6.12.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 440/177


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil promouvant l’équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices des services d’intermédiation en ligne»

[COM(2018) 238 final — 2018/0112 (COD)]

(2018/C 440/31)

Rapporteur:

Marco VEZZANI

Consultation

Parlement européen, 28.5.2018

Conseil de l’Union européenne, 22.5.2018

Base juridique

Article 114 et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section spécialisée «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section spécialisée

6.9.2018

Adoption en session plénière

19.9.2018

Session plénière no

537

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

190/0/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement la proposition de règlement de la Commission, qu’il considère comme un premier pas important vers la promotion de l’équité et de la transparence pour les entreprises utilisatrices des services d’intermédiation en ligne. Il la juge particulièrement importante en ce qu’elle réglemente pour la première fois les relations interentreprises relatives au commerce électronique, et il préconise son adoption rapide afin de combler un vide juridique évident.

1.2.

Le Comité estime toutefois que le règlement à l’examen ne résout pas à lui seul tous les problèmes du marché unique numérique et qu’il ne «boucle pas la boucle». En effet, c’est la question de la «transparence» qui en constitue l’élément central, mais celle-ci, prise isolément, ne suffit pas pour réglementer un marché extrêmement dynamique et complexe comme celui du numérique, dans lequel on ne pourra parer à l’asymétrie des rapports de force entre des acteurs mondiaux et les entreprises utilisatrices (surtout les PME) qu’en définissant des frontières et des relations plus claires entre les parties et en luttant contre les abus de position dominante. Le CESE recommande en outre de se pencher sans délais sur la question de la dimension sociale de la numérisation, en activant le processus de dialogue social. La même attention doit être accordée aux questions liées au dumping fiscal, à l’économie des données et à leur régime de propriété, en y appliquant une vision d’ensemble, comme d’ailleurs la Commission s’y emploie déjà dans d’autres dossiers.

1.3.

Le CESE recommande d’introduire dans le règlement une interdiction des clauses de parité tarifaire, qui font aujourd’hui obstacle à la concurrence, au détriment des entreprises et des consommateurs, et risquent de créer des situations d’oligopole ou de monopole des grandes plateformes en ligne. Il est en effet fondamental que les consommateurs soient placés en situation d’acquérir des biens et services au prix le plus bas, que les entreprises puissent développer efficacement leurs activités au moyen de leur propre site web et que les nouvelles plateformes en ligne puissent croître et entrer en concurrence loyale avec celles qui existent déjà.

1.4.

Le CESE considère que les éventuels traitements différenciés (comme les classements) au bénéfice de certaines entreprises, en particulier ceux octroyés contre paiement, doivent non seulement être explicités contractuellement aux entreprises utilisatrices, mais aussi être clairement identifiables pour les consommateurs quand ils recherchent des produits ou services en ligne, grâce à l’apposition d’une mention «annonce parrainée» ou «annonce payante», ou encore d’une autre similaire. Il est essentiel aussi d’informer les entreprises utilisatrices et les consommateurs des principaux paramètres de classification qui déterminent le classement des entreprises commerciales.

1.5.

Le Comité soutient la mise en place de mécanismes de règlement extrajudiciaire des litiges, en recommandant de définir des critères harmonisés de nature à garantir l’indépendance des médiateurs. Il estime que les chambres de commerce, qui remplissent déjà efficacement ce rôle au niveau national, peuvent offrir une solution valable à cet égard. Il est tout aussi important que les mécanismes qui visent à mettre en place les actions en cessation permettant de prévenir ou d’empêcher que des préjudices soient causés aux entreprises utilisatrices soient simples, clairs et peu coûteux.

1.6.

Le CESE estime que l’observatoire de l’Union européenne sur l’économie des plateformes en ligne aura un rôle crucial à jouer dans la mise en œuvre du règlement à l’examen, mais aussi de toutes les autres initiatives législatives connexes. Cette mission confère à l’organisme en question une haute importance politique, au-delà des aspects techniques. Le Comité, fort d’un bagage de réflexions développées dans de nombreux avis qu’il a émis à ce sujet, se tient prêt à appuyer les travaux du groupe d’experts en lui dépêchant un délégué ayant statut d’observateur, pour contribuer à transmettre la perspective de la société civile organisée.

2.   Introduction

2.1.

Les plateformes en ligne et les moteurs de recherche constituent un élément fondamental de l’écosystème numérique, dont ils influencent notablement l’organisation et le fonctionnement. Ces dernières années, ces acteurs ont endossé un rôle central dans le développement du réseau, en proposant de nouveaux «modèles sociaux et économiques» au moyen desquels ils orientent les choix et les actions des citoyens et des entreprises.

2.2.

Le commerce électronique connaît une croissance exponentielle en Europe. En 2017, la vente au détail représentait un volume d’affaires estimé à 602 milliards d’euros (+ 14 % par rapport à 2016). Ce chiffre s’inscrit dans une parfaite continuité avec la courbe de croissance observée l’année précédente, où les ventes s’élevaient à 530 milliards d’euros (+ 15 % par rapport à 2015) (1).

2.3.

D’après Eurostat (2), en 2016, 20 % des entreprises dans l’Europe des Vingt-huit prenaient part au commerce électronique. Ce chiffre masque d’importantes disparités en fonction de la taille de l’entreprise. En effet, si 44 % des grandes entreprises commercent en ligne, ce n’est le cas que pour 29 % des entreprises moyennes et 18 % seulement des petites entreprises.

2.4.

Parmi les entreprises effectuant du commerce électronique, 85 % se servent de leur propre site web, mais l’utilisation de plateformes en ligne, auxquelles ont recours 39 % d’entre elles (les entreprises utilisatrices) (3), est en constante progression. Cette situation s’explique par deux facteurs: l’intérêt croissant que les PME portent au commerce électronique, les plateformes en ligne représentant à leurs yeux un instrument stratégique pour pénétrer le marché numérique, et la croissance exponentielle du temps que les utilisateurs consacrent, dans leur vie réelle comme virtuelle, aux plateformes collaboratives (réseaux sociaux).

2.5.

Si plus d’un million de PME européennes ont recours à des services d’intermédiation en ligne, les plateformes qui fournissent de tels services sont quant à elles relativement peu nombreuses. Cette situation, d’une part, rend les PME complètement dépendantes des plateformes en ligne et des moteurs de recherche et, d’autre part, confère à ces acteurs le pouvoir de prendre des mesures unilatérales qui nuisent aux intérêts légitimes des entreprises et des consommateurs.

2.6.

D’après une autre étude de la Commission, près de 50 % des entreprises européennes qui exercent leurs activités sur des plateformes en ligne rencontrent des problèmes. En outre, dans 38 % des cas, ceux qui sont en rapport avec les relations contractuelles restent irrésolus, ou n’aboutissent à un règlement qu’au prix de certaines difficultés dans 26 % des cas (4).

2.7.

Les consommateurs, en particulier, subissent indirectement les effets des restrictions qui s’opposent à une concurrence pleine et loyale. Ces effets se manifestent sous de multiples aspects, de l’opacité dans le classement des biens et services jusqu’au manque de choix imputable à la défiance des entreprises envers le marché numérique.

2.8.

Pour les entreprises, les mécanismes de recours sont limités, peu accessibles et souvent inefficaces. Ce n’est pas un hasard si la grande majorité des entreprises concentrent la vente en ligne de leurs produits à l’intérieur de leur territoire national (93 %), principalement en raison de la fragmentation législative qui rend le règlement des litiges transfrontières long et complexe (5).

2.9.

Jusqu’à présent, la législation européenne s’est bornée à définir la relation entre les entreprises et les consommateurs dans le cadre du commerce électronique (B2C), tandis que la question des rapports entre entreprises et plateformes (B2B) n’a jamais été traitée de manière substantielle.

2.10.

C’est pour cette raison que la Commission a inclus dans la proposition de révision de la stratégie pour le marché unique numérique (6) une initiative visant à compléter la législation européenne sous cet aspect, afin de garantir l’équité et la transparence et d’éviter les abus dus au vide juridique ou à la fragmentation causée par les divergences dans les législations nationales.

3.   Contenu essentiel de la proposition

3.1.

La proposition a pour objectif de réglementer les services d’intermédiation offerts aux entreprises par les plateformes en ligne et les moteurs de recherche. Ceux-ci incluent notamment les services d’applications logicielles en ligne (boutiques d’applications) et les services en ligne des plateformes collaboratives (réseaux sociaux).

3.2.

Le règlement s’applique à tous les fournisseurs de services d’intermédiation en ligne (ayant leur siège au sein ou en dehors de l’Union européenne) dès lors que les entreprises utilisatrices ou les entités ayant recours à un site web d’entreprise sont établies dans l’Union européenne ou qu’elles proposent leurs produits ou services à des consommateurs européens au moins pour une partie de la transaction. Les consommateurs doivent en particulier se trouver dans l’Union européenne, mais pas nécessairement y avoir leur résidence, ni posséder la citoyenneté européenne.

3.3.

Afin de garantir l’équité et la transparence, les plateformes doivent informer les entreprises des modalités et conditions du contrat en des termes simples et clairs. Les éventuelles modifications devront être communiquées moyennant un préavis minimal de 15 jours. Il sera en particulier nécessaire de communiquer les modalités de publication des annonces ainsi que les critères prévus pour la suspension et la résiliation du service.

3.4.

La proposition prévoit en outre que les paramètres déterminant le classement des annonces ou des sites web soient portés à la connaissance des entreprises, y compris quand ils sont de nature payante. Les éventuels traitements différenciés qui avantagent des produits ou services offerts aux consommateurs par le fournisseur de services lui-même ou par des entreprises utilisatrices qu’il contrôle doivent être explicités dans les modalités et conditions du contrat.

3.5.

Afin de mieux protéger les droits des petites entreprises, la Commission prévoit que les fournisseurs de services en ligne mettent en place un système interne de traitement des plaintes. Le traitement des plaintes devra être rapide et être communiqué aux utilisateurs en des termes dépourvus d’ambiguïté. En outre, les fournisseurs seront tenus de publier des rapports périodiques sur le nombre de plaintes déposées, leur motif, leur délai de traitement et les décisions adoptées à leur sujet.

3.6.

Un système de règlement extrajudiciaire des litiges est également prévu. Une entreprise pourra ainsi recourir à un médiateur préalablement désigné par le fournisseur de services dans les modalités et conditions contractuelles.

3.7.

Les médiateurs devront être impartiaux et indépendants. Les fournisseurs sont encouragés à promouvoir la constitution d’organisations de médiateurs, en particulier pour régler les litiges transfrontières.

3.8.

Les coûts de mise en conformité concerneront principalement les fournisseurs de services, tandis que les PME en seront exemptées (7). Les mesures susmentionnées n’empêchent pas le recours à la voie judiciaire, mais visent à un traitement et un règlement efficace des litiges, dans des délais précis.

3.9.

Le nouveau dispositif réglementaire fera l’objet d’un suivi. À cette fin, il est prévu de créer un observatoire de l’Union européenne sur l’économie des plateformes en ligne (8), qui assistera la Commission pour analyser l’évolution du marché numérique, mais aussi pour évaluer l’avancement de la mise en œuvre du règlement et ses effets. Les données recueillies contribueront à aiguiller le réexamen de la proposition de règlement tous les trois ans.

3.10.

La proposition établit un droit, pour les organisations et associations représentatives et les organismes publics, d’engager une procédure en cessation en vue de faire cesser ou d’empêcher tout manquement aux exigences contenues dans le règlement de la part des fournisseurs de services d’intermédiation en ligne.

3.11.

La Commission invite les fournisseurs de services en ligne et les organisations qui les représentent à élaborer des codes de conduite en vue de contribuer à l’application correcte du règlement, en tenant compte notamment des exigences propres aux PME.

4.   Observations générales

4.1.

Le CESE a été l’un des premiers partisans du développement du numérique et des processus économiques et sociaux connexes. Plus particulièrement, conscient des risques et des possibilités liés à la numérisation, le Comité a toujours encouragé la Commission à définir un cadre sûr, clair, transparent et équitable pour le marché unique numérique.

4.2.

Dans le droit fil de ses précédents avis (9), le CESE accueille favorablement la proposition de la Commission visant à promouvoir l’équité et la transparence des services d’intermédiation en ligne. Il porte un regard particulièrement positif sur l’approche flexible retenue dans la proposition, sachant que cette dernière devra établir un cadre de référence clair pour un secteur en constante évolution, tout en garantissant une concurrence loyale.

4.3.

Le Comité estime que cette initiative est fondamentale pour protéger les PME en tant que principales utilisatrices des services concernés (10) et pour créer un cadre législatif garantissant une concurrence loyale et effective. Il est crucial également que les PME soient mises en situation de maximiser leurs perspectives de croissance sur le marché unique numérique, que ce soit au moyen de leur propre site web ou grâce à des plateformes en ligne.

4.4.

À cet égard, il importe de garder à l’esprit que l’entrée sur le marché numérique représente un défi d’une grande complexité pour les PME. De fait, elles doivent modifier leur système de production et de distribution, se doter de nouveaux métiers et compétences spécialisées, tout en effectuant des investissements appropriés sans lesquels elles se trouveraient automatiquement expulsées du marché concerné, éviction qui aurait également des conséquences dommageables pour leur image. C’est pourquoi il convient de mettre en place des instruments supplémentaires, y compris financiers, pour accompagner ces transitions.

4.5.

Le CESE estime que les «clauses de parité tarifaire» (ou «clauses du client le plus favorisé») représentent à l’heure actuelle un grave obstacle au développement d’une concurrence loyale et ouverte sur le marché unique numérique. Ces clauses obligent en effet une entreprise utilisatrice à fixer sur une plateforme en ligne donnée son tarif le plus bas, que ce soit par rapport aux autres plateformes en ligne ou à son propre site web. Cette pratique entraîne une série de distorsions du marché car elle favorise le renforcement du petit nombre de plateformes en ligne existantes (empêchant le développement de nouvelles plateformes), elle restreint les possibilités qu’ont les consommateurs de pouvoir accéder à des prix plus bas et elle rend l’entreprise utilisatrice tributaire de la plateforme, sans qu’elle puisse développer son propre réseau de distribution directe auprès des consommateurs. Cette pratique a déjà été interdite par de nombreux États membres de l’Union européenne (11) à l’initiative de leurs autorités de la concurrence, et ces interventions ont eu des effets positifs sur le fonctionnement du marché, au bénéfice des entreprises comme des consommateurs. C’est pourquoi le CESE appelle de ses vœux l’interdiction rapide de telles clauses dans toute l’Union européenne, éventuellement dans le cadre du règlement à l’examen.

4.6.

Le CESE souligne qu’à l’heure actuelle, le marché des services d’intermédiation en ligne se trouve en grande partie aux mains d’une poignée d’acteurs majeurs, pour la plupart extra-européens. Il importe donc de contrôler et de garantir, durant la phase de mise en œuvre du règlement, que la concurrence entre les plateformes en ligne soit elle aussi loyale, et que les nouvelles plateformes, en particulier européennes, aient la possibilité de se faire une place sur le marché.

4.7.

Le CESE constate avec satisfaction que de nombreuses demandes et recommandations qu’il avait formulées dans ses avis précédents ont été intégrées dans le règlement. Il y observe en particulier de fortes analogies et une continuité pour ce qui a trait à la transparence et à la clarté des modalités et conditions contractuelles, à la communication explicite des paramètres de classement et des éventuels traitements différenciés, à la définition de mécanismes précis de traitement des plaintes et de règlement des litiges, à la responsabilisation des plateformes en ligne (codes de conduite) et au suivi des procédures (12). Il relève en particulier que les éventuels traitements différenciés qui avantagent des produits ou services offerts (souvent contre paiement) doivent être communiqués aux consommateurs de manière claire et reconnaissable.

4.8.

Le Comité estime que la proposition s’insère adéquatement dans le cadre législatif plus large du marché unique numérique, qui reste toutefois loin d’être complet. En effet, l’Union européenne affiche des niveaux de performance inférieurs à ceux de ses principaux concurrents mondiaux sur le plan du nombre d’utilisateurs, d’entreprises et de transactions en ligne. Par conséquent, le CESE invite la Commission et les États membres à consentir des efforts supplémentaires pour compléter la réglementation de l’ensemble du secteur du commerce électronique et de la démocratie en ligne au sens large, afin de faire de l’internet et du marché numérique des lieux sûrs et créateurs de possibilités pour tous.

4.9.

L’économie des données représente un élément central du marché numérique. Le CESE estime en particulier que la propriété des données ne saurait être réduite uniquement à un accord contractuel entre deux agents. En outre, la transparence des informations prévue par la proposition à l’examen laisse sans réponse une question cruciale, liée à l’usage qui peut être fait de ces données une fois qu’elles sont en la possession d’un agent privé. C’est pourquoi le CESE recommande à la Commission de s’emparer d’urgence de cette question et de la réglementer, dans l’intérêt, avant tout, des utilisateurs et du concept même d’économie des données (13).

4.10.

Le CESE considère que le marché unique numérique doit garantir des conditions égales à tous les acteurs économiques concernés, qu’ils soient européens ou extra-européens. Pour cette raison, il recommande à la Commission de lutter contre toutes les pratiques commerciales déloyales, telles que le dumping fiscal numérique, en décrétant l’imposition des bénéfices là où l’activité économique correspondante est exercée (14) et en la mettant en rapport avec le volume d’affaires effectif (15). On citera à titre d’exemple le fait qu’en 2015, la plateforme Airbnb n’a versé à la France que 69 000 EUR d’impôt, contre 5 milliards pour l’ensemble du secteur hôtelier (16).

4.11.

Le Comité juge indispensable de compléter dans les meilleurs délais le cadre législatif applicable à l’ensemble du secteur du commerce électronique, afin de mettre en place des garanties et des protections adéquates pour tous les acteurs présents sur le marché unique numérique (17). Il estime en particulier qu’il est essentiel de traiter les questions les plus controversées parmi celles relatives à la dimension sociale de la numérisation, notamment les salaires, les contrats, ainsi que les conditions et la durée de travail des salariés des plateformes numériques (18) ou de leurs prestataires de services (19). À cette fin, le Comité recommande d’engager rapidement des processus de dialogue social au niveau européen (20). En outre, compte tenu de la multiplication des actes législatifs destinés à réglementer le secteur, il préconise l’élaboration d’un «code des droits en ligne des citoyens» (21).

5.   Observations particulières

5.1.

Le CESE est favorable à une définition large de la notion de fournisseurs de services d’intermédiation en ligne. Ce principe se justifie par l’évolution rapide et imprévisible de l’internet et du commerce électronique. Partant, le CESE estime qu’il est essentiel de réglementer les modalités et les délais de gestion de ces services plutôt que les acteurs numériques qui les fournissent, dans la mesure où ces fournisseurs pourraient changer de nature ou de fonctions à courte échéance du fait du développement rapide et imprévisible du réseau (22).

5.2.

Le Comité estime que la proposition à l’examen comble un important vide législatif et jouerait un rôle essentiel pour remédier à la fragmentation causée par les législations nationales, qui constitue à ce jour l’un des principaux points critiques dans les litiges transfrontières. Il considère en outre que la proposition s’intègre convenablement dans le cadre réglementaire existant du marché unique numérique et les quelques dispositifs qui régissent déjà, plus ou moins directement, les relations interentreprises. Le vaste cadre juridique construit sur les valeurs fondatrices de l’Union européenne semble adéquat pour garantir une grande marge de manœuvre aux institutions appelées à surveiller le respect de ces règles, en leur réservant une capacité d’intervention efficace.

5.3.

Le CESE est favorable à la publication par les fournisseurs de services en ligne des principaux paramètres utilisés pour le classement des annonces et des sites web. Il fait toutefois observer que cette initiative doit être gérée avec prudence car elle pourrait favoriser des fraudes de la part des entreprises utilisatrices, au détriment d’autres entreprises et des consommateurs, et entraîner ainsi des distorsions du marché.

5.4.

Les médiateurs joueront un rôle central dans le règlement extrajudiciaire des litiges. Le CESE estime que les caractéristiques de ces médiateurs et les modalités de leur désignation ne sont pas parfaitement claires; il relève les disparités entre les différents États membres à cet égard et recommande dès lors de définir des critères harmonisés afin de garantir leur indépendance. Le Comité suggère que soit étudiée la possibilité de créer un registre professionnel européen afin de renforcer la confiance des entreprises utilisatrices. En parallèle, le Comité propose de s’en remettre à l’expertise des chambres de commerce et de se référer aux activités qu’elles mènent déjà avec succès à l’échelon national.

5.5.

Le CESE accueille favorablement la mise en place d’actions en cessation visant à protéger les entreprises utilisatrices. Cet instrument est d’une importance cruciale pour surmonter le «facteur crainte» qui bride souvent les petites entreprises dans leurs rapports vis-à-vis des grandes multinationales du secteur. Le Comité estime en particulier que les mécanismes mis en place pour invoquer ce type d’actions doivent être clairs, simples et peu coûteux.

5.6.

L’observatoire sera essentiel pour suivre les évolutions du marché numérique et la mise en œuvre correcte et complète du règlement lui-même. Le CESE considère tout particulièrement qu’il conviendrait sélectionner les experts en accordant la plus grande attention à leur indépendance et à leur impartialité. En outre, fort d’un bagage de réflexions développées dans les dizaines d’avis qu’il a émis à ce sujet, le Comité se tient prêt à appuyer les travaux du groupe d’experts en lui dépêchant un délégué ayant statut d’observateur, pour contribuer à transmettre la perspective de la société civile organisée (23).

5.7.

Bien que l’instrument du règlement, assorti d’un système harmonisé de sanctions, soit considéré comme le plus adéquat, le CESE accueille favorablement l’invitation, adressée aux fournisseurs de services en ligne, à élaborer un code de conduite pour garantir sa mise en œuvre complète et correcte.

5.8.

Le Comité souligne qu’à l’heure actuelle, les grandes plateformes ont recours, principalement aux États-Unis, à des pratiques commerciales visant à évincer du marché d’autres acteurs, par exemple grâce aux expéditions sans frais, qui se pratiquent au détriment des compagnies de livraison de colis. À moyen terme, de telles pratiques pourraient créer des situations d’oligopole qui seraient préjudiciables aux entreprises et aux consommateurs. En conséquence, le CESE invite la Commission à surveiller attentivement ce type de pratiques.

5.9.

Le CESE estime que la proposition aura des effets indirects très importants, tant sur les consommateurs, en leur offrant une gamme plus étendue de produits et en intensifiant la concurrence entre les entreprises, que sur la création d’emplois grâce à l’augmentation du nombre d’entreprises présentes sur le marché numérique. À cette fin, il importe que les petites plateformes numériques (par exemples les plateformes de coopératives) puissent elles aussi trouver une position de niche sur le marché en ligne.

5.10.

Le CESE renouvelle l’invitation qu’il a adressée à la Commission et aux États membres, à soutenir les processus d’innovation numérique au moyen de stratégies adéquates de développement des compétences numériques, assorties de parcours d’éducation et de formation prenant tout particulièrement en considération les mineurs et les personnes les plus vulnérables (24). En outre, afin de mobiliser l’attention des entreprises utilisatrices, le Comité estime qu’il est essentiel d’associer les organisations sectorielles pour les sensibiliser à ces questions et soutenir les actions de formation spécifiques, en portant une attention particulière aux PME, afin de tirer pleinement parti des possibilités offertes par le marché unique numérique.

Bruxelles, le 19 septembre 2018.

Président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  Rapport sur le commerce électronique en Europe, 2017.

(2)  Eurostat, statistiques sur l’économie et la société numériques — entreprises, 2018.

(3)  Eurostat, ventes en ligne des entreprises de l’Union européenne, 2018.

(4)  europa.eu/rapid/press-release_IP-18-3372_fr.pdf

(5)  Eurostat, statistiques sur le commerce électronique, 2017.

(6)  COM(2017) 228 final.

(7)  Recommandation 2003/361/CE.

(8)  L’observatoire sera établi conformément à la décision C(2018) 2393 de la Commission. Il sera composé d’au moins 10 et au plus 15 experts indépendants, choisis au moyen d’une procédure de sélection publique. Les experts exerceront leur mandat pendant deux ans et assumeront cette mission à titre gratuit.

(9)  JO C 75 du 10.3.2017, p. 119; JO C 81 du 2.3.2018, p. 102; JO C 12 du 15.1.2015, p. 1 et JO C 271 du 19.9.2013, p. 61.

(10)  JO C 389 du 21.10.2016, p. 50.

(11)  Allemagne, France, Italie, Suède, Belgique et Autriche.

(12)  JO C 75 du 10.3.2017, p. 119; JO C 81 du 2.3.2018, p. 102.

(13)  JO C 345 du 13.10.2017, p. 130; JO C 345 du 13.10.2017, p. 138.

(14)  JO C 75 du 10.3.2017, p. 119.

(15)  JO C 367 du 10.10.2018, p. 73.

(16)  http://www.lastampa.it/2016/08/11/esteri/airbnb-in-francia-riscoppia-il-caso-tasse-KfgawDjefZxFdSNydZs8XP/pagina.html

(17)  INT/845, Intelligence artificielle/impacts sur le travail, Salis Madinier et Samm, 2018 (voir page 1 du présent Journal officiel).

(18)  JO C 125 du 21.4.2017, p. 10.

(19)  JO C 75 du 10.3.2017, p. 119.

(20)  JO C 434 du 15.12.2013, p. 30.

(21)  JO C 271 du 19.9.2013, p. 127.

(22)  JO C 75 du 10.3.2017, p. 119.

(23)  Décision C(2018) 2393 de la Commission, article 10.

(24)  JO C 173 du 31.5.2017, p. 45; JO C 173 du 31.5.2017, p. 1.