Bruxelles, le 15.7.2020

COM(2020) 313 final

COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL

relative à la bonne gouvernance fiscale dans l’UE et au-delà


1. INTRODUCTION

L’équité fiscale est au cœur du modèle social et économique de l’UE et est primordiale pour sa pérennité. Elle est essentielle pour la stabilité des recettes, pour que les entreprises évoluent dans un environnement concurrentiel et, globalement, pour le civisme fiscal. Il est impératif que certains objectifs fondamentaux de l’UE, au nombre desquels une société juste, un marché unique solide avec des recettes pérennes, des conditions de concurrence équitables pour toutes les entreprises et une économie stable s’appuyant sur la croissance, l’emploi et l’investissement, soient atteints. C’est pour ces raisons que la présidente von der Leyen a souligné que l’établissement d’un système fiscal équitable, dans lequel chacun paie son dû, constituait l’une des priorités de la Commission. Pour la relance mondiale, il importe que les pays partenaires connaissent eux aussi une relance soutenue par la mobilisation de leurs ressources internes, au cœur de laquelle doit se trouver un système fiscal en état de fonctionnement. Il n’en sera que plus aisé de remédier aux conséquences socio-économiques de la crise de la COVID‑19.

Le Parlement européen 1 a lui aussi itérativement appelé à une action de l’UE contre la concurrence fiscale dommageable et la planification fiscale agressive, à la lutte contre les paradis fiscaux, à une fiscalité plus équitable et plus efficace et à la réduction du risque de blanchiment de capitaux. La nécessité de rechercher l’équité fiscale revêtira dans les mois et les années à venir une importance d’autant plus grande que l’UE s’efforce de se remettre des conséquences de la crise de la COVID‑19 et d’accélérer la transition verte et numérique. Elle s’avérera primordiale pour la stabilité des recettes publiques, la bonne santé du secteur privé et les investissements dans les services publics, pour corriger les carences du marché et pour donner les incitations voulues en matière de prix pour une consommation durable, qui contribuera à préparer une reprise rapide et solide dans l’UE et au-delà, ainsi que la Commission l’a récemment souligné dans sa communication «L’heure de l’Europe: réparer les dommages et préparer l’avenir pour la prochaine génération» 2 .

La bonne gouvernance fiscale est le fondement sur lequel repose l’équité fiscale. D’une manière générale, la bonne gouvernance fiscale englobe la transparence fiscale, la concurrence fiscale loyale, l’absence de mesures fiscales dommageables et l’application de normes convenues au niveau international. Ces dernières années, de nombreuses mesures ont été prises, au niveau de l’UE comme sur le plan international, pour renforcer ces principes et veiller à leur respect.

La Commission a pris des mesures en faveur d’une action ambitieuse pour améliorer la bonne gouvernance fiscale et pour réprimer fortement les pratiques fiscales abusives, dans l’UE et au-delà. De ce fait, les États membres disposent aujourd’hui d’un cadre de transparence fiscale robuste, de mesures communes de lutte contre l’évasion fiscale et d’un nouveau mécanisme pour le règlement des différends fiscaux. Des obligations de transparence plus strictes pour les personnes morales et les montages juridiques ont réduit le risque d’abus à des fins d’évasion fiscale. Les infractions de nature fiscale ont été ajoutées à la définition des infractions principales en matière de blanchiment de capitaux, et tous les professionnels du conseil ou de l’aide en matière fiscale sont désormais soumis, dans l’UE, à l’obligation de restreindre, pour lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, les possibilités pour les malfaiteurs de blanchir le produit illicite de leur activité criminelle. La Commission, dans le cadre d’affaires d’aides d’État et par des recommandations du Semestre européen, a combattu la concurrence dommageable et dénoncé les pratiques fiscales inéquitables. En outre, les États membres continuent de soumettre à un examen collégial leurs régimes fiscaux respectifs au titre du code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises (ci-après le «code»), afin de garantir qu’ils sont conformes aux principes de la concurrence fiscale loyale.

Parallèlement, l’UE a aussi œuvré à la promotion d’un niveau plus élevé de bonne gouvernance fiscale sur le plan international. Elle a fortement soutenu les travaux de l’OCDE sur la transparence fiscale et le projet relatif à l’érosion de la base d’imposition et au transfert de bénéfices (Base Erosion and Profit Shifting — BEPS), et elle a donné l’exemple au niveau planétaire en intégrant les nouvelles normes mondiales dans le droit de l’Union. De nombreuses initiatives mises en œuvre dans l’UE présentent un volet extérieur – notamment la publication d’informations pays par pays, des règles communes relatives aux dispositifs hybrides et des obligations pour les conseillers fiscaux de dénoncer les mécanismes de planification fiscale. Qui plus est, en lançant les travaux sur une fiscalité équitable de l’économie numérique, l’UE a contribué à donner un nouvel essor aux discussions internationales sur le sujet.

La stratégie extérieure pour une imposition effective 3 adoptée par la Commission en 2016 a permis à l’UE d’aborder de manière cohérente et globale la promotion de la bonne gouvernance fiscale au niveau mondial et de nouer le dialogue avec ses partenaires internationaux sur les questions fiscales. La stratégie extérieure visait essentiellement à renforcer la coopération avec les pays tiers en matière de bonne gouvernance fiscale, via des clauses à cet effet dans les accords bilatéraux, à aider les pays en développement en matière fiscale et à prendre des mesures pour prévenir les retombées négatives de mesures fiscales prises dans l’UE. Dans le cadre de cette stratégie a cependant aussi été lancé un nouvel instrument pour encourager les partenaires internationaux de l’UE à adhérer aux normes convenues en matière de bonne gouvernance fiscale, par l’intermédiaire du processus d’inscription sur la liste de l’UE des pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales.

L’ensemble de ces initiatives ont contribué à la création d’un environnement fiscal plus équitable dans l’UE et au-delà. De nouveaux défis continuent cependant d’apparaître, et les instruments de l’UE pour réglementer la concurrence fiscale loyale et empêcher les pratiques fiscales dommageables – tant au sein de l’UE qu’à l’extérieur de celle-ci – doivent être adaptés en permanence. La mondialisation, la numérisation et les modèles d’entreprise actuels élargissent l’horizon de la concurrence fiscale et ouvrent de nouvelles perspectives à la planification fiscale agressive. Le programme de travail de l’UE en matière de bonne gouvernance fiscale doit continuer d’évoluer, afin d’éviter les pertes pour les budgets nationaux et pour le budget de l’Union, et de garantir que les citoyens et les entreprises de l’UE puissent compter, à l’avenir également, sur une fiscalité équitable et efficace.

La présente communication s’inscrit dans un train de mesures pour une fiscalité équitable et simplifiée favorisant la relance dans l’UE; ce train de mesures comprend en outre une communication sur un plan d’action, dans laquelle sont présentées plusieurs initiatives à venir dans le domaine de la fiscalité directe et indirecte concernant la lutte contre la fraude fiscale et la simplification des régimes fiscaux 4 , ainsi qu’une proposition législative 5 pour la révision de la directive relative à la coopération administrative 6 .

Dans les actions futures, la Commission veillera à ce que la législation fiscale de l’Union soit en adéquation avec l’économie moderne et adaptée à l’évolution de la situation internationale en matière de réforme de la fiscalité des entreprises. En complément, la Commission fait essentiellement porter son analyse sur les mesures non contraignantes et sur les actions extérieures, fait le bilan de l’expérience acquise et recense les changements qui s’imposent en la matière. À l’issue de cette analyse, elle définit les domaines d’action prioritaires pour les prochaines années en vue de consolider les normes de la bonne gouvernance fiscale et de garantir une imposition équitable.

2. RÉFORMER LE CODE DE CONDUITE DANS LE DOMAINE DE LA FISCALITÉ DES ENTREPRISES

Le code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises (ci-après le «code») est, depuis son établissement en 1997, le principal instrument de l’UE pour prévenir la concurrence fiscale dommageable. Il fonctionne sur le postulat que, si la concurrence fiscale entre pays n’est pas en soi problématique, il faut, par contre, soumettre à des principes communs la mesure dans laquelle les pays peuvent utiliser leurs régimes fiscaux et leurs politiques en la matière pour attirer les entreprises et les bénéfices. C’est particulièrement important dans un marché unique, où les libertés inscrites dans le traité accroissent la mobilité des bénéfices et des investissements.

Le code est un instrument non contraignant qui fonctionne sur la base de l’examen collégial et de la pression exercée par les États membres les uns sur les autres. Il énonce des principes pour une concurrence fiscale loyale et est utilisé pour déterminer le caractère éventuellement dommageable d’un régime fiscal. Le groupe «Code de conduite», composé de représentants nationaux à haut niveau, surveille le respect du code par les États membres. Il évalue les mesures fiscales prises par les États membres et détermine leur caractère éventuellement dommageable, sur le fondement d’une analyse technique de la Commission. Si la mesure fiscale est jugée dommageable, l’État membre concerné doit la modifier ou l’abroger. Depuis l’établissement du code, plus de 400 régimes fiscaux ont été évalués dans l’UE, et une centaine d’entre eux ont été considérés comme dommageables.

Le code, au-delà des résultats qu’il a produits au sein de l’UE, a aussi exercé une incidence remarquable sur l’environnement fiscal mondial ces dernières années. Il a en effet été utilisé comme base pour évaluer des pays tiers dans le contexte de la liste de l’UE des pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales (voir le point 2 ci-après). Le rôle central joué par le code dans le processus d’inscription sur la liste de l’UE souligne l’importance qu’il revêt en tant qu’outil pour combattre la concurrence fiscale dommageable et pour promouvoir largement les principes de la bonne gouvernance fiscale.

Cependant, malgré les réussites à mettre à son actif, il est évident que le code doit être réformé et modernisé. La nature de la concurrence fiscale et les formes qu’elle prend ont considérablement changé au cours des deux dernières décennies, et le code n’a pas évolué pour faire face aux difficultés nouvelles qui se présentent. La mondialisation, la numérisation, le rôle croissant des multinationales dans l’économie mondiale, l’importance accrue des actifs immatériels et la réduction des obstacles aux échanges sont autant d’éléments qui ont incité toujours plus fortement les États membres à recourir à la fiscalité pour attirer chez eux les investissements étrangers. On a ainsi assisté à une escalade dans la concurrence fiscale et à une évolution de celle-ci qui a mis à l’épreuve les fondements mêmes de l’équité. Dans ce contexte, tant les États membres que le Parlement européen ont mis en doute la capacité du code de prendre la mesure des formes contemporaines de concurrence fiscale dommageable. L’efficacité du code doit être considérablement améliorée compte tenu des réalités du jour décrites ci-dessus.

2 (a) Programmer la réforme de manière à en maximiser l’effet

Le calendrier de la réforme du code doit être examiné avec soin, pour faire en sorte que le résultat soit aussi ambitieux et efficace que possible. Les discussions internationales en cours sur la réforme de la fiscalité des entreprises, conduites par l’OCDE, pourraient avoir une incidence majeure sur les limites de la concurrence fiscale qui seront acceptées à l’avenir. Si l’imposition minimale effective devient une norme mondiale, notamment, un nouveau seuil sera fixé jusqu’où les pays peuvent descendre lorsqu’ils utilisent leurs taux d’imposition pour attirer les entreprises et les investissements étrangers. Cet élément devra à l’évidence être intégré dans les actions de l’UE en matière de concurrence fiscale loyale dans le cadre d’un code de conduite réformé. Parallèlement, en l’absence de consensus sur une imposition minimale au niveau mondial, cette notion doit être introduite dans le code en tant que norme de l’UE, afin de moderniser et de clarifier la notion de concurrence fiscale dommageable et de veiller à ce que toutes les entreprises paient un impôt équitable lorsqu’elles génèrent des bénéfices dans le marché unique.

2 (b) Réviser le champ d’application et les critères du code

Dans l’intervalle, plusieurs questions peuvent toutefois faire l’objet sans tarder d’un examen dans le cadre de la réforme à venir du code de conduite.

Tout d’abord, il pourrait être envisagé d’étendre le champ d’application du code de manière à couvrir toutes les mesures qui mettent en danger la concurrence fiscale loyale. La définition du champ d’application devrait être modifiée de façon à couvrir davantage de types de régimes et des aspects généraux des systèmes nationaux d’impôt sur le revenu des sociétés, ainsi que les impôts et taxes pertinents autres que l’impôt des sociétés. Dans la définition actuelle du champ d’application du code, trop de catégories de régimes dommageables peuvent échapper à l’évaluation. Le code ne porte ainsi que sur des mesures et des régimes fiscaux spécifiques. Or, de plus en plus, des pays utilisent les structures générales de leurs systèmes fiscaux pour exercer une concurrence fiscale, par exemple en prévoyant des règles particulières en matière de résidence fiscale, qui peuvent aboutir à une double non-imposition, ou des exonérations pour les revenus d’origine étrangère, qui peuvent favoriser les pratiques fiscales dommageables sans mesures de sauvegarde idoines. Qui plus est, le code ne couvre pas les régimes de citoyenneté spéciaux et les mesures destinées à attirer les expatriés ou les grosses fortunes, alors que des mesures de cette nature constituent souvent un moyen détourné pour attirer de façon déloyale les entreprises et les investissements étrangers. Des études récentes de l’OCDE 7 montrent également que les régimes de citoyenneté peuvent être utilisés pour tourner les règles de transparence fiscale. Aussi importe-t-il, dans la réforme du code, d’examiner le recours à des régimes de citoyenneté tels que les «visas dorés».

Le code devrait aussi être mis à jour de manière à ce que tous les cas d’imposition très faible soient examinés, dans l’UE comme hors de celle-ci. L’Union exige déjà des pays tiers appliquant une imposition zéro ou n’appliquant pas d’imposition qu’ils mettent en œuvre des normes strictes en matière de substance et de transparence économiques s’ils ne veulent pas figurer sur la liste de l’UE. Ces exigences devraient être formellement inscrites dans le code, afin que la cohérence soit totale entre les critères appliqués au sein de l’UE et ceux appliqués aux pays tiers.

2 (c) Améliorer la gouvernance du code

Dans le cadre de la réforme du code, il convient également d’examiner selon quelles modalités il pourrait être appliqué de manière plus transparente et efficace. Certaines améliorations ont certes été apportées à la gouvernance du groupe «Code de conduite» ces dernières années, mais il existe une marge de progression. Le groupe pourrait rendre publiques un plus grand nombre d’informations sur son site web et communiquer au public et aux parties prenantes les avancées importantes de ses travaux. Il pourrait également introduire le vote à la majorité qualifiée en son sein, afin d’accélérer la prise de décision, et envisager des conséquences effectives pour les États membres qui ne se conforment pas en temps utile à ses décisions.

La Commission invite les États membres à ouvrir les discussions sur les propositions figurant au point 1 (a) à (c) en vue d’une réforme ambitieuse du code, en attendant le résultat des discussions internationales en matière fiscale (selon le calendrier de travail de l’OCDE, on devrait être suffisamment fixé d’ici la fin de l’année sur l’issue des travaux internationaux sur la réforme fiscale). La Commission coopérera avec les États membres à l’élaboration d’un plan concret de réforme du code, afin que celui-ci permette de mieux affronter les défis nouveaux en matière de concurrence fiscale, au sein de l’UE comme hors de celle-ci. 

3. RÉVISER LA LISTE DE L’UE DES PAYS ET TERRITOIRES NON COOPÉRATIFS À DES FINS FISCALES

Le code a été conçu, à l’origine, comme un instrument de régulation de la concurrence fiscale interne dans l’UE, mais son objet s’est récemment élargi pour englober également la dimension extérieure de ce domaine d’action. Les principes de la concurrence fiscale loyale énoncés dans le code font partie des critères utilisés pour évaluer les pays tiers au titre du processus d’inscription sur la liste de l’UE. L’objectif est d’améliorer le contexte mondial de gouvernance fiscale, d’assurer des conditions équitables au niveau international et de soutenir les gouvernements de pays tiers dans leurs efforts pour mettre en œuvre des engagements et des actions pris au niveau mondial (par exemple dans le cadre des initiatives du G20 pour lutter contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices ou du programme d’action d’Addis‑Abeba).

La liste de l’UE des pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales a initialement été proposée dans la stratégie extérieure de la Commission de 2016, comme outil pour contrer les risques exogènes de pratiques fiscales abusives et de concurrence fiscale déloyale. Elle s’est muée depuis en un puissant instrument de promotion de la bonne gouvernance fiscale sur le plan international, et elle a contribué à la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales au niveau mondial. Au cours des quatre années qui se sont écoulées depuis le lancement du processus d’inscription sur la liste de l’UE, 95 pays et territoires fiscaux ont été évalués au regard de trois critères clés: la transparence fiscale, l’équité fiscale et la mise en œuvre des normes minimales de l’OCDE en matière d’érosion de la base d’imposition et de transfert de bénéfices (BEPS). S’il s’avère qu’un pays ou territoire ne respecte pas l’un ou plusieurs de ces critères, il est invité à s’engager à résoudre les problèmes dans un délai donné.

Au 1er janvier 2020, plus de 120 régimes fiscaux dommageables avaient été supprimés dans le monde 8 en réaction directe au processus d’inscription sur la liste de l’UE. Des dizaines de pays tiers avaient aussi pris des mesures concrètes pour renforcer leurs normes de transparence fiscale conformément aux exigences de l’UE. Grâce à cet outil, la bonne gouvernance fiscale s’est améliorée au niveau mondial, les acteurs internationaux opèrent dans des conditions équitables et les possibilités d’abus de nature fiscale sont moins nombreuses. La liste de l’UE produit donc des avantages au-delà des frontières de l’Union, notamment pour les pays en développement, qui sont touchés de manière disproportionnée par les flux financiers illicites.

Le processus d’inscription sur la liste de l’UE a créé une nouvelle assise pour les liens entre l’UE et les pays partenaires en ce qui concerne les questions fiscales d’intérêt commun, dans le prolongement des efforts de l’Union pour faire advenir une bonne gouvernance fiscale au niveau mondial. Le dialogue et la politique de la main tendue sont au cœur de la démarche. Les entretiens réguliers des services de la Commission avec les pays et territoires concernés, en coordination avec le Service européen pour l’action extérieure, ont aidé des dizaines d’entre eux à se conformer aux normes. Ce nouveau canal de communication sur les questions fiscales a permis d’avoir un dialogue constructif avec les pays partenaires dans l’économie en évolution constante, mondialisée et numérisée d’aujourd’hui, et nous devrions poursuivre dans cette voie.

Quatre ans après le lancement de cette nouvelle démarche d’inscription sur la liste, la Commission est persuadée qu’il est grand temps de faire le bilan de l’expérience acquise et d’examiner les moyens de lui conserver son efficacité, son équité et son adéquation aux nouveaux défis au fur et à mesure qu’ils se présentent.

3(a) Réviser le champ d’application géographique de la liste de l’UE

Lorsque le processus d’inscription sur la liste de l’UE a été lancé en 2016, les États membres ont choisi les pays et territoires sur lesquels il devait porter, sur la base d’un tableau de bord objectif d’indicateurs élaborés par la Commission. Les États membres ont utilisé ce tableau de bord pour décider quels pays et territoires soumettre à un examen, en tenant compte également d’autres facteurs pertinents tels que la présence d’un centre financier. Ils ont choisi d’emblée d’exclure du processus les pays les moins développés, en raison de la faible capacité de ceux-ci de se conformer aux critères dans les délais prescrits. Pour des raisons analogues, une certaine souplesse a été introduite pour les pays en développement ne disposant pas d’un centre financier en ce qui concerne les critères et les délais à respecter.

Après plusieurs années d’expérience pratique de la mise en œuvre du processus d’inscription sur la liste de l’UE avec les pays et territoires sélectionnés, les États membres ont fait part de leur souhait de réviser le champ d’application géographique de la liste. Ils ont notamment à cœur de s’assurer que tous les domaines à risque ont été couverts et que des pays et territoires comparables sont traités sur un pied d’égalité et équitablement dans le cadre du processus.

Pour faciliter la réflexion à cet égard, la Commission mettra à jour, d’ici la fin de l’année 2020, le tableau de bord utilisé à l’origine pour sélectionner les pays et territoires les plus intéressants à évaluer. Le nouveau tableau de bord intégrera les données les plus récentes ainsi que les évolutions constatées dans l’économie mondiale et dans la politique fiscale. Il comportera des sources d’information supplémentaires pour donner un aperçu complet des liens économiques et financiers de l’UE avec les pays tiers. La Commission prendra en considération, en outre, la nouvelle méthodologie mise au point pour identifier les pays tiers à risque élevé aux fins de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme 9 , afin que les deux processus de recensement se renforcent mutuellement. La révision du tableau de bord aidera les États membres à identifier d’autres pays qu’ils souhaitent soumettre à un examen, sur la base de critères objectifs, et rendra le processus plus stable et plus prévisible pour les partenaires de l’UE.

3(b) Révision des critères d’inscription sur la liste de l’UE

Toute discussion sur le champ d’application géographique de la liste de l’UE devra également porter sur les critères que doivent respecter les pays et territoires sélectionnés. Retirer de la liste tout pays ou territoire qui relève actuellement de son champ d’application aurait des répercussions sur l’égalité des conditions et nuirait aux efforts extrêmement positifs déjà fournis par la plupart desdits pays ou territoires. Il convient cependant de se demander si les critères d’inscription sur la liste de l’UE pourraient être appliqués de manière plus ciblée pour certains pays ou territoires.

L’expérience acquise avec le processus d’inscription sur la liste de l’UE jusqu’à présent montre que certains pays ou territoires, et notamment les partenaires en développement, sont confrontés à des contraintes de capacité pour mettre en œuvre certains de leurs engagements. Il faut examiner si tous les critères sont pertinents pour tous les pays ou territoires, sur la base du risque potentiel que présente leur environnement économique et fiscal. Pour les pays en développement à faible risque, on pourrait imaginer de n’appliquer que les critères les plus pertinents. Il existe un précédent d’une telle démarche dans le processus d’inscription sur la liste de l’UE: les pays en développement ne disposant pas d’un centre financier ne doivent pas respecter le critère de l’échange automatique d’informations. Une autre possibilité, qui pourrait aussi être mise en œuvre en parallèle, consisterait à adapter les délais prévus par la liste de l’UE pour les pays connaissant de fortes contraintes de capacité ou ne disposant pas d’un centre financier, afin de tenir compte de la situation particulière des pays ou territoires concernés.

Par ailleurs, les critères de bonne gouvernance fiscale appliqués pour le recensement devraient être analysés de manière plus générale, de façon à garantir qu’ils sont conformes à la réalité et suffisamment ambitieux. Ils devraient, tout d’abord, être mis à jour pour refléter les évolutions les plus récentes sur le plan international dans la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales, notamment en ce qui concerne les bénéficiaires effectifs 10 et la mise en œuvre des normes minimales de l’OCDE relatives à l’érosion de la base d’imposition et au transfert de bénéfices.

Les discussions en cours au niveau international sur la fiscalité de l’économie numérique et la réforme fiscale mondiale devront également être prises en considération dans les critères d’inscription sur la liste de l’UE. Cet aspect sera particulièrement important si un consensus mondial se dégage sur l’imposition minimale effective. Cette question doit être examinée en parallèle avec la future réforme du code, une fois que l’issue des discussions internationales sur la réforme fiscale se précisera.

Dans le même ordre d’idées, lesdits critères devraient également être révisés pour s’assurer qu’ils sont appliqués de manière suffisamment large pour appréhender tous les risques. Les travaux dans ce domaine ont déjà commencé. Ainsi, en 2019, les États membres ont décidé d’examiner certaines exonérations de portée générale qui pourraient présenter les mêmes risques que les régimes fiscaux préférentiels. La Commission continuera de passer en revue le paysage fiscal international dans le but d’identifier toute pratique commerciale et de planification fiscale nouvelle qui pourrait se révéler problématique.

Enfin, il importe de surveiller étroitement les pays et territoires qui ont déjà reçu un avis favorable au titre du processus d’inscription sur la liste de l’UE, de façon à garantir la mise en œuvre effective des réformes et à se prémunir contre tout retour en arrière. La Commission se chargera de cette surveillance et fera rapport aux États membres. Elle assurera aussi la coordination avec l’OCDE afin que les processus de surveillance de l’UE et internationaux concordent autant que possible.

3(c) Renforcer la transparence et l’obligation de rendre des comptes

Le processus d’inscription sur la liste de l’UE a créé un nouveau cadre qui permet à l’UE et à ses partenaires internationaux de débattre régulièrement de questions relatives à la bonne gouvernance fiscale. La Commission a toujours insisté fortement sur la nécessité du dialogue et de la communication avec les pays tiers concernés. Au cours des quatre dernières années, des milliers de contacts et d’échanges ont eu lieu aux niveaux technique, diplomatique et politique, tant directement que par l’intermédiaire d’enceintes internationales. L’UE a ainsi pu préciser quelles étaient ses attentes en matière de bonne gouvernance fiscale au niveau mondial, et elle a pu, parallèlement, mieux comprendre les positions de ses partenaires internationaux. La Commission a la ferme volonté de renforcer encore ce processus de dialogue positif et d’avancer, en coopération avec le haut représentant. Elle s’emploiera, à cet égard, à organiser une rencontre annuelle des représentants des pays et territoires concernés, à examiner les questions liées à l’inscription sur la liste de l’UE et à diffuser informations et bonnes pratiques.

La Commission dégagera aussi du dialogue avec les pays tiers les préoccupations légitimes de ceux-ci, dont elle se fera le relais auprès des États membres en vue de trouver des solutions. Ainsi par exemple, le fait que les États membres continuent d’utiliser des listes nationales parallèlement au processus d’inscription sur la liste de l’UE est source de confusion et d’incertitude pour un grand nombre de pays tiers. C’est particulièrement le cas lorsque les critères nationaux et le processus d’inscription sur la liste ne sont pas clairement communiqués ou en cas de différences entre les pays figurant sur la liste de l’UE et sur les listes nationales. Il existe des arguments solides en faveur d’un alignement des listes nationales sur le processus de l’UE pour les pays ayant fait l’objet d’une évaluation au titre de ce dernier, dans un souci de cohérence et de clarté pour les pays tiers et les entreprises. La Commission ouvrira une discussion sur ce point avec les États membres et explorera les modalités d’une coordination plus poussée de l’inscription de pays et de territoires à des fins fiscales, de manière à garantir que les pays tiers fassent l’objet d’un traitement cohérent de la part de l’UE et de ses États membres.

Enfin, la Commission continuera de promouvoir la transparence et l’obligation de rendre des comptes dans toute la mesure du possible au sein du processus d’inscription sur la liste de l’UE. Le Parlement européen devrait, à cet égard, être régulièrement informé de l’évolution dudit processus. La Commission gardera également la société civile informée dans le cadre de la plateforme concernant la bonne gouvernance dans le domaine fiscal, qui a joué un rôle important dans le lancement du processus d’inscription sur la liste de l’UE.

3(d) Renforcer la bonne gouvernance fiscale dans les accords conclus avec des pays tiers et étoffer le dialogue avec les pays tiers sur les taxes environnementales

L’UE promeut aussi l’équité en matière fiscale en inscrivant une clause relative à la bonne gouvernance fiscale dans les accords internationaux qui s’y prêtent conclus avec des pays tiers. Le Parlement européen considère que la clause de bonne gouvernance fiscale est l’un des «principaux instruments de la politique extérieure de l’Union» 11 et a itérativement demandé qu’elle soit systématiquement incluse dans tous les accords pertinents conclus avec des pays ou des territoires tiers. Dans la stratégie extérieure de 2016, la Commission a proposé de mettre à jour et de renforcer la clause de bonne gouvernance standard, afin de l’aligner sur les normes internationales les plus récentes. Les États membres ont approuvé un nouveau texte en mai 2018 et ont confirmé que ce libellé devrait être inclus dans tous les accords internationaux concernés.

Depuis, la Commission a proposé la clause mise à jour dans toutes les négociations nouvelles et en cours où elle se révèle pertinente, dont plusieurs sont en voie de conclusion. La Commission continuera d’insister pour que ladite clause soit adoptée dans toutes les futures négociations d’accords internationaux où elle a sa place. Dans l’hypothèse où un pays tiers refuserait l’inclusion de la clause ou insisterait pour la modifier au point qu’elle ne remplirait plus l’objectif poursuivi, la Commission et les États membres doivent examiner la meilleure façon de réagir. Les pays concernés pourraient faire l’objet d’un examen au titre du processus d’inscription sur la liste de l’UE.

Dans son dialogue avec les pays tiers, la Commission soulignera aussi l’importance du «principe du pollueur-payeur» inscrit dans le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui commande d’intégrer le coût des externalités négatives dues aux activités polluantes, ou nuisibles pour d’autres raisons. Il existe un potentiel sous-exploité de taxes environnementales qui pourraient contribuer à rendre les systèmes fiscaux des pays en développement plus progressifs et viables, et leurs sociétés, plus équitables. Dans de nombreux pays en développement, accroître le montant de recettes issues de la fiscalité environnementale pourrait aussi réduire la dépendance de l’État par rapport au financement par l’aide ou par l’emprunt, et faciliter la mobilisation de ressources internes pour les services publics. Les taxes environnementales étant plus difficiles à éluder que, par exemple, les impôts sur le revenu des sociétés ou des personnes physiques, elles pourraient aussi renforcer la responsabilité de l’État, accroître le civisme fiscal et développer la gouvernance fiscale.

4. AMÉLIORER LES MESURES DESTINÉES À RENFORCER LA BONNE GOUVERNANCE

Inscrire un pays ou un territoire sur la liste de l’UE doit rester une solution de dernier recours, à réserver aux pays qui refusent de reconnaître de manière satisfaisante les préoccupations de l’UE par rapport à leurs systèmes fiscaux ou de remédier à ces préoccupations. Mais une fois qu’un pays ou un territoire est inscrit sur la liste, il devrait y avoir pour lui des conséquences, afin de garantir que la liste de l’UE demeure un instrument efficace.

Depuis l’établissement de la liste de l’UE, des contre-mesures frappant les pays ou territoires recensés ont été élaborées; elles portent sur deux aspects. Tout d’abord, l’UE a adopté des dispositions plus restrictives dans sa législation en matière de financement 12 , afin d’éviter que des fonds de l’UE soient directement investis dans des pays ou territoires inscrits sur la liste, ou transitent par ces pays ou territoires. Les États membres ont en outre convenu d’appliquer de manière coordonnée des mesures défensives à l’encontre des pays ou territoires inscrits sur la liste. Les contre-mesures liées à la liste de l’UE devraient faire l’objet d’une révision périodique, pour veiller à ce qu’elles soient aussi dissuasives et efficaces que possible.

4 (a) Promouvoir la bonne gouvernance fiscale par l’intermédiaire des fonds de l’UE

Comme annoncé dans la stratégie extérieure de 2016, l’Union a introduit un lien juridiquement contraignant entre les normes de bonne gouvernance fiscale et l’utilisation de fonds de l’UE. Ce lien trouve sa traduction dans des instruments juridiques clés 13 , qui s’opposent à l’utilisation des fonds de l’UE pour soutenir des projets qui contribuent à l’évasion fiscale. En outre, pour les instruments financiers et les garanties budgétaires, le cadre juridique empêche de tirer profit de pays ou de territoires figurant sur la liste noire de l’UE en matière fiscale ou sur la liste de l’UE de pays tiers à risque élevé aux fins de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Toutefois, si le projet est physiquement mis en œuvre dans un tel pays ou territoire, un financement peut malgré tout être autorisé en vue de ne pas porter atteinte aux objectifs de développement et de durabilité.

La Commission a également fourni des orientations 14 aux partenaires de l’UE chargés de l’exécution et les a appelés à faire en sorte que leur fonctionnement interne leur permette de mettre en œuvre des fonds de l’UE dans le respect des nouvelles exigences fiscales de l’Union. La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) et le Groupe Banque européenne d’investissement (BEI) ont publié des politiques internes afin de prendre en considération les dernières évolutions internationales dans le domaine fiscal 15 . Les actions au niveau international et les règles plus strictes d’utilisation des fonds de l’UE incitent aussi plusieurs institutions financières internationales et agences nationales à renforcer leurs contrôles de diligence raisonnable, ce qui, à son tour, encourage les opérateurs sur le marché à se détourner des régimes des pays et territoires non coopératifs et à être plus vigilants par rapport aux risques d’évasion fiscale.

Ayant étudié la manière dont ces règles ont été appliquées à ce jour, la Commission estime qu’il pourrait y être recouru plus largement pour renforcer les principes de la bonne gouvernance fiscale. Les États membres devraient refléter les efforts de l’UE dans l’utilisation de leurs propres fonds. La Commission exhorte les États membres qui ne l’ont pas encore fait à inscrire les exigences de l’UE dans leurs politiques nationales de financement et dans les règles de conformité de leurs banques et agences de développement. De cette manière, ni des fonds de l’UE ni des fonds des États membres ne transiteraient par des entités de pays ou de territoires inscrits sur la liste ou ne seraient utilisés dans des mécanismes d’évasion fiscale. L’UE y gagnerait en poids et en crédibilité lorsqu’elle promeut les normes de la bonne gouvernance fiscale sur le plan international.

Dans le même ordre d’idées, la Commission a présenté une recommandation 16 appelant les États membres à faire dépendre le soutien financier qu’ils accordent aux entreprises de l’absence de liens entre les bénéficiaires et des pays ou territoires qui figurent sur la liste de l’Union européenne des pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales, de façon à garantir que les efforts considérables déployés par les États membres pour soutenir la relance soient mis en œuvre selon des modalités conciliables avec la nécessité de veiller à l’équité fiscale internationale.

La Commission lancera aussi, très probablement avant la fin de l’année 2020, un débat avec les États membres en vue d’examiner la manière de réaliser cette harmonisation des politiques de financement de l’UE et des États membres. Elle vérifiera également, dans ce contexte, s’il est possible de mieux harmoniser, d’une part, l’utilisation des fonds de l’UE et de ceux des États membres et, d’autre part, les mesures défensives des États membres, afin d’intensifier l’incidence de ces mesures sur les pays et territoires non coopératifs.

Dans une seconde étape, en s’appuyant sur l’expérience acquise au niveau de l’UE, la Commission étudiera la manière de convaincre d’autres bailleurs de fonds internationaux de prévenir l’évasion fiscale dans l’utilisation de toute forme de fonds publics. La Commission fera rapport sur les travaux de coordination interne à l’UE d’ici la mi‑2022, et examinera ensuite comment promouvoir les meilleures pratiques à une échelle internationale plus large.

 

Parallèlement, la Commission poursuivra le dialogue étroit avec les institutions financières internationales et d’autres partenaires chargés de l’exécution, afin d’analyser l’incidence que les nouvelles exigences de l’UE ont eue sur leurs travaux et leurs processus. Elle vérifiera notamment si les orientations qu’elle donne doivent être clarifiées ou mises à jour. Afin de rendre l’exécution plus aisée, de dégager les meilleures pratiques et de promouvoir des conditions équitables, la Commission ouvrira des discussions sur la question avec les partenaires de l’UE chargés de l’exécution avant la fin de l’année 2020. Sur la base de ces discussions, elle présentera au Parlement européen et au Conseil, au plus tôt en 2022, un rapport contenant des éclaircissements et des solutions sur certains points particuliers si nécessaire.

4 (b) Renforcer les mesures défensives contre les pays et territoires non coopératifs

En plus d’avoir mis en œuvre les dispositions plus restrictives applicables à l’utilisation des fonds de l’UE, la Commission a régulièrement appelé les États membres à appliquer des mesures défensives fortes, dissuasives et coordonnées à l’encontre des pays figurant sur la liste de l’UE. Il importe d’adopter une approche commune en matière de mesures défensives, afin de garantir que la liste de l’UE ait une incidence réelle, ainsi que pour procurer clarté et sécurité aux pays tiers et aux investisseurs. En décembre 2017, les États membres se sont engagés sur la voie de la coordination en convenant de certaines mesures administratives, telles que des audits renforcés, applicables aux entreprises et aux investisseurs dans les pays inscrits sur la liste de l’UE 17 . Ils ont intensifié cette coordination en décembre 2019, en se mettant d’accord sur une panoplie de mesures défensives à appliquer contre les pays inscrits sur la liste de l’UE 18 . Les États membres commenceront à appliquer ces mesures défensives en 2021 et ont convenu d’examiner la nécessité d’une coordination plus poussée en 2022.

Cette approche coordonnée va dans la bonne direction, mais elle manque d’ambition. Le fait, notamment, que les États membres puissent choisir quelles mesures, et combien de mesures, de la panoplie ils souhaitent appliquer pourrait déboucher sur une situation hétérogène dans le marché unique. Les préoccupations des entreprises quant à l’insécurité juridique et à la charge administrative risquent de ne pas être entendues. Certains contribuables pourraient également être en mesure d’exploiter l’asymétrie entre les mesures prises par les États membres pour continuer de transférer hors du marché unique des bénéfices non imposés.

La Commission surveillera la situation de près dès que les États membres commenceront à appliquer les mesures défensives convenues et en effectuera une évaluation. Si l’approche de la panoplie n’est pas suffisamment efficace, la Commission, en se fondant sur l’appréciation précitée qui en sera faite en 2022, envisagera l’opportunité de présenter une proposition législative contenant des mesures défensives coordonnées. L’UE pourrait ainsi rendre plus «incisive» sa liste des pays territoires non coopératifs et exercerait une action véritablement coordonnée vis-à-vis des pays qui y sont inscrits.

5. SOUTENIR LES PAYS PARTENAIRES EN MATIÈRE DE BONNE GOUVERNANCE FISCALE

Les priorités de l’UE en matière de bonne gouvernance fiscale vont au-delà de préoccupations de politique fiscale. En tant que principal bailleur de fonds mondial dans l’aide au développement et adepte d’une gouvernance mondiale, l’UE mesure l’importance de la bonne gouvernance pour ses partenaires en développement.

Percevoir des recettes fiscales suffisantes reste un défi pour de nombreux pays en développement. Plus d’un tiers des pays d’Afrique ont un ratio recettes fiscales/PIB inférieur à 15 % 19 , qui est la valeur considérée comme le minimum pour pouvoir fournir des services sociaux de base. Les pays en développement dépendent près de deux fois plus de l’impôt des sociétés pour leurs recettes fiscales que les pays développés 20 . Ils sont dès lors beaucoup plus durement touchés par les problèmes de fraude et d’évasion fiscales. Aussi sont-ils susceptibles de tirer profit des efforts déployés par l’UE et d’autres sur le plan international pour relever les normes mondiales et faire obstacle à la planification fiscale agressive dans le monde.

Dans la stratégie extérieure de 2016, la Commission soulignait la nécessité d’une plus grande cohérence entre la politique fiscale de l’UE et ses objectifs internationaux de développement. La Commission, avec son initiative «Percevoir plus, mieux dépenser» 21 , a présenté des mesures claires pour aider les pays partenaires à améliorer et protéger leurs bases d’imposition, percevoir des recettes fiscales de manière durable et accroître l’efficacité des dépenses publiques. Depuis, l’UE a soutenu les pays partenaires en vue de mobiliser davantage leurs ressources internes et de mettre en œuvre des systèmes fiscaux équitables, transparents et efficaces. Elle a ainsi tenu ses engagements au titre de l’initiative fiscale d’Addis‑Abeba 22 , dans le cadre de laquelle elle a promis d’accroître son soutien technique et financier à la mobilisation des recettes fiscales internes dans les pays en développement.

Conformément à ses engagements, l’UE est en bonne voie de doubler le soutien aux pays en développement dans le domaine de la mobilisation des ressources internes. Depuis 2015, la Commission a régulièrement accru le soutien accordé dans ce domaine, pour atteindre un montant d’engagements d’environ 1 milliard d’EUR en 2019, et elle a, entre autres, cofinancé un outil 23 d’aide aux réformes dans 94 administrations fiscales de par le monde. Les opérations d’appui budgétaire bilatéral comprennent de plus en plus souvent une aide à la mobilisation des recettes fiscales internes et respectent les normes de la bonne gouvernance fiscale. Cet appui financier et technique demeure capital pour aider les pays ayant des capacités administratives et financières limitées, et l’UE continuera d’investir massivement dans ce domaine.

La Commission a également analysé, en outre, les possibles effets d’entraînement des conventions en vue d’éviter les doubles impositions conclues par les États membres avec des pays en développement, et notamment avec les plus pauvres d’entre eux. La Commission a élaboré une boîte à outils 24 à laquelle les États membres pourraient recourir quand ils négocient des conventions en vue d’éviter les doubles impositions avec des pays en développement pour aider ceux-ci à mobiliser leurs recettes fiscales internes. La question des effets d’entraînement a été analysée en détail par la plateforme concernant la bonne gouvernance dans le domaine fiscal, et la Commission a organisé un séminaire spécialisé sur la question en 2018. Les travaux dans ce domaine continueront pendant la durée du nouveau mandat de la plateforme concernant la bonne gouvernance dans le domaine fiscal.

5 (a) Renforcer les partenariats et la coopération sur le plan international

Alors que débute la Décennie d’action pour atteindre les objectifs de développement durable 25 , la bonne gouvernance fiscale demeure un domaine clé dans lequel tous les pays doivent agir. Une telle démarche est également conforme au principe de cohérence des politiques au service du développement. Aussi la Commission est-elle déterminée à intensifier davantage encore les mesures en matière de bonne gouvernance fiscale et les initiatives destinées à accroître la mobilisation des recettes fiscales internes chez les partenaires en développement de l’UE.

L’initiative fiscale d’Addis‑Abeba devait normalement prendre fin en 2020. Les signataires de l’initiative ont cependant convenu de prolonger les travaux, étant donné la contribution positive qu’ils peuvent apporter sur le long terme au développement durable des pays concernés. La Commission participe activement à la définition du programme de la prochaine phase des travaux au titre de l’initiative d’Addis‑Abeba après 2020. Elle est fermement convaincue que les activités dans ce domaine doivent être totalement alignées sur les objectifs de développement durable, et qu’il convient d’accélérer les travaux au niveau international sur la mobilisation des recettes fiscales internes.

L’UE ne saurait travailler de manière isolée sur la bonne gouvernance fiscale et sur la mise en œuvre de celle-ci dans les pays en développement. Une collaboration étroite avec l’OCDE, les Nations unies, le FMI et d’autres acteurs internationaux est essentielle pour coordonner efficacement l’aide et le soutien. Les cadres de financement nationaux intégrés (CFII), par exemple, qui déterminent les modalités de financement par tous les bailleurs de fonds (publics/privés, nationaux/internationaux) de la stratégie de développement durable de chaque pays, constitueraient un cadre idéal pour débattre de la manière de cibler au mieux les financements. La Commission continuera également d’encourager et d’appuyer les États membres en fournissant des connaissances techniques en matière fiscale aux pays en développement partenaires de l’UE, via des outils existants de l’Union tels que les jumelages et l’instrument d’assistance technique et d’échange d’informations (TAIEX).

5 (b) Intégrer les pays en développement dans le cadre fiscal mondial

Les efforts consentis par l’UE pour aider les pays en développement à combattre les pratiques fiscales abusives et mobiliser les recettes fiscales internes ne sauraient porter leurs fruits que s’il existe dans les pays et territoires concernés un puissant sentiment d’être partie prenante du processus. Les travaux au niveau planétaire pour améliorer la gouvernance fiscale exigent une approche inclusive et collaborative mondiale. C’est pourquoi l’UE a activement soutenu la participation des pays en développement aux enceintes internationales en matière de fiscalité où les normes sont conçues et dont les membres procèdent et se soumettent à des examens par les pairs.

Par l’intermédiaire du processus d’inscription sur la liste de l’UE, tous les pays ont été invités à rejoindre le cadre inclusif visant à lutter contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS) et le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements de l’OCDE. En tant que participants à ces enceintes ou dans d’autres organisations, les pays en développement peuvent faire entendre leur voix au moment de la définition de nouvelles normes mondiales et de la réalisation d’examens par les pairs. L’UE a aussi financé, par l’intermédiaire d’organisations internationales, une assistance technique aux pays en développement pour mettre à exécution des normes convenues en matière de bonne gouvernance fiscale. 2 millions d’EUR ont ainsi, par exemple, été alloués au Forum mondial en 2019 pour aider les pays en développement à améliorer leurs mesures de transparence fiscale. La Commission continuera de soutenir la participation active des pays en développement à ces organismes et veillera à mieux cibler son assistance 26 et à intensifier le dialogue sur les mesures à prendre pour appuyer la mobilisation de leurs recettes fiscales internes.

5 (c) Élargir le programme d’action

La Commission, en coopération avec le haut représentant, étudiera aussi la meilleure manière d’inscrire des priorités fiscales plus larges dans les relations entre l’UE et les pays en développement. Certaines priorités de politique générale, bien qu’elles ne soient pas directement liées à la bonne gouvernance fiscale, sont extrêmement pertinentes pour contribuer à l’instauration de systèmes fiscaux plus viables, robustes et durables dans les pays en développement. C’est notamment le cas de la fiscalité verte, de la fiscalité de l’économie numérique et des éventuelles réformes internationales de l’impôt des sociétés. Les pays en question devraient être encouragés à poursuivre leur virage fiscal vers la durabilité, qui doit être négocié dans le cadre de trains de réformes budgétaires plus larges afin d’éviter le risque d’accroître les inégalités sociétales, souvent déjà profondes.

Le lien entre les mesures de politique commerciale, les priorités en matière de recettes des pays tiers et d’autres domaines d’action doit aussi être analysé. Il conviendrait, par exemple, d’aider les pays en développement à identifier d’autres recettes fiscales durables afin de compenser la chute des recettes douanières qui pourrait découler de leur meilleure intégration dans les économies régionales et internationale, qui s’accompagne d’une baisse des droits de douane. L’UE devrait aider les pays en développement qui souhaitent réduire les obstacles pour les entreprises et abaisser les droits de douane, en identifiant de nouvelles sources de recettes durables et en améliorant la gouvernance administrative dans le domaine des douanes et de la fiscalité. Il pourrait s’agir, notamment, de taxes environnementales, dont un grand nombre sont, en principe, plus difficiles à éluder et dont l’objet est de soutenir le développement durable. L’UE a déjà fourni un soutien dans ces domaines et continuera de contribuer aux efforts déployés par ces pays tiers pour aligner leur environnement juridique sur les normes internationales, s’ils sont demandeurs d’un tel soutien et selon les modalités qui leur conviennent le mieux.

La Commission donnera une suite à la proposition de nouvel instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale 27 , qui prévoit que les «taxes, droits et charges imposés par les pays partenaires peuvent être éligibles à un financement».

Elle adoptera une approche globale et intersectorielle pour faire avancer les actions précitées, conformément au principe de cohérence des politiques au service du développement.

6. CONCLUSION

L’équité fiscale et la bonne gouvernance fiscale – dans l’UE et au-delà – demeurent des objectifs essentiels de l’activité de la Commission pour les prochaines années. La présente communication fait suite à l’exigence exprimée par le Parlement européen, le Conseil et la société civile de réviser les mesures de l’UE destinées à assurer une bonne gouvernance réelle, une concurrence loyale et des conditions équitables dans le marché unique et dans le monde. Elle prend aussi acte du rôle important que doit jouer la fiscalité dans la mise en œuvre effective du programme de développement durable à l’horizon 2030.

 

Les mesures proposées dans la présente communication peuvent aider à renforcer l’équité fiscale dans l’UE et à rendre plus équitable l’environnement fiscal international. La Commission invite le Conseil à leur accorder une priorité politique élevée et à contribuer à leur mise en œuvre.

(1)

Résolution de la commission TAXE du 25 novembre 2015 sur les rescrits fiscaux et autres mesures similaires par leur nature ou par leur effet; résolution de la commission TAX2 du 6 juillet 2016 sur les rescrits fiscaux et autres mesures similaires par leur nature ou par leur effet; recommandation de la commission PANA du 13 décembre 2017 à la suite de l’enquête sur le blanchiment de capitaux, l’évasion fiscale et la fraude fiscale; résolution de la commission TAX3 du 26 mars 2019 sur la criminalité financière, la fraude fiscale et l’évasion fiscale.

(2)

COM(2020) 456 final.

(3)

COM(2016) 24 final.

(4)

COM(2020) 312 final.

(5)

COM(2020) 314 final.

(6)

 Directive 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal (JO L 64 du 11.3.2011, p. 1).

(7)

https://www.oecd.org/tax/automatic-exchange/crs-implementation-and-assistance/residence-citizenship-by-investment/

(8)

https://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-8603-2020-REV-1/en/pdf

(9)

https://ec.europa.eu/info/files/200507-anti-money-laundering-terrorism-financing-action-plan-methodology_en

(10)

En tenant dûment compte des travaux réalisés dans ce domaine au niveau international. Dans le contexte du processus d’inscription sur la liste de l’UE de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, qui met plus largement l’accent sur les bénéficiaires effectifs, des obligations supplémentaires par rapport aux normes internationales pourraient être introduites, conformément aux priorités dégagées par la Commission dans le plan d’action pour une politique globale de l’Union en matière de prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme (voir https://ec.europa.eu/finance/docs/law/200507-anti-money-laundering-terrorism-financing-action-plan_en.pdf ).

(11)

Résolution de la commission spéciale TAX3 du 26 mars 2019.

(12)

Notamment le règlement financier (RF) actuellement en vigueur, le règlement (UE) 2017/1601 instituant le Fonds européen pour le développement durable (FEDD), la décision 466/2014/UE relative au mandat de prêt extérieur (MPE) et le règlement (EU) 2015/1017 sur le Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI).

(13)

Règlement financier, Fonds européen pour le développement durable (FEDD), Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI) et mandat de prêt extérieur (MPE).

(14)

Communication de la Commission portant sur de nouvelles exigences contre l’évasion fiscale dans la législation de l’UE régissant notamment les opérations de financement et d’investissement [C(2018) 1756 du 18 mars 2018].

(15)

Voir Domiciliation des clients de la BERD et Politique du Groupe BEI vis-à-vis des juridictions faiblement réglementées, non transparentes et non coopératives et relative à la bonne gouvernance fiscale (2019).

(16)

C(2020) 4885 final.

(17)

Voir l’annexe III des conclusions du Conseil sur la liste de l’UE des pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales (https://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-15429-2017-INIT/fr/pdf)

(18)

Voir l’annexe 4 du rapport du groupe «Code de conduite» (fiscalité des entreprises) au Conseil (https://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-14114-2019-INIT/en/pdf)

(19)

Selon les statistiques de l’OCDE relatives aux recettes fiscales.

(20)

L’impôt sur le revenu des sociétés représente 16 % du total des recettes fiscales dans les économies à revenu faible et intermédiaire, contre 8 % dans les pays développés.

(21)

  https://ec.europa.eu/international-partnerships/system/files/swd-collect-more-spend-better_en.pdf  

(22)

Initiative spécifique dans le cadre du programme d’action d’Addis‑Abeba visant à augmenter l’aide au développement pour accroître la capacité fiscale et promouvoir la cohérence des politiques au service du développement. Voir: http://www.addistaxinitiative.net/ .

(23)

Outil diagnostique d’évaluation de l’administration fiscale (TADAT).

(24)

  https://ec.europa.eu/taxation_customs/sites/taxation/files/toolbox_dtas_spill_overs_en.pdf  

(25)

https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/decade-of-action/  

(26)

La Commission, associée à plusieurs États membres et à d’autres bailleurs de fonds internationaux, soutient et modernise le programme «Relations internationales et fiscalité» de l’OCDE. Voir https://www.oecd.org/fr/ctp/fiscalite-internationale/  

(27)

  https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=COM%3A2018%3A460%3AFIN