29.9.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 349/12


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Suivi des mesures prises en matière d’inflation et d’énergie et résilience énergétique de l’Union européenne dans les secteurs économiques essentiels»

(avis d’initiative)

(2023/C 349/03)

Rapporteur:

Felipe MEDINA MARTÍN

Décision de l’assemblée plénière

25.1.2023

Base juridique

Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section

26.6.2023

Adoption en session plénière

12.7.2023

Session plénière no

580

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

151/1/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le présent avis du Comité économique et social européen (CESE) a pour objectif d’évaluer les répercussions que la crise énergétique, survenue après la pandémie de COVID-19 et la guerre d’agression russe contre l’Ukraine, a entraînées sur les entreprises européennes, leurs travailleurs et l’ensemble des citoyens européens. Le CESE constate que des problèmes de grande ampleur sont apparus dans l’ensemble de l’économie, tels que des hausses disproportionnées des coûts de production, la réorganisation des chaînes d’approvisionnement, des difficultés d’approvisionnement en denrées alimentaires et autres marchandises, le renchérissement des investissements ou encore la perte de pouvoir d’achat des ménages européens.

1.2.

Le CESE se montre préoccupé par les niveaux élevés qu’a atteint l’inflation en Europe en raison des coûts de l’énergie et de ceux des matières premières, suivis des prix des services et des biens industriels. L’inflation en Europe connaît un pic jamais atteint depuis la création de l’euro. Le CESE demande instamment aux institutions européennes de mettre en place des mécanismes de contrôle, à l’instar de ceux figurant dans le document élaboré par le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC). Il conviendrait notamment, par exemple, d’appliquer intégralement les mesures énoncées dans le projet de règlement du Conseil, lequel prévoit une réforme majeure et un ajustement de l’organisation du marché de l’électricité. Le CESE invite les États membres de l’Union à mettre en œuvre les actes qu’elle a déjà adoptés, tels que le train de mesures sur l’énergie propre, qui contribue à accélérer la transition écologique et à approfondir le marché intérieur.

1.3.

Le CESE estime qu’il est urgent de réformer l’encadrement temporaire de crise révisé de l’Union européenne (UE) face aux augmentations vertigineuses des coûts résultant de la guerre en Ukraine et de la crise énergétique. Il recommande en outre d’appliquer l’encadrement temporaire des aides d’État de manière que l’ensemble des secteurs touchés par la crise énergétique, et tout particulièrement les secteurs essentiels, puissent percevoir les aides prévues par le règlement sur une intervention d’urgence pour faire face aux prix élevés de l’énergie et par la facilité pour la reprise et la résilience, afin de ne pas compromettre la capacité de survie de nombreuses entreprises, d’éviter les effets négatifs sur le coût de la vie des consommateurs et de ne pas restreindre leurs possibilités d’accéder aux produits de base au quotidien. De plus, le CESE réclame une nouvelle fois l’introduction d’une «règle d’or» permettant de réaliser les investissements publics nécessaires.

1.4.

Le CESE estime que les ménages et les secteurs essentiels devraient bénéficier des plans visant à atténuer l’incidence des prix élevés de l’énergie. Si certains secteurs ont enregistré des bénéfices très élevés, les déclarations de faillite au sein de l’UE ont connu une augmentation substantielle de 26,8 % en glissement trimestriel, atteignant une valeur sans précédent de 113,1, selon un indice utilisé par Eurostat pour mesurer le niveau des faillites dans l’UE par rapport à une valeur de référence de 100, correspondant à l’année 2015. Le CESE invite la Commission et les États membres à s’efforcer de veiller à ce que les ménages et les secteurs essentiels puissent s’approvisionner en énergie de manière constante lorsque seront mises en œuvre des mesures de réduction de la demande aux heures de pointe. Dans le même temps, certaines entreprises, principalement dans le secteur de l’énergie, ont accru leurs bénéfices dans le contexte de l’inflation existante, comme le fait valoir la Banque centrale européenne (BCE) (1). Il faut s’emparer de la question des bénéfices dans ce secteur, qui ont continué de stimuler l’inflation au sein de l’Union.

1.5.

Les répercussions de la crise énergétique sur l’économie ont pris la forme d’une inflation élevée, d’une croissance économique anémique, d’une forte pression sur les finances publiques et le pouvoir d’achat des ménages et des entreprises, ainsi que d’une baisse de la compétitivité économique extérieure. Le CESE suggère d’instaurer, sur le modèle des recommandations de la BCE, le critère du «triple T écologique» afin que les interventions futures soient adaptées aux besoins, ciblées et à l’épreuve des transitions (tailored, targeted and transition-proof). Dans une perspective à plus long terme, les mesures non ciblées concernant les prix, telles que le plafonnement des prix de certaines denrées alimentaires, ne feraient que prolonger la période d’inflation élevée.

1.6.

La persistance de l’inflation à un niveau élevé, due notamment aux prix de l’énergie, provoque une perte générale de pouvoir d’achat des travailleurs, des consommateurs et des entreprises en Europe, affectant ainsi les conditions de vie de nombreuses familles, la demande intérieure et la croissance. Cette situation, conjuguée à la poursuite de la politique monétaire consistant à relever les taux d’intérêt, a aussi des effets négatifs sur bon nombre d’entreprises. Le CESE est convaincu de l’importance que revêt le dialogue social dans le secteur de l’énergie pour prendre les décisions appropriées au niveau national.

1.7.

Le CESE invite instamment les gouvernements à encourager la mise en place de mesures d’économie et d’efficacité énergétique dans les entreprises et les ménages en vue de réduire durablement la demande d’énergie. Dans cette perspective, il convient de favoriser, en établissant les conditions juridiques et fiscales nécessaires, y compris l’introduction d’une «règle d’or en matière d’investissements», l’essor des énergies renouvelables afin de réduire notre dépendance à l’égard des combustibles fossiles. La situation actuelle doit servir de levier pour accélérer la décarbonation de l’économie de l’Union. Ces mesures doivent s’accompagner de garanties de non-délocalisation couplées à des aides financières. Le moment est venu de réaliser les investissements nécessaires dans la transformation énergétique de l’Europe et de mettre en place les conditions-cadres budgétaires requises à cet effet pour réduire la dépendance à l’égard des combustibles fossiles. Le CESE estime en outre qu’il faut aller de l’avant dans les changements proposés par le plan REPowerEU afin de rationaliser et d’accélérer l’octroi de permis pour l’installation d’infrastructures destinées aux énergies renouvelables. Dans ce contexte, il invite instamment l’Union et les États membres à examiner comment faire en sorte que le prix payé pour l’énergie excédentaire injectée dans le réseau permette d’effectuer des investissements viables afin de maximiser la capacité de production d’énergie renouvelable et de partager cette énergie lorsque son volume dépasse les besoins propres. La Commission européenne devrait inscrire dans son programme à long terme la refonte de l’organisation du marché de l’énergie afin d’éviter à l’avenir des perturbations de l’approvisionnement énergétique et des prix exorbitants.

2.   Observations générales

2.1.

La vague d’inflation qui déferle sur l’Europe est générale et comporte deux phases que l’on peut distinguer clairement. La première trouve son origine dans la période de reprise qui a succédé au confinement de la population dû à la pandémie de COVID-19. Le fait de remettre en route tous les secteurs d’un seul coup a généré des goulets d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement, lesquels ont entraîné une hausse des coûts des matières premières et des frais de transport. Entre janvier 2020 et mars 2022, les prix des matières premières ont augmenté de 101 % (2) et ceux du fret de 545 % (3).

2.2.

La guerre d’agression russe contre l’Ukraine et la guerre qui s’en est suivie à partir de février 2022 ont déclenché une deuxième phase inflationniste, qui a frappé principalement l’énergie et certains produits dont la Russie comme l’Ukraine étaient de grands fournisseurs pour l’Union européenne, à savoir le gaz naturel, le blé, l’huile de tournesol et les engrais. Entre février et avril 2022, les prix de ces marchandises ont connu une hausse respective de 18,6 %, 16,8 %, 38,6 % et 16,7 % (4). Ces coûts ont par la suite été maîtrisés, même si, en mars 2023, l’indice des prix des matières premières du FMI et celui des prix du fret dépassaient encore, respectivement, de 40,9 % et de 3,6 % leurs niveaux de janvier 2020.

2.3.

Les répercussions de ces événements sur l’économie mondiale et européenne ont pris la forme d’une inflation. D’après Eurostat, le taux de variation annuel de l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) (5) au sein de la zone euro a atteint 11,5 % au mois d’octobre — un pourcentage jamais égalé depuis le siècle dernier et qui s’avère très difficile à atténuer, malgré la baisse enregistrée au cours des derniers mois (ce taux est retombé à 8,3 % en mars 2023). La tendance à la hausse que poursuit l’inflation sous-jacente (excluant l’énergie) dans la majeure partie de l’Europe est bien la preuve que le choc des prix n’a rien de passager, comme on le pensait initialement. Cela peut être le signe que la politique monétaire mise en place par la BCE ne produit pas les résultats escomptés.

3.   L’incidence de l’inflation sur l’économie européenne

3.1.

Le CESE constate que les perspectives économiques se sont détériorées à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022. Le scénario économique qui se profile (6) pour les années à venir est celui d’un ralentissement par rapport à 2022, même si ces prévisions tendent à s’améliorer au fil des mois. Si la Commission européenne estimait cet hiver que la croissance du PIB pour l’ensemble de l’Union atteindrait 0,8 % en 2023 et s’élèverait modestement à 1,6 % en 2024, les récentes prévisions de printemps font passer ces pourcentages respectivement à 1,0 % et 1,7 %. En parallèle, l’inflation devrait diminuer progressivement, quoiqu’à un rythme plus lent que prévu initialement, passant ainsi de 9,2 % en 2022 à 6,7 % en 2023 puis 3,1 % en 2024. Le marché du travail sera sous tension en raison de la faible croissance, et l’actuelle hausse de la dette publique, due notamment au relèvement rapide des taux d’intérêt par la BCE, exercera une pression sur le budget de la plupart des États membres.

3.2.

Les 96,5 millions d’européens exposés au risque de pauvreté ou d’exclusion sociale sont ceux qui souffrent le plus de l’inflation élevée. Dans un sondage Eurobaromètre, 41 % des répondants indiquent que l’un des principaux problèmes auxquels leur pays est confronté réside dans les prix, l’inflation et le coût de la vie, devant la santé (32 %) et la situation économique (19 %).

3.3.

L’Union a subi une coupure quasi totale de l’approvisionnement en gaz en provenance de Russie, en conséquence des décisions politiques qui ont été prises, et près de la moitié des États membres ont été touchés, à des degrés divers, par la réduction des livraisons. La hausse de l’inflation et des prix des produits de base, les pénuries de main-d’œuvre et les ruptures dans les chaînes d’approvisionnement mondiales ont des répercussions négatives sur les chaînes d’approvisionnement en Europe, qu’il s’agisse de produits alimentaires ou non alimentaires. Selon les perspectives économiques de l’OCDE, la croissance mondiale devrait brusquement ralentir pour s’établir à environ 2,2 % en 2023.

3.4.

Selon la BCE, l’augmentation des prix de l’énergie est responsable à concurrence des deux tiers de l’écart d’inflation dans la zone euro. D’après la Commission, entre 2019 et 2022, le secteur de l’énergie a enregistré une hausse des marges bénéficiaires de 54 %, tandis que la revalorisation des salaires n’y a été que de 6 %. La perte générale de pouvoir d’achat des travailleurs, des consommateurs et des entreprises en Europe affecte non seulement les conditions de vie de nombreuses familles, mais pourrait également, à défaut de mesures pour y remédier, avoir des répercussions sur la demande intérieure et la croissance et, partant, sur d’autres secteurs d’activité. Dans l’ensemble, cette situation découle aussi de la poursuite de la politique monétaire consistant à relever les taux d’intérêt. Le CESE est convaincu de l’importance que revêt le dialogue social dans le secteur de l’énergie pour prendre les décisions appropriées au niveau national.

3.5.

Alors que les prix à la consommation ont globalement augmenté en Europe, les salaires se sont comportés de manière moins volatile, ce qui a affaibli le pouvoir d’achat des citoyens européens, en particulier les catégories les plus vulnérables, auxquelles il manque des outils pour se prémunir contre l’inflation. De fait, on observe d’ores et déjà des changements de comportement des consommateurs dus à la perte de pouvoir d’achat des ménages, lesquels sont confrontés à une crise majeure du coût de la vie liée à la hausse vertigineuse des factures énergétiques et aux répercussions de l’inflation. Les instruments auxquels ont eu recours les États membres pour protéger les ménages vulnérables sont très divers et peuvent, dans certains cas, présenter une efficacité limitée. La Commission européenne devrait étudier la possibilité d’élaborer des normes minimales que les régulateurs et les décideurs politiques devraient appliquer afin de protéger et de soutenir les ménages vulnérables.

3.6.

L’un des secteurs qui pâtissent le plus de l’effet combiné de la pandémie et de la guerre est celui de la production de denrées alimentaires — qui recouvre l’agriculture, l’élevage et l’industrie alimentaire — et de leur distribution jusqu’au consommateur final. La proximité de la guerre et ses répercussions sur les marchés de l’énergie et des matières premières font naître un écart entre l’Europe et les marchés internationaux pour ce qui est des prix des produits agricoles, dont l’augmentation a été plus forte sur le continent européen. Ainsi, d’après le tableau de bord des prix des matières premières d’avril 2023, les prix de la plupart des produits agricoles européens enregistrent un taux de croissance plus élevé que le taux mondial, en particulier s’agissant des produits à base de viande. Cette évolution produit trois effets importants: premièrement, la population européenne subit plus fortement l’inflation pour l’ensemble des produits de première nécessité; deuxièmement, les produits alimentaires européens deviennent de moins en moins compétitifs à l’échelle internationale; et troisièmement, les prix payés aux agriculteurs ont augmenté en raison de la hausse des coûts de production.

3.7.

La guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine a provoqué des problèmes considérables dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire, qui vont au-delà de la spirale des coûts de l’énergie: des intrants essentiels, tels que les aliments pour animaux et les engrais, ont vu leurs prix augmenter et certains produits de base comme les huiles végétales ou le blé, nécessaires pour maintenir le bon fonctionnement d’une chaîne d’approvisionnement, sont en pénurie. L’effet domino de l’augmentation des coûts pousse les acteurs concernés à réduire la production d’engrais, ce qui favorisera encore davantage la flambée des prix. Les sécheresses qui ont sévi partout en Europe durant l’été 2022 et depuis le début de l’année 2023 exercent quant à elles de nouvelles pressions sur les prix en réduisant l’offre disponible.

3.8.

Certains secteurs essentiels, y compris les entreprises et les travailleurs, qui, quelle que soit la situation, ne peuvent stopper leur activité, doivent par conséquent supporter une double charge: un nombre moindre de consommateurs disposés à payer et des coûts croissants, notamment des factures d’énergie astronomiques. Les entreprises du secteur alimentaire se sont efforcées de circonscrire la hausse des coûts afin de garantir aux consommateurs des prix compétitifs, mais elles craignent à présent une crise de la consommation [Hidalgo, M., 2023 (7); EuroCommerce, 2023]. Récemment, le gouvernement espagnol a publié (8) son premier rapport de l’Observatoire des marges commerciales, dans lequel il indique que les marges dans la chaîne alimentaire ont diminué de 25 % depuis 2021, faisant ainsi ressortir clairement la forte hétérogénéité de l’évolution des marges bénéficiaires.

Dans le même temps, certaines entreprises, principalement dans le secteur de l’énergie, ont accru leurs bénéfices dans le contexte de l’inflation existante, comme le fait valoir la Banque centrale européenne (BCE) (9). Il faut s’emparer de la question des bénéfices dans ce secteur, qui ont continué de stimuler l’inflation au sein de l’Union.

3.9.

La Banque d’Espagne (10) fait état des retombées très positives de ce qu’elle appelle l’«exception ibérique» ou le «mécanisme ibérique» sur le système de tarification du marché de l’électricité. Elle évoque également l’impact positif, bien que plus limité, de la réduction de la TVA sur les prix des denrées alimentaires et des carburants, même si elle ajoute que cette mesure aurait eu un coût moindre si elle avait été concentrée sur les aides destinées aux familles à faibles revenus. La Banque d’Espagne mentionne en outre l’incidence positive des relèvements du salaire interprofessionnel minimal, des pensions et du revenu minimum vital que le gouvernement espagnol a décidés afin d’atténuer les effets de l’inflation sur les ménages à faibles revenus.

4.   L’incidence des hausses du coût de l’énergie sur la rentabilité des entreprises européennes

4.1.

Les prix de gros de l’électricité et du gaz ont été multipliés par 15 depuis le début de l’année 2021, ce qui a eu de graves répercussions sur les consommateurs et les entreprises. Pour y répondre, les gouvernements européens ont commencé à appliquer un ensemble de politiques, dont certaines visent à atténuer l’impact de l’augmentation des coûts sur les consommateurs et les entreprises. Un autre type de mesure a pour but de stabiliser et faire baisser les prix de gros et de garantir la sécurité énergétique. Le CESE invite instamment la Commission européenne et les États membres à entreprendre une vaste réforme de l’organisation du marché de l’électricité et du système de calcul du prix de l’électricité, conformément à ce qu’il avait exposé dans son avis TEN/793 (11).

4.2.

Les prix de l’énergie se répercutent sur les coûts des entreprises de manières très diverses: premièrement, ils se reflètent dans le coût de l’approvisionnement en énergie électrique proprement dit; deuxièmement, ils affectent de manière indirecte le reste de la chaîne d’approvisionnement; et troisièmement, ils entraînent de potentielles conséquences financières. À titre d’exemple, dans une étude ex ante publiée au printemps 2022 (12), la Banque d’Espagne a estimé qu’une augmentation cumulée de 25 % du coût de l’énergie pour les entreprises se traduirait par une réduction de leur valeur ajoutée brute (VAB) de 1,6 % en 2023. Ce chiffre représente toutefois une moyenne. Selon le rapport, certains secteurs souffrent davantage que d’autres; le secteur qui en tire le plus grand profit est celui de l’extraction de pétrole et de gaz naturel, tandis que les branches d’activité qui seraient les plus affectées sont: la pêche et l’aquaculture, le transport terrestre, le transport par voie d’eau, le commerce et la réparation de véhicules à moteur, l’agriculture et l’élevage, l’éducation, le transport aérien, les activités immobilières, la cokéfaction et le raffinage de pétrole, les activités sanitaires et les services sociaux, ainsi que l’hôtellerie et la restauration. Certains de ces secteurs ont démontré leur importance pour le bon fonctionnement de l’économie de l’Union pendant la pandémie. Bon nombre des secteurs les plus touchés ne sont pas considérés comme des industries électro-intensives dans le cadre de leur activité de production, mais sont néanmoins de grands consommateurs d’électricité.

4.3.

Outre l’incidence directe et indirecte sur la VAB (les marges) des entreprises, il se produirait un autre effet prenant la forme d’une augmentation de la vulnérabilité financière. Le rapport de la Banque d’Espagne mentionne les secteurs les plus touchés. Un groupe de secteurs seraient particulièrement vulnérables, en ce qu’ils seraient confrontés non seulement à un endettement excessif, mais aussi à des rendements négatifs en 2023: le commerce et la réparation de véhicules à moteur; le transport par voie terrestre et par conduites; la pêche et l’aquaculture; l’agriculture et l’élevage; et l’industrie du textile, de l’habillement, du cuir et de la chaussure.

4.4.

Au fur et à mesure que les stocks de gaz naturel accumulés en Europe diminueront — en mai 2023, les installations de stockage de gaz étaient remplies à hauteur de 68 % (13) —, la gestion de notre politique énergétique nous posera des défis supplémentaires. L’écart entre les volumes précédemment livrés par la Russie et ceux des autres fournisseurs ne s’est pas encore résorbé, de sorte qu’il est peu probable que les prix diminuent à court terme. En revanche, une forte baisse de la demande a bel et bien été enregistrée. Les prix élevés de l’énergie ont pour conséquence une compétitivité amoindrie de notre industrie et de nos chaînes d’approvisionnement, favorisant l’externalisation d’activités en dehors du territoire de l’Union et affaiblissant ainsi l’indépendance stratégique du bloc. Les effets sur les ménages, notamment les plus vulnérables, sont particulièrement significatifs, puisqu’un nombre toujours plus grand de personnes se trouvent exposées au risque de pauvreté ou en situation de pauvreté. Ce scénario perdurera au moins jusqu’en 2024 (14). Pour lutter contre ces problèmes, le CESE recommande un certain nombre de mesures, notamment des garanties de localisation liées à un soutien financier, des mesures supplémentaires et indispensables en matière d’économies d’énergie et d’efficacité énergétique dans les entreprises pour faire baisser la demande, des investissements massifs et la mise en place des conditions-cadres budgétaires nécessaires à l’expansion de la production d’énergies renouvelables, dans l’optique de réduire la dépendance à l’égard des combustibles fossiles.

4.5.

Par conséquent, en raison de l’explosion des coûts énergétiques, nombre d’entreprises et de ménages s’enfoncent de plus en plus dans une situation susceptible de les menacer dans leur subsistance. Bien que l’hiver ait été relativement doux, il ne faut pas s’attendre à ce que les conditions environnementales soient toujours favorables. Il s’impose par conséquent d’agir en la matière pour protéger les ménages particulièrement vulnérables, en adoptant des mesures spécifiques à leur égard.

4.6.

Pour ce qui est des entreprises, les augmentations massives de leurs coûts, conjuguées à la réticence des consommateurs à dépenser, peuvent même déboucher, dans certains cas, sur la délocalisation impérative des activités. Il s’agit toutefois d’une démarche dans laquelle ne sauraient s’engager les entreprises qui fournissent un service essentiel pour leurs clients et le reste de la chaîne d’approvisionnement, et qui ne peuvent simplement cesser leurs activités en raison des hausses des prix de l’énergie.

4.7.

Si, pendant la pandémie de COVID-19, un grand nombre de secteurs et leurs travailleurs ont été considérés comme essentiels, cette reconnaissance fait cruellement défaut dans la crise énergétique actuelle. Jusqu’à présent, les États membres n’ont pas apporté de soutien spécifique à nombre de ces secteurs. Les entreprises y appartenant et leurs travailleurs se sont efforcés de protéger les consommateurs au détriment de leurs propres marges, et il leur est difficile de répercuter sur leurs clients le coût total de la hausse exorbitante des factures énergétiques. Cette situation ne saurait se maintenir sur le long terme. Le CESE considère par ailleurs que les gouvernements ne protègent pas les citoyens avec le même niveau d’intensité que pendant la pandémie.

4.8.

Un grand nombre d’entreprises réalisent actuellement des investissements massifs pour réduire leur consommation d’énergie et accroître leur capacité à améliorer l’accès à des énergies renouvelables. Le CESE estime que les entreprises peuvent également agir pour accélérer l’électrification du transport et remplacer le gaz destiné au chauffage, en jouant un rôle essentiel dans la transition énergétique et la réalisation des objectifs de l’Union en matière d’énergies renouvelables à l’horizon 2030. À cette fin, il faudra néanmoins un cadre réglementaire propice, prévoyant l’octroi de permis et des mesures de lutte contre la dissuasion par les prix à produire plus d’énergie.

4.9.

Le CESE souligne qu’il importe d’adapter les obligations prévues au titre du plan REPowerEU et celles en matière de performance énergétique des bâtiments en fonction des aides apportées aux opérateurs et de leur capacité à supporter le coût des investissements considérables qui en découlent. Si de telles mesures seront importantes pour réduire la dépendance à l’égard des combustibles fossiles, les obligations devraient néanmoins être liées à la disponibilité des ressources financières, tant publiques que privées. La Commission européenne devrait inscrire dans son programme à long terme la réorganisation du marché de l’énergie afin d’éviter à l’avenir des perturbations de l’approvisionnement énergétique et des prix exorbitants. Par ailleurs, il y a lieu d’envisager de former la main-d’œuvre à laquelle le secteur fera appel.

Dans le même ordre d’idées, le CESE estime que les deux programmes devraient également refléter les aspects pratiques liés à la disponibilité d’équipements et de main-d’œuvre qualifiée en ce qui concerne les obligations d’installer des stations de recharge rapide des véhicules ou celles relatives aux infrastructures pour les carburants de substitution. Il est nécessaire de veiller à ce que les fonds déboursés au titre des nouvelles propositions puissent être utilisés pour garantir la mise en œuvre de cette transition dans les délais prévus.

Bruxelles, le 12 juillet 2023.

Le président du Comité économique et social européen

Oliver RÖPKE


(1)  Étude de la BCE sur l’inflation, 2023.

(2)  Indice des prix des matières premières, FMI. Disponible à l’adresse https://www.imf.org/en/Research/commodity-prices.

(3)  Freightos Baltic Index (indice des taux de fret). Disponible à l’adresse https://fbx.freightos.com/.

(4)  Indice des prix des matières premières, FMI. Disponible à l’adresse https://www.imf.org/en/Research/commodity-prices.

(5)  Eurostat. Disponible à l’adresse https://ec.europa.eu/eurostat.

(6)  https://economy-finance.ec.europa.eu/economic-forecast-and-surveys/economic-forecasts/spring-2023-economic-forecast-improved-outlook-amid-persistent-challenges_fr.

(7)   «Marges et bénéfices des détaillants espagnols de produits alimentaires en 2022».

(8)  Observatoire des marges commerciales (Observatorio de márgenes empresariales, OME), rapport trimestriel 2023/T3 (bde.es).

(9)  Étude de la BCE sur l’inflation, 2023.

(10)  https://www.bde.es/f/webbe/SES/Secciones/Publicaciones/PublicacionesAnuales/InformesAnuales/22/Files/InfAnual_2022_En.pdf.

(11)  Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (UE) 2019/943 et (UE) 2019/942 ainsi que les directives (UE) 2018/2001 et (UE) 2019/944 afin d’améliorer l’organisation du marché de l’électricité de l’Union [COM(2023) 148 final — 2023/0077 (COD)] (JO C 293 du 18.8.2023, p. 112).

(12)  Disponible à l’adresse https://www.bde.es/f/webbde/Secciones/Publicaciones/InformesBoletinesRevistas/InformesEstabilidadFinancera/22/IEF_2022_1_Rec1_4.pdf.

(13)  Information disponible à l’adresse https://agsi.gie.eu/data-overview/eu.

(14)  EIU (2023), «Energy crisis will erode Europe’s competitiveness in 2023» («En 2023, la crise de l’énergie affaiblira la compétitivité de l’Europe»). Disponible à l’adresse https://www.eiu.com/n/energy-crisis-will-erode-europe-competitiveness-in-2023/.