21.12.2022 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 486/129 |
Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la protection des indications géographiques pour les produits artisanaux et industriels et modifiant les règlements (UE) 2017/1001 et 2019/1753 du Parlement européen et du Conseil et la décision (UE) 2019/1754 du Conseil»
[COM(2022) 174 final — 2022/0115(COD)]
(2022/C 486/17)
Rapporteur: |
Paulo BARROS VALE |
Consultation |
Conseil de l’Union européenne, 11.5.2022 |
Base juridique |
Article 118, paragraphe 1, et article 207, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Compétence |
Section «Marché unique, production et consommation» |
Adoption en section |
8.9.2022 |
Adoption en session plénière |
21.9.2022 |
Session plénière no |
572 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
227/2/2 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement l’initiative de la Commission qui vise à assurer au niveau de l’Union européenne la protection des indications géographiques (IG) des produits industriels et artisanaux, comblant ainsi le vide législatif qui prévaut actuellement pour ces types de productions. Il s’impose de préserver l’identité régionale et les savoir-faire traditionnels, et la législation en la matière constitue un important instrument au service du développement des régions, étant donné que la protection assurée par les indications géographiques prémunit tant les producteurs que les consommateurs. |
1.2. |
Le CESE juge que la protection assurée par les indications géographiques stimule le développement des régions, en particulier celles qui sont moins avancées, car elle constitue un encouragement pour le producteur, en garantissant que ses produits soient reconnus et protégés contre les imitations, elle attire des populations sur leur territoire et les y retient, en offrant des possibilités d’emplois, plus qualifiés et mieux rémunérés, et elle y soutient un tourisme durable, notamment une activité touristique de niche centrée sur leur renommée. |
1.3. |
La Commission présente une proposition de règlement relative à la protection des indications géographiques des produits artisanaux et industriels. Le CESE n’est pas certain que l’option qu’elle a retenue soit préférable à celle qui consisterait à élargir le cadre existant, tel qu’applicable aux produits agricoles et aux denrées alimentaires, vins et spiritueux, de façon à ce qu’il englobe les productions artisanales et industrielles. Cette deuxième option permettrait d’éviter de devoir multiplier les textes législatifs, les procédures et les instances, dès lors qu’elle instaurerait un dispositif unique de protection par les indications géographiques, qui s’appliquerait à tous les types de produits. |
1.4. |
Le CESE considère qu’il est primordial que le symbole à utiliser pour signaler une indication géographique soit attrayant et adapté à tous les nouveaux canaux de diffusion, couvrant tout l’éventail allant de l’étiquetage classique à la communication numérique la plus en pointe. Il doit inspirer au consommateur le sentiment d’avoir affaire à un produit de qualité et hautement fiable et faciliter le travail de communication du producteur. Le CESE considère qu’il serait envisageable de mettre à jour le symbole de l’indication géographique protégée qui, en vertu de l’annexe au règlement délégué (UE) no 664/2014 de la Commission du 18 décembre 2013 (1), est actuellement utilisé, et d’élaborer en ce qui le concerne un guide d’identité visuelle. |
1.5. |
De l’avis du CESE, il est primordial que dans le domaine de la protection assurée par les indications géographiques, le processus de transition du niveau national à celui de l’Union européenne soit rapide et simple. Il importe de ne pas prolonger dans le temps l’utilisation concomitante des deux systèmes, qui est une source de confusion pour les consommateurs comme pour les producteurs. Par ailleurs, les États membres qui recourent déjà à la protection géographique au titre de l’arrangement de Lisbonne se devront d’afficher rapidement le symbole de l’Union européenne sur les produits concernés, renforçant ainsi l’image de qualité qu’ils véhiculent. |
1.6. |
Le CESE recommande à la Commission d’effectuer un suivi attentif des conflits qui peuvent survenir dans les processus de certification, en particulier avec des pays tiers, et d’exercer son pouvoir de négociation. S’il est indubitable que le pouvoir de décider de l’octroi d’une certification doit revenir à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), organisme jouissant d’une compétence reconnue en matière de propriété industrielle, il n’en conviendra pas moins que la Commission établisse un canal de communication avec lui, afin d’analyser les dossiers qui donnent lieu à des hésitations et sont susceptibles de provoquer des litiges. Les régions tranfrontières, au sein de l’Union européenne comme avec des pays tiers, peuvent poser des défis spécifiques, pour ce qui est de dégager les consensus indispensables afin de protéger le producteur comme le consommateur. |
2. Observations générales
2.1. |
La proposition de la Commission a pour objectif de garantir que les produits artisanaux et industriels bénéficient au niveau de l’Union européenne d’une protection assurée par les indications géographiques (IG (2)). Ces produits sont exclus du champ d’application du mécanisme de protection actuel concernant ces indications géographiques, qui ne couvre que les produits agricoles et les denrées alimentaires, vins et spiritueux. Il existe, au sein de l’Union européenne, un grand nombre de produits d’origine artisanale et industrielle qui, présentant des caractéristiques uniques liées à leur région d’origine, font continuellement l’objet d’imitations et de contrefaçons et qu’il est urgent de protéger. |
2.2. |
L’absence d’un mécanisme de protection à l’échelle de l’Union et l’insécurité juridique découlant soit de l’existence de législations nationales différentes, soit de leur inexistence, ont pour effet qu’il est difficile de protéger les produits artisanaux et industriels présentant des caractéristiques uniques qui sont en rapport avec leur région d’origine. Ces lacunes peuvent conduire à ce que certains d’entre eux disparaissent, tout comme les compétences qui s’y rattachent. Il convient de préserver les produits qui présentent une identité régionale, sont dotés de caractéristiques singulières et font partie intégrante des traditions et de l’identité des régions, et de les exploiter afin de stimuler le développement de ces territoires, d’y assurer la transmission des savoir-faire qui leur sont inhérents, d’y attirer des habitants et de retenir leur population. |
2.3. |
En novembre 2019, l’Union européenne a adhéré à l’acte de Genève de l’arrangement de Lisbonne sur les appellations d’origine et les indications géographiques (3). Il convient à présent d’établir un cadre législatif grâce auquel l’Union ait la possibilité de soumettre une liste de ses indications géographiques, pour les placer sous la protection du système, de manière que les producteurs européens puissent profiter de ce mécanisme protecteur. |
2.4. |
Comme il a déjà eu l’occasion de l’observer (4), le CESE estime que la protection des indications géographiques dote les producteurs européens d’un précieux instrument, et il est favorable à la création d’un système harmonisé qui protégerait ces indications dans le cas des produits non agricoles. Il juge que ce dispositif aidera lesdits producteurs à présenter leurs productions de qualité d’une manière qui soit plus efficace dans un marché mondialisé, libéralisé et concurrentiel, en générant des retombées positives, lesquelles seront encore plus marquées dans le cas des régions moins développées. |
2.5. |
Le CESE avait déjà défendu cette position en 2015, dans son avis sur les indications géographiques de l’Union européenne pour les produits non agricoles (5). En plus de se prononcer pour que la protection assurée par les indications géographiques soit étendue aux produits non agricoles, grâce à une réglementation au niveau de l’Union européenne, le CESE recommande que le nouveau dispositif puisse, dans toute la mesure du possible, se calquer sur le cadre existant couvrant les produits agricoles et les denrées alimentaires, vins et spiritueux. |
2.6. |
Le CESE considère que protéger les produits artisanaux et industriels au moyen des indications géographiques est une démarche susceptible d’avoir plusieurs effets positifs, lesquels ont trait à la qualité des productions qui est exigée pour satisfaire aux critères déterminant la protection assurée par ces indications, offrant par là même une sécurité aux consommateurs, à la possibilité d’attirer et de retenir des populations dans la région concernée, grâce à la création d’emplois, plus qualifiés et mieux rémunérés, et du fait de la fierté et de l’aura que confère le sentiment d’appartenir à une aire géographique présentant des caractéristiques exceptionnelles, ou encore au développement d’un tourisme durable, et à l’effet protecteur contre les préjudices subis du fait des imitations et contrefaçons. |
3. Observations particulières
3.1. |
La proposition de la Commission se fonde sur les dispositions du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) qui ont trait à la propriété intellectuelle et à la politique commerciale commune (6). Son objectif est d’établir un système commun de protection pour les produits artisanaux et industriels, c’est-à-dire un droit européen homogène en matière de propriété intellectuelle, et d’instaurer des mécanismes centralisés en matière d’autorisation, de coordination et de contrôle, en concordance avec le système de Lisbonne et en exécution de l’accord conclu par la signature de l’acte de Genève. L’instrument choisi à cette fin est celui du règlement autonome, s’inscrivant dans la continuité de celui qui existe déjà pour les produits agricoles et les denrées alimentaires, les vins et les spiritueux. Les parties prenantes ont été consultées et se sont dites favorables, en règle générale, à la création d’un système spécifique d’indications géographiques. |
3.2. |
En plus de l’hypothèse d’un maintien du cadre réglementaire en vigueur, lequel est fragmenté et n’assure qu’une piètre protection au niveau international, l’analyse d’impact réalisée sur la proposition a examiné trois options stratégiques: option stratégique 1 — étendre le système de protection des IG pour les produits agricoles aux IG pour les produits artisanaux et industriels; option stratégique 2 — règlement autonome de l’Union établissant une protection spécifique des IG; option stratégique 3 — réforme du système des marques. |
3.3. |
Le choix s’est porté sur l’option 2, sous la forme d’une proposition de règlement relatif à la protection des indications géographiques pour les produits artisanaux et industriels. Le CESE n’est pas sûr qu’il s’agisse de la meilleure option, car dès lors que la proposition a pour but d’adopter un système identique à celui qui existe pour les produits agricoles et les denrées alimentaires, vins et spiritueux, la démarche la plus simple pourrait consister à étendre le cadre existant aux produits artisanaux et industriels, soit l’option 1. L’intégration de cette nouvelle catégorie de produits dans le système s’inscrirait alors dans le cadre du processus de révision en cours dans le secteur agroalimentaire, de sorte que les procédures régissant la reconnaissance des indications géographiques seraient ainsi harmonisées sans qu’il faille multiplier les textes législatifs, les procédures et les instances responsables. |
3.4. |
En ce qui concerne le lien territorial, le CESE soutient le choix opéré en faveur des indications géographiques protégées (IGP) plutôt que des appellations d’origine protégées (AOP), car il n’est pas indispensable à ses yeux que dans le cas des produits de ce type, la protection envisagée ne soit accordée qu’à ceux dont tous les stades de la production, de la transformation ou de la préparation ont lieu dans l’aire géographique délimitée: un produit artisanal ou industriel peut tout à fait conserver son identité même si l’une de ces étapes se déroule dans une autre région, car c’est de son histoire ou de sa méthode de production qu’il tire son identité. |
3.5. |
Le CESE estime que prévoir un dispositif en deux phases, au niveau national dans un premier temps, puis à celui de l’Union, constitue l’option la plus indiquée. Ce sont les États membres qui connaissent le mieux les caractéristiques de leur territoire et des produits susceptibles de bénéficier du système de protection par les indications géographiques et, dans leur cas, il ne se pose pas d’obstacle linguistique. Il n’est guère besoin de préciser que ce système national devra être souple, avoir un coût modique et garantir des conditions de concurrence équitables pour tous les producteurs, quelle que soit leur origine. |
3.6. |
Le CESE est favorable à ce que l’EUIPO (7) soit choisi pour assumer la responsabilité de la phase d’enregistrement au niveau de l’Union européenne. Cet office est une institution des plus expérimentées dans le domaine de la propriété industrielle, qui a fait la démonstration de ses capacités et de ses compétences dans l’exercice de ses responsabilités, et il dispose des outils nécessaires pour effectuer ces enregistrements. La portée de ce choix est d’autant plus cruciale qu’il sera ainsi possible de vérifier s’il n’existe pas d’incompatibilités entre les registres des indications géographiques et celui des marques et brevets. |
3.7. |
Le CESE est favorable à ce que les demandes concernant l’enregistrement des indications géographiques, leur annulation ou la modification de leur cahier des charges puissent être soumises directement à l’EUIPO par un groupement de producteurs quand elles émanent d’un État membre qui a demandé à être exempté de l’obligation de désigner une autorité compétente pour gérer la phase nationale de l’enregistrement et des autres procédures relatives à cette catégorie de produits. Il convient, en effet, que même si son pays d’origine ne reconnaît pas qu’il s’impose d’investir dans le système de protection assuré grâce aux indications géographiques, aucun producteur ne se trouve exclu de ce dispositif alors qu’il serait habilité à en bénéficier. |
3.8. |
Le CESE se félicite que la possibilité de l’autodéclaration ait été retenue en ce qui concerne la vérification de la conformité avec le cahier des charges d’une indication géographique. Dans ces cas, il est prévu que les États membres procèdent à des contrôles aléatoires. Le CESE tient à signaler que dans les cas où une indication géographique s’étend sur plusieurs États membres ou, tout particulièrement, qu’elle couvre également un pays tiers, lesdits contrôles peuvent être malaisés à effectuer et que des conflits de compétences peuvent même surgir. |
3.9. |
Le CESE juge qu’il est positif que les produits artisanaux et industriels soient protégés par un titre européen, qui remplace les régimes nationaux existants. Cette option évite que deux systèmes, européen et national, n’existent en parallèle et garantit une approche homogène. Elle s’avère particulièrement importante pour faciliter la procédure de protection dans les régions transfrontières, grâce à l’uniformisation des procédures. |
3.10. |
Le CESE souligne la portée que revêt la définition, figurant à l’article 3 de la proposition de règlement, qui établit qu’un produit est de nature artisanale ou industrielle. Il convient qu’elle suscite un large consensus parmi les parties intéressées, afin de ne laisser place à aucune ambiguïté quant aux produits qui peuvent prétendre à être protégés par les indications géographiques. |
3.11. |
Le CESE défend l’idée que le cahier des charges doit tenir compte du facteur de l’innovation, car elle peut contribuer à sauvegarder et développer le patrimoine culturel. Un changement qui est apporté dans une méthode de production sous l’effet d’une technologie ou d’un procédé novateurs mais ne remet pas en question la qualité du produit concerné, son authenticité, son renom ou ses caractéristiques, tels qu’ils peuvent être rapportés à son origine géographique, ne peut avoir pour conséquence qu’il cesse d’être ainsi protégé, ni donner lieu au lancement d’une nouvelle procédure de demande de protection. |
3.12. |
Le CESE s’inquiète de l’éventualité qu’en ce qui concerne le choix ou l’utilisation du nom d’une région, ainsi que lors des contrôles après certification, des conflits surviennent entre des États membres, ainsi que, tout particulièrement, avec des pays tiers. Dans le cas des indications géographiques transfrontières, le risque existe qu’un consensus sur la terminologie à employer ne puisse être atteint et que certains producteurs ne soient privés de l’accès à cette protection, et il convient par ailleurs que la Commission soit habilitée, sur un plan politique, à négocier des accords lorsque de telles situations se présentent. Qu’elle soit dotée d’un tel pouvoir est particulièrement important pour ce qui est du contrôle après certification, de manière à ce qu’il soit possible de définir des critères d’évaluation de la conformité qui soient applicables en toute équité de part et d’autre de la frontière. |
Bruxelles, le 21 septembre 2022.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) JO L 179 du 19.6.2014, p. 17.
(2) On entend par «indication géographique» toute indication relative à un produit qui est originaire d’une zone géographique particulière et présente une qualité spécifique, une renommée ou une autre caractéristique qui ont un lien intrinsèque avec son origine géographique.
(3) L’acte de Genève de l’arrangement de Lisbonne, qui est administré par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), donne à ses parties contractantes la possibilité de conférer à leurs indications géographiques une protection qui est obtenue dans un délai rapide, est de haut niveau et vaut pour une durée indéterminée. L’acte de Genève constitue une mise à jour de l’arrangement de Lisbonne et en élargit le champ d’application à toutes les indications géographiques.
(4) JO C 286 du 16.7.2021, p. 59.
(5) JO C 251 du 31.7.2015, p. 39.
(6) Articleso118 et 207 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
(7) L’EUIPO est l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle.