10.10.2018   

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Journal officiel de l'Union européenne

C 367/93


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les polluants organiques persistants (refonte)

[COM(2018) 144 final — 2018/0070 (COD)]

(2018/C 367/18)

Rapporteur:

Brian CURTIS

Saisine du Comité par le Conseil

Saisine du Comité par le Parlement européen

13.4.2018

16.4.2018

Base juridique

Articles 192, paragraphe 1, et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Décision du Bureau

19.9.2017 (en prévision de la saisine)

Compétence

Section spécialisée «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section spécialisée

26.6.2018

Adoption en session plénière

12.7.2018

Session plénière no

536

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

157/0/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) salue la proposition de la Commission qui vise à refondre le règlement sur les polluants organiques persistants (POP), afin de garantir une mise en œuvre cohérente et effective des obligations incombant à l’Union au titre de la convention de Stockholm.

1.2.

Le Comité souligne qu’au sein de l’Union, la mise sur le marché et l’utilisation de la plupart des POP ont déjà été éliminées. Toutefois, en raison de l’extrême dangerosité de l’impact des POP sur les êtres humains et sur l’environnement, la fabrication de telles substances devrait être interdite et les dérogations limitées à des applications spécifiques. Pour cette raison, le CESE encourage la Commission à prévoir des mesures de contrôle plus strictes, conformément à l’approche de précaution et à la déclaration de Rio sur l’environnement et le développement.

1.3.

Le CESE souscrit à la proposition de transférer un certain nombre de tâches de la Commission à l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) afin d’établir un cadre mieux adapté pour fournir une assistance administrative, scientifique et technique à la mise en œuvre. Toutefois, le Comité attire l’attention sur la nécessité de mettre en place une méthode de travail solide à laquelle la Commission, l’ECHA, les États membres et les acteurs concernés sont associés.

1.4.

Le CESE recommande un recours adéquat et limité aux actes délégués afin de maintenir un dialogue ouvert avec toutes les parties prenantes, en accordant une attention particulière à la sensibilisation de l’opinion publique et à la transparence.

1.5.

Le CESE encourage l’Union européenne à s’affirmer comme un acteur mondial de premier plan dans la lutte contre les POP. L’action européenne devrait cibler l’harmonisation des stratégies nationales et la législation en matière de surveillance et de contrôle des POP. Le Comité considère en particulier que l’Union devrait promouvoir la durabilité et le respect des dispositions relatives aux POP dans les accords commerciaux bilatéraux et multilatéraux.

1.6.

Le Comité soutient la proposition d’organiser une vaste campagne de sensibilisation sur les POP au niveau de l’Union dans le cadre d’un développement durable. Le CESE estime qu’une banque de données ouverte sur les POP pourrait constituer un instrument utile pour les entreprises et les consommateurs.

1.7.

Le CESE fait observer que des formations sur les POP devraient être obligatoires et accessibles pour tous les travailleurs européens dont les emplois sont directement ou indirectement liés à ces substances. En particulier, le CESE recommande que les initiatives en matière d’éducation et de formation soient harmonisées et considérées comme faisant partie de la même stratégie, conformément à une approche de l’apprentissage tout au long de la vie.

2.   Introduction

2.1.

Les polluants organiques persistants (POP) sont des composés organiques qui résistent à la dégradation dans l’environnement par des procédés chimiques, biologiques et de photolytiques. En raison de leur persistance, les POP s’accumulent dans les organismes vivants, ce qui peut entraîner d’éventuels effets néfastes sur la santé humaine et l’environnement. De nombreux POP sont actuellement, ou ont été par le passé, utilisés comme pesticides, solvants, produits pharmaceutiques ou produits chimiques industriels. Si certains POP sont présents naturellement, par exemple dans les volcans et par diverses voies biosynthétiques, la plupart des autres sont produits par l’homme par synthèse totale.

2.2.

Les effets des POP sur la santé humaine et l’environnementale ont été explorés par la communauté internationale lors de la convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants en 2001 (1). Ratifiée par 180 parties et reposant sur le principe de précaution, la convention de Stockholm est un traité mondial qui fournit un cadre juridique visant à éliminer la production, l’utilisation, l’importation et l’exportation des POP. La convention, qui contient une liste de 12 éléments (y compris le DDT), a été signée par l’Union européenne en 2005.

2.3.

L’engagement de l’Union européenne consistait à introduire des mesures de réduction des rejets de POP dans l’environnement afin de diminuer l’exposition de l’homme et de la nature. L’Union européenne a joué un rôle très actif dans la procédure de proposition de nouvelles substances au titre de la convention (2). Le règlement (CE) no 850/2004 («règlement POP») est l’instrument juridique qui met en œuvre l’engagement de l’Union européenne et de ses membres en vertu de la convention.

2.4.

Une deuxième convention, le protocole d’Aarhus sur les polluants organiques persistants (dernière modification en 2009), porte sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance. Ce texte interdit directement de produire certaines de ces substances polluantes, tout en fixant un délai pour en éliminer d’autres. À l’heure actuelle, 22 substances figurent sur la liste de ce protocole.

3.   Contenu essentiel de la proposition

3.1.

La proposition de la Commission vise à refondre le règlement POP. Cette initiative ne modifie pas la législation en vigueur sur le plan des principes (principe de précaution) et des objectifs (protection de l’environnement et de la santé humaine), mais elle répond à la nécessité de parachever l’alignement de la législation et d’en améliorer la mise en œuvre.

3.2.

En particulier, les enjeux de la proposition sont les suivants:

harmoniser le règlement POP, qui fait référence à la directive 67/548/CEE et à la directive 75/442/CEE, avec le règlement (CE) no 1907/2006, le règlement (CE) no 1272/2008 et la directive 2008/98/CE. Plus précisément, le règlement POP fait référence à un comité de réglementation qui n’existe plus (3), et il doit donc être mis en conformité avec le traité de Lisbonne. Enfin, il convient de préciser quelles règles font l’objet d’actes d’exécution et quelles conditions s’appliquent à l’adoption d’actes délégués,

transférer un certain nombre de tâches de la Commission à l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) (4) afin d’établir un cadre plus approprié pour fournir une assistance administrative, scientifique et technique à la mise en œuvre. Il est également proposé de conforter l’application du règlement POP par les États membres en attribuant un rôle de coordination au forum d’échange d’informations sur la mise en œuvre institué par le règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil («REACH») (5),

apporter certaines modifications techniques au dispositif, et notamment expliciter certaines définitions préexistantes et ajouter la définition des termes «fabrication», «utilisation» et «intermédiaire en circuit fermé sur un site déterminé» afin d’améliorer et de simplifier les procédures actuelles.

3.3.

La proposition s’attache tout particulièrement aux questions de transparence et d’accès des citoyens à l’information. Des programmes de sensibilisation aux POP devraient être encouragés et facilités, en particulier pour les groupes les plus exposés, tandis que des formations seraient proposées aux collaborateurs, scientifiques, éducateurs ainsi qu’au personnel technique et de direction. En outre, le public devrait pouvoir participer à l’élaboration, à l’exécution et à l’actualisation des plans de mise en œuvre au niveau national.

4.   Observations générales

4.1.

Le CESE salue la proposition de la Commission qui vise à refondre le règlement POP, afin de garantir une mise en œuvre cohérente et effective des obligations incombant à l’Union au titre de la convention de Stockholm. Ces dispositions sont fondamentales pour établir un cadre juridique commun à l’intérieur duquel il sera possible de prendre des mesures visant à mettre fin à la fabrication, à la mise sur le marché et à l’utilisation intentionnelle des POP, à instaurer des contrôles annuels effectués par chacun des différents États et à élaborer des données comparatives pour l’Union européenne.

4.2.

Le Comité souligne qu’au sein de l’Union, la mise sur le marché et l’utilisation de la plupart des POP ont déjà été éliminées. Néanmoins, afin de réduire au minimum les rejets de POP, il convient d’interdire la fabrication de ces substances et de limiter les dérogations aux cas où celles-ci remplissent une fonction essentielle dans une application spécifique. Pour cette raison, le CESE encourage la Commission à prévoir des mesures de contrôle plus strictes que celles qui figurent dans la convention de Stockholm, conformément à l’approche de précaution de la protection environnementale, telle qu’établie dans la déclaration de Rio sur l’environnement et le développement (6).

4.3.

Le Comité sait fort bien que la décision de la Commission de ne pas passer par l’étape d’une consultation formelle des parties prenantes et des États membres est motivée par un accord ferme et général de tous les acteurs publics et privés concernés quant aux mesures à adopter pour la refonte du règlement POP. Néanmoins, le CESE recommande à la Commission d’adopter une approche inclusive et efficace pour les prochaines étapes de la mise en œuvre.

4.4.

Le CESE souscrit à la proposition de transférer un certain nombre de tâches de la Commission à l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) afin d’établir un cadre mieux adapté pour fournir une assistance administrative, scientifique et technique à la mise en œuvre. Toutefois, le Comité attire l’attention sur la nécessité de mettre en place une méthode de travail solide à laquelle la Commission, l’ECHA et les États membres seront dûment associés pour assurer une coopération efficace et de meilleurs résultats. Une des pierres angulaires de ce nouveau cadre de travail devrait être la consultation des parties prenantes.

4.5.

Le CESE estime que certains aspects de la refonte sont purement techniques. Dans le droit fil de ses avis antérieurs en la matière (7), le Comité considère que les POP constituent une menace grave pour l’environnement et la santé publique. Le CESE recommande dès lors un recours adéquat et limité aux actes délégués (en cas de stricte nécessité) afin de maintenir un dialogue ouvert avec toutes les parties prenantes, en accordant une attention particulière à la sensibilisation de l’opinion publique et à la transparence.

5.   Observations particulières

5.1.

Le Comité souhaiterait encourager la Commission à définir plus précisément la proposition selon laquelle les États membres devraient permettre au public de participer à l’élaboration, à l’exécution et à l’actualisation des plans nationaux de mise en œuvre. Le CESE estime notamment que les méthodes de participation se devraient d’être claires et communes à tous les États membres. Le Comité est convaincu que, plus encore que les personnes individuelles, la société civile organisée en tant que telle pourrait jouer un rôle important. En outre, le document n’indique pas clairement si, et de quelle façon, ces initiatives bénéficieront du soutien financier de la Commission, ni selon quelles modalités cette possibilité importante sera communiquée.

5.2.

Les POP constituent une menace planétaire. À l’heure actuelle, le défi principal à relever au niveau mondial réside dans l’harmonisation des stratégies et législations nationales relatives au suivi et au contrôle des POP. Pour cette raison, le CESE rejoint la Commission lorsqu’elle propose que l’Union joue un rôle plus volontariste vis-à-vis des pays tiers afin de lutter contre les émissions de POP.

5.3.

Néanmoins, le Comité estime que les «échanges d’informations» (8) avec les pays tiers qui ne sont pas parties à la convention de Stockholm ou la nécessité de «fournir en temps utile une assistance technique appropriée et […] sur demande et dans les limites des ressources disponibles» (9) pour mettre en œuvre la convention sont formulés de manière beaucoup trop vague pour permettre d’éradiquer les POP. En particulier, le CESE considère que l’Union devrait promouvoir la durabilité et le respect des dispositions relatives aux POP dans les accords commerciaux bilatéraux et multilatéraux (10). Comme point de référence, il pourrait être important de mentionner ici des organismes qui jouent un rôle de facilitateur sur la scène internationale, comme le Comité de mise en œuvre et du respect des obligations instauré par la convention de Minamata (11). Le CESE croit fermement au rôle de précurseur que l’Union européenne pourrait jouer en matière d’innovation durable.

5.4.

Le Comité soutient la proposition d’organiser une vaste campagne de sensibilisation sur les POP au niveau de l’Union. Dans le même temps, l’Europe devrait jouer un rôle plus actif dans la promotion de l’éducation à la durabilité, ainsi que dans la diffusion des informations concernant les bonnes pratiques en matière de durabilité (12). En particulier, le CESE recommande la création d’une banque de données ouverte sur les POP afin de fournir un instrument utile pour les entreprises et les consommateurs.

5.5.

Le Comité considère que des formations sur les POP devraient être obligatoires et accessibles pour tous les travailleurs européens dont l’emploi est directement ou indirectement lié à ces éléments. Le CESE souligne que ces aspects font déjà partie de la législation en vigueur, mais qu’une mise en œuvre incertaine et faible a fait apparaître que de nouveaux outils devaient être définis pour une exécution plus efficace. En particulier, le CESE recommande que les initiatives en matière d’information, d’éducation et de formation soient harmonisées et considérées comme faisant partie de la même stratégie, conformément à une approche de l’apprentissage tout au long de la vie.

Bruxelles, le 12 juillet 2018.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  http://chm.pops.int/

(2)  Au cours des dernières années, 16 éléments nouveaux ont été ajoutés à la liste initiale. http://chm.pops.int/TheConvention/ThePOPs/TheNewPOPs/tabid/2511/Default.aspx

(3)  À compter du 1er juin 2015.

(4)  Règlement (CE) no 1907/2006.

(5)  Enregistrement, évaluation et autorisation des substances chimiques et restrictions applicables à ces substances (REACH).

(6)  Déclaration de Rio, 1992. Principe 15: «Pour protéger l’environnement, des mesures de précaution doivent être largement appliquées par les États selon leurs capacités. En cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l’environnement.»

(7)  Avis du CESE sur «Les polluants organiques persistants» (JO C 32 du 5.2.2004, p. 45).

(8)  COM(2018) 144 final, paragraphe 18.

(9)  COM(2018) 144 final, paragraphe 21.

(10)  Avis du CESE sur «La transition vers un avenir plus durable pour l’Europe — Une stratégie pour 2050» (JO C 81 du 2.3.2018, p. 44).

(11)  La convention de Minamata sur le mercure est un traité mondial visant à protéger la santé humaine et l’environnement contre les effets nocifs du mercure. Elle a été approuvée à Genève (Suisse) le 19 janvier 2013, adoptée le 10 octobre 2013, lors d’une conférence diplomatique qui s’est tenue à Kumamoto (Japon), avant d’entrer en vigueur le 16 août 2017. Elle reflète une approche globale et innovante, où le mercure est envisagé tout au long de son cycle de vie, de l’extraction à la gestion des déchets. http://www.mercuryction.org/. Article 15.

(12)  Avis du CESE sur «Rio + 20: vers une économie verte et une meilleure gouvernance» (JO C 376 du 22.12.2011, p. 102), voir paragraphe 4.13.