Bruxelles, le 15.12.2016

COM(2016) 794 final

RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL

sur l’efficacité de la recommendation 2014/70/UE relative aux principes minimaux applicables à l’exploration et à la production d’hydrocarbures (tels que le gaz de schiste) par fracturation hydraulique à grands volumes


1.    Introduction

En janvier 2014, la Commission a adopté une communication et une recommandation 1 relatives à l’exploration et à la production d’hydrocarbures (tels que le gaz de schiste) par fracturation hydraulique à grands volumes (FHGV). En complément de la législation européenne existante, la recommandation définit des principes minimaux pour ces activités, en vue d’aider à protéger la santé publique, le climat et l’environnement, en utilisant les ressources de façon efficiente et en informant le public. Les États membres qui ont choisi de mener ce type d’activités ont été priés de mettre la recommandation en œuvre avant le 28 juillet 2014. La recommandation proposait que la Commission évalue son efficacité dix-huit mois après sa publication.

2.    État actuel de l’exploitation d’hydrocarbures au moyen de techniques de stimulation des puits et de récupération assistée dans l’Union européenne

Une enquête 2 menée dans les États membres a révélé que onze 3 d’entre eux avaient délivré, ou prévoyaient de délivrer, des autorisations d’exploitation d’hydrocarbures susceptibles de faire intervenir la FHGV. Les autres États membres ne possédaient pas de ressources connues ou avaient prononcé des moratoires ou des interdictions. La plupart des États membres intéressés par l’exploitation du gaz de schiste en sont au stade de la planification ou sont en train de délivrer des permis pour les projets d’exploration. En tout, environ quatre-vingts puits d’exploration ont été forés, dont au moins seize ont été fracturés à l’aide de grands volumes de fluides 4 .

Contrairement à celle du gaz de schiste, l’exploitation du gaz de houille en est déjà au stade de la production. Les États membres ont délivré des permis pour au moins 137 puits, en vue de l’exploration ou de la production de gaz de houille 5 . La production de gaz de houille n’exige pas nécessairement de recourir à la fracturation hydraulique mais nécessite le pompage de grands volumes d’eau, d’où un risque potentiellement plus élevé de contamination des nappes souterraines.

L’extraction de gaz de réservoir compact suit des procédés qui sont comparables à ceux utilisés pour le gaz de schiste. Ces dernières décennies, plus de 600 puits de gaz de réservoir compact ont été forés et fracturés hydrauliquement dans les États membres et au large de ceux-ci 6 . En général, les volumes nécessaires à la fracturation hydraulique pour l’exploitation du gaz de réservoir compact sont inférieurs aux volumes requis pour le gaz de schiste.

Dans le cas des puits de gaz ou de pétrole conventionnels, le recours à la fracturation hydraulique n’est pas nécessaire pour générer un écoulement lors de la phase de récupération primaire. Néanmoins, les techniques de récupération assistée sont de plus en plus appliquées dans l’Union européenne à mesure que les gisements s’épuisent, de manière à prolonger la durée de la production. Ces techniques, en évolution constante, peuvent entraîner l’injection de vapeur, de gaz ou d’autres substances chimiques dans les puits 7 . Onze États membres en tout 8 ont confirmé avoir délivré ou envisager de délivrer des autorisations d’extraction de pétrole et de gaz conventionnels au moyen de techniques de stimulation des puits ou de récupération assistée 9 .

3.    Efficacité de la recommandation

La présente évaluation vise à apprécier l’efficacité de la recommandation concernant:

la prévention, la maîtrise et la réduction des incidences et des risques environnementaux;

la garantie d’une sécurité juridique et d’une prévisibilité aux autorités compétentes et aux exploitants;

la réponse aux inquiétudes du grand public;

la prise en considération du progrès technique et le recours à d’autres techniques que la FHGV.

Les États membres ont été invités à informer la Commission des mesures qu’ils avaient mises en place en 2014 et en 2015 en réponse à la recommandation.

L’évaluation s’est appuyée sur les études 10 et processus consultatifs suivants:

une étude sur l’application de la recommandation et des dispositions législatives européennes pertinentes, comprenant des entretiens avec les parties prenantes;

des études sur la gestion des incidences et des risques environnementaux de l’extraction de pétrole et de gaz au moyen de techniques de récupération assistée, ainsi que de l’extraction de gaz et de pétrole de réservoir compact et de gaz de houille;

une conférence des parties prenantes sur les combustibles fossiles non conventionnels;

une enquête Eurobaromètre Flash 11 sur l’attitude des citoyens dans les régions européennes où des projets liés au gaz de schiste ont été autorisés ou sont susceptibles de voir le jour; et

les observations des États membres lors des réunions du groupe de travail technique sur les aspects environnementaux des combustibles fossiles non conventionnels.

3.1.    Efficacité de la recommandation concernant la prévention, la maîtrise et la réduction des incidences et des risques environnementaux

La recommandation préconise la réalisation d’une évaluation stratégique des incidences sur l’environnement (ESIE) avant d’octroyer des autorisations pour les hydrocarbures et une évaluation des incidences sur l’environnement (EIE) pour les projets susceptibles d’entraîner le recours à la FHGV. À la suite de l’adoption de la recommandation, le Royaume-Uni 12 a procédé à une ESIE avant d’octroyer de nouvelles autorisations, en tenant compte des risques de la fracturation hydraulique, tandis que la Pologne a continué à délivrer des autorisations sans ESIE préalables. Plusieurs des États membres concernés imposent dans leur législation qu’une EIE soit réalisée avant toute activité faisant intervenir la fracturation hydraulique, tandis que d’autres ne demandent une EIE que lorsqu’un projet répond à certains critères.

La recommandation invite les États membres à établir des règles sur d’éventuelles restrictions des activités. Un petit nombre d’entre eux disposent de règles expressément applicables à la fracturation hydraulique, par exemple en Lituanie et en Allemagne dans les zones de protection des eaux, tandis que d’autres possèdent des règles générales applicables à toute une série d’activités ou des règles établies au cas par cas.

L’application du principe relatif à la sélection des sites a pu être évaluée pour les sites d’exploration en Pologne, en Angleterre et, dans une certaine mesure, en Espagne. En Pologne et en Angleterre, des évaluations des risques propres aux sites ont été réalisées. Les documents préliminaires des EIE examinés en Espagne permettent de penser que des évaluations des risques seront réalisées.

Au Danemark et en Angleterre, les tests d’intégrité des puits doivent être vérifiés par un tiers indépendant. Aucune preuve d’une telle vérification n’a pu être trouvée pour les sites évalués en Pologne.

La recommandation préconise la réalisation d’une étude de référence portant sur dix paramètres, dont la qualité de l’eau et de l’air. La nature exacte des données à recueillir n’est pas précisée. Dans l’ensemble, la plupart des paramètres ont été pris en considération dans les sites ayant donné lieu à l’octroi de permis après l’adoption de la recommandation.

Un suivi a été ou devrait être réalisé sur la base des paramètres déterminés dans l’étude de référence. Les exploitants ne transmettent pas systématiquement tous les résultats du suivi environnemental aux autorités compétentes. En Lituanie, des obligations de suivi expressément applicables à l’exploration et à la production de pétrole et de gaz de schiste sont inscrites dans la législation nationale.

Une vue d’ensemble plus complète de l’application de l’ensemble des principes de la recommandation dans les États membres est disponible dans l’étude servant de base à la présente évaluation.

3.2.    Efficacité de la recommandation concernant la garantie d’une sécurité juridique et d’une prévisibilité aux autorités compétentes et aux exploitants

La recommandation vise à compléter la législation européenne élaborée à une époque où la FHGV n’était pas utilisée dans l’UE. La présente section est plus particulièrement axée sur trois actes législatifs qui sont susceptibles de concerner la phase initiale des projets liés au gaz de schiste et que les États membres appliquent différemment. Une analyse plus détaillée de ces actes et d’autres instruments législatifs pertinents figure dans l’étude servant de base à la présente évaluation.

La directive-cadre sur l’eau 13 interdit le rejet direct de polluants dans les eaux souterraines. Les autorités compétentes ont des interprétations divergentes de son applicabilité aux opérations liées au gaz de schiste. Certains considèrent la fracturation hydraulique comme une activité susceptible d’entraîner un rejet de polluants qui justifierait des conditions d’obtention de permis particulières; d’autres considèrent que de telles conditions sont inutiles, puisque l’injection n’aurait pas lieu dans les eaux souterraines.

Les déchets produits par les activités d’exploration ou de production de gaz de schiste comprennent des déchets d’extraction, qui doivent être gérés conformément à la directive relative aux déchets d’extraction 14 . Si la plupart des États membres évalués considèrent les déblais et les boues de forage comme des déchets d’extraction, différentes interprétations sont appliquées aux fluides qui émergent à la surface après la fracturation hydraulique et aux résidus des fluides de fracturation qui subsistent dans le sous-sol après la fermeture d’un puits. Certains États membres ne classent pas ces fluides parmi les déchets d’extraction, d’autres si. Cela a des conséquences sur le nombre d’installations de gestion de déchets autorisées en vertu de la directive.

Bien que la directive relative aux émissions industrielles 15 ne couvre pas expressément les industries extractives, certaines activités liées aux projets peuvent être couvertes (comme l’incinération et le stockage de déchets ou la combustion de combustibles). Les activités qui relèvent spécifiquement de la directive sont subordonnées à l’octroi d’un permis sur la base des meilleures techniques disponibles, qui couvre toutes les activités exercées dans les installations visées. Les interprétations des États membres diffèrent sur la question de savoir si les gaz appelés à se consumer doivent être considérés comme des gaz résiduaires incinérés.

3.3.    Efficacité de la recommandation concernant la réponse aux inquiétudes du public

La recommandation préconise que les autorités compétentes publient les informations utiles sur un site internet accessible au public. La Roumanie et le Royaume-Uni publient leurs permis environnementaux sur l’internet. En revanche, les conditions d’octroi des permis ne sont pas publiées en Allemagne et en Lituanie, et pas de manière systématique en Pologne. En Espagne, un outil en ligne donne accès aux documents utiles concernant les projets qui relèvent de la compétence du gouvernement central, mais pas de celle des régions autonomes. Une analyse plus détaillée figure dans l’étude servant de base à la présente évaluation.

Concernant la divulgation d’informations sur les substances chimiques destinées à servir pour la fracturation de chaque puits, les documents des EIE et les rapports environnementaux examinés en Espagne, en Angleterre et en Pologne renvoyaient à une composition indicative. Les exploitants en Allemagne, en Angleterre et en Pologne donnaient des informations sur les substances effectivement utilisées pour la fracturation, sans nécessairement communiquer tous les détails suggérés dans la recommandation. En Allemagne, il va devenir obligatoire de publier des informations sur les substances utilisées pour la fracturation hydraulique 16 .

La recommandation invite les États membres à veiller à ce que les dossiers relatifs aux substances chimiques utilisées dans la fracturation hydraulique portent la mention «fracturation hydraulique» lorsqu’ils sont enregistrés au titre du règlement REACH 17 . Il est ressorti d’une recherche dans la base de données REACH des substances utilisées 18 pour la fracturation hydraulique dans l’UE au cours de la période 2008-2014 que peu d’enregistrements faisaient explicitement référence à la fracturation hydraulique. Les substances utilisées au cours de cette période ont été enregistrées sous des descriptions de l’utilisation plus génériques telles que «substances chimiques pour l’industrie minière». Il se peut également que leur enregistrement au titre de REACH n’ait pas été requis en raison de leur faible quantité 19 ou d’exemptions. Afin de faciliter les recherches d’informations sur les substances enregistrées en vue de leur utilisation dans l’exploration ou la production de pétrole et de gaz, une nouvelle catégorie a été ajoutée en avril 2016 à la base de données REACH concernant les «produits pour l’exploration ou la production de pétrole et de gaz» 20 (voir également la section 5.1).

L’enquête Eurobaromètre visait à évaluer dans quelle mesure les répondants connaissaient les projets liés au gaz de schiste dans leur région ainsi que les problèmes potentiels qu’ils percevaient dans ce domaine. Parmi ceux qui avaient entendu parler des projets liés au gaz de schiste, une minorité dans dix régions sur douze se sont dits suffisamment informés à ce sujet. Les deux régions de Pologne étaient les seules où la majorité des citoyens interrogés se sentaient suffisamment informés. Bien que la pollution de l’eau et de l’air soit le problème le plus souvent évoqué dans la majorité des régions, les incidences négatives sur d’autres secteurs, tels que l’agriculture ou le tourisme, et les risques pour la santé étaient également cités.

Une enquête auprès des parties prenantes a été menée dans le cadre de l’étude de la Commission sur l’application de la recommandation. Parmi les dix-neuf organisations participantes, douze entités issues de toutes les catégories de parties prenantes (six de l’industrie pétrolière et gazière, une de l’industrie de l’eau, quatre du secteur des ONG et une d’un service de géologie) ont répondu que la recommandation n’avait pas contribué à apaiser les inquiétudes du public, tandis que six autres (quatre de l’industrie pétrolière et gazière, une d’un service de géologie et une ONG) ont considéré qu’elle y avait partiellement contribué.

3.4.    Efficacité de la recommandation concernant la prise en considération du progrès technique et du recours à d’autres techniques que la FHGV

Une étude menée pour le compte de la Commission évalue les avancées technologiques depuis l’adoption de la recommandation et les technologies émergentes susceptibles d’être adoptées plus largement par l’industrie à court et à moyen terme. Aucune avancée susceptible de modifier de manière sensible le profil de risque global du mode d’exploitation du gaz de schiste n’est mise en avant. Pour certaines technologies émergentes, cependant, notamment les nanotechnologies, il n’est pas possible d’évaluer pleinement les risques associés. Bien que des autorisations concernant des formations schisteuses en mer aient été délivrées dans plusieurs États membres, aucune activité opérationnelle n’a été signalée à ce jour.

En ce qui concerne les technologies de fracturation, le réseau européen des sciences et techniques liées à l’extraction des hydrocarbures non conventionnels 21 s’attend à ce que la fracturation par injection d’un fluide à base d’eau reste la technique la plus couramment employée dans le secteur dans les années à venir.

Concernant l’exploitation des combustibles fossiles non conventionnels autres que le gaz de schiste, l’autorisation, l’exploration ou l’évaluation des ressources en gaz de houille ont eu lieu ou sont en cours dans plusieurs États membres 22 . De nombreux gisements houillers se trouvent à une profondeur inférieure à celle des formations de schiste et sont situés dans les réserves d’eau souterraine ou potable. Si la fracturation hydraulique est nécessaire, les risques liés à la contamination des eaux souterraines sont potentiellement plus importants pour le gaz de houille que pour le gaz de schiste 23 . De même, le risque d’émissions fugitives est potentiellement plus élevé. Au stade de la production, l’exploitation du gaz de houille nécessite de pomper de l’eau à des volumes qui supposent un risque accru d’épuisement des ressources hydriques. Lorsqu’il existe une connexion hydrogéologique avec les formations supérieures ou latérales, il peut se produire des écoulements d’eau souterraine ayant un effet négatif sur la qualité de l’eau potable 24 .

La production de gaz de réservoir compact fait intervenir la fracturation hydraulique à des volumes généralement trop peu importants pour relever du champ d’application de la recommandation. Les études réalisées pour le compte de la Commission indiquent que les risques et les effets de l’exploitation du gaz de réservoir compact sont analogues à ceux du gaz de schiste, à l’exception des effets et des risques sur le plan de l’épuisement des ressources hydriques associés au processus de fracturation hydraulique, à l’achèvement des puits et aux étapes de production, qui sont potentiellement moins significatifs car le processus de fracturation nécessite généralement moins d’eau.

En général, le grand public ne fait pas la distinction entre la fracturation hydraulique à grands ou faibles volumes. De nombreux citoyens s’inquiètent à présent de l’utilisation potentielle de toute nouvelle technique de stimulation des puits dans les projets d’extraction de pétrole ou de gaz, bien que certaines de ces techniques soient utilisées depuis plusieurs années.

Les techniques de récupération assistée sont de plus en plus utilisées pour maximiser la production de combustibles fossiles qui ne nécessitaient initialement pas de stimulation. Les principaux risques découlent de la construction et du forage de puits supplémentaires pour servir de points d’injection et de l’injection de substances, ainsi que des effets liés à l’occupation des terres, à la circulation et aux émissions atmosphériques et des risques de pollution des sols et de l’eau 25 .

Au vu de l’intérêt que suscitent dans plusieurs États membres l’exploitation plus avant du gaz de houille et du gaz de réservoir compact et l’utilisation des techniques de stimulation des puits ou de récupération assistée, la Commission a commandé des études qui comparent les risques et les incidences de l’extraction de ces ressources avec ceux du gaz de schiste. Dans l’ensemble, elle conclut que les principales pratiques de gestion des risques mises en évidence pour le gaz de schiste pourraient également être appliquées aux pratiques susmentionnées.

4.    Opinions des acteurs concernés

En décembre 2015, le Parlement européen a adopté, en session plénière, une résolution 26 demandant aux États membres qui souhaitent mener des activités de fracturation hydraulique de respecter la recommandation 2014/70/UE et de se conformer «aux normes les plus strictes en matière de climat, d’environnement et de santé publique».

Dans son avis de juin 2014, le Comité économique et social européen 27 estime que le cadre actuel «est suffisant pour l’échelon local pour autant qu’il soit correctement appliqué», mais indique que la question devrait être réexaminée à l’avenir «si le volume de ces activités augmentait considérablement». Il souligne aussi la nécessité que les projets d’exploration et d’exploitation soient hautement transparents afin de remédier aux problèmes d’acceptation par l’opinion publique

D’après les observations des parties prenantes recueillies lors d’un événement spécial en juin 2015, ces parties semblent être divisées sur la question. L’industrie pétrolière et gazière estime que la recommandation est suffisante et qu’aucune action législative supplémentaire n’est nécessaire. Plusieurs associations de producteurs d’eau ont demandé des garanties réglementaires supplémentaires afin de garantir la protection de l’eau potable. Les ONG de protection de l’environnement estiment que la recommandation n’a pas été efficace et demandent une réglementation supplémentaire ou l’interdiction des projets de gaz de schiste, de pétrole de schiste et de gaz de houille.

L’enquête Eurobaromètre a également suscité des opinions divergentes, certains étant d’avis qu’«aucune intervention de l’Union européenne n’est nécessaire» tandis que d’autres plaident pour une action réglementaire ou une interdiction de la fracturation hydraulique. L’approche actuelle, qui consiste à formuler des recommandations sans adopter de nouvelles mesures législatives, était l’option la moins populaire.

Aucune position formelle du Conseil n’a été adoptée après la publication de la recommandation. Lors d’une réunion du groupe «Environnement», plusieurs délégués se sont réjouis que la Commission ait opté pour une recommandation, tandis que d’autres jugeaient préférable d’adopter des mesures contraignantes. Plusieurs autorités compétentes ont invité la Commission à clarifier l’applicabilité de la législation environnementale européenne en la matière, dans le cadre du réseau IMPEL (réseau de l’Union européenne pour l’application et le respect du droit de l’environnement).

5.    Conclusions et voie à suivre

La disponibilité du gaz de schiste et l’intérêt pour son exploitation varient considérablement d’un État membre à l’autre. Parmi les États membres intéressés, certains en sont au stade de la planification initiale tandis que d’autres ont déjà lancé des projets d’exploration. L’analyse d’un échantillon de documents de planification, de demandes de permis et de permis d’exploration a montré que plusieurs des principes définis dans la recommandation étaient appliqués dans quelques États membres avant son adoption. Après l’adoption de la recommandation, quelques États membres ont modifié leurs pratiques en matière d’octroi de permis ou ont promulgué une législation nationale reprenant certains principes de la recommandation, tandis que d’autres ont revu leurs ambitions environnementales à la baisse en vue de simplifier la procédure d’octroi des permis ou se sont concentrés sur les mesures d’incitation destinées aux investisseurs. Un État membre a simplifié sa législation environnementale à tel point que la Commission a lancé une procédure d’infraction 28 pour non-respect des obligations au titre de la directive EIE. Certains des principes de la recommandation sont actuellement appliqués dans plusieurs États membres sans toutefois être inscrits dans la législation nationale; il reste à voir si cette situation se maintiendra, en particulier au vu des efforts déployés dans ces pays pour attirer les investissements.

Le présent rapport évalue les deux premières années et demie d’application de la recommandation pour un nombre restreint de projets dans quelques États membres. À ce jour, la recommandation a été appliquée de façon inégale dans les États membres et de façon insatisfaisante dans certains d’entre eux. Sur la base des conclusions de la présente évaluation, il est donc impossible, à ce stade, de confirmer l’efficacité de la recommandation pour prévenir, gérer et réduire les incidences et les risques environnementaux. Les façons très diverses dont les États membres ont suivi la recommandation sont aussi le résultat de son statut non contraignant. La Commission encourage donc les États membres à tenir davantage compte des principes de la recommandation s’ils prévoient d’exploiter des hydrocarbures nécessitant le recours à la FHGV.

Les États membres interprètent différemment certaines dispositions de la législation environnementale européenne applicable. Les exploitants actifs dans plusieurs États membres peuvent être confrontés à une application incohérente de ces dispositions. Bien que la législation existante établisse un cadre juridique pour les activités liées au gaz de schiste, l’objectif consistant à offrir sécurité juridique et prévisibilité aux autorités compétentes et aux exploitants n’est donc pas encore totalement atteint.

Si elle est bien appliquée, la recommandation peut être un outil utile pour gérer les risques liés à l’utilisation de la FHGV pour l’exploitation d’hydrocarbures de façon transparente. De plus grands progrès s’imposent, en ce qui concerne tant l’application de la recommandation dans les États membres concernés que la mise en œuvre correcte et uniforme de l’acquis environnemental de l’Union.

À cet effet, la Commission prévoit en particulier:

­d’améliorer la transparence et le suivi;

­de favoriser une application correcte et uniforme des dispositions législatives environnementales pertinentes dans les États membres;

­de traiter les incidences et les risques environnementaux de l’exploration et de l’extraction d’hydrocarbures; et

­de combler les lacunes dans les recherches sur les incidences et les risques sanitaires de l’extraction d’hydrocarbures.

5.1.    Améliorer la transparence et le suivi

La Commission continuera de suivre les avancées techniques ainsi que l’application de la recommandation et de la législation environnementale européenne pertinente. Les États membres continueront de faire rapport sur l’application de la recommandation et les résultats seront publiés chaque année. À cet égard, les conclusions du bilan de qualité concernant le suivi et les rapports en matière d’environnement 29 seront dûment prises en considération.

La Commission a l’intention de réévaluer régulièrement, et au plus tard tous les trois ans, l’efficacité de l’approche adoptée, en particulier à la lumière de l’évolution globale du secteur au sein de l’Union et des éventuels incidents et accidents survenus dans le monde.

Bien que la recommandation ait contribué à modifier les pratiques d’octroi de permis dans plusieurs États membres, les principes qui favorisent la transparence sont insuffisamment appliqués. L’opposition persistante au gaz de schiste dans la plupart des États membres suggère que la recommandation n’a pas modifié l’attitude du public. La surveillance du public s’est étendue des projets liés au gaz de schiste à tous les projets d’exploitation de pétrole et de gaz, terrestres ou en mer.

Afin d’améliorer le niveau général de transparence et de permettre un suivi étroit des incidences environnementales, la Commission va mettre sur pied une plate-forme en ligne destinée à fournir un inventaire et une carte des puits de pétrole et de gaz non conventionnels existants et prévus dans toute l’Union. Celle-ci sera accessible au public et reflétera les principes visant à mieux légiférer, compte tenu également de la directive INSPIRE 30 . Elle permettra la mise à disposition des données conformément à la recommandation, à l’aide, entre autres, des informations publiées par les États membres et les exploitants. Un prototype sera mis à la disposition du public au premier semestre de 2017 puis développé plus avant dans les années à venir.

Afin de faciliter les recherches d’informations sur les substances chimiques enregistrées au titre de REACH en vue de leur utilisation dans la fracturation hydraulique, les fonctionnalités de recherche seront encore améliorées sur la page web 31 de l’Agence européenne des produits chimiques, ce qui devrait permettre des recherches par mots clés dès le premier semestre de 2017. La Commission contactera les États membres afin de leur rappeler que les dossiers d’enregistrement REACH pour les substances utilisées dans la fracturation hydraulique devraient faire expressément référence à cette activité. La Commission encourage aussi les associations de l’industrie pétrolière et gazière à mettre au point des cartes d’utilisation («use-maps») 32 afin d’aider les déclarants à effectuer leurs évaluations et leurs rapports.

En outre, la Commission élaborera d’ici la fin de 2017 un rapport technique qui proposera des méthodes pour l’évaluation initiale et le suivi de la qualité de l’eau à proximité des sites d’exploration et de production de pétrole et de gaz non conventionnels.

5.2.    Favoriser une application correcte et uniforme des dispositions législatives environnementales pertinentes dans les États membres

À cet effet, la Commission prévoit les actions suivantes:

poursuivre le dialogue avec les États membres, si nécessaire par l’intermédiaire des plates-formes et des mécanismes d’assistance disponibles, tels que l’examen de la mise en œuvre de la politique environnementale 33 , des comités qui travaillent sur la mise en œuvre du droit environnemental de l’Union, d’IMPEL et du groupe de travail technique sur les aspects environnementaux des combustibles fossiles non conventionnels;

élaborer des documents d’orientation prenant la forme de foires aux questions, fondés sur les demandes de renseignements envoyées à la Commission concernant la législation européenne sur les zones protégées, la planification, la gestion des déchets, la protection de l’eau et les émissions industrielles;

enquêter sur les éventuels manquements au droit de l’Union et prendre les mesures qui s’imposent.

5.3. Traiter les incidences et les risques environnementaux de l’exploration et de l’extraction d’hydrocarbures

La recommandation invite les États membres à veiller à ce que les exploitants utilisent les meilleures techniques disponibles (MTD) afin de prévenir ou de réduire au minimum les incidences et les risques environnementaux. Deux documents de référence en matière de MTD actuellement en préparation et présentant un intérêt pour les activités liées aux hydrocarbures faisant intervenir la FHGV concernent la gestion des déchets issus des industries extractives 34 et le traitement des déchets 35 . Ces documents sont en cours de révision et devraient être publiés respectivement en 2017 et 2018. De plus, un résumé non contraignant des MTD dans le secteur des hydrocarbures 36 sera publié en 2018.

La section 3.4 a fait le point sur les incidences et risques environnementaux liés aux activités autres que l’extraction du gaz de schiste. Les principes de la recommandation sont de nature à permettre la maîtrise de ces risques et incidences. La Commission encourage par conséquent les États membres à appliquer les principes pertinents de la recommandation aux autres activités d’exploration et d’extraction d’hydrocarbures lorsqu’elles font intervenir la fracturation hydraulique, le pompage de grands volumes d’eau ou la récupération assistée.

5.4.    Combler les lacunes dans les recherches sur les incidences et les risques sanitaires de l’extraction d’hydrocarbures

Cinq projets de recherche sur les incidences et les risques environnementaux de l’extraction de gaz de schiste ont été financés au titre du programme pour la recherche et l’innovation Horizon 2020 37 , et un sujet de recherche supplémentaire a récemment été publié 38 .

Toutefois, des chercheurs 39 ont dénoncé un manque d’études sur l’exposition et d’études épidémiologiques fiables, en particulier afin d’évaluer les éventuels effets à long terme, et ont appelé à une étude plus approfondie des incidences et des risques sanitaires liés à l’extraction de pétrole et de gaz par fracturation hydraulique. Dans ce contexte, la Commission a organisé un atelier technique en 2016 en vue de mettre aux jours d’éventuelles lacunes dans les connaissances. La Commission étudiera la possibilité de remédier à ces lacunes dans les programmes de travail Horizon 2020 pour 2018 et 2019.

Elle examinera également l’opportunité de demander au comité scientifique des risques sanitaires et environnementaux (SCHER) un avis sur les incidences et les risques sanitaires pour les êtres humains liés à l’exploration et à la production d’hydrocarbures.

(1) COM(2014) 23 final et recommandation 2014/70/UE.
(2) Synthèse 2015 des réponses des États membres sur l’application de la recommandation:
http://ec.europa.eu/environment/integration/energy/unconventional_en.htm
(3) L’Autriche, l’Allemagne, le Danemark, l’Espagne, la Hongrie, la Lituanie, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, le Royaume-Uni et la Roumanie.
En 2016, l’Allemagne a décidé d’interdire la fracturation hydraulique dans le schiste, l’argile, la marne et les roches entourant les veines de charbon, à l’exception de quatre essais maximum à des fins scientifiques.
(4) Études de l’Institut géologique polonais (avril 2016) et de la Commission.
(5) https://ec.europa.eu/jrc/en/uh-network
(6) Production en Allemagne, aux Pays-Bas, au Danemark et au Royaume-Uni, exploration en Hongrie et évaluation du potentiel en Pologne; http://ec.europa.eu/environment/integration/energy/pdf/fracking%20study.pdf
(7) http://ec.europa.eu/environment/integration/energy/pdf/Study_on_the_management_of_environmental_impacts_and_risks_of_conventional_oil_and_gas%20.pdf 
(8)  L’Autriche, l’Allemagne, le Danemark, la France, la Croatie, la Hongrie, l’Italie, la Lituanie, les Pays-Bas, la Pologne et le Royaume-Uni.
(9) Voir la note de bas de page 2.
(10) http://ec.europa.eu/environment/integration/energy/uff_studies_en.htm
(11) http://ec.europa.eu/COMMFrontOffice/PublicOpinion/index.cfm/Survey/getSurveyDetail/instruments/FLASH/surveyKy/2066
(12) Seuls les permis concernant des sites situés en Angleterre ont été examinés. La présente évaluation fait référence au Royaume-Uni pour ce qui concerne l’application nationale des dispositions et à l’Angleterre lorsque des dispositions particulières y sont appliquées.
(13) Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau.
(14)

   Directive 2006/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 concernant la gestion des déchets de l’industrie extractive et modifiant la directive 2004/35/CE.

(15) La directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil relative aux émissions industrielles s’applique aux installations au sein desquelles les activités énumérées à l’annexe I de la directive sont exercées.
(16) La nouvelle législation entrera en vigueur en février 2017.
(17) Règlement (CE) nº 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH).
(18) Substances communiquées par l’industrie au moyen d’un numéro CAS.
(19) Les substances fabriquées ou importées dans l’UE en quantités supérieures à une tonne mais inférieures à cent tonnes par an doivent être enregistrées au titre de REACH avant le 31 mai 2018.
(20)

    https://echa.europa.eu/documents/10162/13632/information_requirements_r12_fr.pdf

(21) https://ec.europa.eu/jrc/en/uh-network  
(22) Par exemple, en Belgique, en Bulgarie, en République tchèque, en France, en Allemagne, en Hongrie, en Italie, en Pologne, en Roumanie et au Royaume-Uni. SWD(2014) 21 final.
(23) http://ec.europa.eu/environment/integration/energy/pdf/risk_mgmt_fwk.pdf  
(24) http://ec.europa.eu/environment/integration/energy/pdf/study_management_ei.pdf
(25) Ibid.
(26)

    http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=TA&reference=P8-TA-2015-0444&language=FR&ring=A8-2015-0341

(27) http://www.eesc.europa.eu/?i=portal.en.nat-opinions.32331
(28) http://europa.eu/rapid/press-release_IP-16-1454_fr.htm  
(29) http://ec.europa.eu/environment/legal/reporting/fc_overview_en.htm
(30) Directive 2007/2/CE du Parlement européen et du Conseil du 14 mars 2007 établissant une infrastructure d’information géographique dans la Communauté européenne (INSPIRE) (JO L 108 du 25.4.2007, p. 1).
(31) https://echa.europa.eu/information-on-chemicals/registered-substances  
(32) https://echa.europa.eu/csr-es-roadmap/use-maps
(33)

    http://ec.europa.eu/environment/eir/index_en.htm

(34) http://susproc.jrc.ec.europa.eu/activities/waste/index.html  
(35) http://eippcb.jrc.ec.europa.eu/reference/
(36) http://ec.europa.eu/environment/integration/energy/hc_bref_en.htm
(37) http://www.m4shalegas.eu/project.html ;
http://www.sheerproject.eu/objective.html ;
https://shalexenvironment.wordpress.com/ ;
http://www.fracrisk.eu/ ;
https://ec.europa.eu/easme/sites/easme-site/files/FTI-projects-2015_participants%20websites_corrected.pdf
(38) http://ec.europa.eu/research/participants/portal/desktop/en/opportunities/h2020/topics/lce-27-2017.html
(39) http://dx.doi.org/10.1371/journal.pone.0154164 ; http://dx.doi.org/10.1016/j.scitotenv.2014.10.084 ; http://jech.bmj.com/content/70/3/221 ; http://pubs.acs.org/doi/abs/10.1021/es404621d