28.12.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 487/30


Avis du Comité économique et social européen sur «La position du CESE sur des questions clés spécifiques soulevées dans le cadre des négociations sur le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI)»

(avis d’initiative)

(2016/C 487/05)

Rapporteur:

Philippe DE BUCK

Corapporteure:

Tanja BUZEK

Décision de l’assemblée plénière

21.1.2016

Base juridique

Article 29, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

Avis d’initiative

Compétence

Section REX

Adoption en section spécialisée

19.7.2016

Adoption en session plénière

21.9.2016

Session plénière no

519

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

213/23/17

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

En 2016, les négociations sur le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI) entrent dans une année critique. Les négociateurs principaux de l’Union européenne et des États-Unis ont déclaré qu’ils s’engageaient à accélérer les négociations dans le but de parvenir, avant la fin du mandat présidentiel américain en cours, à un accord politique ambitieux et global, définissant les «zones d’atterrissage» envisageables dans tous les domaines. Le Comité économique et social européen (CESE) a dès lors décidé d’élaborer un avis d’initiative sur des questions clés spécifiques soulevées dans le cadre du PTCI.

1.2.

Le présent avis ne formule pas d’observations sur l’éventuel accord final qui pourrait résulter des négociations entre l’Union européenne et les États-Unis. Néanmoins, il importe d’évaluer dans quelle mesure les positions de la société civile organisée européenne, telles qu’exprimées notamment dans les avis antérieurs du CESE, ont été prises en compte dans les propositions de l’Union européenne qui sont actuellement à la disposition du public. Cette démarche permettra d’établir la base d’un partenariat renforcé entre la Commission européenne et la société civile européenne dans l’élaboration de la politique commerciale de l’Union européenne.

1.3.

Le CESE, soulignant son rôle institutionnel, formule dès lors les recommandations ci-après.

1.4.    Coopération réglementaire

1.4.1.

Les négociations du PTCI créent une nouvelle dynamique de renforcement de la coopération réglementaire, assortie d’attentes plus élevées. Par conséquent, le Comité constate avec satisfaction que le chapitre proposé porte sur la poursuite d’objectifs de politique publique ainsi que d’un niveau élevé de protection dans un certain nombre de domaines définis. Le CESE se félicite également de la clarification explicite du fait que la fonction et la finalité de la structure institutionnelle pour la coopération réglementaire est d’apporter, sous contrôle démocratique, un soutien et des conseils aux décideurs; cette structure n’aura pas le pouvoir d’adopter des actes juridiques et ne remplacera aucune procédure de réglementation interne.

1.4.2.

Cependant, le Comité sollicite une définition plus claire du «fardeau» que représentent certaines réglementations et souligne que les réglementations qui protègent les droits des consommateurs, des travailleurs et de l’environnement ne devraient pas, en soi, être considérées comme un «fardeau».

1.4.3.

Le CESE demande également que le chapitre sur les bonnes pratiques réglementaires ne limite pas le droit des parties de réglementer ou d’instaurer des procédures équivalentes à celle qui régit, aux États-Unis, le signalement d’un projet et la prise en compte des commentaires qui s’y rapportent (notice-and-comment).

1.4.4.

En outre, le CESE demande à la Commission européenne de clarifier les modalités concernant la participation représentative des parties intéressées, en particulier des partenaires sociaux et des représentants de la société civile.

1.5.    Obstacles techniques au commerce (OTC) et mesures sanitaires et phytosanitaires (MSP)

1.5.1.

Le CESE estime que les propositions relatives à la normalisation, à la réglementation technique, au marquage et à l’étiquetage doivent être considérées comme autant d’intérêts offensifs importants de l’Union européenne. Il prend note des dispositions importantes en matière de transparence, mais préconise toutefois:

la prise en compte des préoccupations exprimées par les organismes européens de normalisation CEN et Cenelec concernant le risque lié à la reconnaissance mutuelle des normes volontaires,

l’approfondissement des travaux sur les exigences en matière de marquage et d’étiquetage.

1.5.2.

Pour ce qui est du chapitre consacré aux MSP, le CESE note qu’il se fonde sur l’accord sur l’application des MSP de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui inclut le principe de précaution. Toutefois, le CESE demande davantage de garanties concernant la non-modification de la législation alimentaire de l’Union européenne et le maintien par cette dernière des restrictions sur les hormones, les activateurs de croissance et les organismes génétiquement modifiés.

1.6.    Douanes et facilitation des échanges

1.6.1.

Le CESE reconnaît l’importance de la facilitation des échanges, notamment pour les petites entreprises, et se félicite du chapitre proposé par la Commission européenne. Il recommande cependant la poursuite de la simplification des régimes douaniers et la clarification des règles en matière de sanctions et de responsabilité en cas de violation de la législation douanière.

1.7.    Services

1.7.1.

Le CESE se félicite des engagements significatifs de l’Union européenne dans le cadre du chapitre sur les services et réitère son appel en faveur d’un accès accru au marché à l’échelle fédérale ainsi qu’au niveau des États, d’une coopération réglementaire renforcée (en reconnaissant que l’accès au marché en dépend aussi) et de la préservation des services publics conformément au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Le CESE réaffirme également que les services audiovisuels ne font pas partie de l’accord et ne devraient donc figurer dans aucun engagement. Il soutient également la décision de la Commission européenne de suspendre les négociations sur l’accès au marché des services financiers jusqu’à ce que les négociateurs états-uniens conviennent clairement d’engager des discussions sur la coopération réglementaire, dans le but d’accroître les niveaux de protection et la stabilité financière dans ce secteur. Le CESE demande aussi que l’exemption concernant les services d’utilité publique au sens large soit formulée de manière explicite et détaillée afin de garantir que l’accord ne s’applique pas à l’ensemble des services publics qui font l’objet d’une externalisation ou sont financés par l’État ou des organisations privées, avec ou sans but lucratif.

1.8.    Commerce et développement durable

1.8.1.

Le CESE approuve la portée globale et détaillée de la proposition de la Commission européenne concernant le commerce et le développement durable. Cependant, il rappelle que la valeur réelle de ces dispositions dépend principalement de la possibilité de les mettre en œuvre de manière efficace. Il appelle de ses vœux un mécanisme d’application efficace, ainsi qu’un solide système de suivi par la société civile. Le CESE n’est pas à même de commenter les mesures d’exécution concernant le chapitre sur le développement durable du PTCI, sachant que la publication des propositions de texte a été retardée. Il importe que la Commission européenne communique avec la société civile et les partenaires sociaux au sujet de ces propositions, afin de veiller à ce qu’elles soient conçues pour être efficaces dans la pratique. Le CESE se réserve la possibilité de commenter ces éléments lorsqu’ils seront rendus publics.

1.9.    Protection des investissements

1.9.1.

Le CESE se félicite des propositions visant à réformer le système de protection des investissements, ainsi que de l’objectif de création d’une juridiction multilatérale permanente des investissements qui remplace les tribunaux d’arbitrage privés. Il continue toutefois à voir d’importants points problématiques, exposés au paragraphe 8.8, auxquels il convient de remédier. Il invite également la Commission européenne à réaliser une évaluation d’impact portant aussi bien sur les coûts que sur le fonctionnement du nouveau système juridictionnel des investissements.

2.   Contexte

2.1.

Depuis le lancement des négociations sur le PTCI en juin 2013, le CESE a joué un rôle important dans la formulation des positions de la société civile organisée européenne en élaborant des avis sur des aspects précis des négociations sur le PTCI (1), sur la protection de l’investissement et le règlement des différends entre investisseurs et États (2), ainsi que sur l’impact du PTCI sur les petites et moyennes entreprises (PME) (3). Dans l’intervalle, la Commission européenne a publié son importante communication intitulée «Le commerce pour tous» (4), qui fixe les conditions des futurs traités en matière de commerce et d’investissement. Le CESE a soutenu, dans son avis (5), l’approche présentée dans la communication. Le Comité s’efforce également, en coopération avec les autres institutions de l’Union européenne, de contribuer à un débat éclairé sur le PTCI au sein de la société civile, par l’intermédiaire d’activités liées à ce thème. Il s’agit notamment d’organiser des auditions et des visites de membres du CESE aux États-Unis.

2.2.

Le CESE constate que les négociations sur le PTCI sont menées de manière plus transparente que les précédentes négociations en matière de commerce et d’investissement. Ce sont les premières pour lesquelles le mandat du Conseil ainsi que les positions et plusieurs propositions de texte de l’Union européenne ont été publiés. Un groupe consultatif a été créé, réunissant des experts qui représentent un large éventail d’intérêts (consommateurs, syndicats, entreprises, environnement et santé publique) dans le but de fournir aux négociateurs commerciaux de l’Union européenne des avis de très grande qualité dans les domaines faisant l’objet des négociations. Toutefois, le CESE déplore, compte tenu de son rôle consultatif, de ne pas avoir été formellement inclus dans ce groupe consultatif «Partenariat transatlantique» spécifique (6). La Commission européenne a créé une page internet consacrée au PTCI, qui comprend des fiches d’information et des guides de lecture, des documents de prise de position de l’Union européenne (qui exposent et décrivent l’approche générale de l’Union européenne sur un thème), des propositions de texte de l’Union européenne (c’est-à-dire ses premières propositions de texte juridique sur des sujets abordés dans le cadre du PTCI), et l’offre de l’Union européenne en matière d’accès au marché pour ce qui est des services. Le CESE approuve la proposition de la Commission européenne concernant la création d’un Forum de la société civile, qui sera composé de représentants d’organisations de la société civile indépendantes, dont des participants aux groupes consultatifs internes, en vue de mener un dialogue sur la mise en œuvre et l’application de l’accord.

2.3.

Le présent avis s’appuie sur les conclusions des avis antérieurs, qui demandaient à ce que les avantages du PTCI soient également répartis entre le monde des entreprises (y compris les PME), les travailleurs, les consommateurs et les citoyens, et à faire de la préservation des normes élevées en vigueur dans l’Union européenne une condition préalable à l’acceptation de l’accord. Le CESE juge important de commenter les positions et les propositions de texte de l’Union européenne déjà publiées pour un certain nombre de chapitres, afin d’examiner dans quelle mesure elles cadrent avec ces conditions préalables, ainsi que de recenser les principaux points d’intérêt et de préoccupation pour la société civile européenne. En particulier, le CESE a choisi de concentrer son analyse sur les propositions en matière de coopération réglementaire, y compris les bonnes pratiques réglementaires (rendues publiques le 21 mars 2016), les OTC et les MSP (publiées dans les deux cas en janvier 2015), les questions douanières et la facilitation des échanges (mises à disposition en janvier 2015 et modifiées en mars 2016), les services (publiées en juillet 2015), le développement durable (publiées en novembre 2015) et les investissements (publiées en novembre 2015). Le présent avis examine les documents publiés jusqu’au 14 juillet 2016.

2.4.

Il est à noter que la Commission européenne a publié, le 14 juillet 2016, une proposition concernant la composition institutionnelle de l’accord (7), qui porte notamment sur la création de groupes consultatifs internes (GCI), composés de représentants de la société civile et compétents pour conseiller les parties sur l’application de l’accord. Le Comité se réjouit que le mandat des GCI soit élargi en vue de couvrir toute question présentant un intérêt dans le cadre de l’accord, mais regrette que la réunion des deux GCI, qu’ils doivent prendre l’initiative d’organiser, ne soit pas explicitement mentionnée dans la proposition de l’Union européenne et que le Forum de la société civile ne puisse être convoqué que par la commission mixte. Les réunions du Forum de la société civile devraient permettre aux membres des deux GCI de travailler sur des recommandations communes aux parties.

2.5.

À cet égard, le CESE déplore profondément que, lorsque les négociations seront finalement menées sur la base de textes consolidés, le degré élevé de transparence atteint jusqu’à présent soit gravement compromis, sauf si les États-Unis acceptent de mettre les textes à la disposition du public ou, à tout le moins, du groupe consultatif de l’Union européenne. Par conséquent, le CESE demande à la Commission européenne de continuer à tout mettre en œuvre pour aborder cette question avec son homologue.

3.   Coopération réglementaire

3.1.

La coopération réglementaire, qui est l’un des trois piliers du PTCI (les deux autres étant l’accès au marché et les règles), se compose de quatre éléments: les aspects horizontaux (qui comprennent une partie sur la «cohérence réglementaire» ou les «bonnes pratiques réglementaires», d’une part, et une partie sur la «coopération réglementaire» entre les régulateurs, d’autre part), les obstacles techniques au commerce (OTC), la sécurité alimentaire et la santé animale et végétale (MSP), ainsi que des annexes sectorielles. L’objectif de la présente partie est de commenter le premier de ces éléments (les aspects horizontaux), tandis que la partie suivante traitera des OTC et des MSP.

3.2.

La coopération réglementaire a été reconnue comme l’un des principaux objectifs du PTCI, car elle pourrait jouer un rôle important pour faciliter le commerce et l’investissement ainsi qu’améliorer la compétitivité, notamment des petites entreprises. Les petites et moyennes entreprises, en particulier, espèrent l’ouverture de nouvelles possibilités, sachant qu’elles ne disposent pas, contrairement aux grandes entreprises, des ressources nécessaires pour évoluer dans différents environnements réglementaires des deux côtés de l’Atlantique. Dans le même temps, une compatibilité accrue des régimes de réglementation permettrait aux grandes entreprises de tirer parti des économies d’échelle entre l’Europe et les États-Unis.

3.3.

Les efforts en faveur d’une coopération réglementaire ne sont pas une nouveauté (8). Les négociations du PTCI créent une nouvelle dynamique de renforcement de la coopération réglementaire, assortie d’attentes plus élevées. Le CESE considère qu’il n’est pas facile d’estimer les avantages découlant du renforcement de la coopération réglementaire, principalement parce qu’ils seront fonction du degré de coopération qui sera convenu au cours des négociations. Selon les estimations du projet de rapport technique intermédiaire élaboré par la Commission européenne concernant l’évaluation de l’impact sur le développement durable, 76 % de l’incidence globale du PTCI seront le résultat de la coopération en matière de réglementation, contre 24 % pour la réduction tarifaire (9).

3.4.

Toutefois, le CESE considère qu’il importe de mettre en place une protection afin de garantir que le processus de coopération réglementaire n’est pas utilisé pour réduire les normes sociales, environnementales, de protection des consommateurs et de travail, mais qu’il vise au contraire à les améliorer. Si ces conditions étaient remplies, les avantages ne seraient pas seulement économiques mais pourraient également faciliter la tâche des régulateurs en ce qui concerne la réalisation des objectifs de politique publique.

3.5.

Pour le CESE, le maintien des niveaux élevés de protection en vigueur dans l’Union européenne constituait un élément fondamental. La proposition actuelle de l’article x1b du chapitre sur la coopération réglementaire porte sur la poursuite d’objectifs de politique publique et d’un niveau élevé de protection, notamment dans les domaines suivants: santé publique; santé humaine, animale et végétale; santé et sécurité; conditions de travail; bien-être des animaux; environnement; consommateurs; protection et sécurité sociales; données à caractère personnel et cybersécurité; diversité culturelle; et stabilité financière.

3.6.

Cependant, le CESE s’inquiète du fait que cela pourrait être mis à mal par l’article x1d qui énonce un objectif consistant à «réduire les exigences réglementaires qui représentent un fardeau inutile» (10). Le CESE s’inquiète du fait que ce libellé puisse être interprété en ce sens que les réglementations qui protègent les droits des consommateurs, du travail et de l’environnement sont un «fardeau» en soi.

3.7.

Par conséquent, le CESE souhaite réitérer avec force les déclarations selon lesquelles le maintien de normes élevées est une exigence fondamentale et que, outre son objectif d’accroître les possibilités commerciales, la coopération réglementaire devrait également améliorer la sécurité, la santé ainsi que le bien-être économique et social des citoyens des deux côtés de l’Atlantique. Dès lors, cet engagement devrait être réaffirmé en des termes très clairs et détaillés dans l’accord final. Le CESE est préoccupé par la proposition de l’Union européenne relative aux bonnes pratiques réglementaires. La coopération réglementaire devrait avoir pour objectif d’améliorer le dialogue entre régulateurs, pas d’influencer mutuellement les processus législatifs des partenaires. Le CESE demande à la Commission européenne de clarifier la section de sa proposition consacrée aux bonnes pratiques réglementaires.

3.8.

En ce sens, le CESE estime que la proposition actuelle concernant le chapitre sur les bonnes pratiques réglementaires, qui observe que les parties devront examiner des «alternatives non réglementaires (y compris l’option de ne pas réglementer) […] qui permettraient d’atteindre l’objectif de l’acte réglementaire», ne devrait pas être considérée comme limitant le droit de réglementer des parties. Pour plus de certitude, le texte de l’accord devrait préciser que cette disposition ne limite pas ce droit. Il note également que la procédure visée à l’article 6 relatif aux consultations des parties prenantes de la proposition ne devrait pas être assimilée à la procédure qui régit, aux États-Unis, le signalement d’un projet et la prise en compte des commentaires qui s’y rapportent (notice-and-comment).

3.9.

Pour le CESE, le développement du commerce doit dès lors conserver son statut d’objectif central. Il est important que les négociations relatives au PTCI défendent la suppression des obstacles inutiles au commerce (11).

3.10.

Le CESE se réjouit que l’actuelle proposition de la Commission européenne précise explicitement que la fonction et l’objectif de la structure institutionnelle visent à fournir un soutien et des conseils aux décideurs sous le contrôle démocratique du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne (12). Le processus ordinaire d’élaboration des politiques ne doit pas être fragilisé, et il convient d’éviter les retards ou les gels réglementaires. Le CESE se félicite de l’article 1er proposé, qui réaffirme à la fois le droit de réglementer et celui d’établir les niveaux de protection. Il est toutefois crucial que la proposition définisse la composition et les règles de procédure des différents comités et groupes. Le CESE invite la Commission européenne à assurer la cohérence et l’homogénéité entre les chapitres portant sur la coopération horizontale en matière de réglementation, ceux concernant les OTC et les MSP, et les annexes sectorielles.

3.11.

Les dialogues qui se déroulent au début du processus réglementaire augmentent les chances de cerner des solutions politiques comprenant des considérations transfrontières, et seront donc prévus. L’association des parties intéressées par l’intermédiaire d’une procédure transparente, qui est l’un des principes fondamentaux d’un bon processus législatif au sein de l’Union européenne, doit faire l’objet d’une description détaillée dans la proposition de la Commission européenne. Pour que la coopération réglementaire permette d’obtenir des résultats inclusifs et des propositions pour les régulateurs, il doit y avoir une participation structurée et équilibrée des parties prenantes, notamment des entreprises, des consommateurs, des groupes d’intérêt en matière d’environnement, et des travailleurs.

3.12.

Pour que des progrès précis se concrétisent, des consultations précoces sur l’activité réglementaire entre les régulateurs européens et américains doivent être prévues. Les discussions à un stade précoce dans le processus d’élaboration des politiques devraient augmenter le potentiel de créer des règles d’interopérabilité à l’avenir et de permettre aux acteurs du marché de se conformer simultanément aux deux régimes. Cependant, les régulateurs doivent considérer comme volontaires le dialogue et la réponse à des observations de leurs homologues ou de toute personne intéressée, afin d’éviter tout gel réglementaire.

3.13.

Le CESE demande à la Commission européenne de clarifier les modalités concernant à la fois le dialogue susmentionné et la participation représentative des parties intéressées, en particulier les partenaires sociaux et les représentants de la société civile. Il doit être clairement garanti que les parties prenantes concernées auront la possibilité de contribuer à un dialogue transparent au moyen d’une procédure bien définie, rendant obligatoire l’égalité de traitement et permettant d’éviter des retards dans le processus réglementaire. Du côté de l’Union européenne, le registre de transparence devrait être pris en compte dès lors qu’il s’agit de déterminer la pertinence et la représentativité des parties prenantes.

4.   Questions relatives aux OTC et aux MSP

4.1.

Le CESE se réjouit que l’accord de l’OMC sur les OTC soit intégré tel quel dans la proposition. Par ailleurs, le chapitre proposé concernant les OTC traite les exigences techniques (normes et règlements techniques) et les exigences en matière d’évaluation de la conformité. Le CESE estime que les propositions relatives à normalisation, à la réglementation technique, au marquage et à l’étiquetage doivent être considérées comme autant d’intérêts offensifs importants de l’Union européenne. Il importe que l’on n’utilise pas ces propositions pour remettre en question des réglementations indispensables en matière de sécurité, de santé et de protection sociale.

4.2.

Le CESE prend acte des importantes dispositions relatives à la transparence: il réitère l’obligation de notifier les mesures à l’OMC, de communiquer des informations à l’autre partie, de donner la possibilité de formuler des observations écrites et d’apporter des réponses à ces observations. Il prévoit en outre la publication de l’ensemble des réglementations techniques applicables dans un registre, qu’elles soient nouvelles ou existantes, ainsi que des normes mentionnées dans des réglementations techniques (sachant que l’immense majorité des normes sont appliquées par l’industrie, mais ne sont pas «citées» — appliquées — par les régulateurs dans les réglementations techniques).

4.3.

En ce qui concerne la normalisation, le CESE salue la coopération entre les organismes de normalisation, de même que les principes de reconnaissance mutuelle limitée. Toutefois, le CESE a pris note des préoccupations exprimées par le CEN/Cenelec sur les risques de la reconnaissance mutuelle de normes volontaires dans le cadre du PTCI. Le CESE demande à la Commission européenne d’examiner les propositions des organismes de normalisation de l’Union européenne, et de veiller à ce que les intérêts de l’Union soient préservés. Même la garantie que tous les acteurs concernés pourraient contribuer à l’élaboration de nouvelles normes est importante.

4.4.

Les systèmes de normalisation américain et européen diffèrent considérablement l’un de l’autre. En particulier, le principe selon lequel «un produit = une norme acceptée partout», qui représente un pilier du marché unique de l’Union européenne, n’existe pas aux États-Unis. En Europe, au moment de l’adoption d’une nouvelle norme, les normes nationales entrant éventuellement en contradiction avec elle sont supprimées; aux États-Unis, différentes normes coexistent sur le marché, ce qui complique les choses pour les PME qui ont du mal à comprendre laquelle correspondrait le mieux à leur gamme de produits. Dans le but d’augmenter la transparence et de faciliter les démarches des petites entreprises, il est essentiel de créer un service d’assistance (helpdesk) du côté américain, qui apporterait de l’aide aux entreprises de l’Union européenne souhaitant exporter leurs produits sur le marché américain. Il s’agit souvent de petites entreprises dont les ressources sont limitées, mais disposant d’un haut niveau de spécialisation sur un marché de niche qui est à l’origine de leur compétitivité.

4.5.

Le CESE regrette que des domaines clés comme la sécurité électrique, la compatibilité électromagnétique, les machines et les télécommunications, dans lesquels l’Union européenne possède un intérêt offensif manifeste, font partie des domaines de priorité à considérer ultérieurement; ils devraient figurer parmi les résultats référencés spécifiques concernant l’évaluation de la conformité découlant des négociations.

4.6.

De même, le CESE déplore que dans la partie consacrée au marquage et à l’étiquetage, aucun domaine prioritaire n’ait été déterminé pour les travaux futurs et qu’il n’y ait d’espace réservé ni pour le calendrier de la future révision des exigences en matière de marquage et d’étiquetage, ni pour les résultats découlant des négociations dans des secteurs particuliers.

4.7.

Le chapitre proposé en ce qui concerne les MSP s’appuie sur l’accord sur les MSP de l’OMC, et commente le texte proposé par l’Union européenne pour discussion avec les États-Unis lors du cycle de négociations qui s’est tenu du 29 septembre au 3 octobre 2014, et a été rendu public le 7 janvier 2015.

4.8.

L’accord sur les MSP de l’OMC, qui régit l’application des dispositions concernant la santé animale et végétale, inclut le principe de précaution (article 5, paragraphe 7), qui est désormais également inscrit dans le traité de Lisbonne. Cet élément ne peut pas être négociable et ne devrait donc pas faire partie de l’accord. Dès lors, le CESE se félicite vivement des assurances données par l’Union européenne sur le fait que le PTCI ne modifierait en rien la législation alimentaire existante, que l’Union européenne maintiendrait ses restrictions sur les hormones et les activateurs de croissance dans la viande, et que le PTCI ne modifierait pas la législation de l’Union en matière d’organismes génétiquement modifiés.

5.   Douanes et facilitation des échanges

5.1.

Comme les échanges de marchandises représentent une grande partie du commerce transatlantique, tout effort visant à améliorer les procédures douanières aura une forte incidence sur les échanges bilatéraux, notamment pour les petites entreprises.

5.2.

Le CESE accueille favorablement les propositions complémentaires visant à faciliter les procédures douanières, et notamment à: mettre en place un guichet unique des deux côtés de l’Atlantique, améliorer la coordination en matière de normes internationales et élaborer un programme de partenariat sur la facilitation des échanges; harmoniser et aligner les données, et s’engager à évaluer quelles données il y a lieu d’aligner; étendre les responsabilités du comité mixte de coopération douanière, afin qu’il agisse en tant que «comité douanier spécialisé» dans un certain nombre de domaines à définir et de décisions anticipées.

5.3.

Le CESE demande à la Commission européenne d’éclaircir les éléments qui revêtent une importance particulière pour les entreprises de l’Union européenne et ne sont pas encore clairement définis dans le texte disponible, tels que la «valeur de minimis», la suppression de tous les frais supplémentaires, ainsi que la question des sanctions et de la responsabilité en cas d’infraction à la législation douanière.

6.   Services

6.1.

Dans son offre sur les services, l’Union propose des engagements significatifs dans des secteurs qui sont essentiels pour stimuler la compétitivité et la croissance de l’Europe (dans les domaines du numérique et des télécommunications), accélérer l’intégration des chaînes de valeur mondiales (transports, services de messagerie, services aux entreprises et services professionnels) ou qui concernent des secteurs économiques cruciaux (construction, distribution, énergie).

6.2.

Le CESE note également avec satisfaction que la proposition de l’Union européenne contient un cadre destiné à faciliter un régime équitable, transparent et cohérent pour la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles par les parties et définit les conditions générales pour la négociation d’accords de reconnaissance mutuelle, qui sont d’une importance capitale pour garantir aux prestataires de services de l’Union européenne un meilleur accès au marché.

6.3.

Le CESE rappelle trois aspects principaux liés aux services: la nécessité d’accroître l’accès au marché à l’échelon fédéral comme à l’échelon de l’État; la reconnaissance du fait que l’accès au marché dépend aussi de l’amélioration de la coopération réglementaire; la nécessité de préserver le caractère spécifique des services publics, conformément au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

6.4.

Le CESE souligne que la Commission européenne devrait garantir qu’en matière de services, le PTCI aille au-delà des accords existants tels que l’accord général sur le commerce des services (AGCS) et l’accord sur le commerce des services (ACS), et que des accords spécifiques soient conclus afin de lever les nombreux obstacles discriminatoires existants aux États-Unis.

6.5.

Le CESE souligne que la Commission européenne devrait prendre tout particulièrement en compte la question qui concerne le déséquilibre de l’accès au marché: les entreprises américaines peuvent bénéficier du marché unique européen, tandis que les sociétés de l’Union européenne sont face à un marché américain fragmenté, du fait qu’un grand nombre de secteurs des services sont réglementés à l’échelon des États. Le CESE attire l’attention sur le fait que le maintien, par les États-Unis, de l’obligation de visa pour les ressortissants de certains États membres, alors que les citoyens américains n’ont pas besoin de visa pour se rendre dans l’Union européenne, constitue à l’égard des citoyens européens un traitement discriminatoire qui est préjudiciable aux relations bilatérales.

6.6.

Le CESE souhaite formuler les observations suivantes au sujet de certains secteurs en particulier:

les services audiovisuels ne font pas partie de l’accord et ne devraient donc figurer dans aucun engagement,

l’accès au marché des services financiers devrait être suspendu jusqu’à ce que les négociateurs américains conviennent clairement d’entamer des discussions au sujet de la coopération réglementaire. Cette coopération devrait avoir pour objectif de renforcer les niveaux de protection et la stabilité financière,

il importe de protéger intégralement les services publics qui garantissent les normes élevées existantes de la fourniture de services essentiels et sensibles aux citoyens. Dans cette optique, des exemptions claires et définies de manière large devraient être mises en place.

6.7.

En ce qui concerne les services publics, l’avis du CESE sur «Le commerce pour tous» a fait valoir que «le meilleur moyen [de] parvenir [à les protéger dans les accords commerciaux] consiste à recourir à une liste positive en ce qui concerne tant l’accès au marché que le traitement national». Toutefois, la proposition actuelle de l’Union européenne portant sur les services dans le PTCI adopte une approche «hybride» inédite pour établir une liste de services, qui pourrait être source de grandes incertitudes.

6.8.

À l’annexe III, qui concerne l’accès au marché, figure une liste positive qui reprend la même formulation que la liste AGCS de l’Union européenne, selon laquelle «il existe des services collectifs dans des secteurs tels que les services de conseil dans des domaines scientifiques et techniques, les services de recherche et développement en sciences sociales et humaines, les services d’essais et d’analyses techniques, les services relatifs à l’environnement, les services de santé, les services de transport et les services auxiliaires de tous les modes de transport. Des droits exclusifs sur ce genre de services sont souvent accordés à des opérateurs privés, notamment à des opérateurs ayant obtenu des concessions de la part de pouvoirs publics et qui sont soumis à des obligations de service spécifiques. Comme les entreprises de service public sont également souvent présentes au niveau régional, il n’est pas possible d’en dresser une liste détaillée et exhaustive par secteur» (13). Toutefois, la «clause d’utilité publique», qui permet de préserver les monopoles, présente plusieurs lacunes, dont celle de ne pas couvrir les limitations telles que les examens des besoins économiques ou les quotas. Le CESE souhaite insister sur le fait que l’exemption concernant les services d’utilité publique doit s’appliquer à l’ensemble des modes de fourniture.

6.9.

Le CESE demande que, à l’annexe III, l’exemption concernant les services d’utilité publique soit formulée de manière explicite et détaillée afin de garantir que l’accord ne s’applique pas à l’ensemble des services publics qui font l’objet d’une externalisation ou sont financés par l’État ou des organisations privées, avec ou sans but lucratif.

6.10.

Bien que les clauses de suspension et d’ajustement ne s’appliquent pas à l’annexe II, le CESE redoute que les négociations puissent aboutir à ce que les réserves de l’Union européenne qui sont actuellement énumérées dans cette annexe soient déplacées à l’annexe I, empêchant ainsi la remise en cause de la libéralisation. À cet égard, le CESE soutient l’affirmation du rapport consultatif élaboré par le Conseil économique et social néerlandais, selon laquelle «les gouvernements doivent conserver la liberté de déclarer que certains services, désignés selon leur propre préférence, sont “d’intérêt général”» (14).

6.11.

Le CESE est également préoccupé par le fait que toute réglementation publique régissant un service qui n’est pas correctement mentionné par la liste figurant dans les annexes I et II risque d’être contestée par le gouvernement des États-Unis dans le cadre d’une procédure contentieuse d’État à État pour rupture des clauses de traitement national ou de la nation la plus favorisée, ou par le biais du système juridictionnel des investissements.

6.12.

Le CESE déplore que, par rapport à d’autres chapitres, l’accès au marché des services se trouve négligé et invite la Commission européenne à intensifier ses efforts pour éliminer les derniers obstacles à l’accès au marché américain. Les États-Unis continuent à imposer une interdiction totale en matière de transport maritime. Il existe des plafonds de participation, fixés par exemple à 25 % dans le secteur du transport aérien et à 20 % dans celui des télécommunications, ainsi que des obstacles non négligeables à l’intérieur des frontières, notamment dans les secteurs des télécommunications et des satellites. Une très longue liste de critères de citoyenneté est appliquée, par exemple dans les domaines de la banque, des assurances et de la comptabilité. Il existe des exigences de résidence pour les services juridiques, de comptabilité, d’ingénierie et d’assurance. Une présence locale est également exigée par exemple pour les services juridiques, la comptabilité et l’assurance, ainsi qu’une exigence de forme juridique, notamment dans le domaine des assurances.

7.   Développement durable

7.1.

Le PTCI offre aux parties l’occasion de promouvoir le développement durable par le commerce et d’aller au-delà de tout autre accord commercial conclu par l’une ou l’autre d’entre elles en ce qui concerne les objectifs de développement durable. Dans ses avis REX/390 et REX/449 (15), le CESE demandait l’inclusion d’un solide chapitre sur le commerce et le développement durable, défini comme une composante essentielle de l’accord, et se félicite dès lors du champ d’application complet et détaillé de la proposition de la Commission européenne. Cependant, le CESE estime que la valeur réelle de ces dispositions dépend principalement de la possibilité qu’elles soient en fin de compte mises en œuvre, et ce, de manière efficace.

7.2.

L’avis REX/390 indiquait que tout accord devra absolument intégrer un mécanisme efficace de suivi conjoint par la société civile. Par conséquent, le CESE soutient pleinement la déclaration de la commissaire Malmström selon laquelle le chapitre sur le développement durable doit prévoir des mécanismes d’application efficaces (16). De même, le CESE soutient les recommandations du rapport consultatif du Conseil économique et social néerlandais et du Conseil économique, social et environnemental français concernant la «capacité d’imposer, si nécessaire, des sanctions efficaces aux parties» (17).

7.3.

Le CESE félicite la Commission européenne pour son profond engagement en faveur de normes élevées en matière de travail et d’environnement. Le CESE se réjouit que le préambule de l’accord ainsi qu’un article spécifique du chapitre sur le développement durable réitèrent le droit de réglementer et de fixer des niveaux de protection élevés.

7.4.

Le CESE avait invité les parties à réaffirmer leur engagement de mettre en œuvre de manière effective leur législation sur le travail et de veiller à son application, ainsi que de respecter les obligations découlant de leur adhésion à l’Organisation internationale du travail (OIT). Par conséquent, le CESE accueille favorablement l’inclusion de dispositions contraignantes sur la protection des normes fondamentales du travail, telles que la liberté d’association et le droit de négociation collective par la création de syndicats et l’adhésion à ces organisations, l’élimination du travail forcé ou obligatoire, l’abolition effective du travail des enfants, ainsi que l’égalité des chances et la non-discrimination en matière d’emploi et de profession. Par ailleurs, le CESE se félicite de la mention supplémentaire de l’engagement des parties à garantir des conditions de travail décentes, ainsi que la santé et la sécurité au travail. Afin de rendre contraignantes ces dispositions relatives au développement durable, une «approche en trois étapes» doit être suivie avec une consultation des pouvoirs publics, des groupes consultatifs nationaux et des groupes d’experts, faisant intervenir l’OIT et la disposition de l’accord relative au mécanisme général de règlement des différends.

7.5.

En ce qui concerne les aspects environnementaux, l’ajout d’une disposition sur le commerce en rapport avec la gestion écologiquement rationnelle des produits chimiques et des déchets coïncide parfaitement avec les préoccupations de la société civile. Le CESE approuve donc le fait que l’accord comprenne des dispositions visant à prévenir ou à réduire autant que possible les effets néfastes des substances chimiques et des déchets sur la santé humaine et l’environnement. De même, le CESE salue l’engagement des parties en faveur de la gestion durable des forêts et de la reconnaissance mutuelle de l’incidence négative considérable de la pêche illicite, non déclarée et non réglementée.

7.6.

La disposition concernant la coopération entre les parties sur les aspects liés au commerce des politiques en matière de travail et d’environnement est opportune dans la proposition. Le CESE est favorable à ce que soit reconnue l’importance de la coopération en vue de promouvoir le travail décent dans les chaînes d’approvisionnement mondiales, ainsi que d’élaborer des stratégies et des politiques visant à encourager la contribution du commerce à l’utilisation efficace des ressources, à l’économie verte et à l’économie circulaire (18).

7.7.

Le CESE appuie l’objectif de protéger les droits des travailleurs et l’environnement grâce à un code de conduite, à des régimes standard, à l’étiquetage, à la certification, à la vérification et à d’autres politiques d’entreprise connexes.

7.8.

Un comportement responsable des entreprises, à l’image de la responsabilité sociale des entreprises, peut contribuer aux objectifs de durabilité. Le CESE juge souhaitable que le chapitre sur le développement durable comprenne des références explicites aux principes directeurs de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à l’intention des entreprises multinationales, au pacte mondial des Nations unies, à la norme ISO 26000, à la déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale de l’OIT, ainsi qu’aux principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme.

7.9.

Le CESE note que la proposition de texte de l’Union européenne ne comprend pas d’éléments liés au règlement des différends, qui seront traités ultérieurement, et se réserve la possibilité de commenter ces éléments lorsqu’ils seront rendus publics.

7.10.

Afin de soutenir la mise en œuvre de l’engagement des parties à promouvoir le commerce international de manière à contribuer à l’objectif de poursuivre un développement durable, le CESE préconise un mécanisme d’application fondé sur le dialogue social. Le CESE accueille favorablement les propositions de la Commission européenne relatives à la mise en place de groupes consultatifs internes, au sein desquels seraient représentés de manière équilibrée les groupes de la société civile; défendant de façon proportionnée les intérêts des entreprises, des travailleurs, des consommateurs, de l’environnement et de la santé publique, ces groupes pourraient soumettre des avis ou des recommandations sur la mise en œuvre du PTCI (19). L’expérience acquise avec les accords en vigueur montre que, pour garantir l’efficacité de tels mécanismes de suivi, il importe que les recommandations formulées par les organes de surveillance donnent lieu à une enquête menée par les institutions européennes, et qu’elles soient liées à un processus d’application.

8.   Investissements

8.1.

Le CESE constate que la Commission européenne a proposé un texte visant à instaurer un système juridictionnel des investissements, qui introduit une réforme procédurale créant un nouveau système pour remplacer le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE). Il se compose de deux éléments, les dispositions substantielles relatives à la protection des investissements, et le fonctionnement de ce système qui vise à régler les différends entre les investisseurs et les États. Il comporte également une introduction qui fournit des définitions spécifiques à la protection des investissements.

8.2.

Comme le demandait l’avis REX/390, des définitions plus détaillées sont fournies concernant «le droit de réglementer», «l’expropriation indirecte» et «le traitement juste et équitable». Il s’agit des conditions à remplir pour réguler une procédure de règlement d’un différend entre un État et un investisseur. Ces éclaircissements sont dans l’intérêt du droit des parties à réglementer en faisant primer l’intérêt général par rapport à la protection de l’investisseur.

8.3.

Le CESE souligne que les définitions figurant dans l’accord, en particulier le droit de réglementation, devraient être dépourvues d’ambiguïtés et garantir le droit de l’État à conserver et à instaurer des normes strictes, notamment en matière de protection sociale, de protection de l’environnement et de protection des consommateurs, tout en garantissant une protection adéquate et légitime des investisseurs à l’égard du protectionnisme et de la discrimination. Le CESE salue le fait qu’un article spécifique ait été intégré dans le corps de l’accord, en plus de son préambule. Le droit de réglementation dans le domaine de la protection sociale devrait mentionner explicitement les conventions collectives, y compris les conventions tripartites et/ou générales (erga omnes), afin d’exclure la possibilité qu’elles soient soumises à interprétation, en violation des attentes légitimes d’un investisseur. Les conditions de travail et de rémunération fixées dans le cadre de ces conventions peuvent ne pas être considérées comme des obstacles non tarifaires au commerce.

8.4.

Cependant, le CESE reconnaît que les changements les plus significatifs ont été apportés aux aspects procéduraux du règlement des différends. Le système d’arbitrage a été transformé en un système judiciaire doté d’un tribunal, dans lequel les arbitres ad hoc qui étaient désignés par les parties au litige sont remplacés par des juges figurant dans un registre permanent et nommés par les parties à l’accord. Ces changements rendent ce système plus institutionnalisé. Le CESE invite les parties à veiller à ce que le système juridictionnel des investissements soit pleinement opérationnel dès la ratification du traité, que les juges bénéficient d’une légitimité démocratique et qu’ils soient nommés selon une modalité qui élimine tout risque de politisation du système judiciaire, mais aussi tout risque de conflits d’intérêts.

8.5.

Le CESE est heureux de souligner qu’un code de conduite strict est introduit afin de garantir l’impartialité et d’éviter les conflits d’intérêts. Une cour d’appel est également mise en place pour juger les sentences du tribunal, en réponse aux critiques légitimes formulées à l’égard du RDIE. En outre, la transparence est garantie étant donné que les dispositions de la Cnudci s’appliqueraient aux litiges.

8.6.

S’il accueille favorablement les améliorations qui ont été apportées en vue de réformer le système, le CESE continue à voir d’importants points problématiques auxquels il convient de remédier.

8.7.

Le CESE reconnaît en outre que des inquiétudes liées à la mise en œuvre du nouveau système persistent et qu’elles varient selon les acteurs. Le CESE invite la Commission européenne à prendre davantage en compte ces inquiétudes dans ses efforts permanents visant à améliorer le système de règlement des différends liés aux investissements.

8.8.

Certaines de ces inquiétudes peuvent être résumées comme suit:

la nécessité de trouver le juste équilibre entre des politiques publiques légitimes et les normes de protection des investissements en termes de «traitement juste et équitable» et de «protection contre les expropriations indirectes», en s’appuyant sur des définitions claires qui limitent le risque d’interprétation trop extensive,

une liste très limitée des objectifs politiques légitimes, tels que la protection de la santé publique, de la sécurité, de l’environnement et de la moralité publique, la protection sociale ou celle du consommateur, ou la promotion et la protection de la diversité culturelle, qui sont liés au droit de réglementer,

pas d’exclusion explicite des règlements s’appliquant à l’organisation ou la fourniture de services publics,

l’exclusion totale du manque à gagner lors du calcul de la compensation pour les investissements réalisés,

la mise en œuvre du principe du «perdant payeur» qui pourrait empêcher une entreprise, en particulier une PME, de faire usage du système,

la nécessité de se référer aux obligations des investisseurs énoncées dans la déclaration de l’OIT sur les entreprises multinationales, les principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, et les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales,

un certain manque de clarté quant à la manière dont les jugements seront reconnus et exécutés par les tribunaux nationaux, et leur lien avec la convention de New York pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères ou les règles du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI). Ce point est à préciser, étant donné que les investisseurs se heurtent déjà à des problèmes d’application dans le système actuel,

la nécessité d’évaluer attentivement la compatibilité du système juridictionnel des investissements avec le cadre juridique de l’Union européenne,

l’absence d’une réelle indépendance des juges car, dans la nouvelle proposition, ils restent autorisés à travailler, dans certains cas, comme juristes d’entreprise,

la nécessité de tenir compte des recommandations du projet de rapport technique intérimaire de l’EIDD sur le PTCI afin d’exclure que des services publics puissent être mis en cause dans le cadre du système juridictionnel des investissements (20).

Le CESE invite la Commission européenne à mobiliser la société civile et la communauté juridique européenne pour répondre à ces préoccupations.

8.9.

De plus, certains acteurs remettent en question la nécessité d’un système d’arbitrage des investissements distinct si les systèmes juridiques nationaux fonctionnent correctement et sont très développés (21).

8.10.

En conclusion, le CESE estime que la proposition de la Commission européenne concernant le système juridictionnel des investissements est un pas dans la bonne direction, mais que pour fonctionner comme un organe judiciaire international indépendant, ce système doit encore être amélioré dans un certain nombre de domaines. Le Comité regrette que le système ait été proposé sans qu’un processus de consultation complet et adéquat ait été mené et avant une évaluation d’impact préalable portant à la fois sur ses coûts et son fonctionnement, et demande à la Commission européenne d’élaborer une telle analyse d’impact.

Bruxelles, le 21 septembre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Voir l’avis d’initiative du CESE sur «Les relations commerciales transatlantiques et le point de vue du CESE sur l’amélioration de la coopération et un éventuel accord de libre-échange entre l’Union européenne et les États-Unis» (JO C 424 du 26.11.2014, p. 9).

(2)  Voir l’avis d’initiative du CESE sur la protection des investisseurs et le règlement des différends entre investisseurs et États dans les accords de commerce et d’investissement de l’UE avec des pays tiers (JO C 332 du 8.10.2015, p. 45).

(3)  Voir l’avis d’initiative du CESE sur «Le PTCI et son impact sur les PME» (JO C 383 du 17.11.2015, p. 34).

(4)  Communication de la Commission européenne intitulée «Le commerce pour tous — Vers une politique de commerce et d’investissement plus responsable» [COM(2015) 497 final].

(5)  Voir l’avis du CESE sur le thème «Le commerce pour tous — Vers une politique de commerce et d’investissement plus responsable» (JO C 264 du 20.7.2016, p. 123).

(6)  Voir la note 5 de bas de page.

(7)  Voir http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2016/july/tradoc_154802.pdf

(8)  Par exemple le Conseil économique transatlantique (CET) mis en place en 2007, le Forum de coopération de haut niveau et le Forum de haut niveau pour la coopération réglementaire.

(9)  Ecorys, «Trade SIA on the Transatlantic Trade and Investment Partnership (TTIP) between the EU and the USA — Draft Interim Technical Report» [«Évaluation de l’impact du commerce sur le développement durable du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI) entre l’Union européenne et les États-Unis — Projet de rapport technique intérimaire»], p. 18 (http://www.trade-sia.com/ttip/wp-content/uploads/sites/6/2014/02/TSIA-TTIP-draft-Interim-Technical-Report.pdf).

(10)  Proposition de texte révisée de l’Union européenne en matière de coopération réglementaire, rendue publique le 21 mars 2016 (http://trade.ec.europa.eu/doclib/html/154377.htm).

(11)  Sociaal-Economische Raad (SER — Conseil économique et social néerlandais), rapport consultatif 16/04E sur le PTCI (https://www.ser.nl/~/media/files/internet/talen/engels/2016/ttip.ashx).

(12)  Voir l’avis du Conseil économique, social et environnemental français sur «Les enjeux de la négociation du projet de Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement (PTCI)»

(http://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2016/2016_01_projet_partenariat_transtlantique.pdf).

(13)  Services and Investment offer of the European Union (Proposition de l’Union européenne portant sur les services et les investissements) (http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2015/july/tradoc_153670.pdf).

(14)  Voir la note 11 de bas de page.

(15)  Voir la note 5 de bas de page.

(16)  Déclaration de la commissaire Malmström du 17 novembre 2015, http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2015/november/tradoc_153968.pdf

(17)  Voir les notes 12 et 11 de bas de page.

(18)  Voir l’avis d’initiative du CESE sur le thème «Un travail décent dans les chaînes d’approvisionnement mondiales» (JO C 303 du 19.8.2016, p. 17).

(19)  Voir la note 7 de bas de page.

(20)  Ecorys, «Trade SIA on the Transatlantic Trade and Investment Partnership (TTIP) between the EU and the USA — Draft Interim Technical Report» [«Évaluation de l’impact du commerce sur le développement durable du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI) entre l’Union européenne et les États-Unis — Projet de rapport technique intérimaire»], p. 144 (http://www.trade-sia.com/ttip/wp-content/uploads/sites/6/2014/02/TSIA-TTIP-draft-Interim-Technical-Report.pdf).

(21)  Voir par exemple la position de la CES sur la proposition de la Commission européenne visant à inclure un système juridictionnel des investissements dans le PTCI et l’AECG (https://www.etuc.org/fr/documents/etuc-position-commissions-proposal-investment-court-system-ttip-and-ceta#.V3S6_dKNh8w).