Bruxelles, le 17.12.2018

COM(2018) 844 final

RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL

Aperçu et évaluation des statistiques et des informations relatives aux échanges automatiques dans le domaine de la fiscalité directe


1.INTRODUCTION

Dans un monde marqué par une globalisation croissante, les différences entre les systèmes fiscaux peuvent avoir une incidence négative sur la collecte des recettes fiscales étant donné que les entreprises peuvent transférer leurs bénéfices d’un pays à l’autre et que les contribuables peuvent bénéficier de revenus à l’étranger sans être imposés s’ils n’observent pas la loi dans tous les pays concernés. Cela a conduit au développement de différents mécanismes de coopération entre les autorités fiscales, que l’on qualifie de «coopération administrative dans le domaine de la fiscalité directe».

Au sein de l’UE, la directive 2011/16/UE du Conseil relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal (ci-après la «directive» ou «DCA») est un élément clé de la coopération entre les États membres. En se fondant sur des expériences d’assistance mutuelle depuis 1977, elle soutient les États membres en leur fournissant un nouveau cadre amélioré pour les méthodes de travail communément structurées et les outils informatiques depuis 2013.

Il est très important pour les autorités fiscales d’avoir accès aux informations relatives aux revenus perçus et actifs détenus à l’étranger par les contribuables résidents. L’échange d’informations concernant les contribuables exerçant des activités transfrontalières est de ce fait une composante essentielle de toute coopération administrative efficace et constitue l’une des formes de coopération couvertes par la DCA. L’échange d’informations implique un flux d’informations bilatéral entre les autorités fiscales compétentes de deux pays et concerne des données vraisemblablement pertinentes relatives à une série de taxes et impôts applicables aux personnes physiques et aux personnes morales.

La DCA prévoit trois formes d’échanges d’informations, à savoir: i) l’échange d’informations sur demande (EOIR), qui désigne les demandes d’informations relatives à des personnes ou des transactions spécifiques exprimées par le pays demandeur; ii) l’échange spontané d’informations (SEOI), qui désigne les flux non systématiques d’informations réputées présenter un intérêt pour le pays destinataire; et iii) l’échange automatique d’informations (AEOI), qui désigne l’échange de données fiscales prédéfinies au moyen de formats prédéfinis et à des moments prédéfinis, sans demande préalable d’un autre pays.

Le présent rapport porte sur l’échange automatique d'informations, qui diffère des autres formes d’échange d’informations en raison de son caractère obligatoire et de son champ d’application plus large.

Les États membres ont convenu que l’échange automatique d'informations obligatoire commencerait à la mi-2015 pour les informations fiscales concernant les résidents fiscaux dans d’autres États membres relatives à cinq catégories de revenu et de capital (DCA1). En 2014, les États membres ont convenu d’actualiser la directive afin de mettre en œuvre dans l'UE la norme commune de déclaration élaborée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), introduisant l’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers (DCA2). En 2015, une autre modification a introduit l’échange automatique d'informations pour les décisions fiscales et les accords préalables en matière de prix de transfert (DCA3). L’échange automatique d'informations a encore été élargi en 2016 et en 2017 1 .

Le présent rapport se fonde sur l’article 8 ter, paragraphe 2, de la directive qui prévoit que la Commission présente, avant le 1er janvier 2019, un rapport qui fournira un aperçu et une évaluation de l’échange automatique d'informations dans le cadre de la DCA1, de la DCA2 et de la DCA3. Il fait état des principales conclusions concernant la mise en œuvre de l’échange automatique d'informations, ses coûts et ses avantages, ainsi que les mesures prises par les États membres afin d’exploiter les informations reçues.

Le rapport a principalement été rédigé sur la base d’informations recueillies auprès des autorités fiscales des États membres au moyen d’une enquête annuelle et de jeux de données statistiques collectés chaque année 2 . Il couvre la période allant de 2015 à la mi-2018 pour la DCA1, et de 2017 à la mi-2018 pour la DCA2 et la DCA3.

Il convient de noter qu’au moment de la rédaction du présent rapport, la Commission procède à une évaluation complète de la DCA 3 couvrant, outre l’échange automatique d'informations, toutes les autres formes de coopération administrative.



2.DCA1

La DCA1 impose aux États membres d’échanger automatiquement les informations disponibles pour cinq catégories de revenu et de capital: les revenus d'emploi, les tantièmes et les jetons de présence, les produits d’assurance sur la vie, les pensions et la propriété et les revenus de biens immobiliers 4 . 

Ces informations doivent être transmises au moins une fois par an à l’État membre où réside le contribuable. Les premiers échanges de données ont eu lieu en juin 2015 concernant la période d’imposition 2014. Suivant une approche progressive, les États membres devaient transmettre, à l’horizon 2017, des informations concernant au moins trois catégories de revenu ou de capital sur les cinq catégories décrites à l’article 8, paragraphe 1, de la directive.

Le présent rapport couvre les informations des États membres concernant les années suivantes: 2015, 2016 et 2017.

2.1 Principales caractéristiques des échanges d’informations au titre de la DCA1

Jusqu’en juin 2017, les États membres ont échangé des informations concernant près de 16 millions de contribuables, pour des revenus et capitaux s’élevant à plus de 120 milliards d’EUR. La plupart des informations concernaient les revenus d'emploi et les pensions, qui représentent plus de 80 % des contribuables et 95 % de la valeur totale.

Nombre de contribuables (en millions)

Valeur des informations échangées (en Mio EUR)

* Données partielles

* Données partielles

Figure 1. Évolution des échanges au titre de la DCA1 par année considérée

Le volume d’informations échangées s’est amplifié avec le temps, et a doublé entre 2015 et 2016. Les données relatives aux informations échangées lors de la première moitié de l’année 2017 suggèrent que cette tendance à la hausse s’est maintenue. Cette croissance est également confirmée par les rapports de volumes pouvant être extraits du canal d’échange sécurisé utilisé par les États membres pour leurs échanges bilatéraux: la tendance est également positive en 2017 en termes de volumes de données échangés.

Pays expéditeurs

Pays destinataires

Nombre de contribuables (en millions)

Figure 2. Les 10 premiers pays expéditeurs et destinataires – Documents transmis en 2016

La configuration des échanges correspond globalement à celle de la migration intra-UE. Les pays d’émigration sont des destinataires nets d’informations. La Pologne en particulier reçoit des informations concernant 14 fois plus de contribuables (et correspondant à un montant 19 fois plus élevé) que les informations qu’elle transmet. Le contraire se vérifie pour les pays d’immigration nette comme le Luxembourg qui transmet des informations concernant 5 fois plus de contribuables et un montant plus de 30 fois plus élevé que les informations qu’il reçoit. Parmi les destinataires nets, on compte également l’Espagne et le Portugal, tandis que l’Allemagne et le Danemark figurent parmi les expéditeurs nets.

Sans surprise, les grands pays de l’UE tels que la France, l’Allemagne, l’Italie et le Royaume-Uni font partie des principaux expéditeurs et destinataires, bien que leur profil soit quelque peu différent en termes de catégories de revenu. Par exemple, pour ce qui est des contribuables concernés, la France et l’Allemagne sont de loin les plus grands expéditeurs quant aux revenus issus de l’emploi et de la pension, tandis qu’une part importante des informations qu’elles reçoivent concerne les biens immobiliers. La situation est exactement inverse pour l’Italie, l’Espagne et le Portugal: une grande partie des informations que ces pays transmettent concernent les biens immobiliers, tandis que les informations qu’ils reçoivent ont essentiellement trait aux pensions.

Une vue d’ensemble des interactions bilatérales permet d’observer une forte concentration, avec différentes configurations selon que le nombre de contribuables ou la valeur des informations échangées est pris en compte. Pour ce qui est du nombre de contribuables, la France et l’Allemagne sont les principaux pays expéditeurs. L’essentiel des échanges ont lieu le long de deux axes, l’un reliant l’Allemagne et la France à l’Espagne et au Portugal, et l’autre l’Allemagne et l’Italie, avec deux autres flux importants entre la France et l’Italie et les Pays-Bas et la Pologne.

Il en va autrement lorsque l’on envisage la valeur en euros des informations échangées. Les trois flux les plus importants, représentant plus de 9 milliards d’EUR, partent du Luxembourg vers la Belgique, la France et l’Allemagne. S’y ajoute un flux important depuis la France vers le Portugal, le seul flux ayant un rapport évident avec l’échange d’informations en termes de nombre de contribuables.

Figure 3. Principaux flux bilatéraux/Valeur des informations échangées/Année 2016

Disponibilité des informations

En vertu de la DCA1, les États membres sont uniquement tenus de partager les informations disponibles dans leurs bases de données fiscales nationales. Aucune collecte de données autre que celle effectuée par les administrations fiscales à des fins fiscales internes n’est requise.

En 2017, huit États membres disposaient d’informations pour l’ensemble des cinq catégories de revenu et de capital couvertes par la DCA1, tandis que neuf autres disposaient d’informations pour toutes les catégories à l’exception des produits d’assurance sur la vie. Seul un pays, Chypre, ne disposait d’informations que sur l’une des catégories de revenu (pensions). Les dix États restants étaient en mesure d’échanger des informations sur trois catégories de revenu. Cette disponibilité des informations a peu évolué au cours des trois années considérées. Seules la République tchèque, l’Estonie, la Finlande et l’Italie ont augmenté le nombre de catégories de revenu depuis 2015.

Figure 4. Nombre de catégories de la DCA1 pour lesquelles des informations sont disponibles, 2015-2017

Pour les administrations fiscales, les efforts visant à disposer de nouvelles informations pour l’échange automatique d'informations peuvent s’avérer longs et coûteux. L’Irlande, par exemple, a indiqué que la collecte d’informations relatives aux produits d’assurance sur la vie exigerait beaucoup de temps et de ressources, compte tenu de la législation et des systèmes informatiques à mettre en place. Malte a souligné que la collecte d’informations supplémentaires ferait peser une charge importante sur les opérateurs économiques.

Certaines données permettent toutefois de penser que renforcer la disponibilité des informations ne nécessite pas toujours la collecte d’informations supplémentaires. La disponibilité peut être élargie grâce à une amélioration de l’accessibilité des informations existantes. En 2015, la République tchèque a réorganisé ses bases de données fiscales nationales afin de fournir des informations sur les revenus de la propriété et, en 2016, la Finlande a pu commencer à transmettre des informations relatives aux revenus de la propriété en intégrant différentes bases de données existantes.

Disponibilité des éléments d’identification – Numéro d’identification fiscale (NIF)

L’inclusion d’éléments d’identification dans les données transmises est essentielle pour que les États membres puissent associer les informations reçues à leurs bases de données nationales sur les contribuables. Le nom du contribuable et le NIF attribué par le pays destinataire sont considérés comme les éléments d’identification les plus utiles pour la mise en correspondance automatique. L’inclusion systématique d’informations relatives au NIF du contribuable permettrait de contourner plusieurs problèmes liés à l’utilisation du nom pour l’identification, tels que les fautes d’orthographe ou les traductions/translittérations ainsi que les homonymies.

Toutefois, seuls deux pays, l’Irlande et la Lituanie, ont effectivement inclus dans les informations échangées le NIF attribué par le pays destinataire pour tous les contribuables concernés. L’Estonie l’a fait pour près de 60 % des contribuables.

Dans pas moins de 15 cas, les informations transmises ne contenaient pas le NIF attribué par le pays destinataire pour les contribuables au sujet desquels des informations ont été partagées. Ces cas concernant notamment les principaux expéditeurs, dans l’ensemble, seuls 2 % des contribuables au sujet desquels des informations ont été échangées étaient associés à un NIF attribué par le pays destinataire. Par conséquent, l’identification des contribuables est fondée dans la pratique sur des informations concernant leur date de naissance et leur nom en format libre ou structuré.

Figure 5. Part des contribuables/parties pour lesquels le NIF du pays destinataire a été indiqué par l’État membre expéditeur (toutes les années considérées, moyenne pondérée)

Intervalle de temps entre l’exercice fiscal du revenu et la date de transmission

Les États membres ont l’obligation de partager les informations visées par la DCA1 au plus tard six mois après la fin de l’exercice fiscal de l’État membre au cours duquel les informations sont devenues disponibles. En pratique, un délai allant jusqu’à 18 mois à partir de la fin de l’exercice fiscal a parfois été observé.

Dans l’ensemble, depuis le début des échanges d’informations au titre de la DCA1, les informations fiscales ont en moyenne été transmises 12 mois après la fin de l’exercice fiscal auquel elles se réfèrent, mais il existe des différences importantes entre les États membres.

Le temps requis s’est raccourci au fil du temps et il n’existe pas de différence majeure entre les diverses catégories de revenu. La proportion des informations transmises dans les six mois est passée de 31 % pour les données concernant l’exercice fiscal 2014 à 45 % pour celles concernant l’exercice fiscal 2015.

Aucune corrélation n’a été détectée entre le temps nécessaire pour échanger les informations et le type de revenu et de capital, le nombre de documents transmis, le nombre de contribuables ou la valeur globale concernée. En outre, si 10 États membres transmettent toutes les données en même temps, les autres ont tendance à les répartir sur plusieurs mois.

Traitement et utilisation des informations reçues

Pour utiliser les données reçues, il est nécessaire dans un premier temps d’ouvrir le document et de commencer à le traiter. Les États membres ont tendance à ouvrir les documents dans un délai d’un an après réception. En 2017, selon le type de revenu, 23 États membres ont indiqué ouvrir les documents reçus dans un délai d’un an après réception. En 2017, seuls trois États membres (la Bulgarie, Malte et la Slovaquie) semblent n’avoir traité les documents reçus ni l’année de leur réception, ni les années suivantes.

Normalement, la première étape consiste à mettre en correspondance les informations reçues avec le dossier d’un contribuable identifié. Les informations concernant un contribuable non identifié sont plus difficilement utilisables. La mise en correspondance permet de relier les informations reçues d’autres pays aux dossiers des contribuables concernés.

La part des données automatiquement échangées au titre de la DCA1 identifiées et correctement mises en correspondance avec les bases de données nationales varie en fonction du type de revenu et de capital. S'agissant des États membres pour lesquels des résultats étaient disponibles en ce qui concerne les correspondances pour 2017, le taux de correspondance était de quelque 90 % en moyenne pour les revenus d'emploi et les pensions, contre 75 % à 80 % pour les tantièmes et les jetons de présence et la propriété et les revenus de biens immobiliers, et un modeste 59 % pour les produits d’assurance sur la vie. Près de 90 % des mises en correspondance se font de manière automatique ou semi-automatique. La part des mises en correspondance manuelles a reculé au fil du temps.

L’évaluation des risques et la détermination de l’impôt sur le revenu des personnes physiques 5 constituent les deux utilisations les plus fréquentes des informations pour l’ensemble des trois années. La tendance générale semble aller vers une utilisation accrue et plus intensive des informations reçues. Il n’existe pas de différences majeures dans l’utilisation des informations relatives aux différentes catégories de revenu, à l’exception des informations relatives aux produits d’assurance sur la vie, qui sont systématiquement moins utilisées que celles relatives aux autres types de revenus.

Utilisation des informations visées par la DCA1, 2015-2017 (utilisation pour au moins une catégorie de revenu/actifs

Figure 6. Utilisation des informations visées par la DCA1

3.DCA2

En vertu de la DCA2, les États membres sont tenus d’échanger automatiquement des renseignements concernant les comptes financiers, c’est-à-dire le solde des comptes déclarables à la fin de l’année, ainsi que les dividendes, les intérêts, les produits bruts et les autres revenus d’investissement versés sur le compte en question pendant un an. Ces informations sont fournies aux autorités fiscales des États membres par les institutions financières, qui doivent appliquer certaines procédures de diligence raisonnable visant à identifier les comptes financiers déclarables et à transmettre les informations requises. La DCA2 met en œuvre, au sein de l’UE, la norme commune de déclaration (NCD) élaborée par l’OCDE et largement appliquée à l’échelle internationale.

Les informations sont transmises annuellement dans les neuf mois qui suivent la fin de l’année civile ou d’une autre période de référence adéquate à laquelle les informations se rapportent. Les premiers échanges ont eu lieu en septembre 2017.

Les informations disponibles pour le présent rapport concernent la période de six mois allant de la mi-septembre 2017 à mars 2018. Par conséquent, aucune véritable tendance en matière de flux d’informations ne peut être dégagée et aucune analyse fiable de l’utilisation éventuelle des données ne peut être effectuée. Enfin, l’Autriche n’a commencé à appliquer pleinement la DCA2 qu’en 2018.

Principales caractéristiques des échanges d’informations au titre de la DCA2

Les États membres ont échangé des informations concernant environ 8,7 millions de comptes au total, et des revenus financiers liés aux soldes des comptes en fin d’année s’élevant à 2 919 milliards d’EUR au total. Jusqu’à présent, les échanges ne concernent cependant que les «comptes de valeur élevée» 6 existants et les «nouveaux comptes» ouverts au cours des derniers mois de l’année 2016. Le nombre de comptes devrait donc augmenter une fois que le champ d’application de la DCA2 aura été pleinement mis en œuvre.

Les autres informations financières échangées semblent essentiellement se référer aux produits bruts, qui représentent 3 466 milliards d'EUR 7 . À titre de comparaison, les dividendes sont évalués à 21,2 milliards d’EUR, les intérêts à 19,0 milliards d’EUR et les autres paiements à 61,8 milliards d’EUR.

Pays expéditeurs

Pays destinataires

Nombre de comptes (en millions)

Montant total (en Mrd EUR)

Figure 7. Les 10 premiers expéditeurs et destinataires d’informations visées par la DCA2

Le réseau d’échanges bilatéraux est centré sur le Luxembourg et, dans une bien moindre mesure, sur l’Irlande. Les flux sortants d’informations financières sont dominés par le Luxembourg, avec 17 % des comptes et près de 80 % des montants déclarés. L’Irlande est également un pays expéditeur important et occupe la quatrième place du classement tant en ce qui concerne le nombre de comptes que le montant total déclaré.

Concernant les informations entrantes, on note des différences en fonction de la variable envisagée. S’agissant du nombre de comptes, le classement reflète globalement la taille des économies des États membres, l’Allemagne, l’Italie, la France et le Royaume-Uni représentant la moitié du total des comptes. En revanche, en ce qui concerne la valeur déclarée, la Belgique, la Suède et le Royaume-Uni, représentant cumulativement 63 % de la valeur totale, sont en tête du classement.

Figure 8. Principaux flux bilatéraux – Nombre de comptes (gauche) et valeur des informations échangées (droite)

Disponibilité des informations et respect des délais

La disponibilité des informations et la question du respect des délais ne sont pas pertinentes pour la DCA2 puisqu’il n’existe aucune «clause de disponibilité» ou de délais potentiellement longs pour l’échange des informations que reçoivent les autorités fiscales de leurs institutions financières. Les NIF intégrés dans les données transmises au titre de la DCA2 sont nettement plus nombreux que dans celles au titre de la DCA1. Dans l’ensemble, environ 70 % des comptes dont les détenteurs sont des personnes physiques sont au moins associés à un NIF, et 73 % des comptes dont les détenteurs sont des personnes morales sont associés à un numéro d’identification de l’organisme. Cela tient à l’obligation pour une institution financière ou une banque de connaître ses clients.

Traitement et utilisation des informations reçues

Lors de la première année des échanges au titre de la DCA2, seuls trois États, la Bulgarie, la Slovaquie et Malte, ont indiqué ne pas avoir ouvert les documents reçus. L’Italie et la Suède ont déclaré avoir procédé à une sélection initiale des documents reçus au moyen d’une combinaison de seuils et d’autres critères, tandis que tous les autres États membres ont travaillé directement sur le jeu de données complet.

Les informations relatives aux taux de mise en correspondance et aux méthodes utilisées (traitement entièrement ou partiellement automatique ou manuel) ne sont disponibles que pour certains États membres. La plupart des États membres utilisent un procédé de mise en correspondance automatique. Seuls quelques États ont recours à des procédures manuelles moins efficaces. En termes de résultats, sept États membres sont parvenus à mettre en correspondance 80 % ou plus des informations reçues, tandis que deux autres ont réussi à mettre en correspondance 75 % des données. Ces résultats sont inférieurs pour les autres États membres. L’Estonie fait état du taux de mise en correspondance le plus faible (37 %).

L’évaluation des risques est présentée comme l’utilisation la plus fréquente des informations visées par la DCA2, suivie par la détermination de l'impôt. De nombreux États membres ont également indiqué utiliser les informations pour mener des campagnes de sensibilisation et pour avertir le contribuable de la publication de celles-ci.

Les premiers échanges ayant eu lieu en septembre 2017, les informations visées par la DCA2 n’ont pas été autant utilisées que les informations visées par la DCA1 en 2017. Neuf États ont indiqué ne pas avoir utilisé les informations reçues au titre de la DCA2. Cinq d’entre eux, la Bulgarie, l’Allemagne, le Luxembourg, Malte et la Slovaquie, n’ont pas non plus utilisé les informations reçues au titre de la DCA1 la même année. L’Italie, qui a utilisé de façon limitée les informations visées par la DCA1, a indiqué avoir utilisé les données visées par la DCA2, même si ce ne fut que pour des campagnes de sensibilisation.

4.DCA3

L’échange automatique d'informations au titre de la DCA3 requiert le partage d’informations relatives aux décisions fiscales anticipées en matière transfrontière (DFA) et aux accords préalables en matière de prix de transfert (APP) concernant une personne ou un groupe de personnes autres que des personnes physiques. Le partage s’effectue au moyen d’une saisie dans une base de données centrale accessible à tous les États membres.

La DCA3 a entraîné un renforcement important de la transparence des informations relatives aux décisions fiscales anticipées et aux accords préalables en matière de prix de transfert. Près de 18 000 décisions ont été saisies dans le répertoire central en 2017, alors que très peu étaient spontanément communiquées avant 2015. Il est toutefois trop tôt pour rendre compte de la façon dont ces informations supplémentaires ont été utilisées.

1.COÛTS ET AVANTAGES

Les coûts exposés par les États membres sont essentiellement liés à la mise au point et à la maintenance des systèmes informatiques utilisés pour échanger des informations automatiquement. La plupart des coûts sont engagés lors du développement des systèmes informatiques, tandis que les coûts récurrents sont bien inférieurs.

Il ressort des données disponibles que les coûts globaux de mise en œuvre des dispositions relatives à l’échange automatique d'informations s'élèvent à environ 112 millions d’EUR pour la période 2012-2017. Ces coûts varient en fonction du système comme indiqué dans les sections ci-après.

DCA1

Les coûts totaux engagés par les États membres pour la mise en œuvre de l’échange automatique d'informations au titre de la DCA1 se sont élevés à 69 millions d’EUR. Ces coûts diffèrent considérablement en fonction des États membres et des années. Cela peut s’expliquer par des différences en termes de sophistication des systèmes informatiques utilisés pour l’échange automatique d'informations et de méthodes d’obtention de ceux-ci (par exemple, sous-traitance ou développement en interne). Les coûts peuvent également être plus élevés lorsque des solutions facilitant l’utilisation des informations (par exemple, outils de mise en correspondance) ont été incluses dès le début dans le travail de développement.

Figure 9. Coûts liés à la DCA1 jusqu’en 2017 (22 États membres) (en Mio EUR)



DCA2

Les coûts totaux engagés par les États membres pour la mise en œuvre de l’échange automatique d'informations au titre de la DCA2 se sont élevés à 45,4 millions d’EUR. Dans la mesure où les dispositions de la DCA2 se fondent sur la norme commune de déclaration (NCD) de l’OCDE, les systèmes informatiques utilisés pour la collecte et les échanges des données au titre de la DCA2 et de la NCD sont largement comparables. Il est donc difficile de distinguer les coûts liés à la DCA2 et à la NCD, et les déclarations de coûts des États membres pourraient surestimer les coûts uniquement imputables à la DCA2.

Figure 10. Coûts liés à la DCA2 jusqu’en 2017 (21 États membres) (en Mio EUR)

Comme pour la DCA1, on observe pour la DCA2 des différences de taille entre les États membres en termes de coûts. 

Outre les États membres, les institutions financières ont également dû engager des dépenses pour adapter leurs systèmes informatiques dans le cadre de la DCA2. S’il n’existe pas de chiffre précis pour ces coûts, les données disponibles semblent indiquer que les coûts supportés par les institutions financières sont plus élevés que ceux assumés par les États membres. Les estimations des coûts ponctuels pour les institutions financières en Autriche, en France, en Allemagne, au Luxembourg et au Royaume-Uni fournies par les parties prenantes s’élèvent à environ 340 millions d’EUR au total, tandis que les coûts annuels sont estimés à 120 millions d'EUR.

Il n’existe pas d’estimation chiffrée de la charge administrative supportée par les contribuables devant se conformer aux obligations de déclaration de la DCA2. Pour la DCA2, les entités déclarantes auprès des autorités fiscales ne sont pas les contribuables, mais les institutions financières responsables des comptes déclarables.

DCA3

Les coûts totaux engagés par les États membres pour la mise en œuvre de l’échange automatique d'informations au titre de la DCA3 se sont élevés à 2,1 millions d’EUR. Ce montant est sensiblement inférieur à ceux de la DCA1 et de la DCA2 pour les raisons suivantes:

·les informations visées par la DCA3 ne sont pas échangées de façon bilatérale, mais sont téléchargées sur un répertoire central géré par la Commission;

·le nombre de données à partager est bien moindre que pour la DCA1 et la DCA2;

·les systèmes et procédures devant être mis en place par les États membres sont moins complexes.

Malgré des coûts inférieurs, d’importantes différences subsistent entre les États membres.

Figure 11. Coûts liés à la DCA3 jusqu’en 2017 (16 États membres) (en EUR)

Avantages de l’échange automatique d'informations entre les autorités fiscales compétentes

L’échange automatique d'informations a pour principal avantage de fournir aux administrations fiscales des informations utiles pour lutter contre la fraude fiscale et l’évasion fiscale transfrontalières. Il existe un risque élevé de non-respect intentionnel et non intentionnel des règles applicables aux revenus ou actifs qui ne sont pas déclarés au niveau national par des tiers tels que les employeurs et les banques. Dès lors que les revenus et actifs de sources étrangères ne sont déclarés dans le pays de résidence que par le contribuable, il pourrait s’agir d’un domaine à risque en termes de conformité 8 .

Toutefois, pour ce qui est de quantifier les avantages de l’échange automatique d'informations en termes de recettes fiscales supplémentaires, les États membres ont expliqué à plusieurs reprises la difficulté de définir les avantages monétaires directs tirés des données fiscales reçues de l’étranger, qui ne constituent au mieux qu’une partie des informations utilisées pour l’évaluation des impôts supplémentaires, et qui peuvent en fin de compte ne pas déboucher sur des recettes fiscales supplémentaires. On peut considérer que l’exactitude de l’impôt est déjà un avantage non négligeable pouvant être atteint au moyen de l’échange automatique d'informations obligatoire, mais cela n’implique pas nécessairement des recettes fiscales supplémentaires. En outre, en tant que partie de l’ensemble des informations concernant un contribuable, les données provenant automatiquement de l’étranger ont un rôle à jouer dans la définition du profil détaillé d'un contribuable à risque ou respectueux de ses obligations. Enfin, l’effet dissuasif pour les contribuables lié à l’accroissement escompté de l’utilisation des informations échangées constitue sans aucun doute un autre avantage important.

Grâce aux informations reçues d’autres États membres dans le cadre des échanges automatiques, certains États membres ont pu déterminer que certains contribuables avaient insuffisamment déclaré leurs revenus.

S’agissant des avantages en termes d’amélioration du respect des règles fiscales, cinq États membres (la Belgique, l’Estonie, la Finlande, la Pologne et la Slovénie) ont pu calculer les avantages monétaires résultant de l’utilisation des informations visées par la DCA1.

États membres

Année

EI

DF

PEN

LIP

IP

Total

A. Augmentation de la base d’imposition

Belgique

20171

148 593

105 837

40 040

289 470

Finlande

2017

29 000

B. Recettes supplémentaires ou augmentation de la taxe établie

Estonie

2016

320

2017

417

Pologne

2015

87

0

3

0

0

91

2016

830

0

39

0

2

870

2017

1 108

1

390

0

19

1 519

Slovénie

2016

329

0

495

0

7

830

2017

1 373

0

2 259

5

13

3 650

Tableau 12: Recettes fiscales supplémentaires tirées des mesures liées à la DCA1 (en milliers d’EUR)

Pour l’Estonie, la Pologne et la Slovénie, des données sont disponibles pour plus d’une année. Il en ressort que les avantages augmentent au fil du temps, ce qui peut s’expliquer par le fait que les autorités fiscales font progressivement un meilleur usage des informations échangées. Pour la Belgique, la Pologne et la Slovénie, pays ayant fourni des informations par catégorie de revenu et de capital au titre de la DCA1, pratiquement tous les avantages découlent de l’utilisation aux fins du respect des règles des informations relatives aux revenus d'emploi et aux pensions visées par la DCA1, c’est-à-dire de la vérification de la déclaration effective de ces revenus étrangers par les contribuables. Dans le cas de la Belgique et la Finlande, ces avantages sont décrits comme une augmentation de la base d’imposition. Les recettes supplémentaires effectivement perçues ne sont pas connues, mais elles représentent vraisemblablement une fraction de l’augmentation totale de la base d’imposition. Pour la Belgique, l’Estonie, la Finlande et la Slovénie, les avantages déclarés sont supérieurs aux coûts déclarés 9 . Par exemple, la Belgique a indiqué des coûts de 9 100 000 EUR liés à la DCA1 et des revenus supplémentaires (non déclarés) de 289 470 000 EUR en base d’imposition. Si ces revenus supplémentaires étaient imposés à un taux de 10 %, cela donnerait 28 947 000 EUR de recettes fiscales supplémentaires. S'agissant de la DCA2 et de la DCA3, aucune information n’est disponible quant aux avantages tirés de l’utilisation aux fins du respect des règles des informations reçues, en raison de la brièveté de la période qui s’est écoulée entre le présent rapport et les premiers échanges au titre de la DCA2 et de la DCA3 en 2017.

En ce qui concerne les avantages en termes de dissuasion, les estimations indiquent que la NCD (mise en œuvre au sein de l’UE par le biais de la DCA2) a eu un effet dissuasif notable. Selon le Forum mondial, la NCD a entraîné des déclarations volontaires et des enquêtes qui ont généré près de 85 milliards d’EUR de recettes fiscales supplémentaires 10 . Ce chiffre couvre toutefois la totalité du champ d’application de la NCD et pas uniquement les échanges intra-UE en vertu de la DCA2. Malgré la difficulté de distinguer les avantages (et les coûts) liés à la DCA2 et à la NCD, il convient de noter que même une infime fraction de ce montant (1 milliard d’EUR par exemple) compenserait largement les coûts déclarés pour les autorités fiscales.



2.CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

Trois conclusions principales peuvent être tirées de ce rapport.

Premièrement, les États membres ont reconnu que les informations fiscales reçues par l’intermédiaire de l’échange automatique d'informations peuvent être utilisées de différentes manières. Les autorités fiscales les utilisent essentiellement à des fins d’évaluation des risques et de détermination de l’impôt sur le revenu des personnes physiques. Néanmoins, plusieurs États membres ne font toujours qu’une utilisation très limitée, voire nulle, des informations qu’ils reçoivent.

Deuxièmement, l’échange automatique d'informations a nécessité de la part des États membres des investissements considérables en matière de développement et, même si les coûts récurrents sont inférieurs, le maintien des activités d’échange entraîne des dépenses annuelles. Concernant les avantages de l’échange automatique d'informations, il semble qu'ils résident principalement dans l’amélioration du respect des règles fiscales et dans l’effet dissuasif pour les contribuables. Il est cependant très difficile de quantifier les avantages de l’échange automatique d'informations en termes de recettes fiscales supplémentaires.

Troisièmement, les États membres transmettent souvent des informations qui ne comprennent pas tous les éléments d’identification nécessaires pour permettre une mise en correspondance automatique de ces informations avec celles disponibles au niveau national. Les principales améliorations pour l’avenir concernent les deux aspects suivants:

Améliorer la qualité des informations

Si l’échange automatique d'informations était utilisé de façon plus efficace, les États membres amélioreraient le respect des règles à l’échelle de l’UE et assureraient des conditions équitables pour les contribuables actifs au niveau national comme transfrontalier. L’utilisation efficace des masses d’informations nécessite deux mesures principales:

   les États membres devraient vérifier la qualité des informations qu’ils collectent avant de les transmettre;

   les États membres destinataires des informations devraient fournir un retour opportun et constructif aux États membres expéditeurs afin que la qualité de l’échange automatique d'informations puisse augmenter avec le temps. Les États membres devraient également fournir un retour aux entités (par exemple, institutions financières) qui délivrent des informations destinées à l’échange automatique d'informations.

Mieux exploiter les données reçues par l’intermédiaire de l’échange automatique d'informations

La pleine exploitation des informations dans le cadre de l’échange automatique d'informations nécessite une orientation stratégique au niveau des États membres ainsi que l’adoption de plusieurs indicateurs clés communs relatifs aux avantages et aux méthodes d’évaluation:

   les États membres devraient développer une méthodologie commune pour estimer les avantages de l’échange automatique d'informations de façon fiable et exhaustive;

   les États membres devraient veiller à ce que les informations dans le cadre de l’échange automatique d'informations fassent partie du cycle de gestion des risques fiscaux et qu’elles soient davantage utilisées à des fins de campagnes de sensibilisation en vue d’améliorer le respect volontaire des règles, ainsi qu’à des fins d’audit, combinant tous les flux d'échange automatique d'informations ainsi que les informations obtenues au niveau national et par le biais d’autres méthodes de coopération administrative (par exemple, contrôles simultanés, présence dans d’autres administrations fiscales lors d’enquêtes et au moyen de l’échange d’informations spontané et sur demande);

   les États membres devraient partager leurs connaissances en matière de meilleures pratiques en vue d'une exploitation pleine et efficace des données, en utilisant par exemple des techniques d’analyse avancées telles que l’exploration de données.

Le programme européen «Fiscalis» aux fins de la coopération dans le domaine fiscal 11 peut servir d’appui pour améliorer la qualité des données dans le cadre de l’échange automatique d'informations et veiller à ce que les informations échangées soient utilisées de façon efficace afin de créer un système fiscal plus juste dans l’intérêt de l’Europe et de ses citoyens.

(1)

Pour de plus amples informations, voir les pages internet de la DG TAXUD consacrées à la coopération administrative.

(2)

Règlement d’exécution (UE) 2018/99 de la Commission sur le format de l’évaluation annuelle et des données statistiques.

(3)

Feuille de route de l’évaluation: https://ec.europa.eu/info/law/better-regulation/initiatives/ares-2018-1068597_en  

(4)

Dans le présent rapport, les acronymes suivants sont utilisés pour l’échange automatique d'informations dans le cadre de la DCA1: revenus d'emploi (EI); pensions (PEN); produits d’assurance sur la vie (LIP); propriété et revenus de biens immobiliers (IP); tantièmes et jetons de présence (DF).

(5)

Indépendamment du type de revenu, les informations visées par la DCA1 sont essentiellement utilisées dans le domaine de l’impôt sur le revenu des personnes physiques. Parmi les autres domaines d’utilisation plus fréquente des informations visées par la DCA1 figurent l’impôt des sociétés et les fins de recouvrement.

(6)

Le terme «compte de valeur élevée» désigne un compte ouvert avant le 1er janvier 2016 dont le solde ou la valeur agrégé dépasse, au 31 décembre 2015 ou au 31 décembre d'une année ultérieure, un montant équivalant à 1 000 000 USD.

(7)

Il convient de signaler que cette valeur est fortement influencée par les données statistiques concernant les informations relatives aux produits bruts transmises par le Royaume-Uni à la France pour une valeur de plus de 1 254 milliards d’EUR, et par la France au Royaume-Uni pour une valeur de 1 320 milliards d’EUR. 

(8)

Voir le rapport relatif au manque à gagner fiscal adressé au comité des finances et au Sénat des États-Unis par le United States Government Accountability Office (GAO).

(9)

Les coûts ne sont pas disponibles pour la Pologne.

(10)

Forum mondial, mars 2018, Progress report to Ministers of Finance, p. 13.

http://www.oecd.org/tax/transparency/about-the-global-forum/g20/  

(11)

Proposition de règlement du 8 juin 2018 établissant le programme «Fiscalis» aux fins de la coopération dans le domaine fiscal au titre du cadre financier pluriannuel (CFP) pour la période 2021-2027.

https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?qid=1529053629679&uri=CELEX:52018PC0443