16.2.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 56/29


Avis du Comité économique et social européen sur «Principes des services publics pour la stabilité du régime démocratique»

(avis exploratoire à la demande de la présidence allemande)

(2021/C 56/03)

Rapporteur:

Christian MOOS (DE-III)

Corapporteur:

Philip VON BROCKDORFF (MT-II)

Demande de la présidence allemande du Conseil

Lettre du 18.2.2020

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Décision du bureau

17.3.2020

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

11.11.2020

Adoption en session plénière

2.12.2020

Session plénière no

556

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

220/0/15

1.   Résumé

1.1.

La présidence allemande du Conseil de l’Union européenne a demandé au Comité économique et social européen (CESE) d’émettre un avis sur les principes des services publics des États membres qui doivent s’appliquer pour garantir les valeurs fondamentales clés de la démocratie et de l’état de droit, ainsi que sur les conditions dans lesquelles ils jouent, en période de crise, le rôle de stabilisateurs automatiques pour la démocratie et l’état de droit.

1.2.

Depuis plus d’une décennie, l’Union européenne est confrontée à de graves crises, dont la lutte contre le terrorisme, la crise économique et celle de l’endettement financier à l’échelle mondiale, la crise du régime d’asile européen commun, la crise environnementale et climatique, ainsi que la pandémie de COVID-19. Des services publics performants sont essentiels pour maîtriser les crises, car ils garantissent la sécurité publique et celle de l’approvisionnement en assurant l’accès à leurs services selon le principe d’égalité d’accès et d’universalité garantie.

1.3.

L’état d’urgence qu’il a fallu déclarer a contraint temporairement à restreindre les droits fondamentaux dans certaines de ces situations de crise exceptionnelles. Pour garantir que ces mesures soient justifiées et proportionnées, les services publics doivent relever le défi consistant à trouver l’équilibre entre atteinte aux droits fondamentaux et maintien de l’état de droit, et à garantir la légalité de toute action administrative.

1.4.

Face aux menaces qui pèsent sur la démocratie et l’état de droit dans le monde et au sein de l’Union, les services publics assurent une fonction de protection, en ce sens qu’ils peuvent refuser les instructions illégales et ainsi protéger les valeurs européennes et l’état de droit. En respectant les principes fondamentaux que sont l’objectivité, l’intégrité, la transparence, le respect des autres et l’engagement envers l’Union européenne et ses citoyens, ils jouent le rôle de piliers de la démocratie et de rempart contre le populisme.

1.5.

Afin de garantir que les services publics en Europe jouent le rôle de stabilisateur automatique dans toutes les situations de crise, les valeurs européennes consacrées par les traités de l’Union européenne, la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, les garanties des États membres en matière de droits fondamentaux et humains inscrites dans les constitutions nationales, ainsi que les valeurs communes de l’Union concernant les services d’intérêt économique général au sens de l’article 14 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), telles qu’énoncées dans le traité sur l’Union européenne (TUE), au protocole no 26 sur les services d’intérêt général, doivent donner le ton pour les pratiques administratives au niveau européen et, conformément à leurs constitutions respectives, dans l’ensemble des États membres.

1.6.

Le CESE souligne en outre que le bon fonctionnement des services publics à tous les niveaux dans l’ensemble de l’Union européenne suppose les compétences et les ressources humaines, techniques, matérielles et financières nécessaires, ainsi que des conditions de travail adéquates, une rémunération suffisante et l’existence d’un dialogue social pour les fonctionnaires, leur permettant d’accomplir les tâches qui leur sont confiées et de jouer le rôle de stabilisateur automatique.

1.7.

Les États membres sont seuls responsables de leurs services publics, qu’ils organisent selon leurs principes traditionnels et conformément à leur droit constitutionnel. Nonobstant, le CESE plaide en faveur d’un cadre juridique européen efficace (assorti de sanctions) qui garantisse le plein respect, par tous les États membres, de la démocratie et de l’état de droit conformément aux «critères de Copenhague», qui constituent une base nécessaire à la bonne conduite des administrations au sein de l’Union européenne et de ses États membres.

2.   Problématique, définitions et objectif de l’avis

2.1.

Dans l'Union européenne, il n'existe pas de définition univoque du «service public». Pour les besoins du présent avis, le CESE considère comme services publics les divers services publics administratifs et régaliens, y compris à caractère industriel et commercial, qui servent l’intérêt général aux niveaux national, territorial et communal.

2.2.

Les services publics portent les valeurs fondamentales clés de la démocratie, telles que le respect des droits fondamentaux et humains, le pouvoir constituant du peuple, la séparation des pouvoirs, l’indépendance de la justice, la responsabilité gouvernementale, le multipartisme et le droit d'expression et d’opposition, la liberté des médias, la non-discrimination, la protection des droits des minorités et la légalité de l’action administrative. Pour l’Union, ces valeurs sont notamment définies comme valeurs européennes à l’article 2 du TUE et dans la charte des droits fondamentaux.

2.3.

La notion de «stabilisateurs automatiques» est empruntée à la théorie économique. Par analogie avec la définition économique du concept, les principes des services publics sont considérés comme des stabilisateurs automatiques qui garantissent les valeurs fondamentales clés de la démocratie, en particulier en période de crise.

2.4.

L’objectif de cet avis est de définir des critères et de formuler des recommandations européennes pour que les services publics soumis à la législation nationale puissent fonctionner comme élément stabilisateur de la démocratie et de l’état de droit. Il s’agit de reconnaître la valeur essentielle de services publics efficaces aux fins de la défense des valeurs fondamentales clés de la démocratie et de l’état de droit en Europe.

2.5.

Des services publics efficaces qui favorisent amplement une société dynamique, une économie productive et une coopération de confiance entre les partenaires sociaux sont indispensables tant pour les personnes physiques que morales. Dans cette perspective, il convient d’assurer le libre accès de tous les citoyens aux services publics, que ce soit pour bénéficier d’une éducation de qualité, de services sociaux, de soins de santé, d’un logement, d’un approvisionnement en eau et en énergie ou de la distribution postale, en garantissant à tous un traitement égal, sans discrimination fondée sur le sexe, l’origine ethnique, la religion, les convictions, le handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle.

2.6.

Les services publics jouent un rôle essentiel dans le maintien de l’ordre démocratique, qu’ils ne peuvent toutefois assurer sans le pluralisme politique, la liberté d’expression, la démocratie, ainsi que les droits de la société civile et des organes intermédiaires tels que les syndicats. Ils font partie intégrante des démocraties. Associés à d’autres acteurs démocratiques, ils garantissent le progrès social.

3.   Les périodes de crise: un défi pour la démocratie et l’état de droit

3.1.   Démocratie et politique de crise

3.1.1.

C’est précisément en période de crise qu’il est essentiel de veiller, par exemple, à aider les personnes devenues vulnérables, qu’elles soient physiques ou morales, selon des critères clairs visant à l'égalité devant le droit, et de permettre aux personnes et aux groupes défavorisés d'avoir également accès à l'aide.

3.1.2.

Toute éventuelle restriction des droits fondamentaux fondée sur un état d'urgence dû à une situation de crise exceptionnelle doit être justifiée, temporaire et proportionnelle, et autorisée dans un cadre précis par un parlement démocratiquement élu. Certes, une justice indépendante offre une protection face aux actes d'administration injustifiés, mais la démocratie ne peut fonctionner à long terme sans que les citoyens jouissent de la plénitude de leurs droits. Les autorités législatives, les gouvernements et les services publics doivent non seulement agir en conformité avec les droits fondamentaux, mais aussi en être les garants.

3.1.3.

L’obligation de neutralité des acteurs du service public est une des conditions du traitement égal de tous les usagers et de la prévention des discriminations. Sa garantie dans tous les États membres est nécessaire, pour protéger les fonctionnaires contre le populisme.

3.2.   Terrorisme et mesures gouvernementales antiterroristes

3.2.1.

Depuis le 11 septembre 2001 au moins, on assiste à un exercice d’équilibre complexe entre la protection des libertés et une prévention des risques efficace. Il s’agit également d’un défi particulier pour les services publics, en raison de la difficulté de concilier protection des libertés fondamentales et de l’état de droit, et nouvelles compétences exécutives.

3.2.2.

C’est précisément dans la mise en œuvre effective du monopole de l’usage de la force détenu par l’État que se concrétise l’exercice d’équilibre entre atteinte aux droits fondamentaux et prévention des risques, non seulement sur le plan abstrait, mais aussi dans le cadre de l’application directe au quotidien. Cela suppose des services publics dotés d’un personnel dûment formé et des ressources nécessaires pour mener leurs actions dans le respect du droit à la liberté. Des garanties doivent être mises en place pour prévenir tout abus d’autorité publique et assurer un droit de recours contre les actions qui dépassent la mission de service public, qu’elles se fondent sur un acte législatif ou soient le fait de particuliers.

3.2.3.

Les services publics garantissent le maintien de l’ordre public. Ils doivent dans ce contexte trouver un équilibre entre la prévention des risques et la protection des droits fondamentaux, dans le cadre qui leur est accordé en vertu du principe d’exercice approprié du pouvoir d’appréciation.

3.2.4.

Aux côtés des organisations de la société civile et des divers services sociaux privés, les services publics constituent un pilier essentiel de la prévention de la radicalisation extrémiste, de la violence et de l’intolérance, du soutien à la démocratie et à la cohésion sociale, et de la défense des valeurs européennes. C’est notamment le cas de l’enseignement public.

3.3.   Crise financière mondiale et crise de la dette

3.3.1.

Les mesures d’austérité appliquées durant plusieurs années à la suite de la crise financière mondiale et de la crise de la dette ont touché les services publics et eu des répercussions négatives sur l’efficacité de leurs activités.

3.3.2.

Cette période nous a appris que la réduction de la dette à court terme ne doit pas nécessairement passer par la privatisation des services d’intérêt général.

3.3.3.

La garantie permanente et rigoureuse d’un accès libre à des services d’intérêt général de qualité devrait être assurée au niveau de l’Union européenne; c'est particulièrement en période de crise que ces services montrent, grâce à cette continuité, leur rôle de puissants amortisseurs sociaux.

3.3.4.

Des services publics efficaces et performants contribuent significativement à maintenir un niveau adéquat de dépenses publiques. Performance ne veut pas dire «réduction du rôle de l'État», puisqu’un mauvais fonctionnement provoque une hausse globale des coûts sociaux et économiques.

3.3.5.

Des services publics dotés d’un personnel formé et des ressources nécessaires contribuent à la prévention des crises futures grâce à une application efficace des règles. C’est par exemple le cas lorsqu’une administration lutte avec succès contre l’évasion et la fraude fiscales et garantit ainsi la perception des recettes publiques, ou qu’une surveillance efficace du secteur financier est assurée.

3.4.   Crise du régime d’asile européen commun

3.4.1.

Depuis 2015, l’Europe fait face à une forte hausse du nombre de réfugiés. Des services publics performants et la participation de la société civile sont essentiels pour relever ce défi. Le CESE insiste pour que le droit d’asile et le droit international correspondant soient garantis dans tous les États membres de l’Union européenne et que le régime d’asile européen commun soit parachevé.

3.4.2.

Il est nécessaire de mettre en œuvre une solution paneuropéenne lorsque les capacités des services publics d'un ou de plusieurs États membres sont insuffisantes pour garantir une protection adéquate des droits fondamentaux et humains aux réfugiés, notamment aux portes d’entrée vers l'Union européenne. Il convient de veiller à ce que les services publics de toute l’Union soient en mesure de respecter les valeurs européennes dans l’accomplissement de leurs missions.

3.4.3.

Lorsque les services publics d’un État membre exercent des fonctions au nom de tous les États membres de l’Union, il est nécessaire de procéder à un partage équitable des charges qui en découlent. Parallèlement, il est essentiel à cet égard de garantir une protection maximale des droits fondamentaux et humains et le respect des valeurs européennes.

3.4.4.

L’interopérabilité numérique des systèmes de contrôle aux frontières doit respecter les règles sur la protection des données personnelles. L’Union doit garantir le respect de la protection des données personnelles par toutes les administrations de l’ensemble des États membres.

3.5.   Crise environnementale et climatique

3.5.1.

Les services publics sont importants pour atteindre les objectifs de développement durable et mettre en œuvre le pacte vert pour l’Europe. Ils peuvent agir comme des catalyseurs du changement grâce à des initiatives et des politiques respectueuses de l’environnement dans le domaine des marchés publics et des pratiques de travail.

3.5.2.

La transformation écologique devient aussi une question de justice sociale. Pour que le partage des charges soit admis, il est indispensable de les répartir équitablement et d’appliquer les exigences de manière non discriminatoire.

3.5.3.

Les services publics peuvent appliquer des systèmes d’incitations et proposer de nouveaux services, notamment dans les domaines de la mobilité, de l’approvisionnement et de la sécurité énergétiques. La durabilité et la neutralité carbone font également partie des principes fondamentaux dont l'Union devrait être amenée à garantir le respect par tous les services publics en Europe.

3.6.   La pandémie de COVID-19

3.6.1.

Le conflit entre liberté et sécurité, entre droits et état d'urgence, s’est à nouveau révélé durant la crise de la COVID-19. Chacun est concerné de façon égale par les risques et la restriction des libertés.

3.6.2.

Les services publics et les membres de leur personnel se trouvent en première ligne dans la lutte contre le virus. Ils doivent garantir en toutes circonstances la santé publique, la prévention des risques et la sécurité d’approvisionnement.

3.6.3.

La crise de la COVID-19 montre à quel point les États membres et leurs citoyens ont besoin de services publics réactifs, performants, correctement financés et modernes. Une grave crise peut exiger une prise de décisions rapide. Ces décisions doivent être dûment justifiées et ne peuvent se soustraire au contrôle démocratique, faute de quoi elles risqueraient de nuire à la démocratie. La disposition à suivre les règles s’amenuise en cas de légitimité insuffisante. Les gouvernements doivent bénéficier de la confiance de la population pour agir rapidement en période de crise, et s’appuyer sur l’efficacité des services publics. En tant que branche administrative du pouvoir exécutif, les services publics ont besoin eux-mêmes de confiance pour appliquer efficacement les décisions.

3.6.4.

La pandémie a démontré qu’il est essentiel pour les services publics de disposer de personnel formé et compétent, de ressources et de réserves en suffisance. La reconnaissance du caractère fondamental des missions de service public justifie de rémunérer correctement les fonctionnaires et d’appliquer à leur égard des normes sociales minimales dans toute l’Europe. De nombreux États membres connaissent un problème démographique qui doit être pris en considération dans la mesure où, pour faire face à la concurrence et attirer les meilleurs talents, les services publics doivent aussi rester financièrement intéressants ou le devenir.

3.6.5.

La qualité des principes des services publics et l’existence de conditions de travail adéquates pour les fonctionnaires, y compris le maintien d’un bon dialogue social et d’un climat démocratique, renforcent la confiance des citoyens dans leurs gouvernements.

3.6.6.

Ces derniers temps, tous les États membres ont, en fonction de leurs capacités à garantir le droit à la vie et à l’intégrité physique, restreint d’autres droits fondamentaux dans des proportions encore jamais observées dans des démocraties. Ces mesures sans précédent doivent être uniquement temporaires et faire l’objet d’une révision régulière par les parlements élus.

3.6.7.

Les services publics ont besoin de décisions gouvernementales explicites, ainsi que de clarté et de sécurité juridiques. Les principes de transparence et de bonne administration que l’Union européenne s’applique à elle-même l’amènent à faire en sorte qu’ils soient respectés par tous les services publics en Europe.

3.6.8.

De nombreux services publics sont chargés de lutter contre les conséquences économiques et sociales de la crise. Ensemble, ils démontrent concrètement la valeur essentielle d’une gestion efficace en période de crise.

4.   Les services publics en tant que stabilisateurs automatiques

4.1.

Pour qu’une administration puisse jouer le rôle de stabilisateur automatique, elle doit être efficace, présente aux niveaux européen, national, régional et local dans toute l’Union, et dotée des compétences et des ressources humaines, techniques, matérielles et financières nécessaires pour remplir les missions qui lui sont confiées.

4.2.

Mis à part à l’échelon européen, il n’est pas nécessaire de soumettre la répartition des tâches entre les différents niveaux à une réglementation harmonisée dans toute l’Union; il convient plutôt de tenir compte des conditions propres à chaque État membre afin de garantir des pratiques administratives efficaces.

4.3.

Il incombe aux États membres de décider du caractère public ou privé de leurs différents services. Pour ce faire, ils doivent s'assurer que la pénurie de prestataires de services privés ou publics en période de crise ne constitue pas une menace pour la sécurité publique ou pour celle de l’approvisionnement.

4.4.

Lorsque tous les services publics respectent rigoureusement les principes de légalité de l’action administrative, de proportionnalité et d’égalité de traitement et rendent effectif le droit à une bonne administration, ils stimulent la confiance envers l’état de droit et la démocratie et renforcent la réticence face aux promesses populistes.

4.5.

Des services publics faisant preuve de transparence contribuent de manière essentielle à la lutte contre la corruption et, ce faisant, à la fiabilité et à l’accessibilité financière des services. La confiance est renforcée par le respect des principes fondamentaux des services publics en Europe, leur disponibilité et leur compétence, et par un accès aisé à des organes de contrôle indépendants.

4.6.

Les services publics, s’ils appliquent les principes de manière adéquate, assurent une fonction de redistribution et de protection, notamment en matière de respect des droits fondamentaux et humains par les gouvernements et les autorités législatives à tous les niveaux, en ce sens qu’ils peuvent refuser les instructions illégales et ainsi protéger la démocratie et l’état de droit.

4.7.

L’enseignement public doit apporter une grande contribution en transmettant les valeurs européennes et en entretenant une culture civique démocratique. L’éducation formelle est en tant que telle un service public essentiel, en particulier pour préparer les citoyens de demain.

4.8.

L’actuelle pandémie démontre comment la surcharge d’un système de santé peut engendrer des atteintes à la dignité humaine et à quel point il est essentiel de disposer de suffisamment de personnel et de ressources médicales.

4.9.

Une administration sociale efficace, qui offre un accès libre et non discriminatoire aux services de sécurité sociale, consolide la confiance envers l’état de droit. Les services publics constituent, dans ce contexte, l’expression de la solidarité sociale.

5.   Principes des services publics dans l’Union européenne

5.1.

Les États membres sont et resteront seuls responsables de leurs services publics respectifs, qu’ils organisent selon leurs principes traditionnels et conformément à leur droit constitutionnel. Nonobstant, compte tenu des menaces qui pèsent sur la démocratie et l’état de droit dans le monde entier, y compris, malheureusement, en Europe, des principes et garanties européens communs sont nécessaires pour que la fonction publique et les services publics restent garants de la démocratie et de l’état de droit.

5.2.

Le CESE plaide en faveur d’un cadre juridique européen efficace garantissant le plein respect des «critères de Copenhague», qui conditionnent l’adhésion à l’Union européenne depuis 1993 pour tous les États membres. Ce cadre devrait prévoir la possibilité de sanctions.

5.3.

Pour tous les services publics de l’Union et des États membres, les valeurs européennes inscrites dans les traités de l’Union européenne, la charte des droits fondamentaux, la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, et les garanties des États membres en matière de droits fondamentaux et humains inscrites dans les constitutions nationales, donnent le ton pour les pratiques administratives.

5.4.

Les valeurs communes de l’Union concernant les services d’intérêt économique général au sens de l’article 14 du TFUE, telles qu’énoncées dans le TUE, au protocole no 26 sur les services d’intérêt général, fournissent les lignes directrices pour l’activation des principes des services publics dans tous les États membres.

5.5.

Les services publics des États membres de l’Union européenne, dans toute leur diversité, doivent respecter les trois principes que sont la neutralité, le maintien de l’ordre public et la transparence. Les lacunes en ce qui concerne l’indépendance de la justice, ainsi que les amendements constitutionnels qui compromettent les principes susmentionnés et, partant, les principes traditionnels des services publics, doivent donner lieu à des sanctions effectives.

5.6.

Conformément au principe de neutralité, il convient de garantir l’égalité d’accès aux services publics et l’universalité de ceux-ci. Il est également essentiel d’assurer la pleine accessibilité à ces services pour les catégories sociales qui rencontrent des obstacles en matière d’accès, telles que les personnes handicapées, les minorités et les habitants des zones rurales.

5.7.

La légalité de toutes les pratiques administratives est fondamentale; les lois et les directives ne peuvent aller à l’encontre de l’ordre constitutionnel ou des valeurs européennes. Elles doivent en outre respecter les principes de proportionnalité, d’égalité de traitement et d’exercice approprié du pouvoir d’appréciation.

5.8.

Les pouvoirs publics mettent en pratique le droit à une bonne administration et agissent de manière transparente pour permettre le contrôle public du pouvoir exécutif. Ils garantissent un accès libre aux informations administratives et répondent sans réserve aux demandes de renseignements. Les exceptions sont à interpréter de manière restrictive.

5.9.

Les services publics sont liés par la convention des Nations unies contre la corruption et adoptent toutes les mesures nécessaires à la lutte contre celle-ci. Ils mettent également en œuvre les recommandations des rapports anticorruption de l’Union.

5.10.

Les services publics sont pleinement axés sur un principe civique démocratique. Le rôle d’une société civile et d’une opposition politique efficaces et structurées est primordial pour faire respecter ce principe.

5.11.

Les membres du personnel des services publics doivent bénéficier de la protection prévue par la loi, et leur statut professionnel doit leur garantir la possibilité de refuser les instructions illégales et de déposer des plaintes en bonne et due forme. Cela participe du bon fonctionnement des services publics et constitue une garantie pour la démocratie et pour la défense de l’intérêt général contre la corruption, la fraude ou les abus.

5.12.

La directive de l’Union européenne sur la protection renforcée des lanceurs d’alerte s’applique au personnel des services publics. Comme soutenu dans l’avis SOC/593 du CESE, sur le thème «Renforcer la protection des lanceurs d’alerte au niveau de l’UE» (1), la possibilité d’alerter les autorités compétentes (qui ne sont pas les médias ni le public) en interne ou en externe relève du choix de l’agent concerné.

5.13.

Il convient également de veiller à ce que les possibilités de contact direct soient maintenues à l’avenir malgré la numérisation des services: cela concerne tous les services publics, qu’ils soient locaux, régionaux ou nationaux, pour que l’accompagnement des personnes vulnérables (personnes âgées, pauvres, migrants, etc.) soit réalisé ad personam et que la numérisation ne soit pas pour toute cette population un facteur additionnel d’exclusion.

5.14.

Il est essentiel que les services publics correspondent au niveau actuel de la numérisation, sans toutefois mettre en danger les droits fondamentaux, y compris les droits de travailleurs. Ils doivent notamment garantir la protection des données et le droit à l’autodétermination en matière d’informations dans le cadre de l’administration numérisée.

5.15.

Les services publics doivent être dotés des compétences requises et des ressources humaines, techniques, matérielles et financières nécessaires pour remplir les missions qui leur sont confiées. Pour que leur bon fonctionnement soit également assuré en cas d’état d’urgence lié à une crise, il est indispensable qu’ils disposent de réserves suffisantes dans chacun de ces domaines.

5.16.

L’organisation des services publics nationaux relève de la responsabilité exclusive des États membres, ces services étant essentiels à leur identité nationale. Il est toutefois nécessaire qu’ils soient interopérables au sein du système européen de gouvernance à niveaux multiples.

5.17.

La coopération européenne et l’application pratique des principes des services publics dans l’Union européenne doivent faire partie du contenu de formation de tous les membres du personnel accomplissant des tâches publiques.

5.18.

Une augmentation du nombre d’échanges en matière de personnel entre l’Union et les États membres ainsi qu’entre États membres est nécessaire pour consolider le lien entre les niveaux d’administration au sein du système à niveaux multiples européen. Le changement de poste de travail au sein des États membres doit être possible pour les agents des services publics sans présenter de désavantages.

5.19.

Les institutions européennes qui proposent des activités de formation continue devraient créer, à l’intention des membres du personnel des services publics à tous les niveaux, des cours sur la mise en œuvre des principes des services publics et les moyens de faire jouer à ces services leur rôle de stabilisateurs automatiques.

5.20.

Il est essentiel que tous les services publics qui participent à l’octroi de fonds européens respectent et mettent en œuvre les principes des services publics.

Fait à Bruxelles, le 2 décembre 2020.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  JO C 62 du 15.2.2019, p. 155.