COMMISSION EUROPÉENNE
Bruxelles, le 25.4.2025
COM(2025) 166 final
RAPPORT DE LA COMMISSION AU CONSEIL ET AU PARLEMENT EUROPÉEN
Rapport annuel sur le règlement (UE) 2022/1925 du Parlement européen et du Conseil relatif aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique et modifiant les directives (UE) 2019/1937 et (UE) 2020/1828 (règlement sur les marchés numériques)
I.INTRODUCTION
(1)Le présent rapport est destiné au Parlement européen et au Conseil de l’Union européenne. Il rend compte des activités entreprises par la Commission européenne (ci-après la «Commission») en lien avec le règlement (UE) 2022/1925 (ci-après le «règlement sur les marchés numériques») en 2024, conformément à l’article 35 de ce même règlement.
(2)Le premier rapport annuel sur les activités de la Commission dans le cadre du règlement sur les marchés numériques a été adopté le 6 mars 2024. Dans son premier rapport annuel, la Commission a principalement rendu compte des décisions désignant Alphabet, Amazon, Apple, ByteDance, Meta et Microsoft en tant que contrôleurs d’accès en septembre 2023.
(3)En 2024, la Commission a désigné Booking en ce qui concerne son service d’intermédiation en ligne Booking.com, en mai, et a complété la désignation d’Apple par un autre service de plateforme essentiel, à savoir son système d’exploitation iPadOS, en avril.
(4)La Commission a également clôturé quatre enquêtes de marché qu’elle avait, pour certaines, ouvertes en 2023. Les enquêtes ouvertes en 2023 portent sur les réfutations présentées, parallèlement à leur notification, par les entreprises, ces dernières faisant valoir que, bien qu’elles atteignent les seuils aux fins de leur désignation, elles ne remplissent pas les conditions requises pour être désignées comme contrôleurs d’accès. Ces enquêtes, ainsi que la désignation qualitative de l’iPadOS, impliquaient de solliciter l’avis d’experts du comité consultatif en matière de marchés numériques.
(5)En 2024, le règlement sur les marchés numériques est entré dans sa phase de mise en œuvre et d’exécution, la date butoir de mise en conformité étant le 7 mars 2024 pour les entreprises désignées au 5 septembre 2023. La Commission a engagé un dialogue réglementaire avec tous les contrôleurs d’accès désignés et a ouvert six enquêtes de non-conformité concernant trois contrôleurs d’accès: Alphabet, Apple et Meta. Dans deux de ces procédures, la Commission a formulé des constatations préliminaires. Elle a en outre annoncé des mesures d’enquête préliminaires concernant Amazon.
(6)La Commission a également engagé deux procédures pour préciser les obligations d’Apple en matière d’interopérabilité au titre du règlement sur les marchés numériques et a formulé des constatations préliminaires, demandant aux tiers un retour d’information sur les mesures qu’Apple devrait prendre pour garantir une interopérabilité effective.
(7)Parallèlement à ses activités de suivi et de contrôle de l’application du règlement, la Commission a organisé de nombreuses réunions avec des contrôleurs d’accès et un large éventail de tiers intéressés, y compris les entreprises utilisatrices, les développeurs, les entreprises faisant concurrence aux contrôleurs d’accès, les associations professionnelles, les organisations de la société civile et les représentants de clients. La Commission a également organisé plusieurs ateliers sur la conformité, donnant ainsi aux parties prenantes l’occasion de s’informer sur les solutions adoptées par les contrôleurs d’accès en matière de conformité. Par ailleurs, le groupe de haut niveau pour le règlement sur les marchés numériques (GHN) a décidé de créer trois sous-groupes thématiques – sur les données, sur l’interopérabilité et sur l’intelligence artificielle – et a organisé plusieurs réunions au cours de l’année 2024. Ces réunions ont facilité la coopération et favorisé un dialogue collaboratif avec la communauté des régulateurs européens.
(8)Les sections suivantes fournissent une vue d’ensemble complète de la mise en œuvre du règlement sur les marchés numériques par la Commission et des progrès accomplis dans la réalisation de ses objectifs en 2024. La section II rend compte des désignations et des autres activités non liées au suivi. La section III présente le contrôle du respect des obligations par les contrôleurs d’accès. La section IV traite des obligations de déclaration faites aux contrôleurs d’accès en ce qui concerne les pratiques de profilage des consommateurs. La section V détaille la coopération et la coordination entre la Commission et les autorités nationales. Enfin, la section VI décrit les travaux effectués par le GHN.
II.DÉSIGNATIONS ET AUTRES ACTIVITÉS NON LIÉES AU CONTRÔLE
1.Notifications, désignations et enquêtes de marché
(9)En vertu de l’article 3, paragraphe 3, du règlement sur les marchés numériques, lorsque les services de plateforme essentiels qu’elles fournissent atteignent les seuils mentionnés à l’article 3, paragraphe 2, de ce même règlement, les entreprises doivent en informer la Commission. Toutefois, en vertu de l’article 3, paragraphe 5, les entreprises qui atteignent ces seuils peuvent présenter des arguments suffisamment étayés expliquant pourquoi elles ne devraient pas être désignées comme contrôleur d’accès.
(10)En 2024, la Commission a reçu de Booking, ByteDance et X des notifications au titre de l’article 3, paragraphe 3, du règlement sur les marchés numériques.
(11)Le 1er mars 2024, Booking a informé la Commission qu’elle atteignait les seuils fixés à l’article 3, paragraphe 2, du règlement sur les marchés numériques en ce qui concerne son service d’intermédiation en ligne, Booking.com. En conséquence, le 13 mai 2024, la Commission a désigné Booking comme contrôleur d’accès en ce qui concerne son service de plateforme essentiel. À ce titre, Booking est tenue de se conformer au règlement sur les marchés numériques, obligation qui a commencé à courir le 14 novembre 2024, six mois après sa désignation.
(12)Le 1er mars 2024, ByteDance a informé la Commission qu’elle atteignait les seuils fixés à l’article 3, paragraphe 2, du règlement sur les marchés numériques en ce qui concerne son service de publicité en ligne, TikTok Ads. ByteDance a également présenté une demande de réfutation, conformément à l’article 3, paragraphe 5, du règlement sur les marchés numériques, arguant que TikTok Ads ne constituait pas un point d’accès majeur permettant aux entreprises utilisatrices d’atteindre les utilisateurs finaux. Le 13 mai 2024, la Commission a accepté les arguments de réfutation avancés par TikTok concernant son service de publicité en ligne, TikTok Ads. L’entreprise ayant démontré que son service ne satisfaisait pas aux exigences de l’article 3, paragraphe 1, du règlement sur les marchés numériques, ces arguments ont été acceptés directement dans un délai de 45 jours ouvrables.
(13)Le 1er mars 2024, X a présenté une notification concernant son service de réseau social en ligne, X, et une notification concernant son service de publicité en ligne, X Ads, l’une comme l’autre accompagnées de réfutations faisant valoir que, même si les seuils pertinents étaient atteints, X ne pouvait pas être considéré comme un point d’accès majeur permettant aux entreprises utilisatrices d’atteindre les utilisateurs finaux. Le 13 mai 2024, la Commission a adopté une décision acceptant directement la réfutation concernant X Ads et, dans une décision distincte, a ouvert une enquête de marché au titre de l’article 17, paragraphe 3, du règlement sur les marchés numériques afin de déterminer s’il y avait lieu de désigner le service de réseau social en ligne X. À l’issue d’une enquête approfondie sur le marché, la Commission a conclu, le 16 octobre 2024, que le service de réseau social en ligne X n’était pas un point d’accès majeur permettant aux entreprises utilisatrices d’atteindre les utilisateurs finaux. Par conséquent, elle a décidé d’accepter les arguments de réfutation et de ne pas désigner X. Cette décision a été adoptée à la suite d’une réunion du comité consultatif en matière de marchés numériques, celui-ci ayant rendu un avis favorable le 4 octobre 2024.
(14)En 2024, la Commission a également achevé les enquêtes de marché qu’elle avait ouvertes le 5 septembre 2023 en réponse aux demandes de réfutation qui lui avaient été présentées, afin de déterminer s’il y avait lieu de désigner comme contrôleurs d’accès Apple concernant iMessage et Microsoft concernant Bing, Edge et Microsoft Advertising. Après avoir mené des enquêtes approfondies sur le marché, la Commission a décidé de ne pas désigner Apple et Microsoft comme contrôleurs d’accès pour ces services. Ces décisions ont été adoptées à la suite d’une réunion du comité consultatif en matière de marchés numériques, celui-ci ayant rendu un avis favorable sur les décisions le 1er février 2024.
(15)En outre, à la lumière d’une enquête approfondie sur le marché ouverte en septembre 2023, la Commission a désigné Apple comme contrôleur d’accès en ce qui concerne son service de plateforme essentiel iPadOS le 29 avril 2024. Cette décision a été adoptée à la suite d’une réunion du comité consultatif en matière de marchés numériques, celui-ci ayant rendu un avis favorable sur la décision le 20 mars 2024. À ce titre, Apple est tenue de se conformer au règlement sur les marchés numériques, obligation qui a commencé à courir six mois après sa désignation, soit le 4 novembre 2024.
(16)Avec la désignation comme contrôleurs d’accès de Booking en ce qui concerne son service d’intermédiation en ligne (Booking.com) et d’Apple en ce qui concerne son système d’exploitation (iPadOS), le nombre total de contrôleurs d’accès désignés est passé, en 2024, de six à sept, tandis que le nombre de services de plateforme essentiels désignés a atteint 24, contre 22 précédemment.
(17)En 2024, la Commission a été partie à trois recours en annulation, toujours en cours, introduits par ByteDance, Meta et Apple en novembre 2023 contre les décisions de désignation qui leur étaient respectivement destinées. En ce qui concerne le recours introduit par ByteDance, le président du Tribunal a rejeté, en février 2024, la demande en référé de ByteDance et, en juillet 2024, le Tribunal a confirmé la décision de la Commission de désigner ByteDance selon une procédure accélérée. En septembre 2024, ByteDance a fait appel de la décision du Tribunal de confirmer sa désignation.
(18)En outre, la Commission est partie défenderesse dans deux autres procédures judiciaires en cours: i) un recours introduit par les conseils juridiques de ByteDance en leur nom propre en août 2024, contestant la décision de la Commission de rejeter la demande d’accès aux documents relatifs à la désignation de ByteDance et ii) un recours introduit devant le Tribunal en juillet 2024 par Opera contre la non-désignation de Microsoft comme contrôleur d’accès en ce qui concerne son navigateur internet, Edge.
2.Autres activités non liées au suivi
(19)La Commission s’est particulièrement attachée à améliorer ses outils d’enquête au titre du règlement sur les marchés numériques depuis l’adoption de celui-ci. Le 30 avril 2024, elle a lancé un outil de lancement d’alertes propre au règlement sur les marchés numériques, qui est semblable à celui mis à disposition pour l’application des règles en matière d’ententes et d’abus de position dominante et pour le règlement (UE) 2022/2065 (règlement sur les services numériques). Cet outil permet à des personnes physiques de fournir, à titre privé et confidentiel, des informations relatives à tout manquement éventuel du fait des contrôleurs d’accès aux obligations qui leur incombent en vertu du règlement sur les marchés numériques. En 2024, la Commission a reçu 20 contributions par l’intermédiaire de cet outil.
(20)En ce qui concerne la participation du public, la Commission tient à jour et actualise régulièrement le site internet consacré au règlement sur les marchés numériques. Ce site internet fournit des informations générales sur le règlement, propose une fonction de recherche pour les actes officiels de la Commission qui s’y rapportent, comprend une foire aux questions (FAQ) fréquemment mise à jour et publie tous les communiqués de presse pertinents. La Commission communique également sur les évolutions qui présentent un intérêt pour le règlement sur les marchés numériques grâce à ses comptes de médias sociaux.
(21)En 2024, la Commission a commandé neuf études en lien avec le règlement sur les marchés numériques et a signé des contrats pour la prestation de services de conseil d’experts ou la réalisation de projets pilotes.
III.CONTRÔLE DU RESPECT DES OBLIGATIONS PAR LES CONTRÔLEURS D’ACCÈS
1.Activité de suivi
(22)Les contrôleurs d’accès doivent se conformer aux obligations énoncées aux articles 5, 6, 7, 14 et 15 du règlement sur les marchés numériques. L’exigence de conformité s’applique immédiatement après la désignation quant à l’obligation d’informer la Commission de toute concentration (article 14 du règlement sur les marchés numériques), et au plus tard six mois après la désignation quant aux obligations et interdictions prévues aux articles 5, 6 et 7 (en application de l’article 3, paragraphe 10, du règlement sur les marchés numériques) et à l’article 15 de ce même règlement. Pour les entreprises désignées le 5 septembre 2023, ce délai de six mois a pris fin le 7 mars 2024. Compte tenu de la désignation ultérieure d’iPadOS, le 29 avril 2024, Apple devait également se conformer au règlement sur les marchés numériques pour ce service de plateforme essentiel au plus tard le 4 novembre 2024, tandis que Booking, désignée le 13 mai 2024, devait se conformer à ce même règlement au plus tard le 14 novembre 2024 pour Booking.com.
(23)Six mois après la désignation, tous les contrôleurs d’accès ont présenté des rapports de conformité, conformément à l’article 11 du règlement sur les marchés numériques, ainsi qu’une description ayant fait l’objet d’un audit indépendant de toutes les techniques de profilage des consommateurs qu’ils appliquent dans le cadre de leurs services de plateforme essentiels, conformément à l’article 15 de ce même règlement. Des liens vers les versions non confidentielles de ces documents ont été publiés sur le site internet de la Commission consacré au règlement sur les marchés numériques. La prochaine version des rapports de conformité des contrôleurs d’accès était attendue le 7 mars 2025 au plus tard. Ces rapports devraient inclure les mises à jour des mesures mises en œuvre par les contrôleurs d’accès pour garantir le respect de leurs obligations.
(24)La Commission a évalué tous les rapports de conformité reçus en 2024 et en a repris le contenu avec les contrôleurs d’accès. En mars 2024, la Commission a organisé six ateliers sur la conformité avec les parties prenantes intéressées, un pour chaque contrôleur d’accès désigné le 5 septembre 2023. Un autre atelier a été organisé en novembre 2024 pour Booking, à la suite de sa désignation en mai 2024. Ces ateliers visaient à offrir aux tiers la possibilité de demander des précisions aux contrôleurs d’accès et de fournir à ces derniers un retour d’information sur les solutions qu’ils adoptent en matière de conformité. La participation à tous les ateliers était ouverte au public, les entreprises utilisatrices, la société civile et les associations professionnelles étant prioritaires pour une participation en présentiel. Il était également possible de prendre part à ces ateliers en ligne. Les enregistrements de tous les ateliers organisés en 2024 sont disponibles sur le site internet de la Commission consacré au règlement sur les marchés numériques.
(25)Outre les ateliers sur la conformité et les travaux sur les rapports de conformité, la Commission a échangé en permanence avec les contrôleurs d’accès et les tiers intéressés via différents canaux afin de contrôler et d’évaluer la conformité. Il s’est notamment agi de réunions bilatérales et d’ateliers techniques réunissant des représentants des contrôleurs d’accès et des tiers intéressés. En outre, la Commission a adressé des demandes de renseignements aux contrôleurs d’accès et aux tiers. Elle a aussi systématiquement encouragé les contrôleurs d’accès à dialoguer directement avec les acteurs du marché en soulignant que ce dialogue était un élément important de la démonstration de leur respect effectif des règles et obligations qui leur incombent.
(26)La Commission a contrôlé la manière dont les contrôleurs d’accès avaient mis en œuvre les exigences de l’article 28 du règlement sur les marchés numériques, à savoir mettre en place une fonction de vérification de la conformité, qui doit être indépendante des fonctions opérationnelles du contrôleur d’accès et faire appel à un ou plusieurs responsables de la conformité disposant d’une autorité, d’une stature et de ressources suffisantes pour être en mesure de contrôler le respect de ce même règlement par le contrôleur d’accès et de le conseiller à ce sujet. Tous les contrôleurs d’accès désignés ont désigné des responsables de la conformité conformément aux principes énoncés à l’article 28 du règlement sur les marchés numériques et en ont communiqué les coordonnées à la Commission. La Commission a eu deux réunions en présentiel avec les responsables de la conformité de chaque contrôleur d’accès en 2024, l’intention étant que ces réunions lui permettent de comprendre de quelle manière la fonction de vérification de la conformité avait été mise en place et comment elle était organisée, et de faire le point sur le dialogue réglementaire en cours. Enfin, en 2024, à l’appui d’éventuelles mesures d’exécution, la Commission a adopté des injonctions de conservation adressées à six contrôleurs d’accès – Alphabet, Amazon, Apple, Meta, Microsoft et Booking – leur demandant de conserver des documents susceptibles d’être utilisés pour déterminer leur respect de certaines obligations spécifiques énoncées dans le règlement sur les marchés numériques.
2.Constatations relatives au respect des articles 5, 6 et 7 du règlement sur les marchés numériques
(27)La présente section rend compte des constatations de la Commission sur les thèmes relevant des articles 5, 6 et 7 du règlement sur les marchés numériques et des mesures qu’elle a prises. Les exemples ci-après ne sont pas exhaustifs, mais décrivent les principaux cas dans lesquels la Commission a pris des mesures en ce qui concerne la conformité avec le règlement sur les marchés numériques.
a)Donner aux utilisateurs le contrôle de leurs données
(28)Le règlement sur les marchés numériques reconnaît l’importance des données sur les marchés numériques, soulignant que l’accumulation de données par le contrôleur d’accès et l’accès restreint de ses concurrents aux données peuvent entraîner une contestabilité moindre, une capacité de choix moindre pour les utilisateurs finaux en ce qui concerne leurs propres données, et moins d’innovation. Pour ce qui est de la contestabilité en particulier, le règlement sur les marchés numériques explique que l’accumulation de données par les contrôleurs d’accès par l’intermédiaire de leurs services de plateforme peut engendrer des barrières à l’entrée sur les marchés où ces contrôleurs d’accès sont présents. Autrement dit, l’accumulation de données peut rendre plus difficile la tâche des nouveaux acteurs qui souhaitent proposer leurs services sur ces marchés.
(29)Dans le même ordre d’idées, la contestabilité peut également être compromise par un contrôleur d’accès qui limite le changement de plateforme ou le multihébergement, par exemple en ne permettant pas aux utilisateurs finaux de transférer leurs données. Ces limites peuvent, par exemple, rendre difficile le passage d’utilisateurs finaux d’un réseau de médias sociaux bien établi à un réseau émergent, de crainte que des contacts ou des contenus propres ne soient perdus en cours de processus. Le règlement sur les marchés numériques vise à résoudre ces problèmes en offrant aux utilisateurs finaux plus de choix quant à la manière dont leurs données sont utilisées et à la manière dont ils souhaitent les utiliser, tout en veillant à ce que les entreprises utilisatrices aient un meilleur accès aux données qu’elles génèrent grâce à leur utilisation de services de plateforme essentiels.
(30)Conformément à l’article 5, paragraphe 2, du règlement sur les marchés numériques, les contrôleurs d’accès doivent mettre en œuvre des mesures qui permettent aux utilisateurs finaux de choisir s’ils consentent ou non à la combinaison et/ou à l’utilisation croisée de leurs données dans l’ensemble des services des contrôleurs d’accès. Le 25 mars 2024, la Commission a décidé d’ouvrir une enquête à l’encontre de Meta pour non-respect de cette obligation. Cette enquête vise à déterminer si le modèle commercial fondé sur la publicité de Meta, à savoir le modèle «payer ou consentir», est conforme à l’obligation de l’entreprise d’obtenir le consentement des utilisateurs chaque fois qu’elle entend combiner ou utiliser de manière croisée les données à caractère personnel des utilisateurs finaux dans l’ensemble de ses différents services. Dans ses constatations préliminaires publiées le 1er juillet 2024, la Commission a fait état de son inquiétude face au choix binaire imposé par le modèle «payer ou consentir» de Meta, en ce qu’il n’offrait pas de véritable alternative aux utilisateurs qui ne souhaitent pas consentir au traitement de leurs données à caractère personnel. En août 2024, le comité européen de la protection des données (ci-après le «CEPD») a adopté un avis au titre de l’article 64, paragraphe 2, du règlement général sur la protection des données (ci-après le «RGPD») traitant des modèles «payer ou consentir» déployés par les grandes plateformes en ligne. Le 13 novembre 2024, Meta a révisé son modèle «payer ou consentir» en proposant ce qu’elle a qualifié d’«autre possibilité moins personnalisée». Outre son enquête sur la conformité de Meta au cours de la période antérieure au 13 novembre 2024, la Commission évalue actuellement également la solution révisée de Meta en matière de conformité. En ce qui concerne la portabilité et l’accès aux données, en 2024, les contrôleurs d’accès ont entrepris d’améliorer leurs solutions de portabilité vers une portabilité des données et un accès aux données en temps réel et en continu, de manière que les utilisateurs finaux puissent transférer facilement leurs données et les entreprises utilisatrices accéder facilement à leurs données. Tous les contrôleurs d’accès désignés ont mis en œuvre des solutions au cours de l’année 2024. Il s’agit notamment de solutions de transfert de données permettant aux utilisateurs finaux, tels que les utilisateurs finaux de Google Search, de Facebook ou de TikTok, de donner à des tiers autorisés accès à leurs données historiques et futures, que ces tiers peuvent utiliser pour offrir des services concurrents ou innovants. Par ailleurs, des solutions de transfert de données déjà mises en œuvre et sensiblement améliorées permettent aux entreprises utilisatrices des différents services désignés (par exemple Amazon Marketplace, Booking.com ou YouTube) d’accéder aux données qu’elles génèrent par l’intermédiaire de ces services.
(31)La Commission a suivi de près le fonctionnement de ces nouveaux outils, en concertation avec les contrôleurs d’accès et un large éventail de tiers intéressés. La Commission a engagé un dialogue approfondi sur les questions réglementaires avec tous les contrôleurs d’accès, afin de les encourager à améliorer, si cela s’avère pertinent, leurs solutions en matière de conformité à la lumière des retours d’information de tiers. Les prochains rapports de conformité des contrôleurs d’accès, attendus en mars 2025, devraient rendre compte de certaines de ces améliorations ainsi que des travaux en cours. La Commission continuera de recueillir les réactions des acteurs du marché pour savoir s’ils estiment que les solutions mises en œuvre sont efficaces pour atteindre les objectifs du règlement sur les marchés numériques.
b)Ouverture des écosystèmes mobiles
(32)Les objectifs de contestabilité et d’équité des écosystèmes des contrôleurs d’accès impliquent le libre choix des consommateurs, à savoir permettre aux utilisateurs finaux d’accéder à des produits et services diversifiés et innovants qui répondent à leurs besoins, tout en leur permettant de passer facilement d’un produit ou service à un autre. Parmi les dispositions du règlement sur les marchés numériques qui jouent un rôle clé dans l’ouverture des écosystèmes mobiles, il convient de noter celles qui traitent de la possibilité pour les développeurs de distribuer des applications par l’intermédiaire d’autres sources et celles qui imposent l’interopérabilité effective, la modification aisée des paramètres par défaut, la désinstallation facile ou l’affichage d’un écran multichoix (en particulier l’article 6, paragraphes 3, 4 et 7, du règlement sur les marchés numériques).
Paramètres par défaut, écrans multichoix et désinstallation
(33)L’une des priorités de la Commission en matière d’application des règles a consisté à empêcher les contrôleurs d’accès d’exploiter les biais comportementaux des consommateurs au moyen de paramètres par défaut et à donner aux utilisateurs finaux les moyens de naviguer facilement entre différentes solutions numériques sur le système d’exploitation ou le navigateur internet des contrôleurs d’accès, comme le prévoit l’article 6, paragraphe 3, du règlement sur les marchés numériques. Limiter la capacité des contrôleurs d’accès à orienter les personnes vers leurs produits ou services donne aux entreprises utilisatrices, telles que les autres fournisseurs de navigateurs internet et de moteurs de recherche, la possibilité d’accroître leur visibilité et d’améliorer les produits et services qu’ils proposent. Cette contestabilité accrue des services des contrôleurs d’accès se traduit par un plus grand éventail d’options pour les utilisateurs finaux.
(34)La Commission a pris des mesures décisives pour s’assurer que les contrôleurs d’accès offrent rapidement un choix plus large aux utilisateurs. Elle a engagé une procédure à l’encontre d’Apple le 25 mars 2024, sur la base d’éléments prouvant que le contrôleur d’accès ne s’acquittait pas réellement des obligations qui lui incombent de permettre aux utilisateurs finaux de facilement modifier les paramètres par défaut sur iOS (y compris au moyen de l’écran de choix du navigateur internet) ou désinstaller les propres applications logicielles d’Apple sur iOS. La Commission s’est également lancée dans des échanges intenses avec Alphabet et Microsoft sur des questions réglementaires, les deux entreprises devant également donner aux utilisateurs finaux la possibilité de modifier les paramètres par défaut et de désinstaller des applications logicielles facilement.
(35)Les efforts déployés par la Commission ont abouti à des résultats clairs et tangibles. Apple a annoncé une série de changements en août 2024, indiquant qu’elle avait éliminé plusieurs points de friction dans le parcours utilisateur pour choisir un navigateur internet sur l’écran multichoix et avait augmenté le nombre d’applications logicielles que les utilisateurs finaux peuvent désinstaller ou dont ils peuvent modifier les paramètres par défaut. Une nouvelle rubrique consacrée aux paramètres par défaut des applications a également été créée pour en faciliter la modification. Ces modifications sont à présent intégrées dans iOS comme dans iPadOS. Apple prévoit d’introduire de nouvelles mises à jour au printemps 2025. La Commission continuera de suivre de près les mesures mises en œuvre par Apple et de vérifier si le contrôleur d’accès respecte réellement le règlement sur les marchés numériques.
(36)Alphabet affiche désormais une version améliorée de l’écran de choix du moteur de recherche et du navigateur internet sur Chrome et sur Pixel, qui est progressivement déployée sur tous les appareils Android. Cet écran amélioré présente aux utilisateurs une liste parfaitement randomisée d’autres services disponibles. La Commission poursuit son dialogue en matière réglementaire avec Alphabet concernant le déploiement d’écrans multichoix et les mesures mises en œuvre pour faciliter la modification des paramètres par défaut et la désinstallation des applications.
(37)Microsoft a fait en sorte qu’il est maintenant possible de désinstaller ses applications de navigateur internet et de moteur de recherche en ligne sur son système d’exploitation Windows. Elle a également supprimé les mentions qui apparaissent dans diverses expériences client Windows recommandant aux utilisateurs situés dans l’Espace économique européen (EEE) de définir Edge comme navigateur internet par défaut. La Commission continue de surveiller le plan de mise en conformité de Microsoft afin de s’assurer que celle-ci respecte réellement tous les aspects de ses obligations.
(38)En conséquence, de manière générale, davantage de débouchés commerciaux sont créés puisque les utilisateurs finaux situés dans l’EEE peuvent découvrir et installer d’autres options de manière plus efficace et les définir comme leurs réglages par défaut s’ils le souhaitent. Par ailleurs, la Commission continue d’évaluer si d’autres améliorations sont nécessaires pour permettre un véritable choix.
Orientation
(39)Le 25 mars 2024, la Commission a ouvert deux enquêtes sur Apple et Alphabet, qui fournissent les principaux canaux de distribution des applications logicielles (applis) sur les appareils mobiles dans l’EEE. Ces enquêtes ont été ouvertes afin de déterminer si les deux contrôleurs d’accès se sont conformés à l’obligation qui leur incombe, au titre de l’article 5, paragraphe 4, du règlement sur les marchés numériques, de permettre aux développeurs d’applications – dont beaucoup sont des petites et moyennes entreprises et des jeunes pousses européennes – d’«orienter» gratuitement les consommateurs vers des offres hors des boutiques d’applications des contrôleurs d’accès.
(40)Le 24 juin 2024, la Commission a informé Apple de son avis préliminaire selon lequel les politiques que celle-ci appliquait à l’App Store enfreignaient le règlement sur les marchés numériques en raison des restrictions imposées aux développeurs d’applications promouvant des offres et des contenus externes auprès des consommateurs, privant ainsi les utilisateurs finaux d’autres possibilités d’achat, qui plus est potentiellement moins coûteuses.
Interopérabilité
(41)Des marchés équitables et contestables reposent également sur l’interopérabilité pour prospérer, de sorte que les contrôleurs d’accès ne puissent pas exploiter leur double rôle, motivés par l’intégration des produits, pour étouffer la concurrence. En facilitant l’accès des autres fournisseurs aux fonctionnalités critiques des contrôleurs d’accès, la Commission cherche à préserver la capacité concurrentielle de ces autres fournisseurs en continuant à innover.
(42)Le 19 septembre 2024, la Commission a engagé deux procédures visant à préciser les mesures à mettre en œuvre par Apple et aider celle-ci à se conformer aux obligations d’interopérabilité qui lui incombent au titre de l’article 6, paragraphe 7, du règlement sur les marchés numériques. La première procédure se concentre sur plusieurs caractéristiques et fonctionnalités de connectivité de l’iOS, principalement utilisées pour et par des appareils connectés (par exemple, des montres intelligentes ou des casques d’écoute). La seconde procédure porte sur le processus mis en place par Apple pour traiter les demandes d’interopérabilité présentées par des développeurs et des tiers pour l’iOS et l’iPadOS. Le 19 décembre 2024, la Commission a envoyé ses constatations préliminaires à Apple dans le cadre de ces deux procédures et a lancé en parallèle deux consultations publiques correspondantes.
(43)Un manque d’interopérabilité permet également aux contrôleurs d’accès qui fournissent des services de messagerie de bénéficier d’effets de réseau importants, lesquels font obstacle au changement de plateforme et limitent le libre choix des consommateurs et la contestabilité. Dans ce contexte, la Commission suit l’avancement des travaux entrepris par Meta pour rendre WhatsApp et Messenger interopérables, conformément à l’obligation qui lui incombe en vertu du règlement sur les marchés numériques. À la suite des retours d’information de la Commission et de tiers, Meta a apporté quelques changements à sa solution. La Commission suit ces évolutions afin de veiller à ce que les tiers intéressés puissent bénéficier d’une interopérabilité effective avec WhatsApp et Messenger.
Autres canaux de distribution
(44)Garantir la contestabilité s’agissant de la distribution d’applications et de boutiques d’applications signifie que les entreprises utilisatrices sont libres de décider quels canaux elles souhaitent utiliser pour distribuer leurs applications et que les utilisateurs finaux sont libres d’accéder à ces applications ou boutiques d’applications en dehors des services de plateforme essentiels d’un contrôleur d’accès. Pour garantir la contestabilité, qui offre à la fois aux entreprises et aux utilisateurs finaux un plus grand choix et encourage l’innovation, les contrôleurs d’accès doivent être empêchés d’imposer des restrictions aux utilisateurs finaux quant aux applications ou aux boutiques d’applications auxquelles ils peuvent accéder.
(45)Dans la pratique, cela signifie qu’Apple doit permettre aux utilisateurs finaux d’appareils iPhone d’installer des applications autrement que par l’intermédiaire de son App Store, par exemple en permettant l’installation et l’utilisation de boutiques d’applications tierces et le téléchargement direct d’applications à partir de l’internet. Les obligations énoncées dans le règlement sur les marchés numériques et applicables à Apple depuis mars 2024 ont conduit au lancement d’un certain nombre de boutiques d’applications tierces dans l’Union européenne, telles que AltStore, Aptoide et Epic.
(46)Bien qu’il s’agisse d’évolutions positives, dans sa recherche d’une contestabilité effective, la Commission a ouvert, le 24 juin 2024, une enquête sur le respect par Apple du règlement sur les marchés numériques en ce qui concerne les conditions contractuelles imposées par Apple aux développeurs souhaitant fournir des boutiques d’applications tierces ou proposer leurs applications par l’intermédiaire de ces boutiques d’applications. En particulier, cette enquête porte sur: la commission proposée par Apple, appelée «Core Technology Fee», au titre de laquelle les développeurs de boutiques d’applications et d’applications tierces doivent lui verser 0,50 EUR par application installée; le parcours utilisateur en plusieurs étapes imposé par Apple pour télécharger et installer d’autres boutiques d’applications ou applications sur iOS; et les conditions d’éligibilité pour que les développeurs puissent proposer d’autres boutiques d’applications ou distribuer directement des applications à partir de l’internet sur iOS.
(47)À l’instar d’Apple, Alphabet doit veiller à ce que d’autres sources de distribution d’applications soient réellement activées sur son système d’exploitation Android. La Commission poursuit ses échanges avec Alphabet et les tiers intéressés afin de répondre aux éventuelles préoccupations concernant la conformité effective des conditions Android d’Alphabet aux dispositions du règlement sur les marchés numériques.
c)Recherche équitable en ligne
(48)La garantie de l’égalité de traitement et la protection contre les pratiques discriminatoires font partie des conditions préalables à la recherche équitable et à la contestabilité des marchés de la recherche en ligne. Dans ce contexte, le règlement sur les marchés numériques vise à protéger les entreprises utilisatrices contre la concurrence déloyale des services des contrôleurs d’accès et à offrir aux autres fournisseurs de moteurs de recherche en ligne davantage d’occasions de développer de nouvelles solutions de recherche.
(49)L’interdiction faite aux contrôleurs d’accès de pratiquer l’autopréférence, énoncée à l’article 6, paragraphe 5, du règlement sur les marchés numériques, est large et concerne toutes les formes d’autopréférence. En ce qui concerne Alphabet, cette interdiction s’applique aux propres services de recherche verticaux de l’entreprise classés ou intégrés dans les résultats de Google Search. Elle s’applique également aux cas où Alphabet traite ses propres services de contenu de manière plus favorable que ceux des autres fournisseurs de contenu également classés sur Google Search. La Commission a ouvert une procédure à l’encontre d’Alphabet le 25 mars 2024, craignant que le contrôleur d’accès préfère ses propres services de recherche verticaux ou services de contenu à ceux de concurrents de profil similaire exerçant leur activité dans des domaines tels que l’hôtellerie, les voyages, le commerce électronique ou la création de contenu, en violation de l’article 6, paragraphe 5, du règlement sur les marchés numériques.
(50)En outre, l’article 6, paragraphe 11, du règlement sur les marchés numériques impose aux moteurs de recherche désignés de partager les données concernant les clics et les requêtes avec d’autres fournisseurs de moteurs de recherche. Cette obligation entend favoriser la contestabilité par des moteurs de recherche tiers.
(51)En mars 2024, Alphabet a proposé une solution d’octroi de licences de données afin de se conformer à l’obligation que lui impose le règlement sur les marchés numériques de partager les données concernant les classements, requêtes, clics et vues. La Commission travaille actuellement sur la question de savoir si cette solution d’octroi de licences respecte l’obligation énoncée à l’article 6, paragraphe 11, du règlement sur les marchés numériques. La Commission a été en contact avec Alphabet et les bénéficiaires potentiels à ce sujet. Elle a également discuté des conditions d’un partage efficace des données au titre de l’article 6, paragraphe 11, du règlement sur les marchés numériques avec les autorités chargées de la protection des données, en particulier dans le cadre du groupe de haut niveau.
d)Places de marché en ligne
(52)La création d’un environnement commercial équitable et contestable pour les places de marché en ligne et l’intermédiation en ligne est un objectif visé par un certain nombre de dispositions du règlement sur les marchés numériques, notamment les dispositions interdisant les clauses de parité, interdisant l’autopréférence en matière de classement, atténuant les avantages indus en matière de données et favorisant l’accès des utilisateurs aux données et la portabilité de celles-ci.
(53)Le règlement sur les marchés numériques interdit toute forme de parité (restreinte ou étendue), couvrant les pratiques commerciales au-delà des questions tarifaires, y compris toute mesure qui aurait le même effet qu’une clause de parité. Il prévoit donc la possibilité pour les entreprises utilisatrices de différencier les conditions commerciales selon divers canaux de distribution. En conséquence, il vise à éliminer les obstacles issus de la parité aux possibilités pour les entreprises utilisatrices d’offrir des biens ou des services par l’intermédiaire d’autres plateformes et canaux de vente directe. Une telle restriction s’applique à toute mesure dont les effets sont équivalents à ceux des clauses de parité, telle que l’augmentation des taux de commission ou le déréférencement des offres des entreprises utilisatrices.
(54)À cet égard, Booking a indiqué que, pour se conformer au règlement sur les marchés numériques, elle avait, d’une part, retiré l’EEE de la liste des territoires soumis à des exigences de parité dans ses conditions générales et, d’autre part, introduit une version actualisée de ces conditions qui ne fait plus référence à la parité. Booking a également indiqué qu’elle avait cessé d’utiliser des prix externes comme données d’entrée pour ses programmes préférentiels.
(55)Amazon a indiqué que, selon sa propre autoévaluation, elle n’utilisait pas de clauses de parité qui seraient incompatibles avec le règlement sur les marchés numériques. D’autres contrôleurs d’accès ont fait état de mécanismes prospectifs de conformité qui devraient empêcher l’introduction d’obligations de parité pour les entreprises utilisatrices à l’avenir. La Commission continuera de contrôler et d’évaluer le respect effectif des obligations pertinentes du règlement sur les marchés numériques ainsi que l’éventualité d’un risque de contournement ou d’un recours par les contrôleurs d’accès à d’autres mesures ayant un effet similaire.
(56)À l’instar de l’interdiction applicable aux recherches en ligne, les services d’intermédiation en ligne sont également soumis à l’interdiction de l’autopréférence contenue dans le règlement sur les marchés numériques. Il s’agit de garantir des places de marché en ligne équitables et contestables pour les milliers d’entreprises utilisatrices qui sont en concurrence directe avec les produits et services des contrôleurs d’accès sur leurs propres plateformes. À terme, cela profite également aux utilisateurs finaux qui peuvent ainsi trouver un choix plus large de produits et de services sur les plateformes des contrôleurs d’accès. Comme annoncé le 25 mars 2024, la Commission a pris des mesures d’enquête préliminaires pour évaluer la conformité d’Amazon avec le règlement sur les marchés numériques concernant d’éventuelles pratiques d’autopréférence.
3. Informations sur les concentrations
(57)Au titre de l’article 14 du règlement sur les marchés numériques, les contrôleurs d’accès sont tenus d’informer la Commission de tout projet de concentration, lorsque les entités qui fusionnent ou la cible de la concentration fournissent des services de plateforme essentiels ou d’autres services dans le secteur numérique, ou permettent la collecte de données.
(58)En 2024, la Commission a reçu des contrôleurs d’accès 15 communications relatives à des projets de concentration. Des synthèses non confidentielles des informations transmises par les contrôleurs d’accès conformément à l’article 14 du règlement sur les marchés numériques ont été publiées sur le site internet de la Commission pour neuf de ces observations, ainsi que la date à laquelle elles ont été transmises et l’identité des entreprises.
(59)En particulier, plusieurs communications reçues conformément à l’article 14 du règlement sur les marchés numériques concernaient des accords visant l’acquisition de compétences, pratique également connue sous le nom d’«acqui-hiring». Ces opérations peuvent prendre différentes formes. Elles impliquent habituellement des contrats d’embauche pour le personnel clé de la société cible, mais n’impliquent pas toujours l’acquisition d’actions ou d’actifs de la société cible. La question de savoir si une opération d’«acqui-hiring» constitue une concentration au sens de l’article 3 du règlement (CE) nº 139/2004 ne se laisse pas toujours clairement trancher et peut nécessiter une analyse approfondie au cas par cas.
(60)L’article 14 du règlement sur les marchés numériques renforce la transparence des opérations d’acquisition par les contrôleurs d’accès et permet à la Commission de dégager les tendances plus générales en matière d’acquisitions dans le secteur numérique. En outre, la Commission partage des informations sur les acquisitions avec les États membres, lesquels peuvent également utiliser ces informations à des fins de contrôle des concentrations à l’échelle nationale. Si les États membres sont compétents au niveau national, il est loisible aux autorités nationales compétentes (ANC) de renvoyer les concentrations à la Commission.
IV.ÉVALUATION DE LA DESCRIPTION AYANT FAIT L’OBJET D’UN AUDIT DES TECHNIQUES DE PROFILAGE DES CONSOMMATEURS
(61)Au titre de l’article 15 du règlement sur les marchés numériques, les contrôleurs d’accès sont tenus de soumettre à la Commission une description ayant fait l’objet d’un audit indépendant de toutes les techniques de profilage des consommateurs qu’ils appliquent dans le cadre de leurs services de plateforme essentiels énumérés dans la décision de désignation conformément à l’article 3, paragraphe 9, de ce même règlement. Ils doivent également publier un aperçu de la description. Le délai pour soumettre les descriptions ayant fait l’objet d’un audit et publier l’aperçu est de six mois à compter de la décision de désignation. Les contrôleurs d’accès sont également tenus de mettre à jour au moins annuellement ces documents.
(62)La Commission était prête à fournir des orientations et des conseils aux contrôleurs d’accès en préparation de leurs obligations de déclaration, dans le cadre des discussions préalables à la mise en conformité.
(63)Les six contrôleurs d’accès désignés le 5 septembre 2023 devaient soumettre à la Commission la description ayant fait l’objet d’un audit de leur rapport et publier l’aperçu correspondant destiné au public au plus tard le 7 mars 2024. À cette date, la Commission avait reçu des descriptions ayant fait l’objet d’un audit de ces rapports de la part d’Alphabet, d’Amazon, d’Apple, de Meta et de Microsoft. La description ayant fait l’objet d’un audit de ByteDance a suivi avec un certain retard, dont la Commission avait été préalablement informée, le 9 avril 2024. Booking Holdings, désignée le 13 mai 2024, a soumis sa description ayant fait l’objet d’un audit et publié l’aperçu correspondant le 13 novembre 2024. Comme l’exige l’article 15, paragraphe 1, du règlement sur les marchés numériques, la Commission a dûment transmis toutes les descriptions ayant fait l’objet d’un audit au comité européen de la protection des données.
(64)La Commission a fourni aux contrôleurs d’accès un retour d’information sur leurs rapports ayant fait l’objet d’un audit et continuera d’analyser tous les documents que lui auront soumis les contrôleurs d’accès, conformément à l’article 15 du règlement sur les marchés numériques. Le cas échéant, la Commission envisagera des mesures de suivi, comme la mise à jour du modèle. Elle continuera également à échanger avec le comité européen de la protection des données et le groupe de haut niveau sur l’article 15 du règlement sur les marchés numériques en tant que domaine d’intérêt potentiel pour, entre autres, les autorités européennes et nationales chargées de la protection des données et de l’application de la législation en matière de protection des consommateurs.
V.COOPÉRATION ENTRE LA COMMISSION ET LES AUTORITÉS NATIONALES
(65)Le règlement sur les marchés numériques établit les principes généraux régissant son interaction avec d’autres instruments juridiques pertinents du droit de l’Union, tels que le droit relatif à la concurrence, à la protection des données et à la protection des consommateurs. Ces principes sont exposés à l’article 1er, paragraphes 5 et 6, du règlement sur les marchés numériques. En outre, l’article 37 du règlement sur les marchés numériques dispose que la Commission et les États membres travaillent en étroite coopération et coordonnent leurs mesures d’exécution afin d’assurer une application cohérente, efficace et complémentaire. L’article 38 du règlement sur les marchés numériques impose à la Commission et aux autorités nationales compétentes chargées de faire appliquer les règles de concurrence de coopérer les unes avec les autres par l’intermédiaire du réseau européen de la concurrence (ci-après le «REC»).
(66)Conformément à l’article 38 du règlement sur les marchés numériques, la Commission a étroitement coopéré et assuré la coordination avec les autorités nationales de la concurrence par l’intermédiaire du REC, poursuivant ainsi une longue histoire de coopération étroite dans ce cadre, qui a débuté il y a plus de 20 ans. En particulier, la Commission et les autorités nationales compétentes se sont tenues systématiquement informées de leurs mesures d’exécution respectives, conformément à l’article 38, paragraphe 1, du règlement sur les marchés numériques. Grâce à cet échange d’informations et au travail du REC, la Commission et les autorités nationales compétentes ont coopéré et se sont coordonnées de manière judicieuse et efficace en 2024.
(67)En 2024, la Commission a reçu de la part d’autorités nationales compétentes une notification, conformément à l’article 38, paragraphe 2, du règlement sur les marchés numériques, de leur intention d’ouvrir une enquête sur un contrôleur d’accès en application de dispositions législatives nationales visées à l’article 1er, paragraphe 6, de ce même règlement, et deux notifications, conformément à l’article 38, paragraphe 3, de ce même règlement, d’une intention d’imposer des obligations à des contrôleurs d’accès en application des mêmes dispositions. Ces notifications ont été transmises en plus des notifications de ces autorités nationales compétentes au titre du règlement (CE) nº 1/2003.
VI.LE GROUPE DE HAUT NIVEAU POUR LE RÈGLEMENT SUR LES MARCHÉS NUMÉRIQUES
(68)Le groupe de haut niveau pour le règlement sur les marchés numériques (GHN) a été créé par la décision de la Commission du 23 mars 2023 sur le fondement de l’article 40 du règlement sur les marchés numériques. Le GHN est composé des organes et réseaux européens énumérés dans le règlement sur les marchés numériques et a été créé en tant que groupe d’experts, conformément à la décision de la Commission établissant des règles horizontales relatives à la création et au fonctionnement des groupes d’experts de la Commission. Le GHN est présidé par la Commission, qui en assure également le secrétariat. Le GHN vise à favoriser une mise en œuvre cohérente et efficace du règlement sur les marchés numériques et d’autres règlements sectoriels applicables aux contrôleurs d’accès.
(69)Le GHN joue également un rôle important dans la détection et l’évaluation des interactions entre le règlement sur les marchés numériques et les différentes règles sectorielles. En outre, la Commission peut tirer parti de l’expertise des organes et réseaux sectoriels concernés lors des enquêtes de marché portant sur de nouveaux services et de nouvelles pratiques.
(70)En 2024, trois sous-groupes thématiques ont été créés, chargés de se pencher plus précisément sur les obligations liées aux données, sur l’article 7 du règlement sur les marchés numériques (interopérabilité) et sur l’intelligence artificielle (IA). Au total, outre la session plénière du mois de mars, les trois sous-groupes ont organisé sept réunions.
(71)En ce qui concerne les travaux de la plénière, les membres du groupe de haut niveau pour le règlement sur les marchés numériques ont entériné leur première déclaration commune, mettant en exergue la position du GHN sur l’intelligence artificielle. Cette déclaration précise que, dans la mesure où les systèmes d’IA sont intégrés dans les services de plateforme essentiels désignés, les obligations du règlement sur les marchés numériques leur seront applicables.
(72)Les évolutions majeures intervenues dans le domaine de l’IA ont été à l’origine de la création du sous-groupe chargé de travailler sur ces questions, qui a tenu sa première réunion en octobre 2024. Cela a permis d’inviter les contrôleurs d’accès à présenter leurs initiatives en matière d’IA et à répondre aux questions des membres du GHN. Cela a également été l’occasion pour le Bureau de l’intelligence artificielle de l’Union (Bureau de l’IA) de présenter la législation sur l’IA et le Comité européen de l’intelligence artificielle (Comité IA), tandis que les membres du GHN ont discuté des travaux en cours sur l’IA au sein de leurs réseaux ou organes.
(73)Le sous-groupe sur les obligations liées aux données a organisé quatre réunions en 2024. Ses travaux se sont concentrés en priorité sur l’obligation d’obtenir le consentement pour la combinaison de données entre services désignés et services distincts, prévue à l’article 5, paragraphe 2, du règlement sur les marchés numériques, notamment sur la mise en œuvre de Meta de cette obligation et l’interaction de cette disposition avec le RGPD. Après que son mandat a été prolongé par les membres du GHN, ce sous-groupe en a élargi le champ d’application depuis sa deuxième réunion. Le mandat s’étend désormais aux travaux de la Commission ayant trait à l’accès aux données et à la portabilité des données, ainsi qu’au partage des données concernant les classements, requêtes, clics et vues par les moteurs de recherche en ligne. Les discussions ont également porté sur les rapports sur le profilage des consommateurs soumis par les contrôleurs d’accès au titre du règlement sur les marchés numériques et sur les orientations conjointes du comité européen de la protection des données et de la Commission sur l’interaction entre le RGPD et le règlement sur les marchés numériques, ces dernières ayant également été présentées au sein du sous-groupe chargé de travailler sur l’article 7.
(74)Par ailleurs, le sous-groupe chargé de travailler sur l’article 7 s’est réuni en avril et en septembre 2024, réunions au cours desquelles les discussions ont porté sur les dernières évolutions concernant la conformité des services de communications interpersonnelles non fondés sur la numérotation désignés, y compris l’offre de référence et les mécanismes efficaces pour la recherche utilisateur.
(75)Une conclusion essentielle soulignée tant en plénière qu’au niveau des sous-groupes est la nécessité de veiller à une coopération sans heurts entre les différents instruments stratégiques et d’empêcher les contrôleurs d’accès d’exploiter une politique pour en contourner une autre. À l’avenir, les formats du groupe de haut niveau faciliteront la coopération et la coordination nécessaires pour garantir la solidité et la prévisibilité de l’application du règlement sur les marchés numériques.