENCE QU ' UN DROIT DE DOUANE .
CETTE NOTION , LOIN D ' APPARAITRE COMME UNE EXCEPTION A LA REGLE GENERALE D ' INTERDICTION DES DROITS DE DOUANE , SE PRESENTE , AU CONTRAIRE , COMME SON COMPLEMENT NECESSAIRE , PERMETTANT DE LA RENDRE EFFICACE .
ETANT SANS CESSE ACCOLEE A CELLE DE " DROITS DE DOUANE " , LA NOTION DE TAXE D ' EFFET EQUIVALENT MARQUE LE DESSEIN DE PROHIBER NON SEULEMENT LES MESURES OSTENSIBLEMENT REVETUES DE LA FORME DOUANIERE CLASSIQUE , MAIS ENCORE TOUTES CELLES QUI , PRESENTEES SOUS D ' AUTRES APPELLATIONS , OU INTRODUITES PAR LE BIAIS D ' AUTRES PROCEDES , ABOUTIRAIENT AUX MEMES RESULTATS DISCRIMINATOIRES OU PROTECTEURS QUE LES DROITS DE DOUANE .
5 . SI L ' ARTICLE 95 , PARAGRAPHE 1 , TOLERE IMPLICITEMENT DES " IMPOSITIONS " SUR UN PRODUIT IMPORTE , C ' EST DANS LA SEULE ET RESTRICTIVE MESURE OU LES MEMES IMPOSITIONS FRAPPENT PAREILLEMENT LES PRODUITS NATIONAUX SIMILAIRES . LE CHAMP D ' APPLICATION DE CET ARTICLE NE SAURAIT ETRE ETENDU AU POINT DE PERMETTRE UNE COMPENSATION QUELCONQUE ENTRE UNE CHARGE FISCALE CREEE POUR FRAPPER UN PRODUIT IMPORTE ET UNE CHARGE DE NATURE DIFFERENTE , ECONOMIQUE PAR EXEMPLE , PESANT SUR LE PRODUIT INTERIEUR SIMILAIRE .
6 . POUR RESOUDRE LES DIFFICULTES POUVANT SURVENIR DANS UN SECTEUR ECONOMIQUE DETERMINE , LES ETATS MEMBRES ONT VOULU INSTITUER DES PROCEDURES COMMUNAUTAIRES POUR EVITER L ' INTERVENTION UNILATERALE DES ADMINISTRATIONS NATIONALES .
DANS LES AFFAIRES JOINTES 2 ET 3-62 , INTRODUITES PAR :
COMMISSION DE LA COMMUNAUTE ECONOMIQUE EUROPEENNE ,
REPRESENTEE PAR M . HUBERT EHRING , CONSEILLER JURIDIQUE DES EXECUTIFS EUROPEENS , EN QUALITE D ' AGENT ,
AYANT ELU DOMICILE CHEZ M . HENRI MANZANARES , SECRETAIRE DU SERVICE JURIDIQUE DES EXECUTIFS EUROPEENS , A LUXEMBOURG , 2 , PLACE DE METZ , PARTIE REQUERANTE ,
CONTRE
1 ) GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG ( AFFAIRE 2-62 )
REPRESENTE PAR M . JEAN RETTEL , CONSEILLER JURIDIQUE ADJOINT AU MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES , EN QUALITE D ' AGENT ,
AYANT ELU DOMICILE AU MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES A LUXEMBOURG , 5 , RUE NOTRE-DAME ,
2 ) ROYAUME DE BELGIQUE ( AFFAIRE 3-62 )
REPRESENTE PAR M . LE VICE-PREMIER MINISTRE , MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES ,
AYANT DESIGNE COMME AGENT M . JACQUES KARELLE , DIRECTEUR AU MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES ET DU COMMERCE EXTERIEUR ,
ASSISTE DE ME MARCEL VERSCHELDEN , AVOCAT PRES LA COUR D ' APPEL DE BRUXELLES ,
AYANT ELU DOMICILE A L ' AMBASSADE DE BELGIQUE A LUXEMBOURG , 9 , BOULEVARD DU PRINCE-HENRI , PARTIES DEFENDERESSES ,
AYANT POUR OBJET LA REGULARITE CONTESTEE , POUR ETRE INTERVENUES APRES LE 1ER JANVIER 1958 :
1 ) DES AUGMENTATIONS DU DROIT SPECIAL PERCU PAR LA BELGIQUE ET LE LUXEMBOURG A L ' OCCASION DE LA DELIVRANCE DE LICENCES D ' IMPORTATION POUR LE PAIN D ' EPICE ;
2 ) DE L ' EXTENSION DE CE DROIT AUX PRODUITS SIMILAIRES AU PAIN D ' EPICE DE LA POSITION NO 19.08 DU TARIF DOUANIER COMMUN ;
P . 824
QUANT A LA RECEVABILITE
ATTENDU QUE LES DEFENDEURS , SOULEVANT L ' IRRECEVABILITE DU RECOURS , FONT GRIEF A LA COMMISSION D ' AVOIR EMPECHE LA REGULARISATION DE LA SITUATION LITIGIEUSE EN EXIGEANT ABUSIVEMENT LA SUSPENSION DES MESURES CRITIQUEES AVANT DE STATUER SUR LES DEMANDES DE DEROGATION PAR EUX FORMEES SUR LA BASE DE L ' ARTICLE 226 DU TRAITE ET D ' UN REGLEMENT PRIS PAR LE CONSEIL DE MINISTRES , LE 4 AVRIL 1962 , EN VERTU DE L ' ARTICLE 235 ;
P . 825
QUE PAR " ABUS DE POUVOIR ET EXCES DE JURIDISME " ET , FAUTE D ' AVOIR STATUE D ' URGENCE SUR CES DEMANDES COMME ELLE Y AURAIT ETE TENUE , LA COMMISSION AURAIT PERDU QUALITE POUR POURSUIVRE LES DEFENDEURS EN VIOLATION DU TRAITE ;
ATTENDU QUE LA COMMISSION , TENUE , EN VERTU DE L ' ARTICLE 155 , DE VEILLER A L ' APPLICATION DES DISPOSITIONS DU TRAITE , NE PEUT ETRE PRIVEE DE L ' EXERCICE DU POUVOIR ESSENTIEL , QU ' ELLE TIENT DE L ' ARTICLE 169 , D ' EN FAIRE ASSURER LE RESPECT ;
QUE , S ' IL ETAIT POSSIBLE DE TENIR EN ECHEC L ' APPLICATION DE L ' ARTICLE 169 PAR UNE DEMANDE DE REGULARISATION , CET ARTICLE PERDRAIT TOUTE EFFICACITE ;
ATTENDU QU ' UNE DEMANDE DE DEROGATION AUX REGLES GENERALES DU TRAITE , INTRODUITE AU SURPLUS TRES TARDIVEMENT EN L ' ESPECE , NE PEUT AVOIR POUR EFFET DE RENDRE LICITES DES MESURES UNILATERALES PRISES EN CONTRADICTION AUXDITES REGLES ET NE PEUT , EN CONSEQUENCE , LEGITIMER RETROACTIVEMENT L ' INFRACTION INITIALE ;
QUE LES PROCEDURES DE DEROGATION UTILISEES DANS LA PRESENTE AFFAIRE ET DONT LA SOLUTION DEPENDAIT DE L ' APPRECIATION DE LA COMMISSION , DISTINCTES PAR LEUR NATURE ET LEURS EFFETS DE LA PROCEDURE COMMINATOIRE DONT DISPOSE LA COMMISSION EN VERTU DE L ' ARTICLE 169 , NE SAURAIENT EN RIEN PARALYSER CETTE DERNIERE ;
ATTENDU QUE , SANS AVOIR A EXAMINER SI UN EVENTUEL ABUS DE DROIT DE LA COMMISSION PEUT PRIVER CELLE-CI DE LA TOTALITE DES MOYENS QU ' ELLE TIENT DE L ' ARTICLE 169 , IL SUFFIT DE CONSTATER QU ' EN L ' ESPECE LA DEMONSTRATION D ' UN TEL ABUS N ' A ETE NI FAITE , NI OFFERTE EN PREUVE ;
QU ' IL RESULTE D ' AILLEURS DES DEBATS QUE LES DEFENDEURS ONT NEGLIGE DE FOURNIR A LA COMMISSION LES ELEMENTS NECESSAIRES POUR STATUER SUR LEURS DEMANDES ;
QU ' AU SURPLUS LA FAUTE EVENTUELLE DE LA COMMISSION , JUSTICIABLE D ' UN CONTENTIEUX PROPRE , N ' AFFECTERAIT EN RIEN LE RECOURS POUR VIOLATION DU TRAITE , DIRIGE CONTRE DES DECISIONS QUI SUBSISTENT ENCORE A LA DATE DE CE JOUR ET DONT LA COUR EST TENUE D ' EXAMINER LA LEGALITE ;
P . 826
QUE LES RECOURS DOIVENT ETRE , EN CONSEQUENCE , DECLARES RECEVABLES .
QUANT AU FOND
ATTENDU QUE CES RECOURS TENDENT A FAIRE DECLARER ILLEGALES L ' AUGMENTATION DU DROIT SPECIAL A L ' IMPORTATION SUR LE PAIN D ' EPICE INTERVENUE APRES L ' ENTREE EN VIGUEUR DU TRAITE ET L ' EXTENSION A CERTAINS PRODUITS SIMILAIRES DE CE MEME DROIT CONSIDERE COMME UNE TAXE D ' EFFET EQUIVALENT AU DROIT DE DOUANE , PROHIBEE PAR LES ARTICLES 9 ET 12 .
1 . SUR LA TAXE D ' EFFET EQUIVALENT A UN DROIT DE DOUANE
ATTENDU QU ' AUX TERMES DE L ' ARTICLE 9 LA COMMUNAUTE EST FONDEE SUR UNE UNION DOUANIERE REPOSANT SUR L ' INTERDICTION DES DROITS DE DOUANE ET DE " TOUTES TAXES D ' EFFET EQUIVALENT " ;
QU ' AUX TERMES DE L ' ARTICLE 12 EST INTERDITE L ' INTRODUCTION DE " NOUVEAUX DROITS DE DOUANE A L ' IMPORTATION . . . OU TAXES D ' EFFET EQUIVALENT " ET L ' AUGMENTATION DE CEUX QUI SONT DEJA EN VIGUEUR ;
ATTENDU QUE LA PLACE DE CES ARTICLES EN TETE DE LA PARTIE RESERVEE AUX " FONDEMENTS DE LA COMMUNAUTE " , CELLE DE L ' ARTICLE 9 A L ' ENTREE MEME DU TITRE SUR " LA LIBRE CIRCULATION DES MARCHANDISES " , CELLE DE L ' ARTICLE 12 A L ' OUVERTURE DE LA SECTION CONSACREE A " L ' ELIMINATION DES DROITS DE DOUANE " , SUFFIT A MARQUER LE ROLE ESSENTIEL DES INTERDICTIONS AINSI EDICTEES ;
ATTENDU QUE LA FORCE DE CES PROHIBITIONS EST TELLE QUE , POUR EVITER DE LES VOIR TOURNEES PAR LA VARIETE DES PRATIQUES DOUANIERES OU FISCALES , LE TRAITE A VOULU PREVENIR TOUTE FAILLE EVENTUELLE DANS LEUR MISE EN OEUVRE ;
QU ' IL EST AINSI PRECISE ( ARTICLE 17 ) QUE LES INTERDICTIONS DE L ' ARTICLE 9 RECEVRONT APPLICATION MEME SI LES DROITS DE DOUANE ONT UN CARACTERE FISCAL ;
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QUE L ' ARTICLE 95 , PLACE A LA FOIS DANS LA PARTIE DU TRAITE CONSACREE A LA " POLITIQUE DE LA COMMUNAUTE " ET DANS LE CHAPITRE RESERVE AUX " DISPOSITIONS FISCALES " , VISE A COLMATER LES BRECHES QU ' UN PROCEDE FISCAL POURRAIT OUVRIR DANS LES INTERDICTIONS PRESCRITES ;
QUE CE SOUCI EST POUSSE SI LOIN QU ' IL EST FAIT DEFENSE A UN ETAT SOIT D ' IMPOSER D ' UNE MANIERE QUELCONQUE PLUS LOURDEMENT LES PRODUITS DES AUTRES ETATS MEMBRES QUE LES SIENS PROPRES , SOIT DE FRAPPER LES PRODUITS DE CES ETATS D ' IMPOSITIONS INTERIEURES DE NATURE A " PROTEGER " INDIRECTEMENT SES PRODUCTIONS NATIONALES ;
QU ' IL RESULTE DONC DE LA NETTETE , DE LA FERMETE ET DE L ' ETENDUE SANS RESERVE DES ARTICLES 9 ET 12 , DE LA LOGIQUE DE LEURS DISPOSITIONS ET DE L ' ENSEMBLE DU TRAITE , QUE L ' INTERDICTION DES DROITS DE DOUANE NOUVEAUX , LIEE AUX PRINCIPES DE LA LIBRE CIRCULATION DES PRODUITS , CONSTITUE UNE REGLE ESSENTIELLE ET QU ' EN CONSEQUENCE TOUTE EVENTUELLE EXCEPTION , D ' AILLEURS D ' INTERPRETATION STRICTE , DOIT ETRE CLAIREMENT PREVUE ;
ATTENDU QUE LA NOTION DE " TAXE D ' EFFET EQUIVALENT " A UN DROIT DE DOUANE , LOIN D ' APPARAITRE COMME UNE EXCEPTION A LA REGLE GENERALE D ' INTERDICTION DES DROITS DE DOUANE , SE PRESENTE , AU CONTRAIRE , COMME SON COMPLEMENT NECESSAIRE , PERMETTANT DE RENDRE EFFICACE CETTE INTERDICTION ;
QUE CETTE EXPRESSION SANS CESSE ACCOLEE A CELLE DE " DROITS DE DOUANE " MARQUE LE DESSEIN DE PROHIBER , NON SEULEMENT LES MESURES OSTENSIBLEMENT REVETUES DE LA FORME DOUANIERE CLASSIQUE , MAIS ENCORE TOUTES CELLES QUI , PRESENTEES SOUS D ' AUTRES APPELLATIONS , OU INTRODUITES PAR LE BIAIS D ' AUTRES PROCEDES , ABOUTIRAIENT AUX MEMES RESULTATS DISCRIMINATOIRES OU PROTECTEURS QUE LES DROITS DE DOUANE ;
ATTENDU QUE , POUR RECONNAITRE A UNE TAXE UN EFFET EQUIVALENT A CELUI D ' UN DROIT DE DOUANE , IL IMPORTE DE CONSIDERER CET EFFET AU REGARD DES OBJECTIFS QUE SE PROPOSE LE TRAITE , NOTAMMENT DANS LES PARTIE , TITRE ET CHAPITRE OU SONT INSERES LES ARTICLES 9 ET 12 , C ' EST-A-DIRE PAR RAPPORT A LA LIBRE CIRCULATION DES MARCHANDISES ET , PLUS GENERALEMENT ENCORE , DES OBJECTIFS DE L ' ARTICLE 3 TENDANT A EVITER QUE SOIT FAUSSEE LA CONCURRENCE ;
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QU ' IL IMPORTE DONC PEU DE SAVOIR SI TOUS LES EFFETS DES DROITS DE DOUANE SONT REUNIS , OU L ' UN SEULEMENT D ' ENTRE EUX , OU ENCORE SI , PARALLELEMENT A CES EFFETS , D ' AUTRES BUTS PRINCIPAUX OU ACCESSOIRES ONT ETE RECHERCHES , DES LORS QUE LA TAXE PORTE ATTEINTE AUX OBJECTIFS SUSVISES DU TRAITE ET RESULTE NON D ' UNE PROCEDURE COMMUNAUTAIRE MAIS D ' UNE DECISION UNILATERALE ;
ATTENDU QU ' IL RESULTE DE L ' ENSEMBLE DE CES ELEMENTS QU ' AU SENS DES ARTICLES 9 ET 12 , LA TAXE D ' EFFET EQUIVALENT PEUT ETRE CONSIDEREE , QUELLES QUE SOIENT SON APPELLATION ET SA TECHNIQUE , COMME UN DROIT UNILATERALEMENT IMPOSE , SOIT AU MOMENT DE L ' IMPORTATION , SOIT ULTERIEUREMENT , ET QUI , FRAPPANT SPECIFIQUEMENT UN PRODUIT IMPORTE D ' UN PAYS MEMBRE A L ' EXCLUSION DU PRODUIT NATIONAL SIMILAIRE , A POUR RESULTAT , EN ALTERANT SON PRIX , D ' AVOIR AINSI SUR LA LIBRE CIRCULATION DES PRODUITS , LA MEME INCIDENCE QU ' UN DROIT DE DOUANE .
2 . APPLICATION AU CAS D ' ESPECE
ATTENDU QUE LE DROIT SUR LE PAIN D ' EPICE , INTRODUIT EN BELGIQUE PAR ARRETE ROYAL DU 16 AOUT 1957 ET AU LUXEMBOURG PAR ARRETE GRAND-DUCAL DU 20 AOUT 1957 , SE PRESENTE COMME UN " DROIT SPECIAL A L ' IMPORTATION " , " PERCU A L ' OCCASION DE LA DELIVRANCE DES LICENCES D ' IMPORTATION " ;
QUE LA LEGALITE DE CE DROIT , INSTITUE APRES LA SIGNATURE DU TRAITE , MAIS AVANT SON ENTREE EN VIGUEUR , NE PEUT ETRE MISE EN CAUSE ;
QUE PEUVENT L ' ETRE , PAR CONTRE , LES AUGMENTATIONS DE CE DROIT POSTERIEURES AU 1ER JANVIER 1958 , DE MEME QUE L ' EXTENSION DUDIT DROIT AUX PRODUITS SIMILAIRES AU PAIN D ' EPICE DE LA POSITION NO 19.08 DU TARIF DOUANIER COMMUN , PAR ARRETES RESPECTIFS DES 24 ET 27 FEVRIER 1960 POUR LES DEUX PAYS ;
ATTENDU QUE , DECIDEES UNILATERALEMENT APRES L ' ENTREE EN VIGUEUR DU TRAITE , CES AGGRAVATIONS D ' UN " DROIT SPECIAL " PERCU LORS ET A L ' OCCASION DE L ' IMPORTATION DES PRODUITS EN CAUSE ET FRAPPANT UNIQUEMENT CES PRODUITS EN RAISON DE LEUR IMPORTATION , FONT PRESUMER L ' EXISTENCE D ' UNE DISCRIMINATION ET D ' UNE PROTECTION , CONTRAIRES AU PRINCIPE FONDAMENTAL DE LIBRE CIRCULATION DES PRODUITS QUE LA GENERALISATION DE TELLES PRATIQUES REDUIRAIT A NEANT ;
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ATTENDU QUE LES DEFENDEURS COMBATTENT CES INDICES , AU MOTIF QUE L ' ARTICLE 95 , PARAGRAPHE 1 , DU TRAITE PERMETTRAIT L ' INSTITUTION D ' UN TEL DROIT , S ' IL CONSTITUE LA CONTREPARTIE DE CHARGES INTERIEURES PESANT SUR LA PRODUCTION NATIONALE POUR LES BESOINS D ' UNE POLITIQUE SOUVERAINE DE MARCHE ;
QU ' ILS CONSIDERENT LE DROIT LITIGIEUX COMME LE COROLLAIRE DU PRIX DE SOUTIEN INSTITUE AU PROFIT DES PRODUCTEURS DE SEIGLE NATIONAUX EN VERTU DES DEROGATIONS PREVUES PAR LES DISPOSITIONS AGRICOLES DU TRAITE ;
ATTENDU CEPENDANT QUE L ' APPLICATION DE L ' ARTICLE 95 , QUI OUVRE LE CHAPITRE II DE LA TROISIEME PARTIE DU TRAITE , CONSACRE AUX " DISPOSITIONS FISCALES " , NE SAURAIT ETRE ETENDUE A TOUTES SORTES DE CHARGES QUELCONQUES ;
QU ' EN L ' ESPECE LE DROIT LITIGIEUX N ' APPARAIT , NI PAR SA FORME , NI PAR SON BUT ECONOMIQUE CLAIREMENT PROCLAME , COMME UNE DISPOSITION FISCALE SUSCEPTIBLE DE RELEVER DE L ' ARTICLE 95 ;
QU ' AU SURPLUS LE CHAMP D ' APPLICATION DE CET ARTICLE NE SAURAIT ETRE ETENDU AU POINT DE PERMETTRE UNE COMPENSATION QUELCONQUE ENTRE UNE CHARGE FISCALE CREEE POUR FRAPPER UN PRODUIT IMPORTE ET UNE CHARGE DE NATURE DIFFERENTE , ECONOMIQUE PAR EXEMPLE , PESANT SUR LE PRODUIT INTERIEUR SIMILAIRE ;
QUE SI UNE TELLE COMPENSATION ETAIT PERMISE , TOUT ETAT POURRAIT , EN VERTU DE SA SOUVERAINETE INTERNE , COMPENSER DE LA SORTE LES CHARGES LES PLUS DIVERSES FRAPPANT N ' IMPORTE QUEL PRODUIT ET CETTE PRATIQUE OUVRIRAIT UNE BRECHE IRREMEDIABLE DANS LES PRINCIPES DU TRAITE ;
QUE SI L ' ARTICLE 95 , PARAGRAPHE 1 , TOLERE IMPLICITEMENT DES " IMPOSITIONS " SUR UN PRODUIT IMPORTE , C ' EST DANS LA SEULE ET RESTRICTIVE MESURE OU LES MEMES IMPOSITIONS FRAPPENT PAREILLEMENT LES PRODUITS NATIONAUX SIMILAIRES ;
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ATTENDU , AU SURPLUS , QU ' IL CONVIENT DE REMARQUER QU ' EN L ' ESPECE LE DROIT LITIGIEUX A POUR BUT , NON PAS D ' EGALISER ENTRE ELLES DES CHARGES QUI GREVERAIENT INEGALEMENT PRODUITS INTERIEURS ET PRODUITS IMPORTES , MAIS LES PRIX MEMES DE CES PRODUITS ;
QUE LES DEFENDEURS ONT , EN EFFET , AFFIRME QUE LA TAXE LITIGIEUSE TENDAIT A " RENDRE EQUIVALENT LE PRIX DU PRODUIT ETRANGER ET LE PRIX DU PRODUIT BELGE " ( MEMOIRE EN DEFENSE , P . 19 ) ;
QU ' ILS ONT MEME MIS EN DOUTE QU ' IL SOIT " COMPATIBLE AVEC L ' ECONOMIE DU TRAITE QU ' AU SEIN DU MARCHE COMMUN LES PRODUCTEURS D ' UN PAYS ( PUISSENT ) ACQUERIR LA MATIERE PREMIERE MEILLEUR MARCHE QUE LES PRODUCTEURS D ' UN AUTRE ETAT MEMBRE " ( DUPLIQUE , P . 29 ) ;
QUE CETTE ARGUMENTATION MECONNAIT LE PRINCIPE SELON LEQUEL L ' ACTION DE LA COMMUNAUTE COMPORTE L ' ETABLISSEMENT D ' UN REGIME GARANTISSANT QUE LA CONCURRENCE N ' EST PAS FAUSSEE DANS LE MARCHE COMMUN ( ARTICLE 3 , F ) ;
QU ' ADMETTRE LA THESE DES DEFENDEURS CONDUIRAIT DONC A UNE SITUATION ABSURDE PUISQUE EXACTEMENT OPPOSEE A CELLE VOULUE PAR LE TRAITE ;
ATTENDU QU ' IL DECOULE DU PARAGRAPHE 2 DE L ' ARTICLE 38 QUE LES DEROGATIONS , ADMISES EN MATIERE AGRICOLE , AUX REGLES PREVUES POUR L ' ETABLISSEMENT DU MARCHE COMMUN , CONSTITUENT DES MESURES D ' EXCEPTION D ' INTERPRETATION RESTRICTIVE ;
QU ' ELLES NE PEUVENT DONC ETRE ETENDUES A PEINE DE VOIR L ' EXCEPTION DEVENIR LA REGLE ET UNE GRANDE PARTIE DES PRODUITS TRANSFORMES ECHAPPER A L ' APPLICATION DU TRAITE ;
QUE LA LISTE CONSTITUTIVE DE L ' ANNEXE II DOIT , PAR CONSEQUENT , ETRE CONSIDEREE COMME LIMITATIVE , AINSI QUE LE CONFIRME LA SECONDE PHRASE DU TROISIEME PARAGRAPHE DE L ' ARTICLE 38 ;
ATTENDU QUE LE PAIN D ' EPICE NE FIGURE PAS DANS LES PRODUITS ENUMERES A L ' ANNEXE II ET N ' A PAS ETE AJOUTE A CETTE LISTE SELON LA PROCEDURE COMMUNAUTAIRE PREVUE A L ' ARTICLE 38 , PARAGRAPHE 3 ;
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QUE , POUR RESOUDRE LES DIFFICULTES POUVANT SURVENIR DANS UN SECTEUR ECONOMIQUE DETERMINE , LES ETATS MEMBRES ONT VOULU INSTITUER DES PROCEDURES COMMUNAUTAIRES POUR EVITER L ' INTERVENTION UNILATERALE DES ADMINISTRATIONS NATIONALES ;
QU ' EN L ' ESPECE CEPENDANT LES MAJORATIONS ET EXTENSION DU DROIT LITIGIEUX ONT ETE DECIDEES UNILATERALEMENT ;
ATTENDU QU ' IL RESULTE DE L ' ENSEMBLE DE CES ELEMENTS QUE LA PRESOMPTION DE DISCRIMINATION ET DE PROTECTION RELEVEE CONTRE LES DEFENDEURS N ' A PAS ETE DETRUITE ;
ATTENDU QU ' ILS N ' ONT D ' AILLEURS PAS CONTESTE , JUSQU ' A LEUR REQUETE EN REOUVERTURE DES DEBATS DU 8 NOVEMBRE 1962 , QUE , DE LEUR POLITIQUE DE MARCHE " RESULTE INDIRECTEMENT UNE PROTECTION " ( PLAIDOIRIE BELGE , P . 21 ) , CELLE-CI ETANT SEULEMENT , D ' APRES EUX , UN EFFET ACCESSOIRE ET NON L ' EFFET CARACTERISTIQUE DU DROIT LITIGIEUX ;
QUE LADITE REQUETE DU 8 NOVEMBRE 1962 , CONTREDISANT CES AFFIRMATIONS , RECONNAIT CEPENDANT QUE LES DROITS SPECIAUX LITIGIEUX " CONSTITUENT ASSUREMENT DES ENTRAVES A LA LIBRE CIRCULATION DES MARCHANDISES " ;
QU ' ENFIN , DANS SA LETTRE DU 27 NOVEMBRE 1961 , LE GOUVERNEMENT BELGE QUI , DANS SA DUPLIQUE ( P . 13 ) , FAIT GRIEF A LA COMMISSION D ' ETRE " LA CAUSE DU MAINTIEN DE L ' ETAT D ' INFRACTION AUQUEL LA PARTIE DEFENDERESSE AVAIT MONTRE VOULOIR METTRE FIN " , N ' A PAS NIE " LE CARACTERE CRITIQUABLE D ' UNE MESURE UNILATERALE " ;
ATTENDU QUE , DE L ' ENSEMBLE DE CES CONSIDERATIONS , RESULTE LA REUNION , DANS LE " DROIT SPECIAL A L ' IMPORTATION " DU PAIN D ' EPICE AUGMENTE ET ETENDU EN BELGIQUE ET AU LUXEMBOURG APRES L ' ENTREE EN VIGUEUR DU TRAITE , DE TOUS LES ELEMENTS D ' UNE TAXE D ' EFFET EQUIVALENT A UN DROIT DE DOUANE , PREVUE PAR LES ARTICLES 9 ET 12 ;
QU ' IL CONVIENT DONC DE DIRE ET JUGER QUE LES DECISIONS D ' AUGMENTATION OU D ' EXTENSION DE CE DROIT , INTERVENUES APRES LE 1ER JANVIER 1958 , ONT ETE PRISES EN INFRACTION AVEC LE TRAITE .
SUR LES DEPENS
ATTENDU QUE LES DEFENDEURS , AYANT SUCCOMBE EN TOUS LEURS MOYENS , DOIVENT , EN VERTU DE L ' ARTICLE 69 , PARAGRAPHE 2 , DU REGLEMENT DE PROCEDURE , ETRE CONDAMNES A SUPPORTER LES DEPENS ;
LA COUR
REJETANT TOUTES AUTRES CONCLUSIONS PLUS AMPLES OU CONTRAIRES , DECLARE ET ARRETE :
1 ) LES RECOURS 2 ET 3-62 DE LA COMMISSION DE LA COMMUNAUTE ECONOMIQUE EUROPEENNE , DIRIGES CONTRE LE GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG ET LE ROYAUME DE BELGIQUE , SONT RECEVABLES ET FONDES ;
2 ) LES AUGMENTATIONS DU DROIT SPECIAL , DECIDEES PAR LE LUXEMBOURG ET LA BELGIQUE , A L ' OCCASION DE LA DELIVRANCE DE LICENCES D ' IMPORTATION POUR LE PAIN D ' EPICE , ET L ' EXTENSION DE CE DROIT AUX PRODUITS SIMILAIRES AU PAIN D ' EPICE DE LA POSITION NO 19.08 DU TARIF DOUANIER COMMUN , INTERVENUES APRES LE 1ER JANVIER 1958 , SONT CONTRAIRES AU TRAITE ;
3 ) LES DEPENS SONT A LA CHARGE DES DEFENDEURS .