25.5.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 184/64


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de recommandation du Conseil relative à un revenu minimum adéquat pour garantir une inclusion active

[COM(2022) 490 final — 2022/0299 (NLE)]

(2023/C 184/12)

Rapporteurs:

Jason DEGUARA et Paul SOETE

Consultation

Commission européenne, 25.11.2022

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

8.3.2023

Adoption en session plénière

22.3.2023

Session plénière no

577

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

143/00/08

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE se félicite du contenu de la recommandation, en particulier de la mise en œuvre de critères réalistes et suffisants pour définir le niveau d’adéquation et d’accessibilité du revenu minimum, de la garantie légale de ce dernier et du système d’établissement de rapports, ainsi que de la reconnaissance par la Commission européenne de la nécessité d’une politique sociale active et de nouvelles mesures de lutte contre la pauvreté dans l’ensemble de l’Union.

1.2.

Il est nécessaire d’adopter une approche universelle fondée sur le droit de bénéficier d’un revenu minimum adéquat qui ne laisse personne de côté, qui n’ait pas de critères trop restrictifs et qui soit mesurée avec précision pour garantir son efficacité.

1.3.

La lutte contre la pauvreté et les inégalités de revenus est importante non seulement pour garantir l’équité, mais aussi pour soutenir la croissance économique. Dans ce contexte, il convient également de noter l’effet stabilisateur général des systèmes de revenu minimum sur l’économie.

1.4.

Le droit des États membres de définir les principes de leurs systèmes sociaux, les compétences complémentaires de l’Union et des États membres et la pleine utilisation des instruments du traité sur l’Union européenne devraient orienter toute action de l’Union dans le domaine de la protection sociale.

1.5.

Des emplois durables et de qualité sont le meilleur moyen de sortir de la pauvreté et de l’exclusion sociale. Dans le même temps, veiller à ce qu’un plus grand nombre de personnes soient sur un marché du travail inclusif et de bonne qualité contribue à financer les systèmes de protection sociale et à les rendre plus viables sur le plan financier.

1.6.

Actuellement, dans un grand nombre d’États membres, la fixation et le niveau des prestations de revenu minimum ne reposent pas sur une méthodologie solide ou ne sont pas liés à des indicateurs fondés sur des statistiques reflétant une vie décente et digne. La première étape consiste à mettre en place ce type de méthodologie et à tenir compte des différentes sources de revenus et des situations spécifiques des ménages.

1.7.

Le CESE insiste sur la nécessité que le revenu minimum reste en phase avec l’inflation, et en particulier avec l’augmentation du coût de la vie en matière d’alimentation et d’énergie; il convient de s’en assurer à intervalles réguliers, avec le soutien des organisations de la société civile, des partenaires sociaux et des organismes de protection sociale.

1.8.

Pour atteindre les objectifs de la recommandation, il est nécessaire de suivre en permanence la mise en œuvre des politiques d’aide au revenu et des autres politiques de protection sociale qui garantissent une inclusion active. Les rapports d’avancement des États membres devraient être rédigés avec la participation des organisations de la société civile et des organismes de protection sociale concernés ainsi que celle des partenaires sociaux, ou leurs rapports devraient être régulièrement soumis au mécanisme de suivi de la Commission, comme indiqué dans la recommandation du Conseil.

2.   Introduction

2.1.

Malgré certains progrès en matière de réduction de la pauvreté et de l’exclusion sociale accomplis dans l’Union depuis le début du siècle, plus de 95,4 millions de personnes restaient menacées de pauvreté en 2021.

2.2.

Dans de nombreux États membres, on constate une augmentation du risque de pauvreté pour les personnes vivant dans des ménages (quasiment) sans emploi et une aggravation du degré et de la persistance de la pauvreté, le risque étant plus élevé pour les femmes que pour les hommes. L’objectif de l’Union est de réduire le nombre de personnes menacées de pauvreté d’au moins 15 millions d’ici à 2030.

2.3.

À long terme, l’évolution démographique aura des conséquences économiques majeures, étant donné que la main-d’œuvre diminuera et que le vieillissement rapide de la population exercera une pression supplémentaire sur le budget public et le financement des régimes de revenu minimum.

2.4.

Le contexte actuel dans lequel s’inscrit l’accord politique qui s’est dégagé au sein du Conseil (caractérisé par la guerre en Ukraine, l’augmentation des prix de l’énergie et la hausse de l’inflation) est encore plus difficile. Le FMI estime qu’à l’échelle mondiale, l’inflation augmentera de 8,8 % cette année et de 6,5 % en 2023.

2.5.

Les parents isolés représentent moins de 15 % des familles dans l’Union, mais ils sont beaucoup plus exposés au risque de pauvreté et de chômage. Même un emploi à temps plein ne les protège pas du risque de pauvreté. Les ménages bénéficiant d’un double revenu issu d’emplois à temps plein, qui ne sont normalement pas exposés à ce risque, le deviennent cependant à partir du moment où ils comptent plus de deux enfants (1).

2.6.

Les prestations de revenu minimum sont des solutions de dernier recours liées aux ressources, accordées sur la base des besoins à des chômeurs capables de travailler, assorties d’incitations suffisantes à (ré)intégrer le marché du travail. Généralement, les politiques nationales exigent une évaluation du revenu disponible, combinée à un examen des ressources personnelles. Les régimes de revenu minimum s’inscrivent dans des situations et traditions nationales et sont liés aux systèmes de protection sociale au sens large de chaque État membre.

2.7.

Globalement, il existe de très grandes disparités entre ces systèmes en ce qui concerne le niveau et la composition du revenu minimum; c’est également le cas au sein de l’Union. Comme l’indiquent les études de la Commission, la situation des bénéficiaires d’un revenu minimum sur le marché du travail varie considérablement d’un État membre à l’autre.

2.8.

Aucun des pays ne garantit actuellement une aide au revenu adéquate pour les familles sans emploi, qui permettrait d’éviter les risques de pauvreté, et 20 % des personnes sans emploi ne peuvent prétendre à aucune aide. Il existe également un problème de non-utilisation du revenu minimum, dont les estimations oscillent entre 30 et 50 %.

2.9.

Les composantes de revenu à prendre en considération pour analyser le niveau de revenu minimum sont les salaires, les prestations d’assistance sociale, les allocations familiales (les revenus supplémentaires les plus courants), les allocations de logement, d’énergie et de santé, ainsi que les autres prestations telles que les prestations en nature; tous ces éléments étant mesurés après déduction des impôts et des cotisations sociales.

2.10.

Au niveau européen, le revenu minimum a fait l’objet des actions et instruments suivants:

la recommandation 92/441/CEE du Conseil et la recommandation 2008/867/CE relative à l’inclusion active des personnes exclues du marché du travail,

le principe 14 (2) du socle européen des droits sociaux et d’autres principes, tels que ceux du «soutien actif à l’emploi», de la «protection sociale», de l’«accès aux services essentiels», de l’«éducation, [de la] formation et [de l’]apprentissage tout au long de la vie» et de l’«égalité des chances»,

le Semestre européen, qui offre une structure pour le suivi pertinent des activités de coordination des politiques sur la base du cadre d’évaluation comparative du comité de la protection sociale du Conseil,

les conclusions du Conseil de 2020 sur le renforcement de la protection du revenu minimum dans le contexte de la pandémie de COVID-19 et au-delà, qui invite les États membres à revoir leurs régimes nationaux de revenu minimum (3),

les lignes directrices pour l’emploi 2022.

3.   Observations générales

3.1.

La pauvreté est multidimensionnelle et se manifeste dans tous les domaines de la vie. Elle reflète les échecs des systèmes de redistribution juste et équitable des ressources et des possibilités offertes. Ainsi, un régime de revenu minimum est une condition nécessaire, mais pas suffisante, pour permettre de vivre dignement et de sortir durablement de l’indigence. La pauvreté est liée à d’autres formes d’injustice sociale. Les inégalités entre les hommes et les femmes et les inégalités raciales exacerbent le risque de pauvreté, alors que cette dernière augmente le risque d’exclusion et de discrimination, surtout en ce qui concerne la santé, l’éducation et la formation, ainsi que l’exposition à la dépendance financière et à la violence.

3.2.

Le CESE se félicite du contenu de la recommandation, en particulier de la mise en œuvre de critères réalistes et suffisants pour définir le niveau et l’accessibilité du revenu minimum, de la garantie légale de ce dernier et du système d’établissement de rapports, de la reconnaissance par la Commission européenne de la nécessité d’instaurer une politique sociale active au niveau européen et de nouvelles mesures de lutte contre la pauvreté dans l’ensemble de l’Union. La recommandation constitue une étape vers la mise en œuvre du principe 14 du socle européen des droits sociaux, qui détermine que «[t]oute personne ne disposant pas de ressources suffisantes a droit à des prestations de revenu minimum adéquates pour vivre dans la dignité à tous les stades de sa vie».

3.3.

À la suite de l’agression barbare et illégale de la Russie contre l’Ukraine, le contexte actuel dans lequel s’inscrit l’accord politique qui s’est dégagé au sein du Conseil est encore plus difficile, compte tenu de la forte hausse des prix de l’énergie et du taux élevé d’inflation affectant les ménages, en particulier les familles à faibles revenus. Sur fond de grandes tendances telles que la mondialisation, la transition numérique et écologique et l’évolution démographique, les marchés du travail européens sont en train de connaître des transitions majeures. Les systèmes de revenu minimum devraient jouer un rôle essentiel pour aider et encourager les travailleurs à (ré)intégrer le marché de l’emploi.

3.4.

Il est nécessaire d’adopter une approche universelle fondée sur le droit de bénéficier d’un revenu minimum adéquat qui ne laisse personne de côté, basée sur des critères transparents et non discriminatoires et mesurée avec précision pour garantir son efficacité. Une société inclusive devrait pourvoir aux besoins de tous les secteurs de la société et les États membres devraient mettre en place des mécanismes de contrôle solides pour assurer sans plus tarder le suivi du revenu minimum et de son utilisation.

3.5.

Des systèmes efficaces de revenu minimum peuvent contribuer à garantir le respect des droits de l’homme, à s’assurer que les personnes vivent dans la dignité, à les aider à rester actives et intégrées au sein de la société et à les recruter pour des emplois durables et de qualité. Le CESE souligne également l’importance des régimes de revenu minimum pour les travailleurs indépendants en Europe, qui devraient bénéficier pleinement des mêmes aides et prestations que les autres groupes.

3.6.

La lutte contre la pauvreté et les inégalités de revenus est importante non seulement pour garantir l’équité, mais aussi pour soutenir la croissance économique. Comme indiqué dans le rapport de l’OCDE de 2021 (4), des politiques fiscales bien conçues peuvent soutenir une croissance inclusive et durable et tenir compte de la répartition des revenus et des richesses. Une croissance inclusive devrait alors viser à partager équitablement les avantages de la croissance et à promouvoir le caractère inclusif des marchés du travail. Dans ce contexte, il convient également de noter l’effet stabilisateur général des systèmes de revenu minimum sur l’économie.

3.7.

Les régimes de revenu minimum devraient faire partie des stratégies nationales de lutte contre la pauvreté qui intègrent effectivement des mesures visant à assurer des salaires équitables et un travail décent, l’accès à des services essentiels abordables et de qualité, à une sécurité sociale de base et à une aide au revenu adéquate, des services sociaux centrés sur la personne et des politiques d’inclusion active.

3.8.

Le CESE souligne l’objectif d’une méthodologie à l’échelle de l’Union, étayée par une analyse européenne, afin d’aider les États membres à définir l’adéquation du revenu minimum au moyen d’une méthode appropriée telle que l’indicateur de risque de pauvreté (AROP) adopté par l’Union, qui équivaut à 60 % du revenu disponible équivalent ou s’appuie sur un budget de référence (comprenant les frais liés à l’alimentation, au logement, à l’eau, à l’électricité, au chauffage, aux télécommunications, à la santé, aux transports, aux loisirs et à la culture).

3.9.

Comme indiqué dans les considérants de l’accord politique qui s’est dégagé au sein du Conseil, «[l]es emplois durables et de qualité sont les meilleurs remèdes contre la pauvreté et l’exclusion sociale». Plus le nombre de personnes sur le marché du travail augmentera, plus il y aura des financements durables pour les systèmes de protection sociale, puisque ces derniers sont largement alimentés par la taxation du travail.

3.10.

Alors que les États membres ont développé et réformé leurs filets de protection sociale au cours des ans, en tenant compte des orientations fournies par la recommandation 92/441/CEE du Conseil, l’évolution de l’économie, des marchés du travail et des sociétés en général en Europe a posé de nouveaux défis et a débouché sur un besoin urgent de mettre à jour le cadre européen de lutte contre les inégalités de revenus et la pauvreté.

3.11.

Le droit des États membres de définir les principes de leurs systèmes sociaux, la complémentarité des compétences de l’Union et des États membres et la pleine utilisation des instruments du traité sur l’Union européenne devraient être les principes directeurs de toute action de l’Union dans le domaine de la protection sociale. Il est également important d’analyser les régimes de revenu minimum existants par rapport aux dispositions globales des États membres en matière de protection sociale. Une marge de manœuvre existe toutefois pour une action au niveau de l’Union visant à soutenir les États membres dans leurs efforts.

3.12.

Pour lutter contre les inégalités de revenus, les États membres doivent établir des réformes déterminées, des politiques coordonnées et des actions bien ciblées dans un large éventail de domaines d’action, tels que les systèmes d’imposition et de prestations sociales, les mécanismes de fixation des salaires, les incitations sur le marché du travail, l’éducation et la formation, l’égalité des chances et les services de bonne qualité, accessibles et abordables pour tous. En outre, une condition préalable essentielle à tous les systèmes de redistribution est une croissance durable fondée sur le bon fonctionnement des marchés et la compétitivité des entreprises.

3.13.

Le CESE souscrit à la conclusion des services de la Commission selon laquelle les conseils d’orientation professionnelle, les plans d’action individuels et l’intégration des mesures d’activation dans le système de revenu minimum ont un effet positif sur la probabilité de réussir à trouver un emploi.

3.14.

Le CESE souligne la conclusion des services de la Commission selon laquelle une grande partie des bénéficiaires du revenu minimum ne sont pas soumis à des politiques actives du marché du travail, même s’ils pourraient être aptes à travailler. S’il convient, dans l’ensemble, de trouver un juste équilibre entre les incitations et une surveillance plus étroite assortie de conditions permettant de bénéficier d’une aide au revenu et de mesures d’activation, il faut accorder une attention particulière à certains groupes tels que les jeunes adultes qui restent en dehors du marché du travail ou qui sont exposés au risque de pauvreté ou d’exclusion sociale.

3.15.

Le réseau européen de lutte contre la pauvreté a défini l’adéquation, l’accessibilité et le caractère habilitant comme trois critères clés pour l’élaboration des politiques pour les régimes de revenu minimum:

l’adéquation signifie qu’il faut disposer de moyens suffisants pour mener une vie digne;

l’accessibilité vise à garantir un accès et une couverture complète pour toutes les personnes qui ont besoin des régimes de revenu minimum;

le caractère habilitant concerne l’utilisation de paramètres de conception conformes à un «paradigme d’inclusion active» intégré et centré sur la personne.

3.16.

Comme le souligne à juste titre l’accord politique qui s’est dégagé au sein du Conseil, «il peut arriver que les personnes ayant droit à un revenu minimum ne le sollicitent pas, parce que cela représente une charge administrative trop importante, parce qu’elles ignorent que ce revenu existe ou parce qu’elles craignent d’être stigmatisées ou discriminées».

3.17.

Les entreprises de l’économie sociale, ainsi que les petites et moyennes entreprises en général, sont importantes, en particulier pour ce qui est des emplois d’insertion. Le CESE salue le plan d’action de la Commission en faveur de l’économie sociale et il la presse d’évaluer au niveau idoine les meilleurs projets qui s’y rattachent.

3.18.

Il convient d’accorder une attention particulière à des groupes spécifiques tels que les familles monoparentales, les familles de migrants, les jeunes, les personnes handicapées et les Roms.

3.19.

Aujourd’hui, bon nombre de retraités dépendent d’un revenu minimum, car leur pension de retraite est trop faible. Si elles ne sont pas en mesure de travailler, ces personnes âgées ne peuvent pas retourner sur le marché du travail pour obtenir un meilleur revenu. Des systèmes de retraite qui leur fournissent une pension adéquate leur sont alors nécessaires afin qu’elles ne soient pas obligées de recourir à une aide au revenu minimum. Étant donné que l’évolution démographique dans les États membres indique que le nombre de retraités va augmenter à l’avenir, ces pays se doivent de disposer de systèmes de retraite qui fournissent des pensions adéquates.

3.20.

Le CESE propose que les États membres évaluent les niveaux du revenu minimum au moins sur une base annuelle et l’indexent pour tenir compte de l’inflation au moins une fois par an, en fonction du niveau de l’inflation.

4.   Observations particulières

4.1.    L’adéquation du revenu minimum

4.1.1.

Actuellement, dans un grand nombre d’États membres, la fixation et le niveau des prestations de revenu minimum ne reposent pas sur une méthodologie solide ou ne sont pas liés à des indicateurs fondés sur des statistiques. La première étape consiste à mettre en place ce type de méthodologie et à tenir compte des différentes sources de revenus et des situations spécifiques des ménages.

4.1.2.

Concernant le niveau du revenu minimum, le CESE remarque que la recommandation contient différentes propositions de méthodes pour le définir: en se basant sur le seuil national de risque de pauvreté, en calculant la valeur monétaire des biens et services nécessaires conformément aux définitions nationales ou en faisant référence à d’autres législations ou pratiques nationales. Cela signifie également que des systèmes avec des budgets de référence peuvent être pris en considération. Ces systèmes sont fondés sur un panier de biens et de services défini au niveau national et reflétant le coût de la vie dans un État membre ou une région donnés; ils peuvent aider à orienter l’évaluation de l’adéquation.

4.1.3.

Le CESE insiste sur la nécessité de s’assurer à intervalles réguliers que le revenu minimum reste en phase avec l’inflation, en particulier avec l’augmentation du coût de la vie en matière d’alimentation et d’énergie. En ce sens, l’examen annuel au niveau des États membres constitue une recommandation claire.

4.1.4.

Les budgets de référence des paniers de biens et de services doivent être élaborés au niveau des États membres et coordonnés à l’échelle européenne. Cela aiderait les États membres à garantir l’adéquation des régimes de revenu minimum. Ce panier de biens et services doit inclure, entre autres, le logement, l’eau, l’énergie, les télécommunications, la nourriture, les soins de santé, les transports, la culture et les loisirs. Des mécanismes permettant une indexation précise et rapide des prix réels sont essentiels pour garantir l’adéquation, en particulier en période de crise ayant une incidence sur le coût de la vie.

4.1.5.

Les allocations de revenu minimum ne devraient pas être utilisées pour subventionner les bas salaires. Lorsque des solutions complémentaires sont envisagées pour les travailleurs pauvres, il devrait s’agir de mesures temporaires et complémentaires. Compte tenu des multiples formes de travail, il faudrait promouvoir et soutenir une politique active du marché du travail et une politique salariale adéquate, ainsi que des systèmes d’imposition et de sécurité sociale favorables, afin de garantir des emplois de qualité et un niveau de vie décent. Les personnes qui sont dans l’incapacité permanente ou totale d’être employées dans des conditions décentes leur permettant de vivre dans la dignité devraient se voir garantir des filets de sécurité solides aussi longtemps qu’elles en ont besoin.

4.1.6.

Le CESE se félicite de la décision selon laquelle des allocations telles que les prestations d’invalidité ne seront pas prises en compte dans l’examen de la condition de ressource permettant de déterminer si une personne a droit à l’allocation de revenu minimum, étant donné que ces indemnités couvrent des coûts supplémentaires dus à des besoins spécifiques. Cela montre que nous sommes très sensibles aux membres de notre société qui ont réellement besoin d’aide.

4.1.7.

Il convient d’accorder une attention particulière aux familles vulnérables et aux parents isolés, qui sont principalement des femmes, étant donné que, pour eux, le rôle complémentaire des allocations familiales, de l’accessibilité des services de garde d’enfants et des autres services de garde est essentiel.

4.1.8.

La fixation de salaires minimaux adéquats, qu’elle s’opère par le truchement d’une loi ou de la négociation collective, représente un instrument précieux pour lutter contre la pauvreté. La mise en œuvre de la directive relative à des salaires minimaux adéquats aura une incidence positive sur le risque de pauvreté pour une partie importante de la main-d’œuvre, certainement pour les travailleurs célibataires occupant un emploi à temps plein et pour les ménages à double revenu. Les partenaires sociaux devraient être encouragés à l’appliquer au moyen de conventions collectives. Une fois la directive mise en œuvre, le salaire minimum pourrait, le cas échéant, également servir de référence pour le revenu minimum, pour autant que ce dernier soit situé au seuil de pauvreté.

4.1.9.

Le CESE estime que les régimes de revenu minimum devraient fournir à la fois de l’argent et des services en nature à ceux qui ne sont pas ou presque pas en mesure de travailler.

4.1.10.

Les prestations liées à l’emploi peuvent également jouer un rôle important en attirant les personnes inactives sur le marché du travail (5).

4.1.11.

L’objectif du Conseil européen visant à réduire le nombre de personnes menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale d’au moins 15 millions d’ici à 2030 pourrait sembler peu ambitieux. Il doit cependant être considéré comme un minimum, compte tenu du fait que le niveau d’adéquation est même actuellement inférieur à 20 % dans certains pays, lesquels auront donc besoin d’un laps de temps assez long pour atteindre les objectifs poursuivis. La Commission a indiqué que la recommandation établit également une période de mise en œuvre progressive des dispositions relatives à l’adéquation de l’aide au revenu. Pour les autres défis, tels que la couverture et l’utilisation, les délais devraient être plus courts.

4.2.    La couverture, l’éligibilité et l’utilisation

4.2.1.

Actuellement, en moyenne, 20 % des personnes sans emploi ne sont pas éligibles aux régimes de revenu minimum à cause des conditions concernant l’âge minimum, la durée de résidence dans le pays, l’absence d’adresse pour les personnes sans domicile, les problèmes de composition familiale, etc. Ces lacunes dans la couverture devraient être comblées par les États membres. La continuité de la protection durant les différentes phases de la vie et de l’activité pose également problème. En tout état de cause, des critères d’accès transparents et non discriminatoires devraient être mis en place au sein des États membres.

4.2.2.

L’administration semble être largement responsable de la non-utilisation; il s’agit là d’une situation injuste à laquelle il convient de remédier. Apparemment, la non-utilisation du revenu minimum concerne entre 30 et 50 % des personnes éligibles dans les États membres. Cette estimation semble généreuse et assez large. Les États membres devraient être encouragés à recueillir des informations sur la non-utilisation et les raisons pour lesquelles ce chiffre est si élevé. Le CESE soutient sans réserve l’objectif de l’accord politique qui s’est dégagé au sein du Conseil d’encourager la pleine utilisation du revenu minimum au moyen d’un ensemble de mesures telles que la réduction de la charge administrative, la garantie d’une information compréhensible, la prise de mesures pour lutter contre la stigmatisation et une action proactive à l’égard des personnes qui ne disposent pas de ressources suffisantes.

4.2.3.

L’accès au revenu minimum devrait explicitement être garanti pour les jeunes adultes à partir de 18 ans et les migrants. Étant donné que le revenu minimum est une prestation non contributive, il convient de veiller à éviter une formulation ambiguë par rapport à ce qui devrait être considéré comme une durée de résidence «appropriée».

4.2.4.

Des indicateurs quantitatifs et qualitatifs ventilés au niveau de l’Union sont nécessaires pour rendre compte de la couverture actuelle des régimes de revenu minimum. Une attention particulière devrait être accordée aux taux d’utilisation et à l’efficacité des programmes, surtout en ce qui concerne les groupes marginalisés, y compris les Roms, les réfugiés et les personnes sans domicile.

4.3.    L’accès au marché du travail

4.3.1.

Les systèmes de revenu minimum devraient être assortis de mesures d’activation fortes pour les personnes capables de travailler, en tenant compte des politiques relatives aux priorités en matière de soins temporaires. En tout état de cause, les revenus du travail ne devraient pas réduire les prestations sociales de manière disproportionnée, afin d’éviter de tomber dans le piège de l’incitation.

4.3.2.

La participation à des programmes de travaux publics et les possibilités offertes par le secteur de l’économie sociale devraient être pleinement développées, en particulier pour les groupes les plus vulnérables.

4.3.3.

Il est particulièrement important de prévoir un soutien ciblé pour les chômeurs de longue durée et les personnes inactives capables d’intégrer le marché du travail. Les prestations liées à l’emploi ainsi que les mesures structurelles visant à faciliter l’inclusion des groupes vulnérables peuvent simplifier leur entrée sur le marché du travail, mais elles devraient être temporaires.

4.3.4.

La participation aux mesures d’activation nécessite la mise en place de moyens adéquats, tels que des programmes d’éducation, de formation et d’apprentissage tout au long de la vie, assortis de services de soutien tels que des conseils, un accompagnement ou une aide à la recherche d’emploi. L’élaboration de mesures efficaces nécessite un engagement fort de la part des États membres en faveur de politiques actives du marché du travail, en coopération avec les parties prenantes concernées, telles que les partenaires sociaux. L’administration et son personnel doivent être qualifiés pour effectuer leur tâche ardue, et s’appuyer sur des connaissances spécialisées et scientifiques. Il convient de tenir systématiquement compte des qualifications, du potentiel, des compétences et des plans de carrière propres à chaque chômeur.

4.4.    L’accès aux services essentiels

4.4.1.

La recommandation confirme la nécessité de garantir un accès effectif à des services essentiels qualitatifs et abordables (eau, assainissement, énergie, transports, services financiers et communications numériques) énumérés dans le principe 20 du socle européen des droits sociaux. La numérisation devrait être considérée comme un nouveau déterminant social pour l’accès aux services essentiels et des mesures devraient être prises pour surmonter la fracture numérique.

4.5.    La gouvernance

4.5.1.

Le CESE souligne la nécessité d’accroître l’efficacité de la gouvernance des filets de protection sociale à tous les niveaux. Il convient d’accorder une attention particulière à une coordination étroite entre les différentes parties prenantes, tant horizontalement que verticalement. Les rôles et les responsabilités de ces acteurs devraient être clairement définis tout en évitant le cloisonnement.

4.5.2.

La mise en œuvre de régimes de revenu minimum devrait associer toutes les parties prenantes concernées, y compris les organisations de la société civile (notamment celles qui travaillent avec des personnes en situation de pauvreté), les prestataires de services sociaux et les partenaires sociaux dans tous les États membres. Les parties prenantes devraient être consultées dans le cadre de l’élaboration de systèmes de suivi et d’évaluation permanents.

4.6.    Le suivi

4.6.1.

Comme indiqué dans l’accord politique qui s’est dégagé au sein du Conseil, un suivi continu de la mise en œuvre des politiques d’aide au revenu et des mesures connexes d’activation du marché du travail ainsi que de l’accès aux services, étayé par des évaluations régulières, est nécessaire pour atteindre les objectifs de cette recommandation de la manière la plus efficace possible. Les rapports d’avancement des États membres devraient être rédigés avec la participation significative des organisations de la société civile et des organismes de protection sociale concernés ainsi que celle des partenaires sociaux, ou leurs rapports devraient être régulièrement soumis au mécanisme de suivi de la Commission. Comme le précise la proposition de recommandation, le CESE n’est pas l’une des nombreuses parties prenantes actives au niveau de l’Union, mais bien un organe central du processus de suivi, institué par le traité.

4.6.2.

Les régimes de revenu minimum devraient comporter des éléments garantissant la non-discrimination à l’égard des bénéficiaires réels ou potentiels, ainsi que des mécanismes visant à assurer l’accessibilité aux groupes vulnérables. Tous les États membres devraient mettre en place des organes internes chargés de veiller à la protection des données et au respect des droits fondamentaux de toutes les parties concernées.

4.6.3.

Pour progresser, il est important de s’appuyer sur les informations existantes au niveau de l’Union et de prendre les mesures nécessaires pour que chaque État membre soit mieux à même d’améliorer le fonctionnement des systèmes nationaux de revenu. Cela inclut la nécessité d’organiser des échanges sur les pratiques nationales, des séminaires thématiques et des manifestations. À cet égard, et afin d’examiner les progrès accomplis, le CESE se félicite des activités institutionnelles proposées, telles que le renforcement de la coopération qui existe entre la Commission et les États membres au sein du comité de la protection sociale, du comité de l’emploi et du réseau des services publics de l’emploi. Toutefois, il convient de trouver des moyens de surmonter les obstacles et les difficultés causés par la législation sur la protection des données, qui peuvent entraver inutilement la bonne coopération entre les autorités.

4.6.4.

Les étapes du suivi des États membres sont indispensables, en particulier pour ceux qui sont encore loin d’atteindre les objectifs fixés. Le CESE souligne l’importance d’adopter une direction claire, en utilisant le Semestre européen et d’autres outils pour continuer à suivre les progrès de tous les États membres.

Bruxelles, le 22 mars 2023.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Aerts, E., Marx, I., et Parolin, Z., «Minimum income support for families with children in Europe and the US. Where does it stand?» («Aide au revenu minimum pour les familles ayant des enfants en Europe et aux États-Unis. Où en est-elle?», en anglais), SocArXiv, 5 mai 2022; «Children at risk of poverty or social exclusion» («Les enfants menacés de pauvreté ou d’exclusion sociale», en anglais).

(2)  Toute personne ne disposant pas de ressources suffisantes a droit à des prestations de revenu minimum adéquates pour vivre dans la dignité à tous les stades de sa vie, ainsi qu’à un accès efficace à des biens et des services de soutien. Pour les personnes qui sont en mesure de travailler, les prestations de revenu minimum devraient être combinées à des incitations à (ré)intégrer le marché du travail.

(3)  Le CESE a abordé le revenu minimum dans ses avis suivants: «Pour une directive-cadre européenne relative à un revenu minimum» (avis d’initiative) (JO C 190 du 5.6.2019, p. 1); «Des salaires minimum décents dans toute l’Europe» (avis exploratoire à la demande du Parlement européen et du Conseil) (europa.eu), paragraphes 1.6 et 3.3.7 (JO C 429 du 11.12.2020, p. 159); «Revenu européen minimum et indicateurs de pauvreté» (avis d’initiative) (europa.eu) (JO C 170 du 5.6.2014, p. 23).

(4)  OCDE (2021): «Tax and fiscal policies after the COVID-19 crisis» («Politiques fiscales et budgétaires après la crise de la COVID-19», en anglais).

(5)  Le rôle des prestations liées à l’emploi sur le marché du travail est souligné au paragraphe 3.4.3 de l’avis SOC/737 portant sur les «Lignes directrices pour les politiques de l’emploi des États membres» (JO C 486 du 21.12.2022, p. 161).