28.10.2020   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 364/37


Avis du Comité économique et social européen sur «Renforcer la compétitivité, l’innovation, la croissance et la création d’emplois en favorisant la coopération réglementaire mondiale, en soutenant un système commercial multilatéral renouvelé et en réduisant les subventions responsables de distorsions du marché»

(avis d’initiative)

(2020/C 364/05)

Rapporteur:

Georgi STOEV

Corapporteur:

Thomas STUDENT

Décision de l’assemblée plénière

20.2.2020

Base juridique

Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

CCMI

Adoption en section

26.6.2020

Adoption en session plénière

16.7.2020

Session plénière no

553

Résultat du vote (pour/contre/abstentions)

211/1/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Les perturbations majeures comme le coronavirus (COVID-19) menacent de paralyser l’économie mondiale et la vie sociale. La pandémie actuelle est notamment à l’origine de récessions aux États-Unis, dans l’Union, au Japon et dans d’autres régions du monde, d’une croissance extrêmement lente en Chine et de pertes de production colossales. Les gouvernements doivent compenser les dommages économiques en adoptant des politiques budgétaires et monétaires, et faire face aux changements attendus de paradigme économique. Le CESE souligne la nécessité de mettre en place des modèles économiques et des mécanismes de défense commerciale efficaces, en particulier en ce qui concerne l’Asie, et note que 36 millions d’emplois européens dépendent du potentiel d’exportation de l’Union et que la part de l’emploi dans l’Union soutenue par les ventes de biens et de services au reste du monde par rapport au nombre total d’emplois est passée de 10,1 % en 2000 à 15,3 % en 2017 (1). Il convient d’apporter une réponse budgétaire, économique et sociale à la crise pour prévenir ses effets négatifs sur ces secteurs et d’autres branches de l’économie.

1.2.

La crise du coronavirus devrait amener l’Union, dans le cadre de la reformulation générale de la politique industrielle imposée par la durabilité environnementale et la numérisation, à dynamiser les secteurs pharmaceutique et des équipements médicaux, de manière à garantir la souveraineté partagée et l’autosuffisance de l’Union dans ces secteurs. L’élaboration du présent avis a commencé avant l’apparition de cette crise sanitaire et économique imprévisible, qui allait transformer nos économies et nos modèles de mondialisation à court, moyen et long terme. Si cette crise ne constitue pas le principal sujet de l’avis, elle a et aura toutefois une incidence considérable sur les secteurs et les thèmes abordés dans les paragraphes suivants. Il est d’ores et déjà évident qu’elle pousse certaines régions du monde vers une nouvelle vague de protectionnisme et de nationalisme économique, tant à l’échelle mondiale qu’au sein de l’Union. Dans le cadre du présent avis, tous ces facteurs sont pris en considération de manière horizontale, en tenant compte autant que possible de leur évolution à ce jour.

1.3.

Le CESE partage le point de vue selon lequel les entreprises et les échanges internationaux sont susceptibles de contribuer à la croissance mondiale, grâce à un degré plus élevé de spécialisation, à des économies d’échelle, à des chaînes de valeur mondiales avancées et à la diffusion de la recherche et des technologies. Il convient également de mentionner les diverses transitions — des chaînes de valeur aux réseaux de création de valeur, de l’économie linéaire à l’économie circulaire et de la du matériel à l’immatériel — qui nécessiteront de la part de l’industrie de faire preuve de flexibilité pour s’adapter.

1.4.

Le CESE souligne que la politique européenne doit prémunir les participants au développement industriel contre les pratiques de dumping économique, social et environnemental déloyales. Concernant les politiques qu’il convient de mettre en œuvre sans délai, l’Union doit relever les défis suivants: les États-Unis en tant que premier marché d’exportation de l’Union; la collaboration potentielle avec ceux-ci, le futur rôle de la Chine et la nécessité de redéfinir l’OMC. Les industries devraient devenir un catalyseur de solutions face aux défis sociétaux et environnementaux et créer une valeur nouvelle au bénéfice de la société.

1.5.

Le CESE convient que la mondialisation sans réglementation entraîne une augmentation des inégalités, une pression à la baisse sur les entreprises, les salaires et les conditions de travail, et un affaiblissement de la sécurité sociale. Une telle évolution pourrait devenir une réelle menace pour les modèles sociaux européens. La mondialisation non régulée a également des effets négatifs sur les normes environnementales. Le CESE est préoccupé par la pression qu’exercent sur les entreprises et les emplois européens les pratiques commerciales déloyales contraires aux lois du marché, qui ne respectent pas les accords internationaux en matière sociale et environnementale. L’industrie européenne devrait tirer parti de l’avantage unique dont elle dispose en combinant valeurs européennes, nouvelles technologies et une approche tournée vers l’avenir. Le marché unique revêt une importance cruciale pour l’industrie de l’Union et la diffusion de l’innovation, non seulement en ce qui concerne les technologies numériques, mais aussi d’autres technologies clés génériques, comme la biotechnologie. Le rôle de la cohésion sociale et régionale et du dialogue social pour garantir l’acceptation sociale de la transformation industrielle peut également être souligné.

1.6.

La stratégie industrielle et la politique commerciale de l’Union ne devraient pas saper les efforts que celle-ci déploie pour fournir une aide au développement à des pays tiers, et le CESE recommande d’adopter vis-à-vis des économies plus fragiles une approche équilibrée, permettant de mieux coordonner et combiner les aides nationales au développement. Le CESE redoute que l’escalade des mesures en cas de non-respect des règles de l’OMC et la menace de nouvelles dispositions non tarifaires et discriminatoires entraînent une surcharge réglementaire mutuelle qui devienne la nouvelle norme dans le commerce mondial. Il convient de réévaluer les programmes européens de soutien existants et leur contrôle, dans le respect des règles de concurrence de l’Union, afin d’aider les États membres de l’Union, les partenaires, les entreprises et les travailleurs subissant les répercussions négatives de la crise économique et des guerres commerciales et de réduire la charge qui pèse sur eux.

1.7.

Le CESE estime que, pour relever les défis extérieurs, il importe que le marché intérieur de l’Union devienne «le meilleur endroit pour investir». La nouvelle stratégie industrielle et tous les autres leviers devraient être évalués au regard de leur capacité à promouvoir et à soutenir les investissements dans les infrastructures industrielles, énergétiques, de transport et numériques sur la base d’une approche de connectivité élargie. Le réexamen de la réglementation sur les fusions et acquisitions ainsi que des règles en matière d’aides d’État pourrait garantir une plus grande équité entre l’Union et la concurrence mondiale. Tous les niveaux de gouvernance devraient veiller à répartir équitablement les avantages de la mondialisation et à atténuer les incidences négatives aux niveaux mondial, régional et local.

Un mécanisme commun d’investissements directs étrangers permettrait de garantir la possibilité d’acquérir des intérêts dans des actifs stratégiques, tels que les infrastructures et les technologies critiques et la sécurité de l’approvisionnement en intrants essentiels. L’utilisation des directives relatives aux marchés publics, des instruments de défense commerciale efficaces et un réseau solide d’accords de libre-échange (ALE) sont plus que jamais nécessaires pour lutter contre les pratiques illicites, approfondir la convergence réglementaire et promouvoir des normes de durabilité, et donc réduire les distorsions du marché.

1.8.

Le CESE se dit préoccupé par les attitudes négatives manifestées récemment à l’égard du commerce international et de la mondialisation, ainsi que par la montée des mouvements populistes qui appellent à plus de nationalisme. Il estime que le protectionnisme et le nationalisme ne sauraient apporter les réponses adéquates aux problèmes économiques et sociaux. Des réformes et des priorités d’investissement à moyen terme sont nécessaires pour remettre les économies sur la voie d’une croissance durable et inclusive, en intégrant la transition verte et le virage numérique. L’Union devrait prendre toutes les mesures possibles pour préserver pleinement la démocratie en dépit de la situation de pandémie.

1.9.

Le CESE estime que le pacte vert devrait intégrer une stratégie industrielle et une politique commerciale renouvelées, ainsi que les politiques économique, réglementaire et de concurrence, dans le cadre d’un effort global visant à soutenir l’environnement, sans mettre en péril le marché unique ni les entreprises et les emplois européens, et fixer des ambitions environnementales élevées pour l’industrie dans son ensemble.

1.10.

Le CESE partage l’avis selon lequel l’un des principaux messages à faire passer en matière de stabilité économique est que les États membres devraient accorder toute l’attention requise à la qualité des finances publiques, en promouvant les investissements nécessaires et orientés vers l’avenir.

2.   Observations générales

2.1.

Le système multilatéral étant soumis à une pression constante, les entreprises de l’Union qui opèrent au niveau mondial sont confrontées à des dissensions et une incertitude croissantes, ainsi qu’à une montée du protectionnisme et aux tensions actuelles entre les partenaires commerciaux de l’Union. Les chaînes de valeur mondiales sont mises à mal tandis que se dessine une tendance généralisée à un retour à la régionalisation. L’Union se trouve, avec les États-Unis et la Chine, au cœur de cette dynamique et un certain nombre de secteurs clés de l’industrie sont soumis à une pression considérable. Des décisions fondamentales doivent être prises pour accroître les possibilités d’éviter le risque de marginalisation et préserver le rôle de l’Union au niveau mondial. Il est urgent de repenser les investissements sur le territoire de l’Union et de se concentrer sur le soutien aux entreprises, en particulier les PME, en garantissant l’apport de liquidités et la stabilité dans le secteur financier, en préservant le marché unique et en assurant la circulation des biens essentiels. Un tel objectif ne pourra être atteint qu’au moyen d’une combinaison de mesures, notamment l’adoption de règlements et politiques s’appliquant également aux entreprises des pays tiers actives sur le territoire de l’Union, et d’autres mesures dans les domaines des infrastructures, des investissements dans les biens publics (entre autres la santé, l’éducation et les infrastructures numériques), de la réciprocité dans les marchés publics, d’une politique commerciale efficace et de l’indépendance numérique.

2.2.

La compétitivité de l’industrie européenne au niveau mondial est entravée par le retour à l’unilatéralisme et par l’absence d’une gouvernance mondiale efficace pour les questions économiques et commerciales, ainsi que par les asymétries et perturbations du marché causées par des concurrents subventionnés, notamment des entreprises publiques, et par la crise. Les investissements des entreprises européennes dans la recherche et l’innovation visent à combiner compétitivité et durabilité. Cependant, l’accès réduit aux marchés internationaux et la concurrence déloyale pourraient bien neutraliser ces investissements et les risques audacieux qui ont été pris. Dans ce contexte, les PME sont plus vulnérables que jamais.

2.3.

Dans ces conditions, les alliances encouragées par l’Union pourraient contribuer à promouvoir ses intérêts dans les organisations multilatérales, telles que l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et les Nations unies (ONU). Par conséquent, la stratégie industrielle récemment adoptée et le rapport annuel de la Commission sur la mise en œuvre des ALE constituent non seulement une avancée sur la voie d’une plus grande transparence, mais aussi un instrument efficace pour fournir à la société civile des informations générales objectives sur les accords commerciaux négociés par l’Union.

Malgré quelques éléments positifs, le train de mesures global relevant de la stratégie industrielle récemment adoptée n’a pas encore unanimement convaincu qu’il fera la différence de manière perceptible pour les entreprises, les travailleurs et la société civile, qui s’efforcent d’accroître la compétitivité et la croissance économique de l’Europe.

2.4.

L’adoption d’une politique industrielle européenne forte et la défense des intérêts commerciaux de l’Union sont compatibles avec l’objectif prioritaire de sa politique étrangère, à savoir renforcer le multilatéralisme autour des institutions du système des Nations unies. Leur nécessaire réforme devrait permettre de tendre vers un monde régi par des règles équitables et mû par des principes démocratiques.

3.   Réaliser le potentiel des perspectives commerciales

3.1.

Le CESE partage l’avis de la Commission selon lequel les entreprises européennes ne peuvent bénéficier de la stratégie industrielle et des accords commerciaux de l’Union que si elles disposent d’informations pertinentes concernant leur contenu et comprennent comment ils fonctionnent dans la pratique.

3.2.

Le CESE observe avec inquiétude que la complexité des règles d’origine et des formulaires administratifs requis par les partenaires commerciaux de l’Union pour l’octroi de préférences aux entreprises européennes, ainsi que les efforts nécessaires pour prouver l’origine préférentielle, semblent disproportionnés pour les PME de l’Union par rapport à la valeur des contrats qu’elles ont conclus.

3.3.

Dans les cas où des pays se livrent à une concurrence déloyale, par exemple lorsqu’ils abaissent les normes en matière de conditions de travail ou de durabilité, le CESE propose de prévoir également un examen des principales questions relatives à la mise en place de mécanismes de règlement extrajudiciaire des litiges et à la mise en œuvre de mécanismes onusiens de règlement en ligne des litiges. Le CESE accueille favorablement l’arrangement d’arbitrage provisoire multipartite récemment annoncé par la Commission européenne en tant que solution temporaire pour maintenir une fonction indépendante de règlement des différends en deux étapes.

3.4.

Le CESE rappelle que les activités commerciales de la plupart des PME ont lieu principalement au sein du marché unique (2) et que seulement la moitié des PME vendent leurs produits en dehors de l’Union (3). Il note en outre que l’activité d’exportation des PME se concentre surtout dans certains États membres et régions, six États membres (4) représentant plus des deux tiers de l’ensemble des activités professionnelles et commerciales de PME dans l’Union.

3.5.

Le CESE salue les progrès enregistrés dans le cadre des travaux de la Commission relatifs au portail en ligne qui intégrera deux bases de données — celle sur l’accès aux marchés et le Trade Helpdesk — qui remédiera à la complexité et au manque de cohérence des règles d’origine et des procédures douanières et proposera un calculateur de règles d’origine gratuit en ligne en vue d’apporter un soutien supplémentaire aux PME européennes.

3.6.

Le CESE estime que la Commission et le Service européen pour l’action extérieure, ainsi que les représentations diplomatiques et consulaires des États membres, pourraient jouer un rôle de premier plan dans la promotion de la stratégie, des services et des échanges commerciaux de l’Union avec les pays tiers, afin de faciliter à la fois les investissements étrangers et les possibilités d’exportation pour les entreprises et les travailleurs européens.

3.7.

Le CESE se félicite, en outre, des initiatives de la Commission européenne visant à promouvoir et soutenir les PME de l’Union dans leurs efforts d’internationalisation afin qu’elles deviennent compétitives au niveau mondial, et souligne la nécessité de veiller à ce que ces initiatives fassent également l’objet d’une mise en œuvre de type participatif (bottom-up). Parallèlement à ces initiatives, le nouveau paradigme est susceptible d’offrir davantage de possibilités aux PME et aux autres acteurs régionaux.

3.8.

Le CESE s’inquiète des problèmes en suspens avec les partenaires commerciaux de l’Union qui sont présentés dans le rapport de la Commission, notamment le fait que les produits européens continuent d’être confrontés à des obstacles pour accéder à des marchés dans les pays partenaires. Il convient d’accorder une priorité élevée à la reconnaissance mutuelle et non bureaucratique des normes techniques.

3.9.

Le Comité relève, comme l’a souligné une étude (5) du service de recherche du Parlement européen fondée sur une analyse des flux commerciaux dans certains États membres, qu’il existe une corrélation positive forte entre les performances de l’Union en matière d’exportation et le PIB et que les échanges se concentrent fortement dans quelques États membres.

3.10.

Le CESE rappelle que les répercussions inégales de la mondialisation sur le plan territorial ont été reconnues par la Commission dans ses documents de réflexion consacrés à la maîtrise de la mondialisation et à l’avenir des finances de l’Union, soulignant que si les avantages de la mondialisation sont largement répandus, les coûts qu’elle induit sont souvent localisés.

3.11.

Le CESE met particulièrement l’accent sur la contribution de la politique de cohésion à l’amélioration de la compétitivité de l’Union grâce à des investissements ciblés dans des secteurs clés comme les infrastructures de réseau, la recherche et l’innovation, les services informatiques, l’action environnementale et climatique, l’emploi de qualité et l’inclusion sociale.

3.12.

Le CESE souligne le rôle que peut jouer le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation (FEM) pour aider les personnes qui perdent leur emploi en raison de changements structurels liés à la mondialisation, à la numérisation, à la migration et au changement climatique. Compte tenu de l’énorme ampleur de la crise économique et de l’emploi qui se profile, il convient de renforcer financièrement le FEM, de rendre ses règles plus souples et donc mieux adaptées à la nature et à l’envergure de la crise, et d’établir un lien entre ce Fonds et le Fonds pour une transition juste.

3.13.

Le CESE convient que les formules souples de travail et le télétravail jouent un rôle important dans la préservation de l’emploi et de la production, mais souligne qu’en dépit des efforts visant à atténuer l’impact social de la crise, celle-ci devrait entraîner une augmentation significative du chômage et des inégalités de revenus. La politique révisée de l’Union dans le domaine du pacte vert pourrait contribuer largement à faire en sorte que la mondialisation s’accompagne de retombées économiques, sociales, territoriales et environnementales positives pour les entreprises, les travailleurs et la société civile et aider à réduire les distorsions du marché.

3.14.

Le CESE estime qu’un mécanisme s’attaquant à l’empreinte carbone du secteur manufacturier et les efforts en faveur de la décarbonation des industries pourraient permettre de garantir des conditions de concurrence équitables. Il souligne toutefois la nécessité, dans le cadre de cette mesure, de trouver un équilibre entre les préoccupations liées à l’environnement, au commerce et à l’équité afin d’éviter les distorsions du marché et le déclenchement de mesures de rétorsion contre des pays de l’Union, ce qui porterait préjudice à l’industrie et aux emplois industriels européens.

3.15.

Le CESE partage l’avis selon lequel la réduction de l’écart de productivité entre les économies, les régions et les entreprises très performantes et les autres est essentielle, et convient aussi que des institutions et des systèmes fiscaux efficaces pourraient soutenir la productivité.

3.16.

Une nouvelle politique industrielle est nécessaire pour mettre l’accent sur le renforcement des activités dont la teneur en innovation est plus élevée et qui apportent une plus grande valeur ajoutée, ce qui est indissociable de la promotion d’emplois de qualité et de la création d’emplois. Une telle politique, si elle est conçue avec sagesse et correctement mise en œuvre, contribuerait à prévenir l’influence négative de nouvelles baisses du PIB, de la fragmentation du marché unique et de la perturbation des chaînes de valeur.

4.   Atténuer les effets négatifs de circonstances exceptionnelles

4.1.

Le CESE invite l’ensemble des principaux acteurs institutionnels à réexaminer les liens existant entre l’EU-27 et le Royaume-Uni, qui détermineront en grande partie l’incidence qu’aura le retrait du Royaume-Uni de l’Union sur leurs économies respectives; des mesures appropriées doivent être élaborées pour les secteurs qui subiraient un impact particulièrement négatif.

4.2.

Le CESE déplore le fait que la décision des États-Unis d’appliquer des droits de douane supplémentaires sur les produits européens, en représailles à l’aide octroyée par l’Union européenne à l’avionneur Airbus, aura principalement une incidence sur les produits agricoles et agroalimentaires produits dans les États membres de l’Union. L’efficacité des mesures de sauvegarde de l’Union dans le secteur sidérurgique, traditionnellement au centre de l’attention de la CCMI, devrait être réexaminée à la lumière de la morosité conjoncturelle touchant la sidérurgie, afin d’éviter tout dommage supplémentaire aux entreprises nationales de ce secteur et de garantir des conditions de concurrence équitables pour les entreprises et les travailleurs de l’Union.

Le CESE souligne que les droits de douane américains sur l’acier ont entraîné une réorientation significative des échanges de produits sidérurgiques en provenance de pays tiers, qui se concentrent de plus en plus sur le marché européen et qui sont notamment utilisés dans le cadre de contrats de construction d’infrastructures publiques.

4.3.

Le CESE observe toutefois que, bien qu’aucun pays ne puisse s’isoler de la mondialisation sans avoir à supporter des coûts énormes, le risque d’un effondrement du système commercial multilatéral est réel et il convient dès lors que l’Union se penche sur la question. Le Comité se félicite, à cet égard, du programme de travail de la Commission pour 2020, qui prévoit une initiative en vue de la réforme de l’OMC d’ici la fin de 2020, ainsi que du plan de relance proposé.

4.4.

Le Comité partage le point de vue selon lequel l’Union doit opter pour une approche plus résolue afin de garantir une réelle réciprocité dans la pratique et de lutter contre le protectionnisme dans le domaine de l’accès aux marchés publics dans les pays tiers.

Le marché chinois des marchés publics et la politique de la Chine en matière de protection des droits de propriété intellectuelle sont des exemples édifiants d’écarts par rapport aux normes internationales et, bien qu’adhérant à l’OMC, la Chine reste un marché largement protégé. En outre, la Chine n’a pas encore adhéré à l’accord de l’OMC sur les marchés publics, en dépit de la promesse qu’elle avait formulée lorsqu’elle a été acceptée au sein de cette organisation. Dans l’Union, le débat sur la Chine est devenu plus sensible. Des programmes ambitieux tels que l’initiative «La nouvelle route de la soie», «Made in China 2025» et les «lignes directrices de la coopération 16+1» (Budapest 2017, Sofia 2018, Dubrovnik 2019) (6) ont attiré l’attention d’un certain nombre d’acteurs privés et publics, dont les institutions européennes. La question de la 5G a permis de soulever celle de la sécurité numérique, offrant un terrain propice à des avancées vers l’indépendance numérique de l’Union. Le lancement de programmes de l’Union en faveur de l’investissement dans la recherche et l’innovation semble être l’approche la plus rationnelle et la plus prometteuse à cet égard.

4.5.

Les recommandations politiques et les mesures concrètes devraient tenir compte de deux éléments stratégiques. Le premier est que le G20, qui aurait pu devenir un forum politique mondial complémentaire du système onusien pour s’attaquer aux déséquilibres et aux inégalités au niveau mondial, a perdu une grande partie de son poids. Le second, étroitement lié au premier, est que l’Union ne dispose pas d’une «politique économique étrangère» efficace. La politique industrielle ainsi que d’autres politiques de l’Union ayant une incidence sur les facteurs liés notamment à la production, à l’énergie, au marché intérieur, à la recherche et à l’innovation et aux transports, sont en train d’être déconnectées de la projection extérieure du commerce et des services extérieurs de l’Union ou ne s’y reflètent que partiellement, de même que les organismes de crédit à l’exportation des États membres, qui devraient unir leurs forces. Il est de ce fait plus difficile pour l’Union de faire face aux grands acteurs internationaux, et son rôle dans les enceintes multilatérales et internationales et dans la prévention des distorsions du marché s’en trouve affaibli.

5.   Impact de la crise générée par la pandémie de COVID-19

5.1.

L’épidémie de COVID-19 a eu un impact macroéconomique et budgétaire colossal, dont on ne voit pas encore la fin. Le CESE partage le point de vue selon lequel il n’y a pas d’autre option que les politiques financières et aux politiques monétaires expansives annoncées récemment dans l’Union et le reste du monde. Les principaux défis à relever sont notamment une reprise partielle et inégale et une hausse du chômage. Cette dernière devrait être limitée par des mesures politiques, qui, bien que nécessaires, entraîneront des déficits publics et une augmentation de la dette publique.

5.2.

Le CESE souligne que cette crise aura de sérieuses implications à long terme pour l’Union. L’engagement coordonné de l’Union dans la lutte contre la pandémie ayant été retardé pour des raisons politiques, une perte de confiance dans la politique en général est à craindre.

5.3.

Parmi les autres risques figurent une pandémie plus longue que prévu, une instabilité financière tant au niveau mondial que dans l’Union, une montée du protectionnisme, la fragmentation du marché unique et des divergences structurelles tenaces.

5.4.

Le Comité est d’avis que l’Europe a besoin de toute urgence d’un nouveau projet d’intégration interne, d’une stratégie commune en matière économique, sociale (y compris la coordination en matière de santé publique), budgétaire, énergétique et environnementale, et d’une politique commerciale cohérente. Alors que l’absence d’une stratégie européenne efficace s’est fait sentir de manière alarmante, il convient d’inverser la tendance et d’évoluer vers une nouvelle approche européenne collective.

5.5.

Un vaste train de mesures de relance et de reconstruction pour l’investissement est nécessaire afin de soutenir l’économie européenne au sortir de la crise, dans le cadre du nouveau cadre financier pluriannuel, au-delà de ce que font déjà le mécanisme européen de stabilité, la Banque européenne d’investissement et la Banque centrale européenne. Le plan de reprise des investissements nécessaire serait par la suite financé par les fonds et instruments financiers de l’Union existants ainsi que par des obligations de relance clairement définies en fonction des problèmes créés par la crise du coronavirus et garanties par le budget de l’Union. À cet égard, le CESE considère que le plan de relance présenté récemment par la Commission européenne constitue une première étape concrète sur cette voie.

5.6.

Le CESE souligne combien le commerce fondé sur des règles est également essentiel en temps de crise ainsi que dans le cadre de la stratégie de l’Union pour sortir de celle que nous traversons. Les États membres de l’Union doivent respecter le marché unique et veiller à ce qu’il n’y ait pas d’obstacles internes aux échanges commerciaux de l’Union en lançant une négociation plus complète sur un accord plurilatéral qui conduirait à l’établissement de conditions de concurrence équitables, prévoirait notamment, le cas échéant, la libéralisation permanente des droits de douane sur les équipements médicaux, et contribuerait à garantir le libre fonctionnement des chaînes d’approvisionnement mondiales dans ce secteur critique. Parallèlement à ces mesures, la libéralisation des droits de douane et le financement des exportations, bien coordonnés entre les organes respectifs de l’Union et des États membres, pourraient alléger la pression qui pèse sur les entreprises et prévenir les distorsions du marché.

Bruxelles, le 16 juillet 2020.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2018/november/tradoc_157516.pdf

(2)  Service de recherche du Parlement européen, Mise en œuvre de l’AECG: Gros plan sur les PME et les régions, étude réalisée à la demande du CdR, 18 novembre 2019, disponible à l’adresse suivante: http://www.europarl.europa.eu/thinktank/fr/document.html?reference=EPRS_IDA%282019%29644179

(3)  Eurobaromètre Flash 42, Internationalisation des PME, octobre 2015.

(4)  La Belgique, l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, les Pays-Bas et le Royaume-Uni.

(5)  Service de recherche du Parlement européen, Interactions entre le commerce, les investissements et les tendances dans l’industrie européenne: Les régions de l’Union et le commerce international, étude réalisée à la demande du CdR, 27 octobre 2017, disponible à l’adresse suivante: http://www.europarl.europa.eu/thinktank/en/document.html?reference=EPRS_STU(2017)608695

(6)  2017: https://www.fmprc.gov.cn/mfa_eng/wjdt_665385/2649_665393/t1514534.shtml;

2018: https://www.fmprc.gov.cn/mfa_eng/wjdt_665385/2649_665393/t1577455.shtml;

2019: https://www.fmprc.gov.cn/mfa_eng/wjdt_665385/2649_665393/t1655224.shtml.