22.11.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 443/106


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Stratégie de l’Union européenne pour des textiles durables et circulaires»

[COM(2022) 141 final]

(2022/C 443/15)

Rapporteur:

Florian MARIN

Corapporteur:

Antonello PEZZINI

Consultation

Commission européenne, 2.5.2022

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Commission consultative des mutations industrielles

Adoption en section

24.6.2022

Adoption en session plénière

14.7.2022

Session plénière no

571

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

202/0/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

L’industrie textile a la capacité de contribuer aux objectifs environnementaux de l’Union européenne, et elle doit être mise face à ses responsabilités eu égard à son impact sur l’environnement. Il convient de trouver le juste équilibre entre les coûts liés à la fin de vie des produits que les fabricants de textiles doivent supporter et la compétitivité de l’industrie.

1.2.

Si l’on veut que l’écosystème textile puisse prendre en compte les transitions circulaire et numérique, il y a lieu d’adopter des mesures adéquates et flexibles adaptées aux spécificités de ce secteur. La créativité et l’innovation durable doivent être des éléments à part entière de la stratégie dans le domaine des textiles.

1.3.

Le Comité est favorable aux exigences étendues en matière d’étiquetage concernant le degré de recyclage et l’empreinte des produits textiles, qui pourraient inciter les consommateurs à choisir des produits durables et à privilégier la qualité plutôt que la quantité, mais cette approche requiert une analyse d’impact approfondie ainsi qu’une grande campagne d’information à l’échelle européenne.

1.4.

Le Comité économique et social européen (CESE) s’inquiète des pratiques de concurrence déloyales et demande une surveillance de marché accrue à l’égard des produits importés ainsi qu’une amélioration de la coordination et de la coopération entre les autorités nationales chargées de faire appliquer les règles. Il demande que des mesures soient prises pour faire en sorte que règne un équilibre entre les acteurs dans les chaînes d’approvisionnement du secteur textile, et préconise l’avènement de bonnes pratiques en matière de durabilité au niveau mondial, dans le plein respect des normes techniques du Comité européen de normalisation (CEN), du Comité européen de normalisation électrotechnique (Cenelec) et de l’Institut européen des normes de télécommunications (ETSI), tout en mettant l’accent sur le droit à la santé et la protection de l’environnement.

1.5.

Le Comité juge nécessaire de consolider les accords de libre-échange existants et ceux à venir, et d’introduire des clauses relatives à la durabilité et à la protection des droits de l’homme au sein du système de préférences généralisées pour les pays en développement.

1.6.

Le Comité aurait espéré un traitement plus approfondi des aspects sociaux dans le secteur, car la transition écologique doit aller de pair avec une transition juste. Il y aurait lieu de mettre au point des initiatives supplémentaires en rapport avec le dialogue social et la négociation collective.

1.7.

Le Comité relève que des investissements et des programmes sont nécessaires pour renforcer les capacités des institutions chargées de l’inspection ainsi que les capacités opérationnelles des partenaires sociaux en matière de suivi des accords mondiaux, des droits fondamentaux et des droits des travailleurs. Les fonds de cohésion doivent être mis à contribution intelligemment pour réduire les disparités entre les États membres et entre les régions.

1.8.

Le CESE considère qu’il y aurait lieu d’offrir aux États membres une assistance complémentaire en matière de coopération transfrontière, de surveillance du marché, de contrôles effectifs et d’harmonisation des normes, et il préconise un processus de suivi supranational.

1.9.

Le Comité soutient l’imposition d’une obligation de vigilance à toutes les entreprises de l’Union, moyennant un soutien spécifique aux PME pour les aider à se conformer aux règles, et demande que des mesures strictes soient prises pour interdire les relations économiques avec des entités qui ont recours au travail des enfants ou ne respectent pas des conditions de travail décentes au sens des conventions fondamentales de l’OIT.

1.10.

Les fonds européens qui sont investis dans le secteur devraient prévoir des critères sociaux et environnementaux pour le financement de projets, et le CESE plaide en faveur d’une initiative de l’Union qui serait spécialement destinée à améliorer la sécurité sociale, les conditions de travail, la santé et la sécurité au travail ainsi que les salaires dans le secteur textile et à laquelle seraient associés les partenaires sociaux aussi bien dans l’Union que dans les pays tiers.

1.11.

La transition vers de nouveaux modèles économiques durables fondés sur l’écoconception appelle des politiques efficaces pour encadrer les matériaux et la conception, la production et la distribution, le développement du marché, l’utilisation et la réutilisation, la collecte et le recyclage. À cette démarche doivent venir s’ajouter des possibilités accrues en matière de financement et des incitations à l’intention des producteurs locaux pour qu’ils réorientent les processus de production en direction de produits de qualité, durables et recyclables.

1.12.

Le futur système de responsabilité élargie des producteurs devrait encourager le recyclage des fibres textiles en boucle fermée plutôt que des processus faussement circulaires, et il doit aller de pair avec la création de points de collecte en nombre suffisant dans toutes les régions de tous les États membres, y compris dans les zones rurales.

1.13.

Le CESE préconise des campagnes nationales pour promouvoir les possibilités d’emploi dans le secteur textile, ainsi que des programmes de financement pour le perfectionnement et la reconversion de la main-d’œuvre, en même temps que la mise en œuvre de programmes de formation professionnelle et d’apprentissage.

1.14.

Le Comité demande que des règles sectorielles spécifiques et harmonisées en matière sociale et environnementale soient mises au point pour les marchés publics dans l’Union. Une commission tripartite européenne devrait être instituée, à laquelle participeraient les partenaires sociaux et des organisations de la société civile, pour le suivi et la défense de critères sociaux ou environnementaux qui s’appliqueraient aux pratiques d’achat dans le secteur du textile.

2.   Aspects liés à la compétitivité

2.1.

Le CESE prend note des ambitions affichées dans la communication de la Commission (1), mais il considère toutefois que ce document se borne à énoncer les mesures qui s’imposent ainsi que les interventions législatives, les engagements et les actes délégués qui suivront, et non des actions concrètes ciblant précisément ces objectifs pour le secteur textile en vue de les atteindre. Le Comité aurait été disposé à engager sur ces questions un dialogue plus approfondi, qu’il appelait vivement de ses vœux, mais il apprécie néanmoins que la thématique des textiles soit mise sur la table et considère par ailleurs que les 16 initiatives législatives dont la prochaine mise en place est annoncée devraient être cohérentes, réalistes et pragmatiques.

2.2.

L’écosystème du textile est extrêmement morcelé, et les caractéristiques propres à chacune de ses composantes appellent des mesures appropriées qui soient susceptibles d’être adaptées. Afin d’opérer comme il se doit une transition circulaire et numérique vers la durabilité, il doit être tenu compte de ces spécificités en adoptant une approche suffisamment progressive, sans chercher à habiller tous les acteurs d’un modèle «en taille unique». La guerre en Ukraine et l’augmentation des prix de l’énergie viennent encore davantage grever la productivité et les performances du secteur.

2.3.

La progression rapide des achats en ligne a créé un problème de compétitivité pour les entreprises textiles, et l’industrie se trouve en proie à des difficultés, surtout face aux grandes plateformes. Il convient d’être particulièrement attentif aux entreprises présentes dans plusieurs États membres et dans des pays tiers. Le CESE considère qu’une régulation des marchés numériques et un suivi supranational sont nécessaires et qu’il y aurait lieu d’offrir aux États membres une assistance complémentaire en matière de coopération transfrontière, de surveillance du marché, de contrôles effectifs et d’harmonisation des normes.

2.4.

La politique suivie en matière d’achats, la relation entre les marques et leurs différents sous-traitants, les volumes importants et les prix bas sont autant de facteurs qui favorisent les violations des droits de l’homme et des droits des travailleurs. L’influence prépondérante des marques au niveau des chaînes d’approvisionnement est un facteur susceptible de compromettre les efforts consentis par les fabricants pour respecter les droits des travailleurs, les droits de l’homme et les critères environnementaux. Le CESE demande que des mesures soient prises pour faire en sorte que règne un équilibre entre les acteurs dans les chaînes d’approvisionnement. En outre, le Comité recommande vivement que les particularités des PME soient dûment prises en compte dans la stratégie de l’Union pour les textiles et toutes les actions futures qui s’y rapporteront, et que toutes les mesures adoptées soient assorties en amont d’une analyse d’impact spécifique.

2.5.

Le CESE s’inquiète des pratiques de concurrence déloyales et préconise une surveillance de marché accrue à l’égard des produits importés, notamment en ce qui concerne les produits finaux originaires de pays tiers qui entrent sur le marché unique. Il est nécessaire d’améliorer la coordination et la coopération entre les autorités nationales chargées de faire appliquer les règles afin d’offrir aux consommateurs des produits sûrs et conformes.

2.6.

Le CESE fait observer que les exigences imposées au secteur textile en matière d’écoconception doivent tenir compte de la durabilité des produits et de leur aptitude à être recyclés, réparés et réutilisés, ainsi que des aspects sociaux et des restrictions relatives à l’emploi de substances chimiques, bien au-delà des considérations «traditionnelles» de l’ingénierie de conception. Le CESE relève la nécessité de trouver un équilibre entre les coûts liés à la fin de vie des produits que les fabricants de textiles devront supporter et la compétitivité de l’industrie.

2.7.

Les accords de libre-échange peuvent contribuer à promouvoir un travail décent, des chaînes d’approvisionnement équitables et le dialogue social au niveau sectoriel. Le Comité considère qu’il faut sans plus attendre renforcer les chapitres consacrés au commerce et au développement durable dans les accords de libre-échange existants et ceux à venir, et introduire des clauses relatives à la durabilité et à la protection des droits de l’homme au sein du système de préférences généralisées pour les pays en développement. Il conviendrait de recourir durant le processus de négociation, en y associant les partenaires sociaux et la société civile, à des analyses ex ante et ex post de l’impact du commerce sur les droits de l’homme et l’environnement, qui devraient couvrir pour l’entreprise concernée une période d’activité étendue.

2.8.

L’on devrait et l’on doit même associer et soutenir les entreprises de l’économie sociale et les ONG, qui peuvent apporter une contribution importante à la réalisation des objectifs environnementaux pour l’écosystème du textile. Compte tenu de la quantité de plastique utilisé pour produire les vêtements, le CESE considère que l’Union européenne devrait envisager d’imposer une taxe sur les fibres synthétiques vierges, afin de réduire l’utilisation des matières plastiques vierges. Il y aurait lieu de tenir compte, en outre, de l’implantation des sites industriels, des objectifs régionaux et géopolitiques et du développement rural dans le cadre des processus de réparation, de collecte des déchets, de tri et de recyclage.

3.   Durabilité, circularité et transition écologique

3.1.

Le CESE tient à souligner que, sans préjudice des modalités futures selon lesquelles l’écosystème du textile opérera sa transition vers un modèle plus résilient, durable et numérique, prolonger la durée de vie des produits offre en tout état de cause plus d’avantages que leur recyclage. Le Comité note aussi qu’il est nécessaire de créer un véritable marché des matières premières secondaires dans l’Union et considère que celle-ci peut devenir un champion mondial des matières textiles secondaires si les exigences en matière de recyclage sont respectées. Une contribution pourrait être obtenue en ce sens par l’intermédiaire de la plateforme des acteurs européens de l’économie circulaire (2).

3.2.

Le CESE est favorable à une obligation de traçabilité et de transparence accrues sur le volume des produits que les grandes entreprises mettent au rebut et détruisent. En outre, le Comité demande aux colégislateurs de soutenir l’idée d’habiliter la Commission pour qu’elle interdise la destruction des produits textiles invendus et encourage, en tant que de besoin, le don de produits textiles à des groupes désavantagés ou à des entités menant des œuvres caritatives.

3.3.

La pollution par les microplastiques que génère la conception des textiles telle qu’elle existe aujourd’hui a un impact significatif sur l’environnement. Le CESE souscrit à la conclusion de la Commission selon laquelle ce résultat est principalement imputable aux processus de production actuels, en particulier le phénomène de la «mode éphémère».

3.4.

Le CESE fait observer que les entreprises ont besoin qu’on les aide financièrement à adopter des technologies de tri automatisé pour les textiles à usage unique, et qu’elles ont besoin aussi que l’on développe de meilleures installations de recyclage, en prévoyant notamment la possibilité d’aménager des plateformes locales et régionales de recyclage et de tri. Qui plus est, il est essentiel que les acteurs de l’industrie se préoccupent de mettre en place des infrastructures, comme des magasins et des boutiques, pour réparer les vêtements. À cet égard, le CESE se félicite de l’initiative d’Euratex consistant à créer, à proximité des bassins européens du textile et de l’habillement, cinq plateformes de recyclage des produits textiles dénommées «ReHubs» pour collecter, trier, traiter et recycler les déchets textiles issus de l’industrie, de la «pré-consommation» et de la «post-consommation». Le Comité juge nécessaires des normes techniques, environnementales, sociales et énergétiques pour les produits recyclés, qui devraient être transposées et appliquées au niveau de l’ISO et intégrées dans les accords commerciaux internationaux.

3.5.

Le CESE s’inquiète de ce que les déchets textiles puissent être exportés comme des produits de seconde main et considère qu’il faut sur ce point agir sans attendre au niveau de l’Union. Des contrôles effectifs des substances chimiques doivent être mis en œuvre dans l’ensemble des chaînes de valeur. Par ailleurs, le CESE préconise l’avènement de bonnes pratiques en matière de durabilité au niveau mondial, en vertu desquelles les acheteurs et les propriétaires de marques seraient tenus de vérifier et d’exiger la conformité avec les normes techniques du CEN, du Cenelec et de l’ETSI.

3.6.

Le Comité considère que des règles sectorielles spécifiques et harmonisées en matière sociale et environnementale doivent être mises au point dans l’Union pour les marchés publics, afin de favoriser une participation transfrontière et des conditions de concurrence équitables, l’objectif final étant de disposer de systèmes obligatoires et harmonisés partout dans l’Union. Une commission tripartite européenne devrait être instituée, à laquelle participeraient les partenaires sociaux et des organisations de la société civile, pour le suivi et la défense de critères sociaux et environnementaux qui s’appliqueraient aux pratiques d’achat dans le secteur du textile.

4.   Consommateurs et numérisation

4.1.

Le CESE demande à la Commission de préparer une analyse d’impact sur de possibles améliorations à apporter à l’étiquetage des produits textiles fabriqués ou vendus sur le marché intérieur. Il convient de veiller à ce que les consommateurs aient accès de manière équitable à des informations sur un indice de réparabilité, sur la traçabilité et sur les éléments auxquels se rapporte l’étiquetage numérique. Le Comité considère que l’introduction d’exigences étendues en matière d’étiquetage concernant le degré de recyclage et l’empreinte des produits textiles pourrait représenter une incitation importante, pour les consommateurs, à choisir des produits textiles plus durables.

4.2.

Le CESE est d’avis qu’une vaste campagne d’information au niveau européen pourrait aider les citoyens à faire des choix durables et éclairés, tandis que des incitations devraient être prévues pour encourager les consommateurs à privilégier la qualité plutôt que la quantité, par exemple sous la forme de taux de TVA différents pour les produits offerts sur le marché intérieur selon qu’ils sont durables ou non.

4.3.

Des données partagées, transparentes et communes concernant les produits, les composants recyclés et réutilisés, la destruction des marchandises, les substances chimiques utilisées dans le procédé de production, l’impact de ce dernier en matière sociale et sur les travailleurs et l’impact environnemental de chaque entreprise dans la chaîne d’approvisionnement sont importantes pour assurer le suivi de ces chaînes. Par ailleurs, il est essentiel de créer un cadre de données ouvertes et d’en garantir le libre accès pour les consommateurs, la société civile et les partenaires sociaux afin d’améliorer la situation du secteur textile sur le plan environnemental et social. Le CESE estime à cet égard que les compétences numériques des consommateurs sont un élément à prendre en considération et que le contenu des données devrait cibler l’ensemble des parties prenantes de la chaîne d’approvisionnement. Le juste équilibre doit être trouvé entre la nécessité de disposer de données transparentes et la protection des droits de propriété industrielle.

4.4.

Le CESE trouve préoccupant que, à l’échelle mondiale, moins de 1 % des textiles soient recyclés pour en fabriquer de nouveaux (3), et il estime que le futur système de responsabilité élargie des producteurs devrait encourager le recyclage des fibres en boucle fermée plutôt que des processus faussement circulaires, à l’image, par exemple, de l’utilisation de polyester fabriqué à partir de bouteilles plastiques recyclées.

5.   Éducation et conditions de travail

5.1.

Le Comité relève que des détails plus fournis auraient pu être communiqués concernant les aspects sociaux dans le secteur textile, et que des initiatives supplémentaires auraient été les bienvenues. La transition écologique doit aller de pair avec une transition juste, et le Comité est déçu que n’aient pas été annoncées d’autres initiatives en rapport avec le dialogue social et la négociation collective.

5.2.

Une redistribution équitable de la valeur ajoutée au sein des chaînes d’approvisionnement et des produits plus responsables impliquent une consolidation de la négociation collective, une réduction des formes de travail atypiques et des contrôles appropriés des conditions de travail. Il existe un besoin pressant de travailleurs qualifiés en même temps que d’une transformation du secteur dans le sens d’une production durable et des technologies numériques. Par rapport aux années passées, les besoins du secteur évoluent vers une main-d’œuvre aux qualifications moyennes à élevées.

5.3.

Le secteur est confronté à un sérieux problème de vieillissement, et les emplois dans la filière textile ne sont pas jugés attractifs par la jeune génération. La plupart des travailleurs du secteur sont des femmes, ce qui accroît la pression sociale qui règne dans l’écosystème. Il convient de porter une attention particulière aux aspects relatifs à la ruralité, aux petits agriculteurs et au rôle qu’ils jouent dans les chaînes d’approvisionnement mondiales. Le Comité préconise des campagnes spécifiques dans tous les États membres pour promouvoir les possibilités d’emploi dans le secteur textile, ainsi que des programmes de financement pour le perfectionnement et la reconversion de la main-d’œuvre existante, en même temps que la mise en œuvre, là aussi dans tous les États membres, de programmes de formation professionnelle et d’apprentissage, afin de créer des emplois de qualité dans la filière textile. Les institutions financières devraient inclure dans les normes de performance qu’elles appliquent des critères sociaux, auxquels elles subordonneraient contractuellement l’octroi de financements.

5.4.

Les violations des droits des travailleurs et les conditions de travail (travail précaire, travailleurs pauvres, lacunes en matière de santé et de sécurité sur le lieu de travail, travail forcé) demeurent problématiques, tandis que différentes initiatives volontaires qui ont été menées (audits sociaux, accords mondiaux, codes de conduite) se sont révélées insuffisantes. Le CESE préconise la création de capacités et leur renforcement au sein des institutions chargées de l’inspection, la cohérence et la convergence des méthodes et critères d’inspection, la formation des inspecteurs ainsi que la coopération avec les partenaires sociaux et la société civile aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Union. Les investissements consentis pour renforcer les capacités opérationnelles des partenaires sociaux en matière de suivi des accords mondiaux, des droits fondamentaux et des droits des travailleurs revêtent une importance primordiale. Il est nécessaire de mettre intelligemment à contribution les fonds de cohésion pour réduire les disparités entre les États membres et entre les régions au sein de l’Union.

5.5.

Dans le contexte de chaînes de valeur très complexes et fragmentées, la voie à suivre pour avancer vers la durabilité et la justice sociale doit consister à entreprendre des démarches complémentaires. Des relations de pouvoir inégales et des pratiques déloyales de concurrence ont ouvert la voie à l’exploitation des travailleurs et à un modèle de production découplé des limites environnementales. Le CESE considère qu’un mécanisme de plainte, auquel serait associée la société civile organisée, est nécessaire au niveau européen et dans chaque État membre, afin d’assurer la bonne mise en œuvre de la stratégie et le respect des droits de l’homme et des droits des travailleurs, ainsi que des critères environnementaux, le but étant d’éviter l’exploitation humiliante des travailleurs.

5.6.

Le CESE salue la récente publication de la proposition de directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (4), considère qu’il est nécessaire d’imposer une obligation de vigilance à toutes les entreprises dans l’Union, moyennant un soutien spécifique aux PME pour les aider à se conformer aux règles, et préconise des mesures strictes pour interdire les relations économiques avec des entités qui ont recours au travail des enfants ou ne respectent pas des conditions de travail décentes au sens des conventions fondamentales de l’OIT. En outre, le Comité prend note des restrictions qui existent actuellement dans certains pays concernant les activités syndicales et estime qu’elles ont entraîné des accidents industriels, des conditions de travail dures et inhumaines, des salaires réduits à la simple subsistance, un manque d’équipements de protection de base, etc.

5.7.

La liberté d’association, le droit de constituer un syndicat ou d’y adhérer et celui de mener des négociations collectives ne devraient pas représenter des obstacles pour les travailleurs du textile. Les fonds européens qui sont investis dans le secteur textile au niveau de l’Union devraient prévoir l’inclusion de critères sociaux et environnementaux dans leur grille d’évaluation pour le financement de projets. Devant la spécificité du secteur textile, et afin d’y améliorer la sécurité sociale, les conditions de travail, la santé et la sécurité au travail et les salaires, le CESE plaide en faveur d’une initiative spéciale de l’UE qui serait strictement consacrée à cette industrie et à laquelle seraient associés les partenaires sociaux aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Union.

6.   Financements et investissements

6.1.

Le Comité estime que le renforcement de la compétitivité du secteur textile européen et la réduction de son empreinte carbone sont tributaires d’une politique intégrée et articulée en matière de produits, assortie d’une réglementation plus vigoureuse, d’instruments de marché et d’incitations, de nouvelles normes et d’informations appropriées pour les consommateurs, les fabricants et les autres parties prenantes. Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières peut réduire le risque de fuite de carbone et faire en sorte que l’empreinte environnementale soit pleinement prise en compte dans le prix des importations.

6.2.

La transition vers de nouveaux modèles économiques durables appelle des politiques efficaces pour encadrer les matériaux et la conception, la production et la distribution, le développement du marché, l’utilisation et la réutilisation, la collecte et le recyclage, et elle doit aller de pair avec des possibilités accrues en matière de financement et des incitations à l’intention des producteurs locaux pour qu’ils réorientent les processus de production, un travail de recherche sur de nouvelles technologies et leur mise en application, l’adoption de politiques tendant à une gestion durable des déchets et l’exploitation des vastes quantités de données qui sont disponibles, et enfin la promotion de la créativité culturelle. Le CESE reconnaît le rôle joué par les filières textiles créatives dans la mise au point de solutions innovantes qui ont un impact positif sur d’autres secteurs et contribuent à renforcer la compétitivité européenne.

6.3.

Les engagements pris dans le domaine du climat doivent s’appliquer au niveau de la chaîne d’approvisionnement, car les marques ne sont pas propriétaires des usines dans lesquelles les produits sont fabriqués. Des incitations devraient également être offertes aux entreprises qui sont neutres sur le plan climatique et consomment 100 % d’énergies renouvelables. Faire pleinement usage des fonds idoines au titre du dispositif NextGenerationEU peut contribuer à assurer des investissements stratégiques, la croissance économique ainsi que la création de richesses et d’emplois, en particulier pour les PME.

6.4.

L’industrie a besoin d’un cadre européen commun et d’un soutien financier pour fabriquer des produits de qualité, durables et recyclables. On peut y parvenir moyennant des investissements conséquents dans la recherche et le développement et des programmes européens de grande envergure pour financer et soutenir la collaboration entre grandes entreprises et PME, avec la participation directe des partenaires sociaux, de la communauté universitaire et d’autres parties prenantes.

6.5.

La mise en place du système de responsabilité élargie des producteurs doit aller de pair avec la création de points de collecte en nombre suffisant dans toutes les régions de tous les États membres, y compris dans les zones rurales. Le CESE préconise des mesures visant spécifiquement les PME afin de renforcer la capacité à garantir la traçabilité et la transparence au niveau de la chaîne d’approvisionnement et pour veiller à ce qu’un lien adéquat soit établi avec les fabricants, une attention particulière devant être portée aux petites et microentreprises.

Bruxelles, le 14 juillet 2022.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Stratégie de l’Union européenne pour des textiles durables et circulaires.

(2)  Plateforme des acteurs européens de l’économie circulaire.

(3)  Commission européenne — Stratégies pour les textiles.

(4)  Proposition de directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité et annexe.