Bruxelles, le 22.12.2021

SWD(2021) 579 final

DOCUMENT DE TRAVAIL DES SERVICES DE LA COMMISSION

RÉSUMÉ DU RAPPORT D'ANALYSE D'IMPACT

accompagnant le document:

Proposition de DIRECTIVE DU CONSEIL

établissant des règles pour empêcher l’utilisation abusive d’entités écrans à des fins fiscales et modifiant la directive 2011/16/UE

{COM(2021) 565 final} - {SEC(2021) 565 final} - {SWD(2021) 577 final} - {SWD(2021) 578 final}


Résumé de l’analyse d’impact

Analyse d’impact relative à une initiative visant à lutter contre l’utilisation d’entités et de constructions écrans à des fins fiscales - initiative «Unshell»

A. Nécessité d’une action

Quel est le problème et pourquoi se situe-t-il au niveau de l’UE?

Les principaux problèmes examinés par l’analyse d’impact sont l’évasion et la fraude fiscales engendrées par l’utilisation, par des sociétés et des particuliers, d’entités écrans à des fins fiscales. Les entités écrans peuvent être définies comme des sociétés et autres entités sans substance (elles n’ont pas de bureaux, de salariés, d’équipements, etc.), qui n’exercent aucune activité économique réelle, se limitant à l’accomplissement des tâches essentielles d’enregistrement et d’organisation. Les entités écrans peuvent prendre différentes formes en fonction de l’utilisation prévue.

Dans l’ensemble, les pertes fiscales dues à l’évasion fiscale des entreprises se chiffrent à des dizaines de milliards d’euros par an 1 . Il est particulièrement difficile d’estimer les pertes fiscales dues à l’utilisation d’entités écrans. Une première estimation approximative du phénomène laisse entendre que les pertes fiscales pourraient être de l’ordre de 23 milliards d’EUR par an. Il existe en outre des éléments ponctuels solides indiquant que divers acteurs économiques, y compris les grandes multinationales, continuent à recourir à des entités écrans pour réduire la charge fiscale de manière légale et parfois illégale.

Les trois principaux facteurs à l’origine du problème sont les suivants: a) l’absence de règles de l’UE définissant des exigences communes en matière de substance minimale à des fins fiscales dans l’UE; b) la communication insuffisante des informations nécessaires aux administrations fiscales pour appliquer efficacement les règles existantes en matière de lutte contre l’évasion et la fraude fiscales; c) la promotion des entités écrans par certains intermédiaires.

Quels sont les objectifs à atteindre?

L’initiative a pour objectif général de lutter contre l’évasion et la fraude fiscales par l’intermédiaire d’entités écrans et de contribuer ainsi au bon fonctionnement du marché intérieur.

Plus précisément, l’initiative vise à atteindre les trois objectifs suivants: premièrement, elle vise à mettre en place, au sein de l’UE, des règles communes permettant d’identifier les entités écrans susceptibles d’être utilisées à des fins d’évasion ou de fraude fiscales; deuxièmement, les États membres doivent être informés de l’existence des entités écrans identifiées comme telles dans un autre État membre; troisièmement, l’initiative vise à décourager le recours à des prestataires de services aux sociétés et fiscaux pour créer des entités écrans dans l’UE.

Quelle est la valeur ajoutée de l’action au niveau de l’UE (subsidiarité)?

Le problème de l’évasion ou de la fraude fiscales par l’intermédiaire d’entités écrans a généralement une dimension transfrontière. Les mêmes facteurs et les mêmes causes sous-jacentes sont à l’origine du phénomène, quel que soit l’État membre dans lequel il apparaît.

Au sein de l’Union, des approches nationales risquent d’entraîner des distorsions du marché intérieur et pourraient rendre certains États membres vulnérables à l’arbitrage réglementaire et fiscal, surtout si l’action nationale se traduit dans certains États membres par l’absence d’exigences de substance applicables aux entités écrans ou par l’imposition d’exigences plus souples qu’ailleurs. Il convient de noter que, comme le recours à des entités écrans est une pratique courante pour éroder la base d'imposition d’un État membre autre que celui dans lequel l’entité écran est située, certains États membres pourraient dès lors ne pas avoir de motif suffisant pour mettre en place des règles nationales solides.

Seul un cadre commun de l’UE peut permettre d’atteindre l’objectif consistant à lutter contre l’évasion et la fraude fiscales par l’intermédiaire d’entités écrans tout en préservant à la fois l’intégrité du marché intérieur et des conditions de concurrences égales entre les opérateurs économiques dans l’ensemble de l’Union.

B. Les solutions

Quelles sont les différentes options pour atteindre les objectifs Y a-t-il une option privilégiée? Si tel n’est pas le cas, pourquoi?

Le scénario de référence (option 0) correspond au statu quo: absence d’exigences de substance minimale applicables aux entités écrans et mise en œuvre des règles existantes au niveau national, international et de l’UE pour lutter contre l’évasion et la fraude fiscales. Cela inclut les mesures prises par le groupe «Code de conduite (fiscalité des entreprises)» pour résoudre le problème de la substance mais uniquement pour les régimes fiscaux préférentiels.

L’option 1 est une solution non contraignante. Elle instaurerait des exigences de substance minimale applicables aux entités écrans, qui ne seraient cependant pas contraignantes et n’auraient pas force exécutoire. L’option 1 pourrait prendre la forme d’une recommandation de la Commission ou d’une extension du mandat du groupe «Code de conduite (fiscalité des entreprises)» pour vérifier que les exigences de substance sont appliquées d’une manière générale dans les systèmes fiscaux des États membres.

L’option 2 correspond à la solution réglementaire de base, sur laquelle s’appuient les options 3 et 4. L’option 2 introduirait des exigences communes en matière de substance dans l’ensemble de l’UE, obligeant (certaines) entités et constructions juridiques - celles qui ne seraient pas exclues d’emblée et qui échapperaient à certains critères d’entrée - à démontrer à l’administration fiscale qu’elles exercent une activité économique substantielle dans leurs États membres de résidence fiscale. L’absence d’exigences de substance aurait des conséquences sur le plan fiscal (à savoir, la fin des avantages fiscaux accordés aux entités écrans au titre des directives de l’UE et/ou des conventions fiscales applicables).

L’option 3, qui viendrait compléter l’option 2, comprendrait la mise en place d’un mécanisme de coopération administrative et d’échange d’informations concernant les entités écrans. L’option 4 serait composée des mêmes éléments que l’option 3, auxquels s’ajoute une définition commune des sanctions en cas de non-respect de la réglementation par les entités écrans.

L’option 4 est l’option privilégiée. Elle comprend tous les éléments de l’option 2, l’échange d’informations entre les administrations fiscales prévu dans l’option 3 et les complète par un cadre commun de sanctions. L’option 4 devrait permettre d’atteindre au mieux les objectifs de l’initiative, avec un effet dissuasif des plus élevés sur les contribuables, tout en n’entraînant pas de coûts disproportionnés pour les entreprises et les autorités fiscales.

Quelles sont les positions des différentes parties prenantes? Qui soutient quelle option?

Dans l’ensemble, les participants à la consultation publique reconnaissent les problèmes actuels liés à l’évasion et la fraude fiscales, qui passent notamment par l’utilisation abusive d’entités écrans. Mais les propositions concernant la voie à suivre divergent. Alors que certains participants sont favorables à des mesures visant à lutter contre l’évasion et la fraude fiscales par l’intermédiaire d’entités écrans, d’autres estiment qu’une initiative législative de l’UE en ce sens pourrait être prématurée. Les États membres ont globalement fait preuve d’une ouverture constructive et, dans certains cas, ils ont manifesté un soutien explicite en faveur d’une initiative législative de l’UE visant à lutter contre l’utilisation d’entités écrans à de fins d’évasion ou de fraude fiscales.

C. Incidence de l'option privilégiée

Quels sont les avantages de l’option privilégiée (ou, à défaut, des options principales)?

L’option 4 prévoit une définition commune de la substance minimale, qui fait actuellement défaut dans le cadre anti-abus dans le domaine fiscal de l’UE.

Grâce à l’échange d’informations entre les autorités fiscales qu’elle prévoit, cette option complète l’échange d’informations actuel déjà en place au niveau de l’UE. Elle garantirait que les États membres, dont les bases d’imposition sont érodées par l’utilisation d’entités écrans enregistrées dans d’autres États membres, soient parfaitement informés de la situation.

Au moyen de sanctions communes, elle garantit le plus haut niveau de respect de la réglementation par les entités et l’égalité de traitement pour toutes les entités dans l’UE, indépendamment de leur lieu d’enregistrement. Par conséquent, l’effet positif potentiel sur la viabilité des finances publiques est le plus élevé de toutes les options envisagées et l’intervention de l’UE est considérée comme une contribution à l’amélioration du fonctionnement du marché intérieur en évitant sa fragmentation à l’aide des diverses possibilités de sanctions proposées.

Même si cette intervention ne réduisait l’évasion et la fraude fiscales que d’un montant très faible, les avantages devraient néanmoins l’emporter sur les coûts (principalement les coûts de conformité et administratifs) associés à cette initiative.

Quels sont les coûts de l’option privilégiée (ou, à défaut, des options principales)?

Les coûts de conformité pour les entités devraient être limités puisqu’il s’agirait d’informations que l’entité peut facilement obtenir, dans le cas des entités qui devront procéder à une autoévaluation et présenter une déclaration.

Les coûts supportés par l’administration fiscale se limitent à la mise en place d’une plateforme pour l’échange d’informations, l’évaluation des données déclarées et la gestion des sanctions. L’évaluation des données déclarées, pour déterminer s’il s’agit d’une entité écran ou non, est réalisée par l’administration fiscale, sur la base de l’autoévaluation effectuée par l’entité au regard de critères spécifiques.

L’ampleur des coûts liés à la gestion des sanctions dépendrait de la forme que prendrait la sanction. Pour une pénalité pécuniaire, les coûts devraient être limités aux coûts administratifs induits par l’infliction d’une amende et le suivi de son paiement.

Les coûts de mise en œuvre ne devraient pas être fondamentalement différents pour l’administration nationale entre les options 2, 3 et 4, puisque, en l’absence d’un cadre commun de sanctions, l’administration nationale devrait quand même appliquer certaines sanctions pour garantir le respect de la réglementation.

Quelles sont les incidences sur les PME et la compétitivité?

L’initiative vise à couvrir les entités qui n’ont pas de substance et sont constituées à des fins d’évasion ou de fraude fiscales 2 , et non les entreprises ayant des salariés et une activité économique réelle. Les critères qui donnent lieu à des obligations de déclaration auprès des autorités fiscales sont strictement limités aux sociétés présentant un risque d’évasion ou de fraude fiscales, qui ne devraient concerner qu’une part très réduite de la population qualifiée de PME. Les critères d’entrée devraient permettre d’exclure la grande majorité des PME (par exemple, pour entrer dans le champ d’application, une PME devrait générer la majeure partie de son chiffre d’affaires à partir de revenus passifs, être détenue principalement par des propriétaires étrangers et ne pas disposer des ressources nécessaires pour mener une activité économique réelle).

En ce qui concerne la compétitivité, l’initiative n’aurait d’incidence que sur les flux financiers qui ne sont pas liés à l’emploi ni à une activité économique réelle. À long terme, la limitation de l’utilisation d’entités sans substance pourrait avoir des effets (indirects) de second tour positifs, en stimulant les investissements productifs.

Y aura-t-il une incidence notable sur les budgets nationaux et les administrations nationales?

La principale incidence pour les budgets nationaux serait un gain fiscal, qu’il est difficile d’estimer. Au sein de l’UE, l’évasion fiscale engendrerait des pertes de recettes fiscales allant de 35 milliards d’EUR à 70 milliards d’EUR par an, selon les estimations.

Les pertes de recettes fiscales peuvent être considérées comme un manque à gagner qui pourrait autrement servir pour effectuer des investissements publics et fournir des biens publics. Ce manque à gagner est particulièrement malvenu à un moment où des ressources sont nécessaires pour stimuler la reprise après la pandémie de COVID-19.

Y aura-t-il d’autres incidences notables?

Non

Proportionnalité?

Les mesures n’iraient pas au-delà de la fixation de critères de substance minimale. Des mécanismes tels que des exceptions et des dérogations aux obligations de déclaration prévues par l’initiative auront pour effet que les entités et constructions présentant un risque faible de pratiques fiscales abusives ne relèveront pas de l’initiative. Par ailleurs, d’après l’analyse de la Commission, seul un nombre minime d’entités et de constructions dans l’UE devront procéder à une autoévaluation dans le cadre de l’initiative.

D. Suivi

Quand la législation sera-t-elle réexaminée?

Si l’option privilégiée était retenue, la politique ferait l’objet d’un suivi continu de deux manières principales. Premièrement, les États membres communiqueront des données sur la mise en œuvre des mesures stratégiques et répressives. Au moins une partie de ces données devraient être rendues publiques, dans un souci de transparence et de contrôle public dans les États membres. Deuxièmement, la Commission évaluera la mise en œuvre et l’application de l’initiative dans les différents États membres et établira un rapport à cet égard. Cette évaluation sera réalisée essentiellement sur la base des données transmises par les États membres.

Cinq ans après le début de la mise en œuvre de l’instrument, la Commission évaluera les résultats de la politique au regard de ses objectifs et de l’incidence globale sur les recettes fiscales, les entreprises et le marché intérieur.

(1)

Au sein de l’UE, l’évasion fiscale représenterait des pertes de recettes fiscales allant de 35 milliards d’EUR à 70 milliards d’EUR par an, selon les estimations. Source: Dover, R., Ferrett, B., Gravino, D., Jones, E., & Merler, S. (2015) Bringing transparency, coordination and convergence to corporate tax policies in the European Union, Service de recherche du Parlement européen, PE 558.773.

(2)

L’enquête OpenLux a révélé que plus de 1 000 entreprises sans salarié étaient enregistrées à la même adresse.