Strasbourg, le 14.12.2021

COM(2021) 890 final

2021/0427(COD)

Proposition de

RÈGLEMENT DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL

visant à faire face aux situations d’instrumentalisation dans le domaine de la migration et de l’asile


EXPOSÉ DES MOTIFS

1.CONTEXTE DE LA PROPOSITION

Justification et objectifs de la proposition

Réaction à l’instrumentalisation de migrants aux frontières extérieures de l’UE

Un phénomène très inquiétant observé est le rôle croissant d’acteurs étatiques dans la création artificielle et la facilitation de la migration irrégulière, qui utilisent les flux migratoires comme instrument à des fins politiques, pour déstabiliser l’Union européenne et ses États membres.

En réaction à l’instrumentalisation de personnes par le régime biélorusse, le Conseil européen, dans ses conclusions des 21 et 22 octobre 2021, a souligné que l’UE n’accepterait aucune tentative de pays tiers visant à instrumentaliser les migrants à des fins politiques. Les dirigeants se sont engagés à poursuivre la lutte contre l’attaque hybride en cours qui a été lancée par le régime biélorusse à la frontière avec l’UE. Ils ont également rappelé la nécessité d’assurer des retours effectifs et la mise en œuvre intégrale des accords et arrangements en matière de réadmission, en utilisant les leviers nécessaires. Ils ont déclaré que l’Union européenne restait déterminée à assurer un contrôle efficace de ses frontières extérieures. La Commission a été invitée à proposer tout changement nécessaire au cadre juridique de l’UE ainsi que des mesures concrètes s’appuyant sur un soutien financier adéquat afin d’assurer une réponse immédiate et appropriée, conformément au droit de l’UE et aux obligations internationales, y compris les droits fondamentaux.

Le 23 novembre 2021, la Commission, conjointement avec le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a adopté une communication 1 résumant les mesures prises pour gérer la situation immédiate, ainsi que d’autres mesures en cours pour créer une boîte à outils plus permanente afin de faire face aux futures tentatives de déstabilisation de l’UE par l’instrumentalisation de migrants. La Commission avait déjà évoqué ce phénomène dans le plan d’action renouvelé de l’UE contre le trafic de migrants (2021‑2025) 2 .

Le 1er décembre 2021, dans le cadre de ces mesures, la Commission a adopté une proposition de décision du Conseil fondée sur l’article 78, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après le «TFUE»), qui vise à soutenir la Lettonie, la Lituanie et la Pologne en prévoyant les mesures et le soutien opérationnel nécessaires pour gérer de manière ordonnée et digne, dans le strict respect des droits fondamentaux, l’arrivée de personnes instrumentalisées par la Biélorussie. Cette proposition complète les efforts financiers, opérationnels et diplomatiques accomplis par l’Union et ses États membres pour faire face à cette attaque hybride; elle comprend notamment des mesures restrictives à l’encontre du régime biélorusse, la fourniture d’un soutien matériel aux États membres concernés par l’intermédiaire du mécanisme de protection civile de l’Union, le déploiement d’agences de l’UE ou la mobilisation de fonds supplémentaires en appui à la Lettonie, à la Lituanie et à la Pologne.

À plus long terme, on ne peut exclure que d’autres tentent de commettre des attaques hybrides contre l’Union, qui englobent l’instrumentalisation de migrants. Il importe dès lors que l’Union et ses États membres soient entièrement équipés pour affronter toute instrumentalisation future de migrants et pour y réagir rapidement. Les éléments exposés dans la présente proposition, ainsi que les mesures figurant dans la modification du code frontières Schengen, font suite à l’invitation adressée par le Conseil européen à la Commission et ont pour objectif de fournir un cadre aux fins d’une telle réaction.

Lorsqu’ils sont confrontés à une situation d’instrumentalisation de migrants, les États membres devraient avoir la faculté d’agir à l’intérieur d’un cadre juridique conçu pour leur permettre de remédier à cette situation particulière et de garantir le respect des droits des personnes victimes de cette instrumentalisation. En conséquence, la Commission propose un nouvel instrument, parallèlement à ceux déjà proposés au titre du nouveau pacte sur la migration et l’asile, qui vise à remédier à la circonstance exceptionnelle que constitue l’instrumentalisation de migrants. La présente proposition s’appuie sur les solutions appliquées dans le cadre des mesures de soutien en faveur de la Lettonie, de la Lituanie et de la Pologne, afin de doter pleinement les États membres des outils juridiques nécessaires pour faire face à de futures situations d’instrumentalisation si celles-ci devaient se présenter. Cela permettrait de disposer d’un cadre stable et prêt à l’emploi pour parer à toute situation de ce type à l’avenir, et rendrait dès lors inutile le recours à des mesures ad hoc prévues par l’article 78, paragraphe 3, du TFUE, pour faire face aux situations d’instrumentalisation qui relèvent de la présente proposition.

La proposition de modification du code frontières Schengen 3 définit l’instrumentalisation des migrants comme une situation dans laquelle un pays tiers suscite des flux de migration irrégulière à destination de l’Union en encourageant activement ou en facilitant le déplacement de ressortissants de pays tiers vers les frontières extérieures, sur son propre territoire ou à partir de ce dernier et ensuite jusqu’à ces frontières extérieures, dans laquelle ces actions traduisent l’intention du pays tiers de déstabiliser l’Union ou un État membre, et dans laquelle la nature de ces actions est susceptible de mettre en péril les fonctions essentielles de l’État, y compris son intégrité territoriale, le maintien de l’ordre public ou la sauvegarde de sa sécurité nationale.

Accompagnant la proposition de modification du code frontières Schengen, la présente proposition porte sur la situation d’instrumentalisation du point de vue de la migration, de l’asile et du retour 4 . Elle a pour objectif d’aider l’État membre confronté à une situation d’instrumentalisation de migrants en instituant une procédure d’urgence spéciale pour la gestion de la migration et de l’asile et, si nécessaire, en prévoyant des mesures de soutien et de solidarité pour gérer de manière ordonnée, humaine et digne, dans le strict respect des droits fondamentaux, l’arrivée de personnes ayant été instrumentalisées par un pays tiers. Elle reproduit, dans une large mesure, l’éventail des possibilités offertes à la Lettonie, à la Lituanie et à la Pologne dans le cadre de la proposition de décision du Conseil relative à des mesures provisoires d’urgence en faveur de ces États membres 5 . On pourrait s’attendre à ce que, lorsque les mesures décrites seront justifiées, l’UE et d’autres États membres soutiennent également les États membres confrontés aux conséquences d’une situation d’instrumentalisation de migrants notamment grâce au soutien d’agences de l’UE, aux possibilités de financement de l’UE et au mécanisme de protection civile de l’Union.

Les options proposées complètent et renforcent les propositions présentées dans le cadre du nouveau pacte sur la migration et l’asile. En conséquence, les règles spéciales introduites dans la présente proposition de cadre permanent sont fondées sur les propositions de la Commission qui constituent la base de la future politique de l’UE en matière de migration et d’asile et devraient être cohérentes avec elles: premièrement, la proposition de règlement sur les procédures d’asile de 2016 6 , qui harmonise entièrement et définit l’ensemble des règles et garanties procédurales dans le domaine de l’asile, ainsi que sa proposition modifiée 7 adoptée en 2020, qui établit la nouvelle procédure d’asile à la frontière; deuxièmement, la proposition de refonte de la directive relative aux conditions d’accueil de 2016 8 , qui jette les bases de conditions matérielles d’accueil plus uniformes et qui crée des obligations supplémentaires pour les demandeurs d’une protection internationale afin d’empêcher les mouvements ultérieurs non autorisés; troisièmement, la proposition de refonte de la directive «retour» de 2018 9 , qui améliorera l’efficacité de la politique de l’UE en matière de retour; enfin, la proposition de règlement visant à faire face aux situations de crise et aux cas de force majeure 10 (ci-après la «proposition sur les situations de crise de 2020»), qui adapte les règles en matière d’asile et de retour ainsi que le mécanisme de solidarité pour aider les États membres à faire face aux situations de crise et aux cas de force majeure.

Les mesures figurant dans la proposition sur les situations de crise de 2020 n’ont pas été conçues pour permettre de faire face à des situations dans lesquelles l’intégrité et la sécurité de l’Union sont menacées en raison de l’instrumentalisation de migrants. Les règles spéciales en matière d’asile prévues dans la proposition sur les situations de crise de 2020 ont été conçues expressément pour les situations d’«afflux massif», dans lesquelles un État membre n’est pas en mesure de gérer le nombre élevé d’arrivées, et pour les cas de force majeure.

Bien que la présente proposition vise à remédier à la situation particulière que constitue l’instrumentalisation de migrants, elle s’inspire des règles prévues dans la proposition sur les situations de crise de 2020 pour concevoir des mesures spéciales adaptées qui permettent de réagir efficacement, conformément aux valeurs fondamentales de l’Union, aux actions hostiles du pays tiers. Ces règles visent à parer à cette situation particulière sans porter atteinte au droit d’asile ou au principe de non-refoulement, et assurent pleinement la protection des droits fondamentaux des personnes instrumentalisées. Les mesures figurant dans la proposition compléteront les mesures de contrôle aux frontières prises au titre du code frontières Schengen par des règles spéciales relatives aux procédures d’asile et de retour, en plus des mesures opérationnelles et de solidarité en faveur de l’État membre concerné.

Lorsque l’Union fait l’objet d’attaques, il importe qu’elle reconnaisse, au niveau du Conseil européen, que les actions menées par un pays tiers peuvent être considérées comme une instrumentalisation de migrants. Ces actions ne visent pas nécessairement un ou plusieurs États membres, mais l’Union dans son ensemble, et nécessitent donc un soutien collectif de la part de l’UE. En pareille situation, la présente proposition offre à l’État membre concerné la possibilité d’appliquer une procédure d’urgence spéciale pour la gestion de la migration et de l’asile, assortie de dispositions procédurales spéciales prévoyant des délais d’enregistrement plus longs et la possibilité de statuer à la frontière sur la recevabilité ou sur le fond de toutes les demandes, sauf lorsque des vulnérabilités spécifiques ne peuvent être prises en considération. Elle prévoit également des dispositions spéciales en matière de retour. L’État membre confronté à une instrumentalisation de migrants pourrait demander l’application de ces règles spéciales de manière individuelle ou cumulative, pour l’aider dans la gestion des circonstances extraordinaires. Toutefois, les conditions prévues pour l’application de chaque disposition doivent être remplies individuellement. En outre, il conviendrait d’assortir le filtrage des ressortissants de pays tiers ou des apatrides, effectué conformément aux règles énoncées dans la proposition de règlement sur le filtrage, de la possibilité de prolonger le délai de cinq jours de cinq jours supplémentaires, comme précisé dans ladite proposition 11 .

La proposition préserve le droit d’accès au territoire de l’UE aux fins d’une demande d’asile ainsi que le droit d’accès à la procédure de protection internationale proprement dite. En outre, les garanties applicables en vertu du droit de l’Union continuent de s’appliquer pour assurer la protection des personnes vulnérables, y compris des enfants. Ces mesures s’accompagnent d’une série de garanties supplémentaires. La proposition prévoit également la possibilité pour l’État membre concerné de solliciter des mesures de soutien et de solidarité, auxquels les autres États membres peuvent contribuer. En application de la présente proposition, le Conseil devrait autoriser, par voie de décision d’exécution, l’application de la procédure d’urgence pour la gestion de la migration et de l’asile par l’État membre confronté à une situation d’instrumentalisation de migrants.

(1)Procédure d’urgence pour la gestion de la migration et de l’asile aux frontières extérieures dans les situations d’instrumentalisation

La présente proposition établit une procédure d’urgence pour la gestion de la migration et de l’asile à l’égard des ressortissants de pays tiers et des apatrides qui sont appréhendés ou retrouvés à proximité de la frontière avec un pays tiers instrumentalisant des migrants après avoir franchi la frontière de manière irrégulière ou s’être présentés à un point de passage frontalier.

(a)La procédure d’urgence pour la gestion de l’asile

Les principales caractéristiques de cette procédure sont les suivantes:

·Possibilité pour l’État membre concerné d’enregistrer une demande d’asile et d’en permettre l’introduction effective uniquement à des points d’enregistrement précis situés à proximité de la frontière, y compris aux points de passage frontaliers désignés à cet effet

En vertu de la modification apportée au code frontières Schengen, l’État membre confronté à une situation d’instrumentalisation de migrants sera autorisé à restreindre les flux à la frontière en limitant le nombre de points de passage frontaliers ouverts en vue d’empêcher l’entrée irrégulière et de protéger sa sécurité nationale.

Afin de garantir une approche cohérente par rapport à ces mesures dans une situation d’instrumentalisation, la présente proposition garantit un accès réel et effectif à la procédure d’asile, conformément aux possibilités offertes par la proposition de règlement sur les procédures d’asile, qui permettent aux États membres de désigner des lieux précis pour l’enregistrement et l’introduction des demandes de protection internationale. Ces points d’enregistrement précis peuvent être situés à proximité de la frontière, ce qui peut également inclure les points de passage frontaliers désignés à cet effet.

·Possibilité de porter le délai d’enregistrement à quatre semaines au maximum

La présente proposition autorise, mais n’oblige pas, l’État membre confronté à une instrumentalisation de migrants à porter le délai d’enregistrement des demandes de protection internationale à quatre semaines au maximum en ce qui concerne les demandes d’asile de ressortissants de pays tiers ou d’apatrides qui sont appréhendés ou retrouvés à proximité de la frontière extérieure avec un pays tiers instrumentalisant des migrants après avoir franchi la frontière de manière irrégulière ou après s’être présentés à un point de passage frontalier. Cette souplesse peut être nécessaire pour aider l’État membre à réagir efficacement aux actions hostiles tout en lui permettant de gérer le nombre de dossiers inattendus, compte tenu de la nature et du caractère soudain de l’ingérence d’un pays tiers.

Lorsque des migrants sont instrumentalisés, sous l’effet de l’ingérence ou de l’intervention soudaine et imprévisible d’un pays tiers hostile, l’État membre confronté à cette situation peut avoir besoin de consacrer des ressources à la gestion de l’arrivée de ressortissants de pays tiers ou d’apatrides à ses frontières. En conséquence, l’État membre peut avoir besoin de temps pour réorganiser ses ressources et accroître ses capacités, notamment avec le soutien des agences de l’UE. Toutefois, si l’État membre confronté à une instrumentalisation de migrants utilise le délai d’enregistrement plus long, l’enregistrement des demandes de protection internationale est prioritaire chaque fois que le cas semble vraisemblablement fondé ou a été introduit par un mineur non accompagné ou par un mineur et des membres de sa famille.

·Possibilité d’appliquer la procédure d’asile à la frontière à toutes les demandes et possibilité d’en prolonger la durée

Les mesures devraient aider l’État membre confronté à une instrumentalisation de migrants à empêcher l’entrée de ceux qui ne remplissent pas les conditions d’entrée, tout en protégeant les droits fondamentaux. La possibilité d’examiner une demande à la frontière sans autoriser l’entrée sur le territoire conformément à l’article 41 de la proposition de règlement sur les procédures d’asile offre ce type de protection. Toutefois, à l’heure actuelle, ainsi qu’en vertu des règles figurant dans les propositions qui relèvent du nouveau pacte, la recevabilité et le bien-fondé des demandes ne peuvent être examinés dans le cadre d’une procédure à la frontière que dans un nombre limité de cas.

La présente proposition permet, dès lors, aux États membres d’appliquer la procédure d’urgence pour la gestion de l’asile afin de statuer sur la recevabilité et le fond de toutes les demandes, à l’exception des cas médicaux. Cette mesure limitera la possibilité pour le pays tiers hostile de tenter d’instrumentaliser certains ressortissants de pays tiers et certains apatrides auxquels la procédure à la frontière ne peut pas être appliquée. Lorsqu’une décision négative sera prise dans le cadre de la procédure d’urgence pour la gestion de l’asile, le demandeur aura droit à un recours effectif, mais le recours n’aura pas d’effet suspensif automatique, comme le prévoit l’article 54, paragraphe 3, de la proposition modifiée de règlement sur les procédures d’asile.

Comme prévu dans la proposition modifiée de règlement sur les procédures d’asile et comme il est explicitement indiqué dans la présente proposition, les règles et garanties du règlement sur les procédures d’asile s’appliqueraient pendant la procédure d’urgence pour la gestion de l’asile afin de garantir la protection des droits des personnes demandant une protection internationale tout en préservant le droit d’asile et le respect du principe de non-refoulement.

Par ailleurs, la proposition prévoit l’obligation d’accorder la priorité aux demandes fondées et aux demandes des mineurs non accompagnés, à celles des familles et de leurs enfants. Si, à l’issue du filtrage ou au cours de l’examen de la demande, il apparaît que la demande est susceptible d’être fondée ou si la demande a été introduite par un mineur et sa famille ou par un mineur non accompagné, il y a lieu d’accorder la priorité à cette demande conformément à l’article 33, paragraphe 5, de la proposition de règlement sur les procédures d’asile de 2016. En outre, l’État membre confronté à une instrumentalisation de migrants ne devrait pas appliquer la procédure d’urgence pour la gestion de l’asile aux cas médicaux, comme le prévoit l’article 41, paragraphe 9, point c), de la proposition modifiée de règlement sur les procédures d’asile de 2020.

La présente proposition prévoit également la possibilité de porter à seize semaines la durée de la procédure à la frontière, recours éventuel compris.

Compte tenu de la nature et du caractère soudain de l’action du pays tiers, la prolongation de la durée de la procédure d’urgence pour la gestion de l’asile devrait, tout comme la prolongation du délai d’enregistrement évoquée précédemment, être utile à l’État membre confronté aux conséquences de l’instrumentalisation de migrants. L’État membre concerné peut, en effet, avoir besoin de temps pour réorganiser ses ressources et accroître ses capacités, notamment avec le soutien des agences de l’UE. En outre, le nombre de dossiers à traiter dans le cadre de la procédure d’urgence pour la gestion de l’asile sera plus élevé que dans des circonstances normales, puisque tous les demandeurs pourront en principe y être soumis. Cette prolongation de la durée de la procédure aidera donc l’État membre à appliquer la fiction juridique de l’absence d’entrée pendant une période plus longue, en offrant davantage de souplesse pour faire face à l’augmentation de la charge de travail.

Conformément aux garanties prévues dans la proposition de règlement sur les procédures d’asile et dans la proposition de refonte de la directive relative aux conditions d’accueil, le placement en rétention des demandeurs devrait être une mesure de dernier recours, lorsque d’autres mesures suffisantes ou moins coercitives ne peuvent être appliquées dans un cas particulier. Dès lors, l’application de la procédure d’urgence pour la gestion de l’asile ne conduira pas systématiquement au placement en rétention des demandeurs.

(b)Conditions matérielles d’accueil

Lorsque des migrants sont instrumentalisés, il pourrait être difficile pour l’État membre de garantir le respect des normes concernant les conditions matérielles d’accueil, étant donné que les capacités administratives de l’État membre risquent d’être saturées du fait de la situation d’instrumentalisation. L’État membre doit gérer les flux normaux en plus des flux accrus résultant de l’instrumentalisation et réorganiser ses ressources afin de protéger son intégrité territoriale. L’État membre concerné doit cependant veiller à ce que toute action respecte les garanties humanitaires de base, telles que la fourniture de nourriture, d’eau, de vêtements, de soins médicaux adéquats, d’une assistance aux personnes vulnérables et d’abris temporaires aux ressortissants de pays tiers présents sur son territoire, comme l’a également énoncé la Cour européenne des droits de l’homme dans de récentes ordonnances de référé.

L’article 17, paragraphe 9, de la proposition de refonte de la directive relative aux conditions d’accueil permet à l’État membre, dans des cas dûment justifiés et à certaines conditions, de fixer, pour les conditions matérielles d’accueil, des modalités différentes de celles qui sont prévues dans ladite proposition, à condition que l’État membre assure l’accès aux soins médicaux conformément à l’article 18 et garantisse un niveau de vie digne à tous les demandeurs. La présente proposition étend la possibilité de définir des conditions matérielles d’accueil différentes dans une situation d’instrumentalisation de migrants, pour autant que les besoins fondamentaux soient couverts, y compris la fourniture d’un abri temporaire, de nourriture, d’eau, de vêtements, de soins médicaux adéquats et d’une assistance aux personnes vulnérables, dans le strict respect du droit à la dignité humaine. L’État membre concerné devrait garantir l’accès des organisations humanitaires et permettre à ces dernières de fournir une aide humanitaire, en fonction des besoins.

(c)La procédure d’urgence pour la gestion des retours

Dans une situation d’instrumentalisation de migrants, il est essentiel de doter l’État membre concerné des outils juridiques nécessaires pour assurer un prompt retour des personnes qui ne remplissent pas les conditions requises pour bénéficier d’une protection internationale. La proposition prévoit, dès lors, la possibilité de déroger à l’article 41 bis de la proposition de règlement sur les procédures d’asile ainsi qu’à l’application de la proposition de refonte de la directive «retour» à l’égard des ressortissants de pays tiers ou des apatrides dont la demande de protection internationale a été rejetée sur la base de la procédure d’urgence pour la gestion de l’asile. En ce qui concerne les ressortissants de pays tiers qui n’ont pas demandé de protection internationale, les États membres peuvent appliquer les dispositions de l’article 2, paragraphe 2, point a), de la proposition de refonte de la directive «retour». La dérogation prévue dans la présente proposition vise à mettre en place un mécanisme semblable à la dérogation prévue à l’article 2, paragraphe 2, point a), de la proposition de refonte de la directive «retour», comparable aux dispositions proposées en faveur de la Lettonie, de la Lituanie et de la Pologne. Elle prévoit également des garanties spéciales, notamment en ce qui concerne le respect du principe de non-refoulement, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant, de la vie familiale et de l’état de santé des ressortissants de pays tiers et des apatrides, ainsi qu’en ce qui concerne les limitations du recours à des mesures coercitives, le report de l’éloignement, les soins médicaux d’urgence, les besoins des personnes vulnérables et les conditions de rétention, tout en imposant le strict respect des droits fondamentaux des personnes concernées.

(2)Mesures de soutien et de solidarité

En ce qui concerne les mesures de soutien et de solidarité, la proposition introduit des mesures axées sur les besoins de l’État membre confronté à une instrumentalisation de migrants.

Une telle situation, dans laquelle l’Union est menacée, nécessite des solutions européennes et un soutien de la part de l’UE. Dès lors, il est nécessaire que tous les États membres réagissent rapidement et se rallient au soutien de l’État membre concerné.

Toutefois, ce type de situation nécessite une approche et une procédure différentes de celles qui figurent actuellement dans les instruments relevant du nouveau pacte. La proposition prévoit notamment la possibilité de recourir à toutes les mesures qui permettraient de lutter contre l’instrumentalisation de migrants. Les éventuelles mesures de soutien et de solidarité envisageables pourraient inclure des mesures de renforcement des capacités afin d’aider l’État membre concerné à faire face aux conséquences de l’instrumentalisation de migrants, un appui aux opérations de retour ou une aide aux actions de sensibilisation auprès des pays tiers dont proviennent les personnes instrumentalisées. L’État membre confronté à une instrumentalisation de migrants devrait définir ses besoins en matière de soutien et de solidarité et les communiquer à la Commission. Cette dernière inviterait ensuite les autres États membres à prendre des mesures en faveur de l’État membre concerné et elle coordonnerait ces mesures.

Étant donné que les effets des actions d’instrumentalisation pourraient facilement se propager (tel est peut-être même leur objectif) et toucher, de manière plus large, les États membres voisins et l’Union européenne, il est nécessaire de prévoir les moyens d’apporter un soutien au niveau de l’UE. Si l’État membre confronté à l’instrumentalisation de migrants sollicite le soutien des agences de l’UE, celles-ci devraient privilégier leur soutien opérationnel. Cela concernerait en particulier l’Agence de l’Union européenne pour l’asile (AUEA), qui peut concourir à l’enregistrement et au traitement des demandes, afin de permettre le filtrage des migrants vulnérables, soutenir la gestion, la conception et la mise en place de normes appropriées pour les structures d’accueil; cela concernerait également Frontex, pour le soutien aux activités de contrôle aux frontières, y compris le filtrage, et les opérations de retour, et Europol, qui peut fournir des renseignements. À l’instar du processus d’assistance opérationnelle prévu par la proposition de modification du code frontières Schengen, dans le domaine de l’asile, l’AUEA devrait également pouvoir, de sa propre initiative, offrir une assistance en vertu de l’article 16, paragraphe 1, point d), du règlement relatif à l’AUEA, tandis que Frontex et Europol pourraient, conformément à leurs mandats respectifs, apporter une assistance supplémentaire.

Ces mesures de soutien et de solidarité viendraient compléter d’autres mesures d’assistance devant être fournies à l’État membre confronté à l’instrumentalisation de migrants, qui pourraient être prises en dehors du cadre que la présente proposition entend créer, telles que des mesures prévues par l’article 25 bis du code des visas 12 ou des actions de politique étrangère (par exemple, des initiatives diplomatiques, des mesures restrictives, des mesures commerciales) ou un soutien financier, notamment au titre du Fonds «asile, migration et intégration» (FAMI) de l’Union européenne ou de l’instrument relatif à la gestion des frontières et aux visas (IGFV).

(3)Une procédure spéciale pour autoriser l’application de la procédure d’urgence pour la gestion de la migration et de l’asile

L’État membre qui est confronté à l’instrumentalisation de migrants et qui a l’intention d’appliquer la procédure d’urgence pour la gestion de la migration et de l’asile doit demander à la Commission l’autorisation d’appliquer les dérogations qu’il vise à utiliser et solliciter auprès d’elle d’éventuelles mesures de soutien et de solidarité. Sur la base des informations communiquées par l’État membre concerné, la Commission élaborera sans délai, s’il y a lieu, une proposition de décision d’exécution du Conseil énonçant les dérogations qui pourront être appliquées et dont la durée initiale ne devrait pas excéder six mois. La décision d’exécution du Conseil autorisera l’application des dérogations et précisera leur application dans le temps, y compris la date de leur prise d’effet et leur durée. La Commission devrait assurer un suivi et un réexamen constants de la situation, y compris de la proportionnalité des mesures, et proposer soit la prolongation de ces mesures, soit leur abrogation si la situation devait l’exiger.

Cohérence avec les dispositions existantes dans le domaine d’action

La présente proposition est en parfaite cohérence avec le nouveau pacte sur la migration et l’asile adopté en septembre 2020 par la Commission. Elle s’ajoute à la proposition sur les situations de crise et les cas de force majeure en tant que nouvel élément du cadre qui fournira des règles spéciales supplémentaires pour gérer la situation particulière que constitue l’instrumentalisation de migrants. Les règles spéciales introduites dans la présente proposition ont pour point de départ plusieurs projets législatifs présentés par la Commission: la proposition de règlement sur les procédures d’asile adoptée en 2016 et sa proposition modifiée adoptée en 2020, la proposition de refonte de la directive relative aux conditions d’accueil adoptée en 2016 ainsi que la proposition de refonte de la directive «retour» adoptée en 2018. La proposition est également cohérente avec la proposition de décision du Conseil relative à des mesures provisoires en faveur de la Lettonie, de la Lituanie et de la Pologne [COM(2021) 752] et elle en constitue le prolongement législatif.

Interactions avec l’article 78, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

L’établissement de règles spéciales dans une situation d’instrumentalisation est sans préjudice de la possibilité pour le Conseil d’adopter, sur proposition de la Commission, des mesures provisoires en faveur d’un État membre se trouvant dans une situation d’urgence telle que décrite à l’article 78, paragraphe 3, du TFUE.

Par la présente proposition, il s’agit de mettre l’Union en mesure de faire face à une situation particulière à laquelle elle a déjà été confrontée, et d’être prête à réagir à d’éventuelles situations similaires à l’avenir, ce qui lui permettrait d’agir rapidement en faveur de l’État membre confronté à une situation d’instrumentalisation de migrants. Il est nécessaire d’instituer un cadre permanent sur lequel l’Union puisse systématiquement s’appuyer et qui soit adapté à cette situation; ce cadre permettrait également de maintenir le caractère exceptionnel des mesures provisoires fondées sur l’article 78, paragraphe 3, du TFUE, et rendrait dès lors inutile le recours audit article pour faire face aux situations d’instrumentalisation qui relèvent de la présente proposition.

L’objectif de la présente proposition consiste à établir des règles spéciales pour aider un État membre, lorsqu’il est victime d’un pays tiers qui suscite des flux de migration irrégulière à destination de l’Union en encourageant activement ou en facilitant le déplacement de ressortissants de pays tiers vers les frontières extérieures, sur son propre territoire ou à partir de ce dernier et ensuite jusqu’à ces frontières extérieures, lorsque ces actions traduisent l’intention du pays tiers de déstabiliser l’Union ou un État membre, et lorsque la nature de ces actions est susceptible de mettre en péril les fonctions essentielles de l’État, y compris son intégrité territoriale, le maintien de l’ordre public ou la sauvegarde de sa sécurité nationale.

Cohérence avec les autres politiques de l’Union

La présente proposition est cohérente avec la nécessité de maintenir à un faible niveau la pression exercée par les arrivées irrégulières et de conserver des frontières extérieures solides, qui constituent des éléments importants de l’approche globale définie dans le nouveau pacte sur la migration et l’asile. Comme indiqué dans la communication conjointe 13 , la présente proposition s’inscrit dans les efforts déployés pour renforcer le cadre juridique de l’UE, dont relève la proposition de règlement «concernant des mesures contre les opérateurs de transport qui facilitent la traite des êtres humains ou le trafic de migrants en lien avec l’entrée irrégulière sur le territoire de l’Union européenne, ou qui se livrent à ces pratiques» 14 , que la Commission a présentée, afin que les États membres disposent de meilleurs outils pour protéger les frontières extérieures dans les situations d’instrumentalisation de migrants, tout en garantissant le plein respect des droits fondamentaux. Dans ce contexte, la présente proposition vient compléter le code frontières Schengen et la réforme de Schengen, dans le cadre de laquelle la Commission propose un cadre permanent pour faire face aux éventuelles situations d’instrumentalisation de migrants auxquelles l’Union pourrait encore être confrontée à l’avenir.

Elle vise également à réduire les mouvements ultérieurs de migrants en situation irrégulière et la pression exercée sur l’espace Schengen. La question du retour et de la réadmission prompts et effectifs des migrants instrumentalisés y est traitée de façon effective, conformément à l’approche globale de la gestion de la migration exposée dans le nouveau pacte sur la migration et l’asile. La proposition est également cohérente avec l’action extérieure de l’Union, qui peut prendre la forme de mesures restrictives de l’UE, et il convient d’y recourir parallèlement à cette action.

2.BASE JURIDIQUE, SUBSIDIARITÉ ET PROPORTIONNALITÉ

Base juridique

La présente proposition soutient l’État membre confronté à l’instrumentalisation de migrants. Elle contient une série de dispositions qui se rapportent à la proposition de règlement sur les procédures d’asile et à sa proposition modifiée, à la proposition de refonte de la directive relative aux conditions d’accueil et à la proposition de refonte de la directive «retour». Elle devrait, dès lors, être adoptée sur le fondement de la base juridique appropriée, à savoir l’article 78, paragraphe 2, points d) et f), et l’article 79, paragraphe 2, point c), du TFUE, conformément à la procédure législative ordinaire.

Géométrie variable

Deux considérants traitent de la géométrie variable quant à la question de la participation de l’Irlande et du Danemark au présent règlement.

Conformément au protocole nº 21 sur la position de l’Irlande à l’égard de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, annexé au traité sur l’Union européenne (TUE) et au TFUE, l’Irlande peut décider de participer à l’adoption et à l’application des mesures établissant un régime d’asile européen commun. À cet égard, l’Irlande a notifié son souhait de participer à l’adoption et à l’application de la directive 2005/85/CE et sa décision de ne pas participer à l’adoption de la directive 2013/32/UE. En conséquence, les dispositions de la directive 2005/85/CE s’appliquent à l’Irlande, tandis que les dispositions de la directive actuelle ne s’appliquent pas à elle. L’Irlande n’a pas notifié son souhait de participer à l’adoption du nouveau règlement sur les procédures d’asile, ce qui serait nécessaire pour que ce règlement produise des effets juridiques à son égard si elle décidait d’y participer, conformément au protocole nº 21.

Conformément au protocole nº 22 sur la position du Danemark, annexé au TUE et au TFUE, la directive 2005/85/CE et la directive 2013/32/UE ne lient pas le Danemark, et ce dernier n’est pas soumis à leur application. Le Danemark ne participe pas non plus à l’adoption du règlement proposé et n’est pas lié par celui-ci ni soumis à son application.

Subsidiarité (en cas de compétence non exclusive)

Le titre V du TFUE relatif à l’espace de liberté, de sécurité et de justice investit l’Union européenne de certaines compétences dans ces matières. Ces compétences doivent être exercées conformément à l’article 5 du TUE, c’est-à-dire si, et dans la mesure où, les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres et peuvent donc l’être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, au niveau de l’Union européenne.

Une situation dans laquelle un pays tiers suscite des flux de migration irrégulière à destination de l’Union, en encourageant activement ou en facilitant le déplacement de ressortissants de pays tiers vers les frontières extérieures, sur son propre territoire ou à partir de ce dernier et ensuite jusqu’à ces frontières extérieures, dans laquelle ces actions traduisent l’intention du pays tiers de déstabiliser l’Union ou un État membre, et dans laquelle la nature de ces actions est susceptible de mettre en péril les fonctions essentielles de l’État, y compris son intégrité territoriale, le maintien de l’ordre public ou la sauvegarde de sa sécurité nationale, devrait être considérée comme une attaque contre l’UE dans son ensemble, attaque qui nécessite, dès lors, des solutions et un soutien de la part de l’UE. Il est nécessaire de doter l’État membre confronté à une instrumentalisation de migrants des outils juridiques appropriés pour faire face efficacement à la situation et pour que tous les États membres réagissent rapidement et se rallient au soutien de l’État membre concerné.

Étant donné leur caractère transfrontière, la réalisation de ces objectifs nécessite une action au niveau de l’Union. De toute évidence, les mesures prises par les différents États membres ne sauraient répondre de manière satisfaisante à la nécessité pour l’UE d’adopter une approche commune d’un problème commun.

Cette approche commune ne peut pas être atteinte de manière suffisante par les États membres agissant isolément et peut, en raison des dimensions et des effets de la présente proposition de règlement, l’être mieux au niveau de l’Union. L’Union doit donc intervenir et peut adopter des mesures conformément au principe de subsidiarité énoncé à l’article 5, paragraphe 3, du TUE.

Proportionnalité

Conformément au principe de proportionnalité énoncé à l’article 5, paragraphe 4, du traité sur l’Union européenne, la présente proposition de règlement définit les conditions exactes dans lesquelles des règles spéciales de procédure d’asile peuvent être appliquées, de même que le champ et le délai d’application de ces règles ainsi que les garanties nécessaires.

Tous les éléments des mesures proposées pour faire face à la situation particulière que constitue l’instrumentalisation de migrants se limitent à ce qui est nécessaire pour que les États membres puissent gérer la situation de manière ordonnée et efficace tout en garantissant l’égalité de traitement pour ce qui est des droits et des garanties dont bénéficient les demandeurs. En ce sens, les dérogations aux règles énoncées dans la proposition de règlement sur les procédures d’asile de 2016, dans la proposition modifiée sur les procédures d’asile de 2020, dans la proposition de refonte de la directive relative aux conditions d’accueil et dans la proposition de refonte de la directive «retour» sont proportionnées, assorties d’une série de garanties qui établissent un équilibre entre, d’une part, les besoins immédiats de l’État membre confronté à l’instrumentalisation de migrants pour gérer cette situation et, d’autre part, le besoin de sécurité juridique et d’uniformité dans l’application des dérogations et des règles spéciales et la protection nécessaire des ressortissants de pays tiers instrumentalisés.

La proposition instaure des garanties pour l’application des dérogations et des règles spéciales. Compte tenu du caractère extraordinaire de la situation d’instrumentalisation de migrants, il est considéré comme proportionné d’appliquer la procédure d’urgence pour la gestion de l’asile à tous les demandeurs car cela contribuerait à éviter que des pays tiers ne ciblent certaines nationalités ou catégories de migrants, qui seraient exclues de la procédure à la frontière. Afin de permettre à l’État membre de faire face à l’augmentation du nombre de personnes placées sous la procédure d’urgence pour la gestion de l’asile, la durée maximale de la procédure à la frontière est portée à seize semaines. Cette durée est considérée comme suffisante pour permettre à l’État membre de disposer de la souplesse nécessaire pour traiter les demandes à proximité de la frontière ou à des points de passage frontaliers désignés sans pour autant autoriser les ressortissants de pays tiers et les apatrides à entrer sur le territoire. Les dérogations à la proposition de refonte de la directive relative aux conditions d’accueil sont proportionnées dans la situation d’instrumentalisation de migrants en raison des actions hostiles d’un pays tiers, étant donné que l’État membre pourrait ne pas être en mesure, dans la pratique, de garantir les conditions matérielles d’accueil normalement requises, puisque ses capacités pourraient être saturées. Les dérogations devraient être examinées dans le contexte des garanties et de la flexibilité offertes par la proposition modifiée de règlement sur les procédures d’asile de 2020, afin d’organiser les ressources et la capacité d’appliquer la procédure à la frontière. Si la dérogation est appliquée, l’État membre doit subvenir aux besoins fondamentaux du demandeur et assurer le strict respect de la dignité humaine.

Les dérogations spéciales à la proposition de refonte de la directive «retour» sont proportionnées pour assurer un prompt retour des personnes qui ne remplissent pas les conditions requises pour bénéficier d’une protection internationale, ce qui est essentiel dans une situation d’instrumentalisation de migrants pour empêcher de nouvelles arrivées. Un certain nombre de garanties sont mises en place pour protéger les droits fondamentaux des personnes faisant l’objet d’une procédure de retour, conformément à la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et aux obligations internationales.

Il est également proposé que la durée de ces mesures soit limitée dans le temps à ce qui est strictement nécessaire pour permettre aux États membres concernés de faire face à la situation d’instrumentalisation et, en tout état de cause, que ces mesures soient appliquées pour une durée initiale n’excédant pas six mois. À cette fin, après avoir reçu l’autorisation du Conseil, la Commission devrait assurer un suivi et un réexamen constants de la situation, y compris pour déterminer si les mesures que l’État membre a été autorisé à appliquer demeurent proportionnées.

Choix de l’instrument

Seul un règlement établissant des règles spéciales et prévoyant des dérogations aux procédures d’asile et de retour en vigueur dans l’Union, et dont les dispositions sont directement applicables, peut offrir le degré d’uniformité et d’efficacité nécessaire à l’application des règles de procédure de l’Union en matière d’asile dans une situation d’instrumentalisation de migrants.

3.RÉSULTATS DES ÉVALUATIONS EX POST, DES CONSULTATIONS DES PARTIES PRENANTES ET DES ANALYSES D’IMPACT

Consultations des parties intéressées

La proposition s’appuie sur les informations que les parties prenantes ont mises à disposition pendant le processus de consultation, depuis le début de l’été 2021.

Droits fondamentaux

La présente proposition respecte les droits fondamentaux et observe les principes reconnus, en particulier, par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ainsi que les obligations découlant du droit international, y compris un accès réel et effectif à la procédure d’asile et l’accès au territoire de l’Union aux fins de la présentation d’une demande de protection internationale. À cette fin, l’État membre confronté à une situation d’instrumentalisation devrait veiller à ce qu’il existe suffisamment de points d’enregistrement, y compris des points de passage frontaliers, ouverts et facilement accessibles. Ainsi qu’il est expliqué ci-dessous, la procédure d’urgence pour la gestion de la migration et de l’asile prévue dans la présente proposition respecte les droits fondamentaux consacrés par la charte, notamment le droit à la dignité humaine (article 1er), l’interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (article 4), le droit à la liberté et à la sûreté (article 6), le droit au respect de la vie privée et familiale (article 7), le droit à la protection des données à caractère personnel (article 8), le droit d’asile (article 18), l’interdiction de l’expulsion collective et la protection contre le refoulement (article 19, paragraphes 1 et 2), le droit à la non-discrimination (article 21), le principe d’égalité entre femmes et hommes (article 23), les droits de l’enfant (article 24) ainsi que le droit à un recours effectif (article 47). En outre, la Commission considère comme nécessaire que les États membres respectent la liberté d’expression, la liberté des médias et la liberté d’association des organisations de la société civile.

En ce qui concerne l’application de la procédure d’urgence pour la gestion de la migration et de l’asile, les principes et garanties prévus par les propositions relevant du nouveau pacte restent applicables aux demandeurs soumis à cette procédure. En outre, la proposition prévoit l’obligation d’accorder la priorité aux demandes fondées, à l’issue de la procédure de filtrage ou chaque fois que les besoins de protection deviennent manifestes, conformément à la proposition de règlement sur les procédures d’asile de 2016, ainsi qu’aux demandes des mineurs non accompagnés, des familles et de leurs enfants. Il est dans l’intérêt de ces demandeurs qu’il soit statué aussi rapidement que possible sur leur demande d’asile. Les garanties accordées aux personnes ayant des besoins procéduraux particuliers conformément à l’article 41, paragraphe 9, point b), de la proposition modifiée de règlement sur les procédures d’asile de 2020 continuent également de s’appliquer. De même, la proposition garantit le droit à un recours effectif et garantit que les juridictions ont le pouvoir de décider si le demandeur peut rester ou non sur le territoire de l’État membre dans l’attente d’une décision relative à un recours et moyennant les garanties nécessaires permettant à un demandeur de présenter une telle requête devant une juridiction.

La présente proposition respecte pleinement les droits de l’enfant et les besoins particuliers des personnes vulnérables. Les garanties prévues pour les enfants et les personnes vulnérables dans la proposition de refonte de la directive relatives aux conditions d’accueil doivent être une considération primordiale pour les autorités compétentes, y compris en cas de placement en rétention. Lorsqu’il fixe les différentes modalités des conditions d’accueil, le cadre prévu par la présente proposition respecte, à tout moment et en toutes circonstances, les garanties visant à préserver la dignité humaine.

Le droit à la liberté et à la libre circulation est protégé étant donné que, s’il est recouru au placement en rétention dans le cadre de la procédure d’urgence pour la gestion de la migration et de l’asile, ce placement en rétention ne peut être effectué que dans un cadre strictement réglementé et pour une durée limitée. Conformément à l’article 7 de la proposition de refonte de la directive relative aux conditions d’accueil, l’État membre peut restreindre la liberté de circulation d’un demandeur afin de traiter la demande de ce dernier dans le cadre de la procédure à la frontière. Conformément à la proposition de refonte de la directive relative aux conditions d’accueil, les États membres ne peuvent placer une personne en rétention au seul motif qu’elle est un demandeur. L’article 8 de cette proposition définit les motifs et les conditions de rétention, à la suite d’une évaluation individualisée et lorsque d’autres mesures moins restrictives ne peuvent être appliquées, qui permettent aux États membres de placer en rétention un demandeur de protection internationale afin de statuer, dans le cadre d’une procédure, sur le droit de ce demandeur d’entrer sur le territoire. L’article 8 dispose également que les États membres ne peuvent placer un demandeur en rétention que si d’autres mesures moins coercitives – telles que des restrictions à la liberté de circulation au titre de l’article 7 – ne peuvent pas être efficacement appliquées.

Le principe de non-refoulement consacré à l’article 33 de la convention de 1951 relative au statut des réfugiés et à l’article 19 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne est également respecté lorsque des dérogations à la proposition de refonte de la directive «retour» sont appliquées. Dès lors, il est explicitement rappelé dans la proposition que les États membres ont l’obligation de toujours respecter ce principe dans l’exécution de leur obligation de contrôler les frontières. Le respect du principe de non-refoulement comprend la réalisation d’une évaluation visant à déterminer s’il n’existe pas de risque de persécution, de torture ou de traitement inhumain ou dégradant, ni de risque de refoulement en chaîne.

4.INCIDENCE BUDGÉTAIRE

En raison de la nature de la présente proposition, liée à une situation d’instrumentalisation de migrants, il n’est pas possible d’estimer a priori l’incidence budgétaire possible. Tous les coûts découlant de la mise en œuvre de la présente proposition seront couverts par le budget des instruments de financement existants de l’UE pour la période 2021‑2027 dans le domaine de la migration et de l’asile. Dans les cas où cela s’avérerait exceptionnellement nécessaire, les mécanismes de flexibilité prévus par le cadre financier pluriannuel actuel au titre du règlement (UE, Euratom) 2020/2093 du Conseil 15 pourraient être utilisés.

En ce qui concerne les aspects procéduraux en matière d’asile, la présente proposition n’entraîne pas de charge financière et administrative pour l’Union. Elle n’a dès lors, pour ces aspects, aucune incidence sur le budget de l’Union.

5.AUTRES ÉLÉMENTS

Plans de mise en œuvre et modalités de suivi, d’évaluation et d’information

La Commission utilisera les rapports établis dans le cadre du «Migration Blueprint Network» (réseau de préparation et de gestion des crises en matière de migration) comme outil de suivi de la situation et formulera, au besoin, des recommandations concernant la prolongation ou l’arrêt des mesures.

Explication détaillée des différentes dispositions de la proposition

Objet de la proposition visant à faire face aux situations d’instrumentalisation de migrants

L’article 1er définit l’objet du règlement visant à faire face aux situations d’instrumentalisation de migrants dans le domaine de la migration et de l’asile au sein de l’UE.

Procédure d’urgence pour la gestion de l’asile dans une situation d’instrumentalisation

L’article 2 introduit les règles spéciales auxquelles les États membres peuvent recourir dans une situation d’instrumentalisation de migrants dans le cadre d’une procédure d’urgence pour la gestion de l’asile.

L’article 2, paragraphe 1, point a), dispose que l’État membre confronté à une situation d’instrumentalisation de migrants peut porter le délai d’enregistrement des demandes de protection internationale à quatre semaines pour les ressortissants de pays tiers ou les apatrides qui sont appréhendés ou retrouvés à proximité de la frontière extérieure avec le pays tiers instrumentalisant des migrants, après avoir franchi la frontière de manière irrégulière ou après s’être présentés à un point de passage frontalier. La priorité devrait être accordée à l’enregistrement des demandes susceptibles d’être fondées et des demandes introduites par des mineurs non accompagnés ou par des mineurs et leur famille.

L’article 2, paragraphe 1, point b), prévoit la possibilité pour l’État membre confronté à une situation d’instrumentalisation de migrants d’étendre le champ d’application de la procédure d’asile à la frontière à tous les demandeurs, en n’excluant aucune catégorie de demandeurs [à l’exception des cas médicaux tels que visés à l’article 41, paragraphe 9, point c), du règlement modifié sur les procédures d’asile]. L’article 2, paragraphe 1, point b), précise également que lorsqu’il apparaît, après le filtrage ou au cours de l’examen dans le cadre de la procédure à la frontière, que la demande est susceptible d’être fondée ou que la demande est introduite par un mineur et sa famille ou un mineur non accompagné, il y a lieu d’examiner cette demande en priorité.

L’article 2, paragraphe 1, point c), autorise les États membres à appliquer la procédure à la frontière prévue par le règlement modifié sur les procédures d’asile pendant une période de seize semaines (y compris les recours éventuels), au terme de laquelle la personne devrait être autorisée à entrer sur le territoire, sauf lorsqu’elle fait l’objet d’une procédure de retour.

Lors de l’application de ces dérogations, les garanties prévues par le règlement sur les procédures d’asile continuent de s’appliquer.

Conditions matérielles d’accueil

L’article 3 autorise l’État membre à fixer, pour les conditions matérielles d’accueil, des modalités différentes de celles prévues dans la refonte de la directive relative aux conditions d’accueil, pour autant que l’État membre garantisse la couverture des besoins fondamentaux du demandeur et le strict respect de la dignité humaine.

Procédure d’urgence pour la gestion des retours dans une situation d’instrumentalisation

L’article 4 prévoit la possibilité pour les États membres de déroger à l’article 41 bis du règlement sur les procédures d’asile et à l’application de la refonte de la directive «retour» en ce qui concerne les ressortissants de pays tiers ou les apatrides dont la demande de protection internationale a été rejetée sur la base de la procédure d’urgence à la frontière pour la gestion de l’asile, conformément à l’article 2, paragraphe 1, points b) et c). La dérogation vise à mettre en place un mécanisme similaire à la dérogation prévue à l’article 2, paragraphe 2, point a), de la refonte de la directive «retour». La proposition prévoit les garanties nécessaires concernant l’obligation de respecter le principe de non-refoulement et de tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, de la vie familiale et de l’état de santé des ressortissants de pays tiers ou des apatrides, ainsi que concernant les limitations du recours aux mesures coercitives, le report de l’éloignement, les soins médicaux d’urgence, les besoins des personnes vulnérables et les conditions de rétention, tout en imposant le strict respect des droits fondamentaux des personnes concernées.

Fourniture de mesures de soutien et de solidarité dans une situation d’instrumentalisation

L’article 5 prévoit la possibilité pour un État membre de solliciter des mesures de soutien et de solidarité des autres États membres. Ces mesures devraient comprendre toutes les mesures susceptibles de remédier à la situation d’instrumentalisation de migrants, telles que des mesures de renforcement des capacités, des mesures de soutien au retour par la coopération avec des pays tiers ou des actions de sensibilisation auprès des pays tiers dont les ressortissants sont instrumentalisés. L’État membre concerné devrait adresser à la Commission une demande tendant à obtenir des mesures de soutien et de solidarité des autres États membres.

La Commission invitera les autres États membres à prendre des mesures en faveur de l’État membre confronté à une situation d’instrumentalisation afin de répondre aux besoins de cet État membre, et elle coordonnera ces mesures dès que possible après réception de la demande. En outre, en ce qui concerne le soutien opérationnel, un État membre confronté à une situation d’instrumentalisation peut solliciter l’appui de l’Agence de l’Union européenne pour l’asile 16 , de l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes ou d’Europol, conformément à leurs mandats respectifs.

Garanties spéciales

L’article 6 prévoit des garanties spéciales. Afin de garantir l’accès à la procédure d’asile, l’État membre confronté à une instrumentalisation de migrants devra dûment informer les ressortissants de pays tiers ou les apatrides, dans une langue qu’ils comprennent ou dont on peut raisonnablement supposer qu’ils la comprennent, des mesures appliquées, des points accessibles pour l’enregistrement et l’introduction d’une demande de protection internationale, en particulier du point le plus proche où ils peuvent introduire une demande de protection internationale, de la possibilité de contester la décision prise sur la demande et de la durée des mesures. En outre, l’État membre confronté à une instrumentalisation de migrants ne devrait pas appliquer les articles 2, 3 et 4 au-delà de la durée strictement nécessaire pour faire face à cette situation, ni au-delà de la période fixée dans la décision d’exécution du Conseil.

Procédure d’autorisation

L’article 7 établit la procédure d’autorisation des dérogations. La Commission doit présenter une proposition de décision d’exécution du Conseil, qui devrait être adoptée par le Conseil et qui définit les dérogations à appliquer. Il y a lieu de fixer, dans la décision d’exécution du Conseil, la date du début de l’application des dérogations, leur durée et l’application temporaire de la décision. Les dérogations devraient être appliquées pendant une période n’excédant pas six mois. La Commission doit assurer un suivi et un réexamen constants de la situation et, sur cette base, proposer, selon le cas, d’abroger la décision d’exécution du Conseil autorisant l’application des dérogations spéciales ou d’adopter une nouvelle décision d’exécution du Conseil autorisant la prolongation de l’application des dérogations.

Coopération et réexamen

L’article 8 prévoit que la Commission, les agences de l’Union européenne et les États membres coopèrent étroitement et s’informent régulièrement de la mise en œuvre des mesures mentionnées à l’article 7 de la présente proposition. Les États membres doivent également communiquer des données pertinentes, y compris des statistiques, par l’intermédiaire du réseau soutenant le mécanisme de préparation et de gestion des crises de l’Union.

Les agences des Nations unies et les autres organisations partenaires concernées devraient avoir un accès effectif à la frontière, aux conditions énoncées dans la refonte de la directive relative aux conditions d’accueil et le règlement sur les procédures d’asile. Le Haut‑Commissariat des Nations unies pour les réfugiés devrait être autorisé à avoir accès aux demandeurs, y compris ceux qui se trouvent à la frontière. L’État membre confronté à une instrumentalisation de migrants devrait travailler en étroite coopération avec les agences des Nations unies et les organisations partenaires concernées.

2021/0427 (COD)

Proposition de

RÈGLEMENT DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL

visant à faire face aux situations d’instrumentalisation dans le domaine de la migration et de l’asile

LE PARLEMENT EUROPÉEN ET LE CONSEIL DE L’UNION EUROPÉENNE,

vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment son article 78, paragraphe 2, points d) et f), et son article 79, paragraphe 2, point c),

vu la proposition de la Commission européenne,

après transmission du projet d’acte législatif aux parlements nationaux,

vu l’avis du Comité économique et social européen 17 ,

vu l’avis du Comité des régions 18 ,

statuant conformément à la procédure législative ordinaire,

considérant ce qui suit:

(1)Une situation d’instrumentalisation de migrants peut survenir lorsqu’un pays tiers suscite des flux de migration irrégulière à destination de l’Union, en encourageant activement ou en facilitant le déplacement de ressortissants de pays tiers vers les frontières extérieures, sur son propre territoire ou à partir de ce dernier et ensuite jusqu’à ces frontières extérieures, lorsque ces actions traduisent l’intention du pays tiers de déstabiliser l’Union ou un État membre, et lorsque la nature de ces actions est susceptible de mettre en péril les fonctions essentielles de l’État, y compris son intégrité territoriale, le maintien de l’ordre public ou la sauvegarde de sa sécurité nationale.

(2)Le présent règlement fait suite à l’invitation faite à la Commission par le Conseil européen, dans ses conclusions du 22 octobre 2021, de proposer tout changement nécessaire au cadre juridique de l’Union ainsi que des mesures concrètes afin d’assurer une réponse immédiate et appropriée à la menace hybride, conformément au droit de l’Union et aux obligations internationales. En outre, il contribue à la mise en place d’un cadre global et permanent pour doter les États membres concernés des outils nécessaires pour réagir efficacement et rapidement à une situation d’instrumentalisation dans le strict respect des droits fondamentaux et des obligations internationales.

(3)L’un de ces outils dans le présent règlement est l’introduction d’une procédure d’urgence pour la gestion de la migration et de l’asile conférant aux États membres la possibilité de recourir à des instruments juridiques pour faire face à de futures situations d’instrumentalisation de migrants.

(4)Le présent règlement respecte les droits fondamentaux et observe les principes reconnus par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en particulier ses articles 1er, 4, 7, 24, 18, et son article 19, paragraphes 2 et 2, ainsi que la convention de Genève du 28 juillet 1951. Afin de traduire, en particulier, la considération primordiale qui doit être accordée à l’intérêt supérieur de l’enfant et la nécessité de respecter la vie familiale, et afin d’assurer la protection de la santé des personnes concernées, le présent règlement prévoit des règles et des garanties spéciales qui s’appliquent aux mineurs non accompagnés ainsi qu’aux mineurs et aux membres de leur famille, de même qu’aux demandeurs dont l’état de santé nécessite un soutien particulier et adapté. Les règles et garanties prévues dans le règlement (UE) XXX/XXX 19 [règlement sur les procédures d’asile] devraient continuer à s’appliquer aux personnes soumises à la procédure d’urgence pour la gestion de l’asile, sauf disposition contraire du présent règlement. Les règles énoncées dans la directive XXX/XXX [refonte de la directive relative aux conditions d’accueil] 20 , y compris celles concernant le placement en rétention des demandeurs d’une protection internationale, devraient continuer à s’appliquer dès l’introduction d’une demande de protection internationale, sauf disposition contraire du présent règlement.

(5)Afin d’aider l’État membre confronté à une situation d’instrumentalisation à gérer les flux de manière ordonnée, conformément à la procédure d’urgence pour la gestion de l’asile, celui-ci devrait pouvoir décider, dans le cas de ressortissants de pays tiers ou d’apatrides qui sont appréhendés ou retrouvés à proximité de la frontière extérieure avec le pays tiers instrumentalisant les migrants après avoir franchi la frontière de manière irrégulière ou après s’être présentés à un point de passage frontalier, d’enregistrer les demandes de protection internationale uniquement à des points d’enregistrement précis désignés à cet effet et situés à proximité de la frontière, et d’offrir la possibilité réelle d’introduire une demande de protection internationale uniquement aux points précis qui ont été désignés à cet effet et qui devraient être faciles d’accès. Un accès effectif et réel à la procédure de protection internationale doit être garanti conformément à l’article 18 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et à la convention de Genève du 28 juillet 1951. À cet effet, l’État membre concerné devrait veiller à désigner et à ouvrir suffisamment de points d’enregistrement, qui peuvent inclure des points de passage frontaliers. Les demandeurs devraient être dûment informés des lieux dans lesquels leur demande peut être enregistrée et introduite.

(6)Dans une situation d’instrumentalisation de migrants, il est essentiel d’empêcher l’entrée de ceux qui ne remplissent pas les conditions d’entrée, tout en garantissant la protection des droits fondamentaux. Afin de garantir que l’État membre confronté à une telle situation dispose de la flexibilité nécessaire et d’éviter qu’un pays tiers hostile ne vise certaines nationalités ou catégories de ressortissants de pays tiers ou d’apatrides, la procédure d’urgence pour la gestion de la migration et de l’asile définie dans le présent règlement devrait permettre à l’État membre concerné de se prononcer dans le cadre de la procédure à la frontière, conformément à l’article 41 du règlement (UE) XXX/XXX [règlement sur les procédures d’asile], sur la recevabilité et le bien-fondé de toutes les demandes de protection internationale présentées par des ressortissants de pays tiers ou des apatrides qui sont appréhendés ou retrouvés à proximité de la frontière avec le pays tiers, après avoir franchi la frontière de manière irrégulière ou après s’être présentés à un point de passage frontalier. Les principes et garanties prévus dans le règlement (UE) XXX/XXX [règlement sur les procédures d’asile] doivent être respectés.

(7)Lors de l’application de la procédure d’urgence pour la gestion de l’asile, l’intérêt supérieur de l’enfant et les garanties relatives aux demandeurs atteints de pathologies devraient constituer une considération primordiale pour les autorités compétentes. Pour cette raison, l’État membre confronté à une situation d’instrumentalisation devrait exclure de la procédure d’urgence pour la gestion de l’asile les cas où il existe des raisons médicales de ne pas appliquer la procédure à la frontière conformément à l’article 41, paragraphe 9, point c), du règlement (UE) XXX/XXX [règlement sur les procédures d’asile]. Cela devrait également être le cas si des problèmes de santé sont découverts au cours de l’examen de la demande. L’État membre concerné devrait également examiner en priorité les demandes des personnes dont les demandes sont susceptibles d’être fondées ou les demandes introduites par des mineurs et des membres de leur famille, ainsi que par des mineurs non accompagnés. Si, au cours du filtrage au titre du règlement (UE) XXX/XXX [règlement sur le filtrage] 21 ou de l’examen de la demande, il apparaît qu’un demandeur a besoin de garanties procédurales spéciales et qu’un soutien adéquat ne peut être fourni dans le cadre de la procédure à la frontière, conformément à l’article 41, paragraphe 9, point b), du règlement (UE) XXX/XXX [règlement sur les procédures d’asile], l’État membre concerné ne devrait pas appliquer, ou devrait cesser d’appliquer, la procédure d’urgence à la frontière pour la gestion de l’asile.

(8)Conformément à l’article 8, paragraphe 3, point d), de la directive XXX/XXX [directive relative aux conditions d’accueil], un demandeur peut être placé en rétention pour qu’il soit statué, dans le cadre d’une procédure, sur son droit d’entrer sur le territoire. L’article 8, paragraphe 2, de ladite directive prévoit également que les États membres ne peuvent placer un demandeur en rétention que si d’autres mesures moins coercitives — telles que des restrictions à la libre circulation au titre de l’article 7 — ne peuvent pas être appliquées efficacement. Les règles et garanties relatives à la rétention prévues dans la directive XXX/XXX [refonte de la directive relative aux conditions d’accueil], en particulier celles qui concernent les mineurs non accompagnés, les mineurs et leur famille, devraient être respectées. Les solutions de substitution à la rétention, telles que les restrictions à la liberté de circulation conformément à l’article 7 de la directive XXX/XXX [refonte de la directive relative aux conditions d’accueil], peuvent être aussi efficaces que la rétention dans une situation d’instrumentalisation de migrants et devraient, dès lors, être envisagées par les autorités, en particulier pour les mineurs. En tout état de cause, si la rétention est appliquée et si les garanties et les conditions de rétention ne sont pas remplies ou ne peuvent être remplies à la frontière, la procédure d’urgence pour la gestion de l’asile ne devrait pas s’appliquer ou devrait cesser de s’appliquer, comme le prévoit l’article 41, paragraphe 9, point d), du règlement (UE) XXX/XXX [règlement sur les procédures d’asile].

(9)Dans une situation d’instrumentalisation de migrants, l’État membre concerné devrait avoir la possibilité de porter le délai d’enregistrement des demandes de protection internationale à quatre semaines. En outre, il devrait être possible d’examiner les demandes de protection internationale à la frontière pendant une durée maximale de seize semaines. Si la décision relative à la demande, y compris une décision sur un éventuel recours contre une décision négative, qui ne devrait pas avoir d’effet suspensif automatique, n’est pas prise dans les seize semaines, l’entrée sur le territoire devrait être autorisée, à moins que la personne fasse l’objet d’une procédure de retour. Ces délais de procédure sont conçus pour aider l’État membre concerné à faire face à la situation d’instrumentalisation de migrants. Confronté à une telle situation, l’État membre concerné doit affecter des ressources à la gestion des ressortissants de pays tiers qui arrivent à ses frontières ou qui sont déjà présents sur son territoire. En conséquence, en pareilles situations, l’État membre concerné peut avoir besoin de temps pour réorganiser ses ressources et accroître ses capacités, notamment avec le soutien des agences de l’UE. En outre, le nombre de demandeurs dans le cadre de la procédure à la frontière sera plus élevé que dans des circonstances normales, de sorte que l’État membre confronté à une situation d’instrumentalisation pourrait avoir besoin de plus de temps pour pouvoir prendre des décisions sans permettre l’entrée sur le territoire. Toutefois, l’État membre concerné devrait enregistrer en priorité les demandes fondées et les demandes introduites par des mineurs non accompagnés ou par des mineurs et des membres de leur famille.

(10)Tout acte de violence à la frontière doit être évité à tout prix, non seulement afin de protéger l’intégrité territoriale et la sécurité de l’État membre confronté à une situation d’instrumentalisation, mais aussi afin d’assurer la sécurité et la sûreté des ressortissants de pays tiers ou des apatrides, y compris des familles et des enfants, qui attendent pacifiquement la possibilité de demander l’asile dans l’Union. Lorsque l’État membre concerné est confronté, à sa frontière extérieure, à des actes de violence, y compris lorsque des ressortissants de pays tiers tentent, en masse, de forcer l’entrée par des moyens violents disproportionnés, l’État membre concerné devrait pouvoir prendre les mesures nécessaires, conformément à son droit national, pour préserver la sécurité et l’ordre public, ainsi que pour garantir l’application effective du présent règlement.

(11)Lorsqu’un État membre est confronté à un afflux de ressortissants de pays tiers ou d’apatrides à la frontière en raison d’une instrumentalisation, il risque de ne pas être en mesure, dans la pratique, de garantir les conditions matérielles d’accueil normalement requises, puisque ses capacités peuvent être saturées. C’est pourquoi, dans une situation d’instrumentalisation, l’État membre concerné devrait pouvoir fixer, pour les conditions matérielles d’accueil, des modalités qui diffèrent de celles prévues par la directive XXX/XXX [refonte de la directive relative aux conditions d’accueil] dans des cas autres que ceux visés à l’article 17, paragraphe 9, de ladite directive, tout en fournissant aux ressortissants de pays tiers et aux apatrides des abris temporaires qui devraient être adaptés aux conditions météorologiques saisonnières et en couvrant leurs besoins fondamentaux, notamment par la fourniture de nourriture, d’eau, de vêtements, de soins médicaux adéquats et d’une assistance aux personnes vulnérables, dans le strict respect du droit à la dignité humaine. Sans préjudice des obligations imposées à cet égard aux États membres par le présent règlement, les États membres devraient également garantir l’accès à une aide humanitaire et permettre la fourniture d’une aide humanitaire par les organisations humanitaires en fonction des besoins existants des personnes concernées.

(12)Afin de compléter la procédure d’urgence à la frontière pour la gestion de l’asile et d’assurer une parfaite cohérence avec elle, les autorités compétentes de l’État membre confronté à une situation d’instrumentalisation de migrants devraient disposer de la flexibilité nécessaire pour mener à bien les procédures de retour, après l’application d’une procédure d’urgence pour la gestion de l’asile. C’est pourquoi, dans une situation d’instrumentalisation, l’État membre concerné devrait être autorisé à déroger à l’application de la directive XXX/XXX [refonte de la directive «retour»] 22 à l’égard des ressortissants de pays tiers et des apatrides dont la demande de protection internationale a été rejetée dans le cadre d’une procédure d’urgence pour la gestion de l’asile telle que définie dans le présent règlement. Lorsqu’une demande ultérieure est présentée uniquement dans le but de retarder ou d’empêcher le retour, il est possible pour les États membres d’appliquer les règles énoncées aux articles 42 et 43 du règlement (UE) XXX/XXX [règlement sur les procédures d’asile]. Les règles énoncées dans le présent règlement sont sans préjudice de la possibilité pour les États membres de déroger à l’application de la directive XXX/XXX [refonte de la directive «retour»], au titre de l’article 2, paragraphe 2, point a), de ladite directive, à l’égard des ressortissants de pays tiers ou des apatrides en séjour irrégulier qui ont été appréhendés après avoir franchi de manière irrégulière, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière extérieure d’un État membre et qui n’ont pas obtenu par la suite l’autorisation ou le droit de séjourner dans ledit État membre.

(13)Lorsqu’il déroge ainsi à l’application de la directive XXX/XXX [refonte de la directive «retour»], l’État membre concerné doit veiller au strict respect de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et de ses obligations internationales. Cela implique qu’il doit strictement respecter le principe de non-refoulement et prendre dûment en considération l’intérêt supérieur de l’enfant, la vie familiale et l’état de santé du ressortissant de pays tiers concerné, conformément aux dispositions de la directive «retour» relatives aux dérogations. L’État membre doit également veiller à ce que le traitement et le niveau de protection en ce qui concerne les limitations à l’utilisation de mesures coercitives, le report de l’éloignement, les soins médicaux d’urgence, les besoins des personnes vulnérables et les conditions de rétention ne soient pas moins favorables que ceux énoncés dans la directive XXX/XXX [refonte de la directive «retour»].

(14)Lorsqu’un État membre applique une ou plusieurs des mesures prévues par le présent règlement, il devrait en informer les ressortissants de pays tiers et les apatrides. En particulier, l’État membre confronté à une situation d’instrumentalisation devrait informer les ressortissants de pays tiers ou les apatrides, dans une langue qu’ils comprennent ou dont on peut raisonnablement supposer qu’ils la comprennent, des dérogations appliquées, des points accessibles pour l’enregistrement et l’introduction d’une demande de protection internationale, en particulier du point le plus proche où ils peuvent enregistrer et introduire une demande de protection internationale, de la possibilité de contester la décision prise sur la demande et de la durée des mesures.

(15)En cas d’instrumentalisation de migrants, l’État membre confronté à cette situation d’instrumentalisation devrait avoir la possibilité de solliciter des autres États membres les mesures de soutien et de solidarité les plus adaptées à ses besoins pour gérer la situation d’instrumentalisation. Les mesures de soutien et de solidarité pourraient prendre toutes les formes pour faire face à la situation d’instrumentalisation, y compris les mesures de renforcement des capacités, le soutien au retour et le soutien à la dimension extérieure de la crise, ainsi que les mesures visant à faire face à la situation d’instrumentalisation par la coopération avec des pays tiers ou des actions de sensibilisation auprès des pays tiers dont les ressortissants sont instrumentalisés.

(16)Les autres États membres qui ne sont pas eux-mêmes confrontés à une situation d’instrumentalisation devraient être invités à contribuer en faveur d’un État membre confronté à une situation d’instrumentalisation au moyen de mesures de soutien et de solidarité répondant aux besoins recensés. La Commission devrait coordonner ces mesures de soutien et de solidarité dès que possible après réception de la demande de l’État membre confronté à une situation d’instrumentalisation.

(17)Un État membre confronté à une situation d’instrumentalisation de migrants peut solliciter le soutien de l’Agence de l’Union européenne pour l’asile, de l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes ou d’Europol, conformément à leurs mandats respectifs. S’il y a lieu, l’Agence de l’Union européenne pour l’asile peut proposer une assistance de sa propre initiative, conformément à l’article 16, paragraphe 1, point d), du règlement XXX/XXX [règlement AUEA], tandis que l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes peut proposer une assistance dans le domaine du retour, conformément aux articles 48, 50, 52 et 53 du règlement (UE) 2019/1896, en accord avec l’État membre concerné, et Europol peut proposer une assistance conformément à l’article 6, paragraphe 1, du règlement (UE) 2016/794.

(18)Si l’État membre concerné demande l’application des dérogations pertinentes prévues par le présent règlement, et compte tenu de la reconnaissance ou non par le Conseil européen que l’Union ou un ou plusieurs de ses États membres sont confrontés à une situation d’instrumentalisation de migrants, la Commission devrait, le cas échéant, présenter une proposition autorisant un État membre à appliquer les règles dérogatoires prévues par le présent règlement. Afin d’assurer un niveau élevé de contrôle et de soutien politiques et de renforcer l’expression de la solidarité de l’Union à l’égard de l’État membre confronté à une instrumentalisation de migrants, il y a lieu de conférer des compétences d’exécution au Conseil. Par conséquent, la décision d’exécution autorisant les États membres à appliquer des règles dérogatoires devrait être adoptée par le Conseil.

(19)La décision d’exécution du Conseil devrait prévoir l’autorisation des dérogations spéciales que l’État membre confronté à une situation d’instrumentalisation de migrants pourrait appliquer et devrait fixer la date à partir de laquelle ces dérogations devraient s’appliquer, ainsi que leur durée.

(20)Afin d’aider l’État membre concerné à fournir l’assistance nécessaire aux ressortissants de pays tiers relevant du champ d’application du présent règlement, y compris en encourageant les activités de retour volontaire ou en remplissant leurs devoirs humanitaires, les agences des Nations unies et d’autres organisations partenaires concernées, en particulier l’Organisation internationale pour les migrations et la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, devraient avoir un accès effectif à la frontière aux conditions prévues par la directive (UE) XXX/XXX [refonte de la directive relative aux conditions d’accueil] et le règlement (UE) XXX/XXX [règlement sur les procédures d’asile]. Conformément au règlement (UE) XXX/XXX [règlement sur les procédures d’asile], le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés devrait être autorisé à avoir accès aux demandeurs, y compris ceux qui se trouvent à la frontière. À cette fin, l’État membre concerné devrait travailler en étroite coopération avec les agences des Nations unies et les organisations partenaires concernées.

(21)[Conformément aux articles 1er et 2 du protocole nº 21 sur la position du RoyaumeUni et de l’Irlande à l’égard de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, annexé au TUE et au TFUE, et sans préjudice de l’article 4 dudit protocole, l’Irlande ne participe pas à l’adoption du présent règlement et n’est pas liée par celui-ci ni soumise à son application.]

OU

[Conformément à l’article 3 du protocole nº 21 sur la position du Royaume-Uni et de l’Irlande à l’égard de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, annexé au TUE et au TFUE, l’Irlande a notifié (par lettre du…) son souhait de participer à l’adoption et à l’application du présent règlement.]

(22)Conformément aux articles 1er et 2 du protocole nº 22 sur la position du Danemark annexé au TUE et au TFUE, le Danemark ne participe pas à l’adoption du présent règlement et n’est pas lié par celui-ci ni soumis à son application,

ONT ARRÊTÉ LE PRÉSENT RÈGLEMENT:

CHAPITRE I

Dispositions générales

Article premier

Objet

Le présent règlement prévoit des règles spéciales, dérogeant à celles énoncées dans le règlement (UE) XXX/XXX [règlement sur les procédures d’asile], la directive (UE) XXX/XXX [refonte de la directive relative aux conditions d’accueil] et la directive (UE) XXX/XXX [refonte de la directive «retour»], qui peuvent être appliquées par un État membre dans une situation d’instrumentalisation de migrants telle que définie à [l’article 2, paragraphe 27] du code frontières Schengen lorsque cela est nécessaire pour faire face à une telle situation. Il prévoit également des règles spéciales concernant les mesures de soutien et de solidarité qui peuvent être prises dans une telle situation.

CHAPITRE II

Procédure d’urgence pour la gestion de la migration et de l’asile dans une situation d’instrumentalisation de migrants

Article 2

Procédure d’urgence pour la gestion de la migration et de l’asile dans une situation d’instrumentalisation de migrants

1.Dans une situation d’instrumentalisation de migrants telle que visée à l’article 1er, l’État membre confronté à l’arrivée de ressortissants de pays tiers ou d’apatrides à sa frontière extérieure en conséquence d’une telle situation peut appliquer, à l’égard des ressortissants de pays tiers ou des apatrides qui sont appréhendés ou retrouvés à proximité de la frontière extérieure avec le pays tiers instrumentalisant des migrants après avoir franchi la frontière de manière irrégulière ou après s’être présentés à un point de passage frontalier, une ou plusieurs des dérogations suivantes, conformément à la procédure prévue à l’article 6:

(a)par dérogation à l’article 27 du règlement (UE) XXX/XXX [règlement sur les procédures d’asile], l’État membre concerné enregistre, dans un délai de quatre semaines à compter de leur introduction, les demandes de protection internationale qui sont introduites au cours de la période d’application du présent point.

Lorsqu’il applique cette dérogation, l’État membre concerné enregistre en priorité les demandes susceptibles d’être fondées et les demandes introduites par des mineurs non accompagnés ou par des mineurs et des membres de leur famille;

(b)par dérogation à l’article 41, paragraphe 2, points a) et b), et à l’article 41, paragraphe 5, du règlement (UE) XXX/XXX [règlement modifié sur les procédures d’asile], l’État membre concerné décide, à ses frontières ou dans ses zones de transit, de la recevabilité et du bien-fondé de toutes les demandes enregistrées au cours de la période d’application du présent point.

Lorsqu’il applique cette dérogation, l’État membre concerné examine en priorité les demandes de protection internationale susceptibles d’être fondées et les demandes introduites par des mineurs non accompagnés ou par des mineurs et des membres de leur famille;

(c)par dérogation à l’article 41, paragraphe 11, du règlement (UE) XXX/XXX [règlement sur les procédures d’asile], la durée maximale de la procédure d’urgence pour la gestion de l’asile aux fins de l’examen des demandes enregistrées au cours de la période d’application du présent point est de seize semaines. À l’issue de cette période, pour autant qu’il ne fasse pas l’objet de la procédure de retour conformément à l’article 4, le demandeur est autorisé à entrer sur le territoire de l’État membre en vue de l’achèvement de la procédure de protection internationale.

2.Lors de l’application du présent article, les principes et garanties prévus dans le règlement (UE) XXX/XXX [règlement sur les procédures d’asile] s’appliquent.

Article 3

Conditions matérielles d’accueil

Par dérogation à la directive XXX/XXX [refonte de la directive relative aux conditions d’accueil], et conformément à la procédure prévue à l’article 6, l’État membre confronté à l’arrivée de ressortissants de pays tiers ou d’apatrides à sa frontière extérieure en conséquence d’une situation d’instrumentalisation de migrants peut fixer temporairement, pour les conditions matérielles d’accueil, des modalités différentes de celles prévues aux articles 16 et 17 de ladite directive en ce qui concerne les demandeurs qui sont appréhendés ou retrouvés à proximité de la frontière avec le pays tiers instrumentalisant des migrants après avoir franchi la frontière de manière irrégulière ou après s’être présentés à un point de passage frontalier, et qui font l’objet des mesures prévues à l’article 2 du présent règlement, à la condition que cet État membre couvre les besoins fondamentaux des demandeurs, notamment par la fourniture de nourriture, d’eau, de vêtements, de soins médicaux adéquats et d’abris temporaires adaptés aux conditions météorologiques saisonnières, dans le strict respect du droit à la dignité humaine.

Article 4

Procédure d’urgence pour la gestion des retours dans une situation d’instrumentalisation de migrants

Dans une situation d’instrumentalisation de migrants, et conformément à la procédure prévue à l’article 6, l’État membre confronté à l’arrivée de ressortissants de pays tiers ou d’apatrides à sa frontière extérieure en conséquence d’une situation d’instrumentalisation de migrants peut, à l’égard de ressortissants de pays tiers ou d’apatrides qui ne remplissent pas les conditions d’entrée et dont les demandes ont été rejetées dans le cadre de la procédure d’urgence à la frontière pour la gestion de l’asile, conformément à l’article 2, paragraphe 1, points b) et c), et qui n’ont pas le droit de rester et ne sont pas autorisés à rester, décider de ne pas appliquer l’article 41 bis du règlement (UE) XXX/XXX [règlement sur les procédures d’asile] et la directive XXX/XXX [refonte de la directive «retour»]. Lorsqu’il recourt à cette dérogation, l’État membre concerné:

(b)respecte le principe de non-refoulement et prend dûment en considération l’intérêt supérieur de l’enfant, la vie familiale et l’état de santé du ressortissant de pays tiers concerné, conformément à l’article 5 de la directive XXX/XXX [refonte de la directive «retour»];

(c)veille à ce que le traitement et le niveau de protection qui leur sont accordés ne soient pas moins favorables que ceux prévus à l’article 10, paragraphes 4 et 5 (limitations du recours aux mesures coercitives), à l’article 11, paragraphe 2, point a) (report de l’éloignement), à l’article 17, paragraphe 1, points b) et d) (soins médicaux d’urgence et prise en considération des besoins des personnes vulnérables), ainsi qu’aux articles 19 et 20 (conditions de rétention et rétention des mineurs et des familles) de la directive XXX/XXX [refonte de la directive «retour»].

Article 5

Mesures de soutien et de solidarité

3.Lorsqu’un État membre est confronté à une situation d’instrumentalisation de migrants, il peut solliciter des mesures de soutien et de solidarité des autres États membres afin de gérer cette situation. Les contributions de soutien et de solidarité en faveur d’un État membre confronté à une situation d’instrumentalisation de migrants peuvent comprendre les types de contributions suivants:

(a)les mesures de renforcement des capacités dans le domaine de l’asile, de l’accueil et du retour;

(b)le soutien opérationnel dans le domaine de l’asile, de l’accueil et du retour;

(c)les mesures visant à faire face à la situation d’instrumentalisation, y compris des mesures spéciales visant à soutenir le retour, par la coopération avec des pays tiers ou des actions de sensibilisation auprès des pays tiers dont les ressortissants sont instrumentalisés; ou

(d)toute autre mesure jugée appropriée pour remédier à la situation d’instrumentalisation et soutenir l’État membre concerné.

4.L’État membre confronté à une situation d’instrumentalisation adresse à la Commission une demande tendant à obtenir des contributions de soutien et de solidarité des autres États membres et précisant les mesures de solidarité sollicitées.

5.Sans préjudice des dispositions en matière de solidarité du règlement (UE) XXX/XXX [règlement sur les crises et les cas de force majeure], la Commission, dès que possible après réception de la demande de mesures de soutien et de solidarité visée au paragraphe 2, invite les autres États membres à apporter une contribution sous la forme des mesures de soutien et de solidarité visées au paragraphe 1 qui correspondent aux besoins de l’État membre confronté à une situation d’instrumentalisation. La Commission coordonne les mesures de soutien et de solidarité visées au présent article.

6.Un État membre confronté à une situation d’instrumentalisation de migrants peut solliciter le soutien de l’Agence de l’Union européenne pour l’asile, de l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes ou d’Europol, conformément à leurs mandats respectifs. S’il y a lieu, l’Agence de l’Union européenne pour l’asile peut proposer une assistance de sa propre initiative conformément à l’article 16, paragraphe 1, point d), du règlement XXX/XXX [règlement AUEA]. L’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes peut proposer à l’État membre concerné une assistance dans le domaine du retour, conformément aux articles 48, 50, 52 et 53 du règlement (UE) 2019/1896. Europol peut proposer une assistance dans le domaine de la coopération des services répressifs conformément à l’article 6, paragraphe 1, du règlement (UE) 2016/794.

Article 6

Garanties spéciales

7.Lorsqu’il applique les dérogations prévues aux articles 2, 3 et 4, l’État membre concerné informe dûment les ressortissants de pays tiers ou les apatrides, dans une langue qu’ils comprennent ou dont on peut raisonnablement supposer qu’ils la comprennent, des mesures appliquées, de la localisation des points d’enregistrement, y compris les points de passage frontaliers, accessibles pour l’enregistrement et l’introduction d’une demande de protection internationale, et de la durée des mesures.

8.L’État membre confronté à une situation d’instrumentalisation de migrants n’applique pas les articles 2, 3 et 4 au-delà de la durée strictement nécessaire pour faire face à ladite situation ni, en tout état de cause, au-delà de la période fixée dans la décision d’exécution du Conseil visée à l’article 7, paragraphe 4.

CHAPITRE III

Règles de procédure

Article 7

Procédure d’autorisation

9.Un État membre confronté à l’arrivée à sa frontière extérieure de ressortissants de pays tiers ou d’apatrides en conséquence d’une situation d’instrumentalisation de migrants peut demander l’autorisation d’appliquer les dérogations prévues aux articles 2, 3 et 4.

10.Lorsqu’elle le juge approprié, sur la base des informations fournies par l’État membre requérant confronté à une situation d’instrumentalisation de migrants, la Commission présente sans délai une proposition de décision d’exécution du Conseil telle que visée au paragraphe 3.

11.Le Conseil évalue d’urgence cette proposition et adopte une décision d’exécution autorisant l’État membre concerné à appliquer les dérogations spéciales prévues aux articles 2, 3 et 4.

12.La décision d’exécution du Conseil visée au paragraphe 3 fixe la date à partir de laquelle les règles énoncées aux articles 2, 3 et 4 peuvent être appliquées, ainsi que la durée de leur application, la durée initiale n’excédant pas six mois.

13.La Commission assure un suivi et un réexamen constants de la situation d’instrumentalisation de migrants. Si elle le juge approprié, la Commission peut proposer l’abrogation de la décision d’exécution du Conseil visée au paragraphe 3 ou l’adoption d’une nouvelle décision d’exécution du Conseil autorisant la prolongation de l’application des dérogations spéciales prévues aux articles 2, 3 et 4 pour une durée n’excédant pas six mois. L’État membre concerné fournit à la Commission les informations spécifiques dont elle a besoin pour procéder à ce réexamen et présenter la proposition d’abrogation ou de prolongation ainsi que toute autre information que la Commission peut demander.

Article 8

Coopération et évaluation

14.La Commission, les institutions et agences compétentes de l’Union européenne et l’État membre confronté à une situation d’instrumentalisation de migrants coopèrent étroitement et s’informent régulièrement de la mise en œuvre des dérogations et mesures visées à l’article 7. L’État membre concerné continue de communiquer toutes les données pertinentes, y compris les statistiques nécessaires à la mise en œuvre du présent règlement, par l’intermédiaire du réseau soutenant le mécanisme de préparation et de gestion des crises de l’Union.

15.L’État membre confronté à une situation d’instrumentalisation de migrants veille à coopérer étroitement avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et les organisations partenaires concernées afin de déterminer les modalités de l’aide aux demandeurs en situation d’instrumentalisation, conformément aux règles énoncées dans le présent chapitre et dans le règlement (UE) XXX/XXX [règlement sur les procédures d’asile] et la directive XXX/XXX [refonte de la directive relative aux conditions d’accueil].

CHAPITRE IV

Dispositions finales

Article 9

Entrée en vigueur

Le présent règlement entre en vigueur le jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.

Le présent règlement est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans les États membres conformément aux traités.

Fait à Strasbourg, le

Pour le Parlement européen    Pour le Conseil

La présidente    Le président

(1)    Communication conjointe au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique européen et au Comité des régions intitulée «Réagir à l’instrumentalisation étatique des migrants à la frontière extérieure de l’UE» [JOIN(2021) 32 final].
(2)    COM(2021) 591 final.
(3)    Proposition (xxxx/xxxx) de la Commission visant à modifier le règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen).
(4)    Proposition (xxxx/xxxx) de la Commission visant à modifier le règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen).
(5)    COM(2021) 752.
(6)    Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil instituant une procédure commune en matière de protection internationale dans l’Union et abrogeant la directive 2013/32/UE [COM/2016/467 final – 2016/0244 (COD)].
(7)    Proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil instituant une procédure commune en matière de protection internationale dans l’Union et abrogeant la directive 2013/32/UE (COM/2020/611 final).
(8)    Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale (refonte) [COM/2016/0465 final – 2016/0222 (COD)].
(9)    Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (refonte) (COM/2018/634 final).
(10)    Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil visant à faire face aux situations de crise et aux cas de force majeure dans le domaine de la migration et de l’asile (COM/2020/613 final).
(11)    La proposition de règlement sur le filtrage contient également des règles concernant les contrôles sanitaires préliminaires, y compris de maladies transmissibles, qui s’appliqueraient à tous les ressortissants de pays tiers et à tous les apatrides soumis au filtrage à la frontière extérieure.
(12)    Règlement (CE) nº 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas, tel que modifié par le règlement (UE) 2019/1155 (JO L 243 du 15.9.2009, p. 1).
(13)    Communication conjointe au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions intitulée «Réagir à l’instrumentalisation étatique des migrants à la frontière extérieure de l’UE») [JOIN(2021) 32 final].
(14)    COM(2021) 753 final.
(15)    Règlement (UE, Euratom) 2020/2093 du Conseil du 17 décembre 2020 fixant le cadre financier pluriannuel pour les années 2021 à 2027 (JO L 4331 du 22.12.2020, p. 11).
(16)    L’AUEA fournit une assistance à la demande de l’État membre ou de sa propre initiative (avec l’accord de l’État membre concerné), ou le Conseil peut décider des mesures à prendre, sur la base d’une proposition de la Commission dans ces circonstances particulières.
(17)    JO C du , p. .
(18)    JO C du , p. .
(19)    JO C du , p. .
(20)    JO C du , p. .
(21)    JO C du , p. .
(22)    JO C du , p. .