Bruxelles, le 31.5.2024

COM(2024) 366 final

RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL

sur la suspension de l’exemption de l’obligation de visa à l’égard des ressortissants du Vanuatu


1.Introduction

Les programmes de citoyenneté par investissement (communément appelés «passeports dorés») mis en place par certains pays tiers bénéficiant d’un accès sans visa à l’Union présentent un certain nombre de risques pour la sécurité de l’Union et de ses États membres. En particulier, ces programmes peuvent être utilisés pour éviter la procédure de demande de visa de court séjour de l’Union et l’évaluation approfondie des risques individuels en matière de migration et de sécurité qu’elle comporte, ce qui suppose un risque de contournement des mesures visant à prévenir le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme 1 . Cette situation est d’autant plus problématique que les passeports délivrés aux bénéficiaires de ces programmes ne peuvent être différenciés des autres passeports ordinaires.  

La Commission a noué un dialogue avec tous les pays exemptés de l’obligation de visa qui mettent en œuvre des programmes de citoyenneté par investissement afin de prévenir et d’atténuer les risques éventuels pour la sécurité de l’Union 2 . Le Vanuatu a été le premier et, à ce jour, le seul pays pour lequel le mécanisme de suspension de l’exemption de visa a été activé, sur la base du motif de suspension lié à l’ordre public et à la sécurité prévu par le règlement (UE) 2018/1806 (ci-après le «règlement sur les visas») 3 .

Le Vanuatu est inscrit sur la liste figurant à l’annexe II du règlement (UE) 2018/1806 parmi les pays tiers dont les ressortissants sont exemptés de l’obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres pour des séjours dont la durée n’excède pas 90 jours sur toute période de 180 jours. L’exemption de l’obligation de visa à l’égard des ressortissants du Vanuatu est applicable depuis le 28 mai 2015, date à laquelle l’accord entre l’Union européenne et la République du Vanuatu relatif à l’exemption de visa de court séjour (ci-après dénommé l’«accord») 4 a été signé et a commencé à s’appliquer.

Depuis le 25 mai 2015, le Vanuatu applique des programmes de citoyenneté par investissement permettant à des ressortissants de pays tiers soumis à l’obligation de visa d’obtenir facilement la citoyenneté et le passeport du Vanuatu, ce qui leur permet d’accéder à l’Union sans visa, contournant ainsi la procédure de visa Schengen. La Commission a commencé à enquêter sur les programmes de citoyenneté du Vanuatu en 2017, car ceux-ci suscitaient de graves préoccupations, notamment en raison de failles au niveau de l’enquête de sécurité relative aux demandes.

Sur la base de l’évaluation des données et informations pertinentes recueillies, la Commission a conclu que les programmes de citoyenneté par investissement du Vanuatu présentaient de graves lacunes et failles en matière de sécurité susceptibles de créer un risque pour la sécurité intérieure de l’Union et de ses États membres, et a activé le mécanisme de suspension prévu à l’article 8 du règlement sur les visas.

La suspension s’est articulée en trois phases détaillées ci-dessous. Le présent rapport au Parlement européen et au Conseil décrit en détail les différentes phases du mécanisme de suspension et le dialogue que la Commission a mené avec le Vanuatu. Le rapport est soumis conformément à l’article 8, paragraphe 7, du règlement sur les visas.

2.Phase 1 – activation du mécanisme de suspension [article 8, paragraphe 6, point a), du règlement sur les visas]

Entre 2017 et 2021, la Commission a eu un certain nombre de réunions et d’échanges écrits avec les autorités du Vanuatu afin de recueillir des informations sur les programmes de citoyenneté par investissement du Vanuatu 5 . Dans ce contexte, la Commission a exprimé de graves préoccupations et a averti le gouvernement du Vanuatu de la possibilité de réintroduire l’obligation de visa. Ces préoccupations étaient liées en particulier:

·au nombre élevé de passeports délivrés à des ressortissants qui, autrement, devraient demander un visa pour se rendre dans l’Union (plus de 10 000 entre 2015 et 2021), avec un taux de refus très faible;

·à l’absence de toute obligation pour les demandeurs d’avoir précédemment résidé ou même visité le Vanuatu, étant donné que la procédure de demande est gérée par des agences spécialisées situées en dehors du Vanuatu (par exemple, à Dubaï, en Thaïlande, en Malaisie, etc.), le demandeur n’ayant pas besoin d’avoir de contact direct avec les autorités du Vanuatu;

·à l’absence d’obligation de se soumettre à un entretien sur place, ce qui réduit les possibilités pour les autorités du Vanuatu d’évaluer correctement le demandeur ou de corroborer les informations fournies dans la demande, y compris leur véracité et leur crédibilité;

·au fait que ces programmes étaient généralement présentés comme un moyen de contourner la procédure de visa Schengen et de pouvoir accéder facilement à l’Union sans visa;

·au fait que les demandes étaient traitées dans des délais très courts, ce qui ne permettait pas une enquête de sécurité et un échange d’informations appropriés avec le pays d’origine ou de résidence principale des demandeurs avant l’octroi de la citoyenneté. De ce fait, le Vanuatu avait accordé la citoyenneté à des personnes faisant l’objet d’une enquête pénale, y compris à des personnes figurant dans les bases de données d’Interpol 6 ;

·à une législation laxiste en ce qui concerne les changements de nom, étant donné que les personnes ayant obtenu la citoyenneté dans le cadre des programmes de citoyenneté par investissement peuvent également demander un changement d’identité.

En outre, le Vanuatu est également considéré par l’OCDE comme un pays susceptible de présenter un risque élevé pour l’intégrité de la norme commune de déclaration, ce qui laisse suspecter des pratiques possibles d’évasion fiscale et de blanchiment de capitaux 7

Étant donné que les explications fournies par le Vanuatu dans les échanges susmentionnés n’étaient pas suffisantes pour atténuer ces préoccupations, la Commission a décidé que l’accroissement des risques pour l’ordre public et la sécurité intérieure lié au fait que des ressortissants du Vanuatu ont obtenu la citoyenneté dans le cadre des programmes de citoyenneté par investissement ne pouvait être atténué qu’au moyen d’une suspension de l’exemption de l’obligation de visa.

À cette fin, la Commission a adopté le 12 janvier 2022 une proposition de décision du Conseil 8 visant à suspendre partiellement l’accord relatif à l’exemption de visa avec le Vanuatu. Le Conseil a adopté cette décision 9 le 3 mars 2022.

Parallèlement, le 27 avril 2022, la Commission a adopté un règlement d’exécution 10 ayant pour effet d’activer le mécanisme de suspension prévu à l’article 8 du règlement sur les visas, pour une première période de neuf mois (du 4 mai 2022 au 3 février 2023).

À la suite de l’activation de la suspension, et conformément à l’article 8, paragraphe 6, dernier alinéa, du règlement sur les visas, la Commission a engagé un dialogue renforcé avec le Vanuatu, en vue de trouver des solutions appropriées susceptibles de remédier aux circonstances ayant conduit à la suspension temporaire de l’exemption de visa.

Lors de la réunion de lancement organisée dans le cadre du dialogue renforcé, le 12 mai 2022, la Commission a exprimé sa volonté de trouver une solution et a proposé, à cette fin, d’organiser des réunions techniques mensuelles. Les parties sont convenues que les autorités du Vanuatu désigneraient un point de contact et en informeraient la Commission aux fins des réunions techniques ultérieures. Le Vanuatu a informé la Commission de la décision du gouvernement du Vanuatu de créer un groupe de travail chargé de réexaminer les programmes de citoyenneté par investissement. Il a été convenu que les autorités du Vanuatu transmettraient à la Commission un rapport sur l’état d’avancement préparé par le groupe de travail.

Toutefois, le Vanuatu n’a apporté aucune contribution significative par la suite. Les programmes de citoyenneté par investissement sont restés en vigueur et la Commission n’a reçu aucune information des autorités du Vanuatu concernant d’éventuelles mesures législatives et non législatives visant à remédier aux circonstances ayant conduit à la suspension temporaire.

3.Phase 2 – prorogation de la suspension [article 8, paragraphe 6, point b), du règlement sur les visas]

Les circonstances qui ont conduit à la suspension ayant persisté, la Commission a adopté un règlement délégué prorogeant la suspension pour une période de 18 mois, jusqu’au 3 août 2024 11 . Dans le même temps, le Conseil a adopté une décision relative à la suspension totale 12 de l’accord.

Au cours de cette deuxième phase de suspension, la Commission a poursuivi le dialogue avec le Vanuatu, avec quatre réunions tenues entre février 2023 et avril 2024 et de nombreux échanges d’informations par écrit.

La première de ces réunions a eu lieu le 15 février 2023. C’est lors de cette réunion que le point de contact désigné par le Vanuatu pour le dialogue renforcé, le conseiller à la sécurité nationale auprès du cabinet du premier ministre, a informé la Commission des mesures, notamment législatives, mises en place par le Vanuatu pour répondre aux préoccupations de la Commission: de nouvelles normes de procédure pour la gestion des programmes, y compris la nomination d’un nouveau chef du bureau de la citoyenneté; la réduction du nombre d’agents privés qui traitent les demandes de citoyenneté, et une amélioration du contrôle de ces agents, qui, en cas d'irrégularité, entraînerait la résiliation directe de leur licence professionnelle; et un projet de modification de la loi sur la citoyenneté qui introduirait un nouveau processus d’examen rigoureux. À cette occasion, la Commission a demandé des explications détaillées sur ces mesures et sur la manière dont elles répondraient aux circonstances qui ont conduit à la suspension.

Le 4 avril 2023, le Vanuatu a soumis à la Commission la loi modificative sur la citoyenneté, adoptée le 21 mars 2023. La principale nouveauté introduite par cette nouvelle législation concerne le remplacement des institutions et les procédures d’examen et de contrôle préalable des demandes. En particulier, l’ancien comité d’examen interne nommé par le premier ministre a été remplacé par trois institutions: les forces de police du Vanuatu, la cellule de renseignement financier et les services d’immigration du Vanuatu. Ces institutions effectuent les vérifications, y compris dans les bases de données d’Interpol, et font rapport au secrétaire général de la commission de la citoyenneté. Ce nouveau processus comprend l’interdiction automatique des demandeurs dont le nom figure dans la base de données d’Interpol, l’exclusion des demandes présentées par des citoyens provenant de pays inscrits sur la liste des sanctions des Nations unies et l’extension de la procédure de vérification pour une période de 14 à 30 jours au maximum. Toutefois, le Vanuatu n’a présenté aucun document d’accompagnement pour expliquer les modifications législatives et la manière dont elles répondraient aux circonstances qui ont conduit à la suspension.

Le 13 juillet 2023, la deuxième réunion de cette phase a eu lieu, au cours de laquelle la Commission a fait part aux représentants du Vanuatu de la nécessité de recevoir une explication détaillée de la loi modificative susmentionnée sur la citoyenneté. Dans ce contexte, la Commission a exprimé ses préoccupations quant aux modifications législatives, en particulier en ce qui concerne la méthode utilisée pour traiter les demandes, qui ne répondait pas suffisamment aux problèmes considérés comme des risques pour la sécurité intérieure des États membres, tels que le manque d’échange d’informations avec le pays d’origine des demandeurs sur leur casier judiciaire et l’origine des fonds.

La troisième réunion a eu lieu le 5 décembre 2023. Le Vanuatu était représenté par un nouveau point de contact, le secrétaire général de la commission de la citoyenneté du Vanuatu. Dans ce contexte, la Commission a regretté la lenteur avec laquelle les autorités du Vanuatu ont répondu à ses demandes de renseignements, ce qui a ralenti le dialogue, et a rappelé le délai légal proche fixé par la procédure de suspension du 3 août 2024. Le Vanuatu a donc été invité à fournir les informations manquantes et expliquer les modifications stratégiques et législatives dans les semaines qui ont suivi la réunion, afin que la Commission achève son évaluation.

À la suite de la réunion, une liste de questions de suivi a été envoyée au Vanuatu le 15 décembre 2023, avec un délai d’un mois, auquel le Vanuatu n’a répondu que le 22 mars 2024, sans apporter de réponses convaincantes aux préoccupations de la Commission.

La Commission a également informé le Vanuatu de la nouvelle proposition de révision du mécanisme de suspension 13 récemment adoptée, qui introduit le fonctionnement des programmes de citoyenneté par investissement en tant que nouveau motif de suspension autonome, et du processus législatif en cours.

La quatrième et dernière réunion de cette phase a eu lieu le 5 avril 2024 entre la Commission et le secrétaire général de la commission de la citoyenneté du Vanuatu. La Commission a invité le Vanuatu à clarifier et à approfondir les réponses présentées le 22 mars 2024 en ce qui concerne la procédure d’examen et de vérification, l’indépendance des institutions participant aux programmes et l’incidence de la suspension sur les demandes de citoyenneté en 2022 et 2023. Les préoccupations existantes n’ont pas été traitées de manière adéquate et plusieurs incohérences factuelles et statistiques dans les données précédemment fournies à la Commission sont restées sans réponse [voir point ii), de la «Phase 3» ci-dessous]. À ce stade, les représentants du Vanuatu ont informé la Commission que les possibilités d’échanges au niveau technique avaient été épuisées et que le Vanuatu envisagerait de s’adresser à la Commission au niveau politique.

4.Phase 3 – évaluation finale de la Commission et proposition visant à mettre fin à l’exemption de visa (article 8, paragraphe 7, du règlement sur les visas) 

Conformément à l’article 8, paragraphe 7, du règlement sur les visas, avant l’expiration de la durée de validité de l’acte délégué, la Commission doit soumettre un rapport au Parlement européen et au Conseil accompagné de son évaluation finale. Ce rapport peut être accompagné d’une proposition législative visant à modifier le règlement en vue de transférer la mention du pays tiers concerné de la liste des pays exemptés de l’obligation de visa à la liste des pays soumis à l’obligation de visa.

Le présent rapport est présenté conformément à cette exigence, et l’évaluation finale de la Commission est présentée en détail ci-dessous.

I.Dépendance économique à l’égard des programmes

Avant la suspension, l’économie du Vanuatu dépendait fortement des recettes générées par les programmes de citoyenneté par investissement (soit 33 % des recettes totales en 2020 et 2021 14 ou 12,3 % du PIB en 2020 et 10,2 % en 2021). L’introduction de la suspension de l’exemption de visa, en 2022, a entraîné une baisse de 27 % des recettes perçues dans le cadre des programmes 15 , si bien que ces derniers représentent environ la moitié de ce qu’ils représentaient en 2021 en pourcentage du PIB, soit 5,3 % en 2022 et 5,5 % en 2023.

II.Statistiques: demandes reçues, passeports délivrés et taux de refus

Les statistiques montrent un nombre élevé de demandeurs retenus, dont la grande majorité se compose de ressortissants de pays qui, autrement, auraient besoin d’un visa pour entrer dans l’Union. Le tableau 1 ci-dessous présente les statistiques reçues des autorités du Vanuatu concernant la période de 2015 à 2021.

Statistiques 2015-2021

Nombre total de demandes reçues

14 504 entre 2015 et 2021

Nombre total de citoyennetés attribuées

13 489 entre 2015 et 2021

Nombre total de passeports délivrés

10 524 entre 2015 et 2021

Demandes refusées/révocations de citoyenneté

1 015 (taux ~ 9,6 %) entre 2015 et 2021

Demandeurs retenus – principales nationalités

Chine (6 628), Nigeria (430), Libye (292), Iraq (276),

Syrie (276), Russie (247), Liban (222), Iran (154),

République de Corée (88), Yémen (74), Soudan (29)

Tableau 1: statistiques du Vanuatu présentées en janvier 2022 concernant la période 2015-2021

Toutefois, il existe de nombreuses incohérences dans les données transmises par le Vanuatu à la Commission au fil des ans.

Les statistiques sur le nombre de demandes retenues montrent des divergences. Les données reçues du Vanuatu en 2020 indiquaient que le nombre total de demandes retenues pour la période 2015-août 2020 s’élevait à environ 4 000, tandis que les statistiques susmentionnées de 2022 indiquent un total d’environ 13 500 citoyennetés attribuées. De même, le nombre de demandes refusées et de révocations fourni en 2022 (1 015) diffère des statistiques précédentes (présentées en 2020), qui indiquaient une seule demande refusée pour la période 2015-août 2020, tandis que 15 citoyennetés accordées ont été révoquées par la suite.

En ce qui concerne les statistiques relatives aux années 2021 à 2023, le Vanuatu a fourni différentes séries de données à trois occasions distinctes. Le 12 juillet 2023, le Vanuatu a indiqué que le nombre total de demandes reçues en 2022 était de 682 et que le nombre total de demandes reçues au cours des six premiers mois de 2023 était de 676. Le 23 octobre 2023, le Vanuatu a fourni des données qui semblaient montrer que le nombre de demandeurs retenus avait chuté brutalement au cours des trois dernières années par rapport aux années précédentes (144 en 2021, 127 en 2022 et 130 en 2023). Toutefois, le 23 mars 2024, à la suite de la demande renouvelée de la Commission d’obtenir des statistiques claires et cohérentes, le Vanuatu a envoyé une nouvelle série de données, indiquant un total de 1 072 demandes reçues en 2021, 875 en 2022 et 1 113 en 2023, et respectivement 4, 5 et 22 demandes rejetées.

Ces incohérences, qui compliquent l’évaluation et la comparaison des données fournies, témoignent aussi d’un manque général de fiabilité du processus de contrôle interne des programmes par les autorités compétentes du Vanuatu.

III.Modification de la loi sur la citoyenneté

En mars 2023, le Vanuatu a apporté une modification à sa loi sur la citoyenneté 16 , visant à atténuer les risques identifiés par la Commission. Les changements apportés portaient essentiellement sur les points suivants:

-l’examen des demandes et les contrôles préalables sont désormais effectués par trois institutions: i) les forces de police du Vanuatu, ii) la cellule de renseignement financier (CRF) et iii) les services d’immigration qui en réfèrent au secrétaire général et remplacent le comité d’examen interne nommé par le premier ministre 17 ;

-les demandes adressées par des demandeurs figurant dans la base de données d’Interpol sont refusées;

-la durée de la procédure d’examen par les trois institutions ne devrait pas dépasser 14 jours et, en tout état de cause, si un délai supplémentaire est nécessaire, elle ne devrait pas durer plus de 30 jours;

-les demandes présentées par des citoyens provenant de pays figurant sur la liste des «pays soumis à restrictions» ou de pays figurant sur des listes de sanctions (non spécifiées) des Nations unies ne sont pas prises en considération;

-le délai pour statuer sur l’octroi ou non de la citoyenneté par la commission de la citoyenneté est fixé à trois mois.

L’incidence de ces changements en vue de remédier aux circonstances qui ont conduit à la suspension est traitée dans les sections ci-dessous.

IV.Nationalités soumises à restrictions et nationalités visées par des sanctions

Comme le montre le tableau 1, les pays d’origine des demandeurs retenus comprennent principalement des pays dont les ressortissants sont soumis à l’obligation de visa pour franchir les frontières extérieures de l’Union.

En 2023, le Vanuatu a introduit une modification législative visant à limiter la possibilité pour les ressortissants de certains pays de demander sa citoyenneté. En particulier, la loi modifiée sur la citoyenneté dispose que la commission de la citoyenneté ne doit pas accepter une demande si le demandeur est un résident ou un citoyen d’un pays qui a été répertorié par la commission de la citoyenneté comme pays soumis à restrictions ou inscrit sur une liste non spécifiée de pays sanctionnés par les Nations unies (tels que le Yémen, la Syrie, le Soudan, la Corée du Nord et l’Iran) 18 , sauf si les demandeurs démontrent qu’ils n’ont pas résidé dans le pays soumis à restrictions depuis cinq ans et apportent la preuve d’une résidence permanente à l’étranger. Étant donné que la Russie et la Biélorussie ne figurent pas sur ces listes, le Vanuatu a continué d’accepter des demandeurs russes et biélorusses également après l’agression russe contre l’Ukraine.

V.Frais

Selon les dernières informations fournies, il existe actuellement quatre options d’investissement au Vanuatu 19 . Les programmes de citoyenneté par investissement du Vanuatu comptent parmi les moins chers au monde pour les investisseurs individuels et les familles (pour un demandeur isolé, les frais s’élèvent à 130 000 USD). Les frais par personne diminuent fortement en fonction du nombre de demandeurs introduisant la même demande (180 000 USD pour un couple marié avec deux enfants) 20 .

Au cours du dialogue, le Vanuatu n’a pas manifesté l’intention concrète d’augmenter les frais d’investissement comme moyen susceptible de réduire le nombre de citoyennetés accordées.

VI.Conditions de séjour

La résidence ou la présence physique au Vanuatu n’est pas requise avant l’octroi de la citoyenneté, ni même au cours de la procédure de demande. En mars 2024, le Vanuatu a informé la Commission que des discussions interinstitutionnelles étaient en cours pour «traiter» la question des conditions de résidence. Aucune information supplémentaire n’a toutefois été fournie sur le contenu et le calendrier des éventuelles modifications législatives.

VII.Procédure de demande

Le programme est géré par le bureau de la citoyenneté. Celui-ci n’interagit ni avec les demandeurs ni avec le pays d’origine. Les investisseurs intéressés soumettent leurs demandes par l’intermédiaire d’agents désignés, qui sont seuls responsables de toute interaction avec les demandeurs. Les agents doivent être des citoyens du Vanuatu (dont la citoyenneté ne doit pas avoir été acquise dans le cadre des programmes de citoyenneté par investissement) et avoir leur siège social principal à Port Vila, Vanuatu. Ils sont tenus de ne pas vendre à un prix inférieur ou supérieur au prix fixé par la loi et ne sont pas rémunérés pour la commercialisation des programmes. Le Vanuatu a fourni à la Commission une liste de 71 agents désignés. En avril 2024, le site web officiel du bureau de la citoyenneté du Vanuatu comprenait une liste de 60 agents désignés 21 .

Les agents sont également chargés de la commercialisation et de la promotion des programmes. La plupart d’entre eux font valoir, sur leurs sites web, que les programmes du Vanuatu permettent un accès sans visa à l’Union, qu’ils offrent une procédure de demande plus rapide que d’autres programmes, et ils mentionnent explicitement la possibilité de changer de nom après l’acquisition de la citoyenneté. Les agents participent partiellement au traitement des demandes. Ils effectuent la première étape des contrôles préalables des demandes avant de soumettre celles-ci au bureau de la citoyenneté, qui les transmet ensuite aux trois institutions pour autorisation et la suite des contrôles préalables. 

VIII.Procédures d’examen/de vérification

Après avoir reçu les demandes transmises par les agents, le bureau de la citoyenneté vérifie les documents de chaque demandeur à l’aide d’une liste de contrôle avant de les soumettre à l’organe décisionnel (la commission de la citoyenneté).

Comme indiqué ci-dessus, le Vanuatu a adopté un certain nombre de modifications législatives en 2023, mais il n’a pas apporté de preuve satisfaisante que ces modifications sont mises en œuvre et suffisent à atténuer les risques pour la sécurité que posent ses programmes de citoyenneté par investissement. Comme indiqué ci-dessus, les modifications introduisent un nouveau processus d’examen, avec un comité d’examen composé de trois institutions: i) les forces de police du Vanuatu, ii) la cellule de renseignement financier (CRF) et iii) les services d’immigration, qui vérifient notamment les coordonnées des demandeurs dans la base de données d’Interpol et d’autres bases de données internationales. La procédure de vérification est également prolongée pour une période comprise entre 14 et 30 jours maximum.

Si, à première vue, cette nouvelle procédure semble atténuer le risque d’octroi de la citoyenneté à des personnes figurant dans les bases de données d’Interpol, en revanche elle ne comporte pas d’autres éléments nécessaires pour évaluer correctement l’absence de risques que poseraient les demandeurs pour la sécurité. En particulier, les autorités du Vanuatu ne disposent pas de moyens adéquats pour vérifier la véracité des documents délivrés par le pays d’origine ou de résidence du demandeur, y compris les documents d’identité et les casiers judiciaires, étant donné que ces autorités n’échangent pas d’informations avec le pays d’origine ou de résidence du demandeur.

Au cours du dialogue, le Vanuatu s’est contenté d’indiquer les références aux modifications législatives, sans fournir suffisamment d’explications et d’informations sur la fiabilité et la robustesse de ce processus d’examen. La Commission n’est donc pas en mesure d’évaluer si les risques en matière de sécurité signalés au moment de la décision de suspension ont été atténués par ces modifications.

En outre, contrairement à d’autres pays tiers qui mettent en œuvre des programmes de citoyenneté par investissement, le Vanuatu ne semble pas avoir recours à des sociétés internationales chargées de la vérification préalable de l’identité, de la réputation et de la sécurité. Cette situation, conjuguée au fait que les autorités du Vanuatu n’ont pas de contact avec les autorités des pays d’origine des demandeurs, rend très improbable une évaluation approfondie de l’authenticité et de la véracité des documents des demandeurs et des renseignements les concernant.

IX.Changement de nom

Avant 2021, les personnes qui ont acquis la citoyenneté du Vanuatu dans le cadre d’un programme de citoyenneté par investissement pouvaient également demander ultérieurement un changement d’identité au Vanuatu. Au cours du dialogue, le Vanuatu a informé la Commission qu’en 2021, la législation pertinente, à savoir la loi nº 28 sur l’enregistrement des faits d’état civil (Civil Registration Act 28) de 2021, avait été modifiée à la section 24, point 1A, de sorte que les personnes possédant une double nationalité ne pouvaient pas faire enregistrer un changement de nom au Vanuatu. Toutefois, le Vanuatu a également informé la Commission qu’il ne détenait aucun registre des changements de nom enregistrés avant 2019, de sorte qu’il ne pouvait fournir aucune information sur le nombre de personnes qui ont acquis la citoyenneté par investissement et qui ont ensuite changé de nom, ni sur les contrôles de suivi concernant ces personnes.

X.Commission d’enquête – examen des passeports délivrés dans le cadre du processus d’examen précédent

En février 2023, le Vanuatu a mis en place une commission d’enquête chargée d’enquêter sur toute allégation d’acte répréhensible commis pendant la mise en œuvre des programmes depuis leur création. En avril 2024, le Vanuatu a fait savoir que l’enquête de la commission était toujours en cours et qu’il n’était pas en mesure de fournir une date précise pour la remise de ses conclusions.

En outre, le Vanuatu n’a mis en œuvre aucun mécanisme structurel de contrôle a posteriori pour remédier aux lacunes potentielles au niveau de la sécurité liées aux passeports (plus de 10 000) délivrés avant la modification de la législation et la mise en place d’une procédure d’examen présentée comme plus rigoureuse. Bien que le Vanuatu ait informé la Commission que, sur la base de la jurisprudence, il est possible de révoquer la citoyenneté lorsque celle-ci a été obtenue frauduleusement ou illégalement, il n’a pas fourni d’informations sur les cas concrets de révocation de la citoyenneté acquise dans le cadre des programmes de citoyenneté par investissement. Le fait est que le nombre actuel de passeports délivrés depuis 2015 dans le cadre du programme de citoyenneté par investissement, dans les mêmes conditions que celles qui ont permis la délivrance de passeports à des personnes qui n’auraient pas dû bénéficier de la citoyenneté en raison de leur enregistrement dans les bases de données d’Interpol et de demandes falsifiées, continue de constituer un risque potentiel ou une menace pour la sécurité des États membres.

5.Conclusion

À la lumière de l’évaluation actualisée qui précède, la Commission considère que le Vanuatu n’a pas apporté de solutions satisfaisantes aux circonstances qui ont conduit à la suspension de l’exemption de visa. En particulier, la qualité des réponses données aux demandes de la Commission et les nombreuses incohérences dans les données fournies, ainsi que l’absence d’explications suffisantes concernant la nouvelle législation et sa mise en œuvre, ont conduit la Commission à conclure que la mise en œuvre par le Vanuatu des programmes de citoyenneté par investissement continuera de présenter des risques importants pour l’ordre public et la sécurité intérieure des États membres si les titulaires de passeports du Vanuatu peuvent à nouveau bénéficier d’un régime de déplacement sans obligation de visa pour se rendre dans l’Union.

Par conséquent, conformément à l’article 8, paragraphe 7, du règlement sur les visas, la Commission a décidé de proposer une modification dudit règlement, en transférant le Vanuatu de la liste des pays exemptés de l’obligation de visa à la liste des pays soumis à l’obligation de visa 22 . Afin de laisser au Parlement européen et au Conseil le temps nécessaire pour examiner sa proposition, la Commission a également prolongé de six mois la période de suspension de l’exemption de visa 23 , soit jusqu’au 3 février 2025.

(1)

   Rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 23 janvier 2019 intitulé «Programmes de citoyenneté et de résidence par investissement dans l’Union européenne», [COM(2019) 12 final], p. 23.

(2)

   Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil intitulé «Sixième rapport dans le cadre du mécanisme de suspension de l’exemption de visa», COM(2023) 730 final.

(3)

   Règlement (UE) 2018/1806 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l’obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation (JO L 303 du 28.11.2018, p. 39).

(4)

   Accord entre l’Union européenne et la République du Vanuatu relatif à l’exemption de visa de court séjour (JO L 173 du 3.7.2015, p. 48).

(5)

   Comme expliqué en détail dans la proposition de décision du Conseil concernant la suspension partielle de l’application de l’accord entre l’Union européenne et la République du Vanuatu relatif à l’exemption de visa de court séjour, COM(2022) 6 final.

(6)

   En juillet 2019, il a été notamment porté à l’attention de la Commission que des demandeurs avaient obtenu la citoyenneté dans le cadre des programmes de citoyenneté par investissement du Vanuatu alors qu’ils figuraient dans les bases de données d’Interpol et que certains demandeurs avaient présenté des documents falsifiés (notamment des casiers judiciaires vierges falsifiés) que les autorités du Vanuatu n’avaient pas détectés.

   

(7)

    https://www.oecd.org/tax/automatic-exchange/crs-implementation-and-assistance/residence-citizenship-by-investment/  

(8)

   Proposition de décision du Conseil concernant la suspension partielle de l’application de l’accord entre l’Union européenne et la République du Vanuatu relatif à l’exemption de visa de court séjour [COM(2022) 6 final].

(9)

   Décision (UE) 2022/366 du Conseil du 3 mars 2022 concernant la suspension partielle de l’application de l’accord entre l’Union européenne et la République du Vanuatu relatif à l’exemption de visa de court séjour (JO L 69 du 4.3.2022, p. 105).

(10)

   Règlement d’exécution (UE) 2022/693 de la Commission du 27 avril 2022 relatif à la suspension temporaire de l’exemption de l’obligation de visa à l’égard des ressortissants du Vanuatu (JO L 129 du 3.5.2022, p. 18). 

(11)

   Règlement délégué (UE) 2023/222 de la Commission du 1er décembre 2022 relatif à la suspension temporaire de l’exemption de l’obligation de visa à l’égard de tous les ressortissants du Vanuatu (JO L 32 du 3.2.2023, p. 1).

(12)

   Décision (UE) 2022/2198 du Conseil du 8 novembre 2022 concernant la suspension totale de l’application de l’accord entre l’Union européenne et la République du Vanuatu relatif à l’exemption de visa de court séjour (JO L 292 du 11.11.2022, p. 47).

(13)

   Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2018/1806 en ce qui concerne la révision du mécanisme de suspension, COM(2023) 642 final.

(14)

    Vanuatu: 2023 Article IV Consultation-Press Release; Staff Report; and Statement by the Executive Director for Vanuatu (imf.org) , Fonds monétaire international, rapport par pays nº 23/115, mars 2023

(15)

    Ibid.

(16)

   Modification nº 1 de 2023 de la loi sur la citoyenneté (CAP 112), publiée au Journal officiel de la République du Vanuatu le 21 mars 2023.

(17)

   Le comité d’examen interne était composé du secrétaire général agissant en tant que président, du responsable de la conformité du bureau de la citoyenneté; du directeur des services d’immigration, du responsable principal des passeports, d’un juriste du bureau de conseil juridique de l’État désigné par le procureur général et d’un officier de police désigné par le chef de la police nationale.

(18)

   Selon les statistiques fournies par les autorités du Vanuatu pour la période 2016-2021, des ressortissants des cinq pays soumis à restrictions ont demandé et obtenu la citoyenneté du Vanuatu: Syrie (276), Iran (154), République de Corée (88), Yémen (74) et Soudan (29).

(19)

   Programme de soutien au développement (Development Support Program ou DSP), programme de contribution au Vanuatu (Vanuatu Contribution Program ou VCP), plan d’immigration par investissement (Capital Investment Immigration Plan ou CIIP), programme d’options immobilières (Real Estate Option Program ou REO).

(20)

      https://vancitizenship.gov.vu/index.php/citizenship/fees-and-charges  

(21)

    https://vancitizenship.gov.vu/index.php/about-us/designated-agents

(22)

   Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2018/1806 en ce qui concerne le Vanuatu, COM(2024) 365.

(23)

   Règlement délégué (UE).../... de la Commission modifiant le règlement (UE) 2018/1806 en ce qui concerne la prolongation de la suspension temporaire de l’exemption de visa à l’égard des ressortissants du Vanuatu, C(2024) 3650.