26.3.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 106/12


Avis du Comité européen des régions — Les services publics transfrontaliers en Europe

(2021/C 106/04)

Rapporteur:

Pavel BRANDA (ECR/CZ), maire adjoint de Rádlo

I.   OBSERVATIONS GÉNÉRALES

Près d’un tiers des citoyens de l’Union européenne vivent et travaillent dans les régions frontalières de l’Europe. Ces frontières ont une incidence directe et indirecte sur leur vie. Les personnes vivant dans des régions frontalières se heurtent souvent à des défis particuliers, qu’il s’agisse de trouver un emploi, d’accéder aux soins de santé et à d’autres services publics, ainsi que de se rendre au travail au quotidien ou de régler des problèmes administratifs. La coopération transfrontalière s’est avérée être l’outil le plus efficace pour surmonter les obstacles et les divisions induits par les frontières, et pour renforcer la cohésion territoriale des régions frontalières.

L’accès aux services publics dans ces régions, en particulier celles qui sont fortement dépeuplées, est souvent plus limité que dans les régions centrales et les capitales, un phénomène aggravé dans le cas de régions confrontées, en outre, à des défis démographiques; or cet accès constitue un facteur déterminant de la qualité de vie. Fournir des services publics transfrontaliers (ou «SPT») pourrait non seulement bénéficier aux citoyens, mais aussi être plus rentable, puisque ces services seraient à la disposition d’un public élargi, et présenter un meilleur rapport coût-bénéfice.

Une fourniture performante de services publics transfrontaliers pourrait également faire émerger une meilleure compréhension entre voisins et une confiance mutuelle indispensable. Ces services auraient une incidence directe sur la manière dont l’Union européenne est perçue, contribuant ainsi au renforcement de l’identité européenne.

Des services publics mis à la disposition d’un public élargi pourraient contribuer à réduire l’effet négatif dû à la frontière et à améliorer la qualité de vie des citoyens vivant dans les régions frontalières. Il existe une demande de services publics à nos frontières intérieures et extérieures, en y répondant de manière adéquate, l’Union européenne ferait la démonstration de la valeur ajoutée manifeste qu’elle apporte aux millions de citoyens qui bénéficieraient de ces services.

L’analyse ciblée (1) de l’observatoire en réseau de l’aménagement du territoire européen (ORATE) donne un premier aperçu de la question des services publics transfrontaliers. Elle pose le décor et propose quelques recommandations. Dans la situation complexe à laquelle nous sommes confrontés, qui requiert des réponses coordonnées pour relever les défis, il appartient à présent au CdR, par le présent avis, de prendre l’initiative politique de faire sien le thème des services publics transfrontaliers, de formuler des recommandations politiques du point de vue des collectivités locales et régionales, et de définir les prochaines mesures devant être prises par des institutions de l’Union et d’autres parties prenantes pour améliorer à l’avenir l’efficacité et la diffusion de la fourniture des services publics transfrontaliers.

II.   RECOMMANDATIONS POLITIQUES

LE COMITÉ EUROPÉEN DES RÉGIONS

1.

considère que pour fournir des services publics transfrontaliers performants, efficaces et plus accessibles, trois outils/conditions sont indispensables: un cadre juridique, des structures et un financement. Dans la mesure où ces services sont de nature européenne, l’Union devrait jouer un rôle actif et moteur dans la concrétisation de ces outils/conditions. La collaboration des autorités nationales, régionales et locales est nécessaire, conformément au principe de partenariat, pour éliminer ou réduire les coûts propres au contexte transfrontalier;

Le cadre juridique de l’Union européenne

Valeur ajoutée d’un cadre juridique au niveau de l’Union européenne

2.

souligne la nécessité d’élaborer un cadre juridique au niveau de l’Union européenne afin d’assurer une mise en place et une gestion efficaces de services publics transfrontaliers susceptibles de répondre aux besoins de nos concitoyens et concitoyennes vivant dans les régions frontalières. Cela représenterait clairement une valeur ajoutée de l’Union européenne, car les cadres actuels imposent souvent des charges et des coûts administratifs considérables, amenant ainsi de nombreuses collectivités locales et régionales à abandonner leurs projets;

3.

soutient fermement, à cet égard, le mécanisme transfrontalier européen (ECBM), dont la proposition est actuellement bloquée au Conseil de l’Union européenne; demande dès lors à la présidence portugaise d’accélérer son adoption;

4.

est d’avis que, conformément au principe de subsidiarité, la coopération transfrontalière et la fourniture de services publics transfrontaliers sont des questions de nature européenne que l’Union européenne est la plus à même de traiter efficacement, grâce à une coopération étroite avec les autorités nationales, régionales et locales (principe de partenariat);

Application du droit de l’Union européenne d’une manière adaptée aux régions transfrontalières

5.

invite la Commission européenne, en tant qu’institution chargée de la surveillance de l’application de la législation de l’Union, et surtout les États membres et les régions dotées de pouvoirs législatifs, à coordonner la transposition des directives avec les États et régions voisins, afin d’éviter l’apparition de nouveaux obstacles juridiques et d’asymétries administratives résultant d’un manque de coordination; demande dans le même temps aux États membres et aux régions dotées de pouvoirs législatifs de contrôler les effets que produisent leurs décisions, lois ou autres dispositions arrêtées à leur niveau, national ou régional, dans les territoires frontaliers;

6.

souligne que les analyses d’impact peuvent fournir un excellent aperçu des effets de la législation de l’Union et invite la Commission, ainsi que les États membres et les régions dotées de pouvoirs législatifs, à mettre au point des méthodes permettant d’effectuer des analyses de l’impact transfrontalier qui soient pertinentes;

Points de contact transfrontaliers au sein des directions générales de la Commission européenne

7.

demande à la Commission européenne d’envisager de manière transversale la situation des régions frontalières lors de l’élaboration de ses politiques et de désigner, dans toutes les directions générales, des points de contact transfrontaliers susceptibles de s’occuper de questions transfrontalières, en particulier dans les domaines de l’environnement, des services de secours, de la gestion du risque, des transports, des soins de santé, de l’éducation, de l’aménagement du territoire, de la numérisation, de la communication, de la culture, du tourisme, du développement économique et de l’emploi (2). Les actes législatifs de l’Union européenne, nouveaux et révisés, devraient tenir compte de la fourniture de services publics transfrontaliers dans ces secteurs importants afin d’en promouvoir la mise en œuvre;

Points de contact transfrontaliers nationaux

8.

invite les États membres et les régions dotées de pouvoirs législatifs à mettre en place des points de contact transfrontaliers nationaux stables, permanents et interadministratifs, susceptibles d’échanger leurs expériences et de discuter des difficultés auxquelles les collectivités locales et régionales sont confrontées sur une frontière en particulier, de coordonner l’application de la législation de l’Union européenne et d’œuvrer à la suppression systématique des obstacles aux frontières (y compris en ce qui concerne la mise en place et la fourniture de services publics transfrontaliers). Ces points de contact pourraient être les mêmes organes que ceux proposés dans le règlement relatif au mécanisme transfrontalier européen (ECBM), pour autant que ceux-ci aient été mis en place dans les régions concernées, mais ils assumeraient davantage de responsabilités. Ces points de contact devraient disposer d’un référent qui maîtrise les langues officielles des territoires frontaliers. Leur travail devrait conduire à la suppression des obstacles recensés par les acteurs locaux et régionaux. Ils pourraient évaluer la situation dans les régions frontalières et ensuite proposer des approches et des actions communes qui permettraient de fournir de meilleurs services aux citoyens et aux citoyennes en optimisant les ressources disponibles de part et d’autre de la frontière et en définissant des mécanismes de coordination avec les programmes transfrontaliers et d’autres mécanismes de l’Union européenne. Il faudrait que le point de contact frontalier de l’Union européenne assure une coordination et un soutien méthodologique, et facilite les échanges de bonnes pratiques entre régions frontalières d’Europe;

9.

exhorte les États membres à faire preuve d’une plus grande souplesse à l’égard des collectivités locales et régionales qui souhaitent mettre en œuvre des services publics transfrontaliers, dans la mesure où, dans certains cas, la flexibilité, les solutions ad hoc et les réponses rapides des acteurs nationaux concernés peuvent offrir, pour la création et le maintien des services publics transfrontaliers, des solutions de court terme qui n’en appellent pas moins un remède durable et pérenne. Le recours à des accords intergouvernementaux tels que le récent traité d’Aix-la-Chapelle pourrait également stimuler la fourniture de services publics transfrontaliers;

Point de contact frontalier (DG REGIO)

10.

souligne que le CESE soutient le point de contact frontalier de la DG REGIO et demande un renforcement des ressources humaines à cette fin, en vue de son éventuel nouveau rôle de coordination des points de contact nationaux et des points de contact dans les différentes directions générales;

Mécanisme transfrontalier européen (ECBM)

11.

estime que l’Union européenne devrait encourager une approche coordonnée aux frontières en ce qui concerne l’application de la législation de l’Union européenne. Dans les cas où cette approche n’a pas abouti et où les législations nationales ne permettent pas de coopération, l’Union européenne devrait offrir un cadre ou une solution à son niveau pour lesquels les fournisseurs de services publics transfrontaliers pourraient opter;

12.

insiste dès lors sur la nécessité d’adopter le nouvel outil proposé par la Commission européenne, le mécanisme transfrontalier européen (ECBM) (3), en tant qu’instrument juridique ascendant qui s’avérera probablement la solution adéquate pour lever les obstacles juridiques et administratifs et créer un cadre juridique approprié pour la mise en œuvre spécifique de services publics transfrontaliers;

13.

réaffirme que l’analyse des obstacles frontaliers existants effectuée par la Commission européenne dans le cadre du réexamen de la politique transfrontalière et les projets de b-solutions subséquents démontrent clairement la nécessité d’un tel instrument juridique sur le terrain. Dans plus d’un tiers des 43 exemples de b-solutions analysés (4), le mécanisme transfrontalier européen serait un bon outil pour lever les obstacles, notamment dans les cas où la solution proposée nécessiterait de modifier le cadre juridique ou administratif en vigueur d’un côté de la frontière;

14.

dans ce contexte, demande aux acteurs locaux et régionaux de renforcer leurs capacités de sorte qu’ils puissent jouer un rôle plus important et plus efficace en tant qu’«initiateurs» de solutions dans le cadre du mécanisme transfrontalier européen proposé. Pour que ce mécanisme soit correctement mis en œuvre, les collectivités locales et régionales doivent être en mesure de comprendre suffisamment les obstacles et donc de déterminer clairement des solutions juridiques ou administratives efficaces;

15.

note que la proposition de règlement sur le mécanisme transfrontalier européen pourrait revêtir une importance capitale non seulement pour les services publics transfrontaliers, mais également pour l’avenir de la coopération transfrontalière en général, car ce mécanisme pourrait contribuer à lever les obstacles existants et à libérer tout le potentiel économique des régions frontalières de l’Union (5);

16.

prie instamment le Conseil européen de reprendre les discussions sur le règlement relatif au mécanisme transfrontalier européen et d’arrêter d’urgence sa position sur la proposition en vue d’une adoption rapide du règlement;

17.

invite les États membres à inscrire à l’ordre du jour des sommets entre États frontaliers et de tout autre forum de coopération transfrontalière le débat sur le «Mécanisme transfrontalier européen». L’analyse de l’instrument proposé par la Commission européenne dans les forums décisionnels doit convaincre les États membres de son utilité pour surmonter une grande partie des obstacles juridiques et administratifs qui subsistent aux frontières de l’Union européenne et, partant, pour mettre en place des services publics transfrontaliers;

18.

propose à la Commission européenne, aux États membres intéressés, aux régions dotées de pouvoirs législatifs et aux structures transfrontalières locales et régionales de tester l’application des principes et procédures du mécanisme transfrontalier européen proposé à des projets concrets afin de mieux comprendre comment cet instrument pourrait être mis en œuvre dans des conditions spécifiques et pourrait être utile pour surmonter les obstacles juridiques et administratifs existants. Par le passé, de nombreuses zones transfrontalières ont fait office de laboratoires pour la coopération transfrontalière et ont obtenu des résultats positifs dans la résolution de problèmes transfrontaliers;

Structures transfrontalières

19.

note que l’analyse de l’ORATE a montré que la mise en place d’une nouvelle structure ou entité transfrontalière, le plus souvent sans personnalité juridique distincte, était nécessaire pour de nombreux services publics transfrontaliers. L’on a fréquemment utilisé ou adapté des structures existantes. Lorsque de nouvelles structures transfrontalières ont été créées, ce fut à l’aide d’accords interétatiques existants, du droit national en vigueur ou du règlement GECT;

20.

insiste sur les avantages que présentent les structures transfrontalières permanentes, disposant de leur propre personnel et de leur propre budget, et ayant pour seul objectif de promouvoir la coopération transfrontalière comme les Eurorégions, les communautés de travail et les structures similaires conçues pour le déploiement efficace des services publics transfrontaliers;

21.

souligne les atouts et le potentiel non pleinement exploité des groupements européens de coopération territoriale (GECT) (6), qui pourraient servir de parfaits organes de gestion pour les services publics transfrontaliers, en particulier dans les cas où il est nécessaire de disposer d’un budget et d’un personnel communs et où les pouvoirs publics sont les principaux fournisseurs de services. Il convient de renforcer les efforts de sensibilisation déployés par la plateforme des GECT du CdR et de les axer spécifiquement sur l’utilisation des GECT pour la fourniture des services publics transfrontaliers;

22.

précise que les GECT, bien qu’ils se soient révélés très utiles dans le cadre de la coopération transfrontalière, sont en bute à certaines limitations juridiques qui les empêchent d’exploiter pleinement le potentiel d’une coopération renforcée par-delà les frontières. Cela s’observe particulièrement dans les services publics et les projets d’infrastructure transfrontaliers. L’amélioration du cadre juridique décrit ci-dessus favoriserait une utilisation bien plus large de cet instrument européen;

Instruments financiers

23.

demande qu’il soit mentionné que le développement des services publics transfrontaliers constituent une activité éligible au titre de la politique de cohésion et, notamment, du programme Interreg (sans réduire pour autant les autres éléments du programme), ainsi que d’autres instruments financiers prévus dans le prochain cadre financier pluriannuel et l’instrument de relance à la suite de la pandémie de COVID-19, «Next Generation EU». Afin de renforcer l’attractivité des programmes de financement, il convient en outre de réduire la charge administrative liée à la demande et au règlement des aides correspondantes;

24.

invite toutes les autorités de gestion des régions frontalières à financer les opérations/actions/projets transfrontaliers dans le cadre de leurs programmes régionaux principaux (FEDER et FSE) afin de compléter et d’approfondir l’action des programmes Interreg;

25.

souligne l’importance qu’a revêtu le programme Interreg pour les régions transfrontalières ces trente dernières années. Interreg a soutenu la coopération qui a permis le rapprochement et le dialogue entre les administrations et les autorités des différentes régions transfrontalières, repoussé les limites de la coopération transfrontalière et soutenu des projets qui ont eu une incidence directe sur la mise en place de services publics transfrontaliers;

26.

mentionne les très bonnes expériences des projets de b-solutions de la Commission européenne, qui visaient à lever les obstacles aux frontières, notamment certains concernant les services publics transfrontaliers. Ces projets ont montré que de très bons résultats pouvaient être obtenus même avec un faible financement;

27.

exprime à nouveau sa profonde déception à l’égard du budget consacré au programme Interreg dans les propositions relatives au prochain cadre financier, qui est insuffisant pour répondre aux besoins de la coopération territoriale européenne dans son ensemble et de la coopération transfrontalière en particulier, qui est l’un des éléments clés de la politique de cohésion et de l’intégration européenne. Ce budget réduit du programme Interreg fera échouer de nombreuses possibilités d’autant plus que le budget de la période de financement précédente était déjà largement insuffisant;

28.

recommande aux États membres d’allouer conjointement une partie de leurs ressources supplémentaires dans le cadre de l’initiative REACT-EU aux programmes de coopération transfrontalière auxquels ils participent, permettant ainsi un redémarrage efficace et un renforcement de la coopération transfrontalière après la crise de la COVID-19, y compris le soutien à la mise en place de services publics transfrontaliers ou de couloirs sanitaires. Il convient là aussi d’analyser les synergies qui pourraient découler d’un déploiement commun des services de secours;

29.

soutient fermement le projet pilote «Régions transfrontalières confrontées à l’épidémie de COVID-19: une occasion à saisir pour renforcer les réponses communes aux crises et le codéveloppement», adopté lors de la session plénière du Parlement européen en novembre, qui vise à améliorer la vie des citoyens des régions frontalières en faisant en sorte que ces zones soient plus intégrées et fonctionnelles. Ce projet pilote aidera les régions frontalières à mieux faire face aux futures crises et à promouvoir un nouveau modèle d’élaboration des politiques publiques dans ces régions, notamment en ce qui concerne les services publics, sur la base du codéveloppement et d’une meilleure gouvernance à plusieurs niveaux. Le projet pilote combine donc des approches à court et à moyen terme pour fournir aux praticiens et aux décideurs des outils concrets et des méthodes pouvant directement être mis en pratique, tangibles pour les citoyens et applicables à toutes les frontières européennes;

30.

constate que, si l’Union européenne a soutenu, par l’intermédiaire de ses programmes, la création de certains services publics transfrontaliers, le financement à long terme n’est pas viable. Les États membres et les collectivités locales et régionales devraient examiner d’autres moyens de financement suffisant sur le long terme, tels que les sources nationales ou régionales et les partenariats public-privé, qu’il conviendrait également de faciliter pour qu’ils puissent se déployer et fonctionner par-delà les frontières, du moins au sein de l’EEE;

Services électroniques

31.

souligne que, dans les régions frontalières, le processus de numérisation dans lequel nous sommes engagés se déroule dans la triple perspective du tissu productif, des pouvoirs publics et des organismes publics qui fournissent des services aux citoyens, et des citoyens eux-mêmes. Dans ce cadre, les services électroniques pourraient ouvrir un champ de développement très intéressant pour la fourniture transfrontalière de services publics. Par exemple, la barrière linguistique, qui constitue l’un des premiers obstacles à la coopération transfrontalière en général et à la fourniture de services publics transfrontaliers en particulier, pourrait être surmontée grâce à l’utilisation d’une interface de traduction automatique. En outre, la création de cartes électroniques permettant aux citoyens des régions frontalières d’accéder à des services publics transfrontaliers constituerait une avancée majeure vers l’amélioration de la qualité de vie de la population de ces régions. Si l’on recourt davantage aux procédures électroniques, une nécessaire harmonisation des dispositions administratives s’ensuivra, qui permettra à son tour de lever bon nombre d’obstacles. Le développement de systèmes fondés sur l’intelligence artificielle pourrait également encourager plus avant la fourniture de services à l’échelle européenne;

Rôle du secteur privé

32.

demande aux décideurs politiques d’accorder une attention particulière aux petits et moyens fournisseurs locaux. Les opérateurs privés sont des acteurs clés dans la fourniture de certains services et/ou dans certains États. Les entreprises communes transfrontalières ayant une puissance significative sur le marché, par exemple sous la forme d’une société européenne (7), pourraient être mieux préparées à fournir des services publics transfrontaliers;

Connectivité transfrontalière

33.

demande que soit apporté un soutien à la connectivité transfrontalière. Il existe dans certaines régions frontalières une difficulté, d’ordre physique, à accéder à l’autre côté de la frontière, soit en raison de barrières naturelles (montagnes ou fleuves) parce qu’il n’y a pas de connexion physique reliant les deux côtés, qu’il s’agisse de routes ou de ponts, soit encore du fait de l’absence de services de transport public adéquats et réguliers. Faciliter la connectivité permettrait d’accroître les échanges et, partant, de favoriser une «citoyenneté intégrée» dans ces régions;

34.

invite les institutions de l’Union et les États membres à relancer les discussions sur la création d’un passeport de services (carte électronique) qui permettrait aux PME de fournir des services au-delà des frontières sans devoir supporter des charges administratives supplémentaires imposées par des régulateurs étrangers;

Amélioration de la promotion et du suivi des services publics transfrontaliers

35.

remarque qu’une grande majorité de tous les services publics transfrontaliers recensés (64 %) (8) sont situés le long des frontières entre les États membres de longue date de l’Union, et que très peu d’entre eux se trouvent parmi les nouveaux États membres;

36.

invite la Commission européenne ainsi que les États membres à mener, avec les collectivités locales et régionales et le CdR, une campagne d’information dans les États membres afin de montrer les avantages et les possibilités que recèlent les services publics transfrontaliers. Le grand public ignorant l’existence de nombre d’entre eux, il serait dès lors opportun que les parties prenantes précitées investissent également davantage dans le suivi et la promotion desdits services (par exemple, en élaborant des catalogues de services publics transfrontaliers);

37.

est disposé à jouer un rôle plus important dans le suivi et la promotion des services publics transfrontaliers en Europe, compte tenu de sa très bonne expérience en la matière avec les GECT grâce à la plateforme des GECT du CdR. Certains GECT fournissant déjà des services publics transfrontaliers, l’on devrait également confier à la plateforme des GECT la tâche de suivre l’élaboration des services publics transfrontaliers et de les promouvoir conjointement avec le GECT en tant qu’outil approprié pour leur mise en œuvre;

38.

invite les régions frontalières, et en particulier les Eurorégions, les communautés de travail, les GECT et les autres structures transfrontalières à consulter leurs citoyens et citoyennes au sujet des services qu’ils jugent manquants dans leur région ou susceptibles d’être améliorés, à répondre à ces besoins et à éventuellement concevoir des services transfrontaliers d’intérêt commun nouveaux ou améliorés;

Les services publics transfrontaliers aux frontières extérieures, terrestres et maritimes, de l’Union européenne

39.

se réfère à l’expérience acquise grâce au règlement GECT, qui a démontré la possibilité de mettre en place une coopération fructueuse et mieux structurée avec les pays tiers, comme c’est particulièrement le cas avec la Suisse et l’Ukraine;

40.

souligne que 17 % de l’ensemble des services publics transfrontaliers recensés sont établis entre des États membres de l’Union européenne et des pays tiers. Cette situation démontre la nécessité et le potentiel d’une telle coopération au-delà des frontières extérieures de l’Union, aussi bien terrestres que maritimes. Le cadre législatif, les structures et le financement devraient permettre la mise en place de tels services avec les pays tiers, dans l’intérêt des citoyens de ces régions frontalières;

L’expérience de la COVID-19: la coopération face à la fermeture des frontières

41.

rappelle les occasions que les États membres ont manquées lors de la récente pandémie de COVID-19 lorsqu’ils ont fermé les frontières de manière instinctive et unilatérale, sans envisager de conjuguer leurs efforts aux frontières intérieures de l’Union européenne et de fournir des services en matière de soins de santé et d’urgence aux citoyens vivant dans les régions frontalières. La crise aurait pu être mieux gérée en travaillant ensemble et en partageant les expériences et les ressources. L’on devrait toutefois considérer qu’il s’agit d’une leçon démontrant une fois de plus le besoin de disposer de services publics transfrontaliers et d’élaborer des approches européennes coordonnées à l’égard des problèmes communs. Il convient à cet égard de souligner que, même en dehors des périodes de crise, la coopération transfrontalière dans les domaines de la santé et des services de secours revêt une grande importance pour la bonne prise en charge des populations, et qu’elle doit être particulièrement encouragée;

42.

relève que la fermeture des frontières sans coordination et consultation ni des États voisins ni des collectivités locales et régionales dans des régions frontalières a eu un effet dévastateur non seulement sur la coopération transfrontalière existante mais aussi des répercussions extrêmement néfastes sur la vie des citoyens vivant dans les régions frontalières, faute d’accords relatifs à la circulation exceptionnelle des personnes et des biens, ce qui s’est notamment traduit par un impact négatif sur la fourniture de services publics transfrontaliers;

43.

estime qu’il est nécessaire de définir un niveau minimal de coopération transfrontalière à maintenir même en temps de crise afin de garantir la fourniture de services publics transfrontaliers, en particulier ceux qui concernent la gestion des crises;

44.

salue le partenariat entre le CdR, la Commission européenne et les principales associations qui s’occupent de questions transfrontalières (la MOT, l’ARFE et le CESCI) qui a été mis en place pendant la crise de la COVID-19. Cette expérience a mené à la constitution d’une Alliance européenne pour les citoyens transfrontaliers;

45.

souligne que, malgré la fermeture des frontières, de nombreuses régions et villes frontalières ont trouvé des moyens de coopérer et de partager leurs ressources en ces temps difficiles. Ce constat prouve une fois de plus que la coopération transfrontalière est naturelle pour les habitants de ces régions et constitue la voie à suivre pour leurs populations;

Recommandations pour l’avenir

46.

se déclare disposé à tirer les leçons de l’expérience des régions frontalières et à présenter des recommandations détaillées sur la coopération transfrontalière dans le cadre de la contribution du CdR à la conférence sur l’avenir de l’Europe;

47.

prévoit, à cet égard, de formuler des recommandations spécifiques à la conférence sur deux points:

le premier concerne une vision à long terme de l’avenir de la coopération transfrontalière au sein de l’Union européenne, elle mettra l’accent sur des propositions concrètes que le CdR et les régions frontalières souhaiteraient voir mises en œuvre d’ici à 2050. Les services publics transfrontaliers seront intégrés dans cette vision,

le deuxième point consiste à réclamer une législation qui garantirait des normes minimales en matière de coopération transfrontalière en cas de crise à l’échelle de l’Union européenne et/ou de crises locales afin de maintenir un niveau suffisant de services publics, de permettre aux citoyens vivant dans des régions frontalières d’exercer leurs activités, de garantir le fonctionnement ininterrompu du marché unique et de maintenir la dynamique de l’intégration européenne.

Bruxelles, le 5 février 2021.

Le président du Comité européen des régions

Apostolos TZITZIKOSTAS


(1)  Analyse ciblée de l’ORATE (ESPON) sur les services publics transfrontaliers (SPT) du 14 janvier 2019.

(2)  Domaines d’action politique dans lesquels la plupart des services publics transfrontaliers sont en place, recensés par l’analyse de l’ORATE.

(3)  Proposition de règlement COM(2018) 373 final — 2018/0198 (COD).

(4)  https://www.b-solutionsproject.com

(5)  La communication de la Commission intitulée Stimuler la croissance et la cohésion des régions frontalières de l’Union européenne indique que: «si 20 % seulement des obstacles existants étaient levés, les régions frontalières verraient quand même leur PIB augmenter de 2 %. […] représentant potentiellement plus de 1 million d’emplois» [COM(2017) 534, p. 4].

(6)  Règlement (CE) no 1082/2006 du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relatif à un groupement européen de coopération territoriale (GECT) (JO L 210 du 31.7.2006, p. 19).

(7)  Règlement (CE) no 2157/2001 du Conseil du 8 octobre 2001 relatif au statut de la société européenne (SE) (JO L 294 du 10.11.2001, p. 1).

(8)  Analyse ciblée de l’ORATE (ESPON) sur les services publics transfrontaliers (SPT) du 14 janvier 2019.