Bruxelles, le 19.7.2018

COM(2018) 547 final

COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL

Protection des investissements intra-EU






I.Introduction

Encourager et protéger l’investissement dans l’UE

Le marché unique de l’Union européenne constitue un terrain d’investissement exceptionnel. L’un des principaux objectifs du Plan d’investissement pour l’Europe 1  est de créer un environnement réglementaire plus prévisible, plus stable et plus clair pour encourager les investissements. Dans le cadre de ces travaux, le Plan d’action pour une union des marchés des capitaux (UMC) 2 et son Examen à mi-parcours 3 ont mis en évidence que la stabilité de l’environnement des affaires était indispensable pour favoriser l’investissement dans l’Union. La Commission est résolue à préserver et à améliorer à la fois l’existence d’un environnement réglementaire prévisible, stable et clair et le contrôle effectif du respect des droits des investisseurs. La communication vise à fournir des orientations sur les règles européennes en vigueur concernant le traitement des investissements transfrontières au sein de l’Union.

Le droit de l’Union, tel qu’il a progressivement évolué au fil des décennies, offre aux investisseurs un niveau élevé de protection, même s’il ne peut résoudre tous les problèmes auxquels ils sont susceptibles d'être confrontés dans leurs activités. Il a été à la base du développement du marché unique en tant qu’espace où les investisseurs ont la liberté d’entreprendre, d’investir dans des entreprises, d’importer ou d’exporter des marchandises et de fournir des services par-delà les frontières et où ils bénéficient d’un traitement égal et non discriminatoire par-delà les frontières. La libre circulation des capitaux sous-tend tout investissement, et le traité interdit les mesures qui empêchent ou dissuadent indûment les mouvements de capitaux et les paiements transfrontières.

Dans le même temps, le droit de l’UE permet de réglementer les marchés pour assurer le respect d’intérêts généraux légitimes tels que la sécurité publique, la santé publique, les droits sociaux, la protection des consommateurs ou la préservation de l’environnement, ce qui peut également avoir des conséquences pour les investissements. Les autorités publiques de l’UE et des États membres ont le devoir et la responsabilité à la fois de protéger l’investissement et de réglementer les marchés. L’UE et les États membres peuvent donc légitimement prendre des mesures pour protéger ces intérêts, ce qui peut avoir un impact négatif sur les investissements. Pour autant, ils ne peuvent le faire que dans certaines circonstances et sous certaines conditions, ainsi qu’en conformité avec le droit de l’UE.

Les investisseurs transfrontières dans l’Union peuvent invoquer des droits de l’UE directement applicables qui ont une prééminence sur le droit interne. Les juges nationaux ont une responsabilité et un rôle particuliers dans la protection de l’investissement. Conjointement avec la Cour de justice de l’UE (ci-après la «CJUE» ou la «Cour de justice») à travers la procédure de renvoi préjudiciel 4 , les juges nationaux doivent assurer en toute indépendance la pleine application du droit de l’Union et la protection juridictionnelle des droits des personnes dans tous les États membres. En outre, les droits des investisseurs transfrontières sont également protégés dans l’UE par un certain nombre de mécanismes publics visant à empêcher les infractions et à résoudre les problèmes avec les autorités nationales que pourraient rencontrer les investisseurs.

Au cours des dernières décennies, les gouvernements ont encouragé les investissements transfrontières en concluant des traités bilatéraux d’investissement (TBI). Ces TBI comprennent généralement le droit au traitement national et au traitement de la nation la plus favorisée, à un traitement juste et équitable, à la protection contre l’expropriation et au libre transfert de fonds. Les investisseurs peuvent saisir les tribunaux d’arbitrage entre investisseurs et États des violations de ces dispositions. Des dispositions similaires figurent dans le traité sur la charte de l’énergie, un traité d’investissement multilatéral lancé par l’UE en vue de stimuler les investissements dans le secteur de l’énergie 5 . L’Union européenne s’est engagée dans une réforme substantielle de ces accords dans le cadre de la politique extérieure de l’UE.

Certains pays avec lesquels les États membres de l’UE avaient précédemment conclu des TBI ont depuis lors rejoint l’UE. À la suite de l’adhésion, les règles de fond des TBI, telles qu’elles s’appliquent entre les États membres (ci-après les «TBI intra-UE»), sont devenues un système de traités parallèle faisant double emploi avec les règles du marché unique, empêchant ainsi la pleine application du droit de l’UE. C’est le cas, par exemple, lorsque des TBI intra-UE sont interprétés de telle manière qu’ils servent de base pour l’octroi d’une aide d’État illégale en violation de l’égalité des conditions de concurrence dans le marché unique.

Les TBI intra-UE confèrent des droits uniquement à l’égard des investisseurs de l’un des deux États membres concernés, en contradiction avec le principe de non-discrimination entre les investisseurs de l’UE dans le marché unique inscrit dans le droit de l’Union. En outre, par la mise en place d’un système alternatif de résolution des litiges, les TBI intra-UE se détournent du système judiciaire national de règlement des litiges concernant les mesures nationales et faisant intervenir le droit de l’Union. Ils confient ce règlement des litiges à des arbitres privés, qui ne peuvent appliquer correctement le droit de l’Union, en l’absence de l’indispensable dialogue judiciaire avec la Cour de justice.

Pour ces raisons, la Commission européenne a toujours été d’avis que les TBI intra-UE étaient incompatibles avec le droit de l’Union. Par ses avis motivés du 23 septembre 2016, la Commission a formellement demandé à l’Autriche, aux Pays-Bas, à la Roumanie, à la Slovaquie et à la Suède à mettre fin à leurs TBI intra-UE.

Dans la récente décision préjudicielle concernant l’affaire Achmea 6 , la Cour de justice a confirmé que les clauses d’arbitrage entre investisseurs et États dans les TBI intra-UE étaient illégales.

Après l’arrêt Achmea, la Commission a intensifié son dialogue avec tous les États membres, les appelant à prendre des mesures pour mettre fin aux TBI intra-UE, étant donné leur incompatibilité incontestable avec le droit de l’Union. La Commission suivra les progrès réalisés à cet égard et, si nécessaire, pourra décider de poursuivre les procédures d’infraction.

À la suite de l’arrêt Achmea, l’illégalité de l’arbitrage entre investisseurs et États au sein de l’Union peut amener à percevoir le droit de l’Union comme n’offrant pas de garanties matérielles et procédurales appropriées pour les investisseurs intra-UE. Toutefois, le système juridique de l’UE protège les investisseurs transfrontières dans le marché unique, tout en veillant à ce que les autres intérêts légitimes soient dûment pris en compte. Lorsque les investisseurs exercent l’une des libertés fondamentales, ils bénéficient de la protection conférée par: i) les règles du traité établissant ces libertés; ii) la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte»); iii) les principes généraux du droit de l’Union; et iv) le vaste éventail des législations sectorielles couvrant des domaines tels que les services financiers, le transport, l’énergie, les télécommunications, la passation des marchés publics, les qualifications professionnelles, la propriété intellectuelle ou le droit des sociétés 7 . 

Sans être exhaustive, la présente communication rappelle les normes matérielles et procédurales les plus pertinentes du droit de l’UE pour le traitement des investissements transfrontières au sein de l’UE. Elle montre que le droit de l’Union protège toutes les formes d’investissements transfrontières de l'UE tout au long de leur cycle de vie. Elle rappelle l’obligation des États membres de veiller à ce que les mesures nationales qu’ils peuvent éventuellement prendre pour protéger des intérêts publics légitimes ne restreignent pas indûment les investissements. Elle attire l’attention des investisseurs sur les droits de l’UE qu’ils peuvent invoquer devant les administrations et les tribunaux.

L’arrêt Achmea et ses conséquences

Dans son arrêt rendu dans l’affaire Achmea, la Cour de justice a jugé que les clauses d’arbitrage entre investisseurs et États établies dans les TBI intra-UE nuisaient au système de voies de recours juridictionnel prévu dans les traités de l’UE et compromettaient ainsi l’autonomie, l’efficacité, la primauté et l’effet direct du droit de l’Union ainsi que le principe de la confiance mutuelle entre les États membres. Le recours à de telles clauses porte atteinte à la procédure de renvoi préjudiciel prévue à l’article 267 TFUE, et n’est pas compatible avec le principe de coopération loyale. Cela implique que toutes les clauses d’arbitrage entre investisseurs et États dans les TBI intra-UE sont inapplicables et que tout tribunal arbitral constitué sur la base de ces clauses est incompétent en raison de l’absence d’une convention d’arbitrage valide. Par conséquent, les juridictions nationales ont l’obligation d’annuler toute sentence arbitrale rendue sur cette base et de refuser de l’exécuter. Les États membres qui sont parties aux affaires pendantes, à quelque titre que ce soit, sont également tenus de tirer toutes les conséquences nécessaires de l’arrêt Achmea. En outre, en vertu du principe de sécurité juridique, ils sont tenus de mettre formellement fin à leurs TBI intra-UE.

L’arrêt Achmea est également pertinent pour le mécanisme d’arbitrage entre investisseurs et États établi à l’article 26 du traité sur la Charte de l’énergie en ce qui concerne les relations intra-UE. Cette disposition, si elle est correctement interprétée, ne prévoit pas de clause d’arbitrage entre investisseurs et États applicable entre les investisseurs d’un État membre de l’UE et un autre État membre de l’UE. Compte tenu de la primauté du droit de l’Union, ladite clause, si elle est interprétée comme s’appliquant au sein de l’Union, est incompatible avec le droit primaire de l’Union, et par là-même inapplicable. De fait, le raisonnement de la Cour dans l’affaire Achmea s’applique également à l’application au sein de l’Union d'une telle clause, qui, à l’instar des clauses de TBI intra-UE, ouvre la possibilité de soumettre ces litiges à un organe qui ne fait pas partie du système juridictionnel de l’Union. Le fait que l’UE soit également partie au traité sur la Charte de l’énergie est sans incidence sur cette conclusion: la participation de l’UE à ce traité n’a créé des droits et obligations qu'entre l’UE et les pays tiers et n’a pas eu d’incidence sur les relations entre les États membres de l’UE.

Objet de la présente communication

La présente communication porte sur les investissements au sein de l’Union et, par conséquent, ne concerne pas les investissements effectués par des investisseurs de l’UE dans des pays tiers ou les investissements effectués par des investisseurs de pays tiers dans l’UE 8 . Les règles du traité en matière de libre circulation s’appliquent à des situations présentant un élément transfrontière, ou lorsque les mouvements transfrontières sont au moins possibles 9 . Toutefois, certains règlements et directives de l’UE qui précisent et développent davantage les libertés fondamentales peuvent également s’appliquer à des situations purement internes, bénéficiant ainsi à tous les investisseurs, notamment nationaux. La présente communication porte sur la protection des investisseurs contre les mesures nationales et non pas contre les mesures adoptées par les institutions et organes de l’UE.

Les libertés fondamentales et la majeure partie de la législation dérivée connexe de l’UE s’appliquent également, en substance, à l’Islande, au Liechtenstein et à la Norvège, par le biais de l’accord sur l’Espace économique européen (ci-après l’«accord EEE»), qui fait partie du droit de l’Union 10 . En conséquence, le marché unique inclut, de façon générale, ces trois pays 11 .

II.Le droit de l’Union protège tous les investissements transfrontières de l’UE tout au long de leur cycle de vie

Les investissements dans le marché unique peuvent revêtir de nombreuses formes, correspondant aux multiples facettes de la réalité économique. Le droit de l’UE couvre et protège toute forme d’investissement. En effet, toute activité économique relève du champ d’application d’au moins une des libertés fondamentales 12 et les libertés fondamentales s’appliquent même si l’objectif de l’action n’est pas lucratif 13 .

À la différence du droit international des investissements, le droit de l’Union a tendance à ne pas utiliser les termes «investissement» et «investisseur» dans le contexte du marché unique, et les opérateurs économiques sont généralement appelés «ressortissants» (particuliers ou entreprises) 14 , «résidents» ou «non-résidents».

Plus particulièrement, le droit de l’Union couvre et protège les investissements impliquant des mouvements de capitaux et un établissement. Ces termes font référence à ce qui suit:

·le fait d’investir dans des sociétés, de les acquérir et de les créer;

·le droit d’acquérir, d’exploiter ou d’aliéner des biens immobiliers;

·le rachat d’actions et d’obligations négociées et cotées en bourse;

·la perception de dividendes et d’intérêts;

·l’octroi de crédits à titre professionnel (y compris les crédits à la consommation);

·l’acquisition de parts de fonds d’investissement; les hypothèques, legs et prêts, etc. 15 ; et

·l’acquisition de brevets, de marques et d’autres droits de propriété intellectuelle 16 .

Le droit de l’Union protège l’accès au marché, les activités sur le marché et le retrait du marché.

I) Accès au marché

La création d’une nouvelle activité économique est principalement protégée par les libertés du marché de l’UE, à savoir: le droit des investisseurs de transférer des capitaux vers d’autres États membres (article 63 du TFUE), qu'il s'agisse de capitaux financiers ou physiques (tels que les machines, les usines ou d’autres facteurs de production); et le droit de s’établir dans d’autres États membres, de créer des agences, des succursales ou des filiales (article 49 TFUE) 17 . La législation dérivée fixe des limites aux régimes d’autorisation qui peuvent être imposés par les États membres 18  et interdit certains types d’exigences 19 .

La notion d’«établissement» recouvre l’accès à une activité et son exercice en vue de participer, de façon stable et continue, à la vie économique d’un État membre autre que l’État d’origine 20 .

Pour les investisseurs désireux de procéder à des investissements transfrontières dans l’UE, l’accès aux marchés publics est un élément important de l’écosystème d’investissement européen offrant une égalité des chances pour l’accès au marché. Certains types d’appels d’offres sont soumis à des règles harmonisées en matière de passation de marchés publics 21 . En outre, le droit de l’Union prévoit que les concessions publiques et marchés publics présentant un intérêt transfrontière doivent être attribués par la voie d’une procédure ouverte et non discriminatoire, fondée sur des critères objectifs, non discriminatoires et proportionnés 22 .

Exemple 1 – Moyens pour exercer une concurrence effective pour les nouveaux entrants en provenance d’autres États membres

Affaire C-442/02 - Caixa Bank

La France interdisait aux banques de rémunérer les comptes courants. La Cour de justice a observé qu’une telle interdiction constituait, pour les entreprises des États membres autres que la France, un sérieux obstacle affectant leur accès effectif au marché français. Cette interdiction gênait les établissements de crédit filiales de sociétés étrangères dans la collecte de capitaux auprès du public en les privant de la possibilité de livrer une concurrence plus efficace aux établissements de crédit traditionnellement implantés dans le marché français.

S’il est vrai que l’interdiction de rémunération des comptes courants poursuivait un intérêt public légitime tel que la promotion de l’épargne à moyen et à long terme, elle allait au-delà de ce qui était nécessaire pour atteindre cet objectif. Par conséquent, la Cour de justice a considéré qu’elle portait atteinte à la liberté d’établissement.

ii) Activités sur le marché

Une fois que les investisseurs de l’UE commencent à exploiter une entreprise dans un autre État membre ou effectuent un autre type d’investissement, le droit de l’Union, tel qu’interprété par la Cour de justice de l’Union européenne, continue de s’appliquer. Il les protège, en général, contre des mesures publiques qui priveraient les investisseurs de l’utilisation de leur bien ou qui limiteraient l’activité économique dans laquelle ils se sont engagés, même lorsque ces mesures s’appliquent de la même façon aux opérateurs nationaux 23 .

Les investisseurs sont libres de constituer une société dans un État membre de leur choix, et de créer un établissement secondaire dans un autre État membre, quel que soit le lieu où leur activité principale ou totale doit être menée 24 . Les États membres sont tenus de reconnaître les sociétés valablement constituées en vertu de la législation d’un autre État membre, en particulier en ce qui concerne la capacité juridique de la société de former un recours dans un litige 25 .

Si une entreprise européenne souhaite se déplacer et se convertir en une société régie par la législation d’un autre État membre, elle bénéficie de la liberté d’établissement. À cet égard, l’État membre d’origine ne peut imposer de restrictions à ce déplacement et à cette conversion, sauf pour des raisons impérieuses d’intérêt général et de manière proportionnée 26 . Par exemple, l’obligation de liquidation de l’entreprise dans le pays d’origine en tant que condition préalable à son transfert vers un autre État membre est disproportionnée et, partant, contraire au droit de l’Union 27 . Les États membres peuvent empêcher ou sanctionner la fraude en conformité avec le droit de l’Union. Toutefois, n’est pas constitutif en soi d’abus le fait d’établir le siège, statutaire ou réel, d’une société dans un autre État membre dans le but de bénéficier d’une législation plus avantageuse 28 .

La Commission a récemment proposé un cadre qui permette aux entreprises d'exercer aisément leur activité dans le marché unique, notamment lorsqu’elles se développent et se restructurent dans un contexte transfrontière pour s’adapter à l’évolution des conditions de marché 29 . L’initiative inclut des procédures communes à l’échelle de l’UE pour les transformations et les scissions transfrontières et actualise les règles existantes sur les fusions transfrontières. Elle instaure des garde-fous solides pour protéger les droits et les intérêts légitimes des salariés, des actionnaires et des créanciers, et pour empêcher que ces procédures soient utilisées pour réaliser des montages artificiels, notamment dans le but d’obtenir des avantages fiscaux indus, en conformité avec la jurisprudence.

Une entreprise de l’Union européenne qui souhaite fournir des services sur une base temporaire au lieu de s’établir dans un autre État membre est en droit de se doter de l’infrastructure nécessaire dans l’État membre d’accueil 30 . Les États membres ne peuvent subordonner la prestation de services sur leur territoire au respect de toutes les conditions requises pour un établissement, ce qui aurait pour effet de rendre inopérante la libre prestation de services 31 . Cela s’applique, par exemple, aux qualifications professionnelles 32 , à la couverture sociale des salariés 33 , aux licences d’exploitation 34 , à toutes les obligations de déclaration pour les prestataires de services 35 , ou à toutes les obligations pour la traduction de documents justificatifs 36 .

En outre, les investisseurs exerçant des activités de production sont également protégés étant donné que les marchandises qui sont légalement présentes sur le marché dans un État membre peuvent, en principe, être commercialisées librement dans le marché unique, grâce à la libre circulation des marchandises 37 . Un certain nombre de règles de l’UE ont harmonisé les questions pertinentes et défini des mécanismes visant à rendre applicable dans la pratique le principe de reconnaissance mutuelle entre États membres pour la libre circulation des marchandises 38 . 

Lorsqu’ils investissent dans un autre pays, les investisseurs peuvent également engager de la main-d’œuvre dans l’État d’accueil 39 . Les travailleurs de l’UE ont également le droit de circuler librement (article 45 du TFUE). Pour les prestataires qui proposent à titre temporaire leurs services dans un autre État membre, l’État membre d’accueil ne peut subordonner la circulation du personnel, y compris des travailleurs en provenance de pays tiers, à des restrictions injustifiées ou disproportionnées, telles qu’une obligation d’obtenir un permis de travail 40 . En vue de concilier la libre circulation sur le marché unique et la protection des travailleurs, le droit du travail du pays d’accueil s’applique aux travailleurs détachés en ce qui concerne les questions énumérées dans la directive 96/71/CE sur le détachement de travailleurs 41 .

La législation de l’UE concernant le marché unique s’étend également aux règles fiscales, qui sont d’une importance capitale pour les investisseurs. À titre d’exemple, la TVA, les droits d’accise et la taxation de l’énergie sont réglementés par des directives de l’UE. Par ailleurs, même si, en l’état actuel du droit de l’Union, la fiscalité directe relève de la compétence des États membres, ces derniers doivent néanmoins exercer cette compétence dans le respect du droit de l’Union, y compris des libertés fondamentales 42 . De plus, le droit dérivé de l’UE fixe également des limites à cette compétence nationale. Par exemple, pour assurer la neutralité fiscale, la directive «mères-filiales» 43 exonère de retenue à la source les bénéfices qu’une filiale distribue à sa société mère. Ainsi, les États membres ne peuvent instaurer unilatéralement des mesures restrictives ni subordonner le droit à l’exonération de la retenue à la source prévu à l’article 5, paragraphe 1, de ladite directive à différentes conditions 44 .

Exemple 2 — Les fonds de retraite résidant dans d’autres États membres ont droit au même traitement fiscal que les fonds de retraite nationaux

Affaire C-493/09 - Commission/Portugal

En droit portugais, les dividendes perçus par les fonds de retraite portugais étaient exonérés de l’impôt à condition que les parts sociales restent entre les mains d’un même fonds de retraite durant une période minimale d’un an; en revanche, une retenue à la source (de 20 % en principe) était appliquée aux dividendes payés aux fonds de retraite établis dans d’autres États membres en ce qui concerne les revenus obtenus sur le territoire portugais. La Cour de justice a confirmé que la législation portugaise était contraire à la libre circulation des capitaux consacrée par le traité. Elle a jugé que le Portugal n’avait pas justifié le traitement discriminatoire des dividendes payés aux fonds de retraite établis dans d’autres États membres. En outre, le fait que les fonds de retraite non-résidents ne puissent en aucun cas bénéficier de l’exonération accordée aux fonds de retraite résidant au Portugal n’était pas proportionné au regard des difficultés alléguées par le Portugal en ce qui concerne la collecte des informations et le recouvrement des dettes fiscales.

iii) Sortie du marché

Les droits des investisseurs inscrits dans le droit de l’Union incluent la liberté de déterminer la nature et l'ampleur de leurs activités économiques. Par conséquent, la Cour de justice a également reconnu aux opérateurs économiques le droit de décider de la taille de leur investissement et la liberté de réduire, par la suite, le volume de leur activité, voire de renoncer à celle-ci 45 . Il ne peut être porté atteinte à cette liberté que pour des motifs dûment justifiés et de manière proportionnée.

III.Le droit de l’Union protège les investisseurs contre les restrictions injustifiées

Les restrictions relatives aux investissements peuvent prendre de nombreuses formes. Elles comprennent notamment:

·une interdiction d’acquérir des participations au capital d’une société établie dans un autre État membre 46 ;

·une interdiction de vendre des parts dans le système de distribution de l’électricité et du gaz à des investisseurs privés (c’est-à-dire une interdiction de privatisation);

·une interdiction, pour les fonds de pension, de placer plus de 5 % de leurs actifs à l’étranger 47 ;

·des règles prévoyant le dépôt obligatoire des titres émis ou payables à l’étranger auprès d’une banque agréée ou d’une banque étrangère choisie par une banque agréée 48 ;

·des droits spéciaux conservés par les États membres dans certaines entreprises après leur privatisation («golden shares») 49 ; et

·des régimes d’autorisation préalable pour les investissements immobiliers (par exemple dans les terres agricoles) 50 .

Toutefois, lorsqu’elles restreignent les droits des investisseurs de l’UE, les autorités publiques doivent se conformer aux limites fixées dans le droit de l’Union.

1.Les discriminations et les restrictions nationales à l’exercice des droits des investisseurs sont en principe interdites

Selon le traité, toute discrimination fondée sur la nationalité ainsi que les autres formes de discrimination sont en principe interdites et ne sont licites que dans des circonstances exceptionnelles. Cette interdiction recouvre la discrimination indirecte et s’étend donc aux mesures qui, bien que reposant sur des critères en apparence neutres, conduisent dans la pratique à un résultat équivalent à une discrimination 51 .

Le législateur de l’Union a totalement interdit toute forme de discrimination fondée sur la nationalité, de nature directe ou indirecte, dans certains domaines qui sont complètement ou partiellement harmonisés, par exemple dans la directive «services» ou dans les directives applicables dans le secteur des télécommunications 52 .

Au-delà de la discrimination, le traité prévoit également que constitue aussi une restriction toute mesure indistinctement applicable 53 qui est de nature à interdire, décourager ou rendre moins attrayant l’exercice de l’une des libertés fondamentales, même si ce n’est qu’indirectement et potentiellement.

Une telle restriction est interdite sauf si elle est dûment justifiée et conforme aux principes généraux du droit de l’Union et aux droits fondamentaux 54 , même si elle est de faible portée ou d’importance mineure 55 , et également si elle est imposée par l’État membre d’origine de l’investisseur 56 . Cette interdiction concerne en particulier les législations nationales, d’autres mesures d’application générale et les décisions administratives individuelles.

Exemple 3 — Une obligation de notification pour les investisseurs peut également constituer une restriction illicite

Affaire C-577/10 – Commission/Belgique («Limosa»)

En vertu de la législation belge, les prestataires de services de l’étranger doivent envoyer aux autorités nationales compétentes une déclaration préalable détaillant leur activité en Belgique. La Commission a contesté cette législation en ce qui concerne son application aux prestataires de services indépendants.

La Cour de justice a jugé que le recours était fondé. Elle a d’abord considéré que la mesure en cause constituait une restriction à la libre prestation de services. La Cour de justice a admis que la protection des travailleurs, invoquée par la Belgique, constituait un objectif d'intérêt générallégitime. La Cour de justice a néanmoins jugé que la Belgique n’avait pas justifié de manière suffisamment convaincante en quoi la communication de ces informations très détaillées était nécessaire pour atteindre les objectifs d’intérêt général qu’elle invoquait ni démontré que l’obligation de communiquer ces informations à l’avance n'allait pas au-delà de ce qui était nécessaire pour atteindre ces objectifs, en dépit du fait qu’elle aurait dû le faire. La Cour de justice a rappelé dans ce contexte que toute présomption générale d’abus commis par des opérateurs économiques étrangers était incompatible avec le traité. 

2.Les restrictions nationales doivent être justifiées

Les libertés du marché et les droits fondamentaux ne sont pas absolus, mais doivent être mis en balance par les pouvoirs publics avec les autres objectifs de politique publique.

   a. Certaines restrictions ne peuvent jamais être justifiées.

Certains types de restrictions sont incompatibles en soi avec le traité, par exemple les conditions de réciprocité vis-à-vis des autres États membres 57 ou une présomption générale de fraude en ce qui concerne les étrangers 58 .

Par ailleurs, certains types de restrictions graves ont été complètement interdits par le législateur de l’Union (par exemple la «liste noire» figurant à l’article 14 de la directive «services» interdit d'imposer l’obligation d’avoir son établissement principal sur le territoire) 59 .

En outre, pour les questions qui ne sont pas pleinement harmonisées, les règles de l’UE réduisent la marge d’appréciation des autorités nationales ou de l’UE, par exemple en définissant les critères pour l’évaluation prudentielle des participations qualifiées dans les établissements financiers 60 .

   b.    Certaines restrictions peuvent être justifiées par des objectifs légitimes de politique publique.

Le droit de l’Union permet l’application de restrictions aux libertés fondamentales, dès lors qu’elles sont justifiées par des objectifs expressément prévus dans le traité. Par exemple, l’article 52 du traité autorise les restrictions à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique.

Les restrictions qui ne comportent pas de discrimination fondée sur la nationalité peuvent également être justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général telles que reconnues par la jurisprudence de la Cour de justice. Ces raisons incluent:

·la protection de l’environnement 61 ,

·la cohésion du système fiscal, 62  

·la lutte contre la fraude fiscale, 63  

·le maintien en place d’une communauté agricole et la lutte contre la spéculation foncière excessive 64 ,

·la planification de l’utilisation des sols (par exemple les restrictions à l’installation de résidences secondaires) 65 ,

·la protection des consommateurs 66 ,

·la protection des travailleurs 67 , et

·la protection des créanciers et des actionnaires minoritaires 68 .

La liste des raisons impérieuses d’intérêt général a évolué à mesure que la jurisprudence de la Cour a reconnu les intérêts en constante évolution de nos sociétés. Toutefois, le droit de l’UE n’autorise pas que des mesures nationales restreignent les libertés fondamentales pour des raisons purement économiques ou administratives 69 . En outre, les intérêts publics légitimes admis dans le traité et la jurisprudence doivent être interprétés de manière stricte 70 .

3.Toutes les restrictions doivent respecter les principes généraux du droit de l'Union (proportionnalité, sécurité juridique et confiance légitime)

Toute mesure nationale adoptée par un État membre dans le champ d’application du droit de l’Union et ayant une incidence sur les droits des investisseurs de l’UE doit respecter les principes généraux applicables du droit de l’Union, qui peuvent être précisés dans la législation de l’UE 71 .

Premièrement, les restrictions nationales doivent être proportionnées, ce qui signifie que les dispositions restrictives doivent être propres à garantir la réalisation de l’objectif visé, et notamment qu’elles doivent contribuer à l’objectif public légitime d’une manière cohérente et systématique 72 . Elles ne devraient pas excéder ce qui est nécessaire pour servir l’intérêt public 73 . Une mesure restrictive n’est pas proportionnée s’il existe une autre mesure possible qui permettrait de servir l’intérêt public d’une manière moins restrictive pour la libre circulation 74 . 

Dans la pratique, le principe de proportionnalité joue un rôle central. La Cour de justice exerce un contrôle approfondi quant à la proportionnalité des mesures nationales restreignant les libertés fondamentales. Lors de l’appréciation de la proportionnalité, toutes les circonstances factuelles et juridiques du cas d’espèce doivent être prises en considération. Il appartient aux autorités nationales de démontrer que leur législation satisfait au principe de proportionnalité. À cet égard, les raisons justificatives susceptibles d’être invoquées par un État membre doivent être accompagnées des preuves appropriées ou d’une analyse de l’aptitude et de la proportionnalité de la mesure restrictive 75 . 

Exemple 4 — L’expropriation indirecte en tant que restriction disproportionnée de la libre circulation des capitaux

Affaires jointes C52/16 et C113/16 – SEGRO et Horváth.

Une société hongroise (détenue par des personnes physiques résidant en Allemagne) et une citoyenne autrichienne ont acquis, avant le 30 avril 2014, des droits d’usufruit sur des terres agricoles en Hongrie, qui ont été inscrits dans le registre foncier. Les modifications apportées en 2013 à la législation hongroise applicable ont éteint tous les droits d’usufruit sur les terres arables, sauf s’il peut être prouvé qu’ils ont été constitués entre membres d’une même famille. En conséquence, les droits des étrangers originaires de l’UE concernés ont été annulés dans le registre foncier.

La Cour de justice a jugé que les modifications précitées de la législation en 2013 restreignaient la libre circulation des capitaux, en ce qu’elles privaient les requérants de la jouissance de la propriété dans laquelle ils avaient investi des capitaux, et qu'elles étaient discriminatoires dans la mesure où ces modifications visaient de facto les étrangers. Les mesures n’étaient pas appropriées pour servir les objectifs légitimes de politique publique (par exemple, le maintien de communautés agricoles viables), excédaient ce qui était nécessaire et auraient pu être remplacées par des mesures moins restrictives.

Par ailleurs, la sécurité juridique est un principe général du droit de l’Union qui est également pertinent pour les investisseurs. Elle suppose que les règles nationales ou de l’Union soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, en particulier lorsqu’elles peuvent avoir des conséquences défavorables pour les particuliers et les entreprises 76 . Cette exigence doit être respectée avec d’autant plus de rigueur lorsque la réglementation peut avoir des conséquences négatives pour les particuliers et les entreprises 77 , ou si les règles sont susceptibles de comporter des conséquences financières pour les personnes concernées 78 . Lorsque les autorités publiques agissent dans le champ d'application du droit de l’Union, elles doivent exercer leur pouvoir discrétionnaire sur la base de critères objectifs, non discriminatoires, suffisamment précis et clairs et connus à l’avance 79 .

En outre, la sécurité juridique inclut également la protection de la confiance légitime 80 . Toutefois, les investisseurs de l’Union ne peuvent que dans certaines circonstances invoquer la protection de la confiance légitime pour contester la modification des règles existantes ou l’adoption de nouvelles règles qui entrent dans le champ d’application du droit de l’Union.

Afin d’être en mesure de se prévaloir de la protection de la confiance légitime, les opérateurs économiques doivent agir de bonne foi 81 et de manière prudente et avisée 82 . Cela signifie que si un investisseur savait ou aurait raisonnablement dû savoir que la source de sa réclamation, les règles sur lesquelles il a fondé son argumentation, le comportement des autorités publiques qui mettent en œuvre ces règles ou la procédure suivie par l’autorité publique étaient contraires au droit de l’Union, il ne peut se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime 83 .

Les opérateurs économiques ne peuvent attendre d’un régime juridique existant qu'il soit toujours maintenu 84 . D'un autre côté, lorsque l’Union ou un État membre prend une nouvelle mesure d’une manière qui nuit aux intérêts des investisseurs, ils doivent prévoir, le cas échéant, des adaptations aux nouvelles règles qui tiennent compte de la situation particulière des investisseurs lésés, sauf si une raison impérieuse d’intérêt général ne leur permet pas de prévoir de telles adaptations 85 .

Exemple 5 — La protection de la confiance légitime

Affaire C-201/08 – Plantanol GmbH & Co

Le droit fiscal allemand prévoyait une exonération fiscale pour un certain type de mélange de biocarburants jusqu’à la fin de 2009. Cette exonération fiscale a été supprimée le 18 décembre 2006, avec effet à compter du 1er janvier 2007, c’est-à-dire deux années complètes avant la date d’expiration.

La Cour de justice a rappelé la teneur des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime. Toutefois, elle a également souligné que lorsqu’un investisseur économique prudent et avisé était en mesure de prévoir l’adoption d’une mesure de nature à affecter ses intérêts, il ne saurait invoquer le bénéfice d’un tel principe lorsque cette mesure est adoptée. La Cour de justice a conclu qu’il s’agissait d’une appréciation de fait à effectuer par la juridiction de renvoi, mais a confirmé que la sécurité juridique et la protection de la confiance légitime ne s’opposent pas en principe à la suppression par un État membre d’un régime d’exonération fiscale avant la date d’expiration.

En principe, les investisseurs de l’UE ne devraient invoquer que de manière occasionnelle la protection de la confiance légitime car ils peuvent généralement se fonder sur l’application des libertés fondamentales consacrées par le traité (notamment les exigences de proportionnalité et de non-discrimination) ainsi que sur le droit dérivé de l’UE. En effet, les règles de l’UE produisent des effets juridiques à partir du moment de leur entrée en vigueur 86 . Elles sont également immédiatement applicables et contraignantes à l’égard d’un nouvel État membre dès la date de son adhésion, de sorte qu’elles s’appliquent aux effets futurs des situations nées avant l’adhésion de ce nouvel État membre à l’Union européenne 87 . 

4.Toutes les restrictions nationales doivent respecter les droits fondamentaux

Les investisseurs transfrontières peuvent également invoquer, dans le cadre du droit de l’Union européenne, des droits fondamentaux tels que la liberté d’entreprise, le droit à la propriété et le droit à une protection juridictionnelle effective lorsqu’ils agissent dans le cadre du droit de l’Union 88 . Lorsqu’un État membre (y compris le législateur national) prend une mesure qui déroge à l'une des libertés fondamentales garanties par le droit de l’Union, cette mesure entre dans le champ d'application du droit de l’Union. Dès lors, la protection accordée par le droit de l’Union, y compris les droits fondamentaux consacrés par la Charte, s’applique pleinement 89 .

La liberté d’entreprise peut être invoquée avec succès contre des restrictions graves de la liberté contractuelle de l’investisseur 90 . Le droit de propriété (c’est-à-dire de jouir de la propriété des biens légalement acquis, de les utiliser et d'en disposer) est un élément essentiel de tout régime de protection des investissements. En vertu du droit européen, le droit fondamental de propriété s’étend à la «propriété» au sens le plus large du terme 91 et recouvre également le droit au respect des biens. Il implique directement un droit à une indemnisation pour privation du droit de propriété dans l’intérêt général 92 . La protection accordée sur cette base est particulièrement importante en cas d’expropriation ou de mesures équivalentes.

Ces droits ne sont pas des prérogatives absolues et leur exercice peut faire l’objet de restrictions, dans la mesure où ces restrictions sont justifiées par des objectifs d’intérêt général reconnu par le droit de l’Union et sont proportionnées. L’importance des objectifs poursuivis par les mesures restrictives peuvent justifier des conséquences négatives, même considérables, pour certains opérateurs. Toutefois, les restrictions ne peuvent constituer, compte tenu du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable, qui porterait atteinte à la substance même de ces droits 93 .

5.Les investisseurs peuvent invoquer les règles de concurrence de l’Union à l’encontre de mesures nationales

Une concurrence non faussée et des conditions de concurrence égales pour les entreprises doivent être assurées dans le marché unique de l’UE. Par conséquent, les États membres ne sont pas autorisés à attribuer des aides d’État, sauf si celles-ci sont compatibles avec le marché intérieur 94 . En outre, les États membres ne sont pas autorisés à imposer ou à favoriser la conclusion d’accords, de décisions ou de pratiques concertées contraires aux articles 101 ou 102 TFUE ou à renforcer leurs effets, ou à retirer à leur propre réglementation son caractère étatique en déléguant à des opérateurs privés la responsabilité de prendre des décisions d’intervention d’intérêt économique 95 . Il y a également violation des articles 102 TFUE et 106, paragraphe 1, TFUE dès lors qu’une mesure imputable à un État membre, et notamment une mesure par laquelle celui-ci confère des droits spéciaux ou exclusifs au sens de cette dernière disposition, crée un risque d’abus de position dominante 96 . 

IV.Application des droits des investisseurs en vertu du droit de l’Union

Alors que le droit international des investissements (par exemple les traités bilatéraux d’investissement) porte principalement sur l’indemnisation des investisseurs après que la violation a eu lieu, le droit de l’Union permet de protéger les investisseurs transfrontières dans l’Union de plusieurs manières et à différents niveaux. Les investisseurs transfrontières sont protégés dans l’UE au moyen de plusieurs mécanismes visant à la prévention ou à la résolution des violations de leurs droits commises par le législateur, l’administration ou l’appareil judiciaire. L’exécution judiciaire des droits découlant du droit de l’Union est l’une des nombreuses solutions possibles. Lorsque l’exécution judiciaire est considérée comme étant la voie la plus appropriée ou si les autres possibilités ont été épuisées, une personne peut se fonder sur un système complet et à part entière de voies de recours en vertu du droit de l’Union.

1.Mécanismes de prévention des violations et solutions extrajudiciaires

Contrôle préalable des mesures nationales susceptibles de porter atteinte aux droits d’une personne en vertu du droit de l’Union

La prévention des violations des droits d’une personne en vertu du droit de l’Union revêt une valeur particulière pour les investisseurs, qui ont particulièrement besoin de planifier et exécuter leurs décisions économiques dans un environnement réglementaire prévisible et stable.

En vue de garantir des conditions de concurrence équitables entre les entreprises dans le marché unique, l’article 108 TFUE a défini un système de notification préalable qui a pour objectif de permettre à la Commission européenne de s'assurer de la compatibilité des mesures d’aide d’État (y compris la législation nationale) avec le marché intérieur avant leur entrée en vigueur.

En ce qui concerne les règles de l’UE sur la libre circulation, le législateur a établi une obligation pour les États membres de notifier certaines mesures de nature législative ou administrative préalablement à leur adoption et de les soumettre au contrôle de la Commission européenne et, selon le cas, des autres États membres. Alors que, dans certains cas, la Commission est uniquement habilitée à adresser une recommandation à l’État membre concerné 97 , dans d’autres situations, elle est habilitée par le législateur à arrêter des décisions au titre de l’article 288 TFUE, qui sont contraignantes pour l’État membre concerné 98 . Ce pouvoir de décision de la Commission est différent et distinct de la compétence de la Cour de justice pour statuer sur des infractions commises par les États membres. 99 . Par exemple, la directive «Services» 100 donne à la Commission un pouvoir de décision en ce qui concerne la justification et la proportionnalité de certaines nouvelles barrières nationales considérées par le législateur de l’Union comme étant particulièrement préjudiciables à la réalisation d’un marché unique pour certains services. Afin de rendre la procédure de notification efficace dans la pratique, la Commission a récemment proposé une directive «notification» 101 .

Exemple 6 — Mesure imposant le transfert de certains vols de l’aéroport de Linate à celui de Malpensa

Affaire C-361/98 – Italie/Commission («Malpensa»)

Le règlement nº 2408/92 a pour objectif de rendre la libre prestation des services applicable dans le secteur du transport aérien. L’Italie a adopté, en juillet 1996 et octobre 1997, deux décrets prévoyant le transfert de l'ensemble du trafic aérien de l’aéroport de Linate, situé à proximité du centre de Milan, à d’autres aéroports plus éloignés, sous réserve d’une exception qui ne concernait, en pratique, que la liaison Milan-Rome.

À la suite de plaintes déposées par des transporteurs aériens internationaux, la Commission a adopté, le 16 septembre 1998, une décision interdisant les mesures italiennes en cause. Cette décision a été adoptée en vertu de l’article 8 du règlement nº 2408/92, qui confère à la Commission le pouvoir de prendre des décisions concernant des mesures nationales régissant la répartition du trafic au détriment des prestataires de services du secteur du transport aérien. La Commission a considéré dans sa décision que la mesure italienne en cause était indirectement discriminatoire et disproportionnée. L’Italie a contesté cette décision devant la Cour de justice en soulevant un certain nombre de moyens, tant en ce qui concerne la compétence de la Commission que l’évaluation réalisée.

Dans son arrêt, la Cour de justice a rejeté le recours de l’Italie. La Cour a jugé que c'était à bon droit que la Commission avait examiné si, d'une part, les mesures nationales édictées par les décrets litigieux imposaient des restrictions apparemment indistinctement applicables et, d'autre part, si ces restrictions étaient propres à garantir la réalisation de l’objectif qu’elles visaient, sans aller au-delà de ce qui était nécessaire pour qu'il soit atteint. Elle a examiné l’évaluation de la justification et de la proportionnalité effectuée par la Commission dans sa décision et a constaté qu’aucun des nombreux moyens avancés par l’Italie n’était fondé.

Application, par l’administration, de la réglementation en conformité avec le droit de l’Union

Les administrations nationales sont généralement le premier et le principal interlocuteur auquel les investisseurs ont affaire dans un État membre lors du lancement d’un investissement ou au cours de la gestion de leur activité. Les autorités administratives nationales doivent appliquer effectivement le droit de l’Union, interpréter le droit national en conformité avec le droit de l’Union, écarter les règles nationales contraires au droit de l’Union et défaire les conséquences des violations du droit de l’Union (par exemple, remboursement d’une imposition indue). Ces principes, qui découlent du devoir de coopération loyale des États membres en vertu de l’article 4, paragraphe 3, TUE et de la primauté du droit de l’Union 102 , permettent l’application correcte et efficace des droits découlant du droit de l’Union, sans qu’il soit nécessaire de recourir à la voie judiciaire. Ils doivent être respectés, même si les règles de procédure nationales ne les prévoient pas expressément 103 . 

Exemple 7 — Inapplication de règles nationales par les organes administratifs

Affaire C476/10 – Pepic

Deux ressortissants du Liechtenstein se sont vu refuser une autorisation requise par le droit autrichien pour l’acquisition de résidences secondaires par des ressortissants étrangers.

La Cour a interprété l’affaire à la lumière des dispositions relatives à la libre circulation des capitaux de l’article 40 de l’accord EEE, dont elle a constaté qu’elles avaient la même portée juridique que l’article 63 TFUE. La Cour a conclu, premièrement, que l’exigence d’une autorisation préalable constituait une discrimination fondée sur la nationalité. Elle a ensuite déclaré que tous les organes administratifs nationaux devaient respecter la primauté du droit de l’Union et, par conséquent, devaient laisser inappliquée cette législation nationale discriminatoire.

Toute personne a le droit d’être entendue lorsque les autorités des États membres prennent des mesures individuelles qui relèvent du champ d’application du droit de l’Union et qui pourraient affecter cette personne 104 . L’administration doit appliquer les règles de manière impartiale, en tenant compte de toutes les informations pertinentes et sans aucune discrimination 105 , et doit motiver correctement ses décisions 106 . Lorsqu’un État membre a prélevé des taxes en violation des règles du droit de l’Union, il est en principe tenu de rembourser les montants concernés, majorés des intérêts 107 . 

Reconnaissant la nécessité de solutions extrajudiciaires rapides pour les problèmes transfrontières de mise en application du droit de l’Union, la Commission et les États membres ont mis en place SOLVIT en 2002. SOLVIT vise à fournir des solutions pragmatiques aux citoyens et entreprises de l’UE/EEE lorsqu’ils rencontrent des difficultés concernant le respect par les autorités publiques des droits que leur confère l’UE. Dans sa communication intitulée Plan d’action pour le renforcement de SOLVIT: faire profiter les citoyens et les entreprises des avantages du marché unique 108 , la Commission s’est engagée à prendre, avec les États membres, de nouvelles mesures pour renforcer le rôle stratégique de SOLVIT afin que le marché unique fonctionne mieux dans la pratique pour les citoyens et les entreprises.

2.Protection juridictionnelle effective des droits dont bénéficient les investisseurs en vertu du droit de l’Union

Un système complet de voies de recours judiciaires au niveau de l’UE et des États membres

En vertu de l’article 19, paragraphe 1, du TUE, les États membres sont tenus d’établir les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union 109 . En vertu de l’article 47 de la Charte, qui est directement applicable, toute personne a droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial 110 . Les systèmes judiciaires nationaux dans l’Union sont soumis à des normes d’indépendance, de qualité et d’efficacité, énoncées dans une abondante jurisprudence de la Cour de justice et de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) 111 . 

Les particuliers disposent d'une multitude de voies de recours devant les juridictions nationales

Les particuliers disposent d'un certain nombre de voies de recours devant les juridictions nationales, qui consistent notamment en:

omesures provisoires (référé), 112  

ol’obligation d’interpréter le droit national d’une manière qui soit cohérente avec le droit de l’Union 113 ,

ol’obligation pour le juge d'écarter, de sa propre autorité, tout acte (même de nature constitutionnelle) qui est en conflit avec le droit de l’Union 114 ,

ol’élimination des conséquences d’une violation du droit de l’Union 115 ,

ol’octroi de dommages et intérêts pour violation du droit de l’Union (y compris pour malversations judiciaires) 116 .

Ces voies de recours trouvent un fondement juridique direct dans le droit de l’Union. Par conséquent, lorsque les conditions sont remplies, les juridictions nationales doivent les fournir, qu'elles soient ou non prévues par le droit national. Dans le même temps, les arrêts nationaux peuvent être exécutés au moyen de tous les instruments prévus par la législation nationale.

Exemple 8 — Recours judiciaires fondés sur le droit de l’Union, en dépit du droit constitutionnel national

Affaire C-213/89, Factortame, et affaires jointes C-46/93 et C-48/93, Brasserie du Pêcheur et Factortame

Un certain nombre de sociétés, de propriétaires ou d’exploitants de navires de pêche ont été privés de leurs droits de pêche après l’adoption par les autorités britanniques de nouvelles règles discriminatoires. Ces sociétés ont introduit une demande d'examen judiciaire et demandé l’octroi de mesures provisoires. La Chambre des Lords a reconnu que les requérants subiraient un préjudice irréparable si la mesure provisoire sollicitée n’était pas accordée, et les requérants ont obtenu gain de cause dans l’affaire au principal. Toutefois, en vertu du droit national, les juridictions britanniques n’avaient pas le pouvoir d’ordonner des mesures provisoires en pareil cas. Plus spécifiquement, l’octroi de cette mesure provisoire était exclu par l’ancienne règle de la common law selon laquelle une mesure provisoire ne peut être ordonnée contre la Couronne, c’est-à-dire contre le gouvernement, en combinaison avec la présomption selon laquelle une loi du Parlement est en conformité avec le droit de l’Union, jusqu’à ce qu’une décision sur sa compatibilité avec ce droit ait été rendue. La Chambre des Lords a saisi la Cour à titre préjudiciel. Cette dernière a répondu que la juridiction nationale qui, saisie d’un litige concernant le droit de l’Union, estime que le seul obstacle qui s’oppose à ce qu’elle ordonne des mesures provisoires est une règle du droit national, doit écarter l’application de cette règle.

Dans une autre demande de décision préjudicielle émanant d’un autre tribunal britannique, concernant les mêmes investisseurs, la Cour a conclu que le principe selon lequel les États membres sont obligés de réparer les dommages causés aux particuliers par des violations du droit de l’Union qui leur sont imputables est applicable lorsque le législateur national était responsable de l’infraction en question. Par ailleurs, la réparation de la perte ou du dommage ne saurait être subordonnée à l’existence d’une faute (intentionnelle ou de négligence) dans le chef de l’organe étatique auquel le manquement est imputable, allant au-delà de la violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union.

Les États membres ont l’obligation, en vertu du droit de l’Union, de mettre en place des procédures efficaces qui permettent aux citoyens et aux entreprises, y compris aux investisseurs, de réclamer des dommages-intérêts en cas de violation de leurs droits au titre du droit de l’Union par les États membres. La Commission reconnaît que les investisseurs transfrontières pourraient avoir des difficultés à faire valoir la responsabilité de l’État en raison de la diversité des règles de procédure nationales. Toutefois, la jurisprudence de la Cour ne se limite pas à instaurer le principe d’une telle responsabilité, mais établit également un certain nombre d’exigences minimales pour la responsabilité extracontractuelle de l’État pour violation du droit de l’Union 117

Exigences de l’UE et soutien concernant l’indépendance, la qualité et l’efficience du système judiciaire national

L’indépendance du système judiciaire national est un principe commun aux traditions constitutionnelles des États membres et au droit de l’Union 118 , et elle est reconnue comme essentielle pour assurer une protection juridictionnelle effective 119 . Les garanties d’indépendance et d’impartialité postulent l’existence de règles sur la composition de l’organe judiciaire, la nomination, la durée des fonctions ainsi que les causes d’abstention, de récusation et de révocation de ses membres. Il s’agit d’écarter tout doute raisonnable dans l’esprit des justiciables quant à l’imperméabilité de l’instance à l’égard d’éléments extérieurs et à sa neutralité par rapport aux intérêts qui s’affrontent 120 .

Comme annoncé dans la communication intitulée «Le droit de l’UE: une meilleure application pour de meilleurs résultats 121 , la Commission encourage et aide les États membres à améliorer leur capacité à faire respecter le droit de l’UE et à établir des voies de recours afin que les destinataires finals du droit de l’UE, qu’il s’agisse de particuliers ou d’entreprises, puissent jouir pleinement de leurs droits.

Elle encourage la modernisation des autorités chargées de faire respecter la législation dans le contexte du semestre européen et, si besoin est, au moyen d’une législation spécifique. La Commission a collaboré avec les États membres afin d’améliorer l’efficacité des systèmes de justice, y compris en ce qui concerne leur indépendance, leur qualité et leur efficience. L’amélioration de l’efficacité des systèmes judiciaires est une priorité du Semestre européen, et le Conseil adopte régulièrement des recommandations par pays portant sur l’amélioration des systèmes judiciaires nationaux sur la base de propositions de la Commission.

L’Union européenne soutient financièrement certaines réformes de la justice au moyen des Fonds structurels et d’investissement européens. Entre 2007 et 2023, 16 États membres ont consacré plus de 900 millions d’EUR afin de renforcer la qualité et l’efficacité de leurs systèmes judiciaires 122 . Les fonds de l’UE ont par exemple facilité l’introduction de nouveaux systèmes et de services électroniques conviviaux de gestion des dossiers dans les tribunaux.

Les procédures nationales doivent assurer une exécution effective des droits des particuliers découlant du droit de l’Union

À l’exception du règlement nº 1215/2012 123 qui vise à faciliter l’accès à la justice, en fixant notamment des règles concernant la compétence des juridictions de l’Union dans les affaires transfrontières et la reconnaissance et l'exécution rapides et simples des décisions en matière civile et commerciale 124 , le droit de l’Union laisse généralement le droit national déterminer les règles de procédure 125 . Il existe toutefois des exceptions, par exemple les directives «recours» qui harmonisent les aspects procéduraux liés à l’application et aux voies de recours dans le domaine des marchés publics 126 . 

Même lorsque le droit de l’Union n’harmonise pas les procédures, il fixe en tout état de cause des exigences minimales concernant celles-ci. Par exemple, les procédures pour l’application de droits découlant du droit de l’Union ne doivent pas être moins favorables que celles régissant des situations similaires soumises au droit interne (principe d’équivalence) et elles ne doivent pas, dans la pratique, rendre impossible ou excessivement difficile l’exercice de ces droits (principe d’effectivité) 127 . Le coût d’une procédure ne doit pas être prohibitif et une aide juridictionnelle doit être accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide est nécessaire pour assurer un accès effectif à la justice, y compris, si cela se justifie, à des personnes morales 128 . En outre, les personnes physiques ont le droit à ce que leur cause soit jugée et exécutée dans un délai raisonnable 129 . 

Exemple 9 — Inapplication des règles nationales en matière de délai de forclusion compte tenu d’un comportement trompeur des autorités nationales

Affaire C-327/00 – Santex

Une entreprise italienne a été empêchée de participer à une procédure d’appel d’offres en raison du non-respect d’une des clauses de l’appel d’offres figurant dans l’avis d’appel d’offres. Après la publication de l’avis, le pouvoir adjudicateur avait indiqué à la requérante que, étant donné les arguments à l’encontre de la conformité de cette clause au droit de l’Union, il interpréterait celle-ci de manière à lui permettre de participer; toutefois, il a ensuite adopté une position contraire et a décidé de l’exclure du marché. Les délais nationaux pour contester les avis d’appel d’offres avaient expiré au moment où la Cour a été saisie de l’affaire.

La Cour a conclu que, en règle générale, le délai fixé par la législation nationale était raisonnable et garantissait donc, en principe, la sécurité juridique pour les participants à l’appel d’offres. Toutefois, la Cour a jugé que les circonstances de chaque cas doivent être prises en considération pour déterminer si l’efficacité des dispositions du droit de l’Union n’a pas été compromise. Dans cette affaire, la Cour a jugé que le comportement du pouvoir adjudicateur avait créé une situation d’incertitude et que ce n’est qu’au stade de la décision d’exclusion que cette incertitude a été dissipée. Le pouvoir adjudicateur a ainsi rendu excessivement difficile l’exercice par le soumissionnaire lésé des droits qui lui sont conférés par le droit de l’Union. La Cour a donc conclu que, dans les circonstances spécifiques de l’espèce, la juridiction nationale, afin de permettre au plaignant de soulever le moyen tiré de l’incompatibilité de la clause d’appel d’offres avec la législation applicable de l’Union, devrait interpréter les règles nationales sur les délais de forclusion conformément au principe d’effectivité propre à l’UE ou, si une telle interprétation n’est pas possible, écarter leur application.

Saisine de la Cour de justice de l’Union européenne

Les juridictions nationales agissent en tant que «juridictions de l’Union» et sont soumises à l’obligation de refuser d’office l’application des dispositions nationales qui sont contraires aux dispositions directement applicables du droit de l’Union. Lorsque l’application des droits conférés par l’UE se fonde sur une question d’interprétation du droit de l’Union devant une juridiction nationale, cette juridiction peut saisir la Cour de justice d’une demande de décision préjudicielle. Lorsqu’une telle question est soulevée devant une juridiction dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel en droit interne, cette juridiction doit saisir la Cour de justice 130 . Les questions préjudicielles peuvent également porter sur la validité des règles de l’Union: lorsque de telles questions sont pertinentes, une juridiction nationale doit les porter devant la Cour de justice, qui est exclusivement compétente pour contrôler la validité des actes de l’Union 131 . Pour être considéré comme une «juridiction d’un des États membres» au sens de l’article 267 TFUE et être ainsi en mesure de poser une question préjudicielle à la Cour de justice, un organe doit remplir un certain nombre de critères 132 . Les arbitres privés et les tribunaux arbitraux créés dans les TBI intra-UE ne remplissent pas ces critères et ne peuvent donc être considérés comme des «juridictions» au sens de l’article 267 TFUE 133 . 

L’interprétation donnée par la Cour de justice dans un arrêt préjudiciel lie la juridiction de renvoi, aux fins de la décision à rendre dans le litige au principal 134 . Toutes les autorités nationales sont tenues de prendre toute mesure, générale ou particulière, nécessaire pour se conformer dans les plus brefs délais à une décision préjudicielle 135 . Il n’est pas nécessaire que le juge national demande ou attende l’élimination préalable des dispositions contraires au droit de l’Union par voie législative ou par tout autre procédé constitutionnel 136 .

En vertu de l’article 19 TUE, la Cour de justice est compétente pour assurer le respect du droit de l’Union et, par conséquent, joue un rôle central en vue de garantir l’efficacité et l’application uniforme des règles de l’UE octroyant des droits aux investisseurs transfrontières.

3.Rôle de la Commission en tant que gardienne du traité

En vertu de l’article 17, paragraphe 1, du traité sur l'Union européenne, c’est à la Commission qu’incombe la responsabilité d’assurer l’application effective, la mise en œuvre et le contrôle du respect du droit de l’UE. À ce titre, elle a le pouvoir d’examiner les mesures nationales et de prendre des mesures pour faire respecter les règles de l’UE garantissant la protection des investisseurs. Le but premier de la procédure d’infraction est de veiller à ce que les actions ou omissions des États membres soient mises en conformité avec le droit de l’Union (par exemple en modifiant la législation nationale), en tant qu’objectif d’intérêt général. Les actions des investisseurs individuels visant à obtenir l’annulation de mesures nationales ou une compensation financière pour le préjudice que celles-ci causent relèvent de la compétence des juridictions nationales.

Les États membres sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour se conformer à un arrêt de la Cour de justice constatant l’existence d’une infraction. À défaut, la Commission est habilitée à demander à la Cour de justice d’infliger des sanctions financières à l’État membre défaillant 137 . 

La Commission s'est engagée à prendre des mesures fermes contre les infractions qui entravent la réalisation de grands objectifs de l’UE ou qui risquent de compromettre les quatre libertés fondamentales,  138 qui sont essentielles pour les investisseurs. La Commission accorde une priorité élevée aux infractions mettant en évidence des faiblesses systémiques, en particulier les infractions qui compromettent la capacité des systèmes judiciaires nationaux à contribuer à la mise en œuvre effective du droit de l’UE. Il convient de noter qu’un certain nombre de cas d’infraction sont résolus avant la saisine de la Cour de justice, l’État membre concerné modifiant ou abrogeant la législation en cause ou prenant des mesures positives pour remédier à l’infraction.

V.Conclusion

Permettre, encourager et protéger les investissements fait partie des principales priorités de l’UE dans le marché unique. Le droit de l’Union, tel qu’interprété par la Cour de justice, établit un équilibre entre la protection des investissements et les autres objectifs légitimes d'intérêt général servant le bien-être de ses citoyens. Cette mise en balance des différents intérêts publics devrait également avoir lieu lorsque les États membres agissent au niveau national dans le cadre du droit de l’Union.

Le droit de l’Union ne permet pas de résoudre tous les problèmes que peuvent rencontrer les investisseurs dans leurs activités. Toutefois, dans le marché unique, les droits des investisseurs de l’UE sont protégés par le droit de l’Union, qui permet d'exercer et de développer des activités économiques dans tous les États membres. Les investisseurs peuvent faire valoir leurs droits devant les administrations et les juridictions nationales, conformément aux règles de procédure nationales qui doivent garantir la protection effective de ces droits.

Les investisseurs de l’UE ne peuvent invoquer des TBI intra-UE qui sont incompatibles avec le droit de l’Union et qui ne sont plus nécessaires dans le marché unique. Ils ne peuvent recourir à des tribunaux arbitraux établis par des TBI intra-UE ou, pour des litiges au sein de l’UE, à des tribunaux arbitraux institués par le traité sur la Charte de l’énergie. Le système juridique de l’UE offre cependant une protection adéquate et effective aux investisseurs transfrontières dans le marché unique, tout en veillant à ce que les autres intérêts légitimes soient dûment pris en compte. Lorsque les investisseurs exercent l’une des libertés fondamentales, telles que la liberté d’établissement ou la libre circulation des capitaux, ils agissent dans le champ d’application du droit de l’Union et bénéficient donc de la protection octroyée par ce droit.

Les États membres ont la responsabilité et le pouvoir de faire appliquer le droit de l’Union en général, et les droits des investisseurs conférés par l’UE en particulier. La Commission s’efforce de renforcer l’efficacité du système de contrôle de l’application des règles dans l’UE, notamment par des actions favorisant le renforcement des capacités administratives ou des systèmes judiciaires, et de lutter contre les violations du droit de l’UE par les autorités nationales.

(1)

https://ec.europa.eu/commission/priorities/jobs-growth-and-investment/investment-plan-europe-juncker-plan_fr

(2)

COM(2015) 468 final.

(3)

COM(2017) 292 final.

(4)

Article 267 du TFUE.

(5)

Le traité sur la Charte de l’énergie a été signé par l’UE et ses États membres ainsi que plusieurs pays tiers.

(6)

Affaire C-284/16, Achmea, ECLI:EU:C:2018:158, points 56 et 58.

(7)

La présente communication mentionne quelques exemples tirés des législations sectorielles, mais une analyse détaillée de ces législations sortirait largement de son cadre.

(8)

Le traité protège également les mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers. Toutefois, en vertu de l’article 64, paragraphe 3, TFUE, le Conseil peut adopter à l’unanimité des mesures qui constituent un recul en ce qui concerne la libéralisation des mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers. En outre, dans le cadre de la politique commerciale commune, le 14 septembre 2017, la Commission a proposé un cadre européen pour le filtrage des investissements directs étrangers provenant de pays tiers par les États membres pour des raisons de sécurité ou d’ordre public: Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers dans l’Union européenne [COM(2017) 487 final]: https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=COM:2017:487:FIN

(9)

Affaire C-67/08, Block, ECLI:EU:C:2009:92, point 21; affaire C-98/15, Berlington Hungary, ECLI:EU:C:2015:386, point 28; affaires jointes C-197/11 et C-203/11, Libert, ECLI:EU:C:2013:288, point 34; affaires jointes C-570/07 et C-571/07, Blanco Pérez et Chao Gómez, ECLI:EU:C:2010:300, point 40; affaires jointes C-51/96 et C-191/97, Deliège, ECLI:EU:C:2000:199, point 58.

(10)

La CJUE a précisé que, compte tenu de l’objectif de l’accord EEE qui veut que ses dispositions qui sont substantiellement identiques à celles de la législation de l’UE soient interprétées et appliquées de manière uniforme, les libertés fondamentales pour la protection des investissements s’appliquent mutatis mutandis aux investissements entre l’UE et les États de l’AELE susmentionnés. Voir l'affaire C-476/10, Pepic, ECLI:EU:C:2011:422, points 33 à 35 et l'affaire C-72/09, Établissements Rimbaud, ECLI:EU:C:2010:645, points 20 à 22.

(11)

Affaire C-452/01, Ospelt, ECLI:EU:C:2003:493, point 29,

(12)

Affaire C-452/04, Fidium-Finanz, ECLI:EU:C:2006:631, point 32 .

(13)

Affaire C-281/06, Jundt, ECLI:EU:C:2007:816, point 33.

(14)

Toute personne morale constituée conformément au droit des sociétés en vigueur dans un État membre est une personne morale au sens de l’article 54 du TFUE, et, par conséquent, bénéficie des libertés fondamentales prévues par le traité (voir, par exemple, l’arrêt Eqiom, C-6/16, ECLI:EU:C:2017:641, points 48 et 49).

(15)

Il est de jurisprudence constante que la directive 88/361/CEE, ainsi que la nomenclature qui y est annexée, peuvent être utilisées pour définir ce qui constitue un mouvement de capitaux, voir l’affaire C-483/99, Commission/France, ECLI:EU:C:2002:327, point 36; Affaires jointes C-578/10 à C-580/10, Van Putten, ECLI:EU:C:2012:246, points 28 à 36.

(16)

Affaire C-255/97, Pfeiffer, ECLI:EU:C:1999:240.

(17)

L’investissement dans une entreprise peut prendre la forme d’un contrôle (investissement direct) ou peut être à but lucratif, sans aucune intention de contrôler ou d’influencer les décisions (investissement de portefeuille).

(18)

Voir, par exemple, les articles 5 à 13 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur (JO L 376 du 27.12.2006, p. 36) (ci-après la «directive “services”»).

(19)

Par exemple, les tests économiques ont été interdits en vertu de l’article 14 de la directive «services».

(20)

Affaire C-221/89, Factortame, ECLI:EU:C:1991:320, point 20.

(21)

Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (JO L 94 du 28.3.2014, p. 65); directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux et abrogeant la directive 2004/17/CE (JO L 94 du 28.3.2014, p. 243); directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l’attribution de contrats de concession (JO L 94 du 28.3.2014, p. 1); directive 89/665/CEE du Conseil du 21 décembre 1989 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux (JO L 395 du 30.12.1989, p. 33) telle que modifiée ultérieurement.

(22)

Affaire C-458/03, Parking Brixen, ECLI:EU:C:2005:605, point 72; affaire C-380/05, Centro Europa 7, ECLI:EU:C:2008:59, point 120; affaires jointes C-458/14 et C-67/15 Promoimpresa, ECLI:EU:C:2016:558, points 64 et 65.

(23)

Affaires jointes C52/16 et C113/16, SEGRO, ECLI:EU:C:2018:157, point 65; affaire C-179/14, Commission/Hongrie, ECLI:EU:C:2016:108.

(24)

Affaire C-212/97, Centros, ECLI:EU:C:1999:126; affaire C-167/01, Inspire Art, ECLI:EU:C:2003:512, point 105.

(25)

Affaire C-208/00, Überseering, ECLI:EU:C:2002:632, point 9.

(26)

Affaire C-210/06, Cartesio, ECLI:EU:C:2008:723, point 113.

(27)

Affaire C-106/16, Polbud, ECLI:EU:C:2017:804, point 65.

(28)

Affaire C-106/16, Polbud, ECLI:EU:C:2017:804, point 62.

(29)

 Voir les propositions de la Commission pour une directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive (UE) 2017/1132 en ce qui concerne les transformations, fusions et scissions transfrontalières: https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=COM%3A2018%3A241%3AFIN

(30)

Affaire C-55/94, Gebhard, ECLI:EU:C:1995:411, point 27.

(31)

Affaire C-76/90, Säger, ECLI:EU:C:1991:331, point 13.

(32)

Affaire C-342/14, X-Steuerberatungsgesellschaft, ECLI:EU:C:2015:827; affaire C-76/90, Säger, ECLI:EU:C:1991:331, point 21.

(33)

Affaire C-272/94, Guiot, ECLI:EU:C:1996:147, points 14 et 15.

(34)

Affaire C-496/01, Commission/France, ECLI:EU:C:2004:137, point 65.

(35)

Affaire C-577/10, Commission/Belgique («Limosa»), ECLI:EU:C:2012:814, point 47; affaire C-490/04, Commission/Allemagne, ECLI:EU:C:2007:430, point 89.

(36)

Affaire C-490/04, Commission/Allemagne, ECLI:EU:C:2007:430, points 68 et 69.

(37)

Articles 28 et 29 du TFUE.

(38)

Voir en particulier la communication de la Commission intitulée «Paquet “Produits”: renforcer la confiance dans le marché unique» du 19 décembre 2017 [COM(2017)787 final].

(39)

Affaire C-201/15, AGET Iraklis, ECLI:EU:C:2016:972, point 52.

(40)

Affaire C-113/89, Rush Portuguesa, ECLI:EU:C:1990:142, point 12.

(41)

Directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services (JO L 18 du 21.1.1997, p. 1). Voir également la directive 2014/67/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 relative à l’exécution de la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services et modifiant le règlement (UE) nº 1024/2012 concernant la coopération administrative par l’intermédiaire du système d’information du marché intérieur («règlement IMI») ( JO L 159 du 28.5.2014, p. 11).

(42)

Affaire C-319/02, Manninen, ECLI:EU:C:2004:484, point 19.

(43)

Article 5 de la directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents (JO L 345 du 29.12.2011, p. 8), telle que modifiée.

(44)

Affaires jointes C-504/16 et 613/16, Deister Holding, ECLI:EU:C:2017:1009, points 51 et 52.

(45)

 Affaire C-201/15, AGET Iraklis, ECLI:EU:C:2016:972, point 53.

(46)

Affaire C-148/91, Veronica, ECLI:EU:C:1993:45, points 8 et suivants.

(47)

 Affaire C-271/09, Commission/Pologne, ECLI:EU:C:2011:855, point 51 (restrictions applicables aux fonds de pension).

(48)

Affaire C-157/85, Brugnoni, ECLI:EU:C:1986:258, point 21.

(49)

Ces actions ont débuté à la suite de la «Communication de la Commission concernant certains aspects juridiques touchant aux investissements intracommunautaires», 19 juillet 1997: https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR-EN/TXT/?uri=CELEX: 31997Y0719(03)&from=EN .

(50)

Voir la Communication interprétative de la Commission sur l’acquisition de terres agricoles et le droit de l’Union européenne:
http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=OJ:C:2017:350:TOC

(51)

Affaire C-83/14, CHEZ Bulgaria, ECLI:EU:C:2015:480, point  94. Pour qu’une mesure puisse être qualifiée de discriminatoire, il n’est pas nécessaire qu’elle ait pour effet de ne favoriser que les ressortissants nationaux ou de ne défavoriser que les seuls ressortissants des autres États membres (affaire C-388/01, Commission/Italie, ECLI:EU:C:2003:30, point 14).

(52)

Directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (directive «autorisation») (JO L 108 du 24.4.2002, p. 21) telle que modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 (JO L 337 du 18.12.2009, p. 37); Directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive «cadre») (JO L 108 du 24.4.2002, p. 33), modifiée par la directive 33/140/CE. Directive 2002/77/CE de la Commission du 16 septembre 2002 relative à la concurrence dans les marchés des réseaux et des services de communications électroniques (JO L 249 du 17.9.2002, p. 21).

(53)

 C’est-à-dire qui s’applique de manière égale aux ressortissants et aux étrangers.

(54)

Affaire C-492/14, Essent Belgium, ECLI:EU:C:2016:732, points 96 et 97.

(55)

Affaire C-315/13, De Clercq, ECLI:EU:C:2014:2408, point 61.

(56)

Affaire C-384/93, Alpine Investments, ECLI:EU:C:1995:126, points 29 à 31.

(57)

Affaire C-5/94, Hedley Lomas, ECLI:EU:C:1996:205, points 19 et 20; affaire C-266/03, Commission/Luxembourg, ECLI:EU:C:2005:341, point 35.

(58)

Affaire C-577/10, Commission/Belgique («Limosa»), ECLI:EU:C:2012:814, point 53; affaire C-106/16, Polbud, ECLI:EU:C:2017:804, point 63.

(59)

Affaire C-593/13, Rina Services, ECLI:EU:C:2015:399; affaire C-179/14, Commission/Hongrie, ECLI:EU:C:2016:108, point 47.

(60)

Directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE (CRD IV) (JO L 176 du 27.6.2013, p. 338); directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d’ instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE et la directive 2011/61/UE (JO L 173 du 12.6.2014, p. 349); directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l’accès aux activités de l’assurance et de la réassurance et leur exercice (solvabilité II) (JO L 335 du 17.12.2009, p. 1).

(61)

Affaire C-400/08 Commission/Espagne («surfaces commerciales en Catalogne»), ECLI:EU:C:2011:172, point 74. Voir également l'article 3, paragraphe 3, TUE et articles 11 et 191 TFUE.

(62)

Affaire C-204/90, Bachmann, ECLI:EU:C:1992:35, point 28.

(63)

Affaire C-72/09, Établissements Rimbaud, ECLI:EU:C:2010:645, points 33 et suivants.

(64)

Affaire C-370/05, Festersen, ECLI:EU:C:2007:59, point 27.

(65)

Affaire C-213/04, Ewald Burtscher/Josef Stauderer, ECLI:EU:C:2005:731, point 46.

(66)

Affaire C-342/14, X-Steuerberatungsgesellschaft, ECLI:EU:C:2015:827, point 53.

(67)

Affaire C-341/05, Laval, ECLI:EU:C:2007:809, point 103.

(68)

Affaire C-106/16, Polbud, ECLI:EU:C:2017:804, point 53.

(69)

Affaire C-367/98, Commission/Portugal, ECLI:EU:C:2002:326, point 52; affaire C-174/04, Commission/Italie, ECLI:EU:C:2005:350, point 37.

(70)

Voir notamment les affaires jointes, C-52/16 et C-113/16, SEGRO et Horváth, ECLI:EU:C:2018:157, point 96.

(71)

Voir à cet effet l'affaire C-17/03, VEMW, ECLI:EU:C:2005:362, points 57 et suivants. Voir également, dans ce contexte, l'affaire C-195/12, Industrie du bois, ECLI:EU:C:2013:598.

(72)

Affaire C-243/01, Gambelli, ECLI:EU:C:2003:597, point 67; affaire C-169/07, Hartlauer, ECLI:EU:C:2009:141, point 55, et jurisprudence citée.

(73)

Affaires jointes, C-52/16 et C-113/16, SEGRO et Horváth, ECLI:EU:C:2018:157, point 76.

(74)

Affaire C-452/01, Ospelt, ECLI:EU:C:2003:493, point 41.

(75)

Affaire C-333/14, Scotch Whisky, ECLI:EU:C:2015:845, point 53; affaires jointes C52/16 et C113/16, SEGRO et Horváth, ECLI:EU:C:2018:157, point 85.

(76)

Affaire C-318/10, SIAT, ECLI:EU:C:2012:415, point 58.

(77)

Affaire C-17/03, VEMW, ECLI:EU:C:2005:362, point 80; affaire C-347/06, ASM Brescia, EECLI:EU:C:2008:416, point 69; affaire C-362/12, Test Claimants in the Franked Investment Income Group Litigation, ECLI:EU:C:2013:834, point 44.

(78)

Affaire C-17/01, Sudholz, ECLI:EU:C:2004:242, point 34.

(79)

Affaire C-169/07, Hartlauer, ECLI:EU:C:2009:141, point 64; affaire C-54/99, Association Église de Scientologie de Paris, ECLI:EU:C:2000:124, point 22; affaire C-483/99, Commission/France (« Elf Aquitaine»), ECLI:EU:C:2002:327, point 50.

(80)

Affaire C-17/03, VEMW, ECLI:EU:C:2005:362, points 73 et 74.

(81)

Affaire C-316/88, Krücken, ECLI:EU:C:1988:201, points 23 et 24, affaire C-5/89, Commission/Allemagne, ECLI:EU:C:1990:320, point 14.

(82)

Affaire C-310/04, Espagne/Conseil, ECLI:EU:C:2006:521, point 81.

(83)

Affaire C-24/95, Land Rheinland-Pfalz/Alcan Deutschland, ECLI:EU: 1997:163, points 25 et 49; affaire C-169/95, Espagne/Commission, ECLI:EU:C:1997:10, point 51.

(84)

Affaire C-17/03, VEMW, ECLI:EU:C:2005:362, point 81; affaire C-201/08, Plantanol, ECLI:EU:C:2009:539, point 53.

(85)

Affaire C-17/03, VEMW, ECLI:EU:C:2005:362, point 81; affaire C-201/08, Plantanol, ECLI:EU:C:2009:539, point 49.

(86)

Affaires jointes C-10/97 et C-22/97, IN.CO.GE.’90, ECLI:EU:C:1998:498, point 23.

(87)

Affaire C-122/96, Saldanha, ECLI:EU:C:1997:458, point 14.

(88)

Articles 16, 17 et 47 de la Charte. En vertu de l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, dans la mesure où ladite Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention. Cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le droit de l’Union accorde une protection plus étendue.

(89)

Affaire C-685/15, Online Games Handels, ECLI:EU:C:2017:452, point 56.

(90)

Affaire C-426/11, Alemo-Herron, e.a., ECLI:EU:C:2013:521, point 35.

(91)

La Cour européenne des droits de l’homme a jugé, à plusieurs reprises, que des droits similaires au droit de la propriété étaient couverts par l’article 1er du protocole nº 1 de la Convention européenne des droits de l’homme, au motif que la notion de «biens» avait une signification autonome qui ne se limitait pas à la propriété de biens physiques; par conséquent, certains autres droits et intérêts constituant des actifs pouvaient également être considérés comme des «droits de propriété», et donc comme des «biens», au sens de cette disposition (voir, par exemple, les arrêts Handyside/Royaume-Uni du 7 décembre 1976; James/Royaume-Uni du 21 février 1986 concernant un bail; Wittek/Allemagne du 12 décembre 2002 concernant un usufruit transmissible sur un terrain; Bruncrona/Finlande du 16 février 2005 concernant un contrat de location).

(92)

Affaires jointes C-78/16 et C-79/16, Pescea e.a., ECLI:EU:C:2016:428, point 86.

(93)

Affaire C-44/79, Hauer, ECLI:EU:C:1979:290, points 15 et suivants; affaire C-5/88, Wachauf, ECLI:EU:C:1989:321, point 18.

(94)

Voir notamment les articles 107 à 109 TFUE.

(95)

Affaire C-198/01, CIF, ECLI:EU:C:2003:430, point 46.

(96)

Affaire C-49/07, MOTOE, ECLI:EU:C:2008:376, point 50; affaire C-553/12 P, Commission/Grèce («DEI»), points 41 à 43.

(97)

Directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 prévoyant une procédure d’information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information (JO L 241 du 17.9.2015, p. 1). Les États membres sont tenus de notifier à la Commission certaines règles techniques avant leur adoption, ce qui vise, par un contrôle préventif, à protéger la libre circulation des marchandises et des services, qui est un des fondements de l'Union, et afin que ce contrôle soit efficace, tous les projets de règles techniques relevant de cette directive doivent être notifiés et, sauf dans des cas exceptionnels justifiés par l’urgence des mesures, leur adoption et leur entrée en vigueur doivent être suspendues pendant les périodes déterminées par la directive (voir, en ce qui concerne la libre circulation des marchandises, l’affaire C-443/98, Unilever, ECLI:ECLI:EU:C:2000:496, , points 40 et suivants). Voir également, à titre d’exemple, le règlement du Parlement européen et du Conseil concernant des mesures visant à garantir la sécurité de l’approvisionnement en gaz naturel et abrogeant la directive 2004/67/CE du Conseil.

(98)

Voir, par exemple, l'article 9 de la directive 96/67/CE du Conseil du 15 octobre 1996 relative à l’accès au marché de l’assistance en escale dans les aéroports de la Communauté (JO L 272 du 25.10.1996, p. 36). Sur la base dudit règlement, la Commission a pris une décision dans au moins 10 cas concrets, et, à l’occasion, a rendu une décision négative en ce qui concerne la mesure restrictive proposée. Voir également l'article 3, paragraphe 2, de la directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 10 mars 2010 visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive Services de médias audiovisuels) (JO L 95 du 15.4,2010, p. 1).

(99)

Affaires jointes C-15/76 et C-16/76, France/Commission, ECLI:EU:C:1979:29, points 26 à 28; affaire C-325/94 P, An Taisce, ECLI:EU:C:1996:293, point 25.

(100)

Voir l’article 15, paragraphe 7, de la directive «services».

(101)

Proposition de directive sur l’application de la directive relative aux services dans le marché intérieur, établissant une procédure de notification des régimes d’autorisation et des exigences en matière de services (COM(2016) 821 final).

(102)

Voir notamment l'affaire C-103/88, Costanzo, ECLI:EU:C:1989:256, point 32; affaire C-224/97, Ciola, ECLI:EU:C:1999:212, point 30; affaire C-341/08, Petersen, ECLI:EU:C:2010:4, point 80.

(103)

Voir, à cet effet, l'affaire C-349/07, Sopropé, ECLI:EU:C:2008:746, point 38.

(104)

Affaire C-349/07, Sopropé, ECLI:EU:C:2008:746, point 36.

(105)

Affaire C-55/94, Gebhard, ECLI:EU:C:1995:411, point 37; affaire C-269/90, Technische Universität München, ECLI:EU:C:1991:438, point 14.

(106)

Affaire C-19/92, Dieter Kraus, ECLI:EU:C:1993:125, point 40; affaire C-34/17, Donnellan, ECLI:EU:C:2018:282, point 55.

(107)

Affaires jointes C-10/97 à C-22/97, IN.CO.GE’90, ECLI:EU:C:1998:498, point 24; affaire C-591/10, Littlewoods Retail e.a., ECLI:EU:C:2012:478, points 25 et 26; affaire C-69/14 Dragoş, ECLI:EU:C:2015:662, point 24, et jurisprudence citée.

(108)

  http://ec.europa.eu/solvit/_docs/2017/com-2017-255_en.pdf

(109)

Affaire C-64/16, Associação Sindical dos Juízes Portugueses, ECLI:EU:C:2018:117, point 29.

(110)

Affaire C-414/16, Vera Egenberger, ECLI:EU:C:2018:257, point 78.

(111)

Voir les articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme est pertinente pour l’interprétation des droits fondamentaux, étant donné que l’article 52, paragraphe 3, de la Charte prévoit que, lorsque les droits de la Charte correspondent à des droits garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, leur sens et leur portée sont les mêmes, à moins que le droit de l’Union n'accorde une protection plus élevée.

(112)

Affaire C-213/89, Factortame, ECLI:EU:C:1990:257; affaires jointes C-143/88 et C-92/89, Zuckerfabrik, Süderdithmarschen ECLI:EU:C:1991:65.

(113)

Affaire C-106/89, Marleasing, ECLI:EU:C:1990:395; affaire C-91/92, Faccini Dori, ECLI:EU:C:1994:292.

(114)

Affaires jointes C-188/10 et 189/10, Melki et Abdeli, ECLI:EU:C:2010:363, points 43 et 44. Cette obligation comprend l'obligation d'écarter toute jurisprudence non conforme: voir l'affaire C-689/13, Puligienica, ECLI:EU:C:2016:199, point 38.

(115)

Affaire C-503/04, Commission/Allemagne, ECLI:EU:C:2007:432, points 33 et suivants; affaire C-276/07, Delay, ECLI:EU:C:2008:282, point 23. Voir aussi plus bas en ce qui concerne le remboursement de taxes prélevées illégalement.

(116)

Voir, entre autres, les affaires jointes C-6/90 et C-9/90, Francovich, ECLI:EU:C:1991:428; affaire C-224/01, Köbler, ECLI:EU:C:2003:513.

(117)

En principe, les conditions de la responsabilité des États membres pour les dommages causés aux particuliers par une violation du droit de l’Union ne diffèrent pas des conditions régissant la responsabilité de l’Union et de ses institutions pour de tels dommages, conformément à l’article 340, alinéa 2, TFUE; affaires jointes C-46/93 et C-48/93, Brasserie du Pêcheur et Factortame, ECLI:EU:C:1996:79, points 40 à 42.

(118)

Article 47, alinéa 2, de la Charte et article 19 du traité sur l’Union européenne.

(119)

Affaire C-64/16, Associação Sindical dos Juízes Portugueses, ECLI:EU:C:2018:117, point 41.

(120)

Affaire C-506/04, Wilson, ECLI:EU:C:2006:587, points 50 à 53.

(121)

Communication «Le droit de l’UE: une meilleure application pour de meilleurs résultats» (2017/C18/02) à l’adresse: https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=uriserv%3AOJ.C_.2017.018.01.0010.01.ENG&toc=OJ%3AC%3A2017%3A018%3ATOC

(122)

Tableau de bord 2018 de la justice dans l’UE, disponible à l’adresse https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/justice_scoreboard_2018_en.pdf , graphiques 2 et 3.

(123)

Règlement (UE) nº 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, JO L 351 du 20.12.2012, p. 1.

(124)

Le règlement nº 1215/2012 s’applique uniquement aux litiges en «matière civile et commerciale». En conséquence, il ne s’applique pas aux litiges impliquant une partie (par exemple une autorité étatique) exerçant des pouvoirs publics. Dans le domaine de la justice civile et commerciale, il existe aussi plusieurs règlements établissant des procédures européennes spécifiques qui pourraient être utilisées par les investisseurs, tels que règlement instituant une procédure européenne d'injonction de payer (1896/2006) ou le règlement portant création d’une procédure d’ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires (655/2014).

(125)

Affaire C-362/12, Test Claimants in the Franked Investment Income Group Litigation, ECLI:EU:C:2013:834, point 31.

(126)

Directive 2007/66/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2007 modifiant les directives 89/665/CEE et 92/13/CEE du Conseil en ce qui concerne l’amélioration de l’efficacité des procédures de recours en matière de passation des marchés publics (JO L 335 du 20.12.2007, p. 31).

(127)

Affaire C-169/14, Sánchez Morcillo, ECLI:EU:C:2014:2099, point 31.

(128)

Affaire C-279/09, DEB, ECLI:EU:C:2010:811, point 59.

(129)

Affaire C-612/15, Kolev, ECLI:EU:C:2018:392, points 70 à 72.

(130)

Article 267 du TFUE.

(131)

Affaire C-314/85, Foto-Frost, ECLI:EU:C:1987:452.

(132)

À cette fin, la Cour tient compte d’un ensemble d’éléments, tels que l’origine légale de l’organe, sa permanence, le caractère obligatoire de sa juridiction, la nature contradictoire de la procédure, l’application, par l’organe, des règles de droit, ainsi que son indépendance (affaire C-54/96, Dorsch Consult, ECLI:EU:C:1997:413, point 23).

(133)

Voir, respectivement, l'affaire C-102/81, Nordsee, ECLI:EU:C:1982:107, points 10 à 13, et l'affaire C-284/16, Achmea, ECLI:EU:C:2018:158, points 43 et suivants.

(134)

Affaire C‑689/13, Puligienica, ECLI:EU:C:2016:199, point 38.

(135)

Affaires jointes C-231/06 à C-233/06, Jonkman, ECLI:EU:C:2007:373, point 38.

(136)

Affaire C‑689/13, Puligienica, ECLI:EU:C:2016:199, point 40.

(137)

Article 260, paragraphe 2, du TFUE.

(138)

Communication «Le droit de l’UE: une meilleure application pour de meilleurs résultats» (2017/C18/02) à l’adresse: https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=uriserv%3AOJ.C_.2017.018.01.0010.01.ENG&toc=OJ%3AC%3A2017%3A018%3ATOC