Bruxelles, le 6.5.2021

COM(2021) 224 final

RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL

en vertu de l’article 85, paragraphe 2, du règlement (UE) nº 648/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 sur les produits dérivés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux, tel que modifié par le règlement (UE) 2019/834, évaluant si des solutions techniques viables ont été mises au point pour le transfert, par les dispositifs de régime de retraite, de garanties monétaires et non monétaires en tant que marges de variation et si des mesures sont nécessaires pour faciliter ces solutions techniques viables


RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL

en vertu de l’article 85, paragraphe 2, du règlement (UE) nº 648/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 sur les produits dérivés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux, tel que modifié par le règlement (UE) 2019/834, évaluant si des solutions techniques viables ont été mises au point pour le transfert, par les dispositifs de régime de retraite, de garanties monétaires et non monétaires en tant que marges de variation et si des mesures sont nécessaires pour faciliter ces solutions techniques viables

1.INTRODUCTION

Le règlement (UE) nº 648/2012 (règlement sur l’infrastructure du marché européen, ci-après le «règlement EMIR») accorde une exemption temporaire de l’obligation de compensation centrale aux entités gérant des dispositifs de régime de retraite (ci-après les «DRR»), en ce qui concerne certains types de produits dérivés de gré à gré 1 . Cette exemption temporaire a été accordée afin de tenir compte des caractéristiques particulières du modèle d’entreprise de ces entités et de l’incidence que la compensation obligatoire pourrait avoir sur les pensions: les entités gérant des dispositifs de régime de retraite tendent en règle générale à limiter autant que possible leurs placements en liquide afin d’atteindre une rentabilité maximale pour leurs assurés. Par conséquent, le fait de soumettre les DRR à une obligation de compensation centrale des contrats dérivés de gré à gré risque de les contraindre à placer en liquide une part importante de leurs actifs afin de respecter les exigences de marge des contreparties centrales, ce qui pourrait avoir une incidence négative sur le niveau de revenus des retraités. L’exemption temporaire a pour objectif de ménager le temps nécessaire pour permettre aux DRR, aux contreparties centrales et aux membres compensateurs de trouver une solution technique viable, qui permettrait aux DRR de procéder à la compensation centrale auprès des contreparties centrales tout en évitant des incidences négatives importantes sur les revenus des retraités.

Le règlement EMIR Refit, qui est entré en vigueur en juin 2019, a prolongé l’exemption jusqu’en juin 2021, avec la possibilité pour la Commission de la prolonger deux fois, à chaque fois d’un an au maximum, par acte délégué. L’objectif ultime du règlement demeure toutefois la compensation centrale des DRR dans les meilleurs délais. Les contreparties centrales, les membres compensateurs et les DRR sont tenus de tout mettre en œuvre pour contribuer à l’élaboration de solutions viables.

Comme le prévoit le règlement EMIR Refit, la Commission a mis en place un groupe d’experts composé de représentants des contreparties centrales, des membres compensateurs, des DRR et d’autres parties prenantes concernées afin de contrôler leurs efforts et d’évaluer les progrès réalisés dans la mise au point de solutions techniques viables. Le groupe d’experts, qui comprend également des représentants des banques centrales, de l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) et de l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (AEAPP), s’est réuni en octobre 2019, puis en avril et novembre 2020.

L’article 85 du règlement EMIR Refit impose à la Commission d’élaborer des rapports annuels jusqu’à la prolongation finale de l’exemption, afin d’évaluer si des solutions techniques viables ont été mises au point pour le transfert, par les DRR, de garanties monétaires et non monétaires en tant que marges de variation et si des mesures sont nécessaires pour faciliter ces solutions techniques viables. Le règlement prévoit également que l’AEMF, en coopération avec l’Autorité bancaire européenne (ABE), l’AEAPP et le comité européen du risque systémique (CERS), présente à la Commission des rapports annuels évaluant la question.

L’AEMF a remis un premier rapport à la Commission en avril 2020. Un premier rapport de la Commission 2 , publié en septembre 2020, comprenait une analyse complète des questions relatives à la compensation centrale des DRR.

L’AEMF a organisé une consultation publique d’avril à juin 2020 afin de recueillir un large éventail de points de vue et de données sur le sujet. Les résultats de cette consultation ont été intégrés dans le deuxième rapport remis par l’AEMF à la Commission en décembre 2020, qui a été élaboré en coopération avec l’ABE, l’AEAPP et le CERS.

Le présent document est le deuxième rapport établi par la Commission au titre de l’article 85 du règlement EMIR Refit. Il rend compte des progrès accomplis, sur la base des discussions menées au sein du groupe d’experts de la Commission et des contributions fournies par les AES et le CERS dans le cadre de leurs rapports à la Commission européenne.

2.CONTEXTE

Le paysage européen des DRR est diversifié. Dans l’Union européenne, les principaux marchés de DRR se trouvent aux Pays-Bas, avec un ratio moyen des actifs par rapport au PIB de 173,3 %, et au Danemark, avec un ratio de 198,6 %, selon les données de fin 2018 3 . L’Irlande dispose également de régimes similaires. Selon les données communiquées par l’AEMF 4 , les DRR néerlandais représentaient 70 à 80 % du montant notionnel des produits dérivés de tous les fonds de pension de l’Union européenne à la fin du mois de mars 2020. Les DRR utilisent dans une large mesure des produits dérivés pour couvrir leurs engagements contre un certain nombre de risques.

Le premier rapport de la Commission faisait le point sur la situation concernant la compensation centrale des DRR. Il a démontré que, tel qu’il est ressorti des discussions au sein du groupe d’experts de la Commission, la nécessité de déposer une marge de variation en espèces pouvait se révéler problématique pour les DRR, en particulier dans des conditions de marché difficiles, lorsque les appels de marge de variation par les contreparties centrales peuvent être importants. Récemment, certains fonds de pension ont entamé la compensation centrale d’une partie de leur portefeuille de produits dérivés sur une base volontaire, généralement en tant que clients de membres compensateurs. Certains d’entre eux ont également commencé à utiliser des solutions conçues par certaines contreparties centrales 5 pour faciliter la compensation centrale des DRR, à savoir des modèles d’accès «facilité» à leurs plateformes d’opérations de pension compensées. Ces modèles devraient améliorer la capacité des DRR à recourir au marché des opérations de pension pour leurs besoins de liquidité 6 . La transition vers la compensation centrale s’est également accentuée au fil du temps en raison des exigences applicables aux contrats bilatéraux, qui devraient augmenter la liquidité disponible dans l’espace de compensation centrale par rapport à l’espace bilatéral 7 .

Le rapport mettait également en évidence les difficultés que les DRR étaient susceptibles de rencontrer pour accéder au marché des opérations de pension afin de se procurer des liquidités en période de tensions, ce qui peut également être lié au fait que les membres compensateurs ne sont pas toujours désireux ou capables de fournir des services de transformation de garanties aux DRR dans des conditions de marché difficiles.

3.PRINCIPALES CONCLUSIONS DE LA CONSULTATION PUBLIQUE DE L’AEMF ET DES DISCUSSIONS APPROFONDIES AVEC LES PARTIES PRENANTES

3.1Conclusions de la consultation publique de l’AEMF

Les conclusions de la consultation publique organisée par l’AEMF ont largement confirmé l’analyse globale figurant dans le premier rapport de la Commission et ont permis de compléter les résultats par des données quantitatives supplémentaires. L’AEMF a reçu des réponses 8 de la part d’un large éventail de parties prenantes, notamment des gestionnaires d’actifs (qui ont pour clients des DRR), des associations professionnelles et des contreparties centrales. Compte tenu de la diversité des parties prenantes qui ont répondu à la consultation, il a été possible de recueillir un large éventail d’opinions sur les différents aspects des solutions envisageables. Selon l’analyse de l’AEMF, les réponses à la consultation confirment qu’une grande majorité des parties prenantes aspirent à une situation dans laquelle les DRR seraient en mesure de procéder à une compensation centrale, et qu’une majorité de DRR souhaitent effectivement procéder à une compensation.

La consultation a permis de confirmer que certains DRR procèdent déjà à la compensation volontaire d’une partie de leur portefeuille, notamment pour éviter de tomber sous le coup des règles relatives aux marges initiales pour les contrats bilatéraux. Ils procèdent de la sorte en tant que clients de membres compensateurs. Dans certains cas, les DRR ont également recours à l’accès facilité aux marchés des opérations de pension compensées, proposé par certaines contreparties centrales. Selon les données communiquées à l’AEMF par la Banque nationale néerlandaise 9 , les taux de compensation des swaps de taux d’intérêt Euribor et Libor pour les fonds de pension néerlandais au troisième trimestre 2020 s’élevaient à 22 % en moyenne pour les grands fonds de pension (allant de 3 à 26 %), à 25 % en moyenne pour les fonds de pension de taille moyenne (allant de 0 à 46 %) et à 37 % en moyenne pour les petits fonds de pension (allant de 0 à 100 %). Les données font apparaître une grande variabilité entre les entreprises. Au Danemark, selon une analyse de la Danmarks Nationalbank, les DRR danois compensent auprès d’une contrepartie centrale environ 42 % de leurs dérivés sur taux d’intérêt – avec, là aussi, une variabilité considérable entre les entreprises.

Pour les DRR, la compensation centrale présente des avantages, indépendamment de l’obligation qui leur sera bientôt imposée en la matière. Selon l’AEMF, ils citent comme principal avantage la liquidité qui caractérise les produits compensés, l’efficacité de l’exécution et d’autres considérations de coûts. Certains répondants à la consultation publique ont indiqué que, déjà maintenant, les DRR constatent une différence de coût entre les contrats bilatéraux et les contrats compensés par une contrepartie centrale. Ils ont fait valoir que l’exécution d’un swap de taux d’intérêt bilatéral à 30 ans d’un montant nominal de 50 millions pouvait représenter un coût légèrement plus élevé que l’exécution d’un swap de taux d’intérêt à 30 ans compensé par une contrepartie centrale, et que le dénouement du premier pouvait se révéler plus coûteux.

La consultation a également confirmé que le principal défi concernant la compensation centrale des DRR avait trait à la question de la marge de variation en espèces. Parmi les autres défis évoqués figurent le coût de la compensation, qui serait lié au montant du capital que les banques sont tenues de détenir vis-à-vis des positions des clients en vertu des règles relatives aux fonds propres des banques, la possibilité pour les membres compensateurs de résilier les contrats avec leurs clients à brève échéance 10 et les problèmes que les DRR pourraient rencontrer si leurs positions importantes devaient être transférées à un autre membre compensateur. Il convient toutefois de noter que, dans l’espace de compensation bilatéral, les DRR sont également susceptibles d’être exposés à la défaillance de leurs contreparties.

Dans l’ensemble, les participants à la consultation s’accordent à dire que la solution à la question de la compensation centrale des DRR devrait permettre d’atteindre un juste équilibre entre les objectifs de résilience du système financier et le fait de ne pas imposer de coûts disproportionnés aux retraités, et qu’elle devrait pouvoir fonctionner dans des conditions de marché tant normales que tendues.

3.2Incidences potentielles de la migration vers une compensation centrale obligatoire

Les informations quantitatives recueillies par l’AEMF dans le cadre de la consultation publique donnent un aperçu des incidences potentielles de la compensation centrale pour les DRR en ce qui concerne: i) la marge initiale; ii) les placements en liquide; iii) la baisse de rendement; et iv) les effets sur les liquidités en cas de tensions.

I)Incidence sur la marge initiale

Selon une étude réalisée en 2018 par l’ISDA et PensionsEurope, un mandat de compensation couvrant les fonds de pension néerlandais et danois augmenterait la marge initiale compensée d’environ 7,4 milliards d’EUR si seuls les nouveaux contrats devaient être compensés, de 26 milliards d’EUR si 50 % du portefeuille devait être compensé, et de 44 milliards d’EUR si l’ensemble du portefeuille devait être compensé 11 .

En outre, les grands DRR pourraient être considérés comme des contributeurs de risque importants par les contreparties centrales, car ils détiennent souvent des positions sur swap unidirectionnelles. L’un d’entre eux a fait savoir à l’AEMF que ses ajouts de liquidité supplémentaires sur la marge initiale pourraient être si importants qu’il pourrait envisager de fixer un plafond au nombre de swaps qu’il serait en mesure de compenser 12 .

II)Incidence sur les placements en liquide 

L’expiration de l’exemption de compensation centrale pourrait obliger les DRR à constituer des réserves de liquidités pour pouvoir faire face à d’éventuels appels de marge. Dans le cas des expositions sur produits dérivés, cela réduit le risque de crédit de la contrepartie, mais augmente en parallèle le risque de liquidité. Dans le contexte actuel caractérisé par de faibles rendements, il est devenu de plus en plus coûteux de détenir des avoirs en espèces et d’autres actifs liquides. Dans le cas des fonds d’investissement, cela les a incités à réduire ces types d’avoirs 13 . La consultation publique a révélé que si certains fonds de pension détiennent environ 2 % de leurs actifs en espèces, d’autres ne disposent d’aucun placement stratégique en liquide. Le rapport de l’AEMF, fondé sur les réponses à la consultation publique, indique que si un DRR voulait être en mesure de répondre à 99,8 % des appels de marge de variation, et en supposant que 30 % de ses placements en liquide soient disponibles sur un horizon d’un jour, il devrait placer 7,8 % de ses actifs dans un portefeuille de liquidités. Ce chiffre passerait à 10,9 % dans le cas où il voudrait être en mesure de répondre à 99,95 % des appels de marge de variation, et baisserait à 5,3 % s’il voulait être en mesure de répondre à 99 % des appels.

III)Réduction potentielle des rendements

Un placement supplémentaire en liquide opéré par les DRR pour répondre aux appels de marge potentiels se traduirait par une réduction des rendements annuels. Le rapport de l’AEMF suggère que si un DRR devait placer 5 % à 10 % de son portefeuille d’investissement dans des liquidités, la réduction des rendements annuels qui en résulterait pourrait être comprise entre 0,17 % et 0,33 % par an dans le contexte actuel caractérisé par des taux d’intérêt peu élevés (avec des rendements d’environ 3,17 %) 14 . En prenant plutôt en considération les rendements historiques (environ 6 % pour le secteur des pensions néerlandais au cours des 15 dernières années, selon les données de l’OCDE), la réduction serait de l’ordre de 0,3 à 0,6 %.

D’autres gestionnaires d’actifs ayant répondu à la consultation ont indiqué que leurs clients DRR détiennent déjà une réserve de liquidités importante et que de ce fait, les coûts de financement de demandes de liquidités temporairement élevées seraient très faibles pour eux.

À cet égard, il convient également de garder à l’esprit que les fonds de pension sont susceptibles d’être confrontés à une période prolongée de faibles rendements et qu’il pourrait être difficile d’égaler les rendements historiques. Même si les récentes mesures de politique monétaire prises par les banques centrales ont inversé les baisses importantes des prix des actifs, les fonds de pension seront probablement confrontés à des taux d’intérêt plus faibles à moyen et long terme. Le défi consistera à égaler les rendements historiques dans un environnement potentiellement volatil et caractérisé par de faibles taux d’intérêt. Dans un tel scénario, même une baisse modérée des rendements pourrait avoir une incidence défavorable sur les rendements des retraités. Ainsi, une analyse de la BCE 15 révèle que, dans le cas des assureurs, si la situation actuelle des taux d’intérêt se prolonge, la valeur moyenne des coupons devrait baisser de 2,8 % en 2019 à 1,7 % en 2030, à mesure que les titres à rendement plus élevé arrivent à échéance. Selon les estimations, les taux garantis devraient également diminuer.

IV)Effets sur les liquidités en cas de tensions

Les besoins de liquidité des DRR pour répondre à la marge de variation dans un scénario de tension fondé sur une variation de 1 % des taux ont été abordés dans le premier rapport de la Commission 16 . Celui-ci présentait les données d’une étude d’Economic and Bourse Consult de 2014 et les analyses récentes de l’Eurosystème sur la question 17 . Une augmentation des taux d’intérêt déclencherait des appels de marge de variation des contreparties centrales sur les portefeuilles de swaps de taux d’intérêt des fonds de pension. En prenant pour exemple les fonds de pension néerlandais (qui détiennent environ 89 % des swaps de taux d’intérêt des fonds de pension de la zone euro, selon les données dont dispose l’Eurosystème), l’Eurosystème a simulé les effets d’une variation parallèle de la courbe des taux de + 100 points de base sur une journée. Dans le cadre de la simulation de crise, les appels de marge sur les swaps de taux d’intérêt détenus par les fonds de pension néerlandais pourraient se situer entre 36 et 47 milliards d’EUR, ce qui entraînerait un déficit de liquidités global de 6 à 15 milliards d’EUR (pour l’ensemble des fonds de pension de la zone euro, ce déficit pourrait atteindre 17 milliards d’EUR). Selon l’estimation de la limite supérieure, 55 % des fonds de pension néerlandais n’auraient pas suffisamment de liquidités pour couvrir leurs appels de marge de variation. Le déficit serait concentré dans un petit nombre de fonds dont les paiements de marge de variation sont relativement faibles.

Les réponses recueillies à cet égard dans le cadre de la consultation publique de l’AEMF montrent que, dans le cas d’une variation de 100 points de base au niveau des taux, l’exigence de marge de variation en espèces s’élèverait à environ 95 milliards d’EUR pour les DRR néerlandais, danois et irlandais recourant à des swaps.

Au cours de la récente perturbation du marché provoquée par la COVID-19, les appels de marge de variation quotidiens sur les expositions sur produits dérivés des fonds ont été multipliés par cinq 18 . En prenant l’exemple des fonds d’investissement et en se fondant sur la déclaration partielle de la marge de variation dans les données EMIR, les appels de marge de variation quotidiens sur les fonds de la zone euro sont passés d’environ 2 milliards d’EUR dans la première moitié de février 2020 à plus de 10 milliards d’EUR au cours de la semaine débutant le 16 mars 2020. La plus forte augmentation – selon un facteur d’environ 6,5 – a été enregistrée pour les portefeuilles composés de produits dérivés sur actions, suivis des produits dérivés sur taux d’intérêt (multiplication par cinq) – qui sont ceux détenus le plus souvent par les DRR – et des portefeuilles de devises (multiplication par quatre). Certains éléments indiquent que pour répondre aux appels de marge, plusieurs assureurs et fonds de pension de la zone euro ont liquidé des actions détenues dans des fonds monétaires.

Il semble qu’un nombre important de fonds d’investissement de la zone euro ait été confronté à des tensions sur les liquidités en raison des appels de marge élevés, mais ils ont généralement été en mesure d’y répondre 19 . Les baisses de taux d’intérêt et les programmes d’investissement sur le marché obligataire des banques centrales ont contribué à protéger les acteurs du marché, y compris les fonds de pension, de certains des effets potentiels les plus graves de la crise. En outre, il semble que les fonds soient en mesure de se procurer des liquidités en période de crise en effectuant des opérations de pension, en vendant des actifs (par exemple, des parts de fonds monétaires) ou en utilisant des lignes de crédit. Toutefois, comme le souligne le premier rapport de la Commission, des difficultés ont été signalées dans l’accès aux liquidités pour les fonds de pension.

Dans l’analyse ci-dessus, en supposant que les DRR puissent satisfaire leurs besoins de liquidités supplémentaires dans le cadre du scénario de crise envisagé en recourant au marché des opérations de pension, les besoins de liquidités des DRR de la zone euro resteraient faibles par rapport à l’encours des opérations de prise en pension (un indicateur de la taille du marché européen des opérations de pension). L’encours des opérations de prise en pension en décembre 2019 s’élevait à environ 1 900 milliards d’EUR. En partant de l’hypothèse que les besoins de financement des autres DRR de la zone euro sont analogues à ceux des DRR néerlandais, les besoins de financement en espèces de l’ensemble des DRR de la zone euro devraient rester inférieurs à 2 % de l’encours global des opérations de prise en pension 20 .

Selon l’AEMF, et comme le rapporte également l’ICMA 21 , le marché européen des opérations de pension a, dans l’ensemble, bien résisté aux turbulences du marché induites par la COVID-19. Néanmoins, les marchés des opérations de pension ont été confrontés à des conditions défavorables au plus fort de la crise en février/mars, étant donné que la demande d’opérations de pension a augmenté et que la capacité des négociants à répondre à cette demande était relativement limitée 22 . Cette situation a pu limiter la capacité de nombreuses entreprises à accéder au marché des opérations de pension, qui était nécessaire pour gérer la liquidité intrajournalière et les garanties. Selon certaines sources, un marché monétaire non liquide a entravé l’intermédiation de la liquidité des banques vers les établissements financiers non bancaires 23 . Dans l’ensemble, comme l’indique l’AEMF, les marchés des opérations de pension compensées ont fonctionné de manière efficace et efficiente tout au long de la crise, offrant un accès continu aux produits dérivés – même si cela n’a pas empêché l’apparition de pics d’appels de marge.

À l’avenir, les marchés des opérations de pension devraient continuer à jouer un rôle majeur pour relever le défi de la compensation centrale; toutefois, la participation des fonds de pension aux marchés des opérations de pension en Europe reste faible, surtout si on la compare à celle des États-Unis 24 .

3.3 Initiatives proposées dans le cadre de la consultation publique

Afin de stimuler les progrès vers une compensation centrale des DRR, les répondants à la consultation publique ont proposé plusieurs initiatives, comme l’illustre le rapport de l’AEMF. Ces initiatives visent principalement à améliorer les solutions actuellement utilisées par les DRR pour la compensation centrale, à savoir la compensation de clients et les modèles d’accès facilité des contreparties centrales. Ces solutions apparaissent comme les deux axes sur lesquels les prochaines étapes de ce travail devraient se concentrer.

En ce qui concerne la compensation de clients, les contributions reprises dans le rapport de l’AEMF et les discussions au sein du groupe d’experts de la Commission montrent que le renforcement de la capacité des membres compensateurs à fournir des services de transformation des garanties à leurs clients directs serait bénéfique pour améliorer l’accès des DRR à la liquidité en cas de besoin. Les banques sont bien placées pour faciliter la transformation des garanties et elles y contribuent depuis longtemps.

Comme le souligne le rapport de l’AEMF, les banques ont relevé certaines contraintes qui font qu’il est plus difficile pour elles et pour les DRR de satisfaire à l’obligation de compensation pour les DRR: celles-ci concernent notamment le ratio de levier, les actifs pondérés en fonction des risques et le financement. En particulier, comme l’illustre le rapport de l’AEMF fondé sur la consultation publique, un traitement plus favorable des fonds propres pour les opérations de mise/prise en pension contribuerait à stimuler l’activité relative aux opérations de pension.

En ce qui concerne les modèles d’accès facilité proposés par les contreparties centrales, ces modalités sont déjà utilisées par certains grands DRR pour accéder au marché des opérations de pension compensées. Selon les contreparties centrales ayant participé à la consultation publique, une telle solution nécessiterait un signal clair de la part des régulateurs, sous la forme de modifications réglementaires et d’une date précise à laquelle l’exemption de compensation des DRR prendrait fin, afin que cette solution soit adoptée à plus grande échelle. Certains gestionnaires d’actifs ayant pour clients de grands DRR ont indiqué que ces types de modèles constituent une piste encourageante, et certains répondants ont souligné la fiabilité acquise par les marchés européens des opérations de pension compensées au fil des ans en ce qui concerne les liquidités disponibles, même en période de tensions. D’autres améliorations opérationnelles pourraient être apportées à ces solutions des contreparties centrales afin de mieux répondre aux besoins des DRR: du côté des contreparties centrales, la consultation a fait apparaître que des améliorations supplémentaires pouvaient être envisagées.

Un certain nombre de mesures réglementaires ont ainsi été proposées par les répondants à la consultation. Les propositions suivantes formulées par les parties prenantes sont notamment mentionnées dans le rapport de l’AEMF:

-un traitement plus favorable des opérations de mise/prise en pension dans le contexte du ratio de levier;

-une méthodologie recalibrée pour le calcul du ratio de levier, afin d’éviter que les banques ne procèdent à des habillages de bilan à certaines échéances de déclaration au cours de l’année 25 ;

-la création éventuelle d’une catégorie spécifique d’expositions aux fonds de pension, assortie de pondérations de risque réduites (reflétant mieux leur solvabilité élevée);

-le traitement spécifique du rôle des agents de compensation (les banques qui permettent aux DRR d’accéder aux contreparties centrales dans le cadre des modèles d’accès facilité) dans la réglementation bancaire;

-en vertu de Solvabilité II, la possibilité d’accorder aux DRR et aux compagnies d’assurance qui sont des membres directs d’une contrepartie centrale, dans le cadre de modèles d’accès facilité, le même traitement préférentiel que celui dont bénéficient les membres compensateurs en vertu du règlement sur les exigences de fonds propres;

-d’autres modifications réglementaires concernant les OPCVM et les FIA, dans le but d’encourager la compensation centrale du côté des acheteurs.    

En outre, le CERS a formulé des propositions visant à renforcer le cadre du risque de liquidité, y compris pour les DRR, notamment en établissant un coussin de liquidité spécifique dans certains cas.

4.CONCLUSION

Selon le règlement EMIR Refit, l’exemption de compensation centrale expire en juin 2021, avec la possibilité pour la Commission européenne de la prolonger deux fois, à chaque fois d’un an, par acte délégué.

L’analyse globale effectuée par la Commission européenne sur les principales questions relatives à la compensation centrale des DRR, telle que décrite dans le premier rapport publié en septembre 2020, est largement confirmée par les résultats de la consultation publique de l’AEMF. Cette consultation a également fourni des informations quantitatives supplémentaires.

Ces dernières années, des progrès ont été réalisés sur la voie de la compensation centrale des DRR et, en effet, comme cela a été souligné, les DRR se dirigent partiellement vers la compensation centrale sur une base volontaire. C’est aussi le résultat de diverses forces réglementaires et de marché.

Néanmoins, afin de contribuer à la mise en place d’un dispositif durable de compensation centrale pour les DRR, la Commission est d’avis que l’extension de l’exemption applicable aux DRR serait nécessaire pour plusieurs raisons. Premièrement, elle offrirait la possibilité d’apporter de nouvelles améliorations aux modèles d’accès facilité des contreparties centrales. Deuxièmement, elle permettrait de procéder à une évaluation plus approfondie de la pertinence et de la faisabilité de toute modification réglementaire potentielle qui pourrait sous-tendre une solution de compensation centrale obligatoire. Troisièmement, cette mesure contribuerait à laisser mûrir des solutions de substitution, étant donné que les marchés monétaires pourraient encore se révéler volatils au fur et à mesure des retombées économiques de la pandémie de COVID-19. Il semble prématuré de laisser l’exemption de l’obligation de compensation des DRR expirer en juin 2021, d’autant plus que des inquiétudes pourraient encore se faire jour quant à la disponibilité de liquidités dans le système pour répondre à la demande de marge de variation. Enfin, une extension est conforme à l’avis rendu par l’AEMF, en coopération avec l’ABE, l’AEAPP et le CERS.

La Commission propose donc d’adopter un acte délégué qui prolongerait l’exemption de la compensation centrale jusqu’en juin 2022.

Dans les mois à venir, la DG FISMA continuera à explorer et à évaluer de manière plus approfondie les différentes solutions et propositions avancées par les parties prenantes du secteur, en coopération avec le groupe d’experts mis en place à cet effet et les services compétents de la Commission.

(1)

     En vertu du règlement EMIR, les DRR comprennent les institutions de retraite professionnelle au sens de l’article 6, point a), de la directive 2003/41/CE, les activités de fourniture de retraite professionnelle des institutions visées à l’article 3 de cette directive, les activités de fourniture de retraite professionnelle exercées par les entreprises d’assurance qui relèvent de la directive 2002/83/CE (sous certaines conditions), ainsi que d’autres entités agréées et surveillées ou d’autres dispositifs fonctionnant dans un cadre national dont l’objet est principalement de fournir des prestations de retraite. L’exemption concerne les contrats dérivés de gré à gré dont la contribution à la réduction des risques d’investissement qui sont directement liés à la solvabilité financière des DRR peut être objectivement mesurée. Elle s’applique également aux entités établies pour indemniser les membres de ces dispositifs en cas de défaillance, et les DRR qui rencontrent des difficultés pour respecter les exigences de marge de variation (article 89 du règlement EMIR). 

(2)

     «Rapport de la Commission évaluant si des solutions techniques viables ont été mises au point pour le transfert, par les dispositifs de régime de retraite, de garanties monétaires et non monétaires en tant que marges de variation et si des mesures sont nécessaires pour faciliter ces solutions techniques viables», COM (2020) 574 final.

(3)

     AEMF, «Premier rapport pour consultation – Solutions de compensation centrale pour les dispositifs de régime de retraite», avril 2020.

(4)

     AEMF, «Rapport à la Commission européenne – Rapport sur les solutions de compensation centrale pour les dispositifs de régime de retraite (nº 2)», décembre 2020.

(5)

     Dans l’Union européenne, Eurex Clearing a mis en place un tel modèle, assorti éventuellement d’un «accès facilité» au marché des opérations de gré à gré compensées. À la connaissance de la Commission, LCH SA est également en train de développer une solution d’«accès facilité». Voir COM(2020) 574 final.

(6)

     Un accord de mise en pension («opérations de pension») est un accord de vente de titres à un prix donné combiné à un accord de rachat de ces titres à un prix convenu à une date ultérieure. Le marché des opérations de pension réunit des entreprises qui fournissent des garanties en échange de liquidités et des entreprises qui fournissent des liquidités en échange de garanties.

(7)

     AEMF, «Rapport à la Commission européenne – Rapport sur les solutions de compensation centrale pour les dispositifs de régime de retraite (nº 2)», décembre 2020.

(8)

     L’AEMF a reçu 19 réponses individuelles ou d’associations professionnelles, dont deux confidentielles, et une réponse conjointe de dix parties prenantes du secteur des fonds de pension.

(9)

     Sur la base des données communiquées au titre du règlement EMIR.

(10)

     Les contrats de compensation des clients comportent souvent une clause qui établit un préavis de résiliation de 90 jours.

(11)

     PensionsEurope et ISDA, «Potential demand for clearing by EU pension funds» (Demande potentielle de compensation par les fonds de pension de l’UE), 2018.

(12)

     AEMF, «Rapport à la Commission européenne – Rapport sur les solutions de compensation centrale pour les dispositifs de régime de retraite (nº 2)», décembre 2020.

(13)

     BCE, «Financial Stability Review (revue de stabilité financière), mai 2020.

(14)

     Sur la base des réponses à la consultation de l’AEMF.

(15)

     BCE, «Financial Stability Review (revue de stabilité financière), mai 2020.

(16)

     COM(2020) 574 final du 23 septembre 2020.

(17)

     BCE, «Financial Stability Review (revue de stabilité financière), mai 2020.

(18)

     BCE, «Financial Stability Review (revue de stabilité financière), mai 2020.

(19)

     BCE, «Financial Stability Review (revue de stabilité financière), mai 2020.

(20)

     COM(2020) 574 final du 23 septembre 2020.

(21)

     Association internationale des marchés de capitaux, «The European repo market and the Covid-19 crisis» (Le marché européen des opérations de pension et la crise de la COVID-19), avril 2020.

(22)

     Association internationale des marchés de capitaux, «The European repo market and the Covid-19 crisis» (Le marché européen des opérations de pension et la crise de la COVID-19), avril 2020.

(23)

     D’Avernas, A., Vandeweyer, Q. et Darracq Pariès, M. (2020), «Unconventional monetary policy and funding liquidity risk» (Politique monétaire non conventionnelle et risque de liquidité de financement), Working Paper Series nº 2350.

(24)

     Eurex, «Derivatives markets after the Covid-19 crisis – A review of the Digital Derivatives Forum» (Les marchés de produits dérivés après la crise de la COVID-19 – Un bilan du Digital Derivatives Forum), 2020.

(25)

     À cet égard, il convient de noter que le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire et les autorités de l’Union ont récemment pris des mesures pour s’attaquer à ce problème, en renforçant les obligations d’information sur le ratio de levier. Ces dispositions seront appliquées par les banques de l’Union européenne à partir de juin 2021.