2.2.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 37/47


Avis du Comité européen des régions — Renforcer la gouvernance locale et la démocratie représentative grâce aux nouveaux instruments des technologies numériques

(2021/C 37/08)

Rapporteur:

Rait PIHELGAS (EE/Renew Europe), maire de Järva

RECOMMANDATIONS POLITIQUES

LE COMITÉ EUROPÉEN DES RÉGIONS

1.

reconnaît que les pouvoirs publics à tous les niveaux sont confrontés à des défis d’une complexité croissante et sans précédent, aussi divers que la mondialisation, le développement économique, l’impact des technologies, le changement climatique, les mutations démographiques, la sécurité, la désinformation, les problèmes sanitaires ou encore la radicalisation;

2.

se félicite que la Commission européenne ait inscrit parmi les priorités de son action la construction d’«Une Europe adaptée à l’ère du numérique», et que la présidente von der Leyen ait lancé un appel en faveur d’une transition vers un nouveau monde numérique bâti autour des atouts et des valeurs de l’Europe; soutient la priorité stratégique accordée à «Un nouvel élan pour la démocratie européenne» et l’engagement de la présidente de la Commission d’œuvrer pour une plus grande participation démocratique et pour une transparence accrue dans le processus décisionnel de l’Union européenne;

3.

applaudit l’engagement de la Commission européenne de soutenir les transitions écologique et numérique, comme en témoignent sa nouvelle proposition de cadre financier pluriannuel 2021-2027 et l’allocation de 8,2 milliards d’EUR au programme pour une Europe numérique (1);

4.

soutient la proposition formulée par le Parlement européen, dans la prise de position concernant la conférence sur l’avenir de l’Europe qu’il a adoptée le 15 janvier 2020, d’inclure la «transformation numérique» parmi les priorités stratégiques en vue de la conférence; rejoint le Parlement dans sa position selon laquelle la participation des citoyens à la conférence et les consultations devraient être organisées en utilisant «les plateformes les plus efficaces, innovantes et appropriées, y compris les outils en ligne, […] afin de garantir que tout citoyen [puisse] avoir voix au chapitre pendant les travaux de la conférence»; souligne que la conférence devrait servir de terrain d’essai pour mettre au point une forme de dialogue structuré et permanent avec les citoyens sur les questions européennes, lequel devra s’appuyer dans une large mesure sur des moyens numériques et des procédures innovantes, compte tenu notamment des restrictions imposées par la pandémie de COVID-19;

5.

réitère les prises de position qu’il a formulées en ce sens dans ses avis antérieurs:

dans l’avis sur la «Perspective locale et régionale — Promouvoir l’innovation dans le secteur public grâce à des solutions numériques» qu’il a adopté en plénière le 30 novembre 2017 (2), le CdR envisage la numérisation de l’administration comme un moyen de fournir aux citoyens de meilleurs services et affirme que les collectivités locales et régionales doivent jouer un rôle clé dans la modernisation du secteur public. Il invite instamment le secteur public à s’engager pour une innovation qui soit centrée sur les besoins des usagers et pour un accès sans discrimination aux services numériques, pour tous les citoyens et toutes les entreprises, et il souligne la nécessité d’une coopération et d’un échange des bonnes pratiques innovantes entre les administrations et par-delà les frontières,

dans l’avis sur le «Plan d’action 2016-2020 pour l’administration en ligne» qu’il a adopté en plénière le 11 octobre 2016 (3), le CdR approuve le principe du «numérique par défaut» pour les services fournis par les administrations publiques, et souligne qu’il convient d’œuvrer sur le long terme au renforcement de l’inclusion numérique afin de permettre à un plus grand nombre de personnes d’accéder à l’infrastructure et aux compétences nécessaires pour pouvoir tirer parti des possibilités offertes par le numérique. Il reconnaît l’importance d’une administration transparente donnant accès à ses données et services de manière ouverte et sécurisée pour améliorer la transparence et l’efficacité, mais fait dans le même temps observer qu’un haut niveau de protection s’impose pour certains types d’informations et de données à caractère personnel. En outre, le CdR soutient le principe d’une administration en ligne qui soit transfrontalière par défaut, et souligne que les collectivités locales et régionales situées dans des régions frontalières peuvent jouer un rôle crucial dans le recensement et le développement de services transfrontaliers qui soient pertinents, efficaces et continus,

dans l’avis sur «Une nouvelle stratégie en matière de compétences pour l’Europe» qu’il a adopté en plénière le 7 décembre 2016 (4), le CdR réclame des investissements dans les compétences numériques et la formation, et il voit dans la numérisation une occasion de relever bien des défis en matière d’éducation;

6.

souligne que ce ne sont pas les technologies qui doivent motiver la transformation numérique, mais que les changements devraient au contraire reposer sur les besoins et les attentes des citoyens, auxquels il faut apporter les réponses les plus transparentes, les plus inclusives, les plus simples d’utilisation, les plus sûres et les plus rentables qui soient. Cela signifie que les nouveaux défis nécessitent aussi des changements au niveau local et régional, dont la mise en œuvre dépend notamment et avant tout de la capacité des dirigeants à reconnaître ces besoins, ainsi que de la volonté de mener à bien les changements les plus appropriés. Dans une démocratie moderne, il ne suffit pas de se prêter régulièrement à un exercice de démocratie représentative: il y a lieu d’associer en permanence les membres de la collectivité, ainsi que les groupes d’intérêt et les organisations. L’inclusion et la participation conduisent à de meilleures décisions et renforcent la démocratie, le sentiment d’appartenance à la collectivité et la volonté d’apporter sa contribution personnelle au développement de sa région;

7.

observe que, si les liens qui relient traditionnellement les citoyens aux responsables politiques évoluent considérablement, une nouvelle arène politique sous forme numérique est en train d’émerger, dans laquelle les nouveaux instruments des technologies numériques peuvent aider à trouver des solutions et des réponses nouvelles aux défis en présence, à stimuler l’innovation et la croissance économique, à améliorer la fourniture des services publics, à accroître la participation des citoyens sous des formes différentes et inédites, à améliorer la gouvernance locale et à compléter et renforcer la démocratie;

8.

considère que les processus démocratiques doivent évoluer, s’adapter aux changements et exploiter les possibilités qu’offrent les nouvelles technologies numériques et les outils des technologies de l’information et de la communication, qui peuvent potentiellement améliorer la qualité des processus décisionnels, encourager la participation, la communication et le dialogue, favoriser une citoyenneté active et l’engagement dans la vie politique, améliorer la transparence et la responsabilité, et renforcer la légitimité de notre système démocratique;

9.

estime que le déploiement de solutions électroniques dans les collectivités locales et régionales est une excellente occasion d’offrir aux citoyens des services publics efficaces et de qualité. Le simple fait de recourir à des formulaires électroniques fait gagner du temps aux citoyens comme aux pouvoirs publics, permettant aux agents de consacrer plus de temps et d’attention à d’autres tâches administratives. En outre, les différentes applications électroniques permettent aux membres de la collectivité de participer aux processus décisionnels et de suivre en temps réel la gestion des affaires publiques dans leur collectivité territoriale;

10.

considère que les échelons local et régional des pouvoirs publics constituent des terrains tout désignés pour y appliquer la «transformation numérique»; réaffirme que l’utilisation des nouveaux instruments des technologies numériques offre des possibilités pour créer un nouvel environnement de consultation et de participation, communiquer des informations de qualité, analyser la réaction du public, étendre les efforts déployés aux régions isolées, s’adresser aux plus défavorisés, intégrer les compétences, les connaissances et l’expérience des citoyens, et «co-créer» les politiques en fonction de leurs besoins et de leurs attentes;

11.

encourage les collectivités locales et régionales à prendre le virage du numérique et à tirer le meilleur parti des technologies numériques afin de faciliter encore davantage la participation des citoyens à l’élaboration des politiques et à la prise de décision. Il y a lieu pour ce faire de recourir à de nouvelles technologies numériques qui renforcent la transparence, l’ouverture et la réactivité des processus décisionnels, ainsi que de nouer les liens de confiance et le dialogue indispensables à une bonne gouvernance. Ces éléments doivent absolument aller de pair avec l’enseignement de compétences numériques;

12.

réaffirme qu’il importe d’intégrer les contributions des citoyens dans le processus décisionnel et d’y donner un suivi; souligne que le manque de réactivité de la part des décideurs politiques produit de la déception et de la défiance, et fait observer que la confiance des citoyens envers les pouvoirs publics est un élément fondamental pour le bon fonctionnement de la démocratie locale;

13.

insiste sur le fait que la participation des citoyens doit reposer sur un accès effectif et non discriminatoire à l’information et à la connaissance; relève la nécessité de réduire la fracture numérique et, pour ce faire, de fournir aux citoyens des leviers grâce à l’éducation et à la formation, notamment en matière de compétences numériques et de connaissance des médias, d’accorder une importance prioritaire aux programmes de formation numérique pour tous les groupes démographiques, et tout particulièrement ceux qui ciblent spécialement les personnes âgées et d’autres groupes vulnérables ou marginalisés, et d’étendre la formation et l’éducation aux zones rurales et isolées;

14.

souligne qu’il est nécessaire de faire participer les jeunes à la vie publique; fait observer que la nouvelle génération des «natifs du numérique» possède des compétences en matière de technologies et de connaissance des médias; considère que l’application des nouvelles technologies numériques à l’élaboration des politiques et à la prise de décision peut s’avérer un instrument efficace afin d’accroître leur mobilisation et leur participation;

15.

fait observer que le virage du numérique est coûteux en ressources; demande à tous les échelons des pouvoirs publics de consacrer à ces objectifs des ressources suffisantes, sur le plan humain et financier comme au niveau de la formation, d’assurer la présence d’une infrastructure numérique à haut débit dont le coût est abordable, en particulier dans les régions périphériques et dans les zones rurales et économiquement moins développées, et de veiller à ce que celle-ci soit accessible à tous, y compris aux personnes handicapées et aux personnes âgées; réaffirme à ce titre que «la notion de “cohésion numérique” apporte une dimension supplémentaire importante au traditionnel concept de cohésion économique, sociale et territoriale tel que défini dans le traité sur l’Union» (5);

16.

souligne que l’utilisation des technologies numériques repose sur un usage des données, rendu possible par la collecte et la production de ces dernières; demande à cet effet que soit respecté le droit à la vie privée et à la protection des données, que les demandes de données à caractère personnel et l’utilisation qui en est faite soient réduites à leur minimum et qu’elles soient pertinentes et nécessaires au regard des buts spécifiques qui sont poursuivis, que soient favorisés un environnement en ligne et des services numériques sûrs et sécurisés et que des informations adéquates soient fournies aux citoyens concernant l’usage qui est fait de leurs données, ainsi que les mesures de sécurité connexes et les voies de recours effectives en cas de violation de ces droits, notamment au moyen d’un cadre juridique robuste au niveau européen, afin de parer à la défiance et au mécontentement des citoyens; souligne à cet égard la nécessité de maîtriser l’intelligence artificielle de sorte que celle-ci reste centrée sur l’être humain et soit utilisée d’une manière qui favorise une citoyenneté intelligente et une administration ouverte, et qui renforce ce faisant la démocratie;

17.

signale que les plateformes de médias sociaux facilitent la propagation de la désinformation, d’informations erronées et de discours de haine, qui peuvent saper la démocratie et la confiance à l’égard des institutions publiques; préconise un engagement plus résolu en faveur de l’éducation relative à l’utilisation des médias numériques, et encourage les responsables politiques locaux à faire usage des outils numériques existants ainsi que des plateformes et médias en ligne pour communiquer avec les citoyens et d’autres parties prenantes, et pour nouer avec eux un dialogue positif;

18.

juge important que les collectivités locales et régionales usent de canaux numériques adéquats, qui leur soient propres, pour communiquer avec les citoyens d’une manière plus interactive et plus rapide, afin de garantir la fourniture d’informations fiables et adaptées aux besoins locaux et régionaux;

19.

relève que, au-delà des effets profonds de la numérisation sur la vie sociale, le monde du travail, l’éducation ou la culture, pour ne citer que quelques exemples, la crise de la COVID-19 a clairement montré à quel point des informations étayées et actualisées sont importantes, et mis en évidence toute l’importance des canaux de communication qui les diffusent. Il est apparu tout aussi clairement que les collectivités locales et régionales et les citoyens doivent avoir la possibilité d’interagir, et que des outils numériques appropriés doivent être en place pour lutter contre la désinformation et les fausses informations, sachant que ces derniers doivent toujours respecter l’exercice plein et entier de la liberté d’expression;

20.

demande que l’on veille à ce que l’accès aux services numériques s’effectue en toute égalité et sans entrave;

21.

observe que la jeune génération des «natifs du numérique» est l’un des groupes les plus visés par la désinformation et les discours de haine; estime que leur utilisation particulièrement intense des médias sociaux, leur manque d’esprit critique vis-à-vis des médias, notamment parmi les moins diplômés d’entre eux, de même que la création de «bulles d’opinion» homogènes (ou chambres d’écho médiatiques) par les médias sociaux, peuvent les rendre encore plus vulnérables à la manipulation politique; souligne la nécessité de recourir à des instruments des technologies numériques qui soient non seulement simples à utiliser, mais aussi compréhensibles et attrayants, au niveau tant de leur contenu que de leur conception, et adaptés aux compétences sociales et numériques des jeunes pour renforcer leur attitude critique face aux risques et aux possibilités offertes par les nouveaux médias et la technologie numérique;

22.

estime que la crise de la COVID-19 a mis en évidence le potentiel qu’offre le télétravail, et encourage les collectivités locales et régionales à réfléchir aux possibilités d’élargir les modalités de télétravail à l’intention de leur propre personnel;

23.

réitère son appel en faveur d’une coopération étroite et d’un partage des bonnes pratiques entre tous les niveaux de gouvernement, afin de mieux exploiter la transformation numérique dans les villes et les collectivités et de l’y déployer à encore plus grande échelle; reconnaît que de nombreux exemples nationaux, régionaux et locaux illustrent bien comment les instruments des technologies numériques peuvent être mis au service de la démocratie participative;

24.

constate que l’introduction de nouvelles solutions technologiques est rendue encore plus difficile par un déficit de connaissances et de compétences indispensables au niveau des pouvoirs publics, qui pourraient tirer parti de l’utilisation de moyens numériques. C’est pourquoi il est utile de procéder d’abord à un inventaire des compétences numériques disponibles dans les collectivités locales et régionales, puis de recenser et de comparer les lacunes technologiques dans chacune d’elles, et enfin de définir les besoins correspondants en distinguant le processus et la solution technique. En outre, la compatibilité (interopérabilité) des différents jeux et bases de données doit être assurée;

25.

souligne l’importance des outils en ligne pour faciliter les partenariats entre collectivités locales et régionales dans l’Union, et entre ces collectivités et des pays partenaires; considère qu’une modernisation du portail européen de la coopération décentralisée serait porteuse d’une forte valeur ajoutée en ce qu’elle favoriserait les rapprochements et l’échange des bonnes pratiques; se déclare disposé à travailler avec la Commission européenne à la conception d’un tel outil numérique;

26.

espère que la mise en place de diverses solutions numériques par les collectivités locales et régionales, qui pourrait entraîner des besoins ponctuels importants en matière d’investissement, fera partie des considérations générales du nouveau budget de l’Union dans le cadre de la transformation numérique;

27.

souscrit à la prise de position de l’association Civic Tech Europe (ACTE) de mars 2020, dans laquelle celle-ci estime que «la diversité des modèles commerciaux en matière de technologies civiques représente la clé pour offrir rapidement et à l’échelle appropriée des solutions centrées sur le citoyen», et se dit lui aussi préoccupé par le fait que les collectivités locales et régionales ne bénéficient pas toujours, dans toute l’Union, d’un accès aisé à ces outils car ils sont souvent conçus comme des plateformes de «logiciel en tant que service» (SaaS) (6), qui nécessitent un abonnement;

28.

se propose de concevoir des mesures pour encourager les collectivités locales et régionales et leur témoigner une reconnaissance, avec pour objectif qu’elles souscrivent davantage aux principes d’une administration ouverte et inclusive. Il serait ainsi possible de faire émerger à l’avenir un nouveau critère de qualité pour évaluer la qualité de la démocratie à l’échelon local et pour échanger les bonnes pratiques;

29.

demande que des moyens financiers soient mobilisés, à l’échelle européenne, pour améliorer les compétences numériques et la connaissance des médias chez les citoyens grâce à des programmes d’éducation et de formation destinés aux différents niveaux scolaires ainsi qu’au personnel et aux agents des collectivités locales et régionales, afin d’améliorer leurs compétences et leurs connaissances concernant les possibilités d’utilisation et d’application des solutions numériques modernes;

30.

recommande aux collectivités locales et régionales de donner la priorité à la mise en place d’instruments numériques dans tous les fonds et programmes;

31.

demande un financement destiné à des outils et équipements éducatifs numériques afin de garantir une égalité d’accès, à l’échelle européenne, à un apprentissage et un enseignement numériques de qualité;

32.

préconise, le cas échéant, une révision des critères d’admissibilité, afin que les collectivités locales et régionales puissent introduire plus facilement et à meilleur coût de nouvelles solutions et plateformes numériques, ce qui implique également la possibilité de recourir aux fonds de l’Union pour les plateformes de logiciel en tant que service.

Bruxelles, le 10 décembre 2020.

Le président du Comité européen des régions

Apostolos TZITZIKOSTAS


(1)  «Le budget de l’Union: moteur du plan de relance pour l’Europe» [COM(2020) 442 final].

(2)  COR-2017-03529-00-00-AC-TRA (JO C 164 du 8.5.2018, p. 34).

(3)  COR-2016-02882-00-01-AC-TRA (JO C 88 du 21.3.2017, p. 54).

(4)  COR-2016-04094-00-01-AC-TRA (JO C 185 du 9.6.2017, p. 29).

(5)  Avis du CdR sur «L’Europe numérique pour tous: fournir des solutions intelligentes et inclusives sur le terrain» (COR-2019-3332) (JO C 39 du 5.2.2020, p. 83).

(6)  Document de prise de position de l’association Civic Tech Europe (ACTE), mars 2020.