18.10.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 353/102


Avis du Comité économique et social européen sur le «Rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen, au Comité des régions et à la Banque européenne d’investissement sur la mise en œuvre du plan d’action stratégique sur les batteries: créer une chaîne de valeur stratégique des batteries en Europe»

[COM(2019) 176 final]

(2019/C 353/16)

Rapporteur: Colin LUSTENHOUWER

Consultation

Commission européenne, 3.6.2019

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section

3.7.2019

Adoption en session plénière

17.7.2019

Session plénière no

545

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

189/1/5

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le premier rapport de la Commission européenne sur l’état d’avancement du plan d’action stratégique sur les batteries relève que tout un éventail d’actions ont été lancées pour que l’Union européenne se dote d’une industrie des batteries qui soit significative.

1.2.

Bien qu’il soit encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives, le Comité économique et social européen (CESE) soutient les initiatives que la Commission a prises, et celles qu’elle annonce qu’elle prendra encore, afin de rompre, en coopération avec les États membres et le monde économique européen, la dépendance de l’Europe vis-à-vis de pays tiers, notamment situés en Asie.

1.3.

Un travail énorme doit être accompli durant les prochaines années si l’on veut amener les connaissances technologiques de l’Union européenne au niveau requis, sécuriser son approvisionnement en matières premières, en provenance de pays tiers et de sources situées sur son territoire, et garantir que le recyclage des batteries puisse s’effectuer proprement et en toute sécurité.

1.4.

Sur ce point, il est de la responsabilité conjointe des pouvoirs publics et des entreprises d’investir dans les ressources humaines.

2.   Introduction

A.

En mai 2018, la Commission européenne a publié une communication intitulée «L’Europe en mouvement» (1). Elle y expose la politique qu’elle entend mener concernant la mobilité durable pour l’Europe, qui devra être sûre, connectée et propre.

2.1.

Cette politique constitue une composante de celle connue sous le nom d’«union européenne de l’énergie», mise en place par la Commission Juncker; il s’agit d’un cadre complet, qui intègre la politique climatique dans la politique énergétique et est doublé d’une politique industrielle ciblée afin d’atteindre les objectifs de l’accord de Paris, lesquels objectifs avaient pour but premier de réduire les émissions de CO2 dues à la production d’énergie à partir de combustibles fossiles (2) et au transport qui, en Europe, est assuré par des véhicules (camions, voitures) dotés de moteurs à combustion fonctionnant eux aussi au moyen de combustibles fossiles (pétrole, gaz).

2.2.

Dans le contexte de «L’Europe en mouvement», la Commission a élaboré un plan d’action spécifique en vue de développer et de produire des batteries. À cet effet, elle a présenté une annexe à sa communication, intitulée «Plan d’action stratégique en faveur des batteries».

B.

Pourquoi un plan d’action spécifique en faveur des batteries?

2.3.

Les batteries sont devenues un élément indispensable de notre vie quotidienne. Que ce soit dans notre téléphone portable, notre ordinateur personnel ou notre tablette, mais aussi dans nos appareils électroménagers, et en particulier dans nos véhicules électriques, elles sont un composant indispensable pour que ces équipements fonctionnent correctement, en toute sécurité et, de préférence, sur une longue période. Sur ce point, elles affichent une durée de vie encore (trop) limitée. Parmi ces groupes de produits, la politique de la Commission, telle qu’elle est définie dans le plan d’action, se concentre principalement sur le développement des batteries pour véhicules électriques mais aussi sur d’autres aspects, comme leur réutilisation ou leur recyclage (3).

2.4.

Les systèmes de batteries sont performants pour stocker l’énergie à petite échelle. Son stockage à grande échelle, par exemple dans le cas de celle produite par les parcs éoliens en mer, ne semble pas réalisable dans de bonnes conditions au moyen de batteries. Cet emmagasinage à grands volumes devra être réalisé avec d’autres vecteurs énergétiques, tels que l’hydrogène ou l’ammoniac (4). Dans ce domaine également, la Commission soutient, au moyen du budget d’Horizon 2020, un large éventail d’initiatives, comme la technologie de production de gaz à partir d’électricité (5). Dans le même ordre d’idées, une grande attention est accordée au développement technologique de méthodes efficaces et sûres qui, en emmagasinant de l’énergie, assurent la connexion avec les réseaux électriques à haute tension, de manière à éliminer le coût très élevé des «prises de courant en mer». De même, l’on pourrait éviter une bonne partie des pertes de réseau qui se produisent, aujourd’hui encore, lors de l’utilisation de câbles électriques à haute tension posés dans ou sur les fonds marins entre les parcs éoliens en mer et le continent et, ainsi, parvenir peut-être à des gains d’efficacité de l’ordre de 10 à 15 % dans la production durable d’énergie en mer.

2.5.

On prévoit que les batteries représenteront environ de 40 à 50 % du prix de revient d’un véhicule électrique mais il apparaît d’ores et déjà que ce coût pourra baisser. Compte tenu de la vitesse qui caractérise le développement de ces véhicules (6), la disponibilité de batteries de bonne qualité, sûres et respectueuses de l’environnement constitue une question qui se pose une fois de plus avec acuité. Pour l’industrie européenne, la Commission entrevoit un marché gigantesque, qui pourrait représenter 400 GWh et 250 milliards d’euros en 2025. Il représente une chance pour l’Europe, non seulement du point de vue non seulement des objectifs climatiques mais aussi de l’économie et de l’emploi. Comme l’a déclaré récemment la commissaire Bieńkowska, «nous prévoyons que l’Union européenne dispose d’une puissante industrie des batteries, qui contribue à l’économie circulaire et à la mobilité propre».

2.6.

Soyons clairs, cependant, sur notre situation: l’Europe accuse un retard alarmant face aux pays et aux entreprises asiatiques, qu’il s’agisse de développer des batteries (recherche et développement) ou de les produire. Plus de 85 % de celles que nous utilisons en Europe proviennent de Chine, du Japon ou de Corée. La production européenne ne représente qu’un bien faible pourcentage (3 %) de la production mondiale, tandis que celle des États-Unis se monte à environ 15 % du total. En Europe, si nous voulons faire passer la mobilité de la propulsion fossile à l’électricité, nous dépendrons dès lors entièrement de la capacité de production asiatique.

2.7.

Comme si cette lacune n’était pas suffisamment grave, l’Europe n’extrait qu’en quantités limitées les matières premières — lithium, nickel, manganèse et cobalt — qui sont nécessaires pour produire des batteries, bien qu’elle dispose de gisements potentiels. Il sera nécessaire qu’elle exploite ces réserves, même s’il semble pour l’instant qu’elle ne pourra couvrir ainsi qu’environ 15 à 20 % de la demande totale. Les matériaux nécessaires ont pour provenance principale l’Amérique latine, l’Afrique et l’Asie, où les Chinois, dit-on, auraient créé de grandes compagnies minières afin d’accéder sans entrave à ces ressources (7). Qui plus est, c’est également en Chine que s’effectuent le raffinage et la transformation des minerais européens.

2.8.

L’extraction et le traitement des matières premières consomment beaucoup d’énergie et produisent de gros volumes de déchets miniers, qui sont parfois dangereux.

2.9.

En revanche, l’Europe est confrontée au problème du retraitement des batteries. Leur volume considérable nous place devant un problème nouveau et préoccupant en matière de traitement des déchets, notamment du fait que le recyclage des matériaux provenant de ces batteries n’en est qu’à ses balbutiements. Pour l’heure, on ne récupère encore que 10 % environ des matériaux provenant des batteries. Il faut donc tabler sur un potentiel considérable en matière de traitement et de valorisation.

3.   Le rapport de suivi 2019

3.1.

Dans son avis du 17 octobre 2018 (8), le CESE a soutenu les propositions de la Commission pour un transport plus durable, ainsi que le plan d’action stratégique relatif aux batteries. À cette occasion, le Comité a par ailleurs déjà souligné que la mise en œuvre de ce plan pourrait être entravée par de nombreux facteurs tels que la dépendance à l’égard des matières premières des pays tiers, l’absence de carburants de substitution, les difficultés de gestion, de traitement et d’élimination des batteries usagées ou le manque de travailleurs qualifiés.

3.2.

Le 9 avril 2019, la Commission a publié son premier rapport sur la mise en œuvre du plan d’action stratégique sur les batteries, établi en mai 2018. Ce rapport indique que de nombreuses initiatives sectorielles et régionales sont en cours d’élaboration. L’on y apprend par exemple que l’Alliance européenne pour les batteries se révèle être une plate-forme stimulante, grâce à laquelle les industriels, les décideurs et les scientifiques ont la possibilité de coordonner leurs travaux afin de répondre à l’objectif ambitieux de ramener l’Union européenne et ses industries au premier plan de la technologie des batteries, en évolution rapide. Un premier appel à propositions doté d’un budget de 114 millions d’euros fourni par le programme Horizon 2020 a été lancé, et un deuxième, fort d’une dotation de 132 millions d’euros, le sera pour 2020. Il s’y ajoute un financement de grande ampleur qui est assuré par les ressources que met à disposition la politique régionale de l’Union européenne. Les entreprises et la communauté scientifique semblent enthousiastes à l’idée de compléter leurs propres investissements grâce aux moyens financiers de l’Union européenne et d’accélérer encore le développement de leur recherche et développement.

3.3.

De nombreuses initiatives ont été développées depuis la publication du plan d’action mais nombre d’entre elles, y compris de nature interrégionale, n’en sont encore qu’à leur phase préparatoire. Le plan d’action n’ayant été publié que depuis un an à peine, il semble qu’il soit encore trop tôt pour faire le point. Toutefois, il est clair qu’il existe un sentiment d’urgence, partagé par tous: les décideurs politiques, les scientifiques et les entreprises réalisent qu’il est tard, trop tard même peut-être. Les enjeux sont énormes: le risque est réel de voir de très larges pans de la production automobile européenne se délocaliser vers les régions proches des unités de production de batteries, principalement en Asie. Cet état de fait pose la question de l’emploi des quelque 13 millions de travailleurs européens présents dans ce secteur.

4.   Les pistes pour l’avenir

4.1.

Depuis l’entrée en fonction de la Commission Juncker et l’adoption du programme de l’union européenne de l’énergie, de nombreuses actions ont été élaborées, qui ont permis, avec l’action pour le climat en toile de fond, de mettre en œuvre une politique industrielle qui a donné à la transition vers une société plus durable un cours tout à fait nouveau. Cette politique industrielle de la Commission, soutenue par les États membres, a été dotée d’un degré de gouvernance et d’initiative bien plus important qu’elle n’en avait auparavant. Le CESE félicite la Commission d’avoir adopté cette nouvelle approche et il l’appelle, tout comme les États membres et le monde européen des entreprises, à progresser sur la voie qui vient maintenant d’être tracée.

4.2.

Une telle démarche est bienvenue, et nécessaire, compte tenu de l’importance du retard que l’industrie européenne accuse dans le domaine du développement et de la fabrication des batteries. Toutefois, une politique industrielle de type directif comporte également le risque de «miser sur le mauvais cheval», de choisir prématurément le vainqueur supposé. Il n’en convient pas moins de se féliciter de la nouvelle démarche qui consiste à prendre en considération l’ensemble de la chaîne de valeur industrielle. En outre, une politique industrielle qui procède de la méthodologie de la chaîne de valeur s’inscrit bien mieux dans la logique de circularité que l’ancienne manière sectorielle d’aborder l’industrie. Cet angle d’approche fondé sur la chaîne de valeur demande par ailleurs de mener une autre politique, qui sera plus en adéquation avec le dossier à l’examen, en ce qu’elle sera coordonnée, par exemple avec celle relative aux aides d’État. Maintenant que le secteur de la fabrication de batteries est devenu un des fers de lance de la politique industrielle de l’Union européenne, il conviendra aussi que la Commission se montre souple et flexible lorsqu’elle traitera les aides à l’investissement que les États membres accorderont aux entreprises de cette filière. Si l’on se montre conciliant dans l’application des critères à respecter pour obtenir la qualité de «projet important d’intérêt européen commun» (PIIEC), il sera possible d’aider l’industrie européenne à bénéficier de moyens financiers d’origine publique qui soient d’un volume appréciable, susceptible d’approcher dans une certaine mesure l’aide que les entreprises asiatiques peuvent obtenir de leurs pouvoirs publics. Le CESE salue cette nouvelle application de l’instrument PIIEC.

4.3.

La question se pose toutefois de savoir si la politique décrite dans le plan d’action stratégique n’arrive pas trop tard pour combler l’énorme retard accumulé par l’Europe vis-à-vis des pays asiatiques et de leurs entreprises. Il faut également se demander si les ressources financières mobilisées sont suffisantes. Pour le dire plus brutalement, n’en faisons-nous pas «trop peu, trop tard?» (9) Dans un document d’information qu’elle a récemment publié, la Cour des comptes européenne expose ses doutes en ces termes: «Toutefois, les mesures prises jusqu’à présent risquent d’être insuffisantes pour permettre à l’Union européenne d’atteindre ses objectifs stratégiques en matière d’énergie propre.» Sur ce point, il convient toutefois de faire observer que la Commission ne joue qu’un rôle restreint en la matière et qu’elle ne dispose que de faibles ressources financières. Elle adopte, à juste titre, une attitude quelque peu en retrait: sa fonction est de jouer les intermédiaires. C’est avant tout aux États membres et à l’industrie européenne et ses institutions de recherche qu’il appartient de relever le défi. On ne peut donc que se féliciter qu’au début du mois de mai 2019, la France et l’Allemagne aient décidé de dégager environ 1 milliard d’euros chacune pour soutenir les initiatives de leurs entreprises visant à développer une industrie de fabrication de batteries. Il s’agit là d’une des premières retombées, on ne peut plus concrètes, de l’«Alliance européenne pour les batteries», qui a été lancée par la Commission et sert de véhicule à la coopération entre les États membres, elle-même et le monde de l’économie.

4.4.

Étant donné que le programme d’action sur les batteries n’a été adopté que depuis très peu de temps, le CESE juge qu’il serait fort prématuré de tirer des conclusions définitives à son propos. Il se réjouit de constater la multiplicité des actions concernées, lancées ou développées par un éventail aussi large de parties prenantes. C’est dans les années à venir que leurs résultats seront perceptibles, ou devraient l’être. À l’intérieur comme à l’extérieur de l’Union européenne, la technologie ne cesse de se développer, et la nature dynamique de ce processus a pour conséquence que la stratégie pour les batteries ne constitue pas une action à caractère ponctuel mais requiert une approche structurelle au sein des politiques de l’Union européenne et des États membres, dès lors que les investissements qu’il est nécessaire de consentir dans les capacités de production exigent de longs délais d’amortissement, dont il n’est pas exceptionnel que la durée atteigne de vingt à trente années.

4.5.

La question qui se pose est également de savoir si l’Union européenne est tout simplement à même de bâtir une industrie concurrentielle pour le développement et la production de batteries, alors qu’elle ne dispose des matières premières nécessaires à cette fin que dans une mesure insuffisante. Bien que des initiatives aient été lancées afin, par exemple, d’extraire du lithium dans certains de ses États membres, notamment grâce à la réouverture de mines qui avaient été abandonnées, il semble illusoire de spéculer sur sa capacité à atteindre l’autosuffisance en la matière. En outre, la population européenne se montre très réticente vis-à-vis de l’extraction minière, qui compte parmi les domaines pour lesquels prévaut le syndrome Nimby, «pas de ça chez moi». Il s’impose de mieux insister auprès de la population sur les retombées positives qu’induit pour les communautés locales une extraction de matières premières qui soit attentive à l’aspect social et environnemental. En outre, il apparaît que «l’appropriation locale», c’est-à-dire l’association des habitants à la démarche, y compris sur le plan financier et à d’autres égards, est susceptible d’éviter que ces activités ne suscitent une résistance telle qu’elles ne pourront jamais se matérialiser.

4.6.

Le CESE souligne qu’au vu de la situation qui prévaut dans le domaine des matières premières, il importe que toutes les parties concernées redoublent d’efforts pour parvenir à développer de nouveaux types de batteries, comme celles dites «à électrolyte solide», qui réduisent considérablement la dépendance à ces matériaux.

4.7.

Dans quelle mesure est-il réaliste d’espérer, comme semble le penser la Commission, que l’Union européenne parvienne à faire émerger de dix à vingt grands producteurs sur son territoire? Les investisseurs à long terme présents sur les marchés des capitaux sont-ils suffisamment disposés à dégager les quelque 10 milliards d’euros requis à cette fin? Quelque positif que soit le jugement que l’on peut porter sur les grandes priorités présentées dans le programme d’action, on ne peut manquer de s’étonner qu’il n’y soit aucunement question du problème de l’accès aux capitaux qui sont nécessaires pour réaliser ces investissements gigantesques. Dans ce domaine, le financement purement bancaire est tout à fait insuffisant. Avec leur capacité de prise de risques, les marchés des capitaux, y compris, en particulier, les fonds consacrés aux infrastructures, devront être prêts à investir dans ces projets (10). À cette fin, il sera nécessaire que soit menée une politique axée sur le long terme, qu’un rendement adéquat soit dégagé et que les pouvoirs publics nationaux dispensent leur soutien en arrière-plan. Il convient d’éviter que les différentes parties ne se contentent de s’observer; dans ce domaine, l’autorité publique peut jouer un rôle de catalyseur du processus d’investissement: l’Allemagne et la France en ont conscience, comme en témoignent leurs initiatives communes. De l’avis du CESE, la plate-forme d’investissement qui vient d’être lancée avec la communauté d’innovation et de connaissance de l’Institut européen d’innovation et de technologie (EIT), en tant qu’«accélérateur», peut rendre de très grands services pour faire le pont entre les investisseurs et les promoteurs d’initiatives.

4.8.

Dans le même temps, il y aura lieu de lancer des campagnes d’information ciblées afin que le consommateur européen prenne conscience qu’il est plus avantageux, à toutes sortes d’égards, d’acheter des batteries produites dans une Europe qui respecte les normes de sécurité pour la population et l’environnement que celles en provenance de pays tiers, lesquels n’appliquent pas dans la même mesure ces règles et valeurs. Poursuivre nos pratiques actuelles, c’est persister dans une certaine forme d’exportation de nos problèmes environnementaux.

4.9.

Pour le CESE, il s’impose de lancer davantage d’initiatives visant à développer le recyclage des matériaux provenant des batteries usagées. L’exploitation des «mines urbaines» peut contribuer de manière substantielle à pourvoir aux besoins en matières premières. Pour l’avenir, le recyclage de ces mines urbaines recèle un potentiel important, pour autant qu’une amélioration soit enregistrée en ce qui concerne les incitations économiques, les volumes récoltés, les technologies de récupération et, in fine, les taux de matériau recyclé. De la lecture du récent rapport de la Commission relatif à la mise en œuvre de la directive sur les batteries et à son impact, il ressort malheureusement que la collecte des batteries classiques n’atteint pas encore le niveau souhaité: quelque 57 % d’entre elles ne font toujours pas l’objet d’un recyclage. Il est donc tout à fait opportun que, comme elle l’indique dans ce rapport, succinct mais très éclairant, la Commission se préoccupe de l’application de la directive de 2006, notamment dans la perspective de l’arrivée des nouvelles batteries, telle que visée par le plan d’action à l’examen. Aussi le Comité attend-il avec beaucoup d’intérêt que ces propositions soient présentées. Par ailleurs, il fait observer que les installations actuelles de traitement de batteries devront être reconfigurées afin de pouvoir accueillir celles de types nouveaux qu’elles devront, dans un proche avenir, absorber en grandes quantités. De même, il conviendra de développer une nouvelle technologie pour assurer ce recyclage ou ce traitement: la recherche et développement ciblant ce domaine précis doit, aux yeux du Comité, bénéficier du plein soutien de l’Union européenne, car cette démarche contribue à améliorer l’environnement sur son territoire et à réduire dans une large mesure sa dépendance vis-à-vis des matières premières en provenance de l’étranger.

4.10.

Le Comité apprécierait également que des recherches ciblées soient menées concernant la récupération de matériaux dans les terrils de résidus des mines de charbon, de fer ou d’autres minerais. Il n’est pas exclu que l’on puisse trouver là d’autres sources qui contribuent à couvrir les besoins en matières premières. Le CESE se félicite du rapport que le Centre commun de recherche de la Commission européenne vient de publier sur la récupération des matières premières critiques à partir des déchets miniers et des décharges (11), et il appelle à assurer un soutien politique en faveur de l’étude et de l’analyse de la question des matières premières critiques, étant donné que la «bataille mondiale» pour ces matériaux se fait de plus en plus rude.

4.11.

Dans quelle mesure le cadre réglementaire concourt-il au développement de la recherche et développement dans l’Union européenne et à la mise en œuvre de la technologie ainsi développée? La Commission a naturellement tendance à envisager de légiférer et de réglementer, car il s’agit là des instruments de gouvernance dont elle dispose. Pourtant, avant d’opter pour l’outil de la réglementation, il pourrait être préférable de commencer par suivre et analyser les tendances à l’œuvre sur le marché, en coopération avec le monde de l’entreprise et les organisations de partenaires sociaux. La démarche qu’il apparaît plus opportun d’adopter à l’égard de ce secteur fragile consiste, dans une première phase, à entreprendre de lancer des initiatives, donner des stimulations et assurer une production, et à ne réglementer que dans un second temps, après une analyse approfondie.

4.12.

Le CESE appelle la Commission à continuer à s’assurer que les marchés publics soient réellement conçus à la mesure des entreprises européennes, lesquelles fonctionnent souvent à petite échelle, afin que ces producteurs de taille moyenne ne perdent pas la possibilité de bénéficier de ces ressources financières du fait qu’ils mènent une recherche et développement d’un niveau trop modeste pour satisfaire aux exigences d’ampleur des projets qui figurent dans les appels d’offres. Le CESE apprécie toutefois que la Commission ait configuré ces appels selon des modalités nouvelles, qui adoptent une structure prenant davantage la forme de faisceaux, de sorte qu’ils deviennent plus accessibles pour les acteurs économiques de l’Union européenne.

4.13.

Le Comité juge important que les ressources financières de l’Union européenne soient également disponibles pour des projets de production de batteries qui sont développés par des entreprises de taille moyenne et qui ont déjà atteint un palier de développement technologique significatif, en l’occurrence un niveau de maturité technologique de 5 à 9. Trop souvent encore, les sociétés de cette catégorie, davantage axées sur la conquête de marchés que sur la recherche fondamentale sont exclues de l’accès aux fonds de l’Union européenne. De même, il conviendra de donner à ce groupe la possibilité de bénéficier, selon des modalités simples, de subventions de l’Union européenne pour assurer la formation ou la reconversion de leurs travailleurs.

Bruxelles, le 17 juillet 2019.

Le président

du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  COM(2018) 293 final.

(2)  La production et la consommation d’énergie représentent plus de 79 % des émissions de gaz à effet de serre dans l’Union européenne (note d’information de la Cour des comptes européenne, du 1er avril 2019, sur le «Soutien de l’UE au stockage de l’énergie»).

(3)  Si l’attention porte avant tout sur les voitures, il ne faut pas oublier que des développements sont en cours pour la production de bateaux à propulsion électrique, par exemple de petits navires transbordeurs.

(4)  Voir à ce sujet l’avis du CESE «Le stockage de l’énergie: un facteur d’intégration et de sécurité énergétique» (JO C 383 du 17.11.2015, p. 19).

(5)  La Flandre a mis en place un projet intéressant intitulé «WaterstofNet» (RéseauHydrogène») et fédérant un groupe de producteurs (en éolien et photovoltaïque), la technologie de l’hydrogène (électrolyse et compression) et des utilisateurs finaux dans les secteurs de la chimie et des transports.

(6)  En Norvège, par exemple, l’on s’attend à ce que cette année, en 2019, les voitures électriques dépassent pour la première fois, en nombre de ventes, les véhicules traditionnels, équipés d’un moteur à combustion. Elles sont fournies, pour la majeure partie d’entre elles, par une marque américaine connue.

(7)  Le gouvernement chinois s’est fixé comme objectif de parvenir à ce qu’en 2025, les véhicules électriques représentent 20 % des ventes de voitures particulières neuves.

(8)  Avis du CESE sur «L’Europe en mouvement» (JO C 62 du 15.2.2019, p. 254).

(9)  Voir à ce propos le document d’information de la Cour des comptes européenne, en date du 1er avril 2019, intitulé «Soutien de l’UE en faveur du stockage de l’énergie».

(10)  Le 2 mai 2019, Tesla a annoncé que si ses résultats pour le premier trimestre de 2019 se soldent par une perte de plus de 700 millions de dollars, l’entreprise n’en souhaite pas moins en lever 2 milliards sur les marchés des capitaux, pour construire une nouvelle usine de batteries et développer un modèle supplémentaire de voiture à propulsion électrique. La marché américain des capitaux se prête aisément à de tels investissements, sous la forme d’actions ou d’obligations. On peut se demander si celui de l’Union européenne, qui est morcelé, peut égaler ces performances.

(11)  Recovery of critical and other raw materials from mining waste and landfills: State of play on existing practices (La récupération des matières premières critiques à partir des déchets miniers et des décharges: état des lieux des pratiques actuelles), EUR 29744 EN, Office des publications de l’Union européenne, Luxembourg, 2019, ISBN 978-92-76-03391-2, doi:10.2760/494020, JRC116131.