24.3.2020   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 97/32


Avis du Comité économique et social européen sur «Des normes minimales communes de l’Union européenne en matière d’assurance chômage dans les États membres — Une mesure concrète sur la voie d’une mise en œuvre effective du socle européen des droits sociaux»

(avis d’initiative)

(2020/C 97/05)

Rapporteur:

Oliver RÖPKE

Décision de l’assemblée plénière

15.3.2018

Base juridique

Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

15.11.2019

Adoption en session plénière

11.12.2019

Session plénière no

548

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

141/65/14

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le 17 novembre 2017, le socle européen des droits sociaux (SEDS) a été proclamé solennellement lors du «sommet social de l’Union européenne» qui s’est tenu à Göteborg. Pour lui donner corps, il est nécessaire de poser des jalons concrets afin que l’Union européenne et les États membres puissent assurer sa mise en œuvre effective.

1.2.

Le Comité économique et social européen (CESE) renvoie au principe no 13 du socle européen des droits sociaux, concernant les prestations de chômage, suivant lequel les chômeurs ont droit à un soutien à l’activation adéquat de la part des services publics de l’emploi pour leur (ré)insertion sur le marché du travail, ainsi qu’à des prestations de chômage adéquates pendant une durée raisonnable, en fonction de leurs cotisations et des règles nationales d’admissibilité. Ces prestations ne doivent pas avoir d’effet dissuasif pour un retour rapide à l’emploi.

1.3.

Même si son organisation diffère d’un pays à l’autre, l’assurance chômage constitue une des clés de voûte des régimes de sécurité sociale dans tous les États membres. Le CESE adhère à la manière de voir de la Commission quand elle estime qu’une amélioration des normes régissant les régimes d’assurance chômage des États membres permet un fonctionnement plus efficace des marchés du travail, et que les États membres dont les régimes d’assurance chômage sont plus généreux et qui engagent plus de ressources financières en faveur d’une politique et de mesures actives du marché du travail obtiennent davantage de succès pour réintégrer durablement les chômeurs sur le marché du travail (1). Le Comité souligne par ailleurs le rôle important que jouent ces régimes en tant que stabilisateurs automatiques.

1.4.

Il existe actuellement de grandes divergences entre États membres en ce qui concerne les prestations de chômage. Le CESE renvoie au rapport conjoint sur l’emploi 2019, selon lequel la fourniture, sur une durée raisonnable, de prestations de chômage adéquates, accessibles à tous les travailleurs et doublées de politiques du marché de l’emploi efficaces, est essentielle pour aider les demandeurs d’emploi lors des transitions sur le marché du travail (2).

1.5.

Le CESE réitère son appel en faveur de normes sociales et normes d’emploi élevées (3) et préconise dès lors la fixation d’objectifs en ce qui concerne les prestations de chômage des États membres. Ils devraient porter sur le taux de remplacement net, la durée des droits à prestations et le taux de couverture. Le Comité recommande en outre de fixer des objectifs en matière de formation continue et d’activation.

1.6.

Dans une première étape, les objectifs relatifs aux prestations de chômage devraient être définis et contrôlés à l’occasion d’un processus d’évaluation comparative, mené dans le cadre du semestre européen. Le CESE réitère sa recommandation selon laquelle le socle européen des droits sociaux devrait également influer sur la gouvernance économique de l’Union européenne (4). Il estime que les recommandations par pays adressées aux différents États membres dans le cadre du semestre européen devraient inclure des objectifs concrets en ce qui concerne le taux de remplacement net, la durée des droits à prestations et le taux de couverture des prestations de chômage, ainsi qu’en matière de formation continue et d’activation. Les recommandations par pays sont élaborées par la Commission, adoptées par le Conseil et approuvées par le Conseil européen.

1.7.

Les lignes directrices intégrées devraient constituer la base des recommandations par pays (5). Selon la septième des lignes directrices pour les politiques de l’emploi 2018 (6) , qui restent d’actualité en 2019 (7), les États membres devraient accorder aux personnes sans emploi des prestations de chômage adéquates pendant une durée raisonnable, en fonction de leurs cotisations et des règles nationales d’admissibilité, ces prestations ne pouvant cependant avoir d’effet dissuasif pour un retour rapide à l’emploi.

1.8.

Le socle européen des droits sociaux est accompagné d’un tableau de bord social, qui en contrôle la mise en œuvre en suivant les évolutions et les progrès réalisés dans les États membres et en intégrant ces informations dans le semestre européen. Le CESE recommande qu’à l’avenir, les prestations de chômage fassent également l’objet d’un suivi dans le tableau de bord social. En outre, il préconise de compléter le tableau de bord social par un processus d’évaluation comparative des prestations de chômage. Il se félicite donc expressément des démarches entreprises actuellement par la Commission en faveur d’un tel processus, étant entendu qu’il conviendrait d’intensifier ces efforts et de les combiner avec un processus de suivi durable.

1.9.

Le processus d’évaluation comparative des prestations de chômage qui est proposé vise à assurer une convergence sociale vers le haut entre les États membres, ainsi qu’un meilleur fonctionnement des marchés du travail. Il doit reposer sur une analyse de la situation actuelle qui ne soit ni trop sommaire ni trop flatteuse. Il ne peut se limiter à un suivi et une évaluation. Les États membres se doivent d’analyser les meilleures performances afin d’apprendre les uns des autres (apprentissage comparatif) et de procéder à des améliorations (action comparative).

1.10.

Le processus d’évaluation comparative des prestations de chômage devrait être piloté par la Commission, et il y a lieu que les partenaires sociaux soient associés de manière permanente et approfondie à la définition des critères de référence.

1.11.

Les objectifs sociaux devraient, à terme, déboucher sur une convergence sociale. Les citoyens doivent pouvoir ressentir en pratique que les principes énoncés dans le socle européen des droits sociaux ne sont pas que des mots, mais qu’ils font aussi l’objet d’une mise en œuvre concrète et améliorent progressivement leurs conditions de vie.

1.12.

Le CESE recommande que les résultats du processus d’évaluation comparative soient suivis et jaugés de manière rigoureuse. En l’absence de progrès suffisants dans le sens des effets attendus, il y aurait lieu d’instaurer un instrument juridiquement contraignant qui appuierait et compléterait les efforts déployés par les États membres pour moderniser leurs régimes d’assurance chômage. En plus d’une recommandation du Conseil, servant de balise pour les États membres, le CESE préconise d’instaurer une directive au titre de l’article 153 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui fixerait des normes minimales ayant force juridique contraignante pour leurs régimes d’assurance chômage. Il conviendrait qu’elle comporte des dispositions pour établir, à l’échelle de toute l’Union européenne, des normes minimales en ce qui concerne le taux de remplacement net, la durée des droits à prestations et le taux de couverture des prestations de chômage. Le CESE se prononce en outre pour que dans le cadre de l’assurance chômage, des normes minimales, valables pour toute l’Union, soient établies en ce qui concerne la formation continue et l’activation.

1.13.

Les normes minimales à caractère juridiquement contraignant devraient être instaurées de manière progressive. Il serait opportun de définir un délai approprié pour que tous les États membres puissent atteindre ces cibles communes.

1.14.

Comme l’expose l’article 153 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, cette démarche ne peut altérer outre mesure ni la faculté reconnue aux États membres de définir les principes fondamentaux de leur système de sécurité sociale, ni l’équilibre financier de ces systèmes. Ce principe devrait être respecté quelle que soit la forme ou la substance du système en vigueur dans les différents États membres, lesquels ne seraient pas empêchés d’exercer leur droit, sanctionné par les traités, de maintenir ou d’établir des mesures de protection plus strictes. Il convient à cet égard d’accorder une attention particulière aux différences d’organisation des systèmes nationaux d’assurance chômage, à la participation des partenaires sociaux et aux questions de financement.

2.   Situation actuelle et contexte de l’avis

2.1.

Sortant des expériences douloureuses vécues lors de la crise économique et financière qui a débuté en 2008 et des épisodes d’instabilité subséquents, l’économie a renoué avec la croissance, et les taux de chômage sont en baisse. Le redressement qu’opèrent actuellement les marchés du travail ne se déroule toutefois pas de la même manière dans chaque État membre, région ou catégorie de population. Sur ce point, le CESE renvoie au rapport conjoint sur l’emploi 2019 (8).

2.2.

Le CESE partage l’avis du Conseil quand il estime que les États membres et l’Union européenne devraient s’attaquer aux conséquences sociales de la crise économique et financière et s’efforcer de bâtir une société inclusive. Une lutte doit être menée contre les inégalités et les discriminations. Il y a lieu de garantir un accès et des perspectives pour tous et de réduire la pauvreté et l’exclusion sociale, en particulier en veillant au bon fonctionnement des marchés du travail et des systèmes de protection sociale (9).

2.3.

Par sa stratégie Europe 2020, l’Union européenne s’est assigné l’objectif de faire baisser de 20 millions, d’ici 2020, le nombre de personnes qui sont exposées au risque de pauvreté et d’exclusion sociale. Elle est bien loin encore d’avoir réalisé cette visée. Si elle a enregistré des progrès continus depuis 2012, année où près de 25 % de sa population totale risquaient de tomber ainsi dans la pauvreté et l’exclusion sociale, elle n’en reste pas moins confrontée, aujourd’hui comme hier, à d’énormes défis. En 2018, quelque 22 % de ses habitants étaient exposés au risque de pauvreté ou d’exclusion sociale (10).

2.4.

Dans tous les États membres, l’assurance chômage constitue une des clés de voûte des régimes de sécurité sociale. Elle fournit un filet de sécurité aux travailleurs en cas de perte d’emploi et leur assure alors une protection contre la pauvreté. Par ailleurs, les prestations de chômage constituent des stabilisateurs automatiques, car elles ont pour effet qu’en cas de montée généralisée du chômage, les revenus et, par conséquent, la consommation, ne chutent pas aussi brutalement. Des prestations efficaces et adéquates donnent en outre à ces travailleurs la possibilité de trouver des emplois qui correspondent à leurs attentes et à leurs qualifications, ou d’effectuer des parcours de reconversion dans le cadre d’une politique active du marché du travail.

2.5.

La protection sociale s’est détériorée au cours des dernières années dans certains États membres, en raison de la politique de crise qui y a été menée. Dans l’Union européenne, nombreux sont les citoyens qui, dans une mesure croissante, ne bénéficient plus de la garantie que leurs intérêts et besoins soient pris en compte. Avec la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, on assiste, pour la première fois, à une régression dans l’intégration européenne. Il convient d’appréhender ces développements comme un signal d’alarme. Le Comité estime que si l’on veut que l’Union européenne ait les moyens d’affronter l’avenir et regagne la confiance de sa population, il s’impose de renforcer sa dimension sociale, cet impératif impliquant également de relever les autres défis qui se posent actuellement, tels que le changement climatique et la numérisation. Une telle démarche nécessite, sur la base d’une économie stable, durable et inclusive, de pouvoir compter sur une mobilisation à tous les niveaux, y compris celui des États membres, des partenaires sociaux et des acteurs de la société civile (11).

2.6.

Le 17 novembre 2017, lors du sommet social de l’Union européenne à Göteborg, le Parlement européen, le Conseil et la Commission européenne ont proclamé solennellement le socle européen des droits sociaux. Pour lui donner corps, il est nécessaire de poser des jalons concrets afin que l’Union européenne et les États membres puissent assurer sa mise en œuvre effective. Dans les orientations politiques de la Commission européenne pour la période 2019-2024, Ursula von der Leyen, qui vient d’être élue à la tête de l’institution, a annoncé un plan d’action destiné à mettre intégralement en œuvre le socle européen des droits sociaux. Le CESE souhaite contribuer à cette mise en œuvre, grâce à sa proposition de définir des objectifs pour les prestations de chômage des États membres.

2.7.

Le CESE se réfère ici au principe no 13 du socle européen des droits sociaux, concernant les prestations de chômage, suivant lequel les chômeurs ont droit à un soutien à l’activation adéquat de la part des services publics de l’emploi pour leur (ré)insertion sur le marché du travail, ainsi qu’à des prestations de chômage adéquates pendant une durée raisonnable, en fonction de leurs cotisations et des règles nationales d’admissibilité. Ces prestations ne doivent pas avoir d’effet dissuasif pour un retour rapide à l’emploi.

2.8.

Dans ce contexte, le CESE attire également l’attention sur le principe no 17 du socle, qui dispose que les personnes handicapées ont droit à une aide au revenu leur permettant de vivre dans la dignité, ainsi qu’à des services qui les mettent en mesure de participer au marché du travail et à la société. Pour ce qui est de la durée des droits à prestations dans les systèmes d’assurance chômage, il y a lieu de garder à l’esprit que pour ces personnes, la recherche d’un nouvel emploi ou les efforts de reconversion représentent une tâche sensiblement plus ardue et réclament davantage de temps.

2.9.

Dans tous les États membres, l’assurance chômage constitue une des clés de voûte des régimes de sécurité sociale. Les dispositions nationales régissant les régimes d’assurance chômage présentent des configurations très variées, tant pour les conditions à remplir afin d’en bénéficier que pour le montant, la durée et le mode de calcul de leurs prestations. Le CESE recommande de fixer des objectifs pour les prestations de chômage dans le cadre du semestre européen. Il attire en outre l’attention sur la nécessité de garantir des prestations sociales fondamentales qui soient encadrées par des dispositions communes à l’échelon de l’Union européenne (12). Il recommande de procéder en permanence au suivi du processus d’évaluation comparative. Grâce à une recommandation du Conseil, il serait possible d’engager et de mener dans les États membres des débats et des réformes sur l’instauration de normes minimales communes et de donner aux États membres la possibilité de nouer une coopération en la matière.

2.10.

S’il s’avérait au fil du temps qu’aucun progrès suffisant n’a été enregistré dans le sens des effets souhaités, le CESE préconise d’instaurer une directive au titre de l’article 153 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui fixerait des normes minimales ayant force juridique contraignante pour les régimes d’assurance chômage des États membres. Il conviendrait qu’elle comporte des dispositions pour établir, à l’échelle de toute l’Union européenne, des normes minimales en ce qui concerne le taux de remplacement net, la durée des droits à prestations et le taux de couverture des prestations de chômage. Le CESE se prononce en outre pour que dans le cadre de l’assurance chômage, des normes minimales, valables pour toute l’Union, soient établies en ce qui concerne la formation continue et l’activation. Ces prescriptions minimales ne doivent nullement empêcher les États membres de fixer des normes plus ambitieuses, comme le précise le socle européen des droits sociaux dans le paragraphe 16 de son préambule. Il convient de ne pas abaisser le niveau de celles qui existent déjà dans certains États membres. Le CESE recommande que ces prescriptions minimales concernant les régimes d’assurance chômage des États membres soient fixées en articulation avec la mise en œuvre appropriée d’une disposition de non-régression, c’est-à-dire une interdiction de profiter de l’instauration des normes minimales pour marquer un recul en la matière. Cette manière de procéder s’inscrit dans l’objectif que s’assigne l’Union européenne d’améliorer les conditions de vie et de travail au sein des États membres dans une optique de convergence vers le haut (article 151 du TFUE).

2.11.

En ce qui concerne le soutien aux chômeurs, il convient de faire la distinction entre les prestations relevant de la sécurité sociale (prestations de chômage) et l’aide sociale. En règle générale, les prestations de chômage reposent sur des cotisations et il est nécessaire, pour en bénéficier, d’avoir travaillé durant une période déterminée. L’aide sociale, quant à elle, consiste en une allocation d’assistance sociale qui, non tributaire de cotisations et financée par l’impôt, a pour finalité d’assister des personnes se trouvant dans l’incapacité d’assurer leur existence par leurs propres ressources et qui est subordonnée à un examen de leurs besoins. Dans le présent avis d’initiative, le CESE traite des prestations de chômage relevant de la sécurité sociale.

2.12.

En lien avec le débat sur l’approfondissement de l’Union économique et monétaire, la Commission propose de créer un mécanisme de stabilisation pour la zone euro, auquel pourraient également participer les États membres qui ne font pas partie de ladite zone, et qui donnerait, à l’avenir, la possibilité de mieux réagir aux chocs asymétriques. Parmi les pistes envisageables pour ce mécanisme, elle mentionne la création d’un régime européen de réassurance chômage, susceptible de servir de fonds de réassurance pour les régimes nationaux d’assurance chômage (13). Cette proposition de politique budgétaire, qui fait actuellement controverse dans les débats, doit être soigneusement distinguée du présent avis d’initiative, lequel relève de la politique sociale et vise à renforcer la dimension sociale de l’Union européenne.

2.13.

Voici peu, le CESE a pris position pour que l’on examine la possibilité que des normes minimales soient instaurées, à l’échelle de l’Union européenne, dans les régimes nationaux d’assurance chômage, afin, notamment, que tout chercheur d’emploi soit habilité à en bénéficier (14). Par le présent avis, il abonde dans le sens de cette revendication.

3.   Observations générales

3.1.

Selon la septième des lignes directrices pour les politiques de l’emploi 2018 (15), qui restent d’actualité en 2019 (16), les États membres devraient accorder aux personnes sans emploi des prestations de chômage adéquates pendant une durée raisonnable, en fonction de leurs cotisations et des règles nationales d’admissibilité. Avec cette recommandation, le socle européen des droits sociaux trouve une traduction dans les lignes directrices pour les politiques de l’emploi.

3.2.

La réduction du nombre de personnes touchées ou menacées par la pauvreté et l’exclusion sociale est l’un des cinq objectifs de la stratégie Europe 2020 et figure parmi les 17 objectifs du programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations unies. Le tableau de bord social instauré en lien avec le socle européen des droits sociaux vise lui aussi à surveiller les évolutions et les progrès enregistrés dans les États membres en ce qui concerne ces personnes.

3.3.

Le CESE renvoie au constat de la Commission selon lequel la durée du droit à bénéficier de prestations de chômage a une incidence directe sur l’exposition des chômeurs au risque de pauvreté. Les pays de l’Union européenne dont les régimes d’assurance chômage sont plus généreux et qui engagent plus de ressources financières en faveur d’une politique et de mesures actives du marché du travail obtiennent davantage de succès pour réintégrer durablement les chômeurs sur ce marché (17). Il existe en la matière de profondes disparités entre les États membres: l’étendue maximale du droit aux prestations de chômage varie de 90 jours en Hongrie à une durée indéterminée en Belgique (18).

3.4.

De l’avis du CESE, il convient de définir les contours des prestations de sécurité sociale de telle manière qu’au cas où un risque viendrait à se concrétiser, elles fournissent à la personne concernée un niveau de vie approprié. En conséquence, il s’impose que le montant des prestations de chômage, c’est-à-dire le taux de remplacement net, soit adéquat. Là encore, il existe des divergences majeures au sein de l’Union européenne. Les taux de remplacement nets pour un travailleur à bas salaire ayant une courte expérience professionnelle (un an) vont de moins de 20 % des revenus (nets) précédents en Hongrie à environ 90 % au Luxembourg (19).

3.5.

Le nombre de chômeurs qui perçoivent des prestations d’assurance chômage, rapporté à la population totale de personnes au chômage, représente le taux de couverture. Ce dernier est systématiquement exprimé en référence à une période de chômage spécifique (par exemple, la proportion de chômeurs bénéficiaires d’une prestation après un an de chômage). Sur ce plan également, des écarts considérables peuvent être observés entre les États membres. En moyenne, la proportion de chômeurs de courte durée (personnes sans emploi depuis moins d’un an) qui perçoivent des allocations de chômage s’élève à un tiers seulement du nombre total de chômeurs. L’Allemagne affiche le taux de couverture le plus élevé (environ 63 %). À l’inverse, ce taux est nettement inférieur à 15 % à Malte, en Croatie, en Pologne, en Roumanie et en Bulgarie (20).

3.6.

Le faible niveau du taux de couverture dans un État membre donné peut résulter de plusieurs causes. L’une d’elles est le chômage des jeunes. Souvent, les jeunes chômeurs qui ne parviennent pas à intégrer le marché du travail ne peuvent acquérir de droits à prestations, faute d’avoir à leur actif les périodes d’emploi requises. Dans de nombreux cas, les jeunes sans emploi ne bénéficient donc d’aucune prestation.

3.7.

Le CESE souligne une nouvelle fois que le moment charnière où les jeunes quittent leurs études ou leur formation pour rejoindre le marché de l’emploi revêt une importance capitale. Il convient de leur apporter un maximum de soutien pour les aider à intégrer ce marché le plus rapidement possible.

3.8.

La durée du chômage a elle aussi une incidence sur le taux de couverture. Si ce taux est d’environ un tiers en moyenne au sein de l’Union européenne pour les chômeurs de courte durée, il est plus faible pour les chômeurs de longue durée, étant donné que dans la plupart des États membres, le droit aux prestations de chômage est limité dans le temps. Le CESE recommande de fixer un objectif en matière de taux de couverture pour les chômeurs de courte durée (personnes sans emploi depuis moins d’un an).

3.9.

Un autre facteur qui concourt à de faibles taux de couverture réside dans les nouvelles formes d’emploi, par exemple atypiques et précaires, dans lesquelles il est ardu d’acquérir des droits à prestations. Eu égard à l’accord politique qui s’est dégagé au sein du Conseil sur une recommandation relative à l’accès des travailleurs salariés et non salariés à la protection sociale, le CESE plaide pour une solution globale, consistant à octroyer des droits à des prestations de sécurité sociale aux travailleurs engagés sous de nouvelles formes d’emploi (21).

3.10.

Le premier principe du socle européen des droits sociaux énonce que toute personne a droit à une éducation, une formation et un apprentissage tout au long de la vie inclusifs et de qualité, afin de maintenir ou d’acquérir des compétences lui permettant de participer pleinement à la société et de gérer avec succès les transitions sur le marché du travail. En conséquence, le CESE est favorable à l’instauration d’objectifs de formation continue et d’activation et réaffirme qu’il considère que la garantie du droit à l’apprentissage tout au long de la vie pour tous doit figurer au programme de l’Union européenne (22).

3.11.

Le Comité adhère à la manière de voir de la Commission quand elle estime que si l’on améliore les normes régissant les régimes d’assurance chômage des États membres, il sera possible d’assurer un meilleur fonctionnement des marchés du travail. En revanche, si lesdites normes sont maintenues à un niveau bas, il ne s’en ensuivra pas nécessairement que les dépenses publiques seront plus faibles, car dans la plupart des cas, les chômeurs qui ne bénéficieront plus de prestations de l’assurance chômage percevront une assistance de l’État sous une quelconque autre forme, comme l’aide aux chômeurs ou le revenu minimum. En concordance de vues avec la Commission, on peut raisonnablement conjecturer que si elles se combinent avec une politique active du marché du travail, les dépenses supplémentaires dues au relèvement des normes dans l’assurance chômage seront amorties, dans un laps de temps relativement bref, par une recrudescence de l’emploi et la hausse des recettes fiscales qu’elle générera, ainsi que par l’accélération de la croissance économique (23).

4.   Observations particulières

4.1.

Il existe actuellement de grandes divergences entre États membres en ce qui concerne les prestations de chômage. Le CESE renvoie au rapport conjoint sur l’emploi 2019, selon lequel la fourniture, sur une durée raisonnable, de prestations de chômage adéquates, accessibles à tous les travailleurs et accompagnées de politiques du marché de l’emploi efficaces, est essentielle pour aider les demandeurs d’emploi lors des transitions sur le marché du travail (24).

4.2.

Le CESE recommande donc de définir des objectifs concernant les prestations de chômage des États membres. Ils devraient porter sur le taux de remplacement net, la durée des droits à prestations et le taux de couverture. Le Comité recommande en outre de fixer des objectifs en matière de formation continue et d’activation.

4.3.

Le CESE se félicite expressément des efforts consentis par la Commission en vue de donner corps au socle européen des droits sociaux, notamment dans le cadre du semestre européen, et de promouvoir un processus d’évaluation comparative pour les prestations des régimes nationaux d’assurance chômage, entre autres au moyen du rapport commun sur l’emploi. L’évaluation comparative est considérée à juste titre comme un instrument important pour la mise en œuvre du socle. Il conviendrait d’intensifier ces efforts et de leur associer un processus de suivi permanent. Le processus d’évaluation comparative des prestations de chômage doit contribuer à assurer une convergence sociale vers le haut au sein de l’Union européenne, ainsi qu’un meilleur fonctionnement des marchés du travail.

4.4.

Le CESE estime que les recommandations par pays devraient inclure des objectifs concrets en ce qui concerne le taux de remplacement net, la durée des droits à prestations et le taux de couverture, ainsi qu’en matière de formation continue et d’activation. À cet égard, il convient de soutenir l’approche de la Commission selon laquelle des prestations plus généreuses devraient aller de pair avec une activation des chômeurs.

4.5.

La réussite du marché intérieur dépend, dans une large mesure, de l’efficacité des marchés du travail et du système de protection sociale, ainsi que de la capacité des économies européennes à s’adapter aux chocs. C’est au départ de ce postulat que la stratégie Europe 2020 a été élaborée sous la forme d’une démarche visant à transformer l’Union européenne en une économie intelligente, durable et inclusive, le but étant de parvenir à des niveaux élevés d’emploi, de productivité et de cohésion sociale (25). Le CESE fait observer que l’Union européenne n’atteindra pas l’objectif de la stratégie Europe 2020 consistant à réduire de 20 millions le nombre de personnes touchées ou menacées par la pauvreté et l’exclusion sociale.

4.6.

Le CESE estime qu’à la suite des élections européennes qui se sont tenues du 23 au 26 mai 2019, la Commission nouvellement constituée doit s’atteler en priorité à proposer des mesures destinées à améliorer le fonctionnement des marchés du travail et à assurer une convergence sociale vers le haut entre les États membres. Une nouvelle stratégie doit par ailleurs être élaborée concernant la dimension sociale de l’Europe après 2020.

4.7.

Les États membres sont actuellement engagés dans des discussions sur la dimension sociale de l’Europe après 2020. Il s’agit notamment de déterminer quels sont les aspects fondamentaux qui devraient définir cette future dimension sociale (26). Le CESE estime que l’amélioration du fonctionnement des marchés du travail et la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale figurent parmi ces aspects essentiels pour l’après-2020. Des objectifs relatifs aux prestations de chômage des États membres pourraient jouer un rôle important à cet égard.

4.8.

Les objectifs sociaux devraient, à terme, déboucher sur une convergence sociale. Les citoyens doivent pouvoir ressentir en pratique que les principes énoncés dans le socle européen des droits sociaux ne sont pas que des mots, mais qu’ils font aussi l’objet d’une mise en œuvre concrète et améliorent progressivement leurs conditions de vie.

4.9.

Si les objectifs fixés dans le cadre du semestre européen s’avéraient ne pas produire les effets voulus, le CESE préconise d’instaurer, dans la perspective de la dimension sociale de l’Europe après 2020, une directive au titre de l’article 153 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui fixerait des normes minimales ayant force juridique contraignante pour les régimes d’assurance chômage des États membres. Il conviendrait qu’elle comporte des dispositions pour établir, à l’échelle de toute l’Union européenne, des normes minimales en ce qui concerne le taux de remplacement net, la durée des droits à prestations et le taux de couverture des prestations de chômage. Le CESE se prononce en outre pour que dans le cadre de l’assurance chômage, des normes minimales, valables pour toute l’Union, soient établies en ce qui concerne la formation continue et l’activation.

Bruxelles, le 11 décembre 2019.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Semestre européen: fiche thématique — Allocations de chômage — 2017.

(2)  COM(2018) 761 final du 21.11.2018, Conseil EPSCO ST 7619 2019 INIT du 15.3.2019.

(3)  JO C 62 du 15.2.2019, p. 165.

(4)  JO C 81 du 2.3.2018, p. 145.

(5)  JO L 224 du 5.9.2018, p. 4.

(6)  JO L 224 du 5.9.2018, p. 4.

(7)  JO L 185 du 11.7.2019, p. 44.

(8)  COM(2018) 761 final du 21.11.2018, Conseil EPSCO ST 7619 2019 INIT du 15.3.2019.

(9)  JO L 224 du 5.9.2018, p. 4.

(10)  Eurostat, 16.10.2019.

(11)  JO C 262 du 25.7.2018, p. 1.

(12)  JO C 13 du 15.1.2016, p. 40.

(13)  COM(2017) 822 final du 6.12.2017.

(14)  JO C 129 du 11.4.2018, p. 7.

(15)  JO L 224 du 5.9.2018, p. 4.

(16)  JO L 185 du 11.7.2019, p. 44.

(17)  Semestre européen: fiche thématique — Allocations de chômage — 2017.

(18)  COM(2018) 761 final du 21.11.2018, Conseil EPSCO ST 7619 2019 INIT du 15.3.2019.

(19)  COM(2018) 761 final du 21.11.2018, Conseil EPSCO ST 7619 2019 INIT du 15.3.2019.

(20)  COM(2018) 761 final du 21.11.2018, Conseil EPSCO ST 7619 2019 INIT du 15.3.2019.

(21)  JO C 129 du 11.4.2018, p. 7.

(22)  JO C 237 du 6.7.2018, p. 8, ainsi que les avis du JO C 14 du 15.1.2020, p. 1 et JO C 14 du 15.1.2020. p. 46.

(23)  Semestre européen: fiche thématique — Allocations de chômage — 2017.

(24)  COM(2018) 761 final du 21.11.2018, Conseil EPSCO ST 7619 2019 INIT du 15.3.2019.

(25)  COM(2018) 761 final du 21.11.2018, Conseil EPSCO ST 7619 2019 INIT du 15.3.2019.

(26)  Conseil EPSCO ST 6622 2019 INIT du 27.2.2019.


ANNEXE

Les amendements suivants, qui ont recueilli au moins le quart des suffrages exprimés, ont été rejetés au cours des débats (article 59, paragraphe 3, du règlement intérieur):

1.   Paragraphe 1.12

Modifier comme suit:

Le CESE recommande que les résultats du processus d’évaluation comparative soient suivis et jaugés de manière rigoureuse. En l’absence de progrès suffisants dans le sens des effets attendus, il y aurait lieu d’instaurer d’envisager l’adoption d’un instrument juridiquement cadre juridique contraignant qui appuierait et compléterait les efforts déployés par les États membres pour moderniser leurs régimes d’assurance chômage. En plus d’une recommandation du Conseil , servant de balise pour les États membres, le CESE préconise d’envisager l’adoption d’un cadre juridique contraignant d’instaurer une directive au titre de l’article 153 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui fixerait des normes minimales ayant force juridique contraignante pour leurs régimes d’assurance chômage. Il conviendrait qu’elle il comporte des dispositions pour établir, à l’échelle de toute l’Union européenne, des normes minimales en ce qui concerne le taux de remplacement net , la durée des droits à prestations et le taux de couverture des prestations de chômage. Le CESE se prononce en outre pour que dans le cadre de l’assurance chômage, des normes minimales, valables pour toute l’Union, soient établies en ce qui concerne la formation continue et l’activation .

Résultat du vote

Voix pour:

64

Voix contre:

119

Abstentions:

19

2.   Paragraphe 2.10

S’il s’avérait au fil du temps, à l’issue d’un suivi et d’une évaluation approfondis des résultats, qu’aucun progrès suffisant n’a été enregistré dans le sens des effets souhaités, le CESE préconise d’instaurer d’envisager l’adoption d’un une directive au titre de l’article 153 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, cadre juridique contraignant qui fixerait des normes minimales ayant force juridique contraignante pour les régimes d’assurance chômage des États membres. Il conviendrait qu’elle il comporte des dispositions pour établir, à l’échelle de toute l’Union européenne, des normes minimales en ce qui concerne le taux de remplacement net , la durée des droits à prestations et le taux de couverture des prestations de chômage. Le CESE se prononce en outre pour que dans le cadre de l’assurance chômage, des normes minimales, valables pour toute l’Union, soient établies en ce qui concerne la formation continue et l’activation . Ces prescriptions minimales ne doivent nullement empêcher les États membres de fixer des normes plus ambitieuses, comme le précise le socle européen des droits sociaux dans le paragraphe 16 de son préambule. Il convient de ne pas abaisser le niveau de celles qui existent déjà dans certains États membres. Le CESE recommande que ces prescriptions minimales concernant les régimes d’assurance chômage des États membres soient fixées en articulation avec la mise en œuvre appropriée d’une disposition de non-régression , c’est-à-dire une interdiction de profiter de l’instauration des normes minimales pour marquer un recul en la matière. Cette manière de procéder s’inscrit dans l’objectif que s’assigne l’Union européenne d’améliorer les conditions de vie et de travail au sein des États membres dans une optique de convergence vers le haut (article 151 du TFUE).

Résultat du vote:

Voix pour:

63

Voix contre:

122

Abstentions:

18

3.   Paragraphe 4.9

Si, à la suite d’un suivi et d’une évaluation approfondis, les objectifs fixés dans le cadre du semestre européen s’avéraient ne pas produire les effets voulus, le CESE préconise d’envisager l’adoption d’instaurer, dans la perspective de la dimension sociale de l’Europe après 2020, d’un cadre juridique contraignant une directive au titre de l’article 153 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui fixerait des normes minimales ayant force juridique contraignante pour les régimes d’assurance chômage des États membres. Il conviendrait qu’elle il comporte des dispositions pour établir, à l’échelle de toute l’Union européenne, des normes minimales en ce qui concerne le taux de remplacement net , la durée des droits à prestations et le taux de couverture des prestations de chômage. Le CESE se prononce en outre pour que dans le cadre de l’assurance chômage, des normes minimales, valables pour toute l’Union, soient établies en ce qui concerne la formation continue et l’activation .

Résultat du vote

Voix pour:

63

Voix contre:

122

Abstentions:

21