Strasbourg, le 25.10.2016

COM(2016) 682 final

COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL

Pour la mise en place d'un système d'imposition des sociétés équitable, compétitif et stable dans l'Union européenne


1.INTRODUCTION

La fiscalité est au cœur des efforts menés par l’Union pour bâtir une économie plus forte, plus compétitive et plus équitable, assortie d’une dimension sociale clairement exprimée. L’Europe a besoin d’un système fiscal qui soit adapté à son marché intérieur et qui soutienne la croissance économique et la compétitivité, qui attire les investissements, favorise la création d’emplois, encourage l’innovation et soutienne le modèle social européen. La fiscalité doit fournir des revenus stables au profit des investissements publics et des politiques de soutien à la croissance. Elle doit faire en sorte que toutes les entreprises bénéficient d’une égalité de traitement, de la sécurité juridique et d’une réduction maximale des obstacles lorsqu’elles opèrent en contexte transfrontières. Elle doit en outre constituer une composante d’un système fiscal plus vaste qui jouisse de la confiance des citoyens parce qu’il est équitable et qu’il répond aux besoins de la société sur le plan socio-économique. Les priorités de l’Union dans le domaine de la fiscalité sont donc axées sur la réalisation de ces objectifs.

2.DES MESURES IMMÉDIATES POUR FAIRE FACE À DES BESOINS IMMÉDIATS: LA RÉFORME DE LA FISCALITÉ DES ENTREPRISES

La Commission a conçu un programme ambitieux visant à rendre la fiscalité des entreprises plus équitable et plus efficace, mieux adaptée à l’économie moderne et mieux à même de relever les nouveaux défis qui se posent dans ce domaine. La réalisation de ce programme avance rapidement et de nombreuses étapes importantes ont déjà été franchies. Toutes les initiatives annoncées dans le plan d’action de la Commission pour un système d’imposition des sociétés juste et efficace 1 ont été mises en œuvre et bon nombre de nouvelles propositions ont déjà été adoptées par les États membres. La Commission a par ailleurs entrepris d’étendre la portée de ses travaux au-delà du plan d’action. Comme indiqué dans la communication sur d’autres mesures visant à renforcer la transparence et la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales 2 , qui a suivi les révélations dites des «Panama Papers», elle est prête à réagir rapidement et efficacement aux problèmes à mesure qu’ils se présenteront. Par ailleurs, soucieuse de préserver un environnement de concurrence équitable pour toutes les entreprises opérant dans l’Union, la Commission a mené des enquêtes en matière d’aides d’État en vue de déterminer si certains États membres accordaient des avantages fiscaux à certaines entreprises multinationales 3 .

La première ligne d’action de la Commission a été d’accroître la transparence fiscale, qu’elle conçoit comme le fondement même de toute nouvelle réforme. Sur une période de douze mois, les États membres ont marqué leur accord sur les propositions relatives à l’échange automatique d’informations concernant les décisions fiscales 4 et aux déclarations pays par pays sur les informations fiscales concernant les multinationales 5 . Ces avancées se traduiront par la mise en place d’un niveau novateur et sans précédent de transparence et de coopération entre administrations fiscales dans le domaine de la fiscalité des entreprises. La Commission a également proposé l’établissement de rapports par pays pour les multinationales, afin d’offrir aux citoyens une meilleure vue d’ensemble des pratiques fiscales des entreprises. Cette proposition, qui fait actuellement l’objet de négociations au Conseil et au Parlement européen, devrait contribuer à restaurer la confiance du grand public à l’égard de la fiscalité des entreprises et faire en sorte que les entreprises n’aient pas à gérer une mosaïque de réglementations nationales en matière de publicité des informations. Par ailleurs, une proposition visant à permettre aux autorités fiscales d’accéder aux informations nationales en matière de lutte contre le blanchiment d’argent 6 devrait être adoptée avant la fin de l’année. Le Parlement européen et le Conseil ont également commencé à travailler sur leurs positions respectives vis-à-vis des modifications qu’il est proposé d’apporter à la quatrième directive sur le blanchiment de capitaux; ils devraient progresser rapidement, de sorte que les trilogues pourraient être lancés au début de l’année 2017. En outre, la Commission a commencé à réfléchir au cadre le plus approprié pour mettre en œuvre l’échange automatique d’informations sur la propriété effective, au niveau européen, et a entrepris de rechercher les meilleurs moyens de renforcer la surveillance des facilitateurs et promoteurs de dispositifs de planification fiscale agressive. Ce renforcement de la transparence fiscale dans toute l’Europe contribuera à débusquer ceux qui pratiquent la planification fiscale agressive, à mettre au jour les pratiques fiscales nuisibles et à stabiliser un environnement fiscal des entreprises qui soit fondé sur l’ouverture et la confiance.

En parallèle, la Commission travaille également à faire en sorte que toutes les entreprises opérant dans l’Union paient leurs impôts là où les bénéfices et la valeur sont réalisés. Il s’agit d’un principe essentiel pour une fiscalité des entreprises équitable et efficace, mais qui ne peut véritablement être mis en œuvre au sein d’un marché unique que par des mesures communes et coordonnées. La Commission a donc proposé une nouvelle directive sur la lutte contre l’évasion fiscale 7 , qui prévoit des mesures contraignantes en la matière pour toute l’Union, en vue de faire obstacle à certaines des formes les plus courantes d’érosion de l’assiette imposable et de transfert de bénéfices. Ce texte, adopté par les États membres en juillet 2016, permettait aux États membres de mettre en œuvre de manière rapide, coordonnée et cohérente les engagements qu’ils avaient pris dans le cadre du projet OCDE/G20 concernant l’érosion de l’assiette imposable et le transfert de bénéfices («projet BEPS»). Les régimes préférentiels des États membres et les règles d’établissement des prix de transfert sont également en cours de réexamen, dans le but de forger une approche commune de l’Union en ce qui concerne les nouvelles normes internationales. Il s’agit d’une démarche essentielle pour offrir la sécurité aux entreprises au moment où des réformes sont en cours de mise en œuvre et pour éviter que de nouvelles failles n’apparaissent dans le marché unique.

Enfin, la Commission a présenté des mesures visant à promouvoir la bonne gouvernance dans le domaine fiscal au niveau mondial, afin d’assurer des conditions de concurrence loyales et équitables entre l’Union européenne et ses partenaires internationaux. Les États membres ont approuvé la nouvelle stratégie extérieure pour une imposition effective 8 , présentée par la Commission en janvier 2016, en vue de protéger leurs bases d’imposition contre les risques d’érosion provenant de l’étranger. Un des éléments clé de cette stratégie consiste en une nouvelle procédure d’inscription sur une liste de l’Union, destinée à contrer les juridictions fiscales non coopératives et à encourager toutes les juridictions de pays tiers à respecter les normes internationales de bonne gouvernance fiscale. Les premières mesures relatives à ce processus d’inscription sur la liste ont déjà été prises et la liste commune de l’Union devrait être finalisée en 2017. Les États membres disposeront ainsi d’un puissant outil pour traiter avec les pays qui refusent de jouer le jeu en matière fiscale. Le règlement financier de l’Union a également été révisé pour éviter que des fonds de l’Union ne transitent par des paradis fiscaux, et des travaux sont en cours pour renforcer les clauses de bonne gouvernance fiscale dans les accords de l’Union avec les pays tiers.

3.UN PROGRAMME POSITIF, TOURNÉ VERS L’AVENIR

Les initiatives exposées ci-dessus sont vitales pour protéger les bases d’imposition des États membres, assurer aux entreprises des conditions équitables et garantir une fiscalité juste et efficace pour tous les contribuables. Elles se focalisent sur les problèmes les plus urgents qui se posent aujourd’hui en matière de fiscalité des entreprises. Dans une perspective à long terme, il est toutefois nécessaire d’aller plus loin. Les solutions à court terme peuvent en effet devenir rapidement obsolètes, car les modèles commerciaux et les techniques de planification fiscale évoluent plus rapidement que l’élaboration de nouvelles stratégies de réponse. Par ailleurs, les actualisations parcellaires des réglementations fiscales à l’échelle internationale, nationale ou de l’Union suscitent des turbulences, à la fois pour les administrations fiscales et pour les entreprises, qui doivent s’y adapter. Pour stimuler l’emploi, la croissance et l’investissement, il est nécessaire de créer un environnement fiscal favorable pour les entreprises, en réduisant les coûts de mise en conformité et les charges administratives, ainsi qu’en assurant la sécurité fiscale. La sécurité fiscale, dont l’importance pour promouvoir l’investissement et la croissance a récemment été reconnue par les dirigeants du G20, est devenue la nouvelle priorité mondiale. Les États membres doivent trouver un équilibre entre la mise en œuvre des réformes nécessaires et la nécessité de garantir aux entreprises un environnement fiscal stable, clair et prévisible.

L’Union a besoin, en matière de fiscalité des entreprises, d’un cadre positif et tourné vers l’avenir. Celui-ci doit être propice à la croissance, équitable et efficace, et doit aussi soutenir pleinement les priorités stratégiques globales de l’Union, aujourd’hui et à l’avenir. C’est sur ce raisonnement que s’appuie la proposition de la Commission de relancer l’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS). L’ACCIS peut répondre aux deux attentes prioritaires des entreprises et des citoyens dans l’Europe d’aujourd’hui, à savoir une croissance durable et la justice sociale, et renforcer l’action globale de l’Union en matière économique et sociale. En effet, l’analyse montre que l’ACCIS peut susciter une hausse des investissements dans l’Union de près de 3,4 %, et faire gagner près de 1,2 % de croissance 9 .

La Commission a présenté sa première proposition d’ACCIS en 2011, en vue de renforcer le marché unique pour les entreprises. Il s’agissait d’une proposition solide et ambitieuse, mais d’une telle ampleur qu’elle a freiné les négociations au sein du Conseil. Vu les nombreux avantages qu’il présente, le concept d’ACCIS n’en a pas moins conservé le ferme soutien du Parlement européen, des entreprises, des parties prenantes et de nombreux États membres. En outre, au cours de ces dernières années, il est devenu évident que l’ACCIS représente bien plus qu’un régime fiscal favorable aux entreprises et de nature à renforcer le marché unique.

C’est pourquoi, dans le plan d’action de juin 2015, la Commission a annoncé son intention de relancer ce projet important sous la forme d’un processus en deux étapes, plus commode à gérer. La première étape porte sur la mise en place de l’assiette commune. Une fois cela acquis, il s’agira de mettre en place l’élément plus complexe que constitue la consolidation. Un grand nombre des principaux avantages de l’ACCIS sont liés à la consolidation. Cette seconde étape de la version réactualisée de l’ACCIS ne peut donc être ni négligée, ni laissée de côté. Les travaux sur ce paquet législatif ne s’achèveront qu’avec la mise en œuvre intégrale de l’ACCIS.

La relance de l’ACCIS est l’occasion d’actualiser la proposition d’origine et de la recalibrer en fonction des problèmes nouvellement apparus dans l’environnement fiscal mondial. Le principal changement est que l’ACCIS sera obligatoire pour tous les groupes comptables financiers dont le chiffre d’affaires consolidé dépasse 750 millions d’EUR. Cette disposition devrait contribuer à en maximiser le potentiel en tant qu’outil de lutte contre l’évasion fiscale. Elle permettra également de faire en sorte que les entreprises sachent à quoi s’en tenir en ce qui concerne les règles anti-abus de l’Union et n’aient pas à prendre inutilement des mesures d’ajustement. Elle contribuera ainsi à ce que les entreprises bénéficient dans l’Union d’un environnement plus prévisible.

La Commission a aussi introduit dans la proposition deux nouveaux éléments qui soutiennent directement le programme d’action global de l’Union en matière économique. C’est ainsi que les dépenses de recherche et développement bénéficieront d’une super-déduction fiscale, de nature à encourager les activités en la matière, ainsi que l’innovation, qui sont des moteurs essentiels de la croissance. En outre, afin de soutenir le petit entreprenariat innovant, une super-déduction bonifiée sera accordée aux petites entreprises en phase de démarrage qui n’ont pas d’entreprises associées. Afin de contribuer à renforcer l’union des marchés des capitaux et la stabilité financière dans l’Union, l’ACCIS s’attaquera par ailleurs aux distorsions issues du traitement préférentiel réservé à l’endettement au détriment des fonds propres.

4.MODERNE, SIMPLE ET SÛR: POUR UN ENVIRONNEMENT FISCAL DES ENTREPRISES MIEUX CONÇU ET PLUS EFFICACE

Pour pouvoir prospérer, les entreprises, au sein du marché unique, ont besoin d’un cadre simple, stable et juridiquement sûr. Il importe de réduire à un minimum les obstacles fiscaux qu’elles rencontrent lors de leurs activités transfrontières et de faire en sorte qu’elles ne soient pas soumises à des charges administratives et à des frais superflus. L’Union doit se doter d’un cadre fiscal pour les entreprises adapté aux réalités du monde des affaires du 21e siècle, qui stimule l’esprit d’entreprise, attire les investisseurs et favorise toutes les entreprises, grandes et petites.

4.1 Un régime unique d’impôt sur les sociétés pour le marché unique

L’ACCIS permettra d’améliorer considérablement le fonctionnement du marché unique sur le plan fiscal. Plutôt que de devoir jongler avec une mosaïque de régimes nationaux différents, les entreprises transfrontières bénéficieront, pour calculer leurs bénéfices imposables dans l’Union, d’un corpus unique de règles. Grâce à un système de «guichet unique», elles pourront déposer une seule et même déclaration d’impôt pour l’ensemble de leurs activités dans l’Union européenne et traiter avec un unique État membre plutôt qu’avec de multiples administrations fiscales. La consolidation impliquera également que les pertes enregistrées dans un État membre pourront être automatiquement compensées par les bénéfices réalisés dans un autre État, ce qui permettra aux entreprises transfrontières de bénéficier du même traitement que celles dont l’activité est purement nationale.

Dans la proposition de directive visant à relancer l’ACCIS, la Commission a conservé, en matière de consolidation, la même approche ambitieuse que dans la proposition initiale. La stratégie en deux temps aura cependant pour effet d’en retarder les avantages. En contrepartie, la Commission a proposé qu’en attendant un accord sur la consolidation, les entreprises aient accès à un régime temporaire simple et solide de compensation transfrontalière des pertes dans le cadre de l’assiette commune.

L’ACCIS sera claire, stable et intégrée dans la législation de l’Union. Définie à l’unanimité par tous les États membres, l’ACCIS sera un régime stable échappant aux modifications périodiques, ce qui offrira aux entreprises un niveau sans précédent de sécurité fiscale. Pour s’étendre au-delà des frontières, elles n’auront plus à s’adapter aux réglementations fiscales divergentes des différents États membres. De même, elles n’auront plus à tenter de comprendre les différentes logiques d’imposition de certains revenus propres aux divers États membres, et seront délivrées des frais légaux et administratifs élevés qu’elles devaient assumer pour se conformer aux subtilités des règles relatives aux prix de transfert. L’ACCIS permettra ainsi de lever les principaux obstacles fiscaux auxquels se heurtent aujourd’hui les entreprises au sein du marché unique.

L’ACCIS présente des avantages considérables pour les petites et moyennes entreprises (PME), ainsi que pour les grandes entreprises, au sein de l’Union européenne. L’ACCIS ne sera obligatoire que pour les plus grandes entreprises. Toutefois, les PME et les jeunes pousses (start-ups) pourront opter pour ce régime si elles souhaitent bénéficier des avantages qu’il présente en matière de simplification et de réduction des coûts. On estime qu’à l’heure actuelle, les PME dépensent en coûts de mise en conformité un montant équivalant à environ 30 % des impôts qu’elles acquittent, voire davantage si elles s’étendent au-delà des frontières. L’ACCIS permettra de réduire substantiellement ces dépenses et d’abaisser le coût de création d’une filiale dans un autre État membre. Grâce à ces économies, couplées à la rationalisation de la réglementation et à la simplification du système de déclaration des revenus, il sera beaucoup plus facile aux petites entreprises et aux jeunes pousses (start-ups) de croître et de se développer à l’intérieur du marché unique.

4.2 Des outils plus performants pour prévenir la double imposition

Les entreprises doivent s’acquitter de leur juste part de l’impôt là où elles réalisent leurs bénéfices, mais elles ne devraient pas avoir à payer davantage. L’un des plus grands obstacles fiscaux au marché unique est la double imposition.

Les différends entre États membres sur la personne habilitée à imposer certains bénéfices ont fréquemment pour conséquence que des entreprises se voient imposées deux fois, ou davantage, sur les mêmes revenus. Selon les chiffres les plus récents, on dénombre dans l’Union quelque 900 litiges en cours portant sur une double imposition, pour un montant de 10,5 milliards d’EUR. La plupart des États membres ont conclu des conventions fiscales bilatérales pour éviter la double imposition et il existe des procédures de règlement des différends. Toutefois, ces procédures sont longues, coûteuses et n’aboutissent pas toujours à un accord. La convention multilatérale d’arbitrage, conclue entre les États membres, permet d’atténuer en partie le problème. Toutefois, son champ d’application est limité aux différends sur les prix de transfert et aucun recours n’est possible contre l’interprétation de la réglementation.

Pour les entreprises soumises au régime de l’ACCIS, la double imposition devrait globalement appartenir au passé. La combinaison d’un ensemble unique de règles régissant le calcul des bénéfices des entreprises et de la nouvelle formule de répartition, qui fixe clairement l’attribution des compétences fiscales, permettra de déterminer sans équivoque les bénéfices imposables et l’endroit où l’impôt doit être perçu. Toutefois, on pourra encore se trouver en présence de cas dans lesquels, par exemple, il existe des accords de transfert de prix entre entités membres d’un groupe à l’intérieur et à l’extérieur de l’Union et pour des entreprises non soumises à l’ACCIS. Pour ces cas de figure, il est nécessaire de prévoir un système plus efficace de règlement des litiges concernant la double imposition. Par ailleurs, en attendant un accord sur l’ACCIS, il y a lieu de mettre en place, plus largement, un système efficace de règlement des différends concernant la double imposition.

La Commission a proposé aujourd’hui une directive visant à améliorer les mécanismes de règlement des différends en matière de double imposition dans l’Union, afin de mettre en place un environnement fiscal qui soit plus équitable, plus sûr et plus stable. Les nouvelles règles garantiront un traitement plus rapide et plus rigoureux des problèmes de double imposition opposant des États membres. Si les États membres ne parviennent pas à s’accorder sur la manière de résoudre un problème, le contribuable pourra demander à sa juridiction nationale d’instituer un comité d’arbitrage chargé de rendre une décision définitive et contraignante sur le cas d’espèce dans un délai déterminé. Cette disposition contribuera à éviter aux entreprises concernées d’opérer dans l’incertitude. Les mécanismes de résolution des différends prévus par la proposition présentée aujourd’hui pourront aussi bénéficier à un plus large éventail de situations. Ces améliorations des mécanismes de résolution des différends permettront à la fois aux entreprises et aux administrations d’économiser beaucoup de temps, d’argent et de ressources, tout en renforçant la sécurité fiscale pour les entreprises de l’Union.

5.TRANSPARENCE, EFFICACITÉ ET COHÉRENCE: UN RÉGIME FISCAL PLUS ÉQUITABLE POUR TOUS

Que ce soit en Europe ou dans le reste du monde, l’équité est devenue un préalable essentiel de toute politique en matière de fiscalité des entreprises. Les entreprises qui bénéficient du marché unique doivent payer leurs impôts là où elles réalisent leurs bénéfices et toutes les entreprises doivent être traitées selon le principe de la neutralité fiscale. L’Union doit se doter d’un régime d’impôt sur les sociétés garantissant une solide protection contre les abus, des conditions de concurrence équitables pour les entreprises et un partage équitable de la charge entre tous les contribuables.

5.1 Pour un régime plus équitable d’impôt sur les sociétés

L’ACCIS est le modèle par excellence d’un régime équitable d’impôt sur les sociétés. Elle permettra de combler un certain nombre de lacunes du cadre fiscal actuel qui sont autant de portes ouvertes pour la planification fiscale agressive. Comme tous les États membres appliqueront les mêmes règles pour calculer les bénéfices imposables des entreprises, elle permettra également d’éliminer les asymétries et les failles entre systèmes fiscaux nationaux que ne manquent pas d’exploiter les adeptes de l’évasion fiscale. Quant aux prix de transfert, qui représentent environ 70 % du total des transferts de bénéfices, ils sont voués à la disparition. En outre, afin d’en renforcer la fonction anti-évasion, l’ACCIS sera obligatoire pour les grandes entreprises actives dans l’Union.

L’incitation, pour les États membres, à s’engager dans une concurrence fiscale dommageable disparaîtra. Les États membres n’auront plus à consacrer d’importantes ressources à la recherche de bases d’imposition mouvantes, car l’ACCIS répartit les profits de manière à améliorer la corrélation entre l’imposition et les lieux où se déroule effectivement l’activité économique. Cela permettra aux États membres de recentrer leurs ressources sur une fiscalité favorable à la croissance, qui soit de nature à stimuler les investissements et l’emploi, ainsi qu’à soutenir les efforts relatifs à des besoins socioéconomiques plus larges.

L’ACCIS permettra également d’instaurer une transparence totale en ce qui concerne le système fiscal de chaque État membre et ses taux d’imposition effectifs. Les États membres ont le droit souverain de fixer leurs propres taux d’imposition et l’ACCIS ne modifie aucunement cette situation. Cependant, elle garantira que lorsqu’un État membre décide d’un taux d’imposition, celui-ci s’applique effectivement à toutes les entreprises. Il ne sera plus possible de recourir à des régimes préférentiels dissimulés ou d’arrêter des décisions fiscales aux effets dommageables. Ces dispositions devraient accroître la confiance des citoyens vis-à-vis du mode d’imposition des entreprises et garantir que les entreprises opèrent, à l’intérieur du marché unique, dans des conditions de concurrence plus équitables.

5.2 Mesures supplémentaires de lutte contre les abus

L’ACCIS contient des dispositions anti-abus visant à protéger les États membres contre l’érosion de l’assiette imposable et le transfert de bénéfices, tant à l’intérieur de l’Union qu’à l’égard des pays tiers. Il s’agit par-là de renforcer l’impact de l’ACCIS en tant qu’instrument de prévention de l’évasion fiscale. Les dispositions anti-abus prévues dans le cadre de l’ACCIS correspondent à celles qui figurent dans la directive sur la lutte contre l’évasion fiscale et ont été approuvées par les États membres en juillet 2016. Cela permettra de garantir que toutes les entreprises sont soumises aux mêmes règles anti-abus, qu’elles relèvent ou non du régime de l’ACCIS.

La Commission a également présenté aujourd’hui une autre proposition, dont l’objectif est de lutter contre les dispositifs hybrides faisant intervenir des pays tiers, afin de renforcer encore l’arsenal anti-abus de l’Union et de contrer les risques d’origine extérieure. La directive sur la lutte contre l’évasion fiscale cible déjà les dispositifs hybrides au sein de l’Union, en vue d’éliminer un important canal d’érosion de l’assiette imposable et de transferts de bénéfices. Toutefois, ces dispositifs ne sont pas limités au marché unique et il importe de trouver une solution pour contrer les risques d’origine extérieure. Lorsqu’ils se sont accordés sur la directive sur la lutte contre l’évasion fiscale, les États membres ont invité la Commission à présenter une autre proposition, afin de combler efficacement cette lacune. C’est pourquoi la Commission a proposé de nouvelles mesures visant toute une série de dispositifs, dont les dispositifs utilisant des établissements stables hybrides, les dispositifs hybrides importés, les transferts hybrides et les dispositifs utilisant des entités à double résidence, tant à l’intérieur de l’Union qu’à l’égard des pays tiers. Tout comme les mesures prévues par la directive sur la lutte contre l’évasion fiscale, les règles établies dans cette nouvelle proposition sont conformes à l’approche du projet BEPS de l’OCDE.

6.TRANSPARENT, MOTIVANT, IMPARTIAL: UN SYSTÈME FISCAL MODERNE POUR UNE ÉCONOMIE SAINE

L’Union doit se doter d’un régime d’impôt sur les sociétés de nature à soutenir une Union plus compétitive, plus innovante et plus stable sur le plan économique. La croissance et l’investissement dépendent de l’existence d’un environnement propice aux affaires, qui encourage les financements productifs et récompense les activités porteuses de croissance telles que la recherche et l’innovation. En offrant aux entreprises une réglementation robuste et prévisible, les conditions d’une concurrence loyale, une réduction des coûts et une diminution de la charge administrative, l’ACCIS fera de l’Union un marché très attrayant pour l’investissement. En outre, la Commission a renforcé la proposition d’ACCIS par de nouvelles dispositions qui mettent spécifiquement l’accent sur les activités génératrices de croissance.

6.1 De meilleures incitations en faveur de l’innovation

L’ACCIS permettra de soutenir les activités de recherche et développement, qui sont des moteurs essentiels de croissance et de compétitivité. L’Union accumule actuellement du retard sur d’autres économies développées en ce qui concerne les investissements dans la recherche et l’innovation. Bien que presque tous les États membres aient mis en place certaines incitations fiscales en faveur des activités de recherche et développement, ces mesures ne sont pas toutes efficaces et certaines sont même exploitées par de grandes entreprises à des fins d’évasion fiscale. Par ailleurs, les incitations nationales divergentes créent un environnement fiscal complexe pour les entreprises qui investissent dans les activités de recherche et développement.

L’ACCIS offrira une déduction fiscale à l’échelle de l’Union aux entreprises qui investissent dans de véritables activités de recherche. Cette déduction sera encore plus généreuse pour les jeunes pousses (start-ups), compte tenu du rôle important que jouent ces dernières dans la création d’emplois, la promotion d’une saine concurrence et la mise en place de modèles commerciaux plus efficaces. L’incitation en faveur des activités de recherche et développement donnera un coup de pouce aux entreprises à petits budgets, afin de leur permettre de se développer, et favorisera la création et l’expansion d’entreprises jeunes et innovantes. Pour éviter qu’elle ne soit utilisée à des fins d’évasion fiscale, elle a par ailleurs été conçue sur la base d’un modèle de bonnes pratiques.

6.2 Un environnement fiscal propice à l’investissement

L’ACCIS permettra également de corriger les distorsions internes aux systèmes fiscaux en vigueur qui sont susceptibles de déstabiliser l’économie. La plupart des régimes d’impôt sur les sociétés des États membres favorisent l’endettement en autorisant la déductibilité des intérêts sans accorder un traitement similaire aux fonds propres. Ce traitement préférentiel encourage les entreprises à emprunter davantage, ce qui les fragilise et accroît l’exposition de l’économie aux crises. De ce fait, il décourage les entreprises de renforcer leurs fonds propres. Il fait aussi pencher la structure du marché financier du côté des titres de créance et risque de nuire à l’efficacité du financement sur les marchés de capitaux.  Or cela va à l’encontre des objectifs fondamentaux de l’union des marchés des capitaux, ainsi que des exigences de l’union bancaire en matière de fonds propres. 

En introduisant une déduction fiscale pour la croissance et l’investissement (DCI), l’ACCIS éliminera la distorsion liée aux incitations fiscales favorisant l’endettement. Cette déduction fiscale permettra de faire en sorte que le recours aux fonds propres et le recours à l’emprunt reçoivent des niveaux similaires d’avantages fiscaux, créant ainsi un environnement fiscal plus neutre et plus propice aux investissements. La DCI récompensera les entreprises qui renforcent leurs structures de financement et ont recours aux marchés des capitaux 10 . Cette nouvelle disposition rendra particulièrement service aux PME, qui éprouvent souvent des difficultés à obtenir des prêts. Compte tenu des effets bénéfiques qu’aura la DCI tant pour les entreprises que pour l’économie dans son ensemble, la Commission invite également les États membres à envisager d’y recourir pour les entreprises ne relevant pas du régime de l’ACCIS.

7.CONCLUSION

La Commission propose une réponse globale aux défis actuels et émergents en matière de fiscalité des entreprises, ainsi, pour l’avenir, qu’une approche nouvelle et positive de l’impôt sur les sociétés. L’ACCIS apportera des améliorations notables au cadre régissant la fiscalité des entreprises dans l’Union, sur le plan de la simplicité, de la sécurité fiscale et de l’équité. Elle permettra de mettre en œuvre une fiscalité des entreprises en phase avec l’économie moderne, qui serve l’objectif d’un marché unique toujours plus fort et plus compétitif. La proposition de règlement des différends en matière de double imposition et la proposition visant à lutter contre les dispositifs hybrides faisant intervenir des pays tiers, que la Commission a également présentées aujourd’hui, contribueront aussi à mettre en place dans l’Union une fiscalité des entreprises plus équitable et plus efficace. La Commission invite en conséquence les États membres à approuver dans les meilleurs délais toutes les propositions présentées aujourd’hui, de sorte que les entreprises, les administrations, les citoyens et l’économie européenne puissent commencer à profiter pleinement des avantages de cet environnement stable, équitable et compétitif en matière de fiscalité des entreprises.

(1) COM(2015) 302 final.
(2)

COM(2016) 451 final.

(3) Voir la communication de la Commission sur la notion d’aide d’État, points 169 à 174: http://ec.europa.eu/competition/state_aid/modernisation/notice_of_aid_fr.pdf
(4) Directive (UE) 2015/2376 du Conseil.
(5) Directive (UE) 2016/881 du Conseil.
(6) COM(2016) 452 final.
(7) Directive (UE) 2016/1164 du Conseil.
(8) COM(2016) 24 final.
(9) Analyse d’impact relative à une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS) [SWD (2016) 341].
(10) Étant donné que le financement sur fonds propres présente plus de risques que le financement par l’emprunt, une prime de risque sera ajoutée au rendement pour la détermination du montant de la déduction. Étant donné que les augmentations de fonds propres peuvent remonter jusqu’à dix ans, le rendement de référence pour la déduction sera celui des emprunts publics à dix ans dans la zone euro.