2.3.2018   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 81/37


Avis du Comité économique et social européen sur les «Droits économiques, sociaux et culturels dans la région euro-méditerranéenne»

(avis d’initiative)

(2018/C 081/06)

Rapporteure:

Helena DE FELIPE LEHTONEN

Décision de l’assemblée plénière

30 mars 2017

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

 

 

Compétence

section spécialisée «Relations extérieures»

Adoption en section spécialisée:

le 28 septembre 2017

Adoption en session plénière

le 18 octobre 2017

Session plénière no

529

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

123/0/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

L’importance des organisations économiques et sociales et de la société civile en général comme facteur nécessaire à la promotion de l’édification progressive, en Méditerranée, d’un espace de paix et de stabilité, de prospérité partagée et de dialogue culturel et civilisationnel entre les différents pays, sociétés et cultures de la Méditerranée, a déjà été soulignée dans la Déclaration de Barcelone (1) de 1995. À l’heure actuelle, les organisations de la société civile de la Méditerranée sont des espaces d’inclusion, de participation et de dialogue avec les pouvoirs publics, y compris locaux, qui ont pour but de promouvoir les droits économiques, sociaux et culturels dans la région méditerranéenne. Le CESE estime qu’il est nécessaire de renforcer le rôle des Conseils économiques et sociaux (CES) là où ils existent et d’en promouvoir la création dans les pays où ils ont soit disparu, soit n’ont jamais existé, en renforçant les synergies entre les différents acteurs concernés. Pour promouvoir ces droits, les CES et les organisations économiques et sociales doivent mettre en place des collaborations afin de les rendre plus riches de potentialités et plus efficaces.

1.2.

Les femmes sont victimes de stéréotypes de genre qui reproduisent les barrières politiques, économiques et éducatives, produisant ainsi des conséquences graves pour l’évolution de la société. Le CESE appelle à réduire les décalages considérables qui existent entre les dispositions législatives et la réalité. À cette fin, il estime urgent de dégager les moyens qui permettront de former et de sensibiliser les responsables chargés de veiller à la mise en œuvre effective de cette législation. Afin de renforcer les droits, le CESE préconise d’associer les collectivités locales aux activités déployées par les organisations, les acteurs économiques et sociaux, la société civile et les réseaux qui œuvrent à l’égalité entre les femmes et les hommes dans les différents contextes des sociétés concernées. Par ailleurs, ce travail doit être appuyé par des contributions provenant d’universités et de centres d’études spécialisés.

1.3.

Il s’impose de combattre la menace de l’extrémisme violent en s’attaquant à ses causes, qui sont multiples, au-delà du seul plan sécuritaire. Dans cette tâche, les organisations économiques et sociales se devraient de jouer un rôle de premier plan, en collaboration avec les institutions et les réseaux qui se consacrent au dialogue interculturel et interreligieux, afin de parvenir à de meilleurs résultats et d’inclure dans leurs activités le patrimoine culturel, l’expression artistique et les industries créatives. Le CESE invite la Commission européenne et les États membres de l’Union pour la Méditerranée à promouvoir également ces activités de dialogue interculturel parmi les acteurs sociaux en renforçant les organisations spécialisées qui, comme la Fondation Anna Lindh (2), travaillent depuis de nombreuses années dans le Bassin méditerranéen. En ce qui concerne le patrimoine, le CESE plaide pour une meilleure collaboration en matière de protection du patrimoine culturel, qui est aujourd’hui menacé par des conflits armés et des organisations violentes.

1.4.

Les droits économiques, droits du travail et droits sociaux sont des facteurs essentiels au développement économique et à la démocratie. Parmi ces droits, la liberté d’entreprise, la liberté d’association et d’action syndicale, la négociation collective, la protection sociale sur des questions telles que la santé, l’éducation ou la vieillesse sont des éléments de premier plan, comme l’a souligné l’OIT lors de sa création et dans la déclaration de Philadelphie, qui affirme la nécessité de subordonner l’organisation économique à la justice sociale, laquelle doit être le principal objectif de toute politique nationale et internationale. La déclaration de Philadelphie précise que «l’économie et la finance sont des moyens au service des hommes».

1.5.

Les médias jouent un rôle essentiel pour définir des points de vue et des perceptions réciproques et sont un vecteur essentiel pour ce qui est d’améliorer le dialogue interculturel et de favoriser le respect, la tolérance et la connaissance mutuelle. Par conséquent, le CESE se réjouit de la mise en place de projets qui veillent au respect de la diversité et favorisent une information libre de préjugés, de stéréotypes et de perceptions faussées. En outre, il plaide pour que soit intensifiée l’action de ces instruments d’observation, de formation et de sensibilisation contre le racisme et l’islamophobie dans les médias et insiste sur la promotion de mécanismes de coopération et de plates-formes conjointes de développement professionnel, dans le domaine du respect de l’éthique comme de la défense de la liberté d’expression.

1.6.

L’éducation est la principale voie pour accéder à la mobilité socio-économique et, par conséquent, aux possibilités d’amélioration de la qualité de la vie. Au contraire, l’inégalité des chances en matière éducative met en péril la stabilité et la sécurité dans la région. Le CESE invite dès lors à déployer des efforts conjoints pour améliorer la qualité de l’enseignement primaire et secondaire et de l’enseignement supérieur, ainsi que celle de la formation professionnelle, au moyen d’un échange d’expériences dans l’élaboration des programmes et l’innovation méthodologique. Par ailleurs, le CESE estime qu’il est essentiel de combler le fossé cognitif qui sépare les deux rives de la Méditerranée et propose à cette fin, d’une part, de promouvoir les réseaux de connaissance et les enquêtes communes qui favorisent la transmission et la diffusion du savoir, et d’autre part, d’encourager la mobilité des enseignants, des étudiants, des universitaires et des chercheurs ainsi que la traduction de leurs travaux, notamment de l’arabe et vers l’arabe.

1.7.

L’éducation non formelle est un complément nécessaire, compte tenu de son apport à l’essor de sociétés plus inclusives et plurielles. Le CESE considère qu’il y a lieu de renforcer les synergies entre éducation formelle et non formelle et d’encourager ce type d’éducation en tant qu’instrument qui serve à développer une culture de paix et d’apprentissage tout au long de la vie. Pour ce faire, le CESE appelle à consacrer à l’éducation non formelle un budget plus important et à promouvoir le transfert d’expériences et de connaissances entre l’Europe et le sud de la Méditerranée.

1.8.

Afin de renforcer une économie inclusive et concurrentielle, il est nécessaire de soutenir l’insertion numérique et technologique des personnes. À cette fin, le CESE souligne qu’il est nécessaire de promouvoir des projets d’envergure régionale et locale qui rendront les citoyens autonomes en ce qui concerne l’utilisation des nouvelles technologies, l’entrepreneuriat et la numérisation, ainsi que de renforcer les initiatives de participation citoyenne et de promotion de la culture numérique, ainsi que de création d’emplois décents, comme les initiatives urbaines d’innovation sociale et numérique (Labs).

2.   Contexte

2.1.

En 2011, l’espoir de changement exprimé par la jeunesse arabe a ébranlé plusieurs régimes qui, de manière inattendue, ont été radicalement remis en cause. La Tunisie, l’Égypte, la Libye et le Yémen ont chassé leurs dirigeants politiques. Toutefois, leur destin s’est engagé dans des chemins très différents, allant de la transition qui se pérennise en Tunisie, grâce notamment au dynamisme de sa société civile, au changement de régime en Égypte, en passant par des conflits ouverts en Libye et au Yémen. La Syrie est en proie à une guerre sans merci, devenue aujourd’hui régionale et internationale. Il s’en est ensuivi de tragiques déplacements de populations, ainsi que des mouvements migratoires sans précédent qui ont déstabilisé l’ensemble de l’espace euro-méditerranéen.

2.2.

Au-delà d’un changement de régime, l’objectif était de mettre en place un système plus équitable et plus solidaire, de garantir les libertés politiques et la justice sociale, d’ouvrir le champ des possibles et de veiller au respect de la dignité. Ces attentes ont été déçues parce qu’elles ne se sont pas concrétisées dans le domaine social. Des circonstances politiques concrètes, à l’intérieur et à l’extérieur de ces pays, ont contribué à les compromettre. Six ans plus tard, ces revendications légitimes de droits économiques, sociaux et culturels restent d’actualité, n’ont pas trouvé de solution et constituent toujours un facteur d’instabilité potentielle pour la région.

2.3.

Le CESE considère dès lors comme une priorité absolue l’instauration de la paix et de la démocratie dans l’ensemble de la région, de même que le respect des droits de l’homme et des droits fondamentaux de l’ensemble de ses citoyens.

2.4.

Les droits fondamentaux: indispensables et inaliénables

2.4.1.

Le CESE invite l’ensemble des pays du sud et de l’est de la Méditerranée à adhérer au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (3) et à la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (4). Il souligne dans le même temps l’importance des principes et des valeurs de la laïcité, ainsi que de la protection des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques (5).

2.4.2.

Le CESE souligne que la défense d’un niveau minimum de qualité de vie pour tout un chacun revêt une importance primordiale. Il insiste sur la nécessité de garantir l’accessibilité de l’eau potable et des denrées alimentaires en quantités voulues et à des conditions abordables, ainsi qu’un accès suffisant à l’énergie, afin d’éviter l’exclusion énergétique de l’individu comme de la collectivité, et de promouvoir un environnement décent.

2.4.3.

Par ailleurs, compte tenu des circonstances particulières que traverse la région, il faut pouvoir garantir, au niveau tant national qu’international, le droit à un logement décent ou, à défaut, à un abri ou refuge décent à tout individu ou famille. Enfin, le CESE estime qu’il convient de garantir le droit de tous à la reconstruction des zones dévastées, que ce soit par des catastrophes naturelles ou des conflits armés, dans un esprit d’inclusion et dans des conditions dignes.

2.5.

Le droit à un travail décent: facteur de stabilité sociale et de progrès

2.5.1.

Le CESE estime que dans les sociétés des pays voisins, un effort commun est indispensable en faveur d’une intégration et d’une cohésion accrues. De même, les économies de ces pays doivent se réformer et innover pour créer des emplois décents, qui constituent un élément essentiel du développement durable.

2.5.2.

Le CESE insiste également sur la nécessité de garantir les droits sur lesquels doivent reposer les principes ainsi décrits. À cet égard, il y a lieu d’assurer dans ces pays le droit au travail dans des conditions dignes, sans distinction fondée sur la condition sociale, la religion ou la nationalité.

2.5.3.

Le CESE juge qu’il est impératif, afin de lutter contre la pauvreté, que des mesures soient prises pour promouvoir le travail décent en tant que facteur de stabilité sociale, conformément aux recommandations de la déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail et à son suivi (6), ainsi qu’au pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (7), et il encourage dès lors à y souscrire. Ainsi, il est essentiel de préserver les droits fondamentaux du travail tels que le droit d’association, celui de fonder un syndicat ou de s’affilier à celui de son choix, le droit de grève, la reconnaissance effective du droit de négociation collective, ainsi que des conditions adéquates de sécurité et d’hygiène dans l’exercice du travail et un salaire décent.

2.5.4.

En outre, il convient de développer, comme le propose l’OIT, le droit au logement afin de protéger l’ensemble de la population, et en particulier ses couches les plus vulnérables. Il est par ailleurs indispensable de lutter contre les violations des droits fondamentaux telles que l’exploitation des enfants ou le travail forcé, et de promouvoir l’accès à l’emploi pour les femmes et les personnes handicapées.

2.6.

L’entrepreneuriat: moteur essentiel du développement économique

2.6.1.

L’Union européenne estime que les cinq facteurs essentiels à la paix, à la stabilité, à la sécurité et à la prospérité dans la région euro-méditerranéenne sont les suivants: le développement économique dans le cadre de la modernisation et de la diversification des économies; le renforcement de l’écosystème entrepreneurial et de l’esprit d’entreprise innovant; la création d’emplois par la formation spécialisée, notamment pour les jeunes; le développement du secteur privé, en particulier des PME; la durabilité énergétique et environnementale (8). Elle souligne l’importance de la création d’emplois de qualité comme base de la prospérité économique et du renforcement de l’entrepreneuriat féminin et des synergies d’entreprises de part et d’autre de la Méditerranée.

Le CES estime également que ces aspects sont indissociables du développement social, étant donné que la stabilité, la sécurité et la prospérité ont toujours eu comme base l’intégration et la cohésion sociale.

2.6.2.

La communication conjointe fait valoir qu’il est nécessaire et déterminant pour le développement de ces économies de permettre et de garantir le juste exercice de l’entrepreneuriat privé. Dès lors, il convient d’assurer un cadre juridique qui donne des garanties concernant le droit à la propriété privée, ainsi que son inviolabilité, sous réserve du cadre juridique.

2.6.3.

Le CESE tient tout autant à ce que les pouvoirs publics protègent une concurrence libre et loyale dans l’économie, garantissant un traitement égal aux entrepreneurs. Il est dès lors essentiel d’assurer une égalité de traitement en ce qui concerne l’accès au financement et la disponibilité de services de microfinancement, ainsi que de garantir l’existence d’une administration publique exempte de corruption et investie d’une mission de service public.

2.7.

Le droit à la création et à l’innovation: garantie d’une économie diversifiée produisant une valeur ajoutée

2.7.1.

La déclaration ministérielle de l’Union pour la Méditerranée sur l’économie numérique (9) fait état de l’importance d’une approche inclusive et transversale des nouvelles technologies dans les domaines culturel, social, économique, gouvernemental et de la sécurité.

2.7.2.

De même, le CESE soutient l’approche de la communication conjointe quant à la nécessité de diversifier et de développer les économies de la région méditerranéenne de manière durable et inclusive.

2.7.3.

S’agissant de l’élaboration de nouveaux programmes, le CESE considère qu’il appartient à l’Union européenne de créer, pour la zone euro-méditerranéenne, des programmes de développement de l’innovation qui permettent à la région de progresser sur le plan économique, tout en préservant le droit individuel et collectif de créer et d’innover. Ce dernier implique de reconnaître le droit de la propriété intellectuelle, celui de partager et de diffuser cette innovation et celui d’accéder aux nouvelles technologies.

2.7.4.

Le CESE considère que l’insertion numérique et le libre accès à Internet, aussi bien sous forme individuelle que collective, constitue un droit inhérent au fait d’innover.

2.8.

Le droit à une éducation de qualité, socle du développement humain

2.8.1.

L’éducation est la principale voie pour accéder à la mobilité socio-économique et, par conséquent, aux possibilités d’amélioration de la qualité de la vie. Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) (10) souligne que si, dans de nombreux pays de la région, la scolarisation dans le primaire a atteint un niveau conforme aux normes internationales, et que des progrès significatifs ont été également réalisés en matière de scolarisation dans le secondaire, la qualité de l’enseignement est insuffisante. La Banque mondiale a élaboré des programmes pour cette région, en coopération avec d’autres agences, et il serait souhaitable que la Commission européenne travaille sur cette ligne. Il convient également de noter que la forte inégalité des chances en matière d’éducation affaiblit le contrat social dans les pays arabes.

2.8.2.

La feuille de route de l’Union pour la Méditerranée (11) insiste sur la nécessité de renforcer l’éducation en tant que facteur clef de la création d’emplois durables et qualifiés, en particulier pour les jeunes sans emploi qui risquent d’acquérir de mauvaises habitudes en matière d’activité, sur la recherche et l’innovation comme fondements de la modernisation des économies, ainsi que sur la durabilité, envisagée comme élément transversal permettant de garantir le développement économique et social inclusif.

2.8.3.

Le renforcement du capital humain est fondamental pour la stabilité et la sécurité de la région. Il apparaît dès lors nécessaire de promouvoir l’enseignement primaire et secondaire, l’enseignement supérieur, l’accès à la science et aux connaissances scientifiques, l’aptitude à l’emploi, la santé, l’autonomisation et la mobilité des jeunes, l’égalité des sexes, les forums de discussion et l’inclusion sociale.

2.8.4.

En dépit de certains problèmes concernant l’accès à l’éducation et sa généralisation, ainsi que la nécessité d’améliorer la qualité de l’enseignement primaire et secondaire, la principale difficulté à relever consiste à combler le fossé existant entre formation et emploi. Sur ce point, il est impératif de promouvoir des plates-formes de connexion entre le marché du travail et le système éducatif afin d’assurer la pleine insertion des jeunes dans la société. À cette fin, le CESE estime qu’il est primordial de promouvoir l’échange d’expériences en matière de programmes d’études et d’innovation méthodologique, en favorisant le transfert d’expériences et de pratiques, afin de parvenir à des compétences et des aptitudes adaptées à l’environnement de travail, ainsi que de mettre en avant et de revaloriser l’enseignement et la formation professionnels afin de relever le défi de créer 60 millions d’emplois dans les pays arabes au cours de la prochaine décennie.

2.8.5.

Les partenaires sociaux, de même que d’autres organismes spécialisés, ont souligné le rôle central de l’éducation non formelle (ENF), en tant qu’elle constitue un outil essentiel et une solution, à long terme, pour lutter contre la radicalisation et les extrémismes et parce qu’elle favorise l’intégration de groupes vulnérables, en particulier celle des jeunes et des femmes.

2.8.6.

Le CESE se félicite que soit reconnue l’importance de l’éducation non formelle en tant que complément de l’éducation formelle, et considère qu’il convient de renforcer les synergies entre ces deux vecteurs. Il estime ainsi qu’il convient d’accroître l’engagement politique en faveur de ce type d’éducation et d’y consacrer un budget plus important, dès lors qu’elle facilite le processus de maturation et d’insertion sociale des jeunes, qu’elle les forme à participer activement à la société et au développement des valeurs démocratiques, et qu’elle constitue un bon instrument pour développer une culture de la paix.

2.9.

La mobilité dans la sphère universitaire et académique: vers la disparition du fossé cognitif

2.9.1.

La mobilité des jeunes constitue un élément essentiel de la réponse aux défis auxquels est confrontée la région méditerranéenne. En effet, la migration dans les pays arabes est révélatrice de l’exclusion sociale de jeunes hautement qualifiés. Il convient par conséquent d’encourager une migration bénéfique à la fois pour les pays d’origine et pour les pays de destination. Cela suppose de mieux reconnaître les qualifications et les diplômes, de faciliter la mobilité universitaire et d’améliorer le cadre juridique régissant les conditions d’entrée et de séjour dans l’Union européenne applicables aux ressortissants de pays voisins à des fins de recherche, d’étude, d’échange d’élèves, de formation et de bénévolat.

2.9.2.

En outre, l’une des lignes de démarcation les plus aiguës qui existent entre les deux rives de la Méditerranée n’est autre que le «fossé cognitif», de sorte que le CESE considère opportun de prendre des mesures en vue d’encourager la production et la circulation des connaissances scientifiques et universitaires, et propose de créer et de promouvoir des réseaux de connaissances et de recherche dans l’ensemble euro-méditerranéen. En outre, il juge essentiel de promouvoir la traduction de cette production universitaire et scientifique, notamment au départ et à destination de l’arabe.

2.9.3.

Le CESE souhaite en outre insister sur la nécessité d’encourager la mobilité des étudiants, des enseignants, des chercheurs, des universitaires et des scientifiques sous la forme de séjours, d’échanges et de stages, s’agissant d’un élément clef pour promouvoir la qualité de l’enseignement et la capacité d’insertion professionnelle des jeunes, grâce au renforcement de la mise en œuvre et des résultats du programme Erasmus+ dans les pays de la région euro-méditerranéenne, ainsi que pour assurer la diffusion des connaissances et encourager le dialogue interculturel.

2.10.

Les moyens de communication et le dialogue interculturel: les clefs de la tolérance

2.10.1.

Le pluralisme, l’indépendance et le professionnalisme des médias locaux sont les garants du progrès social et les aident à jouer le rôle de catalyseurs du changement dans les pays du voisinage de l’Union européenne.

2.10.2.

Le CESE insiste sur la nécessité de promouvoir le dialogue et la coopération entre les médias dans l’espace euro-méditerranéen afin d’améliorer et de renforcer les normes professionnelles et leur cadre législatif. Il est également crucial de contribuer à garantir et protéger la liberté de la presse et la liberté d’expression.

2.10.3.

Il est impératif de reconnaître le rôle joué par les médias pour ce qui est d’améliorer le dialogue interculturel et de favoriser le respect, la tolérance et la compréhension mutuelle. Dans le contexte actuel d’une montée des discours anti-occidentaux dans le sud et des discours populistes à caractère xénophobe en Europe, il est plus que jamais nécessaire de déployer des efforts afin de les combattre en prenant le contre-pied de ce type de visions qui, basées sur l’exclusion et une conception manichéenne du monde, dressent les uns contre les autres les peuples, les cultures et les religions.

2.10.4.

À cet égard, le CESE se réjouit de la mise en œuvre de projets qui veillent au respect de la diversité existant en Europe et favorisent la tolérance et une information exempte de préjugés, de stéréotypes et de perceptions faussées, tel, en Espagne l’Observatoire de l’islamophobie dans les médias (12), qui promeut une information dépourvue de racisme et d’islamophobie. Il appelle de ses vœux le lancement de projets transversaux à cette fin.

2.10.5.

Au-delà du domaine sécuritaire, l’absence de perspectives, en particulier chez les jeunes, peut être l’une des principales sources d’instabilité, venant s’ajouter aux causes des processus de radicalisation. Il y a lieu de prévenir et de combattre l’extrémisme et le racisme en promouvant le dialogue interculturel. Ainsi, les institutions et les réseaux se consacrant au dialogue interculturel et interconfessionnel devraient renforcer leurs synergies et leurs complémentarités, afin d’accroître leur impact.

2.10.6.

La prévention de la radicalisation et de l’extrémisme violent doit associer les CES de la Méditerranée, les acteurs économiques et sociaux ainsi que la société civile dans son ensemble. À cette fin, il est nécessaire de créer des plates-formes pour l’échange et la coopération, dotées de ressources budgétaires, et d’aborder les questions liées à la justice, aux inégalités entre les femmes et les hommes, aux discours d’incitation à la haine, au chômage des jeunes et à l’analphabétisme, dans le cadre d’un effort plus vaste de déradicalisation qui inclue également la promotion du dialogue interculturel. Dans cet esprit, il convient de mettre en exergue les activités du Réseau européen de sensibilisation à la radicalisation (Radicalisation Awareness Network — RAN) (13) et de son centre d’excellence.

2.10.7.

Le CESE estime essentiel d’encourager les échanges entre intellectuels, artistes et acteurs culturels de la région, car ils agissent en tant que vecteurs privilégiés de transformation sociale en développant des projets communs qui ont une incidence sur la promotion du dialogue et de la compréhension mutuelle. Il invite également à accroître la coordination et la coopération en matière de protection du patrimoine culturel, ainsi qu’à faire connaître et à mettre en valeur les différentes disciplines et sensibilités culturelles et artistiques qui coexistent dans l’espace euro-méditerranéen et sont des éléments précieux de cohésion et de compréhension mutuelle.

2.11.

La société civile et les synergies entre acteurs sociaux: espaces d’inclusion et de débat

2.11.1.

La crise économique et la xénophobie sur la rive nord, tout comme la demande de liberté d’expression et la lutte pour les droits de l’homme dans les pays de la rive sud, sont autant d’éléments qui ont une incidence sur la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels dans les sociétés des pays euro-méditerranéens.

2.11.2.

À cet égard, le rapport du Parlement européen de novembre 2015 sur la promotion des droits de l’homme (14) fait valoir qu’il convient d’accorder un soutien accru à la société civile. Néanmoins, la visibilité des organisations de la société civile des pays du sud demeure insuffisante par rapport aux efforts qu’elles déploient et parfois aux risques qu’elles prennent, de même qu’à la lumière de leur rôle de stimulation des changements sociétaux. Sur ce point, les CES de la Méditerranée peuvent jouer un rôle de plates-formes de diffusion, de rencontre et de débat.

2.11.3.

Le CESE affirme que le tissu associatif est un espace qui contribue à l’intégration. De même, il juge nécessaire que la Commission accroisse son soutien aux projets menés à bien par la société civile organisée par l’intermédiaire de ses organisations économiques et sociales, de ses associations et des réseaux qu’elles forment, ainsi que par une intensification des partenariats et des synergies entre les différents acteurs concernés.

2.11.4.

Le CESE estime que les ministres des pays euro-méditerranéens devraient collaborer à des projets concrets avec le Sommet des conseils économiques et sociaux méditerranéens et institutions similaires, sans préjudice du soutien aux associations civiques et culturelles.

2.12.

La femme: point de convergence des droits économiques, sociaux et culturels

2.12.1.

Lors des trois conférences ministérielles euro-méditerranéennes sur le renforcement du rôle de la femme dans la société qui se sont tenues à Istanbul (15) (2006), Marrakech (16) (2009) et Paris (17) (2013), les gouvernements se sont accordés à mettre en œuvre les engagements suivants: égalité des droits entre les hommes et les femmes pour la participation à la vie politique, économique, civile et sociale, lutte contre toutes les formes de violence et de discrimination à l’encontre des femmes et des filles, efforts pour changer les attitudes et les comportements en vue de parvenir à l’égalité entre les sexes et de promouvoir l’émancipation des femmes, non seulement sur le plan des droits, mais aussi dans la pratique.

2.12.2.

Malgré les changements législatifs intervenus dans les pays du sud de la Méditerranée, le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) est d’avis que l’on est encore loin de l’égalité entre les hommes et les femmes en ce qui concerne les droits économiques, sociaux et culturels.

2.12.3.

Le CESE constate l’écart important que l’on observe entre, d’une part, les déclarations officielles, les propositions des institutions et la législation en vigueur et, d’autre part, la réalité vécue au quotidien par les femmes dans leurs communautés. Il attire l’attention sur la nécessité de mettre les lois nationales en concordance avec les constitutions et de combler les lacunes juridiques qui permettent encore des pratiques discriminatoires à l’égard des femmes.

2.12.4.

Dans ce contexte, le CESE attire l’attention sur la nécessité de dégager des moyens pour former et sensibiliser les groupes chargés de veiller à la mise en œuvre effective de la législation: magistrature, forces de sécurité, entreprises, éducateurs, médias, institutions comme les CES, etc.

2.12.5.

Pour renforcer les droits et engranger de meilleurs résultats, le CESE recommande d’associer les administrations locales aux travaux des organisations de la société civile en matière d’égalité des sexes, étant donné qu’elles disposent d’informations de meilleure qualité à l’égard des problèmes et des aspirations de la population. Ce travail conjoint de différents acteurs peut être appuyé par des apports académiques (universités et centres d’étude spécialisés). Un exemple en est fourni par la Fondation des femmes pour la Méditerranée (18) (FFM), qui a mené une campagne de sensibilisation contre les mariages précoces en collaboration avec la Fédération des ligues de défense des droits des femmes, les autorités régionales de Marrakech, l’université Cadi Ayyad, la commission régionale des droits de l’homme et d’autres collectivités locales.

2.12.6.

Le CESE invite dès lors les ministres des États membres de l’Union pour la Méditerranée à prendre en compte ces questions lors de la prochaine conférence ministérielle, et à doter ces actions et ces campagnes de ressources budgétaires.

2.12.7.

Le CESE fait valoir que la non-prise en compte des points ci-dessus aurait une forte incidence. Mariages précoces, interruption précoce du cursus éducatif et, partant, dévalorisation des femmes sur le marché du travail et au niveau de leur représentation politique sont quelques-uns des éléments qui s’opposent à la réalisation des droits, en particulier des femmes et des filles.

Bruxelles, le 18 octobre 2017.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  http://ufmsecretariat.org/barcelona-declaration-adopted-at-the-euro-mediterranean-conference-2728-november-1995/

(2)  http://www.annalindhfoundation.org/

(3)  http://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/CCPR.aspx

(4)  http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:12012P/TXT&from=FR

(5)  http://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/Minorities.aspx

(6)  http://www.ilo.org/declaration/thedeclaration/textdeclaration/lang--fr/index.htm

(7)  http://www.ohchr.org/fr/professionalinterest/pages/cescr.aspx

(8)  http://eeas.europa.eu/enp/documents/2015/151118_joint-communication_review-of-the-enp_fr.pdf

(9)  http://ufmsecretariat.org/wp-content/uploads/2014/09/UfMMinistersDeclarationFR.pdf

(10)  http://www.arabstates.undp.org/content/rbas/en/home/library/huma_development/arab-human-development-report-2016--youth-and-the-prospects-for-/

(11)  http://ufmsecretariat.org/wp-content/uploads/2017/01/UfM-Roadmap-23-JAN-2017.pdf

(12)  http://www.observatorioislamofobia.org/

(13)  https://ec.europa.eu/home-affairs/what-we-do/networks/radicalisation_awareness_network

(14)  http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+REPORT+A8-2015-0344+0+DOC+XML+V0//FR

(15)  https://www.euromedwomen.foundation/pg/fr/documents/view/4224/conclusions-ministerielles-sur-renforcement-role-femmes-dans-societe

(16)  https://www.euromedwomen.foundation/pg/fr/documents/view/4756/deuxiemes-conclusions-ministerielles-sur-renforcement-role-femmes-dans-societe

(17)  https://www.euromedwomen.foundation/pg/fr/documents/view/4226/troisiemes-conclusions-ministerielles-sur-renforcement-role-femmes-dans-societe

(18)  https://www.euromedwomen.foundation/