16.1.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 15/2


COMMUNICATION DE LA COMMISSION

Document d’orientation: exportation, réexportation, importation et commerce intra-UE de cornes de rhinocéros

(2016/C 15/02)

1.   Informations générales sur la conservation du rhinocéros et les menaces que représente l’intensification du braconnage et du commerce illégal

Les espèces de rhinocéros figurent à l’annexe I de la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES), à l’exception des populations de rhinocéros blanc du Sud (Ceratotherium simum simum) d’Afrique du Sud et du Swaziland, qui sont répertoriées à l’annexe II.

Le trafic de produits de rhinocéros (en particulier les cornes) est l’une des principales menaces à la survie des espèces. En 2007, seulement 13 rhinocéros ont été abattus illégalement en Afrique du Sud, mais au cours des huit dernières années, le braconnage de rhinocéros s’est considérablement intensifié: 1 004 rhinocéros ont été braconnés en 2013 et 1 215 en 2014 (1).

En amont de la 16e réunion de la Conférence des parties (CoP) de mars 2013, le Secrétariat de la CITES a déclaré:

«Le nombre de rhinocéros abattus illégalement en Afrique du Sud a atteint ses plus hauts niveaux de l’histoire récente et les prélèvements risquent de devenir insoutenables si les cas de braconnage continuent de se multiplier au rythme actuel. Les réponses reçues suite aux notifications aux parties no 2012/014 et 2012/053 font état d’un large éventail de mesures prises par les parties pour mettre un terme aux niveaux actuellement élevés du braconnage du rhinocéros et du commerce illégal de cornes de rhinocéros, qui lui est associé. Malgré ces mesures et les importantes ressources investies pour lutter contre le braconnage du rhinocéros et le commerce illégal de cornes de rhinocéros, et malgré les efforts louables déployés par les autorités chargées de la lutte contre la fraude dans un certain nombre de pays, le nombre des rhinocéros braconnés chaque année continue d’augmenter à un rythme alarmant.

Le commerce illégal de cornes de rhinocéros reste l’une des activités criminelles les plus structurées auxquelles est actuellement confrontée la CITES. Il existe des preuves très claires que des groupes de la criminalité organisée sont impliqués dans le braconnage du rhinocéros et le commerce illégal de cornes de rhinocéros. Ces groupes opèrent dans les États de l’aire de répartition ainsi qu’en Europe, où ont été perpétrés des vols de cornes de rhinocéros dans des musées, des maisons de vente aux enchères, des magasins d’antiquité et des échoppes de taxidermistes. Des saisies ont également eu lieu en Australie, dans la Région administrative spéciale de Hong Kong et aux Philippines. Aux États-Unis d’Amérique, sept personnes ont été arrêtées en février 2012 pour trafic illégal de cornes de rhinocéros. Le commerce illégal de cornes de rhinocéros est donc devenu un problème majeur et il a des incidences sur plusieurs continents. Une coopération internationale accrue et des mesures d’application de la législation bien coordonnées sont nécessaires pour faire face efficacement à cette menace.» (2)

Parallèlement à cette intensification du braconnage, des éléments indiquent que des groupes de la criminalité organisée participent activement à l’achat et au commerce de cornes de rhinocéros dans l’Union européenne. Cela a incité l’Office européen de police (Europol) à lancer une action spécifique sur le commerce illégal de cornes de rhinocéros dans l’Union (3).

Avant l’adoption en février 2011 de la première version du présent document d’orientation, un certain nombre d’États membres avait observé une augmentation des demandes de certificats pour le commerce intra-UE et la réexportation de cornes de rhinocéros présentées comme des «antiquités» ou des «spécimens travaillés». Dans de nombreux cas, les enquêtes ont révélé que la motivation des acheteurs tenait peu à la nature artistique des objets. Cela a notamment été démontré par le fait que les prix proposés pour ces produits dans les maisons de vente aux enchères étaient essentiellement corrélés avec le poids des objets plutôt qu’avec un quelconque autre élément. Ces prix atteignaient des niveaux extrêmement élevés qui n’avaient aucun lien avec la nature artistique des objets.

Après l’adoption par le Royaume-Uni et l’Allemagne d’une interprétation stricte de la législation de l’Union concernant le commerce extra-UE de ces produits en septembre et octobre 2010, d’autres États membres ont reçu des demandes de réexportation ou des demandes de renseignements concernant le traitement réservé à ces demandes, ce qui laisse à penser que certains commerçants tentaient de contourner les régimes britannique et allemand et cherchaient un moyen de réexporter plus facilement ces articles depuis l’Union européenne.

Par ailleurs, des vols de cornes de rhinocéros dans des musées, des maisons de vente aux enchères, des magasins d’antiquité et des échoppes de taxidermistes ont été perpétrés dans l’Union à un rythme sans précédent ces dernières années. Cinquante cas de vol (dont 10 tentatives) ont été enregistrés par Europol dans 13 États membres de l’Union, pour un total de 60 spécimens volés. Il est probable que de nombreux autres vols n’ont pas été signalés à Europol pour diverses raisons.

Des éléments indiquent qu’un groupe de la criminalité organisée serait responsable de la majorité de ces délits. Un tiers des cornes déclarées volées a été directement attribué à ce groupe et, jusqu’à présent, aucun autre groupe n’a été identifié comme étant impliqué dans ce type d’activités criminelles.

En règle générale, le groupe en question vend ses produits à des intermédiaires, qui semblent être responsables de l’augmentation du nombre de demandes de certificats et de permis pour le commerce de cornes de rhinocéros.

Les membres de ce groupe assistent régulièrement à des ventes aux enchères et se rendent dans des magasins d’antiquités afin d’acheter, si ce n’est de voler, des cornes de rhinocéros montées sur un trophée ou des cornes travaillées. Ils sont soupçonnés de remettre ces cornes à des intermédiaires qui alimentent les marchés chinois et vietnamien.

Il a été constaté que, depuis que le Royaume-Uni a imposé des restrictions sur les ventes de cornes de rhinocéros dans les ventes aux enchères, le groupe en question s’est concentré sur les ventes aux enchères dans les autres États membres.

Il existe de fortes présomptions que les cornes de rhinocéros, en particulier celles présentées comme des antiquités ou des spécimens travaillés, pourraient être réexportées depuis l’Union européenne pour répondre à la demande de cornes de rhinocéros utilisées à des fins médicales en Asie. Ce commerce pourrait stimuler davantage la demande de ces produits dans cette région et en maintenir les prix à un niveau élevé, voire les faire augmenter. Une demande si importante en produits de grande valeur constitue en retour un marché lucratif très attrayant pour les braconniers et les trafiquants. Cette situation pourrait les encourager à continuer leurs activités criminelles, ce qui compromettrait encore davantage la conservation des populations de rhinocéros restantes.

Ces circonstances révèlent qu’il est nécessaire que les États membres continuent d’appliquer la législation de l’Union relative au commerce des espèces sauvages de manière à protéger les espèces et garantir leur conservation. Cela devrait contraindre ce groupe de la criminalité organisée à prendre des mesures désespérées pour acquérir des cornes de rhinocéros, ce qui le rendrait ainsi plus vulnérable aux actions répressives.

Lors de la 16e session de la CoP de la CITES, la décision 16.84 a été adoptée, au titre de laquelle les parties devraient:

«f)

prendre des mesures nationales, s’il y a lieu, à l’appui de la mise en œuvre de la CITES, pour réglementer le commerce intérieur de spécimens de rhinocéros, notamment de tout spécimen qui se révélerait une partie ou un produit de rhinocéros après examen du document d’accompagnement, de l’emballage, d’une marque, d’une étiquette ou de tout autre élément; et

g)

envisager de prendre des mesures internes plus strictes pour réglementer la réexportation de produits de corne de rhinocéros, quelle que soit leur origine.»

Le Secrétariat a convoqué une réunion de l’équipe spéciale CITES de lutte contre la fraude relative aux rhinocéros à Nairobi, au Kenya, les 28 et 29 octobre 2013 (4). La réunion a rassemblé des spécialistes d’horizons divers et des représentants de 21 pays touchés par le braconnage des rhinocéros et le commerce illégal de leurs cornes. Conformément à la stratégie et aux actions proposées:

«1.

Toutes les parties devraient: […]

k)

Mettre en œuvre des mesures de suivi des activités des ventes aux enchères, des commissaires-priseurs et du commerce des antiquités, le cas échéant, afin d’empêcher le commerce illégal de la corne de rhinocéros;»

Le cadre réglementaire de l’Union sur le commerce des espèces sauvages doit être interprété à la lumière de ces objectifs, du principe de précaution, et en tenant compte des évolutions récentes. En outre, étant donné que, dans de nombreux États membres, certains commerçants s’organiseraient de manière coordonnée pour acquérir des cornes de rhinocéros dans l’Union européenne avant de les (ré)exporter vers l’Asie de l’Est, des orientations sont nécessaires afin de garantir que tous les États membres suivent une approche commune vis-à-vis de l’exportation et de la réexportation de ces produits (voir la section 3 ci-après).

Les États membres sont invités à accorder une attention particulière aux demandes de commerce intra-UE pour les cornes de rhinocéros puisqu’elles pourraient être utilisées par des groupes de la criminalité organisée pour acquérir des cornes de rhinocéros et les commercialiser illégalement en Asie ou pour recevoir des certificats qui seraient ensuite détournés. Les recommandations concernant le traitement de ces demandes sont présentées à la section 4 ci-après.

Des orientations sont également nécessaires en ce qui concerne les demandes d’importation vers l’Union de produits de rhinocéros présentés comme des «trophées de chasse» (voir la section 5).

2.   Statut du présent document

Le présent document d’orientation a été élaboré par les services de la Commission et approuvé à l’unanimité par le comité du commerce de la faune et de la flore sauvages, institué au titre de l’article 18 du règlement (CE) no 338/97 du Conseil (5), et par conséquent par les autorités compétentes des États membres de l’Union.

Bien que le présent document constitue une expression de la manière dont les services de la Commission et les États membres interprètent et entendent appliquer le règlement (CE) no 338/97 et des mesures qu’ils estiment être les meilleures pratiques, il n’a cependant pas force de loi. Il demeure soumis au droit de l’Union et en particulier aux dispositions du règlement (CE) no 338/97.

Le document sera publié en ligne par les services de la Commission et peut être publié par les États membres.

Il fera l’objet d’une révision du comité du commerce de la faune et de la flore sauvages de l’Union au cours du second semestre de 2016.

3.   Orientations relatives à l’interprétation des règles de l’Union en matière d’exportation et de réexportation de cornes de rhinocéros: demandes de permis au titre de l’article 5 du règlement (CE) no 338/97

Les dispositions du droit de l’Union doivent être interprétées à la lumière de leurs objectifs. L’article 1er du règlement (CE) no 338/97 établit que l’objectif de ce règlement est de «protéger les espèces de faune et de flore sauvages et d’assurer leur conservation en contrôlant leur commerce». Les dispositions du règlement doivent par conséquent être interprétées d’une manière qui soit cohérente avec cet objectif.

En outre, au titre de l’article 191, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), la politique environnementale de l’Union doit être fondée sur le principe de précaution. Conformément à ce principe, si une mesure ou une politique est susceptible de causer un préjudice grave ou irréversible au public ou à l’environnement, la charge de la preuve incombe à ceux qui préconisent la prise de la mesure en l’absence d’un consensus scientifique sur le fait qu’un dommage ne se produira pas. Ce principe vise à garantir un niveau élevé de protection de l’environnement grâce des prises de décision préventives en cas de risque. Dans la pratique, le champ d’application du principe de précaution est beaucoup plus large et s’étend également à la politique des consommateurs, à la législation européenne concernant les aliments et à la santé humaine, animale et végétale.

Conformément à la jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne, le principe de précaution s’applique, entre autres, à l’interprétation et à l’application de l’acquis de l’Union en matière d’environnement, et donc également à l’interprétation et à l’application du règlement (CE) no 338/97.

Il convient que les États membres appliquent le principe de précaution dans l’exercice de leur marge d’appréciation conformément au règlement (CE) no 338/97. À cet égard, ils doivent faire référence à la communication de la Commission du 2 février 2000 sur le recours au principe de précaution (6), qui expose en détail les considérations nécessaires aux fins de sa bonne application.

Au titre de l’article 5, paragraphe 2, point d), du règlement (CE) no 338/97, lors de l’évaluation des demandes d’exportation et de réexportation de cornes de rhinocéros, les organes de gestion doivent s’être «assuré[s], après consultation de l’autorité scientifique compétente, qu’aucun facteur lié à la conservation de l’espèce ne s’oppose à la délivrance du permis d’exportation». Ces dispositions s’appliquent aux demandes de permis d’exportation et de réexportation de spécimens d’espèces inscrites aux annexes A et B.

Cette condition s’applique à tous les spécimens de cornes de rhinocéros, qu’ils soient ou non considérés comme des «spécimens travaillés».

Les services de la Commission et le comité du commerce de la faune et de la flore sauvages de l’Union estiment que, dans les circonstances actuelles, à la lumière du principe de précaution et à moins que des preuves scientifiques concluantes démontrent le contraire, les États membres devraient tenir compte de l’existence de facteurs graves liés à la conservation des espèces de rhinocéros qui s’opposent à la délivrance de permis d’exportation et de réexportation.

En conséquence, les services de la Commission et le comité du commerce de la faune et de la flore sauvages de l’Union estiment qu’il est légitime que les États membres veillent, à titre de mesure provisoire, à ce qu’aucun permis d’exportation ou de réexportation ne soit délivré pour les cornes de rhinocéros, excepté dans les cas où il est tout à fait clair que le permis sera utilisé à des fins légitimes:

1)

l’article fait partie d’un véritable échange de biens culturels ou artistiques entre des institutions de renom (par exemple, des musées);

2)

l’organe de gestion de l’État membre concerné s’est assuré que l’article est une œuvre artistique reconnue et est convaincu que sa valeur est telle qu’il ne sera pas utilisé à d’autres fins;

3)

l’article n’a pas été vendu et est un héritage transporté dans le cadre d’un déménagement familial ou dans le cadre d’un legs; ou

4)

l’article fait partie d’un projet de recherche en bonne et due forme.

Des exigences supplémentaires s’appliquent pour les (ré)exportations à destination de la Chine: les demandes de permis d’exportation ou de réexportation de cornes de rhinocéros à destination de la Chine devraient être rejetées étant donné que la législation chinoise interdit l’importation et le commerce intérieur de cornes de rhinocéros (7). Cela inclut les articles existant avant l’entrée en vigueur de la convention et les articles artistiques. La seule exception à cette interdiction concerne l’importation de trophées de chasse constitués d’une corne de rhinocéros (8).

Ce régime s’applique en Chine continentale, mais pas à Hong Kong, Macao ou Taïwan, dont la législation autorise le commerce de cornes de rhinocéros conformément aux règles de la CITES.

Avant de délivrer un permis d’exportation aux conditions fixées dans la présente section, il convient que les États membres concernés en informent les autorités de la CITES du pays de destination et vérifient qu’elles approuvent l’importation du spécimen concerné. L’identité de l’exportateur et de l’importateur doit être vérifiée et enregistrée (par exemple en conservant une copie de leurs documents d’identification).

4.   Commerce intra-UE: orientation relative à l’application de l’article 8, paragraphe 3, du règlement (CE) no 338/97 aux cornes de rhinocéros

Avant l’adoption de la première version du présent document d’orientation, les États membres recevaient un nombre croissant de demandes de certificats pour le commerce intra-UE de cornes de rhinocéros au titre de l’article 8, paragraphe 3, du règlement (CE) no 338/97. Il est nécessaire de formuler des orientations au niveau de l’Union afin de garantir un traitement cohérent de ces demandes dans l’ensemble de l’Union européenne.

1.

Il est tout d’abord essentiel de rappeler la règle générale selon laquelle le commerce intra-UE des spécimens d’espèces inscrites à l’annexe A est interdit au titre de l’article 8, paragraphe 1, du règlement (CE) no 338/97 du Conseil. L’article 8, paragraphe 3, autorise les États membres à déroger à cette interdiction si certaines conditions [répertoriées aux points a) à h) de ce paragraphe] sont remplies (9). Toutefois, l’utilisation du terme «peut» à l’article 8, paragraphe 3, indique clairement que les États membres ne sont pas tenus de délivrer un certificat pour le commerce intra-UE lorsque ces conditions sont remplies (sauf lorsque le droit de l’Union l’exige, comme dans le cadre de l’application du principe de proportionnalité). L’organe de gestion doit utiliser ses pouvoirs discrétionnaires de manière appropriée au moment de décider de délivrer ou non un certificat.

En conséquence, il ne saurait être considéré que l’article 8, paragraphe 3, confère un droit à un certificat pour le commerce intra-UE à tout demandeur, même lorsque l’une des conditions mentionnées aux points a) à h) est remplie. En outre, l’article 8, paragraphe 3, est soumis au principe de précaution et, comme cela a été indiqué plus haut, la charge de la preuve pour démontrer la légitimité et la conformité d’une opération avec les objectifs du règlement (CE) no 338/97 incombe dès lors au demandeur.

Lorsqu’un État membre reçoit une demande d’utilisation commerciale de cornes de rhinocéros dans l’Union au titre de l’article 8, paragraphe 3, il est en droit, en vertu du droit de l’Union, de refuser la délivrance d’un certificat, même lorsque l’une des conditions mentionnées aux points a) à h) est remplie, à condition que le refus soit compatible avec le principe de proportionnalité (en d’autres termes, le refus est justifié afin de protéger des espèces de faune et de flore sauvages ou de garantir leur conservation, et le refus n’excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif). Les services de la Commission et le comité du commerce de la faune et de la flore sauvages de l’Union sont d’avis que tel est le cas lorsque la légitimité et la conformité d’une opération avec les objectifs du règlement (CE) no 338/97 n’ont pas été démontrées de façon concluante par le demandeur.

Sans préjudice du paragraphe précédent, et en raison des circonstances décrites dans la première section du présent document, il convient que les États membres, en principe et à titre provisoire, ne délivrent pas de certificat pour les cornes de rhinocéros au titre de l’article 8, paragraphe 3.

2.

Lorsque, en dépit des recommandations susmentionnées, des dispositions du droit national d’un État membre n’autorisent pas ses organes de gestion à refuser des demandes de certificats intra-UE pour les cornes de rhinocéros comme indiqué plus haut, il convient de suivre les recommandations ci-après.

Compte tenu de l’intensification dans l’Union des activités illégales liées aux cornes de rhinocéros et de l’implication de groupes de la criminalité organisée cherchant à se procurer et à commercialiser ces produits, il est recommandé aux États membres de suivre une approche fondée sur l’analyse des risques et de garantir un contrôle rigoureux lors du traitement des demandes de certificats intra-UE. Dans ce contexte, il est particulièrement important de noter que les groupes impliqués dans des activités criminelles liées aux cornes de rhinocéros ont utilisé frauduleusement des certificats de l’Union pour le commerce intra-UE délivrés au titre de l’article 8, paragraphe 3, en tant que documents destinés à prouver la légalité des spécimens volés. En outre, des spécimens volés ont récemment été proposés à la vente, notamment dans des maisons de vente aux enchères dans l’Union.

Il existe donc un risque que les certificats de l’Union pour le commerce intra-UE soient utilisés par ces groupes dans le cadre de leur stratégie globale consistant à acheter et à commercialiser illégalement des cornes de rhinocéros. Il revient aux États membres d’éviter de délivrer des certificats qui pourraient faciliter ces activités et il convient, par conséquent, que ceux-ci traitent ces demandes de commerce intra-UE de manière à réduire le risque au minimum dans la mesure du possible.

3.

Conformément au règlement (CE) no 338/97, l’exportation ou la réexportation à partir de l’Union de spécimens d’espèces inscrites à l’annexe A n’est autorisée qu’à titre exceptionnel. À cet égard, si les organes de gestion d’un État membre estiment, après avoir mené une analyse des risques pertinente comme indiqué plus haut, qu’il n’y a aucun risque que la délivrance d’un permis puisse bénéficier à des personnes ayant participé à l’acquisition ou à la commercialisation illégales de cornes de rhinocéros, les conditions à remplir pour la délivrance du permis au titre de l’article 8, paragraphe 3, demeurent d’interprétation stricte (10).

Le régime applicable au commerce intra-UE pour la corne de rhinocéros différera selon les conditions établies à l’article 8, paragraphe 3, points a), b), et c).

Concernant l’article 8, paragraphe 3, point a), (relatif aux spécimens «[…] acquis ou introduits dans la Communauté avant l’entrée en vigueur, pour les spécimens concernés, des dispositions relatives aux espèces inscrites à l’annexe I de la convention, à l’annexe C1 du règlement (CEE) no 3626/82 [du Conseil (11)] ou à l’annexe A du [règlement (CE) no 338/97]»), un élément clé est qu’il revient au demandeur de démontrer que les spécimens ont été acquis ou introduits dans l’Union avant le 4 février 1977 pour toutes les espèces de rhinocéros, à l’exception des rhinocéros blancs (pour lesquelles la date applicable est le 1er juillet 1975). Si le demandeur n’est pas en mesure de fournir des éléments probants, il convient alors de ne pas délivrer de certificat.

Il semble qu’un certain nombre d’articles soient présentés comme des «spécimens travaillés», dont l’utilisation commerciale est réglementée au titre de l’article 8, paragraphe 3, point b), du règlement (CE) no 338/97 et de l’article 62, paragraphe 3, du règlement (CE) no 865/2006 de la Commission (12). Lorsqu’un article remplit les conditions requises à l’article 2, point w), du règlement (CE) no 338/97 pour pouvoir être considéré comme un spécimen travaillé, aucun certificat n’est requis pour son utilisation commerciale au sein de l’Union européenne. Toutefois, la définition des «spécimens travaillés» doit être interprétée strictement:

le demandeur doit tout d’abord démontrer que le spécimen a été acquis «plus de cinquante ans avant l’entrée en vigueur du […] règlement (CE) no 338/97», soit avant le 3 mars 1947;

en outre, le fait qu’une corne de rhinocéros soit simplement montée sur une plaque, un écusson ou tout autre type de base, sans aucune modification de son état brut naturel, ne devrait pas être suffisant pour considérer le produit comme un «spécimen travaillé», au sens de l’article 2, point w), du règlement (CE) no 338/97. Le document d’orientation publié par la Commission européenne concernant les spécimens travaillés devra être et sera modifié en conséquence. Il conviendrait également d’examiner rigoureusement et minutieusement l’exigence énoncée à l’article 2, point w), selon laquelle l’objet de la modification doit être «la production de bijoux, d’objets décoratifs, artistiques ou utilitaires ou d’instruments de musique», car il semble que, dans certains cas récents, la nature artistique de la modification (par exemple sculpture importante, gravure, insertion ou fixation d’objets artistiques ou utilitaires, etc.) n’était pas claire, auquel cas les conditions établies à l’article 2, point w), n’étaient pas remplies.

Lorsque des demandes relatives à un commerce intra-UE sont soumises pour de la corne de rhinocéros en vertu de l’article 8, paragraphe 3, point c), il est rappelé aux États membres qu’étant donné que l’importation de corne de rhinocéros (comme effets personnels, notamment comme trophées de chasse) n’est possible qu’à des fins non commerciales, il est impossible que leurs propriétaires se voient délivrer un certificat à des fins de commerce au sein de l’Union européenne en vertu de l’article 8, paragraphe 3, point c).

4.

En cas de délivrance, le certificat devra décrire avec suffisamment de détails l’article concerné de sorte qu’il puisse uniquement être utilisé pour le spécimen en question et qu’il ne puisse pas être utilisé de manière frauduleuse pour d’autres spécimens. Par ailleurs et lorsque la législation l’autorise, les États membres peuvent envisager la collecte, la vérification et l’enregistrement de l’identité du demandeur et de l’acheteur (par exemple en conservant une copie de leurs documents d’identification). Une condition obligeant le vendeur à informer les autorités de l’identité de l’acheteur pourrait être imposée.

En outre, les certificats de l’Union pour le commerce intra-UE devraient être délivrés pour des transactions spécifiques — autorisant une seule transaction uniquement — ce qui signifie également que le certificat sera uniquement valide pour le titulaire désigné dans l’encadré 1 de ce certificat. Cette proposition se fonde sur l’article 11, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement (CE) no 865/2006, au titre duquel les États membres peuvent «délivrer des certificats pour transactions spécifiques lorsqu’il[s] estime[nt] que d’autres facteurs ayant trait à la conservation de l’espèce s’opposent à la délivrance d’un certificat pour spécimen spécifique.»

5.   Importation dans l’Union européenne de «trophées de chasse» de rhinocéros

Si l’introduction dans l’Union de rhinocéros et de produits dérivés de rhinocéros n’est pas autorisée à des fins commerciales, l’introduction dans l’Union de trophées de chasse, considérés comme des effets personnels ou domestiques, peut être autorisée sous certaines conditions (13) au titre de l’article 57 du règlement (CE) no 865/2006.

Conformément au règlement (UE) 2015/870 de la Commission (14) modifiant le règlement (CE) no 865/2006, la première introduction dans l’Union de trophées de chasse de spécimens de toutes les espèces de rhinocéros est subordonnée à la présentation d’un permis d’importation par l’État membre d’importation de l’Union. En vertu du droit de l’Union, ces trophées de chasse sont des effets personnels et domestiques et devraient rester la propriété de leurs propriétaires après l’importation. Ils ne peuvent être vendus ou utilisés à des fins commerciales.

Ces dernières années, les dispositions sur le commerce de trophées de chasse de spécimens de rhinocéros ont été délibérément appliquées de manière abusive par des réseaux qui recrutent des personnes dans les pays d’importations, prennent en charge les coûts de leur voyage en Afrique du Sud ainsi que de leurs safaris de chasse au rhinocéros, puis prennent possession des cornes et les commercialisent illégalement dans des pays d’Asie. Outre l’utilisation abusive répandue de trophées de chasse de rhinocéros à des fins commerciales illégales en République tchèque, des enquêtes menées en Slovaquie mais aussi dans des pays tiers (États-Unis) montrent qu’un mode opératoire similaire consistant à recruter de «prétendus chasseurs» et même des «chasseurs de bonne foi» a largement été utilisé par des réseaux criminels pour acheminer des cornes de rhinocéros d’Afrique du Sud vers l’Asie.

Pour résoudre ce problème, l’équipe spéciale CITES de lutte contre la fraude relative aux rhinocéros (voir note 4 de bas de page) a recommandé de «[m]ettre en œuvre des contrôles de l’application de la législation et de la lutte contre la fraude pour empêcher que les cornes faisant partie de trophées acquis légalement soient utilisées à des fins autres que les trophées de chasse, et veiller à ce que ces trophées restent en possession de leurs propriétaires aux fins indiquées dans le permis d’exportation CITES».

Dans ce contexte, il est recommandé que les États membres de l’Union:

1)

au moment de décider de donner suite à une demande d’importation de trophées de chasse de spécimens de rhinocéros:

accordent une attention particulière au fait que le demandeur dispose d’une expérience de chasse et l’informent que l’importation dans l’Union est uniquement autorisée à des fins personnelles;

contactent le pays d’exportation, le cas échéant, pour s’assurer que les organes de gestion de la CITES sont informés de la chasse et de l’exportation prévues et ne disposent d’aucune information s’opposant à la délivrance au demandeur du permis d’importation;

2)

au moment de délivrer le permis d’importation [après avoir dûment vérifié que toutes les conditions sont remplies conformément au règlement (CE) no 338/97 et aux règlements connexes de la Commission], incluent la mention suivante sur le permis: «L’importation de ce trophée de chasse est uniquement destinée à des fins personnelles. L’article demeure la propriété du titulaire du présent permis. Celui-ci doit être présenté aux autorités compétentes à leur demande»;

3)

lorsque le droit national le permet, réalisent des contrôles, sur la base d’une analyse des risques, des personnes qui ont importé des trophées de chasse de rhinocéros depuis 2009 (15) afin de vérifier qu’elles sont toujours en possession des trophées, et partagent les résultats de ces contrôles avec les autres États membres de l’Union, la Commission européenne et le Secrétariat de la CITES.


(1)  https://www.environment.gov.za/mediarelease/molewa_waragainstpoaching2015

(2)  https://cites.org/fra/cop/16/doc/F-CoP16-54-02.pdf

(3)  https://www.europol.europa.eu/content/press/europol-and-ireland-identify-organised-crime-group-active-illegal-trading-rhino-horn-9

(4)  Voir https://cites.org/sites/default/files/notif/F-Notif-2014-006A.pdf

(5)  JO L 61 du 3.3.1997, p. 1.

(6)  COM(2000) 1 final (non encore publiée au Journal officiel).

(7)  Cette interdiction est établie dans la circulaire no 39/1993 du Conseil d’État du 29 mai 1993 interdisant le commerce de cornes de rhinocéros et d’os de tigre.

(8)  Extrait de l’alerte no 41 de la CITES (février 2012): «La Chine interdit toute importation de corne qui ne serait pas montée sur un trophée de chasse, cela implique qu’une corne seule ne peut être importée en Chine. Cette mesure a été appliquée par les autorités chinoises à l’appui d’initiatives prises par d’autres pays pour réduire le commerce illicite. Cependant, cette interdiction ne s’applique pas aux trophées de chasse constitués d’une corne de rhinocéros. Ainsi, un trophée de chasse comprenant une corne de rhinocéros et constitué de la tête, des épaules ou de l’ensemble du corps de l’animal peut être importé en Chine quel que soit son pays d’origine. Naturellement, cette interdiction ne s’applique pas non plus aux cornes de rhinocéros vivants autorisés à l’importation.»

(9)  Voir les points 32 à 34 de l’arrêt de la Cour de justice européenne dans l’affaire C-510/99 (http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:61999CJ0510:FR:HTML)

(10)  En vertu du droit de l’Union, conformément à l’interprétation de la Cour de justice, les exceptions aux règles du droit de l’Union doivent toujours être interprétées strictement.

(11)  JO L 384 du 31.12.1982, p. 1.

(12)  JO L 166 du 19.6.2006, p. 1.

(13)  Le terme «trophée de chasse» est défini à l’article 1er, paragraphe 4 ter, du règlement (CE) no 865/2006.

(14)  JO L 142 du 6.6.2015, p. 3.

(15)  En ce qui concerne les importations de trophées de chasse de rhinocéros ayant eu lieu avant l’entrée en vigueur des dispositions relatives au permis d’importation, des informations sur les demandeurs peuvent être obtenues sur demande auprès des pays d’exportation.