Bruxelles, le 14.2.2020

COM(2020) 68 final

RAPPORT DE LA COMMISSION

Roumanie

Rapport établi conformément à l’article 126, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne


RAPPORT DE LA COMMISSION

Roumanie

Rapport établi conformément à l’article 126, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

1.    Introduction

L’article 126 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après le «traité») définit la procédure concernant les déficits excessifs (PDE). Cette procédure est précisée dans le règlement (CE) nº 1467/97 visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs 1 , qui fait partie du pacte de stabilité et de croissance.

Conformément à l'article 126, paragraphe 2, du traité, la Commission examine si la discipline budgétaire a été respectée sur la base de deux critères, à savoir: a) si le rapport entre le déficit public prévu ou effectif et le produit intérieur brut (PIB) dépasse la valeur de référence de 3 %, à moins que ce rapport n’ait diminué de manière substantielle et constante et n’atteigne un niveau proche de la valeur de référence, ou que le dépassement de la valeur de référence ne soit qu’exceptionnel et temporaire et que ledit rapport ne reste proche de la valeur de référence; et b) si le rapport entre la dette publique et le PIB dépasse la valeur de référence de 60 %, à moins qu’il ne diminue suffisamment et ne s’approche de la valeur de référence à un rythme satisfaisant.

L’article 126, paragraphe 3, du traité dispose que si un État membre ne satisfait pas aux exigences de ces critères ou de l’un d’eux, la Commission élabore un rapport. Ce rapport doit «examine[r] également si le déficit public excède les dépenses publiques d’investissement et t[enir] compte de tous les autres facteurs pertinents, y compris la position économique et budgétaire à moyen terme de l’État membre».

La Roumanie a fait l’objet, depuis le printemps 2017, de procédures pour écart important successives au titre du volet préventif du pacte de stabilité et de croissance. En conséquence de l’écart important de la Roumanie par rapport à son objectif budgétaire à moyen terme (OMT) en 2016, le Conseil a lancé une procédure pour écart important (PEI) au printemps 2017. Depuis lors, le Conseil a émis des recommandations semestrielles, mais celles-ci n'ont pas été suivies d'effets, la Roumanie s'étant écartée de manière significative et répétée de la trajectoire d’ajustement recommandée.

Selon les données communiquées par les autorités roumaines le 30 septembre 2019 2 et validées ultérieurement par Eurostat 3 , le déficit public nominal de la Roumanie a atteint 3,0 % du PIB en 2018, tandis que la dette s'élevait à 35,0 % du PIB. Pour 2019, les autorités prévoyaient un déficit public nominal de 2,8 % du PIB. Compte tenu des chiffres révisés du PIB annoncés par l’office statistique national après la publication du communiqué de presse d’Eurostat, les ratios nominaux ont légèrement changé, le déficit s'établissant à 2,9 % du PIB et la dette à 34,7 % du PIB pour 2018.

Le 10 décembre 2019, le gouvernement a adopté et transmis au parlement sa stratégie budgétaire pour la période 2020-2022 (ci-après la «stratégie budgétaire»), fondée sur un objectif de déficit de 3,8 % du PIB (en comptabilité d'exercice) pour 2019.

Ce chiffre du déficit prévu pour 2019 semble établir, à première vue, l'existence d'un déficit excessif en Roumanie au sens du traité, tout du moins avant prise en compte de tous les facteurs énoncés ci-après.

Tableau 1. Déficit public et dette publique (en % du PIB)

En conséquence, la Commission a élaboré le présent rapport. Son objectif est d’évaluer de manière exhaustive l'écart prévu par rapport au critère du déficit, en tenant dûment compte du contexte économique et de tous les autres facteurs pertinents, afin d’examiner si le lancement d’une procédure de déficit excessif est justifié. La partie 2 du rapport est consacrée au critère du déficit. La partie 3 est consacrée au critère de la dette. La partie IV traite de l’investissement public et d’autres facteurs pertinents, dont la position économique et budgétaire à moyen terme de la Roumanie. L’analyse figurant dans le présent rapport se fonde sur les prévisions intermédiaires de l’hiver 2020 de la Commission, lesquelles ne concernent que les chiffres du PIB et de l’inflation et ont donc été complétées aux fins du présent rapport par des projections concernant les variables budgétaires.

2.Critère du déficit

La Roumanie a enregistré un déficit public de 2,9 % du PIB en 2018. Sur la base de la stratégie budgétaire, son déficit public devrait atteindre 3,8 % du PIB en 2019, ce qui est nettement supérieur à la valeur de référence de 3 % du PIB prévue par le traité et n’en est pas proche.

Le dépassement, en 2019, de la valeur de référence fixée par le traité n’est pas exceptionnel non plus au sens du traité et du pacte de stabilité et de croissance, car il ne résulte ni d’une circonstance inhabituelle ni d’une grave récession économique. Dans ses prévisions de l’hiver 2020, la Commission table sur une croissance du PIB réel de 3,9 % pour 2019 et de 3,8 % pour 2020, et anticipe un écart de production quasi nul. Les éléments ponctuels ont représenté 0,1 % du PIB en 2019 et étaient dus à un remboursement du droit de timbre environnemental sur les voitures.

Enfin, le dépassement de la valeur de référence de 3 % du PIB n'est pas temporaire au sens du traité et du pacte de stabilité et de croissance. En effet, d'après les prévisions budgétaires de la Commission, et celles du gouvernement figurant dans la stratégie budgétaire, le déficit devrait continuer à dépasser la valeur de référence en 2020 et 2021. Les prévisions de l’hiver 2020 de la Commission, étendues aux variables budgétaires, anticipent un déficit public de 4,0 % du PIB pour 2019, de 4,9 % pour 2020 et de 6,9 % pour 2021. Cette détérioration prévue du déficit est imputable essentiellement à des augmentations importantes des retraites décidées à l’été 2019, en particulier une revalorisation de 40 % programmée pour septembre 2020 et une nouvelle révision à la hausse prévue pour septembre 2021. De plus, entre décembre 2019 et janvier 2020, les autorités ont adopté de nouvelles réductions d’impôts (réductions des droits d’accises sur le carburant et des cotisations de sécurité sociale sur le travail à temps partiel et suppression des taxes spéciales sur le secteur bancaire et le secteur de l’énergie) ainsi qu'un doublement de l’allocation pour enfant à charge (censé entrer en vigueur en août 2020). Dans la stratégie budgétaire, le gouvernement table sur un déficit public de 3,6 % du PIB en 2020 et de 3,4 % en 2021. Si ces projections de déficit sont plus faibles que celles de la Commission, c'est notamment parce que la stratégie budgétaire: 1) s'appuie sur des projections macroéconomiques plus optimistes; 2) anticipe une modération des dépenses prévues en biens et services, qui n'est pas pleinement étayée par les mesures adoptées jusqu'ici; 3) semble ne pas tenir compte de toute l’incidence budgétaire des augmentations des pensions de retraite votées, en particulier pour l'année 2021 et au-delà; 4) ne tient pas compte de l’incidence des réductions d’impôts et du doublement de l’allocation pour enfant à charge.

En résumé, le déficit prévu pour 2019 dépasse la valeur de référence de 3 % du PIB fixée par le traité et n'en est pas proche. Le dépassement est considéré comme n'étant ni exceptionnel ni temporaire aux fins du traité et du pacte de stabilité et de croissance. L’analyse semble donc indiquer que le critère du déficit au sens du traité et du règlement (CE) nº 1467/97 n’est, à première vue, pas respecté, tout du moins avant prise en compte de tous les facteurs pertinents exposés ci-après.

3.Critère de la dette

La dette publique de la Roumanie a représenté 34,7 % du PIB en 2018. Tant la stratégie budgétaire que les prévisions de l’hiver 2020 de la Commission prévoient que la dette publique continuera d'augmenter jusqu’en 2021 mais restera en deçà de la valeur de référence fixée par le traité. Selon la stratégie budgétaire, la dette augmenterait pour atteindre 37,8 % en 2021. Selon les prévisions de l’hiver 2020 de la Commission, la dette augmenterait plus fortement et s'établirait à 41,9 % en 2021. La différence entre ces deux projections s'explique principalement par le fait que la stratégie budgétaire s'appuie sur des prévisions de déficit public plus faibles.

La Roumanie respecte ainsi le critère de la dette au sens du traité et du règlement (CE) nº 1467/97.

4.    Facteurs pertinents

Conformément à l’article 126, paragraphe 3, du traité, le rapport de la Commission «examine également si le déficit public excède les dépenses publiques d’investissement et tient compte de tous les autres facteurs pertinents, y compris la position économique et budgétaire à moyen terme de l’État membre». Ces facteurs sont précisés à l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) nº 1467/97, qui dispose aussi que «tout autre facteur qui, de l’avis de l’État membre concerné, est pertinent pour pouvoir évaluer globalement le respect des critères du déficit et de la dette, et qu’il a présenté au Conseil et à la Commission» doit être dûment pris en compte.

Conformément à l’article 2, paragraphe 4, du règlement (CE) nº 1467/97, lorsque le rapport entre la dette publique et le PIB ne dépasse pas la valeur de référence, les facteurs pertinents sont pris en compte au cours des étapes conduisant à la décision constatant l’existence d’un déficit excessif prévues par l’article 126, paragraphes 4, 5 et 6, du traité.

Compte tenu de ces dispositions, les sous-parties suivantes examinent successivement: 1) la position économique à moyen terme; 2) la position budgétaire à moyen terme, y compris une évaluation du respect de la trajectoire d'ajustement en direction de l'OMT, l'évolution de l'investissement public et le fonctionnement du cadre budgétaire national; 3) l'évolution de la dette à moyen terme, sa dynamique et sa soutenabilité; et 4) les autres facteurs présentés par l'État membre.

4.1.    Position économique à moyen terme

Ces dernières années, le PIB réel a connu une croissance robuste, tirée par la consommation. La croissance potentielle du PIB est élevée mais devrait, selon les prévisions, diminuer progressivement, en raison d'un ralentissement de la croissance de la productivité totale des facteurs et de tendances démographiques négatives. La Roumanie a accompli des progrès limités en matière de réformes structurelles.

Conditions conjoncturelles et croissance potentielle

Ces dernières années, le PIB réel a connu une croissance robuste, tirée par la consommation. La croissance du PIB réel a culminé à 7,1 % en 2017 et a ralenti par la suite, pour s'établir à 4,4 % en 2018. Selon les prévisions de l'hiver 2020 de la Commission, elle devrait atteindre 3,9 % en 2019. La consommation des ménages est restée le principal moteur de la croissance, du fait d'un marché du travail tendu et de fortes hausses des salaires, en particulier dans le secteur public. L'investissement, principalement dans le secteur de la construction, devrait contribuer de manière significative à la croissance en 2019. La contribution des exportations nettes à la croissance du PIB est négative depuis 2014, dans un contexte marqué par une détérioration progressive de la compétitivité par les coûts. Elle est devenue encore plus négative en 2019, la croissance des exportations ralentissant davantage que celle des importations. L'atonie plus prononcée de la demande extérieure est le principal facteur explicatif de ce ralentissement plus fort et a également conduit à une baisse de la production industrielle. Le déficit de la balance courante s'est dès lors régulièrement creusé, pour s'établir, selon les prévisions, à 5,1 % du PIB en 2019.

La Commission prévoit que la croissance du PIB réel ralentira mais restera robuste, pour atteindre 3,8 % en 2020 et 3,5 % en 2021. La relance budgétaire de grande ampleur prévue pour 2020 et 2021 devrait donner une nouvelle impulsion à la consommation des ménages et stimuler également les importations. L'investissement devrait rester élevé en 2020, soutenu par le secteur de la construction et par une plus grande utilisation prévue des fonds d'investissement de l'UE. La contribution des exportations nettes devrait rester négative sur l'ensemble de la période couverte par les prévisions, ce qui aggravera le déficit déjà élevé de la balance courante.

Selon les estimations de la Commission, fondées sur les prévisions de l'hiver 2020, la croissance potentielle du PIB devrait progressivement diminuer et passer de 4,7 % en 2018 à 3,9 % en 2021. La productivité totale des facteurs devrait ralentir, mais rester le principal moteur de la croissance potentielle du PIB. La contribution de la formation de capital devrait rester relativement stable. Par ailleurs, la contribution (déjà modeste) du travail devrait devenir négative, en raison principalement de la diminution tendancielle de la population en âge de travailler.

L'écart de production, qui était de 0,6 % en 2018, devrait tomber à 0,1 % du PIB potentiel en 2019. La Commission prévoit qu'il deviendra légèrement négatif par la suite, pour s'établir à -0,1 % en 2020 et à -0,5 % en 2021.

Tableau 2: Évolutions macroéconomiques et budgétaires (en % du PIB)

Réformes structurelles

En février 2019, la Commission a conclu que la Roumanie connaissait des déséquilibres macroéconomiques 4 , ses vulnérabilités étant liées à des pertes de compétitivité-coûts et au creusement du déficit de la balance courante, dans un contexte de politique budgétaire expansionniste et de conditions imprévisibles pour les entreprises. En juillet 2019, le Conseil a émis une recommandation spécifique 5 invitant la Roumanie à prendre des mesures pour remédier à ces déséquilibres, entre autres problèmes structurels.

Plus particulièrement, le Conseil a recommandé à la Roumanie d'assurer la pleine application du cadre budgétaire, d'améliorer le respect des obligations fiscales et le recouvrement des impôts, de préserver la stabilité financière et la solidité du secteur bancaire, d'assurer la viabilité du régime public de retraite et la viabilité à long terme des fonds de pension du deuxième pilier, de veiller à ce que le salaire minimum soit fixé sur la base de critères objectifs, de veiller à ce que des initiatives législatives ne portent pas atteinte à la sécurité juridique et d'améliorer la gouvernance des entreprises publiques.

Les autorités roumaines ont continué à déroger aux règles du cadre budgétaire national, les rendant de ce fait largement inopérantes.

Le taux de déclarations fiscales déposées dans les délais est resté relativement stable. Selon les estimations, l'écart de TVA s'est réduit en 2017 et 2018. Il reste néanmoins l'un des plus élevés de l'Union européenne. Les autorités fiscales n'ont pas atteint leurs objectifs de l'année 2019 en matière de recouvrement des impôts, du fait en partie du caractère trop optimiste de ces objectifs.

La viabilité du régime public de retraite s'est dégradée, compte tenu de l'adoption, à l'été 2019, d'une nouvelle loi sur les retraites augmentant fortement, sur une période très courte, les dépenses publiques de retraite. En revanche, au début de 2020, la Roumanie a abrogé ou modifié une partie des dispositions juridiques qui menaçaient la viabilité à long terme des fonds de pension du deuxième pilier.

Au début de 2020, la Roumanie a également retiré la taxe sur l'actif total des banques, répondant ainsi aux préoccupations concernant la stabilité financière et la solidité du secteur bancaire.

Selon les autorités roumaines, la revalorisation du salaire minimum à compter du 1er janvier 2020 repose sur une formule qui prend en considération plusieurs indicateurs économiques. Aucun mécanisme objectif n'a toutefois été mis en place.

En ce qui concerne la prévisibilité du processus décisionnel, le nombre d'ordonnances d'urgence reste très élevé, tandis que les analyses d'impact préalables de la réglementation font toujours défaut et que la qualité des consultations publiques se dégrade. La loi relative à la gouvernance des entreprises publiques reste mal appliquée.

4.2.    Position budgétaire à moyen terme

Depuis 2016, la Roumanie mène une politique budgétaire expansionniste axée sur des réductions d'impôts et des augmentations des dépenses publiques. Selon les prévisions de l'hiver 2020 de la Commission (étendues aux variables budgétaires), le déficit structurel est passé de 0,2 % du PIB en 2015 à 3,9 % du PIB en 2019. Depuis le printemps 2017, le Conseil a émis des recommandations semestrielles, au titre du pacte de stabilité et de croissance, mais aucune n'a été suivie d'effets, la Roumanie s'étant écartée de manière significative et répétée de la trajectoire d’ajustement recommandée. Les autorités roumaines ont systématiquement dérogé aux règles budgétaires nationales, les rendant de ce fait largement inopérantes.

Solde structurel et ajustement en direction de l’OMT

OMT et solde structurel

Dans son programme de convergence pour 2019, la Roumanie a confirmé son objectif budgétaire à moyen terme d'un solde structurel de -1,0 % du PIB. Cet OMT tient compte des exigences du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire.

Depuis 2016, la Roumanie mène une politique budgétaire expansionniste axée sur des réductions d'impôts et des augmentations des dépenses publiques. En conséquence, la Roumanie s'est écartée de son OMT en 2016. Le solde structurel s'est établi à -2,8 % du PIB en 2018, ce qui est nettement inférieur à l'OMT de la Roumanie. Dans la stratégie budgétaire, la Roumanie cible une détérioration du solde structurel pour 2019 et une amélioration progressive de celui-ci en 2020-2022, mais elle ne prévoit pas d'atteindre son OMT d'ici à 2022. Selon les prévisions de l'hiver 2020 de la Commission, étendues aux variables budgétaires, le déficit structurel devrait augmenter régulièrement et significativement entre 2018 et 2021, sous l'effet de l'aggravation prévue du déficit nominal.

Respect de la recommandation d'ajustement en direction de l'OMT

La Roumanie a fait l'objet de procédures pour écart important successives depuis le printemps 2017. En conséquence de l’écart important de la Roumanie par rapport à son OMT en 2016, le Conseil a lancé une PEI au printemps 2017. Depuis lors, le Conseil a émis des recommandations semestrielles, mais celles-ci n'ont pas été suivies d'effets, la Roumanie s'étant écartée de manière significative et répétée de la trajectoire d’ajustement recommandée. La dernière recommandation, adoptée par le Conseil le 5 décembre 2019, invite la Roumanie à veiller à ce que le taux de croissance nominale des dépenses publiques primaires, nettes des mesures discrétionnaires en matière de recettes et des mesures ponctuelles, n’excède pas 4,4 % en 2020, ce qui correspond à un ajustement structurel annuel de 1,0 % du PIB.

Les calculs fondés sur les prévisions de l'hiver 2020 de la Commission, étendues aux variables budgétaires, laissent entrevoir un risque d'écart important par rapport aux deux valeurs de référence en 2020.



Tableau 3: Résumé des recommandations adressées à la Roumanie dans le cadre de la PEI

Recommandation du Conseil

Amélioration structurelle recommandée (en % du PIB)

Effort structurel au moment de l'évaluation (en % du PIB)

Conclusion du Conseil

Automne 2019

1,0 en 2020

Printemps 2019

1,0 en 2019, 0,75 en 2020

-0,8 en 2019, -0,8 en 2020

Aucune action engagée

Automne 2018

1,0 en 2019

-0,7 en 2019

Aucune action engagée

Printemps 2018

0,8 en 2018, 0,8 en 2019

0,0 en 2018, -0,1 en 2019

Aucune action engagée

Automne 2017

0,8 en 2018

-0,4 en 2018

Aucune action engagée

Printemps 2017

0,5 en 2017

-1,1 en 2017

Aucune action engagée

Investissement public

Après l'adhésion à l'Union européenne, l'investissement public a atteint un point bas de 2,6 % du PIB en 2017 et n'a augmenté que légèrement, à 2,7 % du PIB, en 2018. Ces chiffres sont inférieurs à la moyenne de l'UE et nettement inférieurs à la moyenne des pays voisins de la Roumanie. Selon les prévisions de l'hiver 2020 de la Commission, étendues aux variables budgétaires aux fins du présent rapport, l'investissement public atteindrait 3,2 % du PIB en 2019.

Cadre budgétaire national

La loi sur la responsabilité budgétaire fixe des règles budgétaires chiffrées au niveau national afin de guider le processus budgétaire. Elle comporte une règle en matière de déficit structurel, qui impose le respect d'un OMT de -1,0 % du PIB, ou la convergence vers cet objectif, pour le solde structurel. Le cadre national comporte également plusieurs règles auxiliaires concernant le solde budgétaire et les postes de dépenses et de recettes. En outre, le gouvernement est tenu de préparer une mise à jour de la stratégie budgétaire – qui présente les hypothèses macroéconomiques, la planification budgétaire à moyen terme et les plafonds de dépenses qui devraient guider le processus budgétaire annuel – et de la transmettre au parlement au plus tard le 15 août de l'exercice précédent.

Depuis 2016, le gouvernement a de manière systématique et répétée dérogé aux nombreuses règles budgétaires, les rendant de ce fait largement inopérantes. Plus particulièrement, l'objectif budgétaire initial d'un déficit nominal de 2,8 % du PIB pour 2019 était incompatible avec la règle en matière de déficit structurel. Les budgets rectificatifs adoptés en août et novembre 2019 ont également dérogé à un certain nombre de règles budgétaires auxiliaires et même, pour celui de novembre, à la règle en matière de déficit structurel, l'objectif de déficit nominal pour 2019 ayant été porté à 4,4 % du PIB. De plus, en 2019, comme les années précédentes, les autorités ont omis de transmettre la mise à jour de la stratégie budgétaire à moyen terme au parlement dans le délai prescrit (août), ce qui sape le rôle directeur de la stratégie budgétaire. Le budget 2020 et la stratégie budgétaire qui l'accompagne ont également dérogé à la règle relative au solde structurel et à plusieurs règles budgétaires auxiliaires.

4.3.    Situation de la dette publique à moyen terme

La viabilité des finances publiques de la Roumanie est exposée à des risques élevés à moyen et long terme, au premier rang desquels le niveau élevé des déficits budgétaires et des coûts liés au vieillissement de la population.

Dynamique et soutenabilité de la dette 6

À l'heure actuelle, la dette publique de la Roumanie est nettement inférieure à la valeur de référence de 60 % du PIB prévue par le traité (34,7 % du PIB en 2018). Toutefois, en raison d'un déficit primaire structurel élevé, le ratio de la dette au PIB se trouve sur une trajectoire nettement ascendante. Dans l'hypothèse de politiques inchangées, il devrait dépasser les 60 % du PIB en 2025 et les 90 % en 2030. La trajectoire de la dette est sensible aux chocs de croissance, aux chocs budgétaires et aux chocs de taux d'intérêt. La structure des échéances de la dette publique permet d'atténuer les fragilités, les échéances à moins d'un an ne représentant qu'environ 3,3 % de l'ensemble de la dette. Toutefois, la part élevée de dette publique libellée en devises et la forte proportion de dette détenue par des non-résidents sont des sources de risque supplémentaires, tout comme la position extérieure globale nette négative.

La valeur de l'indicateur de détection précoce des tensions budgétaires («S0»), élaboré par la Commission européenne pour évaluer les risques sur un an, est inférieure à son seuil critique.

L'indicateur d'écart de viabilité à moyen terme («S1») laisse entrevoir des risques élevés. Il révèle que la Roumanie devrait procéder à un ajustement budgétaire égal à 5,7 points de PIB pour contenir sa dette dans la limite de 60 % du PIB d'ici à 2034. Cette valeur est l'une des plus élevées parmi les États membres.

L'indicateur d'écart de viabilité budgétaire à long terme («S2») laisse lui aussi entrevoir des risques élevés. Il révèle qu'un ajustement budgétaire de 8,8 points de PIB serait nécessaire pour stabiliser durablement le ratio d'endettement public. Cette valeur – la plus élevée parmi les États membres – s'explique par la position budgétaire initiale défavorable (contribution de 5,1 points de pourcentage) et par les coûts liés au vieillissement de la population, en particulier les retraites et les soins de santé (contribution de 3,7 points de pourcentage).

Les marchés financiers classent le risque souverain de la Roumanie dans la limite basse de la catégorie «investissement», les trois principales agences de notation attribuant à la dette roumaine la note «BBB-» ou une note équivalente. Le 10 décembre 2019, S&P Global Ratings a abaissé, de «stable» à «négative», la perspective de la note de la Roumanie, eu égard à l'orientation budgétaire du pays.

Nouvelle loi sur les retraites

La loi sur les retraites, adoptée à l'été 2019, a radicalement modifié plusieurs paramètres du régime public de retraite. Les modifications principales sont les suivantes: i) des revalorisations ponctuelles des pensions jusqu'en 2021, en lieu et place de l'indexation normale: de 15 % à partir de septembre 2019 (mesure déjà inscrite dans la loi budgétaire 2019), de 40 % à partir de septembre 2020 et de 6 % à partir de septembre 2021; ii) à partir de 2022, les pensions de retraite seront indexées à concurrence de 100 % du taux d'inflation et de 50 % de la croissance réelle du salaire brut moyen; iii) les nouvelles pensions seront calculées en utilisant, au dénominateur, une durée de cotisation fixe de 25 ans, au lieu d'une durée de 25 à 35 ans (selon l'année de départ en retraite) sous la loi précédente; iv) à partir de septembre 2021, les pensions existantes seront recalculées à la hausse pour refléter la nouvelle formule.

En raison de son calendrier de mise en œuvre, cette loi devrait augmenter considérablement, sur une courte période, les dépenses publiques de retraite. Il s'agit du principal facteur expliquant l'aggravation rapide prévue du déficit public et les risques élevés pesant sur la viabilité des finances publiques. De plus, la loi n'est pas accompagnée de mesures visant à accroître la participation au travail et à allonger la vie professionnelle au-delà du minimum légal, mesures pourtant essentielles pour améliorer à la fois l'adéquation des pensions et la viabilité du système de retraite.

Graphique 1: Dépenses publiques brutes de retraite (2018-2022)

Source: Commission européenne, Fiche pays relative aux retraites publiques du «Ageing Report 2018 – Romania» (mise à jour 2019)

4.4.    Autres facteurs mis en avant par l’État membre

Le 6 février 2020, les autorités roumaines ont envoyé à la Commission une lettre présentant les facteurs pertinents qu'elle doit prendre en compte dans son évaluation, conformément à l'article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) nº 1467/97.

Les autorités affirment que la détérioration du déficit public en 2019 est due en grande partie à l'augmentation des dépenses de personnel, de l'aide sociale et des investissements, alors que les recettes sont restées globalement inchangées en pourcentage du PIB. Elles affirment également que des dépenses exceptionnelles ont pesé négativement sur l'exécution du budget 2019 7 .

Les autorités font remarquer que la stratégie budgétaire montre un ajustement progressif du déficit public à moyen terme, même si celui-ci se maintiendra au-dessus de la valeur de référence jusqu'en 2021. L'ajustement se produirait après trois années de détérioration continue des finances publiques. Les autorités expliquent également que le rythme de l'assainissement budgétaire envisagé est en grande partie freiné par le cadre juridique en vigueur, en particulier par les dispositions de la nouvelle loi sur les retraites approuvée par le parlement en 2019.

S'agissant des conditions macroéconomiques, elles expliquent que l'économie de la Roumanie a crû au taux réel de 4,1 % au cours des trois premiers trimestres de 2019, tirée principalement par l'investissement et la consommation des ménages, laquelle a par ailleurs ralenti. Les autorités prévoient une croissance du PIB réel de 4,0 % pour 2019, ce qui marque un léger ralentissement par rapport à 2018 et se situe juste en dessous du niveau potentiel. La croissance nominale a accéléré au début de l'année 2016 et devrait, selon les autorités, rester vigoureuse à moyen terme.

Enfin, les autorités rappellent que la Roumanie a mené une réforme des retraites instituant le deuxième pilier obligatoire des fonds de pension, parallèlement au premier pilier de la retraite par répartition, en 2008. Elles expliquent que le coût annuel du deuxième pilier a été, en moyenne, proche de 0,7 % du PIB sur la période 2014-2015 et qu'il devrait s'établir à 0,8 % du PIB sur la période 2016-2019. Ces chiffres correspondent aux estimations de la Commission concernant le coût annuel du deuxième pilier. Toutefois, le déficit public prévu pour 2019 en Roumanie dépasse de manière significative un niveau qui peut être considéré comme étant proche de la valeur de référence de 3 % du PIB. Par conséquent, en vertu de l'article 2, paragraphe 7, du règlement (CE) nº 1467/97, le coût budgétaire de la réforme des retraites ne peut pas être pris en compte dans l'évaluation du dépassement du critère du déficit.

Les autorités précisent avoir abrogé, au début de 2020, une disposition, en vigueur en 2019, qui affaiblissait la nature obligatoire du deuxième pilier de retraite. Plus précisément, elles ont supprimé la possibilité, pour les salariés, de sortir du deuxième pilier après y avoir cotisé cinq années et de rediriger leurs cotisations annuelles de retraite vers le premier pilier (ordonnance d'urgence nº 1/2020 portant modification des dispositions de l'ordonnance d'urgence nº 114/2018).

5.    Conclusions

Selon la stratégie budgétaire du gouvernement, le déficit public nominal de l'année 2019 aurait augmenté et s'établirait à 3,8 % du PIB, ce qui dépasse la valeur de référence de 3 % du PIB prévue par le traité et n'en est pas proche. Le dépassement prévu de la valeur de référence est considéré comme n'étant ni exceptionnel ni temporaire.

La dette publique brute reste nettement inférieure à la valeur de référence de 60 % du PIB.

L'analyse présentée dans le présent rapport prend en considération l'évaluation de tous les facteurs pertinents qui, conformément au traité et au pacte de stabilité et de croissance, doivent être pris en compte au cours des étapes conduisant à la décision constatant l'existence d'un déficit excessif lorsque le ratio de la dette publique au PIB ne dépasse pas la valeur de référence. En l'espèce, les facteurs pertinents ne fournissent pas d'éléments constituant des circonstances atténuantes et ne modifient donc pas les conclusions de l'évaluation.

Globalement, l'analyse tend à indiquer que le critère du déficit, au sens du traité et du règlement (CE) nº 1467/1997, doit être considéré comme non satisfait, et que le lancement d'une PDE est donc justifié.

(1) 1    JO L 209 du 2.8.1997, p. 6. Le présent rapport tient également compte des «Spécifications relatives à la mise en œuvre du pacte de stabilité et de croissance et des lignes directrices concernant le contenu et la présentation des programmes de stabilité et de convergence», arrêtées par le Comité économique et financier le 5 juillet 2016 et disponibles à l’adresse suivante:    
http://ec.europa.eu/economy_finance/economic_governance/sgp/legal_texts/index_en.htm .
(2)    Conformément au règlement (CE) nº 479/2009 du Conseil, les États membres doivent notifier à la Commission, deux fois par an, leur déficit public et leur dette publique prévus et effectifs. Les données les plus récemment communiquées par la Roumanie peuvent être consultées à l’adresse suivante: https://ec.europa.eu/eurostat/web/government-finance-statistics/excessive-deficit-procedure/edp-notification-tables
(3)    Communiqué de presse Eurostat nº 161/2019, http://ec.europa.eu/eurostat/documents/2995521/8824500/2-23042018-AP-FR.pdf/763f7f8b-774d-4f1b-a46c-a14b8b4f3e42
(4) Voir la communication de la Commission COM(2019) 150 final, du 27.2.2019, intitulée «Semestre européen 2019: évaluation des progrès concernant les réformes structurelles, la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques, et résultats des bilans approfondis au titre du règlement (UE) nº 1176/2011».
(5) Recommandation du Conseil du 9 juillet 2019 concernant le programme national de réforme de la Roumanie pour 2019 et portant avis du Conseil sur le programme de convergence de la Roumanie pour 2019, JO C 301 du 5.9.2019, p. 135.
(6) La présente section se fonde sur le Debt Sustainability Monitor 2019 de la Commission européenne, consultable à l'adresse suivante: https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/economy-finance/ip120_en.pdf
(7) Dans l'évaluation de la Commission, les dépenses exceptionnelles, liées à un remboursement du droit de timbre environnemental sur les voitures, ont représenté 0,1 % du PIB en 2019 (en comptabilité d'exercice).