16.7.2019   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 240/33


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE en ce qui concerne l’instauration de certaines exigences applicables aux prestataires de services de paiement»

[COM(2018) 812 final — 2018/0412(CNS)]

et sur la «Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 en ce qui concerne les dispositions relatives aux ventes à distance de biens et à certaines livraisons intérieures de biens»

[COM(2018) 819 final — 2018/0415(CNS)]

(2019/C 240/08)

Rapporteur: Krister ANDERSSON

Consultation

Conseil de l’Union européenne, 20.12.2018

Base juridique

Article 113 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section

12.4.2019

Adoption en session plénière

15.5.2019

Session plénière no

543

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

209/1/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE soutient l’objectif de la Commission, à savoir l’introduction de règles supplémentaires visant à garantir la proportionnalité et à renforcer la sécurité juridique pour les opérateurs qui exploitent des interfaces électroniques facilitant la livraison de biens aux consommateurs dans l’Union, en particulier lorsqu’elles sont traitées comme étant réputées être les fournisseurs desdits biens.

1.2.

Le CESE soutient par ailleurs la volonté de la Commission d’établir une coopération régulière avec les prestataires de services de paiement sur la base de dispositions législatives claires. Les résultats prometteurs qui sont attendus au terme de la mise en œuvre des nouvelles mesures garantiront de plus amples ressources tant pour les budgets nationaux que pour celui de l’Union européenne, ainsi qu’un environnement simplifié de concurrence équitable pour les entreprises respectueuses de la réglementation fiscale.

1.3.

Le CESE relève que l’approche réglementaire adoptée par la Commission est conforme au principe de subsidiarité, étant donné que la fraude à la TVA dans le commerce électronique concerne tous les États membres et qu’une législation arrêtée au niveau européen constitue l’outil le plus susceptible de les aider efficacement à obtenir les informations nécessaires afin de contrôler la TVA dans les livraisons transfrontières. En revanche, des initiatives législatives multiples, menées au niveau national, ne seraient pas adéquates pour résoudre efficacement les problèmes liés à la fraude à la TVA et déboucheraient sur un paysage réglementaire trop compliqué.

1.4.

Toutefois, dans le même temps, le CESE souligne que, du côté des consommateurs, la proposition à l’examen entraînera de nouveaux échanges et le traitement d’informations à caractère personnel en rapport avec la TVA, désormais régis par le règlement général sur la protection des données («RGPD») (1). À cet égard, le CESE insiste particulièrement sur l’importance que revêt le plein respect des dispositions dudit règlement, ainsi que sur la nécessité de limiter l’utilisation des données au seul objectif, et ce, dans sa définition la plus stricte, de lutter contre la fraude à la TVA, d’une manière qui soit efficace au regard de son coût et acceptable pour le grand public.

1.5.

Enfin, le CESE recommande à la Commission de procéder à des investissements adéquats dans les actifs physiques et l’informatique afin de garantir la mise en place d’un registre central fonctionnel, et fait valoir que les coûts estimés du projet pourraient être aisément et rapidement couverts par les résultats escomptés en ce qui concerne la réduction de la fraude à la TVA et de l’écart de TVA.

2.   Proposition de la Commission et contexte général

2.1.

La proposition de la Commission introduit diverses exigences applicables aux prestataires de services de paiement visant à garantir leur coopération efficace avec les autorités fiscales, et ce, dans l’objectif d’améliorer les outils de lutte contre la fraude dans le domaine de la TVA. Elle est conforme à la directive relative à la TVA sur le commerce électronique, qui a introduit de nouvelles obligations en matière de TVA pour les places de marché en ligne et des simplifications supplémentaires afin d’aider les entreprises à respecter les obligations en matière de TVA par l’intermédiaire d’un guichet unique.

2.2.

La proposition COM(2018) 819 final de la Commission introduit également des règles qui devraient améliorer le fonctionnement du train de mesures concernant la TVA sur le commerce électronique adopté en décembre 2017, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2021. Elle apporte des précisions supplémentaires sur le régime TVA applicable aux fournisseurs qui utilisent une interface électronique pour faciliter les livraisons de biens aux consommateurs dans l’Union européenne lorsque ces derniers sont réputés fournisseurs aux termes de l’article 14 bis, paragraphe 2, de la directive TVA, et donc responsables de la perception et du paiement de la TVA aux autorités fiscales. En principe, en vertu de l’article 369 ter de la directive 2006/112/CE (2) TVA, le guichet unique ne peut être utilisé que pour déclarer et payer la TVA sur les prestations transfrontières de services et les ventes à distance intracommunautaires de biens, et non pour les livraisons intérieures de biens. Toutefois, étant donné que les fournisseurs qui vendent des biens au moyen d’une interface électronique peuvent détenir un stock de biens dans différents États membres à partir desquels ils effectuent des livraisons intérieures, il en résulterait que les opérateurs exploitant ces interfaces électroniques, qui sont réputées avoir livré les biens concernés, seraient tenus de s’enregistrer aux fins de la TVA dans tous les États membres de l’Union européenne où les fournisseurs initiaux détiennent un stock et effectuent des livraisons intérieures. Il est donc proposé de les autoriser à utiliser le guichet unique également pour les livraisons intérieures pour lesquelles ces interfaces sont réputées livrer les biens conformément à l’article 14 bis, paragraphe 2, de la directive TVA. Ce faisant, la proposition maintient la simplification qu’introduit le guichet unique pour les interfaces électroniques, et évite ainsi d’imposer aux entreprises de lourdes procédures supplémentaires. La proposition COM(2018) 819 final de la Commission établit les règles spécifiques nécessaires pour favoriser l’adoption d’un guichet unique, en modifiant le cadre juridique actuel de manière ciblée.

2.3.

Le secteur du commerce électronique a enregistré une croissance spectaculaire ces dernières années et les consommateurs ont désormais tout le loisir de choisir entre des milliers de fournisseurs, de produits et de marques sur leur ordinateur ou leur téléphone intelligent. Or, des entreprises fraudeuses exploitent aussi cette possibilité afin d’éluder leurs obligations en matière de TVA.

2.4.

Plus précisément, il existe trois cas principaux de fraude à la TVA dans le cadre du commerce électronique transfrontière: i) les livraisons de biens et prestations de services intra-UE, ii) les importations de biens en provenance d’entreprises établies dans un pays tiers à destination de consommateurs dans les États membres, et iii) les prestations de services à des consommateurs des États membres par des entreprises établies dans un pays tiers.

2.5.

Selon les estimations, les États membres enregistrent sur les livraisons de biens transfrontières des pertes de recettes de TVA s’élevant à 5 milliards d’EUR par an et, plus récemment, ce chiffre a été revu pour atteindre un montant encore plus impressionnant, se situant entre 7 et 10 milliards d’EUR. Il convient dès lors que les pouvoirs publics posent un acte fort et qui implique, chaque fois qu’un tel effort est nécessaire et proportionné, la coopération des acteurs privés.

2.6.

La proposition de la Commission COM(2018) 812 final vise à réduire le problème de la fraude à la TVA dans le commerce électronique en renforçant la coopération entre les autorités fiscales et les prestataires de services de paiement étant donné que plus de 90 % des achats en ligne effectués par des clients européens passent actuellement par un intermédiaire. À cet égard, l’expérience de plusieurs États membres a montré qu’une coopération suffisante entre les autorités fiscales et les prestataires de services de paiement peut produire des résultats tangibles et rapides dans la lutte contre la fraude à la TVA dans le commerce électronique.

2.7.

La proposition permettra aux autorités fiscales de collecter et d’échanger les informations relatives aux paiements fournies par les prestataires de services de paiement, et ce, grâce à un registre central, que la Commission développera en coopération avec les autorités fiscales nationales, dans le but d’assurer une approche uniforme de la collecte et de l’analyse des données.

2.8.

Concrètement, l’article 243 ter de la directive 2006/112/CE relative à la TVA introduit une nouvelle obligation en matière de tenue de registres applicable aux prestataires de services de paiement. Les seuls services de paiement concernés seront ceux qui donnent lieu à des transferts de fonds transfrontières destinés aux bénéficiaires (ou aux prestataires agissant pour le compte des bénéficiaires) et uniquement lorsque le payeur est situé dans l’un des États membres. En d’autres termes, il est entendu dans la proposition que la notion de «transfrontière»renvoie aux opérations dans lesquelles le consommateur est situé dans un État membre et le fournisseur dans un autre ou dans un pays tiers. Les paiements nationaux ne relèvent pas de la proposition de la Commission.

2.9.

Afin de ne tenir compte que des paiements liés à une activité économique et d’exclure les transferts de fonds transfrontières exécutés à des fins privées, les prestataires de services de paiement ne doivent tenir des registres sur les bénéficiaires et les mettre à la disposition des autorités fiscales que lorsque le montant total des paiements reçus par ces bénéficiaires dépasse le plafond de 25 paiements au cours d’un trimestre civil. Pour fixer le seuil, il a été tenu compte d’une valeur moyenne de 95 EUR pour les commandes effectuées en ligne qui, multipliée par un nombre minimum de 100 opérations de paiement par an, aboutit à un chiffre de près de 10 000 EUR de ventes annuelles.

2.10.

Les informations à conserver par les prestataires de services de paiement doivent permettre d’identifier celui de ces prestataires qui tient le registre, ainsi que les données d’identification du bénéficiaire du paiement concerné et les éléments relatifs aux paiements qu’il a reçus. Les informations permettant d’identifier les payeurs ne sont pas intégrées dans l’obligation en matière de tenue de registres applicable aux prestataires de services de paiement, car elles ne sont pas indispensables pour détecter la fraude. Les prestataires de services de paiement seront tenus de tenir ces registres pendant deux ans.

3.   Observations générales et particulières

3.1.

Le CESE soutient l’objectif exprimé par la Commission dans sa proposition COM(2018) 819 final, à savoir l’introduction de règles supplémentaires visant à garantir la proportionnalité et à renforcer la sécurité juridique pour les opérateurs qui exploitent des interfaces électroniques facilitant la livraison de biens aux consommateurs dans l’Union, en particulier lorsqu’elles sont traitées comme étant réputées être les fournisseurs desdits biens.

3.2.

Le CESE soutient par ailleurs l’objectif de la Commission d’établir une coopération régulière avec les prestataires de services de paiement sur la base de dispositions législatives claires et transparentes. Les résultats prometteurs qui sont attendus au terme de la mise en œuvre des nouvelles mesures justifient l’effort législatif consenti par la Commission et garantiront de plus amples ressources tant pour les budgets nationaux que pour celui de l’Union européenne, ainsi qu’un environnement simplifié de concurrence équitable pour les entreprises respectueuses de la réglementation fiscale.

3.3.

La proposition de la Commission fait suite à une large consultation de plusieurs parties prenantes, et notamment des prestataires de services de paiement, d’autres représentants des entreprises et des autorités fiscales des États membres. Le CESE s félicite que la Commission ait recueilli un large retour d’informations et de contributions de la part des acteurs publics et privés, qui a certainement contribué à l’élaboration d’une proposition législative solide et proportionnée.

3.4.

Le CESE relève que l’approche réglementaire que préconise la proposition est conforme au principe de subsidiarité, tel que consacré dans les traités, étant donné que la fraude à la TVA dans le commerce électronique concerne tous les États membres et qu’une législation arrêtée au niveau européen constitue l’outil le plus agissant pour aider efficacement les États membres à obtenir les informations nécessaires afin de contrôler la TVA dans les livraisons transfrontières. En revanche, des initiatives législatives multiples, menées au niveau national, ne seraient pas adéquates pour résoudre efficacement les problèmes liés à la fraude à la TVA et déboucheraient sur un paysage réglementaire trop compliqué.

3.5.

La proposition de la Commission oblige les prestataires de services de paiement à tenir des registres contenant des données dont ils disposent déjà pour exécuter les opérations de paiement et respecte ainsi le principe de proportionnalité énoncé dans les traités et développé plus avant par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. En outre, l’instauration d’une obligation harmonisée à l’échelle de l’Union européenne concernant la tenue de registres et la transmission de données aux autorités fiscales limitera les charges administratives pesant sur les prestataires de services de paiement, contrairement à celle qu’ils auraient à supporter s’ils devaient se conformer à des approches nationales divergentes.

3.6.

À cet égard, comme l’a montré l’analyse d’impact, l’harmonisation des obligations de déclaration dans un format unique aux fins de transmission des informations permettra de réduire les coûts de mise en conformité pour les prestataires de services de paiement, qui seront en mesure de mener, pour lutter contre la fraude à la TVA, une coopération qui n’aura qu’un impact raisonnable et équilibré sur leurs activités opérationnelles quotidiennes.

3.7.

Le seuil de 25 paiements par trimestre, soit environ 10 000 EUR par an, sur la base d’une valeur moyenne de 95 EUR pour les opérations dans le domaine du commerce électronique de l’Union européenne, semble raisonnable et proportionné, y compris si l’on considère que, généralement, ce montant de 10 000 EUR donne déjà lieu à des obligations en matière de TVA dans les États membres. De plus, il correspond au seuil de 10 000 EUR qui a été introduit pour les livraisons intra-UE par la directive relative à la TVA sur le commerce électronique. Par conséquent, il apparaît que ce chiffre minimal de 10 000 EUR est approprié pour parvenir à un équilibre entre la protection des opérations purement privées, qui ne sont aucunement concernées par la fraude à la TVA, et l’objectif de mettre en place un système de contrôle viable pour réduire ladite fraude. La Commission européenne devrait toutefois surveiller l’évolution de la situation pour s’assurer que les seuils resteront appropriés sur la durée et, le cas échéant, entreprendre des changements.

3.8.

Le CESE souligne qu’en ce qui concerne les consommateurs, la proposition donnera lieu à de nouveaux échanges d’informations à caractère personnel en rapport avec la TVA et à leur traitement, ressortissant au règlement général sur la protection des données (RGPD), qui a été récemment approuvé et mis en œuvre dans l’ensemble de l’Europe, entraînant des coûts de mise en conformité importants pour les entreprises de l’Union européenne.

3.9.

Le RGPD donne une définition large des données à caractère personnel, incluant toute information concernant une personne physique identifiée ou identifiable qui peut être identifiée, directement ou indirectement. Les informations relatives aux paiements qui sont visées par la propositions de la Commission relèvent par conséquent du champ d’application à la protection des données à caractère personne et des principes y applicables, tels que définis dans la Charte des droits fondamentaux.

3.10.

Selon la Commission, dans le cadre de la proposition, «seules les informations sur les paiements qui sont nécessaires pour lutter contre la fraude à la TVA dans le commerce électronique seraient traitées. […] Les informations qui feraient l’objet d’un traitement ne concernent que les destinataires de fonds (bénéficiaires) et l’opération de paiement elle-même (montant, devise, date), cependant que les informations sur les consommateurs qui paieraient pour des biens ou des services (payeurs) ne sont pas comprises dans l’échange d’informations. Par conséquent, ces informations ne seraient pas utilisées à d’autres fins, telles que le contrôle des habitudes d’achat des consommateurs. […] Les paiements nationaux seraient également exclus du champ d’application de l’initiative. Enfin, les informations relatives aux paiements ne seraient accessibles qu’aux fonctionnaires de liaison Eurofisc des États membres et uniquement pendant la période nécessaire pour lutter contre la fraude à la TVA dans le commerce électronique.»

3.11.

Le CESE souligne avec force l’importance que revêt le plein respect des dispositions du règlement général sur la protection des données, ainsi que la nécessité de limiter l’utilisation des données au seul objectif, et ce, dans sa définition la plus stricte, de lutter contre la fraude à la TVA, d’une manière qui soit efficace au regard de son coût et acceptable pour le grand public. Sur ce point, le CESE invite la Commission, lorsqu’elle procédera à la collecte des retours d’information des États membres, qui doit être achevé au plus tard fin 2024, à vérifier soigneusement si les dispositions du règlement général sur la protection des données ont été pleinement respectées et s’il a été possible d’en repérer des cas de violation dans les États membres et d’y remédier.

3.12.

Enfin, le CESE recommande à la Commission d’adapter les investissements dans les actifs physiques et l’informatique afin de garantir la mise en place d’un registre central fonctionnel, et fait valoir que les coûts estimés du projet (11,8 millions d’EUR pour sa réalisation et 4,5 millions d’EUR par an pour sa gestion) pourraient être aisément et rapidement couverts par les résultats escomptés en ce qui concerne la réduction de la fraude à la TVA et de l’écart de TVA, étant donné que les pertes de recettes de cet impôt relatives aux livraisons de biens transfrontières dépassent au total les 5 milliards d’EUR et qu’en 2017, l’ensemble des ventes en ligne représentait environ 600 milliards d’EUR.

Bruxelles, le 15 mai 2019.

Le président

du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Règlement général sur la protection des données — https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A32016R0679

(2)  Directive TVA 2006/112/CE — https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex:32006L0112