COMMISSION EUROPÉENNE
Bruxelles, le 11.6.2024
COM(2024) 253 final
2024/0143(NLE)
Proposition de
DÉCISION D’EXÉCUTION DU CONSEIL
prorogeant la protection temporaire introduite par la décision d’exécution (UE) 2022/382
COMMISSION EUROPÉENNE
Bruxelles, le 11.6.2024
COM(2024) 253 final
2024/0143(NLE)
Proposition de
DÉCISION D’EXÉCUTION DU CONSEIL
prorogeant la protection temporaire introduite par la décision d’exécution (UE) 2022/382
EXPOSÉ DES MOTIFS
1.CONTEXTE DE LA PROPOSITION
•Justification et objectifs de la proposition
Le 4 mars 2022, le Conseil a adopté la décision d’exécution (UE) 2022/382 1 et activé la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 (ci-après la «directive relative à la protection temporaire») 2 pour certaines catégories 3 de personnes déplacées le 24 février 2022 ou après cette date, à la suite de l’invasion militaire de l’Ukraine lancée à cette même date par les forces armées russes. Conformément à l’article 4, paragraphe 1, de la directive relative à la protection temporaire, la durée initiale de la protection temporaire est d’une année et peut être prorogée automatiquement par périodes de six mois pour une durée maximale d’un an. La protection temporaire a été automatiquement prorogée d’un an, jusqu’au 4 mars 2024.
Conformément à l’article 4, paragraphe 2, de la directive relative à la protection temporaire, s’il subsiste des raisons de maintenir la protection temporaire, le Conseil peut décider de proroger la protection temporaire pour une période maximale d’un an, à la majorité qualifiée et sur proposition de la Commission, qui examine également toute demande d’un État membre visant à ce qu’elle soumette une proposition au Conseil. La protection temporaire a été prorogée pour une nouvelle période d’un an, jusqu’au 4 mars 2025 4 .
L’objectif de la présente proposition est de proroger pour une nouvelle période d’un an la protection temporaire introduite par la décision d’exécution (UE) 2022/382 du Conseil. Cela aura pour effet de maintenir la protection temporaire dont bénéficient les catégories de personnes définies dans la décision d’exécution (UE) 2022/382 du Conseil, durant la période allant du 5 mars 2025 au 4 mars 2026.
Actuellement, plus de 4,19 millions de personnes déplacées en provenance d’Ukraine, dont un tiers sont des enfants, bénéficient de la protection temporaire dans l’UE. Le nombre d’enregistrements actifs, qui indique le nombre de personnes bénéficiant de la protection temporaire dans les États membres de l’UE, s’est maintenu à environ 4 millions, avec une légère augmentation constante (de 4 millions en septembre 2023 à 4,19 millions en mai 2024) 5 . L’Allemagne, la Pologne et la Tchéquie restent les États membres qui accueillent le plus grand nombre de bénéficiaires de la protection temporaire (plus de 1,2 million en Allemagne, près de 1 million en Pologne et près de 400 000 en Tchéquie) 6 . Depuis septembre 2023, le nombre de décisions accordant une protection temporaire est resté stable, avec près de 65 000 décisions par mois, malgré une légère tendance à la baisse.
Depuis l’activation de la directive relative à la protection temporaire, les États membres ont déployé des efforts considérables pour venir en aide aux personnes déplacées en provenance d’Ukraine en facilitant leur inclusion dans la société d’accueil et sur le marché du travail. Ils ont également poursuivi leurs efforts pour accroître la capacité d’accueil et la planification des mesures d’urgence. La réponse de l’Union à l’agression menée par la Russie contre l’Ukraine continue d’être marquée par une forte solidarité, d’une part à l’égard de l’Ukraine et de sa population, comme en témoignent les efforts déployés par les États membres et leurs citoyens pour accueillir des personnes déplacées, et, d’autre part, entre les États membres, comme le démontre leur décision de ne pas appliquer l’article 11 de la directive relative à la protection temporaire.
La plateforme d’enregistrement des bénéficiaires de la protection temporaire est entrée en service le 31 mai 2022 et a pour objectif de permettre aux parties d’échanger des informations afin que les personnes bénéficiant de la protection temporaire ou d’une protection adéquate en vertu du droit national puissent effectivement jouir de leurs droits dans tous les États membres, tout en limitant les éventuels abus. Afin de garantir son bon fonctionnement, il est important d’y charger régulièrement des données et d’assurer rapidement un suivi, si nécessaire, en cas d’enregistrements multiples. La plateforme restera active tant que la protection temporaire sera appliquée. À cet égard, aucune modification de son fonctionnement n’est nécessaire pour la prolongation de la protection temporaire.
En outre, étant donné qu’une personne ne peut bénéficier des droits attachés à la protection temporaire que dans un seul État membre à la fois, les bénéficiaires de la protection temporaire qui se rendent dans un autre État membre pour jouir de cette protection ne devraient pas pouvoir profiter de l’assistance sociale dans deux États membres simultanément.
La nécessité de continuer à assurer une protection, associée à la possibilité qu’ont les bénéficiaires de la protection temporaire de jouir de celle-ci dans l’État membre de leur choix, a eu une incidence sur le système d’accueil de certains États membres, notamment ceux qui accueillent un grand nombre de bénéficiaires de la protection temporaire et qui doivent gérer en même temps un grand nombre de personnes demandant la protection internationale ou des pénuries de logements. Dans ce contexte, il est important de continuer à œuvrer, à l’avenir, en faveur d’un meilleur équilibre entre les efforts consentis par les États membres. La Commission continuera de suivre de près l’incidence des nouveaux arrivants sur la capacité d’accueil des États membres. Elle se tient également prête à faciliter les discussions nécessaires en la matière et à assurer le suivi approprié. Garantir l’autonomie des personnes déplacées et leur transition vers des logements de longue durée reste une priorité.
L’activation de la directive relative à la protection temporaire permet non seulement à ceux qui en bénéficient de jouir d’un ensemble de droits harmonisés, mais permet aussi de continuer à atténuer le risque que les systèmes d’asile ne puissent pas gérer l’afflux sans subir d’effets contraires à leur bon fonctionnement.
Depuis le début de la guerre d’agression menée par la Russie, seules quelque 53 000 demandes de protection internationale 7 ont été introduites par des ressortissants ukrainiens dans les États membres de l’UE, en Norvège et en Suisse, contre 4,19 millions de personnes déplacées fuyant l’Ukraine qui se sont enregistrées en vue d’obtenir une protection temporaire. Si cela reste peu comparé à l’estimation initiale qui situait le nombre de demandeurs potentiels de protection internationale entre 1,2 et 3,2 millions de personnes, une augmentation relative du nombre de demandes d’asile introduites par des ressortissants ukrainiens a été observée jusqu’à présent en 2024 (augmentation de 50 % par rapport à la même période l’année dernière). Toutefois, ces nombres restent globalement limités, ce qui continue de montrer que la protection temporaire a atteint son objectif, notamment en permettant d’éviter que les systèmes d’asile des États membres ne soient submergés.
Selon l’enquête du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) de février 2024 8 , la part de personnes déplacées qui ont l’intention ou l’espoir de retourner en Ukraine à l’avenir a diminué par rapport à l’année précédente (passant de 77 % à 64 %), tandis que la part de celles qui ne savent pas encore si elles vont y retourner a augmenté (de 18 % à 24 %), de même que la part de celles qui déclarent n’avoir aucun espoir d’y retourner (5 % à 11 %). L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a révélé 9 qu’une grande majorité des personnes qu’elle a interrogées (74 %) a l’intention de retourner en Ukraine lorsque le pays sera sûr et uniquement s’il l’est.
De plus, selon une étude conjointe réalisée par l’Agence de l’Union européenne pour l’asile (AUEA) et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) 10 , 53 % des personnes interrogées ont exprimé leur intention de retourner en Ukraine après la guerre, mais une part importante (30 %) hésite encore. Quelque 17 % des personnes interrogées sont sûres qu’elles n’y retourneront pas, les problèmes de sécurité dans le pays étant la principale raison.
Ces enquêtes confirment que les personnes déplacées en provenance d’Ukraine ne peuvent toujours pas retourner dans le pays dans des conditions sûres et durables.
En Ukraine, la Russie poursuit sans relâche sa guerre d’agression. Depuis mars 2024, cela se traduit par des frappes aériennes répétées et intensifiées dans l’ensemble du pays, qui font de nombreuses victimes et des dégâts importants et qui ont des répercussions considérables sur les infrastructures énergétiques du pays, entraînant des coupures de courant à grande échelle et la destruction de centrales électriques.
Les attaques délibérées et indifférenciées menées par la Russie touchent directement la population civile dans tout le pays, avec des attaques aériennes et de drones imprévisibles dépassant les zones de combat établies, qui restent en grande partie inchangées.
Au mois de mars 2024, l’OIM estimait à 3,6 millions le nombre de personnes déplacées à l’intérieur de l’Ukraine 11 . 80 % des ménages déplacés ont déclaré être dans cette situation depuis au moins un an 12 . D’après les informations figurant dans le troisième rapport d’évaluation rapide des dommages et des besoins (RDNA3) 13 , le programme national de soutien aux personnes déplacées à l’intérieur du pays est devenu intenable sur le plan budgétaire. En outre, il a été établi que la pauvreté et l’insécurité alimentaire avaient augmenté en 2023. Les conséquences de la guerre sont inégales et ce sont les femmes, les personnes handicapées, les enfants et les jeunes, les personnes déplacées à l’intérieur du pays et les personnes âgées qui sont le plus durement touchées.
Le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) estimait en décembre 2023 que plus de 14,6 millions de personnes en Ukraine auraient besoin d’une aide humanitaire d’urgence en 2024 14 .
Cette situation instable, conjuguée à la situation humanitaire difficile en Ukraine, risque également de provoquer de nouvelles arrivées à grande échelle dans l’Union, nécessitant qu’une protection soit offerte à un plus grand nombre de personnes déplacées.
L’incertitude et l’instabilité actuelles en Ukraine montrent qu’il n’existe pas de solution claire en vue pour les bénéficiaires de la protection temporaire actuellement présents dans les États membres de l’UE. Ces personnes ont toujours besoin d’être protégées au sein de l’Union. De même, le risque pour le bon fonctionnement des systèmes d’asile nationaux persisterait si la protection temporaire venait à cesser bientôt et si toutes ces personnes se mettaient à demander simultanément une protection internationale.
Compte tenu de ce qui précède, la Commission estime que les raisons pour lesquelles la protection temporaire a été introduite subsistent et qu’il convient donc de la proroger car elle constitue une réponse nécessaire et appropriée à la situation actuelle. La prorogation devrait être adoptée dès que possible et pour une année supplémentaire, c’est-à-dire pour la période allant du 5 mars 2025 au 4 mars 2026, conformément à l’article 4, paragraphe 2, de la directive relative à la protection temporaire. Cela permettra aux personnes déplacées en provenance d’Ukraine et accueillies dans les États membres de l’UE de bénéficier de la plus grande stabilité et des meilleures perspectives possibles dans les circonstances actuelles.
En outre, les États membres devraient avoir la possibilité de prendre les mesures administratives et juridiques nécessaires (telles que le renouvellement des titres de séjour) en temps utile pour se préparer à la prorogation de la protection temporaire.
•Cohérence avec les dispositions existantes dans le domaine d’action
La proposition est pleinement cohérente avec l’acquis de l’UE en matière d’asile, puisque la directive relative à la protection temporaire fait partie intégrante du régime d’asile européen commun et qu’elle est prévue pour faire face à une situation extraordinaire d’afflux massif de personnes déplacées, comme c’est encore le cas actuellement en raison de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie. Elle est également pleinement cohérente avec l’objectif de l’Union européenne visant à mettre en place un espace de liberté, de sécurité et de justice ouvert à ceux qui, poussés par les circonstances, recherchent légitimement une protection dans l’Union européenne.
Les éléments de la proposition sont également conformes aux actes législatifs récemment adoptés qui composent le pacte sur la migration et l’asile. Le Parlement et le Conseil sont convenus de maintenir la directive relative à la protection temporaire dans le cadre de la boîte à outils à laquelle peut faire appel l’UE en cas d’arrivées massives. La directive relative à la protection temporaire s’est révélée être un instrument essentiel pour fournir une protection immédiate dans l’UE. À ce stade, elle reste l’instrument le plus approprié pour faire face aux déplacements causés par la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine.
•Cohérence avec les autres politiques de l’Union
La proposition cadre pleinement avec la nécessité de permettre aux États membres de traiter les éventuelles demandes de protection internationale de manière ordonnée, sans risquer de voir leur régime d’asile submergé, et de continuer à prévoir les mesures nécessaires en cas d’afflux massif de personnes déplacées en provenance d’Ukraine, afin d’éviter que les régimes d’asile des États membres ne soient submergés. Elle est également cohérente avec les actions extérieures de l’Union. Cette proposition s’inscrit également dans la logique des mesures restrictives de l’UE et des autres actions adoptées en réaction à l’agression de la Russie contre l’Ukraine. Elle fait partie d’un ensemble complet de mesures de l’UE destiné à répondre à la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine.
2.BASE JURIDIQUE, SUBSIDIARITÉ ET PROPORTIONNALITÉ
•Base juridique
La base juridique de la proposition est l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l’octroi d’une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées, étant donné que les raisons à l’origine de l’introduction de la protection temporaire subsistent. Cela permet de prendre des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil.
•Subsidiarité (en cas de compétence non exclusive)
Le titre V du TFUE relatif à l’espace de liberté, de sécurité et de justice investit l’Union européenne de certaines compétences dans ces matières. Ces compétences doivent être exercées conformément à l’article 5 du traité sur l’Union européenne, c’est-à-dire si, et dans la mesure où, les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les seuls États membres et peuvent donc l’être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, au niveau de l’Union européenne.
La situation en Ukraine consécutive à la guerre d’agression menée par la Russie continue d’avoir des répercussions sur l’UE dans son ensemble. L’Union européenne y a réagi d’une seule voix et de manière inédite. Cela montre que cette situation requiert toujours des solutions et un soutien de la part de l’UE ainsi qu’une coordination étroite au niveau de l’UE, étant donné qu’il reste nécessaire que tous les États membres y réagissent efficacement et d’une seule voix et qu’ils veillent à ce que les mêmes normes et un ensemble harmonisé de droits soient appliqués dans toute l’Union aux 4,19 millions de personnes qui y sont actuellement accueillies. Outre l’afflux massif qui se poursuit, il n’est pas exclu que de nouvelles arrivées à grande échelle se produisent en raison de l’instabilité persistante de la situation en Ukraine. De toute évidence, des mesures prises isolément par les États membres ne sauraient répondre de manière satisfaisante à la nécessité, pour l’UE, d’adopter une approche commune face à ce qui constitue clairement un défi commun pour toute l’Union.
Cette approche commune ne peut pas être réalisée de manière suffisante par les États membres agissant individuellement et peut, en raison des dimensions et des effets de la présente proposition de décision d’exécution du Conseil, l’être mieux et de manière plus coordonnée au niveau de l’Union, comme l’indiquent également les États membres eux‑mêmes. L’Union doit donc intervenir et peut adopter des mesures conformément au principe de subsidiarité énoncé à l’article 5, paragraphe 3, du traité sur l’Union européenne.
•Proportionnalité
Conformément au principe de proportionnalité énoncé à l’article 5, paragraphe 4, du traité sur l’Union européenne, la proposition de décision d’exécution du Conseil prévoit une prorogation de la protection temporaire pour une durée limitée, à savoir pour un an en faveur du groupe spécifique de personnes auquel elle s’applique déjà.
La mesure proposée se limite à ce qui est nécessaire compte tenu de l’ampleur et de la gravité de la situation en Ukraine, raison pour laquelle quelque 4,19 millions de personnes déplacées actuellement présentes dans les États membres de l’UE ne sont pas en mesure de retourner en Ukraine dans des conditions sûres et durables. En outre, cette prorogation constitue également une réponse proportionnée au vu de la situation actuelle, étant donné que la protection temporaire a permis d’éviter que les systèmes d’asile des États membres ne se retrouvent submergés par un grand nombre de demandes déposées par des personnes arrivant dans les États membres de l’UE.
•Choix de l’instrument
Conformément à l’article 4, paragraphe 2, de la directive relative à la protection temporaire, une décision d’exécution du Conseil est requise pour proroger la protection temporaire pour une période maximale d’un an, s’il subsiste des raisons de la maintenir.
3.RÉSULTATS DES ÉVALUATIONS EX POST, DES CONSULTATIONS DES PARTIES INTÉRESSÉES ET DES ANALYSES D’IMPACT
•Élaboration des politiques sur la base d’éléments concrets
Le réseau de préparation et de gestion de crise en matière de migration de l’UE, axé sur l’Ukraine, et la plateforme de solidarité avec l’Ukraine 15 continuent d’agir de manière à fournir, respectivement, une connaissance commune des conséquences migratoires de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie et de l’état de préparation de l’UE et des États membres, et une réaction coordonnée à la crise grâce à des échanges réguliers. Dans ce contexte, le renforcement de l’état de préparation général au niveau de l’UE, y compris la planification des mesures d’urgence, a été examiné dans les deux enceintes. Des informations et des données sur l’état de la situation et sur les mouvements de personnes sont recueillies en permanence. Les discussions se poursuivent sur une base ad hoc au sein de la plateforme d’enregistrement des bénéficiaires de la protection temporaire, afin de trouver comment assurer un meilleur échange des informations concernant les bénéficiaires de la protection temporaire et d’une protection adéquate offerte par le droit national dans les États membres, et de détecter ainsi les enregistrements multiples au sein d’un même État membre ou dans différents États membres de l’UE.
En outre, la Commission européenne, des organisations telles que la Banque mondiale et les Nations unies, ainsi que le gouvernement ukrainien, évaluent régulièrement la situation en Ukraine. La Banque mondiale publie des rapports sur l’évaluation rapide des dommages et des besoins en Ukraine 16 .
Depuis le début de la guerre, l’OIM s’attache à faire mieux comprendre la situation des personnes déplacées et à suivre les déplacements à l’intérieur de l’Ukraine et les flux de mobilité, en plus de mener des enquêtes sur les intentions des personnes fuyant la guerre et de celles franchissant la frontière pour retourner en Ukraine, ainsi que d’évaluer les conditions de retour. Le HCR publie régulièrement des informations sur les intentions et les perspectives des personnes déplacées en provenance d’Ukraine (ainsi qu’à l’intérieur du pays). Les enquêtes et les articles publiés par les organisations internationales susmentionnées indiquent qu’à l’heure actuelle, la situation demeure instable et incertaine, empêchant dès lors tout retour dans des conditions sûres et durables. Au mois d’avril 2024, le HCR estimait que 6,4 millions de personnes ayant fui l’Ukraine étaient enregistrées dans le monde 17 .
•Consultation des parties intéressées et obtention et utilisation d’expertise
Afin de recueillir des informations reposant sur des éléments concrets, la Commission a régulièrement consulté le réseau de préparation et de gestion de crise en matière de migration et les autorités des États membres participant à la plateforme de solidarité, le Service européen pour l’action extérieure, les agences de l’UE concernées, les autorités ukrainiennes et les organisations internationales, tout en ayant des échanges avec les organisations non gouvernementales et de la société civile.
La Commission, en coopération avec les présidences tournantes du Conseil de l’Union européenne, a mené des consultations auprès des États membres au sujet de l’avenir de la protection temporaire après mars 2025 au niveau ministériel, ainsi qu’au sein du Comité stratégique sur l’immigration, les frontières et l’asile (CSIFA) du Conseil en novembre 2023 et du groupe «Asile» en mars 2024, à l’occasion desquelles les États membres ont souligné la nécessité de prolonger la protection temporaire dès que possible. Des discussions parallèles et complémentaires ont été tenues au sein de la plateforme de solidarité, au cours desquelles les États membres ont déclaré unanimement qu’il était nécessaire de proroger la protection temporaire d’une année supplémentaire afin de maintenir une réaction européenne commune, de clarifier la situation pour les bénéficiaires et de permettre aux États membres de prendre les mesures administratives et juridiques nécessaires au niveau national (telles que le renouvellement des titres de séjour). En parallèle, la Commission a eu des contacts réguliers avec les autorités ukrainiennes afin de recueillir des informations concernant la situation sur le terrain. Dans le même temps, la nécessité de créer des conditions permettant d’assurer une transition sans heurts entre la protection temporaire et d’autres statuts juridiques nationaux continue de faire l’objet de réflexions. En outre, conformément à l’article 3 de la directive relative à la protection temporaire, la Commission a consulté spécialement le HCR, qui évalue la situation et fournit des informations utiles et qui mène des enquêtes sur les intentions des personnes déplacées. En février et en mars 2024, le Conseil européen sur les réfugiés et les exilés (CERE) et 140 autres organisations de la société civile ont publié respectivement un rapport 18 et une déclaration commune 19 sur la situation des personnes déplacées en provenance d’Ukraine, appelant, entre autres, la Commission à envisager de proposer une nouvelle prorogation de la protection temporaire.
•Droits fondamentaux
La présente proposition respecte les droits fondamentaux et observe les principes reconnus, en particulier, par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ainsi que les obligations découlant du droit international, et notamment de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, modifiée par le protocole de New York du 31 janvier 1967.
4.INCIDENCE BUDGÉTAIRE
Depuis le début de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine, les besoins de financement liés à l’application de la directive relative à la protection temporaire ont été couverts par le budget des instruments de financement de l’UE existants pour les périodes 2014-2020 et 2021-2027, en particulier dans le cadre de la politique de cohésion.
Les États membres ont ainsi pu avoir accès aux fonds non dépensés disponibles et les réaffecter rapidement, dans le cadre des programmes pour la période 2014-2020, à des besoins urgents en matière de migration et de gestion des frontières engendrés par l’arrivée dans l’UE d’un grand nombre de personnes fuyant la guerre en Ukraine. En outre, un renforcement ciblé de 152 millions d’EUR a été approuvé par l’autorité budgétaire et utilisé dans le cadre du train de mesures d’aide d’urgence de 400 millions d’EUR destiné à soutenir les États membres les plus touchés qui ont des besoins de premier accueil à la suite de l’afflux massif de personnes déplacées en provenance d’Ukraine. Les programmes relevant des Fonds «Affaires intérieures» pour la période 2021-2027 (FAMI, IGFV et FSI) contribuent également à répondre aux besoins de financement des États membres liés à l’application de la directive relative à la protection temporaire. Au total, 9,4 milliards d’EUR ont été initialement alloués aux programmes nationaux, et une enveloppe supplémentaire de 1,9 milliard d’EUR sera accordée en 2025 après l’examen à mi-parcours des programmes. Enfin, dans le cadre de la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel (CFP), une augmentation de 2 milliards d’EUR des ressources de la rubrique 4 a été accordée en février 2024 pour la période 2025‑2027. Ces ressources supplémentaires aideront les États membres à gérer les défis et les besoins urgents liés à la migration et à la gestion des frontières dans les États membres situés en première ligne et dans ceux touchés par la guerre en Ukraine et au Moyen-Orient, ainsi qu’à mettre en œuvre le pacte sur la migration et l’asile, et notamment les nouvelles procédures aux frontières.
5.AUTRES ÉLÉMENTS
•Explication détaillée de certaines dispositions de la proposition
L’article 1er proroge d’un an (du 5 mars 2025 au 4 mars 2026) la protection temporaire accordée aux personnes déplacées visées à l’article 2 de la décision d’exécution (UE) 2022/382 du Conseil.
L’article 2 fixe la date d’entrée en vigueur de la décision.
2024/0143 (NLE)
Proposition de
DÉCISION D’EXÉCUTION DU CONSEIL
prorogeant la protection temporaire introduite par la décision d’exécution (UE) 2022/382
LE CONSEIL DE L’UNION EUROPÉENNE,
vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,
vu la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l’octroi d’une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil 20 , et notamment son article 4, paragraphe 2,
vu la proposition de la Commission européenne,
considérant ce qui suit:
(1)Le 4 mars 2022, le Conseil a adopté la décision d’exécution (UE) 2022/382 constatant l’existence d’un afflux massif de personnes déplacées en provenance d’Ukraine, au sens de l’article 5 de la directive 2001/55/CE, et ayant pour effet d’introduire une protection temporaire 21 .
(2)Conformément à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2001/55/CE, la protection temporaire a d’abord été appliquée pour une durée initiale d’un an, jusqu’au 4 mars 2023, puis a été automatiquement prorogée d’une année supplémentaire, jusqu’au 4 mars 2024.
(3)Le 19 octobre 2023, le Conseil a adopté la décision d’exécution (UE) 2023/2409 prorogeant la protection temporaire introduite par la décision d’exécution (UE) 2022/382 22 jusqu’au 4 mars 2025, conformément à l’article 4, paragraphe 2, de la directive.
(4)Dans le contexte de l’activation de la directive 2001/55/CE, les États membres sont convenus à l’unanimité, dans une déclaration 23 , de ne pas appliquer l’article 11 de la directive aux personnes qui bénéficient de la protection temporaire dans un État membre donné conformément à la décision d’exécution (UE) 2022/382 du Conseil, et qui se rendent dans un autre État membre sans autorisation, sauf autre convention des États membres conclue sur une base bilatérale.
(5)Étant donné qu’une personne ne peut bénéficier des droits attachés à la protection temporaire que dans un seul État membre à la fois, les bénéficiaires de la protection temporaire qui se rendent dans un autre État membre pour jouir de cette protection ne devraient pas pouvoir profiter de l’assistance sociale dans deux États membres simultanément.
(6)Environ 4,19 millions de personnes déplacées en provenance d’Ukraine bénéficient actuellement de la protection temporaire dans l’Union. Le nombre total d’enregistrements de personnes bénéficiant de la protection temporaire s’est maintenu à environ 4,19 millions, avec une légère augmentation constante et peu de personnes déclarant retourner en Ukraine à titre permanent. La situation en Ukraine ne permet pas aux personnes déplacées de retourner dans ce pays dans des conditions sûres et durables. L’Organisation internationale pour les migrations estimait, au mois de mars 2024, qu’il y avait 3,6 millions de personnes déplacées à l’intérieur de l’Ukraine. 80 % de ces personnes ont déclaré être déplacées depuis un an ou plus. Le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires a estimé à plus de 14,6 millions le nombre de personnes en Ukraine qui ont besoin d’une aide humanitaire d’urgence en 2024.
(7)En outre, il n’est pas exclu que de nouvelles arrivées à grande échelle se produisent en raison des conditions humanitaires difficiles et de la situation instable et incertaine qui règne de manière générale en Ukraine du fait des actions hostiles de la Russie, et notamment des frappes aériennes répétées et intensifiées qu’elle mène dans l’ensemble du pays contre des civils. Le risque d’escalade persiste. En même temps, le risque pour le bon fonctionnement des systèmes d’asile nationaux persisterait si la protection temporaire venait à cesser bientôt et si tous les bénéficiaires de cette protection se mettaient à demander simultanément une protection internationale.
(8)Étant donné que le nombre élevé de personnes déplacées présentes dans l’Union et bénéficiant de la protection temporaire n’est pas susceptible de diminuer tant que la guerre contre l’Ukraine se poursuivra, il est nécessaire de proroger la protection temporaire pour prendre en charge les personnes qui en bénéficient actuellement dans l’Union ou qui en auront besoin à partir du 5 mars 2025, puisqu’elle assure une protection immédiate et l’octroi d’un ensemble harmonisé de droits, tout en réduisant les formalités au minimum en cas d’afflux massif dans l’Union. La prorogation de la protection temporaire permettra également d’éviter que les systèmes d’asile des États membres soient submergés par une augmentation sensible des demandes de protection internationale qui pourraient être introduites par les personnes bénéficiant de la protection temporaire jusqu’au 4 mars 2025, si cette protection devait cesser à cette date, ou par des personnes fuyant la guerre en Ukraine et arrivant dans l’Union après cette date et avant le 4 mars 2026.
(9)Par conséquent, étant donné que les raisons de maintenir la protection temporaire subsistent, la protection en faveur des catégories de personnes déplacées visées dans la décision d’exécution (UE) 2022/382 devrait être prorogée jusqu’au 4 mars 2026.
(10)La présente décision respecte les droits fondamentaux et observe les principes reconnus par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
(11)L’Irlande est liée par la directive 2001/55/CE et participe donc à l’adoption et à l’application de la présente décision d’exécution.
(12)Conformément aux articles 1er et 2 du protocole nº 22 sur la position du Danemark annexé au traité sur l’Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le Danemark ne participe pas à l’adoption de la présente décision d’exécution et n’est pas lié par celle-ci ni soumis à son application,
A ADOPTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:
Article premier
La protection temporaire accordée aux personnes déplacées en provenance d’Ukraine visées à l’article 2 de la décision d’exécution (UE) 2022/382, et prorogée par la décision d’exécution (UE) 2023/2409, est prorogée pour une nouvelle période d’un an jusqu’au 4 mars 2026.
Article 2
La présente décision entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.
Fait à Bruxelles, le
Par le Conseil
Le président/La présidente