Bruxelles, le 11.10.2021

COM(2021) 1000 final

RAPPORT DE LA COMMISSION AU CONSEIL ET AU PARLEMENT EUROPÉEN

sur la mise en œuvre de la directive 91/676/CEE du Conseil concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles sur la base

des rapports des États membres pour la période 2016/2019

{SWD(2021) 1001 final}


RAPPORT DE LA COMMISSION AU CONSEIL ET AU PARLEMENT EUROPÉEN

sur la mise en œuvre de la directive 91/676/CEE du Conseil concernant la protection  
des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles sur la base  
des rapports des États membres pour la période 2016-2019 

1.LE PROBLÈME

Les nutriments comme l’azote et le phosphore sont des éléments essentiels pour les plantes. Ils sont souvent utilisés comme fertilisants dans l’agriculture, afin de garantir de meilleurs rendements et des produits de qualité. Toutefois, la demande croissante en matière de production de denrées alimentaires a entraîné une production et une utilisation accrues de fertilisants associés à de considérables inefficiences, conduisant à la pollution de l’eau, de l’air et des sols, se répercutant sur la santé humaine et l’environnement.

À l’échelle mondiale, le surplus d’azote et de phosphore dans l’environnement dépasse déjà les limites planétaires sûres, représentant une grave menace pour la nature ainsi que pour le climat 1 . L’Europe participe considérablement à cette forme de pollution et l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) estime qu’en Europe, la limite des pertes d’azote est dépassée d’un facteur 3,3 et celle des pertes de phosphore d’un facteur 2 2 .

Les stratégies en faveur de la biodiversité 3 et «De la ferme à la table» 4 fixent un objectif commun visant à réduire les pertes de nutriments dans l’environnement d’au moins 50 % d'ici à 2030, tout en préservant la fertilité des sols. La directive 91/676/CEE du Conseil 5 concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles (ci-après la «directive sur les nitrates») est un élément clé de la législation pour atteindre cet objectif ainsi que d’autres objectifs du pacte vert pour l’Europe 6 .

La directive sur les nitrates constitue également une mesure de base au titre de la directive-cadre sur l’eau 7 , qui exige que toutes les eaux de surface européennes – lacs, rivières, eaux de transition, eaux côtières et eaux souterraines – soient en un «bon état» au plus tard en 2027. Avec la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires 8 , la directive sur les nitrates joue un rôle décisif dans l’amélioration de l’état des masses d’eau de l’Union européenne, étant donné que la pollution par les nutriments est l’un des obstacles principaux empêchant d’atteindre le bon état 9 , 10 . Par ailleurs, la directive sur les nitrates est un instrument essentiel pour empêcher la pollution par les nutriments des eaux côtières et marines au titre de la directive-cadre «stratégie pour le milieu marin» 11 , 12 .

La directive sur les nitrates impose aux États membres:

de déterminer les eaux touchées ou risquant d’être touchées par la pollution par les nitrates ainsi que de désigner comme zones vulnérables aux nitrates les zones dont les bassins versants alimentent ces eaux, où l’agriculture contribue largement à ladite pollution;

d’élaborer des programmes d’action comportant des mesures visant à réduire et à empêcher la pollution par les nitrates, d’appliquer ces programmes aux zones vulnérables aux nitrates ou à l’ensemble du territoire, et de renforcer ces mesures dès qu’elles ne semblent plus suffisantes pour atteindre les objectifs de ladite directive.

Elle exige également que la Commission informe le Parlement européen et le Conseil tous les quatre ans de l’état de la mise en œuvre de la directive sur la base des rapports des États membres.

Le présent rapport est accompagné d’un document de travail des services de la Commission [SWD(2021) 1001] qui comprend des cartes et des tableaux sur les indicateurs des pressions exercées par des nutriments à partir de sources agricoles, la qualité de l’eau et les zones vulnérables aux nitrates désignées.

2.ÉVOLUTION DES PRESSIONS EXERCÉES PAR L’AGRICULTURE

Surface agricole et bétail 13        

La surface agricole de l’Union couvre environ 47 % de la surface totale de l’Union des Vingt-sept et du Royaume-Uni. La production agricole a augmenté de 14,5 % entre 2010 et 2019.

La production animale est responsable d’environ 81 % de l’introduction d’azote d’origine agricole dans les systèmes aquatiques et de 87 % de l’ammoniaque provenant des émissions agricoles dans l’atmosphère 14 .

Les densités de bétail les plus élevées, exprimées en unités de bétail par hectare, ont été observées aux Pays-Bas (3,8), avec une tendance à la hausse depuis 2013, à Malte (2,9), avec une tendance à la baisse depuis 2010, et en Belgique (2,8), où la densité de bétail est stable depuis 2005.

Bilan des nutriments 15  

Le bilan des nutriments est défini comme la différence entre les apports en nutriments entrant dans un système d’exploitation (principalement des fertilisants) et les apports en nutriments sortant du système (principalement des produits agricoles et du fourrage). Un surplus de nutriments survient lorsque les plantes n’absorbent pas tous les nutriments et représente une menace de perte dans l’environnement, tandis qu’un bilan négatif inique que le sol est exploité et qu’il existe un risque de dégradation de la fertilité des sols. Eurostat a favorisé le recours à une méthode commune 16 pour calculer les bilans des nutriments, mais celle-ci n’est pas utilisée par tous les États membres, ce qui entrave la comparaison. En outre, certains États membres ne présentent pas leurs bilans des nutriments à Eurostat 17 .

Pour l’Union des Vingt-sept et le Royaume-Uni, entre les périodes de référence 2008-2011 et 2012-2015, les bilans nets de l’azote et du phosphate ont tous deux légèrement augmenté au niveau de l’Union des Vingt-huit, passant de respectivement de 31,8 à 32,5 kg d’azote/ha et de 1,8 à 2 kg de phosphate/ha. Pour la période 2016-2019, les bilans de l’azote étaient supérieurs à 100 kg/ha pour la Belgique, Chypre, le Luxembourg et les Pays-Bas. Les bilans du phosphate étaient supérieurs à 20 kg/ha pour Chypre, l’Irlande et Malte. Depuis 2008, parmi les États membres faisant état d’un surplus de nutriments élevé, seule Malte a affiché une baisse en ce qui concerne le bilan de phosphate.

Rejets d’azote dans l’environnement à partir de sources agricoles 18

Malheureusement, 13 États membres n’ont pas fourni d’informations concernant la contribution de l’agriculture aux rejets d’azote dans le milieu aquatique 19 . D’après les données de ceux qui l’ont fait, l’agriculture est responsable de 22 % à 99 % de la charge totale d’azote dans l’environnement, en moyenne 77 %, ce qui en fait la source la plus importante. Par rapport à la période précédente, nous constatons une situation inégale: pour les 14 États membres qui ont communiqué des données pour les deux dernières périodes de référence, la part du rejet d’azote attribuée à l’agriculture a diminué pour six États membres et augmenté pour huit autres.

3.DÉTERMINER OÙ SE TROUVE LA POLLUTION

Réalisation phare 1 – Explorateur pour un meilleur accès aux données des rapports sur les nitrates

Le centre commun de recherche de la Commission a élaboré un explorateur en ligne permettant d’accéder aux données des rapports au titre de la directive sur les nitrates. Des enregistrements de stations régionales et même individuelles sont accessibles concernant la qualité de l’eau, et des données agricoles sont également fournies.

Surveillance 20

La directive sur les nitrates impose aux États membres d’établir et de mettre en œuvre des programmes de surveillance appropriés pour évaluer l’efficacité des programmes d’action. Elle fixe des principes et des critères de base pour la surveillance de l’eau, mais des aspects tels que la densité, la stabilité et la fréquence des prélèvements du réseau de surveillance restent de la responsabilité des États membres.

Pour la première fois, il a été demandé aux États membres de faire un rapport sur chacune des stations de surveillance ayant été retirées de leur réseau de surveillance, la raison de ces retraits et les stations de substitution mises en place si la pollution persiste. Au cours des deux dernières périodes de référence, des tendances ont pu être calculées pour 83 % des stations d’eaux souterraines (mais seulement 20 % en Suède) et pour 75 % des stations d’eaux de surface (mais moins de 50 % pour la Grèce, la Hongrie, la Lettonie, Malte, la Slovaquie et la Suède).

Pour les eaux salines, on se félicite que la forte diminution de 29 % du nombre total de stations de surveillance observée entre 2008 et 2015 ait été partiellement corrigée par des stations supplémentaires. Toutefois, il est regrettable que le nombre de stations de surveillance des eaux salines reste relativement faible dans certains États membres 21 . La surveillance des eaux salines est très importante pour déterminer la pollution des eaux marines et ses effets sur la biodiversité marine.

Eaux souterraines 22

En 2016-2019, 14,1 % des stations d’eaux souterraines dépassaient encore en moyenne annuelle 50 mg de nitrates par litre, une situation comparable à la période de référence précédente, au cours de laquelle 13,2 % des stations dépassaient 50 mg/L.

Figure 1: pourcentage de stations d’eaux souterraines dépassant les 50 mg de nitrates par litre.

Figure 2: concentrations moyennes annuelles de nitrates dans les eaux souterraines au niveau NUTS2 pour la période de référence 2016-2019.

Eaux de surface 23  

Les nitrates et le phosphore dans les eaux de surface peuvent entraîner l’eutrophisation, c’est-à-dire une perte en oxygène en raison d’une prolifération d’algues ayant une incidence sur les écosystèmes aquatiques d’eaux douces et marines. L’eutrophisation, qu’elle soit provoquée par les nitrates ou par le phosphore également, entraîne l’obligation pour les États membres de prendre des mesures correctives pour ces eaux en vertu de la directive 24 .

Pour l’évaluation de l’état trophique, la Commission a recommandé de suivre la classification du document d’orientation sur l’eutrophisation utilisé pour la mise en œuvre de la directive-cadre sur l’eau 25 , ce que la majorité des États membres a fait. Toutefois, les paramètres utilisés pour cette évaluation diffèrent largement d’un État membre à l’autre.

À l’échelle de l’Union, 36 % des rivières, 32 % des lacs, 31 % des eaux côtières, 32 % des eaux de transition et 81 % des eaux marines ont été signalés comme eutrophes. Par ailleurs, pour les eaux douces de surface, malheureusement, aucune tendance n’a pu être établie à l’échelle de l’Union concernant l’état trophique non plus, en raison d’un manque de données et des différences de méthodes appliquées par les États membres pour déterminer ledit état.

Eutrophe

Pourrait devenir eutrophe

Non eutrophe

Figure 3: diagramme des fréquences de l’état trophique des rivières (a), lacs (b), eaux de transition (c), eaux côtières (d) et eaux marines (e) au cours de la période de référence 2016-2019.

Figure 4: pourcentage des stations d’eaux de surface (toutes catégories) à l’état eutrophe au niveau NUTS2, pour la période de référence 2016-2019.

Réalisation phare 2: conférence «Our Baltic»

Compte tenu du problème très aigu d’eutrophisation qui touche 97 % de la mer Baltique, le 28 septembre 2020, à l’occasion de la conférence «Our Baltic» («Notre Baltique»), sous l’égide du commissaire Sinkevičius, les ministres de l’agriculture, de la pêche et de l’environnement des États membres de la mer Baltique se sont engagés conjointement, dans une déclaration politique commune, à redoubler d’efforts pour que la mer Baltique atteigne un bon état écologique en réduisant les pressions principales, et notamment celle des nutriments.

Cette déclaration désigne la directive sur les nitrates comme outil clé pour atteindre ce bon état écologique. Dans cette déclaration, les ministres enjoignent les États membres à revoir la désignation des zones vulnérables aux nitrates s’il y a lieu. Ils invitent également les États à réviser les mesures contenues dans les programmes d’action.

4.DÉSIGNATION DES ZONES POLLUÉES 26

Les États membres doivent déterminer les zones polluées et les désigner comme zones vulnérables aux nitrates afin d’y appliquer les mesures obligatoires. Ils peuvent, au lieu de désigner des zones vulnérables, choisir d’appliquer leur programme d’action sur l’ensemble du territoire. L’Autriche, le Danemark, la Finlande, l’Allemagne, l’Irlande, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, la Pologne, la Roumanie, la Slovénie et la Belgique (limitée à la Flandre) ont suivi cette approche. Au Royaume-Uni, l’Irlande du Nord a également procédé de la sorte.

Certains États membres définissent également des types supplémentaires de zones (par exemple des «zones critiques» ou «zones rouges»), où s’appliquent des mesures renforcées en raison d’un niveau local de pollution plus élevé ou de la proximité avec des points de captage d’eau potable. Tant les États membres désignant des zones vulnérables aux nitrates que ceux adoptant l’approche de l’ensemble du territoire peuvent le faire.

Entre les périodes 2012-2015 et 2016-2019, le nombre total de zones vulnérables aux nitrates (États membres appliquant une approche de l’ensemble du territoire inclus) a augmenté de 14,4 %.

Toutefois, les données sur la qualité de l’eau fournies par les États membres montrent que certaines zones présentant une pollution ou une pollution potentielle de l’eau ne sont pas incluses dans une zone vulnérable aux nitrates. La Bulgarie, Chypre, l’Espagne, l’Estonie, la Lettonie et le Portugal comptent un très grand nombre de zones critiques qui ne font pas partie d’une zone vulnérable aux nitrates.

Dans certains États membres, comme la Bulgarie, l’Espagne, la Hongrie, l’Italie et la Slovaquie, les zones vulnérables aux nitrates sont parfois des zones très limitées qui ne tiennent pas compte de l’ensemble de la zone de captage d’eau, ce qui conduit à une très large fragmentation de la désignation et à la réduction de l’efficacité des programmes d’action.    

Malgré ce que prescrit la loi, il a été observé que l’eutrophisation n’est pas suffisamment prise en considération lors de la détermination et de la désignation des zones polluées. La Commission attend de tous les États membres qu’ils remédient d’urgence à cette lacune, afin de garantir une désignation appropriée et efficace des zones vulnérables aux nitrates.

5.ACTIONS DES ÉTATS MEMBRES FONT À CET ÉGARD

Les programmes d’action s’appliquent au sein d’une zone vulnérable aux nitrates ou à l’ensemble du territoire. Ils doivent être mis à jour au moins une fois tous les quatre ans. Plusieurs États membres ont adopté des programmes d’action au niveau régional également.

Les mesures contenues dans les programmes d’action devraient garantir une fertilisation équilibrée, c’est-à-dire veiller à ce que les fertilisants, et en particulier les engrais azotés, soient utilisés de la manière la plus efficace possible, réduisant au minimum les pertes de nitrates dans l’environnement, réduisant et empêchant donc la pollution. De plus en plus d’États membres (17 pour cette période de référence) ajoutent également des mesures relatives à la fertilisation au phosphore, qui sont nécessaires lorsque les pertes de phosphore entraînent l’eutrophisation de l’eau.

Des recommandations scientifiques et techniques pour l’établissement de programmes d’action sont à la disposition des États membres depuis 2012 pour chaque type de mesure 27 .

La plupart des États membres ont adopté des programmes d’action, nouveaux ou révisés, lors de la période de référence 2016-2019. Des mises à jour sont toujours nécessaires pour la Belgique (Wallonie), Chypre, la Finlande et la Roumanie.

Réalisation phare 3: système d’information sur le programme d’action anti-nitrates (NAPINFO)

La Commission a mis à la disposition du public une compilation unique de toutes les approches et mesures mises en œuvre par tous les États membres dans le contexte des programmes d’action au titre de la directive 91/676/CEE 28 . Cette base de données très complète, préparée en collaboration avec les États membres, comprend également une analyse du potentiel de ces mesures pour lutter contre la pollution par les nutriments 29 .

L’analyse du rapport NAPINFO révèle qu’il existe une variabilité importante entre les programmes d’action en ce qui concerne les mesures mises en œuvre et le niveau d’ambition de ces mesures. Les États membres peuvent apprendre les uns des autres, en particulier lorsque les circonstances régionales sont similaires (climat, sol). L’échange de bonnes pratiques permis par cette base de données devrait être utilisé pour optimiser les programmes d’action.

Vingt États membres ont communiqué des prévisions sur la qualité de l’eau, neuf prévoient une nouvelle réduction des concentrations de nitrates dans les eaux souterraines et de surface, six une tendance négative et cinq un statu quo. Il convient de souligner que la directive exige que les États membres entreprennent des actions de prévention lorsque la qualité de l’eau stagne et ne s’améliore pas. La Commission invite tous les États membres à utiliser et à communiquer les prévisions en matière de qualité de l’eau, afin d’empêcher dûment tout risque de pollution ultérieure de l’eau.

Les États membres font souvent remarquer que les effets du changement climatique rendent difficile la prévision de la qualité future des eaux de surface et des eaux souterraines. Le temps sec inattendu en Europe en 2018 et 2019 a entraîné une réduction des rendements des cultures mais aussi une augmentation de la pollution par les nutriments. Le changement climatique entraîne également des périodes de forte augmentation des précipitations qui peuvent conduire à une accumulation de terres saturées en eau, à des inondations et à un risque élevé de pertes de nutriments.

Les programmes d’action actuels peuvent ne pas encore répondre de manière adéquate à ces risques et ne pas être efficaces pour limiter les pertes de nutriments pendant et après les sécheresses ou les inondations. La Commission insiste pour que les États membres prennent en considération ces prévisions et ces risques lors de la révision des programmes d’action, en appliquant le principe de précaution.

6. LIMITER L’UTILISATION D’EFFLUENTS DANS LES ZONES POLLUÉES

L’une des dispositions les plus importantes de la directive est que, dans les zones au sein desquelles les programmes d’action s’appliquent, les agriculteurs ne peuvent pas épandre dans leurs champs, annuellement et par hectare, plus de 170 kg d’azote dérivé des effluents. Cette limite s’applique dans toute l’Union, partout où l’eau est déjà polluée ou pourrait l’être, indépendamment des conditions climatiques et pédologiques et des produits agricoles cultivés.

Toutefois, les conditions de culture dans les régions nordiques plus froides peuvent être différentes de celles des régions atlantiques occidentales plus douces ou des conditions chaudes et sèches de la Méditerranée. C’est pourquoi la directive sur les nitrates prévoit la possibilité d’appliquer une quantité d’azote plus élevée par hectare et par an. Il est de la plus haute importance de souligner que ces dérogations ne peuvent être accordées que si ces quantités n’entravent pas la réalisation des objectifs de la directive en ce qui concerne la qualité de l’eau. Pour s’écarter du plafond de 170 kg/ha, l’État membre doit demander une dérogation et prouver, à l’aide de preuves scientifiques, que, pour des cultures définies, dans les conditions locales, l’utilisation de quantités plus élevées ne nuira en aucune façon à la qualité de l’eau.

Cette possibilité d’utiliser des quantités plus élevées d’effluents est accordée par des décisions de la Commission qui recensent les types d’exploitations et fixent des conditions agroenvironnementales plus strictes. Ces décisions sont adoptées à la suite d’un avis favorable des États membres auprès du comité pour l’adaptation au progrès scientifique et technique et l’application de la directive relative à la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles 30 , qui assiste la Commission dans l’application de la directive.

Lors de la période de référence, des dérogations ont été accordées aux États membres suivants: la Belgique, pour la Flandre, le Danemark, l’Irlande, l’Italie, pour la Lombardie et le Piémont (expirée en décembre 2019 et non renouvelée) et les Pays-Bas. En ce qui concerne le Royaume-Uni, une décision à l’égard de l’Angleterre, de l’Écosse et du Pays de Galles a expiré en 2016 et une nouvelle dérogation a été octroyée à l’Irlande du Nord (valide pendant toute la période de référence). 

7.ACTIONS DE LA COMMISSION POUR GARANTIR LE RESPECT

La Commission est en dialogue permanent avec les États membres pour garantir le plein respect de la directive. Ce dialogue est axé sur le contenu des programmes d’action, sur la nécessité de mesures supplémentaires, de désignations des zones vulnérables aux nitrates, nouvelles ou révisées, et de surveillance renforcée de la qualité de l’eau. Ce faisant, la Commission tient également compte des exigences en matière de qualité de l’eau en vertu de la directive-cadre sur l’eau et de la DCSMM, ainsi que des risques d’émissions d’ammoniac à partir des fertilisants, réglementées au titre de la directive sur les engagements en matière de réduction des émissions nationales 31 .

Au cours de la période de référence, dix affaires d’infraction étaient en cours à l’encontre d’États membres:

contre la Belgique: contre la Wallonie, concernant le programme d’action anti-nitrates; contre la Flandre, concernant les conditions de dérogation;

contre la Bulgarie (clôturée en 2018);

contre l’Estonie (clôturée en 2017);

contre la France, concernant la désignation de zones vulnérables aux nitrates (clôturée en 2019);

contre l’Allemagne, concernant le programme d’action;

contre la Grèce, concernant la désignation de zones vulnérables aux nitrates et les programmes d’action (clôturée en 2020);

contre l’Italie, concernant la stabilité du réseau de surveillance, la désignation de zones vulnérables aux nitrates et les programmes d’action;

contre la Pologne, concernant la désignation de zones vulnérables aux nitrates et les programmes d’action (clôturée en 2018);

contre la Slovaquie, concernant la surveillance de la qualité de l’eau et le programme d’action anti-nitrates (clôturée en 2019); et

contre l’Espagne, concernant la stabilité du réseau de surveillance, les zones vulnérables aux nitrates et les programmes d’action anti-nitrates.

8.CONTRIBUTION DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE

La dernière réforme de la politique agricole commune prévoit des outils pour lutter contre la pollution par les nutriments.

La nouvelle conditionnalité renforcée fixe les obligations pour des engagements agricoles plus ambitieux et durables grâce à des «bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE)» 32 et à des exigences réglementaires en matière de gestion (ERMG), ces dernières incluant le respect de la directive sur les nitrates et de la directive-cadre sur l’eau.

En outre, les nouveaux programmes écologiques bénéficieront d’un soutien financier pour récompenser les agriculteurs adoptant de bonnes pratiques environnementales et climatiques au-delà du niveau de référence obligatoire de la conditionnalité permettant de répondre aux ambitions du pacte vert.

Dans ses recommandations pour les plans stratégiques relevant de la PAC, la Commission a demandé que des mesures soient prises pour lutter contre la pollution par les nutriments dans 26 États membres.

Les services de conseil agricole informeront les agriculteurs à propos de l’innovation, de la recherche, des pratiques et des technologies afin de garantir, entre autres, une agriculture respectueuse de l’environnement, y compris la réduction des pertes de nutriments.

9.CONCLUSIONS

La mise en œuvre et le respect de la directive sur les nitrates ont permis de réduire les pertes de nutriments provenant de l’agriculture au cours des trente dernières années. Des éléments probants permettent de conclure que, sans la directive, les niveaux de pollution de l’eau dans l’Union seraient considérablement plus élevés.

Les données relatives à la concentration en nitrates à l’échelle de l’Union montrent que la qualité des eaux souterraines s’est améliorée depuis l’adoption de la directive; toutefois, l’amélioration se poursuit très lentement depuis 2012. Cela peut être interprété comme indiquant que les fruits mûrs ont déjà été cueillis et que des mesures plus ambitieuses sont maintenant nécessaires pour améliorer cette tendance positive. Un pourcentage élevé de stations de surveillance des eaux souterraines affiche encore des niveaux supérieurs au maximum de 50 mg de nitrates/L à Malte, en Allemagne, au Luxembourg, en Espagne, au Portugal et en Belgique (en Flandre).

La surveillance de la qualité de l’eau par les États membres s’est améliorée en ce qui concerne l’évaluation de l’eutrophisation ainsi que les eaux salines. L’eutrophisation est un problème majeur pour tous les types d’eaux de surface, les eaux intérieures, de transition, côtières et marines étant toujours gravement touchées. Un certain nombre d’États membres qui se démarquent par leur grand nombre d’eaux eutrophes sont la République tchèque, la Finlande, le Danemark, le Luxembourg, la Belgique, l’Allemagne, la Lettonie et la Pologne.

Malgré les efforts considérables de la plupart des États membres et agriculteurs, qui ont respectivement conçu et appliqué des mesures visant à réduire les pertes de nitrates dans les eaux, les données relatives à la qualité de l’eau montrent que le niveau de mise en œuvre et d’application n’est toujours pas suffisant pour atteindre les objectifs de la directive, 30 ans après son adoption et malgré certains progrès.

Certains États membres affichent une mauvaise qualité de l’eau sur l’ensemble de leur territoire et un problème systémique de gestion des pertes de nutriments provenant de l’agriculture: la Belgique (la Flandre), la République tchèque, le Danemark, l’Allemagne, la Finlande, la Hongrie, la Lettonie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, la Pologne et l’Espagne;

certains États membres ont des zones critiques où la pollution n’est pas suffisamment prise en considération: la Bulgarie, Chypre, l’Estonie, la France, l’Italie, le Portugal et la Roumanie.

Certains États membres doivent donc prendre d’urgence des mesures supplémentaires pour atteindre les objectifs de la directive sur les nitrates, en particulier la Belgique, la République tchèque, le Luxembourg, l’Espagne, les Pays-Bas et l’Allemagne, qui sont les plus éloignés de ces objectifs.

Des conclusions et recommandations plus spécifiques pour chaque État membre sont fournies dans les fiches pays.

Bien qu’il n’y ait pas de date limite pour atteindre les objectifs de qualité de l’eau de la directive sur les nitrates, les objectifs de bon état écologique et chimique de la directive-cadre sur l’eau sont censés être atteints au plus tard en 2027, et les tendances observées en matière de qualité de l’eau montrent que cela ne sera pas le cas sans des changements radicaux des mesures en place.

La Commission renforcera ses actions visant à améliorer la mise en œuvre et l’application de la directive pour correspondre à ses objectifs. Il s’agit d’une condition préalable à la réalisation de l’objectif de réduction des pertes de nutriments de 50 % d’ici à 2030 fixé dans le cadre du pacte vert pour l’Europe.

10.LA VOIE À SUIVRE

La Commission élaborera un plan d’action intégré de la gestion des nutriments 33 en 2022, en s’appuyant sur le plan d’action «zéro pollution» 34 . Celui-ci contribuera à la coordination des efforts et visera à traiter la pollution par les nutriments à la source, à déterminer les réductions de charge en nutriments nécessaires pour atteindre les objectifs du pacte vert pour l’Europe en matière de nutriments, à stimuler les marchés des nutriments récupérés de manière sûre et durable et à accroître la durabilité du secteur de l’élevage.

Des progrès considérables ont été réalisés en ce qui concerne le développement des technologies de traitement des effluents. L’azote récupéré qui remplace les engrais inorganiques réduit les émissions de CO2, tandis que les phosphates récupérés réduisent la dépendance à l’égard des importations de roche phosphatée et que les fractions organiques restantes peuvent être utilisées sur les champs locaux. Cependant, les technologies les plus avancées ne sont pas encore largement utilisées et il existe un certain nombre d’obstacles économiques dus aux coûts élevés de ces processus, aux frais de transport et à la nécessité fréquente de payer les agriculteurs pour l’application de ces produits sur leurs champs. En outre, le niveau maximal d’azote provenant des effluents qui peut être appliqué en vertu de la directive sur les nitrates inclut également les effluents ayant subi une transformation.

Le nouveau règlement sur les fertilisants 35 étendra, en juillet 2022, le champ d’application de l’actuel règlement sur les engrais 36 des engrais purement inorganiques aux engrais organo-minéraux et organiques, ouvrant ainsi la voie à la commercialisation de ces engrais organiques transformés sur le marché intérieur de l’Union.

Réalisation phare 4 – «REcovered Nitrogen from manURE»: RENURE

Le plan d’action pour l’économie circulaire 37 encourage le recyclage des nutriments provenant des effluents et d’autres sources organiques pour remplacer les engrais chimiques, dont la production est associée à des inconvénients de gestion des ressources pour le phosphore 38 ou d’incidence environnementale pour l’azote 39 .

Si, d’une part, les engrais organiques augmentent le carbone organique dans le sol et la fertilité du sol, d’autre part, ils peuvent libérer plus de nutriments dans l’environnement que les engrais inorganiques, posant ainsi des risques plus élevés de pollution de l’eau et de l’air. Le principal défi consiste donc à obtenir des nutriments recyclés qui réduisent au minimum les pertes dans l’environnement.

Le centre commun de recherche de la Commission a achevé une étude 40 sur l’azote récupéré des effluents et a proposé des critères pour son utilisation sûre au-dessus du seuil établi par la directive sur les nitrates, de la même manière qu’un engrais non organique. Les matières concernées sont appelées RENURE, de l’anglais «REcovered Nitrogen from manURE». La Commission examine actuellement les options pour la mise en œuvre de ce critère dans le cadre juridique actuel.

Des financements peuvent être mis à disposition par la PAC, les aides d’État et Interreg 41 , mais aussi par les éléments de la transition verte dans le cadre des plans nationaux pour la reprise et la résilience, en expliquant comment ils contribuent à l’atteinte des objectifs environnementaux fixés à l’échelle de l’Union 42 .

Le programme de recherche et d’innovation de l’Union «Horizon 2020» 43 a permis d’investir dans de nombreux projets 44 portant sur la gestion des nutriments qui réalisent et mettent en œuvre actuellement leurs résultats et leurs innovations. Le programme Horizon Europe 45 apportera également un soutien financier à la recherche et à l’innovation dans le domaine des approches intégrées pour la gestion et la récupération des nutriments, ainsi que pour la protection de l’eau.

Même si de nouvelles initiatives visant à lutter contre la pollution par les nutriments sont envisagées et que des fonds sont disponibles, les premières actions nécessaires pour traiter et prévenir la pollution par les nutriments provenant de l’agriculture doivent être entreprises grâce à un niveau plus élevé de conformité avec la directive sur les nitrates. Cette approche est conforme aux principes suivants du traité de l’Union: principe d’une action préventive, principe de la correction, par priorité à la source, des atteintes à l’environnement, et principe du pollueur-payeur 46 .

(1)     Steffen, W., et al., 2015, 'Planetary boundaries: guiding human development on a changing planet’, Science, 347(6223), p. 1259855.  [Limites planétaires: orienter le développement humain sur une planète changeante].
(2)     Rapport conjoint de l’AEE et de l’OFEV (2020), «Is Europe living within the limits of our planet? An assessment of Europe's environmental footprints in relation to planetary boundaries» [L’Europe vit-elle dans les limites de notre planète? Une évaluation de l’empreinte environnementale de l’Europe par rapport aux limites planétaires].
(3)     Communication de la Commission, «Stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030 – Ramener la nature dans nos vies» [COM(2020) 380 final] .
(4)     Communication de la Commission – Une stratégie «De la ferme à la table» pour un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l’environnement [COM(2020) 381 final] .
(5)     Directive 91/676/CEE du Conseil concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles .
(6)     Communication de la Commission – «Le pacte vert pour l’Europe» [COM(2019) 640 final] .
(7) Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau .
(8)     Directive du Conseil relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (91/271/CEE) .
(9)     European waters -- Assessment of status and pressures 2018 — European Environment Agency [Eaux européennes – Évaluation de l’état et des pressions 2018 – Agence européenne pour l’environnement].
(10)     SWD(2019) 30 final - A European Overview of the second River Basin Management Plans [Document de travail des services de la Commission – Un aperçu européen des seconds plans de gestion des bassins hydrographiques].
(11) Directive 2008/56/CE établissant un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin .
(12)     EEA Report No 17/2019, Marine messages II [Rapport nº 17/2019 de l’AEE, Messages marins II].
(13)    Tableaux 1 à 9 et cartes 1 à 5 du document de travail des services de la Commission.
(14)     Westhoek H., Lesschen J.P., Leip A., Rood T., Wagner S., De Marco A., Murphy-Bokern D., Pallière C., Howard C.M., Oenema O. & Sutton M.A. (2015) Nitrogen on the Table: The influence of food choices on nitrogen emissions and the European environment. (European Nitrogen Assessment Special Report on Nitrogen and Food.) [La question de l’azote: l’influence des choix alimentaires sur les émissions d’azote et l’environnement européen] Centre for Ecology & Hydrology, Édimbourg, Royaume-Uni.
(15)    Tableaux 10 à 17 du document de travail de services de la Commission.
(16)     Methodology and Handbook Eurostat/OECD Nutrient Budgets (2013) [Méthode et guide Eurostat/OCDE – budgets nutritifs (2013)].
(17)    BE, CY, DK, EE, EL, LT, LU, MT.
(18)    Tableau 18 du document de travail des services de la Commission.
(19)    AT, BG, DK, EE, EL, FR, HR, IT, LT, LU, MT, RO.
(20)    Tableaux 19 à 23 et figures 1 à 5 du document de travail des services de la Commission.
(21)    FR, HR
(22)    Tableaux 24 à 27, figures 6 à 9 et cartes 6 à 17 du document de travail des services de la Commission.
(23)    Tableaux 28 à 44, figures 10 à 20 et cartes 18 à 43 du document de travail des services de la Commission.
(24)    La Cour de justice de l’Union européenne a jugé ( affaire C‑258/00 ) que le fait d’exclure certaines catégories d’eaux en raison du rôle prétendument primordial du phosphore dans la pollution desdites eaux est incompatible tant avec l’économie qu’avec l’objectif de la directive.
(25)     Guidance document on eutrophication assessment in the context of European water policies. Guidance document No 23 [Document d’orientation sur l’évaluation de l’eutrophisation dans le contexte des directives sur les eaux européennes. Document d’orientation nº 23].
(26)    Tableaux 45 et 46 et cartes 44 et 45 du document de travail des services de la Commission.
(27)     Recommandations pour l’établissement de programmes d’action au titre de la directive 91/676/CEE du Conseil concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles (2012) .
(28)     https://ec.europa.eu/environment/water/water-nitrates/studies.html  
(29)     https://webgate.ec.europa.eu/fpfis/wikis/spaces/viewspace.action?key=NAPINFO
(30)     https://ec.europa.eu/transparency/comitology-register/screen/committees/C11400/consult?lang=fr  
(31)     Directive (EU) 2016/2284 concernant la réduction des émissions nationales de certains polluants atmosphériques .
(32)    En particulier, la BCAE 4 – Création de zones tampons le long des cours d’eau.
(33)    Stratégies en faveur de la biodiversité et «De la ferme à la table».
(34)    Référence à la communication à ajouter.
(35)     Règlement (UE) 2019/1009 établissant les règles relatives à la mise à disposition sur le marché des fertilisants UE (JO L 170 du 25.6.2019, p. 1) .
(36)    Règlement (CE) nº 2003/2003 du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 relatif aux engrais.
(37)     Communication de la Commission – «Un nouveau plan d’action pour une économie circulaire – Pour une Europe plus propre et plus compétitive» [COM(2020) 98 final] .
(38)     Le phosphore est ajouté à la liste des matières premières critiques de l’Union.
(39)     Le procédé Haber-Bosch utilisé pour la production d’engrais minéraux à base d’azote est actuellement l’un des plus grands consommateurs d’énergie et émetteurs de gaz à effet de serre au monde, responsable de 1,2 % des émissions anthropiques mondiales de CO2.
(40)     Study on Technical proposals for the safe use of processed manure above the threshold established for Nitrate Vulnerable Zones by the Directive, JRC (2020) [Étude relative aux propositions techniques pour une utilisation sûre des effluents ayant subi une transformation au-delà du seuil fixé par la directive pour les zones vulnérables aux nitrates].
(41)     https://www.interregeurope.eu/  
(42)     https://ec.europa.eu/info/business-economy-euro/recovery-coronavirus/recovery-and-resilience-facility_fr  
(43)     https://ec.europa.eu/programmes/horizon2020  
(44)     https://cordis.europa.eu/  
(45)     https://ec.europa.eu/info/research-and-innovation/funding/funding-opportunities/funding-programmes-and-open-calls/horizon-europe_fr  
(46)    Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, article 191.