Bruxelles, le11.6.2018

SWD(2018) 346 final

DOCUMENT DE TRAVAIL DES SERVICES DE LA COMMISSION

Rapport sur les bénéfices pour la population du Sahara occidental, et sur la consultation de cette population, de l'extension de préférences tarifaires aux produits originaires du Sahara occidental

accompagnant le document:

Proposition de décision du Conseil

relative à la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres entre l'Union européenne et le Royaume du Maroc sur la modification des Protocoles n° 1 et n° 4 à l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part et le Royaume du Maroc, d'autre part

{COM(2018) 481 final}


RAPPORT SUR LES BENEFICES POUR LA POPULATION DU SAHARA OCCIDENTAL, ET SUR LA CONSULTATION DE CETTE POPULATION, DE L'EXTENSION DE PREFERENCES TARIFAIRES AUX PRODUITS ORIGINAIRES DU SAHARA OCCIDENTAL

Rapport élaboré par les services de la Commission conjointement avec le Service Européen d’Action Extérieure

Synthèse

1.    L'économie du Sahara occidental.

Bien qu'encourageant, le développement récent du Sahara occidental demeure fragile. Ses activités économiques s’articulent autour d'un nombre limité de filières: la pêche et la transformation des produits de la pêche, les mines de phosphate, l’agriculture (notamment fruits et légumes et nomadisme pastoral) et dans une moindre mesure le commerce et l’artisanat. Les secteurs du tourisme et des énergies renouvelables sont en revanche encore embryonnaires mais potentiellement prometteurs. De plus, l'économie saharienne se caractérise par son caractère enclavé et encore largement subventionné.

2.    Un nécessaire soutien aux exportations grâce aux préférences tarifaires.

La diversification du potentiel économique du Sahara occidental suppose un encouragement des investissements étrangers. Or, cette perspective suppose de pouvoir offrir aux opérateurs concernés une sécurité juridique suffisante, en clarifiant notamment les conditions tarifaires applicables aux exportations actuelles et futures du Sahara occidental vers l'Union européenne. En dépit de données disponibles souvent parcellaires, cette étude permet de conclure à l'existence au Sahara occidental d'activités économiques et de productions qui mériteraient de bénéficier des mêmes préférences tarifaires que celles accordées au Royaume du Maroc, préférences dont elles ont de fait bénéficié jusqu'au 21 décembre 2016. Une telle extension des préférences tarifaires de l'Union à ces produits permettrait d'assurer la continuité des exportations. En outre, elle devrait aussi avoir un impact important sur le développement futur de l'économie saharienne, en stimulant les investissements en cours ou à l'étude (notamment pour certains phosphates tels l'acide phosphorique ou les engrais pour l'agriculture, ainsi que dans les domaines de l'agriculture et de la pêche), qui sont autant d'investissements porteurs d'emploi.

A contrario, le non-octroi de préférences tarifaires obérerait les exportations du Sahara occidental, notamment celles relatives aux produits de la pêche et aux produits agricoles, et l'éventail - déjà limité - de ses productions viendrait à se refermer encore davantage. En effet, en l'absence de préférences tarifaires, les produits du Sahara occidental seraient soumis aux droits de douane normaux (droit de douane applicable dans l’Union sous le régime de la nation la plus favorisée), sans accès privilégié au marché de l’Union. Quasiment neutre sur les produits industriels (phosphates), l'impact serait en revanche très négatif sur les exportations de produits de la pêche et de produits agricoles à destination de l’Union et donc sur l’emploi dans ces secteurs.

Dans une perspective de plus long terme, l'impulsion donnée à l'activité privée et à la liberté d'entreprendre devrait être de nature à atténuer la logique de dépendance aux subventions du pouvoir central, tandis que l'ouverture sur le monde extérieur et la multiplication des échanges, commerciaux et autres, devraient logiquement et graduellement être porteurs d'évolutions socio-économiques et culturelles notoires.

3.    L’association des populations concernées

D'une part, les autorités marocaines ont mené à bien un large exercice de consultation institutionnelle embrassant l'ensemble des organes nationaux, régionaux et locaux intéressés afin de les sensibiliser et recueillir leur assentiment et observations éventuelles. Ce processus a conclu à un très large appui à la modification envisagée ainsi qu'à certaines recommandations pertinentes pour en optimiser les effets.

D'autre part, postérieurement à la consultation des élus du territoire, les services de la Commission européenne et le Service Européen d’Action Extérieure (SEAE) ont conduit un processus de consultation des populations locales du Sahara occidental qui a permis de constater une large majorité d'opinions favorables à l'extension des préférences tarifaires aux produits du Sahara occidental. Une majorité d'interlocuteurs ont en effet fait valoir l'impact positif en faveur de la population dans son ensemble, insistant tout particulièrement sur l'effet de levier déterminant qu'auraient de telles préférences commerciales en matière d'investissement privé. Selon ces mêmes acteurs, un accès privilégié aux marchés européens serait de nature à améliorer le climat des affaires ainsi que les investissements directs européens et, ce faisant, conforterait le nouveau modèle de développement participatif et durable du Sahara occidental. A contrario, la persistance de l'insécurité juridique grevant les flux commerciaux avec le Sahara occidental hypothèquerait fortement le développement socio-économique, ainsi qu'en témoigne déjà le ralentissement des relations commerciales du Sahara occidental avec certains Etats membres ou dans certains secteurs. Restreindre l'accès du Sahara occidental aux marchés et investissements étrangers ne ferait qu'entraver le développement d'activités économiques endogènes et compromettre certaines évolutions socio-économiques ou politiques au moment précis où le développement du Sahara occidental semble enfin devoir décoller.

Cette perception générale est sans préjudice des diverses opinions que peuvent par ailleurs nourrir les interlocuteurs quant au statut du territoire, pour lequel ils sont unanimes à considérer le processus des Nations Unies comme le seul valable. Certaines voix se sont également exprimées pour appeler de leurs vœux une implication accrue de l'Union en faveur du processus des Nations Unies.

Les discussions techniques menées avec le Front Polisario, en sa qualité d'interlocuteur des Nations Unies et partie au processus de paix des Nations Unies concernant le Sahara occidental ont fait ressortir l'opposition de principe du Polisario à l'amendement de l'accord, opposition principalement motivée par des considérations politiques plus larges dont la portée ne se référait pas au contenu de la modification à proprement parler.

4.    Les résultats par secteur

Au final, l'analyse qui porte sur les trois principaux secteurs d'activité potentiellement affectés par l'extension des préférences tarifaires de l'Union aux produits originaires du Sahara occidental permet d'avancer les conclusions suivantes:

a)    Secteur agricole

L’étude montre qu’il y a une production agricole au Sahara occidental, surtout de primeurs (tomates et melons), pour laquelle il existe un marché significatif dans l'Union européenne. Cette production est estimée à 64.000 tonnes en 2016 et représente quelques 14.000 emplois directs. La valeur à l'importation d'une telle production s'élèverait à environ 65 millions d’euros. En l'absence de préférences tarifaires, de telles exportations seraient redevables de 6,6 millions d’euros de droits de douane.

Ces bénéfices économiques pourraient s'étendre si, à l'avenir, le Sahara occidental développait davantage sa production et ses exportations vers l'Union européenne dans le cadre des projets actuellement en considération. Cela aurait aussi un impact sur le nombre d'emplois, pouvant être multiplié par cinq d'après certaines projections.

Bien que le développement de ces activités ait un impact sur l'utilisation de ressources naturelles, dont l'eau en particulier, il semble qu'il y ait peu d'alternatives aujourd'hui pour permettre le développement économique du territoire concerné. Des estimations marocaines sur l'utilisation de la nappe, bien que mises en doute par certains, font état d’un impact modeste sur les réserves aquifères.

b)    Secteur des produits de la pêche

Le rapport montre qu’il existe au Sahara occidental une importante industrie de transformation des produits de la pêche. Les exportations de produits de la pêche du territoire se sont élevées en 2015 et 2016 entre 100 millions et 200 millions d’euros d'après des sources différentes. Le nombre d’emplois dépendant de ces exportations, directement ou indirectement, était d’environ 45.000. Comme dans le cas du secteur agricole, l’extension des préférences tarifaires à ces importations aurait un impact important sur l’économie du territoire et donc sur l’emploi. A l’inverse, le non-octroi de ces préférences compromettrait les exportations mais aussi l’emploi et faciliterait le transfert de ces activités de transformation vers d'autres lieux, probablement vers le Maroc. Ceci mettrait également en cause la viabilité des investissements effectués dans des unités de transformation des produits de la pêche au Sahara occidental, qui ont été cofinancés par l'Union européenne.

c)     Secteur des phosphates

La production de phosphate constitue une source d’activité majeure pour le territoire du Sahara occidental. Toutefois, en raison de l’absence de droits de douane sur la majeure partie du phosphate brut produit au Sahara occidental et importé dans l'Union, l'impact d'une non-application de la préférence tarifaire sur la production actuelle de phosphate au Sahara occidental serait extrêmement limité voire nul. Ce n’est que pour certains produits dérivés des phosphates (acide phosphorique et engrais) qui ne sont pas produits actuellement au Sahara occidental que l’accord proposé pourrait avoir un impact réel (le droit de douane applicable sur ces produits est compris entre 4,8% et 6,5%). Le groupe OCP (ex Office Chérifien des Phosphates), principal employeur du territoire, prévoit de développer un complexe industriel pour la production d’engrais à Laâyoune (acide phosphorique et engrais), mais aussi la construction d’un nouveau quai au port de Laâyoune. Ces projets seraient compromis en l’absence de traitement tarifaire préférentiel pour les produits en question, ce qui pourrait avoir un effet négatif sur l’emploi local.

5.    Conclusion

Malgré l'impossibilité de distinguer clairement l'origine des différents éléments constitutifs de la population du Sahara occidental, il y a des indications suffisantes permettant de conclure que l'activité économique générée par les exportations vers l'Union européenne se réalise au bénéfice de l'emploi local et par conséquent, peu ou prou, au bénéfice des populations locales toutes origines confondues. Cet impact positif serait compromis si les exportations vers l'Union européenne ne bénéficiaient pas des mêmes préférences tarifaires que celles accordées au Maroc.




Table des matières

1    INTRODUCTION GENERALE    

1.1    Contexte    

1.2    Champ de l’évaluation et questions méthodologiques    

1.2.1    Champ de l’étude    

1.2.2    Contraintes méthodologiques    

1.3    Consultations avec les populations concernées    

2    LES DROITS DE L’HOMME AU SAHARA OCCIDENTAL    

2.1    Situation des droits de l’homme au Sahara occidental    

2.2    Cadre de fonctionnement de la coopération entre l’Union européenne et le Maroc en matière de droits de l´homme et de démocratie.    

2.3    Conséquences de la modification des protocoles n° 1 et n° 4 de l´accord d´association sur la situation des droits de l´homme au Sahara Occidental.    

3    L’ECONOMIE DU SAHARA OCCIDENTAL – BENEFICES ECONOMIQUES POUR LES POPULATIONS CONCERNEES    

3.1    Aperçu général de l’économie du Sahara occidental et sa nécessaire diversification    

3.2    Intérêts pour les principaux secteurs économiques d’exportation    

3.2.1    Le secteur agricole    

3.2.2    Le secteur des produits de la pêche    

3.2.3    Le secteur des phosphates    

4    CONSULTATIONS DES POPULATIONS CONCERNEES PAR LA MODIFICATION DES PROTOCOLES N° 1 ET N° 4 DE L’ACCORD D’ASSOCIATION    

4.1    Objectif et portée de l'exercice de consultation    

4.2    Principaux résultats    

4.3    Conclusion    

5    CONCLUSION GENERALE    

Annexe    



1INTRODUCTION GENERALE

1.1Contexte

Le Sahara occidental est un territoire du nord-ouest de l’Afrique, limitrophe du Maroc, de l’Algérie et de la Mauritanie. Il était sous administration espagnole jusqu’en 1976. Le 14 décembre 1960, l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies (ONU) a adopté la résolution 1514 (XV) sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux. En 1963, à la demande du Royaume du Maroc et à la suite d’une transmission de renseignements par le Royaume d’Espagne en application de l’article 73, point e), de la charte des Nations unies, l’ONU a inscrit le Sahara occidental sur sa liste des territoires non autonomes. Il y figure toujours.

Tant le Royaume du Maroc que le Front populaire pour la libération de la Saguía-el-Hamra et du Río de Oro (ci-après « Front Polisario ») le revendiquent et l’ONU œuvre depuis longtemps en vue d’une résolution pacifique de ce différend. L’Union européenne et ses États membres s’abstiennent de toute intervention et de prise de parti dans ce différend et, le cas échéant, accepteront toute solution décidée conformément au droit international, sous l’égide de l’ONU. Ils ne reconnaissent pas la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental mais soutiennent les efforts déployés par le Secrétaire général des Nations Unies en vue de parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, qui permette l’autodétermination du peuple du Sahara occidental.

Depuis le retrait de l’Espagne en 1976, aucun renseignement statistique n’est transmis à l’ONU relatif aux conditions économiques, sociales et de l'instruction dans ce territoire.

Actuellement, la plus grande partie du territoire est contrôlée par le Royaume du Maroc, alors que le Front Polisario contrôle une portion de moindre taille et très peu peuplée, à l’est du territoire. Le territoire contrôlé par le Front Polisario est séparé du territoire contrôlé par le Royaume du Maroc par un mur de sable construit par ce dernier et surveillé par l’armée marocaine. Un nombre important des réfugiés originaires du Sahara occidental vivent dans des camps administrés par le Front Polisario, situés sur le territoire algérien, près du Sahara occidental 1 .

Depuis que l’Espagne a mis fin à sa présence et le retrait de la Mauritanie, le Royaume du Maroc a, de fait, administré seul la partie du Sahara occidental sous son contrôle. Le Royaume du Maroc considère que le Sahara occidental fait partie de son territoire. L'Union européenne considère que le Maroc administre ce territoire non-autonome.

Dans la suite de ce rapport l’expression « Sahara occidental » fait référence à la partie du territoire administrée de fait par les autorités marocaines.

Depuis l’entrée en vigueur de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et le Royaume du Maroc, d'autre part 2 (ci-après dénommé l’«accord d’association UE-Maroc» ou l’«accord d’association»), les produits provenant du Sahara occidental bénéficiaient de facto des préférences tarifaires prévues par les dispositions pertinentes de l’accord d’association car certifiés par le Maroc d’origine préférentielle marocaine. Le 21 décembre 2016 cependant, aux termes de son arrêt C-104/16 P 3 , la Cour de justice de l'Union européenne a précisé que le champ d'application de cet accord couvrait uniquement le territoire du Royaume du Maroc ; celui du Sahara occidental, territoire non autonome, en était exclu 4 . En termes de conséquences immédiates, l'Union a donc cessé d'octroyer les préférences tarifaires mentionnées ci-dessus, ne pouvant envisager un tel octroi qu'après modification des dispositions pertinentes des protocoles  1 (accès au marché de l'Union des produits agricoles, produits agricoles transformés, poissons et produits de la pêche marocains) et n° 4 (relatif aux règles d'origine), en établissant notamment clairement le principe selon lequel les produits du Sahara occidental peuvent être traités de la même manière que ceux du Maroc.

A cette fin, le 29 mai 2017, le Conseil a autorisé la Commission européenne à négocier, au nom de l’Union, un accord international ayant pour objet d'apporter les modifications nécessaires à l'accord d'association, sous forme d'échange de lettres. Le Conseil a cependant assorti cette autorisation de deux conditions: d'une part, avant la signature de ce nouvel accord, la Commission européenne aura évalué les répercussions potentielles de celui-ci sur le développement durable du Sahara occidental, en mettant notamment en exergue les avantages pour les populations locales et l'impact de l'exploitation des ressources naturelles sur les territoires concernés; d'autre part, les populations concernées par l'accord auront été associées de manière appropriée.

Certes, si le droit à l'auto-détermination est détenu par le peuple du Sahara occidental, d'une part, il n’appartient à l'Union européenne ni de réaliser un recensement de ce peuple, ni de définir qui constitue ce peuple 5 et, d'autre part, les documents de l'ONU relatifs aux activités économiques sur des territoires non-autonomes se réfèrent aussi, lorsqu'il est question des bénéfices socio-économiques, aux habitants de ces territoires 6 . Tout en ayant à l'esprit ces différences et les difficultés d'examiner l'impact sur un peuple dont les contours restent à définir, compte tenu du fait que les préférences sont étendues aux produits d'un territoire donné, et que donc les avantages seront, logiquement, liés principalement à ce territoire, l'analyse s'est concentrée sur les bénéfices pour la population du Sahara occidental.

Le présent rapport a pour objectif de répondre à ces demandes du Conseil. Il a été rédigé sur la base :

·De l'ensemble des données statistiques disponibles ;

·Des informations échangées entre l'Union européenne et le Maroc ;

·Des consultations effectuées avec un large éventail d’acteurs socio-économiques et politiques de la population du Sahara occidental, notamment par le biais d’entretiens avec des organisations de la société civile, des parlementaires du Sahara occidental, des opérateurs économiques et enfin des représentants du Front Polisario ; 

·Des observations formulées par le Front Polisario dans le cadre de son recours T-512/12 et par Western Sahara Campaign dans le contentieux national qui a donné lieu à l’affaire C-266/16 ;

·Les rapports annuels du Secrétaire général des Nations Unies sur la situation concernant le Sahara occidental et le site Internet de la Mission des Nations Unies pour l'organisation d’un référendum au Sahara occidental 7  ; 

·D’informations disponibles dans le domaine public.

Par ailleurs, les services de la Commission européenne et du Service Européen d’Action Extérieure (SEAE) ont également maintenu des contacts réguliers avec l'équipe de l'Envoyé Personnel du Secrétaire général des Nations unies pour le Sahara Occidental. Ces contacts avaient pour objectif de s’assurer que l’accord proposé viendrait bien à l'appui des efforts du Secrétaire général des Nations unies visant à parvenir à une solution prévoyant l'autodétermination du peuple du Sahara occidental conformément aux principes et objectifs de la Charte des Nations unies.

1.2Champ de l’évaluation et questions méthodologiques

1.2.1Champ de l’étude

L’objet de la présente évaluation est de déterminer les bénéfices pour les populations du Sahara occidental en se fondant sur les paramètres pertinents dans le cadre de l'article 73 de la Charte des Nations Unies. Ainsi, il analysera les répercussions potentielles de l'accord sur le développement durable du Sahara occidental, notamment en ce qui concerne les avantages pour les populations concernées et l'exploitation des ressources naturelles des territoires concernés. Or l'impact effectif sur le développement durable et les populations locales ne peut être évalué que si l’octroi de préférences tarifaires a un effet sur les flux commerciaux entre l’Union et le Sahara occidental. C'est pourquoi, il convient en premier lieu d’apprécier l’impact des préférences tarifaires sur les flux commerciaux du Sahara occidental vers l’Union européenne.

C’est seulement dans un second temps que l’on peut apprécier l’impact effectif sur le développement durable et les populations locales; en effet cette question ne se pose que si l’octroi de préférences tarifaires a un effet sur les flux commerciaux entre l’Union et le Sahara occidental.

Ces préférences prévoient, sous certaines conditions, l’application d’un droit de douane préférentiel (droit zéro pour la plupart des produits) lors de l’introduction de marchandises dans l’Union. Le droit de douane applicable est déterminé en fonction de trois éléments : la position tarifaire dans laquelle est classée la marchandise dans la nomenclature douanière 8 , l’origine de la marchandise c’est-à-dire le pays dont elle est réputée issue et, enfin, dans certains cas, la valeur de la marchandise. Dans la suite de ce rapport il sera parfois nécessaire de faire référence de manière détaillée à ces notions.

1.2.2Contraintes méthodologiques

Les contraintes méthodologiques sont de différentes natures et tiennent:

·à la qualité des informations disponibles,

·à la pratique suivie jusqu’à l’arrêt de la Cour du 21 décembre 2016,

·à la définition même du champ de l’évaluation,

·à la difficulté pour l’Union en tant que partie tierce à évaluer l’impact de l’accord et notamment ses bénéfices pour les populations concernées.

Les informations disponibles. De manière générale, les informations statistiques concernant le Sahara occidental demeurent incomplètes et hétérogènes. Cela tient évidemment à la situation politique particulière du territoire. A titre d'exemple, si beaucoup d’informations figurent sur les sites de diverses institutions marocaines (dont le Conseil économique, social et environnemental et le Haut-Commissariat au Plan), le territoire du Sahara occidental ne coïncide pas exactement avec le territoire des « provinces du Sud » auquel les autorités marocaines font référence dans leurs publications ou dans les informations échangées avec les services de la Commission européenne (régions de Laâyoune-Sakia el Hamra, de Dakhla-Oued ed Dahab et de Guelmim-Oued Noun). Toutefois cet obstacle peut être contourné, étant donné que l’activité économique dont il est question dans le présent rapport se concentre dans les régions de Laâyoune-Sakia el Hamra et de Dakhla-Oued ed Dahab.

La pratique suivie jusqu’à l’arrêt de la Cour du 21 décembre 2016. En ce qui concerne les données à la disposition des institutions de l'Union elles-mêmes, les limites méthodologiques sont liées à la pratique ayant prévalu jusqu’au 21 décembre 2016, date de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne. Les marchandises du Sahara occidental importées dans l’Union ayant bénéficié de facto des mêmes préférences que les marchandises originaires du Maroc, il n'est généralement pas possible de distinguer les importations du Maroc de celles du Sahara occidental et partant d'évaluer la part des produits originaires du Sahara occidental à partir des bases statistiques de l’Union sur le commerce extérieur (par exemple la base de données COMEXT fournie par Eurostat). C’est seulement pour les produits de la pêche que les données tirées du système TRACES (Trade Control and Expert System) géré par la Commission européenne, permettent d’estimer la part des produits de la pêche transformés dans le territoire et importés dans l’Union Européenne.

La définition du champ de l’évaluation. L’expression « populations concernées » est sujette à interprétations différentes voire divergentes 9 . Elle peut renvoyer aux populations habitant le territoire ; c’est l’interprétation marocaine, qui ne fait pas de distinction entre les habitants sur une base ethnique/communautaire. Elle peut aussi renvoyer à des habitants déterminés, notamment sur une base ethnique/communautaire (Sahraouis) ; dans ce cas, les populations concernées peuvent être au moins en partie des personnes habitant en dehors du Sahara occidental (réfugiés) et certains habitants actuels établis récemment pourraient ne pas en faire partie. C’est l’interprétation retenue en particulier par le Front Polisario. Si l’on retient une définition ethnique/communautaire de la population concernée, il convient de rappeler trois faits : (1) la Mission des Nations Unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental (MINURSO) a œuvré pendant 13 ans, entre 1991 et 2004, pour définir les personnes pouvant participer à l’exercice du droit à l’autodétermination du peuple du Sahara occidental, sans parvenir à un résultat conclusif ; (2) les populations se définissant comme sahraouies sont établies sur un espace beaucoup plus vaste que le Sahara occidental, qui inclut notamment le sud du Maroc, la Mauritanie, une partie de l'Algérie, ainsi que des groupes significatifs en Europe et en Amérique du Nord, etc. ; (3) ces populations sahraouies, traditionnellement nomades, ont des liens familiaux qui dépassent les frontières de la région. Cela montre les difficultés auxquelles doivent faire face les services de la Commission européenne, n’ayant aucun moyen précis et fiable pour déterminer qui appartient à la « population [sahraouie] concernée ».

En outre, les effets des avantages tarifaires sur des ressources naturelles, l'emploi et les droits humains sont très difficiles à mesurer car ils sont de nature indirecte.

Même si le présent rapport a été établi de la manière la plus objective possible, l’exercice a ses limites naturelles : d’une part les positions des parties au différend sur le Sahara occidental et son statut sont radicalement divergentes et d’autre part il n’existe pas d’analyse indépendante mandatée par les Nations Unies des bénéfices des accords internationaux de commerce sur le Sahara occidental. Par ailleurs, l'Union européenne n'a pas de compétence ni de moyens directs d'enquête sur le territoire du Sahara occidental.

Quoiqu’il en soit, il a été considéré qu’il fallait d’abord examiner si l’accord avait un effet positif sur les flux commerciaux entre le Sahara occidental et l’Union européenne. Si tel est le cas, les services de la Commission européenne ont cherché à établir quelles en seraient les conséquences en termes d’emplois et d’exploitation des ressources naturelles. Dans la mesure du possible ils ont également cherché à identifier si l’impact pouvait être différencié en fonction de l'origine des personnes concernées (autochtones/non-autochtones).

Aux fins de la présente analyse, les services de la Commission européenne ont donc croisé l'ensemble des données à leur disposition. Bien qu'incomplètes, ces informations permettent cependant d’obtenir une approximation de l’impact d'une extension des préférences commerciales de l'accord d'association aux exportations du Sahara occidental ou, dit autrement, d’apprécier l’impact du non-octroi de telles préférences pour l’économie du territoire, le développement durable et les populations concernées.

De l’examen de l’activité économique du Sahara occidental, il résulte que les secteurs ayant un flux d’exportation significatif vers l’Union sont le secteur de la pêche et le secteur agricole. Les répercussions potentielles de l'accord sur lesdits secteurs sont analysées dans la suite de ce rapport. Etant donné ses potentialités, le secteur des phosphates a également été analysé.

1.3Consultations avec les populations concernées

L'un des objectifs de cette négociation était de veiller à ce que, dans la préparation de la modification des protocoles n° 1 et 4 de l'accord d’association, "les populations concernées par ce dernier aient été associées de manière appropriée". En l'absence de toute alternative concevable permettant de consulter directement la population du Sahara occidental, les services de la Commission européenne et le SEAE ont en conséquence tenu des consultations avec un large éventail d'organisations représentatives de la société civile sahraouie, des parlementaires, des opérateurs économiques et des organisations parmi lesquelles le Front Polisario. La plupart de ces organisations et associations ont partagé leurs vues avec les services de la Commission Européenne et le SEAE, notamment le Front Polisario, et seules certaines d'entre elles ont décliné les invitations à elles adressées. Ces consultations se sont concentrées sur l'objectif principal d'échanger positions et commentaires sur l'intérêt que pourrait revêtir pour les populations du Sahara occidental et l’économie du territoire l’extension du traitement préférentiel accordé aux produits marocains aux produits du Sahara occidental lors de leur importation dans l'Union européenne.

2LES DROITS DE L’HOMME AU SAHARA OCCIDENTAL

2.1Situation des droits de l’homme au Sahara occidental

De manière générale, la situation des droits de l'homme au Sahara occidental correspond à la situation des droits de l'homme au Maroc. Les mécanismes et les lois régissant la protection sont les mêmes. Néanmoins, il existe des spécificités au Sahara occidental en lien avec le différend politique, notamment en ce qui concerne les libertés d'expression, de manifestation et d'association. En effet, toute « atteinte à l'intégrité territoriale », c’est-à-dire également l'indépendantisme pro-Polisario, est prohibée sous peine d'amende voire de prison.

Dans le cadre de l’affaire T-512/12, le Front Polisario a fait état notamment de violations des droits de l’homme par le Maroc à l’encontre de civils sahraouis à l’occasion de manifestations de protestation. Selon certaines organisations de la société civile et organisations non-gouvernementales 10 , les manquements concernant la situation des droits socio-économiques ainsi que des droits civils et politiques seraient plus souvent invoqués au Sahara occidental qu’au Maroc. Cet aspect a été aussi souligné dans le dernier rapport du Secrétaire général des Nations Unies concernant le Sahara Occidental 11 . Compte tenu de la nature propre du différend, certaines organisations sahraouies font état en particulier d’atteintes à la liberté d'expression, de manifestation et d'association. À cet égard, lesdites organisations sahraouies ont fait état de difficultés à mener leurs activités en raison de l'absence de reconnaissance juridique. Malgré un climat de réforme encourageant au cours des dernières années, certaines pratiques répressives demeurent et certains acteurs de la société civile continuent de subir des entraves à leur action quotidienne.

Les autorités ont fait des efforts ces dernières années pour répondre à certaines inquiétudes de la communauté internationale et de la société civile, mais les moyens pour mesurer de tels efforts et vérifier leur impact sur la situation des droits de l'homme restent à renforcer. Une avancée importante accomplie au cours des dernières années a été la reconnaissance par le Maroc de l'Association Sahraouie des Victimes des violations graves des Droits de l’Homme (ASVDH), première association sahraouie à être enregistrée. Le renforcement des commissions régionales du Conseil national des droits de l'homme (CNDH), fonctionnant à Dakhla et Laâyoune a également contribué à une amélioration dans le suivi de la situation des droits de l´homme dans le territoire.

Le Maroc a été soumis à son troisième Examen Périodique Universel dans le cadre du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies en septembre 2017, au cours duquel le Maroc a reçu 244 recommandations. Celles-ci concernaient principalement l’abolition de la peine de mort, le renforcement de la lutte contre la violence à l’égard des femmes, le respect de l’égalité femmes/hommes, la suppression des discriminations à l’égard des enfants nés hors mariage ou la suppression de la criminalisation des relations entre adultes consentant de même sexe. Ce dernier Examen Périodique Universel a mis en lumière certains défis quant à la prépondérance du droit international en matière de droits de l'homme sur le droit interne.

2.2Cadre de fonctionnement de la coopération entre l’Union européenne et le Maroc en matière de droits de l´homme et de démocratie.

Le Sahara occidental fait depuis longtemps l'objet d’un dialogue entre l’Union européenne et le Maroc en matière de droits de l'homme et démocratie, dans le cadre de l'accord d'association dont l’article 2 prévoit que « [l]e respect des principes démocratiques et des droits fondamentaux de l'homme, tels qu'énoncés dans la déclaration universelle des droits de l'homme, inspire les politiques internes et internationales de la Communauté et du Maroc et constitue un élément essentiel du présent accord ».

Les relations entre l’Union européenne et le Maroc en matière de droits de l'homme ont été accompagnées par un dialogue régulier sur les plans politique et technique, mené à haut niveau lors de réunions du Conseil d'association, de visites officielles de hauts responsables, ou au niveau technique lors du sous-comité "Droits de l'homme, démocratie et gouvernance" 12 , qui se réunissait, depuis sa création, annuellement.

Même si les contacts informels à ce sujet ont perduré au cours des dernières années, les difficultés rencontrées dans les relations bilatérales depuis l´arrêt du Tribunal du 10 décembre 2015 (affaire T-512/12) ont rendu impossible la tenue officielle de ce genre de réunions. Dans le sillage de la normalisation en cours et dans une perspective de relance des relations bilatérales, l’Union européenne compte relancer ce dialogue avant la fin de l’année 2018.

Au cours des échanges susmentionnés ont été évoqués les progrès dans la mise en œuvre des réformes concernant les différents droits individuels et collectifs, mais aussi les programmes financés par l'Union en matière de droits de l'homme et de gouvernance. Ont également été soulevées dans ce cadre les questions relatives à certains cas individuels de violations alléguées de droits de l'homme, ce dernier point revêtant une pertinence particulière dans le cadre du Sahara occidental.

Dans le cadre de son dialogue politique, l'Union européenne souligne régulièrement l'importance du respect de l'État de droit, notamment dans le domaine de la justice. Ce dialogue va de pair avec un important soutien de l'Union européenne à la réforme du système judiciaire marocain, lequel vise à améliorer l'accès à la justice, à assurer une meilleure protection judiciaire des droits et libertés publiques ainsi qu’à renforcer l'efficacité du système judiciaire. Ce dialogue institutionnel de nature politique et technique va de pair avec le dialogue avec la société civile.

La Délégation de l'Union européenne au Maroc entretient des contacts fréquents avec le Conseil National des Droits de l'Homme (CNDH). Cette institution indépendante exerce un rôle important de suivi de la situation des droits de l'homme au Maroc, notamment à travers ses commissions régionales au Sahara occidental. L'Union européenne soutient le CNDH à travers un programme consacré au renforcement de sa capacité institutionnelle, y compris celle de ses commissions régionales à Dakhla et Laâyoune.

L'Union européenne est aussi en contact régulier avec d'autres acteurs, notamment les organisations internationales et les pays tiers qui se rendent régulièrement au Sahara occidental et fournissent des informations détaillées sur la situation. Pour sa part, la Délégation de l’Union européenne s'était également rendue au Sahara occidental en 2015, antérieurement à la césure intervenue dans les relations bilatérales.

Finalement, l'Union européenne consulte les rapports des agences de l'ONU pour la protection des droits de l'homme qui ont visité le Sahara Occidental, y compris le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme et le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture.

2.3Conséquences de la modification des protocoles n° 1 et n° 4 de l´accord d´association sur la situation des droits de l´homme au Sahara Occidental.

Le développement économique qu'induit la modification des protocoles n° 1 et n° 4 de l´accord d´association entre l'Union et le Maroc, en permettant notamment un meilleur accès au marché européen et la promotion des investissements étrangers au Sahara occidental, ne devrait pouvoir que favoriser le développement des droits socio-économiques comme l'accès à l´emploi ou aux prestations sociales. Dans une perspective de plus long terme, l'ouverture sur le monde extérieur et la multiplication des échanges, commerciaux et autres, qui accompagneront la modification devraient être porteurs d'une évolution socio-économique et culturelle propre à contribuer à l'élargissement et la consolidation de la classe moyenne ainsi qu'à une meilleure circulation des élites. L'impulsion donnée à l'activité privée et à la liberté d'entreprendre pourrait être de nature à atténuer la logique de dépendance vis-à-vis du pouvoir central qui risque à long terme d'hypothéquer le développement socio-politique du territoire.

Alors que la temporisation intervenue dans les relations bilatérales entre l’Union européenne et le Maroc depuis l´arrêt du Tribunal du 10 décembre 2015 (affaire T-512/12) avait rendu plus difficile la tenue régulière des dialogues concernant les droits de l´homme, l'esprit de concertation renforcée qui a présidé à la normalisation des rapports contractuels entre l’Union européenne et le Maroc contribuera à la relance de ce dialogue d’une façon régulière. À cet égard, le cadre de référence dans lequel s'inscrit la modification des protocoles (l’article 2 de l’accord d’association qui garantit le respect des principes démocratiques et des droits fondamentaux) ne peut que renforcer le suivi du respect des droits de l’homme au Sahara occidental, notamment dans leurs aspects socio-économiques. En outre, la mise en œuvre dans le cadre de la modification de l’accord d'un mécanisme d'échange d'information régulier concernant l'exploitation durable des ressources naturelles sera de nature à favoriser une répartition socialement plus équitable des dividendes du développement. Sur cette base, des projets de coopération spécifiques destinés aux segments de la population bénéficiant le moins de la modification de l’accord (par exemple les populations nomades) pourront être plus facilement identifiés.

De manière générale, en ce qui concerne l'impact attendu d'une extension des préférences tarifaires aux produits du Sahara occidental sur la situation des droits de l'homme dans ce territoire, il convient de raisonner par analogie avec l'effet de l'accord d'association UE-Maroc sur la situation des droits de l'homme au Maroc. Dans la mesure où l'accord encourage une convergence réglementaire vers les normes de l'Union européenne dans divers domaines, l'on constate un effet indirect positif, en ce qui concerne notamment les conditions de travail (par exemple les mesures de sécurité), la législation du travail (par exemple la protection de l'enfance), les mesures phytosanitaires ou encore la protection des consommateurs.

3L’ECONOMIE DU SAHARA OCCIDENTAL – BENEFICES ECONOMIQUES POUR LES POPULATIONS CONCERNEES 

3.1Aperçu général de l’économie du Sahara occidental et sa nécessaire diversification

Encore marqué par son déficit historique de développement et longtemps demeuré en marge des courants économiques et commerciaux internationaux, le Sahara occidental est un territoire de 266 000 km², principalement désertique, avec une population d’environ 584 000 habitants 13 .

Selon les informations disponibles, le Sahara occidental est une petite économie de marché dont l’activité s’articule autour de la pêche et la transformation des produits de la pêche, les mines de phosphate, l’agriculture (notamment : fruits et légumes de la catégorie "primeurs" et nomadisme pastoral), le commerce et l’artisanat. D’autres secteurs sont encore embryonnaires à l’instar du tourisme et des énergies renouvelables.

Dans un schéma de développement fondé sur un rapport étroit entre centre et périphérie, le gouvernement central marocain a un poids prépondérant dans la politique de développement de l’économie du Sahara occidental, et joue un rôle important en matière d’emploi, de développement des infrastructures et de redistribution sociale sur le territoire. Ce rôle d'impulsion de l'Etat central s'est encore accéléré au cours de la dernière décennie, permettant au Sahara occidental de combler une partie de son retard par rapport aux régions les plus développées du Maroc. La Direction des Etudes et des Prévisions Financières du ministère de l’économie et des finances marocain souligne ainsi que durant la période 2007-2014, les régions de Dakhla-Oued ed Dahab et Laâyoune-Sakia el Hamra ont enregistré une croissance régionale supérieure à la croissance nationale de 4,9 points en 2011-2014 et 5,6 points en 2007-2010. Elle souligne également que ce constat est dû aux investissements publics consentis dans les régions du sud pour en faire des régions compétitives sur le plan national 14 .

De même, le Conseil économique, social et environnemental du Maroc indique dans un rapport de mars 2013 15 que « le PIB des trois régions du sud était en 2010 de 21,7 milliards de dirhams, soit 3,5% de la richesse nationale annuellement produite ». Il ajoute que « Alors que le chômage [selon une enquête du Haut-Commissariat au Plan 2007/2011] y concerne 15,2% de la population active, contre 8,9% au niveau national (avec un taux de 35,1% pour les femmes contre 10,2% au niveau national), les régions de Laâyoune et de Dakhla figurent parmi les régions les moins pauvres du pays (avec des taux de pauvreté respectivement de 2,2% et 2,6% contre 8,9 % au niveau national) ». Enfin il souligne également que d’une part « le secteur privé y est atone » et d’autre part que « L’État, via ses fonctions de souveraineté, et en appui sur les investissements publics, sur les dépenses de l’administration et sur la distribution des aides sociales a été l’acteur central de cette transformation ».

Aucune ressource pétrolière conséquente en termes commerciaux n’a encore été trouvée au Sahara occidental et, malgré un relatif tassement, certaines campagnes de prospection sont toujours en cours. Compte tenu de l'étroitesse du marché intérieur du Sahara occidental et de la concentration de la production sur un nombre très limité de produits, le défi majeur de l’économie du territoire est la diversification de ses activités vers des secteurs créateurs d'emploi et de revenu pour le territoire et l'ensemble de sa population, diversification économique qui est la clé même de son désenclavement commercial.

Cette ouverture économique internationale et la diversification qu'elle induit sont d'autant plus importantes que l'économie du territoire évolue dans un contexte régional maghrébin largement figé et marqué par la stagnation à un niveau extrêmement faible du commerce intra-régional, l'absence de coopération transfrontalière ainsi que la fermeture persistante de certaines frontières.

En novembre 2015 le gouvernement du Maroc a annoncé une série d’investissements afin de diversifier l’activité alors que la confédération générale des entreprises marocaines prévoyait une initiative de l’ordre de 609 millions de dollars d'investissements pour la région en mars 2015. Selon les chiffres annoncés par la Commission Nationale des Investissements lors de sa réunion de janvier 2018 sous l'autorité du Chef du Gouvernement, l'année 2018 devrait voir la majeure partie des investissements prévus par le Maroc se concentrer sur le Sahara occidental pour un montant avoisinant 1,5 milliard d'euros et une création d'emplois espérée proche de 3.000 postes.

Investissements 2018 du Maroc

 

Les investissements déjà réalisés ou planifiés par le Maroc dans le territoire contrastent toutefois de manière notable avec le relatif effacement des investissements internationaux et l'attitude d'attentisme qui semble en entraver l'expansion.

Un argument majeur des opposants à la couverture du Sahara occidental par l’accord d’association est le fait que le Maroc multiplierait les investissements structurants dans le territoire avec comme but politique l’annexion par la transformation de l’identité du territoire. Il aurait à cette fin mis en œuvre une pratique administrative et économique d’ensemble 16 . Dans ce sens, le Front Polisario qualifie l’exploitation des ressources naturelles du Sahara occidental sous contrôle marocain de « spoliation économique dont le but est la modification de la structure de la société sahraouie » 17 .

Dans le même sens, en ce qui concerne la population, il est soutenu que le Maroc a poursuivi une politique d’installation de personnes provenant du Maroc au Sahara occidental au moyen de divers incitants. Ainsi, depuis 1975, des milliers de Marocains se seraient installés au Sahara occidental avec pour résultat que le peuple sahraoui serait devenu une minorité sur son territoire. L’inclusion ou non de cette population dans la notion de « peuple du Sahara occidental » ou « population locale » aurait bien sûr des conséquences évidentes sur un futur référendum sur le statut du Sahara occidental 18 .

Le premier argument ne concerne pas en fait l’objet du présent rapport : il porte sur un aspect de politique générale, mais pas directement sur la question de l’extension des préférences tarifaires prévues par l’accord d’association UE-Maroc aux produits du Sahara occidental. Il est vrai que toute activité de production implique l'utilisation de ressources naturelles; toutefois, cela ne peut pas entraîner a priori l’interdiction de toute activité économique car sinon, c’est toute possibilité de développement économique qui serait prohibée. Lors de la consultation d’opérateurs économiques du Sahara occidental en février 2018, plusieurs interlocuteurs ont fait valoir que la population avait un droit au développement et qu’il n’était pas raisonnable d’attendre une solution au différend dans le cadre onusien pour permettre un tel développement. Une telle approche reviendrait en effet à un gel de toute activité sur le territoire et serait assimilable à une sanction contre les populations locales.

En ce qui concerne le second argument, il est vrai que, en raison de l´impasse du contentieux, les populations du Maroc se sont mélangées avec la population originaire du Sahara occidental, ce qui naturellement modifie la structure de la population du territoire. Toutefois, cela ne permet pas de préjuger de la population qui pourrait effectivement être consultée lors d’un référendum sur le statut du territoire. Par ailleurs, s’il est incontestable qu’une partie non-négligeable de la population sahraouie vit en dehors du territoire du Sahara occidental 19 , il est également incontestable qu’une partie importante de cette population vit sur ce territoire. Cette population a le droit de revendiquer sa participation au processus de développement économique.

Compte tenu de la faible population, le modèle économique de développement du territoire est fondé largement sur le développement d'un nombre réduit de produits d'exportation. Afin d'évaluer les bénéfices de l'accord pour les populations concernées, il convient d'étudier en détail l’impact de l’accord proposé sur les principaux secteurs d’exportation, actuels et potentiels, de produits originaires du Sahara occidental.

3.2Intérêts pour les principaux secteurs économiques d’exportation

3.2.1Le secteur agricole

3.2.1.1Introduction

Étant donné la topographie de la région, la production agricole du Sahara occidental est tournée vers un nombre limité de filières de production. De par sa nature désertique, la région est orientée vers l'élevage (principalement camelin, caprin et ovin); cette activité est favorisée par le développement de terrains de parcours et la demande locale pour les produits d'origine animale issus de l'élevage. Il convient de souligner que les produits d'origine animale produits au Sahara occidental ne remplissent pas encore les normes sanitaires leur permettant l'accès au marché européen, ce qui explique qu'il n'y ait pas d'exportation de ce type de produits vers l'Union européenne 20 .

Par ailleurs, la zone de Dakhla bénéficie d'un climat tempéré (18-25 °C tout au long de l'année), d’un niveau d'ensoleillement constant et d’une eau légèrement sulfurée, des facteurs propices à la production de cultures sous serre, en hors sol, à haute valeur ajoutée et légèrement en avance par rapport à la production marocaine 21 .

Selon des informations marocaines, en 2016, la région comptait 6.847 exploitations agricoles (toutes activités et produits confondus). L'activité agricole semble constituer une importante source de travail, générant l'équivalent de 35.000 emplois, dans une région comptant 584 000 habitants et où le taux de chômage s'élève à environ 15%, bien au-dessus de la moyenne nationale (9%).

3.2.1.2Production agricole, commerce avec l'Union européenne et impact socio-économique

Les fruits et légumes de la catégorie "primeurs", constituent un des principaux secteurs d’exportation du Sahara occidental vers l'Union européenne. D'après les informations transmises aux services de la Commission européenne, en 2016 la production de primeurs dans le territoire a occupé environ 900 hectares (ha) 22 , avec une récolte estimée à 64.000 tonnes (t). D'après les données disponibles, il s'agirait de produits à haute valeur ajoutée, à concurrence de 78% de tomates (50.000 t de différentes sortes et variétés) et 22% de melons (14.000t). Une telle production serait destinée à l'exportation vers l'Union européenne, la Russie, des pays d'Afrique ainsi qu'au marché local. Les produits récoltés étant acheminés vers les stations de triage et conditionnement situées dans la région d'Agadir, il est difficile de ventiler de façon précise la destination finale desdits produits par marché d'exportation mais il est présumé que les fruits et légumes produits au Sahara occidental font aussi partie des produits exportés vers l'Union européenne, qui constitue un marché rémunérateur.

Dans le cadre de l'accord d’association UE-Maroc, les produits agricoles marocains jouissent de conditions préférentielles d'accès au marché de l'Union. Ces conditions se traduisent par une exemption des droits de douane sans limitation de volume pour la plupart des produits 23 , certains fruits et légumes faisant l'objet de dispositions spécifiques, pouvant aussi être soumis à des limitations quantitatives (contingents tarifaires).

En prenant pour base les données disponibles pour 2016 et en supposant que la totalité des produits cultivés au Sahara occidental soit exportée vers l'Union, l'application des préférences prévues dans l'accord d’association pour les 14.000t de melons représenterait un bénéfice d'environ 1,3 million EUR de droits de douane épargnés. De même, en ce qui concerne les tomates, si les préférences étaient octroyées à la totalité de la production (50.000t), le bénéfice se situerait aux alentours de 5,3 million EUR de droits de douane épargnés, pour autant qu'il n'y ait pas lieu d'appliquer le droit spécifique 24 . Il convient de préciser que le volume des exportations de tomates serait soumis aux conditions tarifaires prévues par l'accord, dont l'imputation au contingent octroyé au Maroc. En termes de volume, les exportations de tomates et de melons auraient représenté 12,7% et 31,09% respectivement du total exporté en 2016. Dans l'ensemble, le volume total des importations de fruits et légumes du Maroc en 2016 s'est élevé à 1,2 milliard de tonnes, pour une valeur de 1,4 milliard EUR.

D'un point de vue socio-économique, la production de primeurs est une importante source d'emploi. En effet, de par sa nature, souvent sous serre et en hors sol, la production de primeurs à haute valeur ajoutée requiert une forte intensité de main d'œuvre. En 2016, cela représentait environ 14.000 emplois directs (avec une moyenne de 15 travailleurs par hectare). Ceci représente environ 40% de la totalité des emplois agricoles de la région.

Il a été affirmé que cette activité ne bénéficierait pas aux populations locales. Cet argument a été invoqué notamment dans le cadre du contentieux national qui a donné lieu à l'affaire C-266/16 où il a été indiqué qu’en 2008, le secteur agricole dans les environs de Dakhla employait 4 000 travailleurs saisonniers avec des contrats de 10 mois et environ 200 employés permanents, les travailleurs saisonniers venant du Maroc pour la saison de récolte et retournant ensuite au Maroc. Selon Western Sahara Resource Watch, pour le Maroc, l’agriculture est un moyen de peupler le territoire et cette activité se développe.

A cet égard, il est vrai que le Maroc n’a pas fourni de données concernant la répartition des emplois dans le secteur des primeurs entre les Sahraouis et les autres employés. Cette question a fait l’objet de discussions avec les autorités marocaines, pour lesquelles établir des statistiques sur une base « ethnique » serait contraire aux principes de non-discrimination régissant le Maroc. Toutefois, à l’occasion des consultations menées en février 2018, les interlocuteurs, dont la grande majorité se déclaraient Sahraouis, ont indiqué que le développement du secteur bénéficiait effectivement à la population locale (i.e. sahraouie). Il convient de noter que la totalité des représentants élus (parlementaires, présidents de régions) et des acteurs économiques locaux (y inclus les présidents des chambres de commerce, d'agriculture et de pêche) qui ont participé aux consultations se disent Sahraouis originaires du territoire. Ceci dit, il faut rappeler que l’Union ne dispose pas de pouvoirs d’enquête dans un pays tiers afin d’y déterminer si les personnes employées dans un secteur d’activité précis appartiennent à un segment déterminé de la population 25 .

3.2.1.3Utilisation des ressources

Toute activité agricole implique l'utilisation de ressources naturelles, notamment du sol et de l'eau. Dans le cas du Sahara occidental, l'eau s'avère être la première contrainte, en raison de la nature du terrain et de la faible pluviométrie. Des recherches indiquent l'existence d'une nappe phréatique au Sahara, même s'il est difficile de chiffrer exactement le niveau des réserves et leur degré de recharge.

Selon des informations marocaines, la nappe est d'une très grande superficie (90.000 km²), profonde (jusqu’à 1.800 m) et comprend des réserves permanentes estimées à 3 milliards de m³. La monographie générale sur la Région de Dakhla-Oued ed Dahab, rédigée par la Direction Générale des Collectivités Locales du Ministère de l’Intérieur du Maroc, indique l'existence d'un "bassin sédimentaire (dit Laâyoune-Dakhla) qui occupe la partie occidentale du bassin le long de l'océan Atlantique et couvre une superficie d'environ 110.000 km² sur le continent. Il est relativement riche en réservoirs d'eau souterraine d'extension généralisée, mais l’état de leur connaissance est encore insuffisant et ils présentent de grandes variations du point de vue profondeur, lithologie, productivité et qualité de l'eau. Cependant, les premiers indices montrent que sur le plan hydrogéologique, ce bassin renferme plusieurs nappes multicouches renfermant un potentiel en eau important, mais non renouvelable".

A ce jour, l'eau d'irrigation utilisée pour la production de primeurs émane de la nappe (la nappe étant également utilisée pour la fourniture d'eau potable). Selon des informations marocaines, les quantités utilisées actuellement pour l’agriculture s’élèvent à moins de 3 millions de m³, soit environ 0,1% du volume disponible. Western Sahara Ressource Watch soutient que les réserves d'eau souterraines du Sahara Occidental seraient actuellement surexploitées par le secteur agro-industriel du territoire, en particulier à Dakhla. Les autorités marocaines ont conscience de ces problèmes et ont pris des mesures correctives. En effet, des commentaires similaires ont été formulés par diverses institutions marocaines, soulignant le fait que «la pratique de l’agriculture intensive de certains produits (melons, tomates) destinés à l’exportation est d’autant plus préjudiciable que l’irrigation dans la région est assurée à partir d’une nappe fossile dont le potentiel n’est pas à ce jour clairement évalué» 26 . En 2013, le Haut-Commissariat marocain au Plan a également remarqué à propos de l’exploitation de la nappe que «La prise en compte des contraintes environnementales dans les régions du sud est clairement insuffisante. Les moyens de l’État pour la surveillance et la prévention des risques de pollution du littoral, bien qu’en amélioration, restent limités. L’excès de pompage des ressources hydriques est une menace sérieuse». 27 A la page 26, ce même rapport ajoute: « la pratique de l’agriculture intensive de certains produits (melons, tomates) destinés à l’exportation est d’autant plus préjudiciable que l’irrigation dans la région est assurée à partir d’une nappe fossile dont le potentiel n’est pas à ce jour clairement évalué ».

La question reste ouverte en ce qui concerne le volume exact et les caractéristiques de la nappe et la mesure dans laquelle son exploitation risque effectivement de l’épuiser, ayant dès lors un impact négatif sur les ressources naturelles du Sahara occidental.

Toutefois, afin d'optimiser l'utilisation de l'eau extraite de la nappe aujourd'hui, des systèmes d'irrigation localisée (en goutte à goutte) ont été mis en place pour la production des primeurs. Par ailleurs, depuis quelques années, les autorités marocaines développent des mesures pour limiter l'utilisation d'eau et conscientiser les utilisateurs, sous forme de "contrats de nappe" (pour le Sahara occidental, le contrat est actuellement en cours d'élaboration).

De plus, les autorités ont lancé un appel à projets pour la construction de stations de dessalement d'eau de mer, principalement pour l'approvisionnement en eau potable mais aussi pour l'irrigation, à Dakhla et Boujdour. Selon le calendrier prévu, la station à Dakhla serait opérationnelle à partir de 2020. Une telle infrastructure permettrait d'étendre la surface cultivée à 5.000 ha, dans le cadre d'un projet de partenariat public privé d'irrigation. La réalisation effective de tels investissements ainsi que son calendrier restent à confirmer.

3.2.1.4Perspectives

Le Plan Maroc vert (PMV) décliné en Plan agricole régional (PAR), prévoit une augmentation de la surface (de 900 à environ 5.000 ha) laquelle se traduirait par une augmentation de la production, pouvant atteindre environ 500.000 t de primeurs. Si tel est le cas, ladite augmentation de surface et de production pourrait donner lieu à la création de 60.000 nouveaux emplois (ce nombre étant fonction et des techniques de production et d'une possible diversification des produits cultivés), qui resteraient dans la région en y générant des revenus. Une telle production à haute valeur ajoutée aurait un important potentiel à l'export. Il est évident que pour être soutenable, le développement de cette activité devra prendre en compte l'utilisation responsable des ressources naturelles, et de l'eau en particulier.

Le nombre d'emplois et les bénéfices pourraient également augmenter lorsque les produits d'origine animale rempliront les critères sanitaires nécessaires leur permettant l'accès au marché de l'Union. Il est cependant difficile à ce jour d'estimer de façon plus précise les retombées économiques et sociales de l'exportation de ce type de produits.

De manière générale, il n’est évidemment pas possible d’affirmer que les retombées économiques d’une telle croissance bénéficieraient de manière systématique et directe aux populations autochtones. On peut seulement présumer que ces populations en tireraient un bénéfice au moins indirect. Lors des consultations menées en février 2018, plusieurs interlocuteurs ont souligné l’importance du secteur agricole pour le développement de la région, suggérant que l’absence de préférence tarifaire signifierait la fin du développement de l’agriculture dans le territoire.

3.2.1.5Conclusion

Il y a une production agricole au Sahara occidental, surtout de primeurs (tomates et melons), pour laquelle il existe un marché dans l'Union européenne. Cette production est estimée à 64.000 tonnes et représente quelques 14.000 emplois directs. Sa valeur à l'importation s'élève à environ 65 millions d’euros. En l'absence de préférences tarifaires, de telles exportations seraient redevables de 6,6 millions d’euros de droits de douane.

Ces bénéfices économiques pourraient s'étendre si à l'avenir le Sahara occidental développait davantage sa production et ses exportations vers l'Union européenne dans le cadre des projets actuellement en considération. Cela aurait aussi un impact sur le nombre d'emplois, pouvant se multiplier par cinq, d'après certaines projections.

Bien que la production agricole ait un impact sur les ressources en eau, cet impact est corrigé par différentes mesures. Globalement, il semble d’une part qu'il y ait peu d'alternatives crédibles aujourd'hui pour permettre le développement économique du territoire concerné et d’autre part les inconvénients découlant de l'utilisation des ressources hydriques sont compensés par l'impact économique positif pour le Sahara occidental.

3.2.2Le secteur des produits de la pêche

3.2.2.1Introduction

Il convient de rappeler avant de détailler le secteur de la pêche au Sahara occidental que l’objet du présent rapport est d’évaluer notamment l’impact de l’accord sur le développement durable et en particulier les avantages pour les populations locales et l'impact de l'exploitation des ressources naturelles sur les territoires concernés. Cela implique de déterminer les effets potentiels de l’accord sur les exportations du territoire vers l’Union. Dans ce cadre, la détermination de l’origine des produits concernés est un élément essentiel. Or, les produits de la pêche maritime pêchés en dehors des eaux territoriales (12 milles marins) acquièrent l’origine du navire qui les a pêchés. Les conditions relatives à l’origine des produits de la pêche, définies à l’article 5 du protocole n° 4 de l’accord d’association, établissent que les produits pêchés par des navires d'une des parties de l'accord d'association sont considérés comme d'origine préférentielle.

Le poisson pêché au-delà des eaux territoriales acquiert l’origine préférentielle sur la base de critères relatifs à la propriété, au pavillon, à l’équipage et à l’enregistrement du navire (critères définis dans le protocole n° 4 de l’accord d’association). Etant donné qu'il n’existe pas de flotte de pêche battant pavillon du Sahara occidental, le poisson pêché n’acquiert jamais l’origine préférentielle Sahara occidental (sauf dans les eaux territoriales). C’est seulement au stade de la transformation que le produit transformé peut devenir originaire du Sahara occidental et, par le biais du cumul d’origine 28 , bénéficier de préférences tarifaires.

Aux fins de l’évaluation de l’impact de l’accord, l’étude doit par conséquent se concentrer sur les activités de transformation des produits de la pêche sur le territoire du Sahara occidental, et sur l’impact qu’aurait l'octroi ou le déni de préférences sur cette production. Ceci est donc sans considération de l'activité de pêche et aussi de l'endroit (eaux) où cette activité a lieu: en effet, ces questions ne concernent que de manière très limitée l'objectif de cette analyse.

Les produits transformés sont des produits de la pêche généralement capturés le long des côtes du Sahara occidental, dans les eaux territoriales (12 miles) ou dans la zone économique exclusive (200 miles) adjacente, mais il peut aussi s’agir de poissons pêchés au-delà de cette zone (eaux territoriales ou zone économique exclusive du Maroc).

3.2.2.2Le secteur de la pêche au Sahara occidental

Le secteur de la pêche est concentré à Laâyoune, Boujdour et Dakhla. Selon des informations marocaines, il y a 141 entreprises de transformation de produits de la pêche dans ces villes, qui emploient directement ou indirectement environ 90.000 personnes et transforment les produits pour une valeur estimée à 4,9 milliards de dirhams (environ 450 millions d’euros), dont 2,6 milliards de dirhams (environ 240 millions d’euros) seraient destinés à l’exportation (dont environ 60 % sont destinés à l’Union).

Le secteur de la pêche et de la transformation des produits de la mer est le premier secteur pourvoyeur d’emplois dans le territoire mais aussi le premier secteur à l’exportation 29 . Pourtant, l’activité de pêche demeure concentrée sur l’amont en raison de l’insuffisance des installations de transformation permettant une meilleure valorisation des produits 30 . Il figure donc parmi les secteurs à fort potentiel de croissance et d’emplois au Sahara occidental.

L’Union européenne a contribué au développement des activités de transformation des produits de la pêche au Sahara occidental. En application des dispositions du protocole à l’accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre l’Union et le Maroc relatives à l’appui sectoriel, l’Union a aussi financé un grand nombre d’actions telles que la construction d’infrastructures et d’équipements permettant d’améliorer la compétitivité et l’emploi du secteur de transformation des produits de la pêche.

3.2.2.3 Exportations de produits de la pêche vers l’Union européenne

Selon des informations marocaines, les exportations vers l’Union de produits de la pêche 31 du Sahara occidental et le montant des droits non-payés grâce à l’application des préférences prévues par l’accord d’association UE-Maroc sont les suivants:

2015

2016

Valeur des importations

Montant des droits à l’importation

Valeur des importations

Montant des droits à l’importation

1.000€

1.000€

Droit moyen

1.000€

1.000€

Droit moyen

Maroc et Sahara occidental

1.087.952

133.356

12,3%

1.171.854

136.562

11,7%

Sahara occidental
%

121.823
11,2%

9.093
6,8%

7,5%

134.010
11,4%

9.477
6,9%

7,1%

Taux de change €/ MAD utilisé: 10,819 (2015) et 10,836 (2016)

En tonnage, selon des informations marocaines, les exportations du Sahara occidental s’élèvent à 44.891 tonnes pour 2015 et 54.637 tonnes pour 2016 32   33 . En termes de valeur, les importations en provenance du Sahara occidental seraient de 121 millions d’euros pour 2015 et 134 millions d’euros en 2016, et dépassaient légèrement 11% de la valeur totale des importations en provenance du Maroc et du Sahara occidental 34 .

Ainsi, les chiffres du Maroc indiquent un montant d’exportations de produits de la pêche du Sahara occidental vers l’Union, inférieur aux données de l’Union sur ses importations alors que les chiffres pour la totalité des exportations vers l’Union de produits du Maroc et du Sahara occidental (1,01 milliard d’euros pour 2015 et 1,14 milliard d’euros pour 2016) sont similaires aux données de l’Union. En termes de concessions préférentielles, le tableau ci-dessus montre que le montant des droits non-perçus en raison de l’application des préférences tarifaires prévues par l’accord d’association UE-Maroc est situé entre 9 et 9,5 millions d’euros par an.

En ce qui concerne les établissements de transformation de produits de la pêche au Sahara occidental, les exportations vers l’Union doivent provenir d’établissements « autorisés » ou d’entreprises de transformation/stockage. La liste des établissements autorisés est publique et disponible sur le site de la Direction Générale en charge de la santé et la sécurité alimentaire de la Commission européenne (DG SANTE)  35 .

De cette liste, il ressort que les établissements autorisés dans le territoire pour la transformation de produits de la pêche et de l’aquaculture se trouvent dans les trois localités côtières suivantes: Dakhla (au sud), Laâyoune (au nord) et Boujdour (dans le centre).

Selon des informations marocaines, le nombre d'emplois directs dans des établissements qui exportent vers l’Union, y compris un certain nombre de navires-usines, sont les suivants:

Ville

Nombre d’établissements

Nombre d’employés

Permanents

Temporaires

2015

2016

2015

2016

Dakhla

89

1.908

1.994

5.723

5.983

Laâyoune

48

1.197

1.248

3.591

3.743

Boujdour

4

118

124

354

371

Total

141

3.223

3.366

9.668

10.097

Selon des informations marocaines, environ 50 % de la production de ces établissements sont destinés à l’Union européenne. On peut donc en conclure que la moitié de cet emploi (plus de 6.500 personnes en 2016) dépend directement des exportations vers l’Union.

La liste des établissements fournie par le Maroc coïncide avec celle des établissements autorisés conformément à la législation de l’Union.

3.2.2.4L’impact de l’application des préférences commerciales

L’extension des préférences prévues par l’accord d’association UE-Maroc aux produits du Sahara occidental permettrait l’importation en franchise de droits dans l’Union de produits de la pêche du Sahara occidental pour une valeur de 100 à 200 millions d’euros. L’extension des préférences tarifaires à ces exportations entraînerait la non-perception dans l’Union d’un montant de 9 à 9,5 millions d’euros par an.

Si l’on considère les espèces de produits de la pêche exportées du territoire, le tableau suivant montre les principales espèces concernées en 2015 et 2016 en termes de droits non-perçus:

Espèces

Taux du droit (*)

2015

2016

1.000€

1.000€

Poulpes, congelés

8%

5.412,73

5.348,19

Sardines, congelées

23%

1.137,41

1.198,29

Maquereaux, en conserve

25%

417,14

608,01

Sardines, en conserve

25%

452,67

378,55

Seiches, congelées

6%

255,02

370,30

Calamars, congelés

6%

188,32

325,16

Maquereaux, congelés

20%

128,39

292,70

(*) Droit de douane applicable dans l’Union sous le régime de la nation la plus favorisée (aucune préférence n’est appliquée)

Enfin, en termes d’emplois générés directement ou indirectement au Sahara occidental par la production et la transformation de produits de la pêche, soit directement sur les navires de pêche, dans les établissements de transformation de produits de la pêche ou générés dans les industries liées à la production de produits de la pêche, les chiffres sont les suivants 36 :

Ville

Nombre d’employés

2015

2016

Dakhla

A terre

Temporaires

22.915

23.931

Permanents

7.638

7.977

En mer

Temporaires

-

-

Permanents

15.082

15.082

Laâyoune

A terre

Temporaires

14.338

14.973

Permanents

4.779

4.991

En mer

Temporaires

-

-

Permanents

15.633

15.633

Boujdour

A terre

Temporaires

1.419

1.482

Permanents

473

494

En mer

Temporaires

-

-

Permanents

5.528

5.528

TOTAL

A terre

Temporaires

38.672

40.386

Permanents

12.891

13.462

En mer

Temporaires

-

-

Permanents

36.243

36.243

Selon des informations marocaines environ 50 % de la production de ces établissements est destinée à l’Union, on peut donc considérer qu'environ 45.000 emplois dépendent directement ou indirectement des exportations vers l’Union européenne.

Etant donné que les droits sur les produits de la pêche sont élevés, voire très élevés dans certains cas (par exemple : 25% pour les sardines en conserve), des préférences tarifaires (droit zéro) peuvent faire une différence importante sur les décisions d'approvisionnement des importateurs de l'Union. Dans le cas du Sahara occidental, le non-octroi des préférences pourrait avoir comme impact que l'activité de transformation effectuée actuellement dans le Sahara occidental se déplacerait ailleurs – et en particulier au Maroc – en vue de bénéficier de préférences, au détriment des populations locales  37 .

Il existe des allégations selon lesquelles, cette activité ne bénéficierait pas aux populations locales. Il a ainsi été fait référence à des manifestations en 2012 de diplômés de l’Institut technique des pêches maritimes protestant contre leur exclusion du marché de l’emploi dans le secteur de la pêche, du fait que les entretiens d’embauche dans le secteur de la pêche se déroulaient au Maroc et demandant à ce que ces entretiens se déroulent à Laâyoune. Des allégations similaires ont été formulées en 2011 et 2013 (voir différents rapports de Western Sahara Resource Watch 38   39   40 ). Toutefois, il n'y a pas d'indices, dans les informations dans le domaine public, que ces pratiques auraient continué après ou que des manifestations en ce sens se seraient produites après début 2013. En tout état de cause, ces allégations ne sont toutefois pas la preuve que les Sahraouis seraient effectivement exclus de l’emploi dans le secteur de la pêche. Par ailleurs, au cours des entretiens menés en février 2018, les interlocuteurs ont régulièrement insisté sur le caractère bénéfique de l’extension des préférences pour le secteur agricole, mais aussi pour celui de la pêche. Certains ont d’ailleurs souligné que les Sahraouis étaient davantage enclins à travailler dans l’agriculture, une activité traditionnelle, plutôt que dans la pêche, une activité généralement étrangère à des éleveurs nomades.

3.2.2.5Conclusion

Il existe au Sahara occidental une importante industrie de transformation des produits de la pêche, comprenant 141 établissements autorisés à exporter vers l’Union Européenne. Les exportations de produits de la pêche du territoire en 2015 et 2016 se sont élevées à entre 100 millions et 200 millions d’euros. Le nombre d’emplois dépendant de ces exportations vers l'Union européenne, directement ou indirectement, était d’environ 45.000. L’extension des préférences tarifaires à ces importations aurait donc un impact important sur l’économie du territoire et donc sur l’emploi. Elle serait aussi cohérente avec la contribution de l’Union européenne pour soutenir et développer au Sahara occidental par son appui financier la compétitivité du secteur, l’emploi et la qualité de vie des pêcheurs ainsi qu’une exploitation durable des ressources naturelles. A l’inverse, refuser l’octroi de ces préférences compromettrait les exportations mais aussi l’emploi, et faciliterait le transfert de ces activités de transformation vers d'autres emplacements et probablement vers le Maroc. Elle serait aussi contraire aux objectifs de l’Union européenne de soutenir le développement de ce secteur au Sahara occidental.

Les importateurs européens de produits de la pêche du Sahara occidental ont indiqué que, vu le niveau élevé du tarif extérieur commun (hors préférence – taux non-préférentiels), l’achat de ces produits serait beaucoup moins avantageux si aucun traitement préférentiel n’était accordé.

3.2.3Le secteur des phosphates

3.2.3.1Introduction

Les phosphates sont des minerais (roches) qui sont à la base des engrais phosphatés utilisés dans l’agriculture. Plus de 80% de la production mondiale est utilisée par l'agriculture; il n’existe pas de produit de substitution et la demande va croissante. Les gisements les plus importants se trouvent à présent au Maroc 41 .

La première entreprise mondiale pour l’exportation de phosphate est le groupe OCP (ex Office Chérifien des Phosphates) 42 qui contrôle l’ensemble de la filière au Maroc et au Sahara occidental.

Les principales mines de phosphate sont établies au Maroc (Khouribga et Gantour), le Sahara occidental ne connaissant actuellement qu’un seul site d’extraction situé à Boucraa 43 . Les rapports annuels du groupe OCP font apparaître la production marocaine et du Sahara occidental sans toutefois permettre de distinguer entre les parts respectives du Maroc et du Sahara occidental.

Le site de Boucraa est exploité par l'entreprise Phosboucraa. Il produit actuellement 2,6 millions de tonnes de minerais de phosphate 44 et recélerait environ 300 ans de réserve exploitable de phosphate (réserves estimées à 1,1 milliard de m³). Les investissements prévus pour la période 2014-2020 sont de 17 milliards de dirhams (équivalent à environ 1,6 milliard d’euros) 45 .

En ce qui concerne l’emploi, avec près de 2200 employés, Phosboucraa est le plus gros employeur privé du territoire. Selon OCP, alors que dans les années 1970 le pourcentage de main d’œuvre locale était de 4%, il est en 2017 de 76% et presque 100% des nouveaux employés sont recrutés localement. Le nombre d’employés occupant des fonctions de direction (« managerial positions ») est passé de un en 2003 à 27 en 2017, ce qui représente 55 % des 49 emplois occupant des fonctions de direction. Cette activité économique rayonne sur la région (50 entreprises locales représentant 450 emplois indirects, prestations sociales versées aux familles et aux retraités du site, présence de services médicaux…). OCP signale également la présence d’une installation de dessalement d’eau de mer, la replantation de 13000 arbres, la labellisation de la plage de Laâyoune en pavillon bleu depuis 2008 grâce aux effets du projet « plages propres ». Pour la période 2013-2022, 250 millions USD ont été alloués au budget du Conseil de Phosboucraa pour le développement social de la région ainsi que 140 millions USD pour des projets immobiliers, soit un total d'environ 2,2 milliards USD.

Certains proposent, toutefois, une vision moins favorable. Par exemple, Western Sahara Resource Watch soutient qu’en 1968 il y avait 1600 Sahraouis employés dans l'industrie du phosphate dans ce qui est aujourd'hui le Sahara Occidental 46 . Aujourd'hui, la plupart d'entre eux ont été remplacés par des Marocains qui se sont installés dans le territoire. L'industrie n’emploierait maintenant que 200 Sahraouis sur une main-d'œuvre totale de 1900. Les employés sahraouis souffriraient de discrimination par rapport à leurs collègues marocains. De plus, très peu de Sahraouis auraient bénéficié d’avancement depuis 1975 et la plupart auraient été licenciés 47 .

A cet égard, il faut tout d’abord souligner l´impossibilité de faire des comparaisons entre la période actuelle et celle où le Sahara occidental était encore une colonie espagnole. De plus, il est vrai que les chiffres fournis par OCP font référence à une main d’œuvre recrutée localement et non à une main d’œuvre d’origine sahraouie. Or d’une part les services de la Commission européenne ne disposent pas des moyens de vérifier localement la qualité des personnes employées (Sahraouis ou non) et d’autre part, là encore, il ne revient pas à l'Union européenne de déterminer qui fait partie de la population autochtone. Par ailleurs, pendant les entretiens menés en février 2018, il n’a pas été présenté dindices de discrimination à l’embauche sur une base ethnique. D'autres informations publiées vont dans le même sens 48 .

En ce qui concerne le caractère durable de l’exploitation des ressources naturelles, Phosboucraa a déployé d’importants moyens pour maximiser l’efficacité énergétique en se tournant vers les énergies renouvelables. Depuis juillet 2013, 99,8% de la consommation de Phosboucraa est fournie par le parc d’éoliennes de Foum El Oued.

3.2.3.2Production, commerce avec l’UE et impact socio-économique

La production de phosphate constitue une source d’activité majeure pour le territoire du Sahara occidental. Il importe donc d’explorer le potentiel des phosphates en matière de développement de l'activité industrielle saharienne et des bénéfices pour la population. Cependant, aux fins de cet exercice, le recours aux statistiques du commerce est insuffisant. En effet, là encore, dans les chiffres globaux disponibles (la seule source étant le Maroc), la part du Sahara occidental n’est pas précisée. On sait qu’en 2015 34% des importations de phosphate de l’Union provenaient du Maroc, mais il n’est pas possible de préciser la part correspondant à des exportations du Sahara occidental.

Toutefois, en analysant les rapports spécifiques dédiés au secteur, il s'avère possible d’établir l’impact de la non-application de la préférence tarifaire pour les différents produits phosphatés lors de leur importation dans l’Union européenne.

Parmi les engrais minéraux ou chimiques phosphatés, la nomenclature douanière appliquée par l'Union fait une distinction entre les "superphosphates" 49  et les autres types d’engrais phosphatés. La majeure partie du phosphate brut 50 importé dans l'Union n'est pas assujettie à des droits de douane y compris dans le cadre d’un régime préférentiel. Pour ces produits, l’extension de l’accord d’association UE-Maroc aux produits du Sahara occidental n'aurait donc aucun impact. Seuls les "superphosphates" 51 sont soumis à des droits de douane à l’importation dans l’Union (4,8%). La question de l’impact de l’accord ne se pose donc que pour ces produits.

De 2014 à 2016, les droits de douane en jeu varient entre 1,13 million et 1,83 million d’euros. De ces importations dans l’Union on peut considérer que la part des importations en provenance du Sahara occidental est marginale. En effet, comparé aux sites marocains, le site de Phosboucraa a une capacité de production relativement faible ; de plus selon des informations marocaines, les exportations de ce site ne seraient pas destinées à l’Union européenne 52 .

Il doit donc être conclu de ce qui précède que l'impact sur la production actuelle des phosphates au Sahara occidental d'une non-application de la préférence tarifaire sur les droits de douane en jeu est limité voire nul ou, dit autrement, que l’octroi des préférences tarifaires prévues par l’accord d’association UE-Maroc n’a pas d’impact sur les importations actuelles de superphosphates à partir du Sahara occidental.

Cependant, il y a certains produits dérivés 53 des phosphates qui ne sont pas actuellement produits au Sahara occidental en raison de l’absence de site industriel de transformation du phosphate sur le territoire mais qui pourraient l'être et en ce cas bénéficieraient des préférences, car leur importation dans l'Union est aujourd’hui assujettie à des droits de douane compris entre 4,8% et 6,5% lorsqu’ils sont originaires de pays avec lesquels l’Union n’a pas d’accord préférentiel. Il est donc nécessaire d’évaluer l’impact de l'exclusion des produits sahariens de la préférence tarifaire prévue par l’accord d’association UE-Maroc; à cette fin, il faut analyser si la transformation des matières originaires du Sahara occidental faites dans d’autres sites, au Maroc, a un impact sur la détermination de l’origine préférentielle.

La règle d’origine appliquée à ces produits dans le cadre de l’accord d’association est déterminante pour conclure si un impact est possible ou non. Cette question concerne l’acide phosphorique et certains engrais :

Acide Phosphorique (SH 29.19)

29.19 - Esters phosphoriques et leurs sels, y compris les lactophosphates; leurs dérivés halogénés, sulfonés, nitrés ou nitrosés.

Le droit de douane normal (clause de la nation la plus favorisée) est de 6,5%.

Le droit préférentiel dans le cadre de l’accord d’association est nul.

La règle d’origine applicable pour bénéficier de la préférence est: changement de classement tarifaire ou règle de valeur ajoutée (au maximum 40% de matières non-originaires)

La règle d’origine pour ce produit est un changement de position tarifaire. Sachant que le phosphate (potentiellement du Sahara occidental) est classé au chapitre 31 du système harmonisé, la production d’acide phosphorique dont le produit final relève du chapitre 29 du système harmonisé résulte en un changement de chapitre et donc de position tarifaire. Par conséquent, la transformation est suffisante et l’origine préférentielle de l’acide phosphorique ne dépend pas de l’origine du phosphate mis en œuvre. L’origine, critère déterminant pour définir le taux du droit de douane applicable, dépend du pays où a lieu la transformation du phosphate en acide phosphorique. En conséquence, quelle que soit l’origine du phosphate mis en œuvre, l’acide phosphorique produit au Maroc peut bénéficier d’un traitement préférentiel lors de son importation dans l’Union.

Engrais (SH 31.05)

31.05 - Engrais minéraux ou chimiques contenant deux ou trois des éléments fertilisants: azote, phosphore et potassium; autres engrais; produits du présent chapitre présentés soit en tablettes ou formes similaires, soit en emballages d'un poids brut n'excédant pas 10 kg.

Le droit de douane normal (clause de la nation la plus favorisée) est de 6,5%.

Le droit préférentiel dans le cadre de l’accord d’association est nul.

La règle d’origine applicable pour bénéficier de la préférence est: changement de classement tarifaire avec un maximum de 50% de matières non-originaires, ou règle de valeur ajoutée (au maximum 40% de matières non-originaires).

Si des préférences tarifaires étaient appliquées aux produits du Sahara occidental, l’acide phosphorique qui serait produit à Laâyoune bénéficierait de préférences ; ce serait aussi le cas pour ce qui concerne les engrais et ceci à double titre car pour avoir une origine préférentielle il faudrait qu'au minimum 50 % des matières premières soient originaires ce dont bénéficierait Phosboucraa. Les projets du groupe OCP visant au développement d’un complexe industriel pour la production d’engrais à Laâyoune (acide phosphorique et engrais), mais aussi la construction d’un nouveau quai au port de Laâyoune, pourraient donc être affectés par l’absence de traitement tarifaire préférentiel pour les produits en question.

En effet, des annonces ont été faites concernant de futurs investissements pour la production d’une gamme élargie d’engrais partie intégrante d’un plan de développement. Ce plan est basé sur la création d’un complexe chimique intégré à Phosboucraa permettant également de gagner une flexibilité accrue face aux changements des cours du marché de la roche de phosphate brute (le montant de cet investissement est évalué à 1,2 milliard USD).

Les détails de ce plan d’investissement sont présentés par OCP pour un total (comprenant aussi d'autres investissements à plus longue échéance) de plus de 2 milliards USD 54 . Ces projets seraient remis en cause si les préférences ne pouvaient être accordées aux produits du Sahara occidental, avec les conséquences que cela entraînerait pour l’emploi local.

3.2.3.3Conclusion

Au vu de son état actuel, l’industrie du phosphate du Sahara occidental – et donc l'activité économique dans ce secteur mais aussi l'emploi et d'autres aspects socio-économiques - n’est pas immédiatement et directement impactée par l’exclusion du Sahara occidental de l’accord d’association. On peut identifier trois raisons principales à cela: 1. certains produits (phosphates bruts) sont assujettis à droit zéro (clause de la nation la plus favorisée, 2 - il n'y a pas de production de phosphates pour lesquels un marché existe au sein de l'Union, 3 - la transformation au Maroc (ou au sein de tout autre pays avec lequel l’Union européenne a conclu un accord préférentiel) de certains phosphates produits au Sahara occidental serait suffisante pour conférer à ces produits une origine préférentielle Maroc, donc le bénéfice des préférences pour ces produits transformés ne dépend pas de l'origine des minerais.

Dans le même temps, il apparaît que l'octroi de préférences aux produits originaires du Sahara occidental aurait un impact sur le développement futur de la production de certains phosphates. En effet, d'importants investissements annoncés (plus de 2 milliards USD) dans la production de produits dérivés du phosphate au Sahara occidental (notamment l'acide phosphorique et les engrais) seraient compromis si les exportations vers l’Union de ces produits phosphatés ne pouvaient pas bénéficier d’un traitement préférentiel. En l'absence de préférences, les investissements dans d'autres endroits où la production bénéficierait de préférences (par exemple au Maroc) seraient plus attrayants qu'au Sahara occidental. L'interruption des investissements au Sahara occidental aurait un impact sur la capacité de production, la diversité des produits et donc sur les emplois dans la filière des phosphates dans la région.

4CONSULTATIONS DES POPULATIONS CONCERNEES PAR LA MODIFICATION DES PROTOCOLES N° 1 ET N° 4 DE L’ACCORD D’ASSOCIATION 

4.1Objectif et portée de l'exercice de consultation

L'un des objectifs de la négociation était de veiller à ce que, dans la préparation de la modification des protocoles n° 1 et 4 de l'accord d’association UE-Maroc, "les populations concernées par ce dernier aient été associées de manière appropriée." À cette fin, les services de la Commission et le SEAE se sont employés à ce que leur approche, tant dans la conception de la modification que dans la manière de consulter les populations concernées, respecte le jugement de la Cour de justice de l’Union européenne du 21 décembre 2016 et sans préjuger aucunement de l'issue du processus des Nations unies ni en entraver le bon déroulement. A ce titre, la nature encore non-résolue du processus d'auto-détermination du Sahara occidental était une dimension importante à prendre en compte par les services de la Commission et le SEAE. En outre, et alors même que les consultations s'inscrivaient dans un contexte politique hautement complexe et sensible, la question posée n'était pas celle du statut final du territoire mais celle de savoir si l'Union européenne devait appliquer des préférences tarifaires dans le cadre de l'accord d’association UE-Maroc aux produits provenant du Sahara occidental. Cet angle particulier retenu par les services de la Commission et le SEAE se fondait sur le caractère essentiellement économique de l'accord ainsi que sur le souci de l'Union européenne d'éviter de fragiliser des flux d'échanges commerciaux traditionnels.

4.2Principaux résultats

Dans le cadre susmentionné, l'exercice de consultation poursuivi par les services de la Commission européenne et le SEAE a revêtu une triple dimension. En tant que partenaire de la négociation, le Gouvernement du Maroc a mené pour sa part un large exercice de consultation des élus régionaux, en vertu et dans le respect de ses propres règles institutionnelles, et en a partagé les conclusions avec les services de la Commission européenne et le SEAE. Par ailleurs, ces derniers ont également souhaité consulter le plus large éventail possible d'organisations politiques, socio-économiques ou issues de la société civile susceptibles de représenter les intérêts locaux ou régionaux du Sahara occidental. Enfin, des discussions ont aussi eu lieu avec le Front Polisario, en tant qu'une des parties au processus de paix conduit par les Nations unies.

Résultats des consultations par les autorités marocaines des représentants élus du Sahara occidental au sein des organes constitutionnels nationaux, régionaux et locaux.

Les 5 et 6 mars 2018, les autorités marocaines ont consulté les représentants élus des organes constitutionnels nationaux, régionaux et locaux. Ces consultations ont impliqué les quatre conseils régionaux les plus directement intéressés 55 , leurs Chambres régionales professionnelles d’agriculture respectives ainsi que la Commission des affaires étrangères de la chambre haute du Parlement marocain ("Chambre des Conseillers"). Les représentants des conseils régionaux ont été élus en 2015 dans le cadre des premières élections régionales au suffrage universel direct tenues au Maroc 56 . S'agissant de l'origine des représentants élus, le compte rendu des autorités marocaines indique que tous les conseillers régionaux des régions  de Laâyoune Sakia el Hamra et Dakhla-Oued ed Dahab, les deux régions qui couvrent la quasi-intégralité du territoire du Sahara occidental, de même que les membres des chambres régionales d'agriculture de ces dernières, sont issus de tribus locales sahraouies. La moitié des membres de la Commission des affaires étrangères sont également de même origine sahraouie, dont le président.

Le rapport officiel émanant des autorités marocaines sur le résultat de la consultation des institutions légales marocaines fait apparaître un attachement unanime des représentants locaux, régionaux et nationaux envers le partenariat entre l’Union européenne et le Maroc sur l'agriculture et la pêche et sa pleine cohérence avec les politiques de développement socio-économique nationales poursuivies dans ces domaines. Les représentants élus se félicitent de l'aboutissement des négociations et soulignent les importants bénéfices socio-économiques en découlant, notamment au regard de la promotion des exportations. A titre d'exemple, un conseil régional mentionne les agrumes et huiles végétales parmi les produits d'exportation prometteurs à encourager, tandis qu'une chambre régionale d'agriculture souligne le marché potentiel qui pourrait s'ouvrir en matière de produits camelins et la nécessité de coopérer avec l'Union européenne pour mettre les produits du Maroc en conformité avec les normes européennes en matière sanitaire et phytosanitaire. Les représentants élus ont également exprimé leur intérêt pour développer les mécanismes d'accompagnement appropriés pour assurer l'échange d'information et le suivi nécessaires afin d'optimiser les bénéfices de de l'accord d’association UE-Maroc.

Résultats des consultations menées par les services de la Commission européenne et le SEAE auprès d'organisations politiques, socio-économiques ou issues de la société civile.

Le second niveau de consultations, celles-ci directement poursuivies par les services de la Commission européenne et le SEAE, avait pour champ le plus vaste éventail possible de parties prenantes émanant du Sahara occidental. L'objectif était de mesurer le soutien à l'accord d’association UE-Maroc parmi les opérateurs de terrain, au-delà des organes institutionnels.

A cette fin, invitation fut lancée à un vaste échantillon régional d’acteurs politiques locaux, forces vives économiques, organisations de la société civile, notamment dans le domaine des droits de l'homme.  Les réunions se sont tenues entre la mi-février et la mi-mars 2018. La liste complète des organisations ainsi consultées est disponible en annexe.

Cinq des organisations de la société civile consultées par les services de la Commission Européenne et le SEAE ont décliné l'invitation 57 . Se distinguant par leur proximité ou sympathie envers le Front Polisario, celles-ci arguèrent pour l'essentiel qu'il convenait tout d'abord de consulter ce dernier en leur lieu et place, que la consultation n'était pas compatible avec le droit international ou avec l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 21 décembre 2016 et qu'aucune consultation en matière d'accord commercial ne saurait avoir lieu en présence d'une "occupation armée." En réponse, les services de la Commission européenne et le SEAE ont réitéré à chacune leur invitation ainsi que leur disposition au dialogue sur la base d'un agenda ouvert.

Les autres organisations de la société civile et un certain nombre de représentants politiques locaux ont accepté l'invitation d'exprimer leurs vues sur la modification proposée (cf. annexe). Outre qu'elles reflètent la polarisation du débat politique sur le Sahara occidental, ces consultations ont fait ressortir une reconnaissance générale du progrès socio-économique qu'a vécu  le Sahara occidental au cours des dernières années. Dans cette optique, les accords avec l'Union européenne sont perçus comme un puissant levier propre à favoriser un développement ultérieur vers une perspective de croissance durable.

Les représentants politiques consultés, tous d'origine sahraouie, ont majoritairement appelé de leurs vœux la poursuite de relations commerciales entre l'Union européenne et la région dans le cadre des relations entre l’Union européenne et le Maroc. Tout en professant un attachement profond à leur identité et foyer culturel sahraoui, ils ont aussi reconnu que la prospérité de la région et son développement socio-économique demeuraient intimement liés aux efforts de développement du Maroc et à l'accès aux marchés étrangers dont ils sont porteurs. Pour preuve de leur représentativité, les représentants locaux et régionaux du Sahara occidental se sont prévalus du fait qu'ils étaient issus des premières élections régionales et locales au suffrage direct jamais tenues, élections observées internationalement et dont le taux de participation dans leurs régions avait excédé la moyenne nationale.

Les représentants élus considèrent la promotion de relations commerciales avec l'Union européenne comme un complément indispensable au nouveau modèle de développement poursuivi par le Maroc au Sahara occidental depuis 2015. L'ambition de ce dernier est d'opérer une mutation d'une économie d'inspiration étatiste par trop dépendante des subventions d'Etat vers un modèle plus ouvert vers l'extérieur et plus économiquement opérationnel, de nature à encourager l'investissement privé à travers des partenariats public-privé. De ce point de vue, la possibilité d'entretenir des relations commerciales avec l'Union européenne, premier partenaire commercial du Maroc, est vue comme un "cordon ombilical". Faute de cela, les efforts de diversification économique au-delà de l'exploitation traditionnelle des matières premières vers l'agriculture et la pêche (c'est à dire au-delà des phosphates) s'étioleraient rapidement.

Lors même que les dirigeants politiques sahraouis admettent que l'Etat marocain a investi massivement dans le développement d'infrastructures régionales, avec des retombées positives sur la population dans son ensemble,  ils ne manquent pas de souligner que des préférences tarifaires avec l'Union européenne n'en demeurent pas moins nécessaires pour optimiser et rentabiliser de tels investissements.  Leur attente est que de telles préférences améliorent le climat des affaires et promeuvent les investissements directs européens, confortant ainsi le nouveau modèle régional de développement durable et participatif. A l'inverse, la persistance d'incertitudes juridiques hypothéquant  les flux commerciaux entre l'Union européenne et le Sahara occidental aurait un coût socio-économique important, ainsi qu'en témoigne déjà le ralentissement des échanges avec certains Etats européens ou dans certains secteurs. Tarir l'accès du Sahara occidental à certains marchés ou investissements ne ferait qu'accuser sa dépendance économique à un système dépassé de relations "centre-périphérie". Cela ne ferait qu'handicaper l'émergence d'évolutions socio-économiques et politiques au moment même où le développement économique du Sahara occidental prend finalement son essor.

Les services de la Commission européenne et le SEAE ont aussi consulté plus d'une quinzaine de forces vives socio-économiques, exportateurs, entrepreneurs, organisations de la société civile protectrices de l'environnement  ou des droits de l'homme. Presque toutes se sont exprimées en faveur du maintien de relations commerciales préférentielles avec l'Union européenne. De telles relations seraient vitales pour le maintien de relations commerciales stables et pour l'investissement, gages d'un meilleur emploi local. Certaines ont toutefois fait observer que les bénéfices accordés par l'Union européenne au Sahara occidental gagneraient à être plus équitablement répartis parmi les populations locales, notamment en raison du caractère peu diversifié de l'économie régionale. En vertu de quoi, l'impact des préférences tarifaires sur les différents segments de la population devrait être suivi et des mesures d'accompagnement considérées afin d'optimiser les effets bénéfiques au profit des groupes sociaux les moins avantagés, tels que les populations nomades. La communauté de valeurs entre l'Union européenne et le Maroc faciliterait la mise en place concertée de tels mécanismes de suivi et d'orientation.

S'agissant du respect des droits socio-économiques et politiques au Sahara occidental, certaines inquiétudes exprimées par des acteurs de la société civile présentent quelque analogie avec celles exprimées quant à la situation des droits de l'homme au Maroc en général. Il a été notamment fait état de restrictions à la liberté d'expression, de faits de corruption et d'insuffisances en matière de responsabilité des pouvoirs publics (« accountability »). Cependant, parmi les questions qui se sont manifestées avec plus d'acuité au Sahara occidental qu'ailleurs figurent notamment celles relatives aux droits civils et politiques. Au nombre des questions mentionnées, il convient de citer les difficultés dont certaines organisations ont pu faire l'expérience pour obtenir leur enregistrement, les restrictions susceptibles d'entraver l'activité de certains défenseurs des droits de l'homme ou encore celles pouvant s'appliquer à l'accès au territoire du Sahara occidental pour certains étrangers, tels que journalistes, avocats ou défenseurs des droits de l'homme. Si aucune politique de discrimination systématique sur des critères ethniques n'a été évoquée quant à l'accès à l'emploi ou aux droits sociaux, certains cas individuels d'abus administratifs ou de privation de droits ont néanmoins été mentionnés. Tandis que la plupart des interlocuteurs s'accordent sur le nécessaire maintien du leadership des Nations Unies dans la conduite du processus politique au Sahara occidental, nombreux sont également ceux qui ont souligné le "droit au développement" de la population dans l'attente de l'aboutissement du processus politique. Ainsi que résumé par un interlocuteur, être privé de ce droit au développement pénalise déjà les populations sahraouies, les priver d'accès aux marchés européens pour cause de contentieux sur un accord entre l’Union européenne et le Maroc les pénaliserait doublement. De nombreux interlocuteurs ont aussi souligné que la pleine jouissance des droits de l'homme présupposait aussi le développement économique et que l'accès des populations à un système de santé décent ou à l'éducation ne pouvait être satisfait sans ressources économiques. Selon ces derniers, les ressources provenant des activités de pêche et d'agriculture sont essentielles pour le territoire, d'où l'urgence de trouver une solution à la question du statut du Sahara occidental. Entretemps, et dans l'attente d'une solution politique, il importe toutefois de répondre au plus tôt aux nécessités socio-économiques du moment et l'exploitation des ressources est la condition même d'une vie digne.

Les interconnections et la solidarité entre régions serait aussi une question cruciale. A ce titre, le cas de la ville de Smara et les conséquences désastreuses de son éventuel isolement en cas de rupture des liens commerciaux avec Tan-Tan a été mentionné.

Au sujet de la répartition équitable des ressources, la présence assez nombreuse des Sahraouis dans le tissu économique a souvent été évoquée, bien qu'aucun système de suivi transparent n'ait pu être mis en place pour s'assurer que les ressources bénéficiaient à la population dans son entier. Le rôle de la société civile et des acteurs associatifs est donc essentiel pour garantir une gestion correcte des ressources et la responsabilité administrative des pouvoirs publics.

La question de la diaspora et des droits des personnes ayant décidé de rentrer au Sahara occidental a aussi été évoquée. Aucune restriction ne pèserait sur le retour des Sahraouis de Tindouf (Algérie) vers le Sahara occidental. Au contraire, le Maroc aurait mis en œuvre une politique de discrimination positive offrant aux populations "rapatriées" emplois (parfois à des niveaux élevés) et logements. Toutefois, aux dires de certains interlocuteurs, les populations des camps vivent sous un régime de stricts contrôles et celles qui ont pu partir sont déjà parties.

Résultat des consultations avec le Front Polisario

Le SEAE a aussi tenu des consultations avec le Front Polisario, en tant qu'une des parties au processus des Nations Unies. Rappelant que de telles consultations revêtaient une nature technique, le SEAE a précisé qu'elles ne remettaient pas en cause la politique de l'Union européenne quant à la non-reconnaissance diplomatique du Front Polisario par les Etats membres de l’Union européenne.

Sans souhaiter aborder les aspects relatifs à la modification des protocoles de l’accord d’association à proprement parler, le Front Polisario a regretté son absence d'implication dans la négociation alors même que le droit international lui conférerait pouvoir de représentation en pareil cas. De la sorte, selon le Front Polisario, l'approche européenne revient à circonvenir le jugement de la Cour de justice de l’Union européenne du 21 décembre 2016 en entérinant la politique de "fait accompli" du Maroc, minant ainsi le processus de paix. Pour cette raison le Front Polisario ne peut que rejeter la modification, tant pour son contenu (tous les bénéfices reviendraient au Maroc) que pour la procédure de consultation suivie, et l'attaquerait donc en justice s'il était adopté. Quoi qu'il en soit, toute consultation serait devenue sans objet puisque le projet d'accord a déjà été paraphé. Par ses concessions répétées au Maroc, l'Union européenne risque, selon le Front Polisario, de mettre en danger le processus des Nations Unies.

Dans de telles conditions, la question de savoir si la modification des protocoles de l’accord d’association est bénéfique ou non aux populations sahraouies serait devenue subsidiaire. Ces arguments ont pour l'essentiel été repris dans un communiqué de presse publié peu après par le Front Polisario (9 février 2018).

4.3Conclusion

Le processus de consultation mené par les services de la Commission Européenne et le SEAE indique que la majorité des populations vivant actuellement au Sahara occidental est très largement en faveur de l'extension des préférences tarifaires aux produits du Sahara occidental dans le cadre de l'accord d’association UE-Maroc. Une opinion positive a également été exprimée par les représentants élus du Sahara occidental au sein des organes nationaux, régionaux et locaux suite à l'exercice de sensibilisation et consultation mené par les autorités dans le cadre institutionnel marocain. Cette opinion est partagée par une large majorité d'organisations socio-économiques de terrain au sein de la société civile. Les préférences tarifaires de l'Union européenne et, d'une manière plus générale, l'existence d'un cadre juridique stable pour les échanges commerciaux avec l'Union européenne sont considérés essentiels au développement durable du territoire et pour l'amélioration des conditions socio-économiques de la population qui y réside. Bien que certaines inquiétudes existent en matière de droits de l'homme, la couverture des produits du Sahara occidental par l'accord d’association UE-Maroc ou d'autres accords est perçue comme un levier pour améliorer les standards en matière socio-économique et de droits de l'homme dans la région. Cette perception générale est sans préjudice des diverses opinions que peuvent par ailleurs nourrir les interlocuteurs quant au statut du territoire, pour lequel ils sont unanimes à considérer le processus des Nations Unies comme le seul valable.

Le Front Polisario rejette la modification visant à étendre les préférences tarifaires aux produits du Sahara occidental dans le cadre de l'accord d’association UE-Maroc essentiellement car la couverture du Sahara occidental par l’accord d’association UE-Maroc est perçue comme consolidant la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, et non parce que l'extension des préférences tarifaires s'exercerait au détriment des intérêts de développement des populations vivant sur le territoire.

En résumé, la procédure de consultation conduite par les services de la Commission Européenne et le SEAE indique une opinion positive majoritaire en faveur de la modification portant extension des préférences tarifaires prévues par l’accord d’association UE-Maroc aux produits du Sahara occidental. Une opinion favorable s'est manifestée pour faire en sorte que cette modification soit conçue de telle manière à ne porter aucun préjudice au processus des Nations Unies et il doit être veillé à ce que cette modification ne soit pas conçue comme une reconnaissance implicite de la revendication de souveraineté marocaine sur le territoire du Sahara occidental. Des recommandations ont aussi été exprimées en vue d'accompagner la modification par un soutien accru de l'Union Européenne au processus des Nations Unies, étant entendu que seul un accord de paix durable et mutuellement acceptable sera de nature à conforter la stabilité politique et juridique de l'accord. Enfin, une opinion favorable s'est dessinée en vue de la création de mécanismes de nature à assurer que les bénéfices tirés des préférences tarifaires soient plus également répartis, notamment en s'adressant aux segments de la population vivant d'activités traditionnelles.

5CONCLUSION GENERALE

Le Sahara occidental est une économie de marché en devenir dont l’activité s’articule autour d'un nombre limité d'activités : la pêche et la transformation des produits de la pêche, les mines de phosphate, l’agriculture (notamment fruits et légumes et nomadisme pastoral), le commerce et l’artisanat. D’autres secteurs sont encore embryonnaires à l’instar du tourisme et des énergies renouvelables.

La diversification nécessaire du potentiel économique du Sahara occidental suppose donc l'encouragement des investissements extérieurs, lequel a notamment pour préalable une meilleure sécurité juridique et donc une clarification des conditions tarifaires applicables aux exportations actuelles ou à venir du Sahara occidental en direction de l'Union. Etendre le bénéfice des préférences tarifaires aux produits du Sahara occidental est de nature à sécuriser les conditions d'investissements et, compte tenu du potentiel économique inexploité du territoire et du faible niveau actuel des investissements étrangers directs, d'en favoriser un essor rapide et significatif propice à l'emploi local.

Malgré la difficulté à obtenir des données toujours précises, cette étude permet de conclure à l'existence au Sahara occidental d'activités économiques et de productions qui auraient le plus grand intérêt à bénéficier des mêmes préférences tarifaires que celles accordées au Royaume du Maroc. De fait, certaines de ces productions ont bénéficié jusqu'au 21 décembre 2016 de telles préférences, ce qui a permis le développement de l'activité économique et la création d'emplois au Sahara occidental: c'est le cas notamment dans les secteurs des produits de la pêche et de certains produits agricoles. Une extension des préférences tarifaires de l'Union à ces produits permettrait d'assurer la perpétuation de ces exportations.

A contrario, le non-octroi de préférences tarifaires compromettrait de manière significative les exportations du Sahara occidental, notamment celles relatives aux produits de la pêche et aux produits agricoles. Il est donc probable que le nombre - déjà limité - de ses productions viendrait à se réduire encore davantage, ce qui équivaudrait à créer un handicap aggravant. En effet, en l'absence d'extension des préférences aux produits du Sahara occidental, ces produits seraient soumis aux droits de douane normaux (droit de douane applicable dans l’Union sous le régime de la nation la plus favorisée) et n’auraient donc pas un accès privilégié au marché de l’Union. Le non-octroi des tarifs préférentiels rendrait ces produits non-compétitifs sur le marché européen. Ceci n’affecterait que de manière très limitée les exportations de produits industriels (phosphates), mais aurait un impact très négatif sur les exportations de produits de la pêche et de produits agricoles à destination de l’Union.

De manière plus générale, l'octroi de préférences tarifaires devrait avoir un impact important sur le développement de l'économie saharienne, en stimulant les investissements effectués dans ces secteurs. Ceci est par exemple le cas pour certains phosphates (notamment pour l'acide phosphorique et les engrais), des investissements étant déjà envisagés, pour l'agriculture où il y a également des projets de développement, de même que pour la pêche. A contrario, si de telles préférences n'étaient pas octroyées, les investissements, le développement et la diversification des activités économiques ainsi que l'emploi pourraient se voir entravés.

Les autorités marocaines ont mené à bien un large exercice de consultation institutionnelle embrassant l'ensemble des organes nationaux, régionaux et locaux intéressés afin de les sensibiliser et recueillir leur assentiment et observations éventuelles. Ce processus a conclu à un très large appui en faveur de la modification envisagée ainsi qu'à certaines recommandations pertinentes pour en optimiser les effets. Suite à l’implication des élus territoriaux, le processus de consultation des populations du Sahara occidental mené par les services de la Commission européenne et le Service Européen de l’Action Extérieure a également permis de constater une opinion majoritairement favorable à la modification des protocoles de l'accord d’association UE-Maroc en vue d'en étendre les préférences tarifaires aux produits du Sahara occidental. Une majorité d'interlocuteurs ont fait état d'un impact positif en faveur de la population dans son ensemble, insistant tout particulièrement sur l'effet de levier déterminant qu'auraient de telles préférences commerciales en matière d'investissement privé. Suivant cette logique, un accès privilégié aux marchés européens est de nature à améliorer le climat des affaires ainsi que les investissements directs européens et, ce faisant, conforterait le nouveau modèle de développement participatif et durable du Sahara occidental. A contrario, la persistance de l'insécurité juridique grevant les flux commerciaux avec le Sahara occidental hypothèquerait fortement le développement socio-économique, ainsi qu'en témoigne déjà le ralentissement des relations commerciales du Sahara occidental avec certains Etats membres ou dans certains secteurs. Restreindre l'accès du Sahara occidental aux marchés et investissements étrangers ne ferait qu'entraver le développement d'activités économiques endogènes et compromettre certaines évolutions socio-économiques ou politiques au moment précis où le développement du Sahara occidental semble enfin devoir décoller.

Par ailleurs, les discussions techniques menées avec le Front Polisario ont fait ressortir son opposition de principe à la modification de l'accord, opposition principalement motivée par des considérations politiques plus larges dont la portée ne se référait pas au contenu de la modification à proprement parler.

La modification des protocoles n° 1 et n° 4 de l’accord d’association présenté par la Commission européenne vise donc à consolider et faciliter les exportations du Sahara occidental vers l'Union européenne et à faciliter le développement et la diversification économique de la région.

* * *



Annexe

Liste des parties prenantes consultées dans le cadre de la modification des protocoles n° 1 et 4 de l'accord d'association

1. Acteurs politiques

Présidents de deux conseils régionaux:

·Président du Conseil régional Dakhla-Oued ed Dahab : M. Yanja El Khattat

·Président du Conseil régional Laâyoune-Sakia el Hamra : M. Sidi Hamdi Ould Errachid

Parlementaires provenant du Sahara occidental :

·Parti de la justice et du développement (PJD) : M. Brahim Daaif

·Parti authenticité et modernité (PAM) : M. Moulay Zoubeir Habbadi

Représentant du Front Polisario:

·M. Mohamed Sidati

2. Opérateurs économiques

2.1. Secteur Agriculture

·Association Sahraouie pour le Développement et l’Investissement

·Chambre d’agriculture de la région Dakhla-Oued ed Dahab 

·Groupe d´intérêt économique Agida Dakhla 

·Coopérative Ajban Dakhla 

·Coopérative Halib Sakia El Hamra 

·Coopérative Al Joud 

2.2. Secteur Pêche

·Institut National de la Recherche Halieutique

·Chambre de Pêches Maritimes

2.3. Agents économiques divers

·OCP Group (et la Fondation Phosboucraa)

·L´Agence du Sud

3. Associations travaillant dans le domaine des droits de l´homme.

·Conseil National des Droits de l´Homme

·L'Observatoire du Sahara pour la paix, la démocratie et les droits de l'Homme

·La Commission Indépendante pour les droits de l´Homme

·Association Marocaine de Droits de l´Homme

·Association Sahraouie des Victimes des Violations Graves des Droits de l'Homme

·Association Al Ghad pour les droits de l'Homme

·Western Sahara Campaign

·Western Sahara Resource Watch

·Independent Diplomat

·Délégation de 85 associations cosignataires d’une lettre adressée à la Commission européenne et au SEAE le 3 février 2018 concernant la modification des protocoles.

(1)

 L’Union soutient les populations sahraouies via l’Instrument européen pour la Démocratie et les droits de l’Homme et l’aide humanitaire en faveur des réfugiés. Voir le « Rapport sur la coopération UE-Algérie - Edition 2016 » : https://eeas.europa.eu/sites/eeas/files/rapport_de_coorperation_2016_v.numerique.pdf

(2)

     JO L 70 du 18.3.2000, p. 2.

(3)

     Arrêt de la Cour de justice du 21 décembre 2016, Conseil/Front Polisario, C-104/16 P, ECLI:EU:C:2016:973.

(4)

   Selon l'arrêt précité du 21 décembre 2016, le territoire du Sahara occidental a un "statut séparé et distinct" en vertu du principe d'auto-détermination, qui lui est applicable (paragraphe 92). Dans son arrêt du 27 février 2018 (affaire C-266/16, Western Sahara Campaign) sur l'accord de pêche entre l'Union et le Maroc, la Cour de justice de l'Union européenne indique que "le territoire du Sahara occidental ne relève pas de la notion de "territoire du Maroc" " (paragraphe 64), et que "les eaux adjacentes au territoire du Sahara occidental ne relèvent pas de la zone de pêche marocaine" (paragraphe 69).

(5)

     Voir point 1.2.2, troisième paragraphe.

(6)

     Résolution adoptée par l'Assemblée générale le 7 décembre 2017 sur les activités économiques et autres préjudiciables aux intérêts des peuples des territoires non autonomes (document A/RES/72/92 du 14 décembre 2017).

(7)

      https://minurso.unmissions.org/  

https://minurso.unmissions.org/secretary-general-reports  

(8)

Il s’agit de la nomenclature régie par la Convention sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, appelée "Nomenclature du SH".

(9)

Il est à noter que tandis que, par exemple, la version française des directives de négociation parle de «populations», la version anglaise parle de «people». Ceci reflète déjà une terminologie variable au niveau des documents de l'ONU. Par exemple, l'avis du 16 octobre 1975 de la Cour internationale de justice utilise, dans ses conclusions, le terme «populations» dans la version française mais «people» dans la version anglaise.

(10)

Voir les rapports d’Amnesty International et de Human Rights Watch :

https://www.amnesty.org/fr/countries/middle-east-and-north-africa/morocco/report-morocco/ (consulté le 23/04/2018)

https://www.hrw.org/fr/middle-east/n-africa/morocco/western-sahara (consulté le 23/04/2018).

(11)

Rapport du Secrétaire général sur la situation concernant le Sahara occidental. Document du Conseil de Sécurité des Nations unies n° S/2018/277. Voir en particulier les points 65 à 73.

(12)

Décision n° 1/2006 du Conseil d'association UE-Maroc du 26 septembre 2006 portant création du sous-comité droits de l'homme, démocratisation et gouvernance (JO L 276 du 7.10.2006, p. 73).

(13)

  http://www.un.org/en/decolonization/pdf/Western-Sahara2017.pdf (consulté le 23/04/2018)

(14)

Direction des Etudes et des Prévisions Financières. Etudes DEPF, juin 2017 : Profil de la croissance économique des régions (consulté le 23/04/2018).

https://www.finances.gov.ma/depf/SitePages/publications/en_catalogue/etudes/2017/croissance_des_regions.pdf

(15)

Conseil économique, social et environnemental – Modèle de développement régional pour les provinces du sud – Evaluation de l’effectivité des droits humains fondamentaux dans les provinces du sud (consulté le 23/04/2018)   http://www.cese.ma/Documents/PDF/Web%20Rapport%20Effectivite%20des%20droits%20VF%2011042013.pdf

(16)

Voir notamment le rapport préparé par le Front Polisario dans le cadre du recours T-512/12 : « Le Sahara occidental – Statut et exploitation économique – Etude juridique faite à la demande du Front Polisario – Mai 2012 ».

(17)

Voir point 242 de l’arrêt T-512/12.

(18)

Voir dans le contentieux national qui a donné lieu à l’affaire C-266/16: Second Witness Statement of John Gurr.

(19)

Cette partie de la population n'a pas pu être quantifiée en raison de l'absence d'un recensement dans les camps de réfugiés à Tindouf (Algérie). Selon différentes sources, elle constitue entre 20% (selon les Sahraouis 'pro-Marocains') et 50% (selon le Front Polisario) de la population sahraouie totale.

(20)

 Des consultations de février 2018, il ressort que l’élevage, notamment camelin, est une activité particulièrement importante. Plusieurs interlocuteurs ont souligné que les Sahraouis étaient traditionnellement des éleveurs nomades et se tournaient de manière privilégiée vers cette activité. Ceci montre qu’une étude limitée à l’évaluation de l’impact direct de l’accord ne permet pas de saisir toute la complexité de la société du Sahara Occidental.

(21)

Pour placer la production agricole du Sahara occidental dans un contexte plus large, il faut préciser que le Maroc est un pays à forte tradition agricole. En 2016, la contribution de l'agriculture à l'économie a été estimée à 12% du PIB pour l'ensemble du pays. La surface agricole utile (SAU) s'élève à 8,7 millions d'hectares, dont 52% dédiés à la culture céréalière et 3% à la production de primeurs. Les légumes constituent la principale catégorie de produits agricoles que le Maroc exporte vers l'Union Européenne (951 millions d’euros en 2016), suivis par les fruits - agrumes exclus (347 millions d’euros) et les agrumes (175 millions d’euros). En termes d'emploi, le secteur agricole regroupe 39% de la population active au niveau national, ce pourcentage pouvant doubler en milieu rural.

(22)

La surface destinée à la culture de primeurs au Sahara occidental est inférieure à 0,4% du total marocain.

(23)

Aucune préférence n'est octroyée pour le "sucre" (produits relevant des codes NC 1701 et 1702, à l'exception de certaines sous-positions tarifaires).

(24)

Aux fins de ce calcul, le prix unitaire pour l'année 2016 a été fixé à 1.066€/t pour les melons (45 millions t importées, pour une valeur en douane de 48 millions EUR), avec un droit de douane normal (droit de douane applicable dans l’Union sous le régime de la nation la plus favorisée) de 8,8%. Pour les tomates, le prix unitaire est fixé à 1.059 €/t (417,14 millions t importées, pour une valeur en douane de 393,75 millions EUR), avec un droit de douane normal variant entre 8,8% et 14,4% selon la période de l'année, sachant qu'environ 80% des exportations ont lieu entre début novembre et fin avril (droit à 8,8%).

(25)

Dans le cadre du même recours, il a été indiqué qu’en 2010, le nombre de personnes employées dans l’industrie agricole marocaine au Sahara occidental était de 6 480. Selon le ministère de l’agriculture marocain, ce chiffre devrait tripler d’ici 2020; 2 000 hectares devraient être cultivés d’ici 2020 et la production, destinée à l’exportation devrait passer à 160 000 tonnes en 2020. Enfin, dans le même cadre, il a été avancé que 95% de la production agricole y compris les tomates, melons et concombres, est exportée mais que les fonds obtenus grâce au bénéfice du régime préférentiel n’étaient pas investis dans des infrastructures bénéficiant au peuple sahraoui [voir contentieux national qui a donné lieu à l'affaire C-266/16: Second Witness Statement of John Gurr – pages C-74-75]. Sur ce point, il importe de relever qu’il serait très restrictif d’apprécier le caractère bénéfique d’un accord pour une population déterminée sur la base d’un strict retour, les gains obtenus de la vente de produits devant intégralement retourner à la population en question. Il convient plutôt d’examiner si la population concernée reçoit des bénéfices de manière générale et ne subit pas de discrimination dans la recherche d’un emploi. Comme cela a été indiqué précédemment, il ressort des consultations menées en février 2018 qu’il n'y a pas à présent d'indices de discrimination à l’embauche. Cela a été confirmé par plusieurs interlocuteurs, y compris des Sahraouis.

(26)

Voir monographie générale sur la Région de Dakhla-Oued ed Dahab rédigée par la Direction Générale des Collectivités Locales du Ministère de l’Intérieur du Maroc – 2015, pages 25-26.

(27)

http://www.cese.ma/Documents/PDF/Web%20Rapport%20Effectivite%20des%20droits%20VF%2011042013.pdf (consulté le 23/04/2018)

(28)

Les produits suffisamment transformés à partir de matières originaires sont considérés d’origine préférentielle selon le protocole n° 4 de l’accord d’association.

(29)

En 2012, le territoire fournissait 78% du volume des captures du Maroc et du Sahara occidental confondus et 79% en valeur.

(30)

Voir le rapport du Conseil économique, social et environnemental : « Nouveau modèle de développement pour les provinces du Sud – Octobre 2013 », page 44

http://www.ces.ma/Documents/PDF/Web-Rapport-NMDPSR-FR.pdf  (consulté le 23/04/2018)

(31)

Les produits de la pêche visés ici sont ceux repris au chapitre 3 de la nomenclature tarifaire (poissons et crustacés, mollusques et autres invertébrés aquatiques) et aux positions 1504 (graisses et huiles et leurs fractions, de poissons ou de mammifères marins, même raffinées mais non chimiquement modifiées), 1603 (extraits et jus de viande, de poissons ou de crustacés, de mollusques ou d’autres invertébrés aquatiques), 1604 (préparations et conserves de poissons ; caviar et ses succédanés préparés à partir d’œufs de poissons) et 2301 (farines, poudres et agglomérés sous forme de pellets, de viandes, d’abats, de poissons ou de crustacés, de mollusques ou d’autres invertébrés aquatiques, impropres à l’alimentation humaine ; cretons).

(32)

Toutes ces importations sont entrées dans l’Union en bénéficiant des préférences tarifaires (droit nul) sur la base des règles d’origine figurant au protocole n° 4 de l’accord d’association UE-Maroc.

(33)

Selon les chiffres de l’Union (source: estimations extraites de la base de données TRACES et d’Eurostat), les importations dans l’Union de produits de la pêche à partir d'établissement agréés du Sahara occidental étaient estimées à 69.350 tonnes en 2015 et 58.436 tonnes en 2016. Ces chiffres représentent 30,9 % et 23,9 % du volume total des importations de produits de la pêche en provenance du Maroc (et du Sahara occidental) pour ces années. Les différences avec les informations marocaines peuvent s’expliquer par la manière de calculer les exportations de produits du Sahara occidental.

(34)

D’après les estimations des services de la Commission européenne, les importations du Sahara occidental représentaient 21,2 % en 2015 et 10,6 % en 2016 du montant total des importations du Maroc et du Sahara occidental: les importations de produits de la pêche du Sahara occidental dans l’Union s’élevaient à 215 millions d’euros en 2015 et à 122 millions d’euros en 2016 (les chiffres officiels d’Eurostat correspondant pour la totalité des exportations du Maroc et du Sahara occidental s’élèvent 1,01 milliard d’euros en 2015 et à 1,14 milliard d’euros en 2016). Selon des informations marocaines, les exportations du Sahara occidental de produits de la pêche étaient de 121 millions d’euros en 2015 et de 134 millions d’euros en 2016. Ces différences pourraient s’expliquer par le fait que les chiffres de l’Union, se rapportent à des chiffres d’importations dans l’Union et sont exprimés en euros alors que ceux issus des informations marocaines se rapportent à des exportations et sont exprimés en dirhams convertis en euros.

(35)

  https://webgate.ec.europa.eu/sanco/traces/output/MA/FFP_MA_en.pdf

(36)

Ces données incluent les emplois mentionnés dans le tableau précédent.

(37)

Dans l'état actuel du droit et selon les dispositions de l'accord d'association UE-Maroc, il suffit que les produits aient été pêchés hors des eaux territoriales (12 milles) du Sahara occidental par des navires d'une des deux Parties pour que ces produits qui seraient transformés au Maroc reçoivent un traitement préférentiel dans l'Union.

(38)

  http://www.wsrw.org/a214x2342 (consulté le 23/04/2018).

(39)

  http://www.wsrw.org/a204x2048 (consulté le 23/04/2018).

(40)

  http://www.wsrw.org/a217x2479 (consulté le 23/04/2018). Ces manifestations sembleraient plutôt concerner les pratiques de navires russes.

(41)

  https://minerals.usgs.gov/minerals/pubs/commodity/phosphate_rock/mcs-2017-phosp.pdf (consulté le 23/04/2018).

(42)

  http://www.ocpgroup.ma/  

(43)

Le site de Phosboucraa tenu par la société OCP fait l’objet d’une page Internet : http://www.phosboucraa.ma/ (consulté le 23/04/2018)

(44)

Selon Western Sahara Resource Watch la production de phosphate sur le site de Boucraa correspond à 10 % de la production totale du Maroc et serait d’environ 3 millions de tonnes par an.  http://www.wsrw.org/a117x521 (consulté le 23/04/2018)

(45)

  http://www.phosboucraa.ma/company/key-figures (consulté le 23/04/2018).

(46)

A noter des chiffres parfois contradictoires à ce sujet : voir le rapport de l’Association Française d’Amitié et de Solidarité avec les Peuples d’Afrique sur la remise en cause des droits contractuels des travailleurs de Phosboucrâa au Sahara Occidental :

http://www.afaspa.com/IMG/pdf/RAPPORT_PHOSBOUCRAA.pdf (consulté le 14/05/2018)

(47)

  http://www.wsrw.org/a112x576 (consulté le 23/04/2018).

(48)

 Voir notamment: https://www.nutrien.com/sites/default/files/uploads/2018-01/NRF_Human%20Rights%20Assessment%20Report%202016.pdf (consulté le 14 mai 2018)

(49)

Un superphosphate est un engrais minéral phosphaté.

(50)

Il s’agit de « phosphates de calcium naturels, phosphates aluminocalciques naturels et craies phosphatées » dont le classement est la position tarifaire 25.10 du système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (« système harmonisé ») pour une large part.

(51)

Ils sont classés à la position 28.35 du système harmonisé.

(52)

Des observations contradictoires faites par l’ONG Western Sahara Resource Watch (rapport “P pour pillage” 2014, Western Sahara Resource Watch http://www.wsrw.org/a105x3185 ) indiquent des exportations vers la Lituanie de l’ordre de 400.000 tonnes pour l’année 2014 (entreprise AB LIFOSA). Etant donné que les statistiques disponibles dans l'Union ne montrent pas de telles importations, il est peu probable que cette marchandise soit classée comme phosphate au SH 31.03 ou destinée au marché de l’Union européenne sous cette forme, et aussi il se peut que la marchandise ait été en simple transit vers l’extérieur de l’Union. En tout état de cause, dans un rapport plus récent Western Sahara Resource Watch ne fait plus état d'aucune exportation vers l'Union européenne ( http://www.wsrw.org/a111x4160 , daté du 24 avril 2018 et consulté le 13/05/2018)

(53)

Au regard des statistiques des échanges entre l’Union européenne et le Maroc (en particulier les données de l’office des changes marocain), l’analyse a pris en compte les produits suivants : engrais naturels et chimiques, acide phosphorique et phosphates, et en particulier les positions tarifaires suivantes :

- Acide phosphorique – SH 29.19

- Engrais minéraux ou chimiques phosphatés (dont superphosphates) – SH 31.03

- Engrais minéraux ou chimiques contenant deux ou trois des éléments fertilisants : azote, phosphore et potassium ; autres engrais – SH 31.05.

(54)

Ces investissements sont prévus en plusieurs phases. http://www.ocpgroup.ma/sites/default/files/filiales/document/presentation_phosboucraa_fr.pdf (consulté le 23/04/2018).

(55)

 Laâyoune Sakia el Hamra, Dakhla Oued Eddahab, Souss-Massa et L'Oriental.

(56)

 Avec 57,66% de participation dans la région de Laâyoune et 52,14% dans celle de Dakhla, soit une participation supérieure à la moyenne nationale.

(57)

 Association Sahraouie des Victimes des Violations des Droits de l'Homme, Association Al Ghad pour les droits de l'Homme, Western Sahara Campaign, Western Sahara Resource Watch, Independent Diplomat.