Bruxelles, le 12.9.2018

COM(2018) 641 final

COMMUNICATION DE LA COMMISSION

Une Europe qui protège: une initiative pour étendre les compétences du Parquet européen aux infractions terroristes transfrontières

























































































Contribution de la Commission européenne à la réunion des dirigeants qui aura lieu à Salzbourg les 19 et 20 septembre 2018






























«L'Union européenne doit aussi être plus forte en matière de lutte contre le terrorisme. Ces trois dernières années, nous avons fait des progrès mais nous ne réagissons pas assez rapidement en cas de menaces terroristes transfrontalières. […] De même, il me paraît tout à fait indiqué de charger le nouveau Parquet européen de poursuivre les auteurs d'infractions terroristes transfrontalières.»

Jean-Claude Juncker, discours sur l’état de l’Union, 13 septembre 2017

1.Introduction

Le terrorisme reste l’un des défis les plus importants auxquels nos sociétés sont confrontées. Les actes terroristes constituent une forme de criminalité parmi les plus graves et bafouent les valeurs mêmes sur lesquelles est fondée l’Union européenne.

Une Europe plus forte se doit de protéger ses citoyens et de veiller à ce que les terroristes soient rapidement traduits en justice. Dans son discours sur l’état de l’Union de septembre 2017, le président Juncker a défini un certain nombre de mesures visant à rendre l’Union plus forte, plus unie et plus démocratique d’ici 2025. Dans le prolongement de ces propos, la Commission présente la présente initiative visant à étendre la compétence du Parquet européen 1 à la conduite d’enquêtes et de poursuites en matière de terrorisme.

Au cours des dernières années, la menace terroriste est restée élevée dans l’Union européenne et n’a cessé d’évoluer. Outre l’émergence de nouvelles formes d’attentats terroristes, la propagande en ligne et le réseautage via les médias sociaux sont devenus de puissants outils permettant aux terroristes d’établir des contacts dans l’UE pour recruter, radicaliser et lever des fonds 2 . La menace terroriste est présente et constitue un défi à long terme qui appelle une réaction globale et structurelle de la part de l’Union, notamment des enquêtes et des poursuites en matière d’infractions terroristes dans l’ensemble de l’UE.

L’Union européenne, tout en respectant les limites établies par le traité 3 , a pris des mesures énergiques pour lutter contre la menace terroriste, notamment dans le cadre du programme européen en matière de sécurité de 2015 4 et des travaux visant à mettre en place une union de la sécurité réelle et effective 5 . Elle a pris des mesures afin de priver les terroristes des espaces et des moyens nécessaires pour commettre des attentats, de réprimer pénalement, dans l’ensemble de l’Union, les infractions à caractère terroriste, d’améliorer le partage entre États membres d’informations en matière répressive, de lutter contre la radicalisation et de renforcer la gestion des frontières extérieures de l’Union. Les agences de l’Union, notamment Eurojust et Europol se sont vu renforcées dans leur rôle de facilitation de la coopération judiciaire et policière dans l’UE, qui inclut la coordination et l’échange d’informations dans les affaires de terrorisme à la demande des autorités nationales. Une proposition de règlement concernant la prévention de la diffusion en ligne de contenus à caractère terroriste est adoptée en même temps que la présente communication 6 .

Si des progrès significatifs ont été accomplis et, dans certains cas, une coopération transfrontière a été menée avec succès, l’Union ne dispose cependant pas de dispositif au niveau européen pour mener des poursuites dans ce domaine, comprenant toutes les étapes, depuis l’enquête et la poursuite jusqu’au renvoi en jugement des infractions terroristes transfrontières. Si tous les États membres n’ont pas été exposés dans les mêmes proportions aux menaces terroristes, ces dernières années 7 , au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, les lacunes des enquêtes et des poursuites dans un État membre peuvent entraîner des pertes humaines et des risques dans un autre ou dans l’Union tout entière.

Le Parquet européen récemment créé est responsable des enquêtes, poursuites et renvois en jugement des infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union 8 . Acte fondateur du Parquet européen, le règlement (UE) 2017/1939 est entré en vigueur le 20 novembre 2017 9 avec la participation de vingt 10 États membres. Depuis lors, deux États membres supplémentaires se sont associés à la coopération renforcée 11 . Des travaux sont en cours pour faire en sorte que le Parquet européen devienne pleinement opérationnel d’ici 2020. La présente initiative n’affectera pas la mise en place du Parquet européen au titre du règlement (UE) 2017/1939 existant.

2.L’initiative de la Commission

La Commission présente la présente initiative, qui entraînerait une modification du traité, en vue d’étendre les compétences du Parquet européen aux infractions terroristes touchant plus d’un État membre dans le cadre de la réponse européenne globale et renforcée aux menaces terroristes.

La présente communication est accompagnée d’une annexe contenant une initiative de la Commission en vue de l’adoption éventuelle d’une décision du Conseil européen modifiant l’article 86, paragraphes 1 et 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne en vue d’étendre la compétence du Parquet européen aux infractions terroristes touchant plus d’un État membre.

L’article 86, paragraphe 4, du TFUE prévoit la possibilité d’étendre les compétences du Parquet européen. Conformément à l’article 86, paragraphe 4, du TFUE, le Conseil européen est habilité à adopter une décision modifiant l’article 86 du TFUE afin d’étendre les attributions du Parquet européen à la lutte contre la criminalité grave touchant plus d’un État membre. Le Conseil européen statue à l’unanimité, après approbation du Parlement européen et après consultation de la Commission.

Le terme «unanimité» figurant à l’article 86, paragraphe 4, du TFUE renvoie non seulement aux États membres qui participent au Parquet européen 12 , mais englobe également les autres États membres. Si cette procédure simplifiée de modification du traité ne prévoit pas que le Conseil européen agit sur la base d’une proposition de la Commission, cela n’empêche pas pour autant la Commission de présenter une initiative.

Le Conseil européen peut modifier l’article 86, paragraphes 1 et 2, du TFUE afin d’étendre la compétence matérielle du Parquet européen à toutes les formes, à certaines formes ou à une seule forme de «criminalité grave ayant une dimension transfrontière». Cette notion englobe les formes particulièrement graves de criminalité revêtant une dimension transfrontière figurant à l’article 83, paragraphe 1, du TFUE. Une exigence supplémentaire veut que la compétence du Parquet européen ne puisse être étendue qu’en ce qui concerne des «crimes graves affectant plusieurs États membres».

Après une décision du Conseil européen modifiant l’article 86 du TFUE, la Commission présenterait une proposition législative modifiant le règlement (UE) 2017/1939 de manière à attribuer la compétence en question au Parquet européen et à introduire toute adaptation qui pourrait être nécessaire à l’efficacité des activités d’enquête et de poursuite du Parquet européen en matière de terrorisme. Lors de la modification du règlement, il ne serait pas possible d’avoir une géométrie variable au sein du Parquet européen, en ce sens que les États membres participeraient à des éléments différents de sa compétence. De la même manière, les États membres non participants qui pourraient adhérer ultérieurement au Parquet européen devraient y participer dans son intégralité.

3.Lacunes dans les enquêtes et les poursuites en matière d’infractions terroristes transfrontières

Malgré les progrès significatifs accomplis actuellement pour lutter contre le terrorisme et les autres menaces sécuritaires dans l’Union européenne, notamment dans le cadre du programme européen en matière de sécurité et des travaux visant à mettre en place une union de la sécurité réelle et effective, un certain nombre de lacunes subsistent encore dans le cadre juridique, institutionnel et opérationnel actuel. En particulier, il n’existe pas d’approche commune de l’Union en matière d’enquête, de poursuite et de renvoi en jugement des infractions terroristes transfrontières.

3.1.Fragmentation des enquêtes concernant des infractions terroristes

Actuellement, les autorités répressives et judiciaires nationales sont exclusivement responsables des enquêtes, poursuites et renvois en jugement d’infractions terroristes. Toutefois, leurs pouvoirs s’arrêtent aux frontières nationales alors que les infractions terroristes revêtent très souvent une dimension transfrontière 13 . Il en résulte fréquemment des approches nationales divergentes en matière d’enquête et de poursuite, de même que des lacunes dans les échanges d’informations, la coordination et la coopération entre les différentes autorités concernées de part et d’autre des frontières.

Au fil des ans, l’Union a mis en place une série de mesures pour améliorer la coopération transfrontière en ce qui concerne les infractions terroristes. En particulier, Eurojust et Europol facilitent dès à présent la coopération multilatérale, respectivement en matière judiciaire et répressive, ainsi que la coordination et l’échange d’informations dans les affaires concernant la grande criminalité transfrontière à la demande des autorités nationales. Le rôle d’Eurojust sera encore renforcé par son nouveau cadre juridique qui doit entrer en application en 2019 14 .

La charge de travail d’Eurojust dans le domaine de la lutte contre les infractions terroristes a plus que doublé entre 2015 et 2017 15 , tandis que le nombre d’équipes communes d’enquête a quadruplé 16 . Les dossiers traités par Eurojust montrent clairement qu’une approche commune et coordonnée entre les autorités judiciaires nationales est de plus en plus nécessaire. Les États membres sollicitent l’assistance d’Eurojust, par exemple, pour l’échange d’informations et d’éléments de preuve, pour accélérer l’exécution des demandes d’entraide judiciaire et d’extradition, des mandats d’arrêt européens et des décisions d’enquête européennes, et pour la mise en place d’équipes communes d’enquête.

D’après l’expérience d’Eurojust, il semblerait également que, malgré la forte priorité généralement accordée par les États membres aux enquêtes et aux poursuites dans ce domaine, les autorités adoptent souvent un point de vue national en raison des liens avec des enjeux de sécurité nationale. Le caractère sensible des enquêtes liées au terrorisme peut créer des obstacles supplémentaires à ce que les autorités échangent des informations et ouvrent des enquêtes au-delà de ce qui est strictement nécessaire dans le cadre d’une affaire nationale.

Par conséquent, les affaires de terrorisme font l’objet d’enquêtes et de poursuites parallèles et isolées dans plusieurs États membres. De ce fait, leur complexité et/ou leur caractère transfrontière ne sont pas toujours correctement pris en compte. Les frontières des juridictions nationales peuvent ainsi entraver les efforts pour comprendre et combattre les activités des terroristes et des cellules ou réseaux terroristes transfrontières.

Si Eurojust et Europol apportent systématiquement un appui résolu aux efforts des autorités nationales pour lutter contre les infractions terroristes, ils ne peuvent agir que sur la base des demandes d’appui des autorités nationales. De plus, aucun des deux n’étant doté des pouvoirs nécessaires pour mener à bien, de manière proactive, des poursuites coordonnées, efficaces et proportionnées au niveau de l’Union, ils ne peuvent pas remédier à la fragmentation des poursuites contre les infractions terroristes.

3.2.Lacunes dans l’échange en temps utile d’informations sur les affaires de terrorisme entre les autorités nationales et les agences de l’UE

Alors que l’Union européenne a pris des mesures pour renforcer l’échange structurel d’informations, en œuvrant notamment en faveur de systèmes d’information plus robustes et plus intelligents aux fins de la gestion de la sécurité, des frontières et des flux migratoires 17 , des défis majeurs subsistent pour ce qui est de l’échange d’informations, en temps utile, dans le cadre d’affaires spécifiques liées à des enquêtes ou à des poursuites pénales.

Pour ce qui est de l’échange d’informations sur les affaires de terrorisme, Eurojust a indiqué dans son récent rapport sur les combattants terroristes étrangers 18 qu’il n’existait aucune approche harmonisée en ce qui concerne les informations partagées. Il subsiste des différences en ce qui concerne le volume, le type et la portée des informations partagées avec Eurojust par chaque ‎État membre. C’est l’une des raisons pour lesquelles l’importance d’un contrôle croisé des informations judiciaires aux fins de la poursuite des auteurs d’infractions terroristes a de nouveau été soulignée à l’occasion de la réunion sur la lutte contre le terrorisme organisée par Eurojust en juin 2018 19 . En raison du caractère sous-optimal de cet échange d’informations, la capacité d’Eurojust de déceler des liens existants avec des enquêtes et des poursuites en cours, y compris les liens avec d’autres États membres, reste entravée.

En outre, les enquêtes sur des infractions terroristes dans des affaires transfrontières concrètes et les poursuites concernant celles-ci requièrent des actions rapides et concertées de la part de l’ensemble des pouvoirs répressifs et des autorités judiciaires afin de veiller à ce qu’aucun élément de preuve ne disparaisse et de prévenir d’autres infractions terroristes éventuellement liées. Cela s’avère toutefois particulièrement difficile pour les affaires transfrontières faisant l’objet d’enquêtes de différentes autorités dans plusieurs États membres. Ces difficultés sont partiellement atténuées par l’appui d’Europol et d’Eurojust. De même, ni Europol ni Eurojust ne sont habilités à exiger des autorités nationales qu’elles communiquent des informations spécifiques ou prennent des mesures d’enquête, ce qui signifie que les informations ne sont pas toujours disponibles en temps voulu, alors que l’aspect «temps» revêt une importance cruciale pour la réussite de la poursuite d’actes terroristes, ainsi que pour la prévention de nouvelles attaques terroristes éventuellement liées.

3.3.Collecte, utilisation et partage de catégories de preuves présentant un caractère sensible

Il est crucial, aux fins de l’aboutissement des poursuites de toute infraction, que les informations recueillies soient recevables en tant qu'éléments de preuve. Cela est particulièrement vrai pour les affaires de terrorisme, dans lesquelles les poursuites s’appuient aussi sur des preuves indirectes (surveillance, déclarations de témoins, messages interceptés). Les rapports d'Eurojust sur le suivi des condamnations pour terrorisme 20 indiquent qu’il existe également des problèmes en ce qui concerne la collecte, le partage et l’utilisation de certains types d’informations devant être utilisés comme moyen de preuve dans le cadre des poursuites concernant des affaires de terrorisme. Plus particulièrement, dans les affaires de terrorisme, la collecte d’informations dépend souvent du recours à des techniques spéciales d’enquête ou nécessite l’intervention des autorités compétentes spécialisées des États membres. Bien souvent, de telles informations ne sont pas partagées afin de protéger les sources d’information, de garantir l’anonymat des informateurs ou de faire en sorte que les méthodes par lesquelles les informations ont été obtenues demeurent confidentielles.

3.4.Décalage entre la phase d’enquête et la phase de poursuites

Dans les affaires de terrorisme, en particulier, une coordination étroite entre les services répressifs et les autorités chargées des poursuites est essentielle. Les mandats d’arrêt ou les perquisitions domiciliaires doivent être exécutés simultanément et les autorisations judiciaires doivent être obtenues en temps utile. Une coopération harmonieuse entre les autorités chargées de mener l’enquête et celles chargées des poursuites est donc d’une importance capitale. Même lorsque les autorités nationales, Europol et Eurojust coopèrent, il arrive que des priorités ou des sensibilités nationales différentes, ou simplement la (non-)disponibilité de ressources, influent sur le résultat final. Il n’existe pas, à l’échelle de l’Union, d’autorité centrale qui puisse orienter les différents aspects à la fois de l’enquête et des poursuites dans les affaires de terrorisme transfrontières et, ce faisant, assurer une coopération réellement harmonieuse entre toutes les autorités concernées au niveau national et européen, dans le respect de délais stricts et des restrictions en termes de confidentialité.

3.5.Enquêtes et poursuites parallèles inefficaces

Les infractions terroristes touchent souvent plusieurs pays. Souvent aussi, les suspects et les victimes sont de différentes nationalités. Des conflits de compétence peuvent par exemple survenir lorsque les victimes de la criminalité viennent de différents États membres, ce qui amène tous les États membres concernés à vouloir exercer leur compétence à l’égard du même acte terroriste. Par exemple, dans plusieurs affaires terroristes récentes, deux États membres ou plus ont fait valoir parallèlement leur compétence en ce qui concerne la poursuite de la même infraction pour des motifs différents, tels que la nationalité de la victime ou la compétence territoriale. De telles poursuites parallèles pourraient donner lieu à des situations de type ne bis in idem.

Il n’existe actuellement, au niveau de l’Union, aucun mécanisme adéquat permettant de répondre à de telles situations. Dans les affaires concernant plusieurs États membres, l’enquête ou les poursuites menées par les autorités d’un seul État membre peuvent avoir des conséquences pour les enquêtes ou les poursuites se déroulant dans d’autres États membres. Dans les affaires impliquant des cellules terroristes dont les membres sont actifs dans différents États membres, en particulier, une action coordonnée est cruciale afin de prévenir la disparition de preuves ou de suspects. Si Eurojust peut jouer un rôle crucial dans la coordination des enquêtes, il ne peut pas, en vertu de son cadre juridique actuel, se prononcer sur les conflits de compétence, ni forcer les autorités des États membres à s’abstenir d’exercer leur compétence.

L’encadré qui suit illustre les lacunes susmentionnées:

Exemple fictif

Une cellule terroriste djihadiste emploie des agents dans plusieurs États membres de l’UE, agents qui ne sont pas autorisés à communiquer entre eux ou ne se connaissent même pas et qui ne reçoivent des instructions que par messages cryptés. Chacun assume une tâche différente, telle que la location de véhicules, l’achat de matières chimiques, la collecte d’informations sur les cibles potentielles, l’obtention de documents d’identité falsifiés, etc., tandis que le chef des opérations agit depuis un pays tiers.

Grâce aux renseignements obtenus au moyen d’actions répressives dans l’État membre A, les autorités compétentes découvrent que de faux documents ont été fabriqués au nom de personnes fictives et arrêtent le suspect. Elles ignorent que ces documents sont destinés à une cellule terroriste de plus grande taille, qui les utilise pour commettre des infractions terroristes, et engagent des poursuites contre la personne pour falsification de documents.

Les actions répressives menées dans l’État membre B permettent aux autorités compétentes d’identifier la personne qui a acheté des pesticides en très grandes quantités, dans le but présumé de fabriquer une bombe; elles arrêtent et inculpent cette personne en tant que «loup solitaire» uniquement, ignorant l’existence de la cellule terroriste ou des autres membres de la cellule.

Le chef du groupe terroriste dans le pays tiers prend connaissance des actions répressives et judiciaires menées dans les États membres A et B et la cellule terroriste adapte ses projets terroristes.

Les actions non coordonnées menées dans les États membres A et B débouchent sur des poursuites et des condamnations individuelles, mais l’appartenance à un réseau plus vaste et ses activités passent inaperçues, tandis que les autres parties du réseau terroriste peuvent adapter leurs plans et poursuivre leurs activités terroristes.

4.Le Parquet européen peut combler les lacunes existantes

Ainsi qu’indiqué plus haut, même si la valeur ajoutée d’Eurojust et d’Europol pour ce qui est de soutenir les autorités nationales et de faciliter la coopération judiciaire sur la base de l’assistance mutuelle existante et des instruments existants dans le domaine de la reconnaissance mutuelle est d’une importance cruciale, il n’existe pas d’approche européenne commune en ce qui concerne les enquêtes sur des infractions terroristes, les poursuites menées en la matière et la traduction en justice des auteurs d'infractions. Europol et Eurojust ne peuvent pas remédier totalement aux lacunes existantes dans les enquêtes et les poursuites concernant des infractions terroristes transfrontières, étant donné qu’ils ne disposent pas et ne peuvent être dotés des compétences nécessaires en vertu du traité, alors que ce dernier le permet pour le Parquet européen.

Au vu des lacunes mentionnées plus haut, une dimension européenne plus forte est nécessaire pour assurer un suivi judiciaire uniforme, efficace et efficient de ces infractions dans l’ensemble de l’espace européen de liberté, de sécurité et de justice. Les infractions terroristes touchent tous les États membres et l’Union dans son ensemble, de sorte qu’il est nécessaire d’envisager une solution à l’échelle européenne. Dans ce contexte, il existe de solides arguments indiquant que le Parquet européen apporterait une valeur ajoutée à la lutte contre les infractions terroristes et remédierait aux lacunes constatées.

Fonctionnement du Parquet européen

Le Parquet européen est un parquet européen indépendant, agissant au niveau de l’Union, chargé d’enquêter sur les infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union dans son ensemble, de poursuivre leurs auteurs et de les traduire en justice. La structure intégrée du Parquet européen comprend le chef du Parquet européen et les procureurs européens, qui forment le collège des procureurs européens, organisé en chambres permanentes, qui exercera ses activités au bureau central du Parquet européen établi à Luxembourg. Le bureau central dirigera et surveillera les travaux des procureurs européens délégués affectés dans les États membres participants, qui font partie intégrante du Parquet européen et qui enquêteront sur les dossiers de ce dernier, engageront des poursuites en la matière et les renverront devant les juridictions nationales compétentes.

Le bureau central surveille, dirige et supervise les enquêtes et les poursuites menées par les procureurs européens délégués, garantissant ainsi une politique cohérente en matière d’enquêtes et de poursuites dans toute l’Europe, ce qui permet un suivi efficace et ciblé. Les procureurs européens délégués orienteront les travaux des autorités répressives nationales, notamment des services de police, des autorités douanières et des autorités chargées des enquêtes financières.

Un échange d’informations direct et immédiat sera mené au sein du Parquet européen, ainsi qu’entre celui-ci et les autorités répressives nationales et les organismes de l’Union, dont Eurojust, Europol et l’OLAF.

Le Parquet européen fonctionnera comme un parquet unique dans tous les États membres participants, ce qui signifie qu’en principe, des équipes communes d’enquête ad hoc ou des demandes d’entraide judiciaire ne seront pas nécessaires, comme c’est le cas aujourd’hui. Dans le cadre de son activité, le Parquet européen pourra aussi recourir à un ensemble complet de mesures d’enquête pour réunir des éléments de preuve, aussi bien à charge qu’à décharge, dans le but de mener des poursuites judiciaires cohérentes et efficaces.

4.1.Une réponse européenne globale au moyen d’enquêtes et de poursuites visant des infractions terroristes transfrontières

Le Parquet européen apporterait une dimension européenne aux efforts actuellement déployés en vue de lutter contre les infractions terroristes et de combler les lacunes existantes, en remédiant aux écarts entre les efforts déployés par les différents États membres en ce qui concerne les enquêtes sur ces délits et leur poursuite. Par rapport à l’approche actuelle, le Parquet européen créerait une relation directe avec les autorités des différents États membres et les acteurs de l’Union en ce qui concerne le traitement des affaires de terrorisme. Cela pourrait constituer une amélioration qualitative de taille rendant plus efficaces, dans l’ensemble de l’Union, les enquêtes et les poursuites visant des infractions terroristes.

Le Parquet européen serait en position de force pour poursuivre les infractions terroristes dans l’ensemble de l’Union, les procureurs européens délégués étant intégrés dans les systèmes nationaux et collaborant étroitement avec les autorités répressives nationales, et le collège du Parquet européen développant des poursuites cohérentes à l’échelle de l’Union pour lutter contre les infractions terroristes et ainsi permettre des enquêtes et des poursuites efficientes et efficaces. Le Parquet serait notamment en mesure d’ordonner des enquêtes, d’assurer la collecte de preuves supplémentaires en temps utile, de mettre en lien et de poursuivre des affaires connexes et de régler les problèmes de compétence éventuels avant la saisine d’un tribunal. Il collaborerait aussi étroitement avec d’autres acteurs de l’Union, tels qu’Eurojust et Europol, et serait idéalement placé pour mettre en œuvre l’approche de l’Union en ce qui concerne les enquêtes et les poursuites visant des infractions terroristes.

4.2.Échange satisfaisant et en temps utile d’informations sur les infractions terroristes

Le Parquet européen pourrait surmonter les difficultés rencontrées actuellement grâce à un partage d’informations en temps utile. Il serait à même non seulement d’obtenir des informations sur les infractions terroristes auprès des États membres, mais également de charger les autorités nationales d’obtenir davantage d’informations d’une manière proactive et ciblée. Il en va de même pour le partage d’informations avec Eurojust et Europol.

La participation du Parquet européen serait également bénéfique pour ce qui est de la collecte, du partage et de l’utilisation de certaines catégories de preuves. Étant donné que le collège du Parquet européen sera composé de procureurs provenant de l’ensemble des États membres participants, le Parquet européen sera bien placé pour traiter des informations sensibles et confidentielles. Par exemple, le Parquet européen veillerait à ce que, grâce aux procureurs européens délégués et aux procureurs européens assurant la surveillance, les modalités de collecte des informations demeurent confidentielles, et des codes clairs ont été convenus aux fins du traitement des informations utilisées par le Parquet européen. Il serait également plus aisé, pour le Parquet européen, en tant que parquet européen attitré, de collaborer avec les pays tiers ou des organisations internationales que pour les États membres à titre individuel. À cet égard, le Parquet européen s’appuierait sur les dispositions du règlement (UE) 2017/1939 relatives à la coopération internationale et sur le cadre juridique qui sera créé.

Son approche intégrée permettra au Parquet européen de créer de nouveaux canaux d’information au niveau des procureurs européens délégués et des autorités des États membres, ainsi qu’au niveau central, avec les instances de l’Union, les pays tiers et les organisations internationales. Le flux d’informations dans l’ensemble de l’Union serait facilité, ce qui permettrait de réagir rapidement aux nouvelles tendances et aux nouveaux modes opératoires terroristes.

4.3.Connexion entre la phase d’enquête et les poursuites

Le Parquet européen sera compétent pour mener des enquêtes et des poursuites concernant les infractions portant atteinte au budget de l’Union et aura l’avantage de pouvoir coordonner les enquêtes de police, ce qui permettra par exemple de geler et de saisir rapidement des avoirs et d’ordonner des arrestations dans l’ensemble de l’UE. Cela remédierait également aux lacunes existantes créées par la réalisation parallèle et fragmentée des enquêtes et des poursuites dans les affaires terroristes.

Le Parquet européen permettra une approche beaucoup mieux connectée et coordonnée des enquêtes et des poursuites. Les enquêtes dirigées par le Parquet européen garantiront qu’en tout temps, toutes les autorités concernées pourront accéder en temps utile aux informations dont elles ont besoin. En outre, il existera une structure décisionnelle claire axée sur l’obtention du résultat optimal pour tous les États membres concernés. Les enquêtes portant sur des infractions relevant du nouveau mandat du Parquet européen bénéficieraient de ce rôle central de pilotage dudit organe. Ces enquêtes pourraient donc avancer de manière bien coordonnée, avec une prise en compte de tous les aspects de l’enquête quel que soit le lieu de commission des infractions. Une approche coordonnée des enquêtes et des poursuites garantirait également, pour les autorités chargées de l’enquête, la possibilité de s’appuyer sur les compétences du Parquet européen pour que les mesures d’enquête soient prises au moment et à l’endroit où cela s’avère le plus efficient, quel que soit l’endroit de l’Union où ces mesures doivent être prises.

4.4.Efficience et cohérence des enquêtes et des poursuites

Le Parquet européen serait en mesure d’engager des poursuites cohérentes et efficaces pour les infractions terroristes, lesquelles tiendraient compte des intérêts des États membres concernés et de l’Union dans son ensemble. Des procureurs européens ayant une connaissance des systèmes juridiques nationaux siégeront au sein du collège du Parquet européen, ce qui contribuera à garantir la meilleure réponse possible aux affaires de terrorisme transfrontières. Le Parquet européen serait bien placé pour examiner les questions de compétence en raison de sa nature d’acteur unique à l’échelon de l’Union, qui déciderait – sur la base de critères objectifs – de l’endroit où l’affaire doit être portée en justice. Cette décision sur la meilleure juridiction pour mener des poursuites concernant une affaire éviterait d’éventuels conflits et des litiges inutiles. L’extension des compétences du Parquet européen aux infractions terroristes affectant plusieurs États membres pourrait donc réduire le risque de conflits de compétence dans ce domaine et fournir un mécanisme efficace pour leur résolution, si ces conflits persistent.

Exemple futur fictif

Dans l’État membre A, une enquête est en cours concernant une infraction de financement du terrorisme. Alors que les autorités de cet État membre ont des éléments indiquant clairement que les personnes concernées financent le terrorisme, elles ne savent pas exactement où cet argent devrait finalement être utilisé. Dans le même temps, dans l’État membre B, une enquête est en cours au sujet d’actes considérés comme des actes préparatoires à un attentat terroriste, notamment l’achat de matériel pour la fabrication d’une «bombe sale». Dans l’État membre C, dans l’intervalle, une enquête porte sur un site web donné contenant de la propagande terroriste. Les autorités de cet État membre C soupçonnent que certaines parties fermées du site soient également utilisées pour la communication entre les membres d’un groupe terroriste.

Aucun des États membres concernés n’a encore sollicité l’aide d’Europol ou d’Eurojust, puisqu’ils considèrent que ces enquêtes revêtent avant tout un caractère national. Ce n’est que lorsque l’affaire est portée à l’attention du Parquet européen par l’intermédiaire de l’un des procureurs européens délégués participant à l’enquête dans l’État membre A que le lien entre ces affaires est découvert: le financement faisant l’objet de l’enquête dans l’État membre A est en réalité destiné aux activités du groupe préparant la «bombe sale» dans l’État membre B, et il apparaît que ces groupes sont en fait en contact les uns avec les autres grâce au site web faisant l’objet de l’enquête dans l’État membre C.

Le Parquet européen peut faire en sorte que les mesures d’enquête nécessaires pour obtenir l’accès aux fichiers journaux du site web dans l’État membre C aient lieu au même moment que l’arrestation du groupe de financement dans l’État membre A et du groupe préparatoire dans l’État membre B, afin qu’ils n’aient aucune possibilité de manipuler les éléments de preuve.

Toutes les personnes concernées soupçonnées d’être des terroristes peuvent être appréhendées au même moment et les mesures d’enquêtes ultérieures peuvent être coordonnées et mises en œuvre par un seul organe, ce qui garantirait également l’absence de conflits de compétence et la recevabilité des preuves recueillies.

5.Incidence de l’extension des compétences du Parquet européen aux infractions terroristes affectant plusieurs États membres

5.1.Incidence sur le Parquet européen

Le Parquet européen, avec sa structure institutionnelle et ses processus décisionnels intégrés, offre des avantages considérables dans la lutte contre les infractions terroristes transfrontières. Cette structure réunit les connaissances des systèmes juridiques nationaux, permet d’avoir un aperçu unique des activités criminelles transfrontières dans l’Union, prévoit une prise de décision rapide par l’intermédiaire de chambres permanentes, au sein desquelles les procureurs européens exercent leurs activités, et assure un suivi effectif au niveau national par l’intermédiaire des procureurs européens délégués. Un système de gestion des dossiers garantira des flux de communication rapides entre tous les procureurs du Parquet européen établis au niveau central et local dans toute l’Union. Cette structure institutionnelle et ces processus décisionnels du Parquet européen devraient être conservés lors de l’extension de la compétence du Parquet européen aux infractions terroristes affectant plusieurs États membres.

Cette extension nécessiterait, cependant, d’apporter un certain nombre de modifications au règlement (UE) 2017/1939 portant création du Parquet européen, afin de tenir compte du mandat plus étendu et eu égard à la concentration actuelle des activités du Parquet européen sur les infractions financières affectant le budget de l’Union. Ces modifications portent en particulier sur la compétence matérielle du Parquet européen, mais nécessiteraient également plusieurs autres adaptations. Qui plus est, une extension de la compétence du Parquet européen aux infractions terroristes affectant plusieurs États membres aurait également des répercussions sur le budget et les effectifs du Parquet européen.

À la suite de la décision du Conseil européen de modifier l’article 86 du TFUE (voir ci-dessus), la Commission présenterait une proposition législative visant à modifier le règlement (UE) 2017/1939 de façon à étendre la compétence du Parquet européen aux infractions terroristes affectant plusieurs États membres, en incluant les adaptations nécessaires.



Compétence matérielle

La compétence matérielle du Parquet européen couvre actuellement les infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union, tels que définis dans la directive (UE) 2017/1371 relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union au moyen du droit pénal 21 . 

La compétence matérielle du Parquet européen peut, de la même manière, être étendue aux infractions terroristes affectant plusieurs États membres par une référence à la directive (UE) 2017/541 relative à la lutte contre le terrorisme 22 . L’article 86, paragraphe 4, du TFUE prévoit la possibilité d’étendre la compétence matérielle du Parquet européen à une série de formes graves de criminalité ayant une dimension transfrontière et, par la présente initiative, la Commission vise une extension ciblée aux infractions terroristes affectant plusieurs États membres.

À la suite de cette extension ciblée, l’article 22 du règlement (UE) 2017/1939 serait modifié en conséquence par l’insertion d’un nouveau paragraphe indiquant que le Parquet européen est compétent en ce qui concerne les infractions terroristes visées aux articles 3 à 12 et 14 de la directive (UE) 2017/541, telle qu’elle est transposée en droit national, lorsque ces infractions affectent plusieurs États membres 23 . 

Les infractions pénales visées dans la directive (UE) 2017/541 comprennent les «infractions terroristes» et les «infractions liées à un groupe terroriste», ainsi que les «infractions liées à des activités terroristes», telles que la provocation publique à commettre une infraction, le recrutement pour le terrorisme, le fait de dispenser ou de recevoir un entraînement au terrorisme, le fait de voyager à des fins de terrorisme, d’organiser ou de faciliter ces voyages, ainsi que le financement du terrorisme. Non seulement la commission de ces infractions est concernée, mais aussi la complicité, l’incitation et la tentative.

L’article 2 du règlement (UE) 2017/1939 («Définitions») refléterait l’inclusion de ces infractions dans le champ de compétence du Parquet européen et apporterait des précisions quant à l’exigence selon laquelle les infractions pénales en question doivent affecter plusieurs États membres.

     Autres adaptations du règlement (UE) 2017/1939

Étant donné que le cadre actuel du Parquet européen est conçu pour mener des enquêtes et des poursuites concernant des infractions portant atteinte au budget de l’Union et traduire leurs auteurs en justice, l’extension de sa compétence aux infractions terroristes affectant plusieurs États membres nécessitera logiquement d’apporter d’autres modifications au règlement (UE) 2017/1939 afin de le rendre apte à l’exercice d’une telle compétence étendue.

Parmi les questions qui devraient être examinées dans le règlement figurent, par exemple, la définition de la compétence territoriale et personnelle du Parquet européen, l’éventuelle nécessité d’adapter les conditions de l’exercice de la compétence du Parquet européen (lesquelles sont, dans certains cas, liées à des aspects particulièrement pertinents pour les infractions contre le budget, comme le niveau du préjudice ou du financement par le budget de l’Union), ses pouvoirs d’enquête ou ses principes de compétence. En outre, le cadre actuel contient un certain nombre de dispositions axées sur les infractions financières, avec des références à des seuils financiers 24 et des exigences concernant une expertise spécifique dans le domaine des enquêtes financières en tant que critère de sélection pour la nomination des procureurs du Parquet européen 25 : ces éléments devront être adaptés en conséquence, de façon à tenir compte des besoins spécifiques des enquêtes et des poursuites concernant les infractions terroristes.

Considérations budgétaires et en matière d’effectifs

L’extension du mandat du Parquet européen aurait également des implications pour son budget et ses effectifs, compte tenu de l’augmentation de sa charge de travail, ce qui nécessiterait des procureurs supplémentaires et d’autres agents particulièrement expérimentés dans les enquêtes et les poursuites concernant les infractions terroristes. Qui plus est, les exigences de sécurité nécessaires du Parquet devraient être adaptées en conséquence. Ces implications seront examinées plus avant sur la base d’informations plus détaillées à soumettre dans la fiche financière législative accompagnant une future proposition législative.

5.2.Incidence sur les agences de l’UE et les autorités nationales

Une extension de la compétence du Parquet européen aux infractions terroristes affectant plusieurs États membres aurait des répercussions sur les missions et rôles actuels d’Europol et d’Eurojust, ainsi que sur les autorités nationales. Par exemple, la capacité à mener des analyses criminelles au niveau de l’UE devrait être développée davantage encore, étant donné que cette forme d’analyse constitue l’un des avantages les plus notables du partage d’informations à ce niveau. Le Parquet européen pourrait être habilité à charger 26 Europol de réaliser des travaux d’analyse criminelle pour son compte. De même, le Parquet européen coordonnerait étroitement ses travaux avec Eurojust, afin de garantir la complémentarité entre les poursuites menées par le Parquet européen et celles entreprises par les autorités nationales avec l’appui d’Eurojust. Cette complémentarité renforcerait le rôle d’Eurojust en tant que maillon essentiel de la coordination des poursuites dans le domaine de la criminalité transfrontière liée au terrorisme, comme la cybercriminalité. Dans le même temps, Eurojust pourrait consacrer ses ressources au soutien des enquêtes transfrontières relatives à d’autres formes de criminalité, telles que la criminalité organisée, le trafic de stupéfiants et la traite des êtres humains.

L’établissement d’une relation étroite entre le Parquet européen, Eurojust et Europol pourrait générer des synergies bénéfiques pour toutes les entités associées à la lutte contre les infractions terroristes et garantir l’absence de répétition inutile des travaux. De cette manière, les ressources limitées seraient utilisées de la façon la plus efficiente.

Une extension de la compétence du Parquet européen aux infractions terroristes aurait également une incidence sur les travaux qu’il mènera avec d’autres autorités de l’Union ou nationales, ainsi que sur la manière dont il coopérera avec elles et sur le cadre régissant cette coopération. Il s’agit, par exemple, des cellules de renseignement financier (CRF) chargées, notamment, d’examiner les opérations suspectes liées au financement du terrorisme.

6.Conclusion

La menace terroriste reste élevée et continue d’évoluer, appelant une réponse encore plus forte de la part de l’Union européenne. Un renforcement de la capacité existante à l’échelle de l’Union pour enquêter sur les infractions terroristes, mener des poursuites en la matière et traduire les auteurs en justice fait partie intégrante de la réponse européenne globale aux menaces terroristes.

En sa qualité d’unique organe de l’Union habilité à mener des enquêtes pénales, à engager des poursuites pénales devant les juridictions nationales compétentes et à traduire les auteurs en justice, le Parquet européen recèle un grand potentiel pour renforcer considérablement les efforts actuellement déployés dans le domaine de la lutte contre les infractions terroristes dans l’Union européenne.

Par la présente communication, la Commission invite le Conseil européen, dans la perspective du sommet qui se tiendra à Sibiu le 9 mai 2019, à poursuivre la présente initiative de concert avec le Parlement européen et à décider de l’extension des compétences du Parquet européen aux infractions terroristes affectant plusieurs États membres.

(1)

     Règlement (UE) 2017/1939 du conseil du 12 octobre 2017 mettant en œuvre une coopération renforcée concernant la création du Parquet européen, .

(2)

     Rapport Te-Sat 2018 d’Europol (sur la situation et les tendances en matière de terrorisme dans l’UE).

(3)

     Article 4, paragraphe 2, du traité sur l’Union européenne (TUE).

(4)

     Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions – Le programme européen en matière de sécurité, COM(2015) 185 final du 28 avril 2015.

(5)

     Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen et au Conseil – Mise en œuvre du programme européen en matière de sécurité pour lutter contre le terrorisme et ouvrir la voie à une union de la sécurité réelle et effective, COM(2016) 230 final du 20 avril 2016. Voir le dernier rapport sur les progrès accomplis dans la mise en place d’une union de la sécurité [COM(2018) 470 final du 13.6.2018] ainsi que les rapports antérieurs pour un aperçu des progrès accomplis en matière de lutte contre le terrorisme et les autres menaces sécuritaires dans l’Union européenne.

(6)

     Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relative à la prévention de la diffusion en ligne de contenus à caractère terroriste, COM(2018) 640 du 11 septembre 2018.

(7)

     Cf. les rapports Te-Sat d’Europol de 2015 (p. 13), 2016 (p. 15), 2017 (p. 11) et 2018 (p. 10).

(8)

     Pour la définition des infractions pénales relevant de la compétence matérielle du Parquet européen, se référer à la directive (UE) 2017/1371 du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2017 relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union au moyen du droit pénal, JO L 198 du 28.7.2017, p. 29.

(9)

     Règlement (UE) 2017/1939 du conseil du 12 octobre 2017 mettant en œuvre une coopération renforcée concernant la création du Parquet européen .

(10)

     Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Chypre, Croatie, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Portugal, République Tchèque, Roumanie, Slovaquie et Slovénie.

(11)

     Le 1er août 2018, la Commission a confirmé la participation des Pays-Bas à la coopération renforcée concernant la création du Parquet européen (JO L 196 du 2.8.2018). Le 7 août 2018, la Commission a confirmé la participation de Malte à la coopération renforcée concernant la création du Parquet européen (JO L 201 du 8.8.2018).

(12)

     Le Parquet européen a été créé dans le cadre de la coopération renforcée avec la participation de 22 États membres, voir notes de bas de page 9, 10, et 11.

(13)

     Cf. ci-dessus et article 83, paragraphe 1, du TFUE.

(14)

     Le Parlement européen et le Conseil étant parvenus, le 19 juin 2018, à un accord concernant la réforme d’Eurojust, le règlement (UE) 2018/… relatif à l’Agence de l’Union européenne pour la coopération judiciaire en matière pénale (Eurojust), et remplaçant et abrogeant la décision 2002/187/JAI du Conseil est sur le point d’être formellement adoptée et d’entrer en vigueur.

(15)

     41 dossiers traités en 2015, 67 en 2016 et 87 en 2017.

(16)

     En 2017, 12 équipes communes d’enquête ont été créées pour les besoins de la lutte antiterroriste, contre 4 en 2016 et 3 en 2015.

(17)

     Voir le quatorzième rapport sur les progrès accomplis dans la mise en place d’une union de la sécurité réelle et effective [COM(2018) 211 final du 17.4.2018] pour une présentation générale.

(18)

     Document 15515/17 du Conseil du 2 juillet 2018.

(19)

     Voir le communiqué de presse d’Eurojust du 21 juin 2018 pour d’autres renvois: http://www.eurojust.europa.eu/press/PressReleases/Pages/2018/2018-06-21.aspx . Dans cette déclaration commune, plusieurs États membres appellent à la création d’un registre judiciaire européen antiterroriste auprès d’Eurojust.

(20)

     Voir les rapports d'Eurojust sur le suivi des condamnations pour terrorisme, numéro 28 de mai 2018, p. 16-18 et 38,

numéro 27 de mars 2017, p. 32, et numéro 25 de juin 2016, p. 29-31.

(21)

     Voir note de bas de page 8 ci-dessus.

(22)

     Directive (UE) 2017/541 du 15 mars 2017 relative à la lutte contre le terrorisme et remplaçant la décision-cadre 2002/475/JAI du Conseil et modifiant la décision 2005/671/JAI du Conseil. Conformément à l’article 28, paragraphe 1, de la directive (UE) 2017/541, les États membres sont tenus de transposer cette directive au plus tard le 8 septembre 2018.

(23)

   L’article 86, paragraphe 4, du TFUE dispose que l’extension peut porter sur des infractions qui affectent plusieurs États membres, ce qui n’exclut pas que des pays tiers soient également affectés par ces infractions.

(24)

     Comme dans le cadre de l’exercice de la compétence du Parquet européen [articles 24 et 25 du règlement (UE)

2017/1939], le droit d’évocation du Parquet européen [article 28 du règlement (UE) 2017/1939] ou les renvois et

transferts de procédure aux autorités nationales [article 34 du règlement (UE) 2017/1939].

(25)

     Articles 14 et 16 du règlement (UE) 2017/1939.

(26)

     L’article 102 du règlement 2017/1939 prévoit déjà que le Parquet européen peut «demander à Europol de fournir une aide à l’analyse dans le cadre d’une enquête particulière conduite par ses soins», mais le pouvoir d’instruction envisagé ici nécessiterait également une modification du règlement Europol.


Brussels, 12.9.2018

COM(2018) 641 final

ANNEX

to the

COMMUNICATION FROM THE COMMISSION TO THE EUROPEAN PARLIAMENT AND THE EUROPEAN COUNCIL

A Europe that protects: an initiative to extend the competences of the European Public Prosecutor's Office to cross-border terrorist crimes









ANNEXE

Projet de décision du Conseil européen

modifiant l’article 86 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne en ce qui concerne les compétences du Parquet européen

LE CONSEIL EUROPÉEN,

vu le traité sur l'Union européenne, et notamment son article 17, paragraphe 1, et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et notamment son article 86, paragraphe 4,

vu l'avis de la Commission européenne,

vu l'approbation du Parlement européen,

considérant ce qui suit:

(1)    L’article 86, paragraphe 4, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) habilite le Conseil européen, statuant à l'unanimité, après approbation du Parlement européen et après consultation de la Commission, à adopter une décision modifiant l’article 86, paragraphes 1 et 2, dudit traité afin d'étendre les attributions du Parquet européen à la lutte contre la criminalité grave ayant une dimension transfrontière.

(2)    Compte tenu du caractère transfrontière du terrorisme, et conscient de la nécessité d’une réaction globale, à l’échelle de l’Union, face au terrorisme, le Conseil européen estime qu’il est nécessaire de modifier l’article 86, paragraphes 1 et 2, du traité afin d’étendre les attributions du Parquet européen aux infractions terroristes concernant plusieurs États membres,

A ADOPTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

L’article 86 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) est modifié comme suit:

1) Au paragraphe 1, le premier alinéa est remplacé par le texte suivant:

«1. Pour combattre le terrorisme et les infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union, le Conseil, statuant par voie de règlements conformément à une procédure législative spéciale, peut instituer un Parquet européen à partir d'Eurojust. Le Conseil statue à l'unanimité, après approbation du Parlement européen.»

2)    Le paragraphe 2 est remplacé par le texte suivant:

«2. Le Parquet européen est compétent pour rechercher, poursuivre et renvoyer en jugement, le cas échéant en liaison avec Europol, les auteurs et complices d'infractions terroristes concernant plusieurs États membres et les auteurs et complices d'infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union, tels que déterminés par le règlement prévu au paragraphe 1. Il exerce devant les juridictions compétentes des États membres l'action publique relative à ces infractions.»

Article 2

La présente décision entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication.

Fait à Bruxelles, le xx xxxxx 20xx.

Par le Conseil européen

Le président