10.3.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 75/103


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la prise en compte des émissions et des absorptions de gaz à effet de serre résultant de l’utilisation des terres, du changement d’affectation des terres et de la foresterie dans le cadre d’action pour le climat et l’énergie à l’horizon 2030 et modifiant le règlement (UE) no 525/2013 du Parlement européen et du Conseil relatif à un mécanisme pour la surveillance et la déclaration des émissions de gaz à effet de serre et pour la déclaration d’autres informations ayant trait au changement climatique»

[COM(2016) 479 final — 2016/0230(COD)]

et sur la

«Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions de gaz à effet de serre par les États membres de 2021 à 2030 en faveur d’une union de l’énergie résiliente et afin de respecter les engagements pris en vertu de l’accord de Paris et modifiant le règlement (UE) no 525/2013 du Parlement européen et du Conseil relatif à un mécanisme pour la surveillance et la déclaration des émissions de gaz à effet de serre et pour la déclaration d’autres informations ayant trait au changement climatique»

[COM(2016) 482 final — 2016/0231(COD)]

(2017/C 075/17)

Rapporteure:

Tellervo KYLÄ-HARAKKA-RUONALA

Corapporteur:

Mindaugas MACIULEVIČIUS

Consultation

Conseil, 25 août 2016

Parlement européen, 12 septembre 2016

Commission européenne, 20 juillet 2016

Base juridique

Articles 192, paragraphe 1, et 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Agriculture, développement rural et environnement»

Adoption en section spécialisée

24 novembre 2016

Adoption en session plénière

14 décembre 2016

Session plénière no

521

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

210/0/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE accueille favorablement les propositions opportunes de la Commission concernant la mise en œuvre de l’engagement de l’Union européenne à réduire ses émissions de gaz à effet de serre dans tous les secteurs de la vie économique et sociale à l’horizon 2030. Toutefois, il souligne qu’il est nécessaire dans le même temps de prendre en compte le défi planétaire à long terme que constitue l’atténuation du changement climatique. À cette fin, il est nécessaire d’évaluer en profondeur si l’approche actuelle de l’Union européenne en matière de politique climatique, en ce qui concerne les efforts devant être consentis à l’échelle mondiale, européenne ou nationale, est appropriée pour ouvrir la voie vers un monde neutre en carbone.

1.2.

Concernant la répartition de l’effort, le CESE souscrit pleinement à l’idée qu’il faut prendre en considération les différences qui existent entre les États membres afin de garantir l’équité et l’efficacité au regard des coûts. Toutefois, si l’on souhaite atteindre une véritable efficacité au regard des coûts d’une manière qui soit équitable, les calculs relatifs à la répartition des efforts doivent traiter ces deux aspects en même temps et dans tous les États membres et fixer les objectifs de manière que les coûts relatifs soient les mêmes pour chaque pays. Compte tenu des lacunes existant en matière de répartition de l’effort, le CESE estime qu’il importe de mettre en place des mécanismes d’assouplissement et de les affiner.

1.3.

L’intégration du secteur de l’utilisation des terres, du changement d’affectation des terres et de la foresterie (UTCATF) dans le cadre d’action à l’horizon 2030 apporte à la politique climatique de l’Union européenne un élément remarquable et nouveau. Le CESE estime qu’il est nécessaire que cette intégration s’opère de manière à favoriser la neutralité carbone à long terme. L’utilisation durable et la gestion active des ressources naturelles d’origine biologique, autrement dit la bioéconomie durable, notamment la gestion durable des forêts et la production alimentaire respectueuse du climat, sont un élément central de cette transition, qu’il convient de prendre dûment en compte afin de parvenir à une croissance durable sur les plans environnemental, économique et social.

1.4.

Le rôle de l’agriculture et de la foresterie exige que l’Union européenne adopte une approche holistique en matière de politique climatique. Il convient de prendre en compte tant la réduction des émissions que la séquestration du carbone, de même que les défis que constituent l’adaptation au changement climatique et la sécurité alimentaire. L’accord de Paris introduit une obligation forte d’agir pour «maintenir la hausse de la température mondiale bien en deçà de 2 oC […] et poursuivre les efforts pour la maintenir à 1,5 oC», tout en «renforçant les capacités d’adaptation aux effets néfastes des changements climatiques et en promouvant la résilience à ces changements et un développement à faible émission de gaz à effet de serre, d’une manière qui ne menace pas la production alimentaire». Il est donc important d’aborder la nécessité de renforcer la résilience dans le secteur agricole, tout en atténuant les effets du changement climatique.

1.5.

Le CESE invite la Commission et les États membres à reconnaître le rôle fondamental et le potentiel des forêts et de la gestion durable de celles-ci en tant qu’elles constituent des puits de carbone, ainsi qu’à reconnaître les avantages sociaux, environnementaux et économiques qui en découlent.

1.6.

La séquestration du CO2 n’est pas seulement liée à la superficie forestière; il s’agit avant tout de favoriser la croissance des forêts et une photosynthèse vigoureuse grâce à la gestion active des forêts, ainsi que l’utilisation accrue de la biomasse ligneuse pour la fabrication de produits et la production d’énergie. Limiter l’usage des ressources forestières aurait pour effet à long terme de diminuer les puits de carbone en raison du vieillissement des forêts et, partant, de leur lente croissance. De même, pour les terres cultivées et les prairies, le cycle de la croissance et de la récolte de ce qui est produit garantit que l’absorption du dioxyde de carbone demeure aussi efficace que possible.

1.7.

Le CESE estime qu’il est important de procéder à une évaluation scientifique des émissions et de l’absorption des gaz à effet de serre, dans la transparence et en utilisant des unités de mesure communes. Il invite la Commission à mettre au point les règles de comptabilisation de la gestion des terres et des forêts de manière à ce qu’elles reflètent les taux réels d’émission et de séquestration du carbone. En outre, les niveaux de référence nationaux pour les forêts doivent être établis par les États membres en fonction de l’usage qu’ils ont prévu de faire de leurs ressources forestières. L’Union européenne devrait également développer un instrument satellitaire de précision pour assurer la surveillance globale des forêts. Il convient aussi de mettre au point des méthodes de comptabilisation appropriées pour la séquestration du carbone par les plantes non ligneuses sur les terres agricoles. Il est également important d’éviter le double comptage des émissions du secteur UTCATF liées à la biomasse dans d’autres secteurs.

1.8.

Le CESE encourage chacun des États membres à mettre en place, au niveau national, des politiques ascendantes ambitieuses pour le secteur UTCATF, en faisant participer étroitement la société civile à ce processus aux niveaux national, régional et local.

1.9.

Le CESE reconnaît que le succès de ces propositions ambitieuses nécessite d’importantes ressources financières; il encourage la Commission à mettre en place, en plus des mécanismes de financement existants et en liaison avec la BEI, un instrument financier distinct pour soutenir la réalisation de ces objectifs. Il est également nécessaire d’intensifier la recherche et l’innovation afin de développer et d’adopter de nouvelles méthodes pour atténuer les effets du changement climatique.

2.   Introduction

2.1.

Le 20 juillet 2016, la Commission européenne a avancé des propositions relatives à un règlement sur les réductions des émissions de gaz à effet de serre par les États membres entre 2021 et 2030 (répartition de l’effort 2030) et à un règlement relatif à la prise en compte des émissions et des absorptions de gaz à effet de serre résultant de l’utilisation des terres, du changement d’affectation des terres et de la foresterie (UTCATF) dans le cadre d’action de l’Union européenne pour le climat et l’énergie à l’horizon 2030. En même temps, la Commission a publié une communication intitulée «Une stratégie européenne pour une mobilité à faible taux d’émissions». Dans le présent avis, le CESE donne son point de vue sur les règlements proposés; ses vues relatives à la communication sur les transports font l’objet d’un autre avis (dossier TEN/609).

2.2.

Les propositions à l’examen s’inscrivent dans la mise en œuvre de l’engagement de l’Union européenne de réduire, d’ici à 2030, ses émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % par rapport aux niveaux de 1990. L’objectif à l’horizon 2030, tel qu’approuvé par l’Union européenne, exige une réduction de 43 % dans les secteurs relevant du système d’échange de quotas d’émission (SEQE) et de 30 % dans les autres secteurs (hors SEQE), dans les deux cas par rapport aux niveaux de 2005. Le Parlement européen et le Conseil procèdent actuellement à la révision de la directive SEQE. Le CESE s’est exprimé au sujet de ce réexamen dans son avis NAT/675.

2.3.

Les règlements proposés s’appliquent aux secteurs et activités qui ne relèvent pas du SEQE, tels que les transports, le bâtiment, l’agriculture et la gestion des déchets, ainsi que l’utilisation des terres et la foresterie. Les objectifs de réduction des émissions des États membres constituent une extension de la décision en vigueur relative à la répartition de l’effort concernant les objectifs de l’Union européenne en matière de climat à l’horizon 2020, et c’est la première fois que l’utilisation des terres et la foresterie sont intégrées dans le cadre d’action de l’Union européenne pour le climat et l’énergie. Jusque-là, ces domaines étaient abordés dans le cadre du protocole de Kyoto.

2.4.

La Commission propose des objectifs de réduction d’émissions différenciés suivant les pays afin de se conformer aux principes d’équité et d’efficacité au regard des coûts, mis en avant par le Conseil européen. Les objectifs pour les différents États membres à l’horizon 2030 vont de 0 à 40 %. Pour ce qui est de l’utilisation des terres et des forêts, la Commission propose que les émissions et les absorptions, calculées selon les règles de comptage, soient équilibrées dans chaque État membre.

2.5.

La Commission propose de prolonger le système de flexibilité qui permet de transférer des allocations de quotas d’émissions entre États membres et dans le temps. La Commission propose également de nouvelles mesures d’assouplissement permettant au secteur de la répartition de l’effort de procéder à certains arbitrages avec les secteurs du SEQE et de l’UTCATF.

2.6.

Les règlements proposés portent aussi sur la surveillance et la déclaration des émissions de gaz à effet de serre, avec notamment des règles comptables pour l’utilisation des terres et la foresterie.

3.   Observations générales

3.1.

Dans l’ensemble, le CESE accueille favorablement les propositions opportunes de la Commission concernant la mise en œuvre de l’engagement de l’Union européenne à réduire ses émissions de gaz à effet de serre dans tous les secteurs de la vie économique et sociale à l’horizon 2030. Toutefois, il souligne qu’il est nécessaire dans le même temps de prendre en compte le défi planétaire à long terme que constitue l’atténuation du changement climatique. Cela signifie que les politiques et mesures adoptées doivent être compatibles avec l’objectif à long terme de parvenir à un monde neutre en carbone.

3.2.

Dans un récent avis (NAT/690), le CESE a invité l’Union européenne à s’efforcer d’accroître son impact positif sur le climat mondial («carbon handprint», action positive en matière de carbone) plutôt que de se contenter de réduire ses propres émissions. Ainsi, dans le cadre de la politique en faveur du climat à l’horizon 2030, il conviendrait également d’encourager l’élaboration de solutions en matière de climat pour les pays tiers et la mise en œuvre de projets communs avec eux, compte tenu du fait que l’accord de Paris fait référence à un nouveau mécanisme de coopération internationale pour la lutte contre le changement climatique.

3.3.

Dans l’avis susmentionné, le CESE a également plaidé pour une «union pour le climat» plus efficace, où les éléments liés au climat seraient étroitement intégrés dans les politiques du marché unique y afférentes. Le fait que l’objectif commun de réduction des émissions soit divisé en sous-objectifs nationaux est susceptible de conduire à une situation plus fragmentée, «dés-intégrée». Aussi le CESE invite-t-il la Commission à évaluer également les différentes options et possibilités d’une approche communautaire plus cohérente dans les secteurs hors SEQE en matière de politique climatique de l’Union européenne pour l’après-2030.

3.4.

Une autre voie possible pour la politique climatique, plutôt que la répartition de l’effort entre les États membres, serait d’adopter une approche sectorielle. La communication sur les transports repose sur une telle approche. Le CESE estime important d’opérer une distinction entre les questions qui relèvent du marché unique et celles qui sont par nature nationales. De manière générale, une approche sectorielle est mieux adaptée au marché unique, alors qu’une approche par pays est pertinente pour les questions liées, par exemple, à la gestion des ressources naturelles nationales. Cela vaut tout particulièrement pour la politique forestière.

3.5.

L’intégration du secteur de l’utilisation des terres et de la foresterie dans le cadre d’action à l’horizon 2030 apporte à la politique climatique de l’Union européenne un élément remarquable et nouveau. Le CESE juge nécessaire que cette intégration ait lieu de manière à favoriser la neutralité carbone et la croissance durable à long terme, plutôt que de se contenter d’actions à court et moyen termes.

3.6.

La nécessité de réduire les émissions et d’accroître le stockage de carbone joue en faveur du recours à la biomasse en tant que matière première utilisée pour toutes sortes de produits biologiques et en tant que source d’énergie renouvelable, y compris de bioénergie durable utilisée parallèlement à la décarbonisation des transports. Une bioéconomie durable, c’est-à-dire l’utilisation durable et la gestion active des ressources naturelles d’origine biologique, est par conséquent un élément central de la transition vers la neutralité carbone.

3.7.

Le secteur forestier peut jouer un rôle essentiel dans la réduction des émissions de dioxyde de carbone, la progression des énergies renouvelables et la promotion de la consommation durable. À l’heure actuelle, les ressources forestières de l’Union européenne sont en expansion, grâce aux investissements à long terme dans la gestion des forêts destinés à relever les niveaux durables en vue des récoltes futures de produits ligneux. L’utilisation croissante de la biomasse exigera aussi une gestion active des forêts dans l’avenir.

3.8.

Le CESE entend souligner que la politique de l’Union européenne en matière de climat ne doit pas fixer de limites à l’utilisation des forêts, à condition que les prélèvements n’excèdent pas la croissance des ressources forestières et que les pratiques de gestion durable des forêts soient appliquées. Une restriction à court terme de l’utilisation des ressources forestières conduirait à long terme à une réduction des puits de carbone.

3.9.

Le changement climatique a également un lien étroit avec la sécurité alimentaire, notamment au niveau mondial. Il est donc essentiel d’être en mesure de répondre, simultanément, aux défis de la sécurité alimentaire et à ceux de l’atténuation du changement climatique. La problématique de la disponibilité de terres aptes à la culture et des pressions de l’urbanisation devrait inciter à un accroissement durable de la productivité, afin que l’Europe puisse contribuer à la réponse apportée au défi mondial de la sécurité alimentaire.

3.10.

Concernant les émissions nettes du secteur agricole, le CESE rappelle qu’il existe par ailleurs une proposition tout aussi ambitieuse relative aux plafonds d’émission nationaux et invite à faire preuve de cohérence et à éviter des charges qui se redoublent dans le développement et la mise en œuvre des différents volets de la législation.

4.   Observations particulières sur la proposition relative à la répartition de l’effort

4.1.

La Commission a répondu à l’appel du Conseil européen visant à prendre en considération dans sa proposition les principes d’équité et d’efficacité au regard des coûts. Le CESE souscrit pleinement à l’idée qu’il faut prendre en considération les différences qui existent entre les États membres afin de garantir l’équité et l’efficacité au regard des coûts. Il s’agit des différences en termes de caractéristiques spécifiques et de situation de départ des pays, ainsi que du potentiel économique et social qu’ils recèlent pour réduire les émissions.

4.2.

Cependant, le CESE attire l’attention sur le fait que l’approche proposée ne conduit pas au résultat le plus efficace à l’échelle de l’Union européenne, l’équité et l’efficacité au regard des coûts étant considérées séparément l’une de l’autre. Toutefois, si l’on souhaite atteindre une véritable efficacité au regard des coûts d’une manière qui soit équitable, les calculs relatifs à la répartition des efforts doivent traiter ces deux aspects en même temps et dans tous les États membres.

4.3.

Idéalement, on pourrait trouver la solution la plus rentable en calculant la courbe des coûts des réductions des émissions dans chaque pays et en fixant les objectifs en fonction du point où les coûts marginaux par rapport au PIB sont égaux. Cela permettrait également d’éliminer le problème éventuel d’attribution excessive de quotas. Une autre option possible serait de fixer le même objectif relatif pour tous les pays, puis d’avoir recours aux mécanismes d’assouplissement pour trouver la meilleure solution.

4.4.

Concernant le résultat de la répartition de l’effort, le CESE fait observer qu’il est difficile à vérifier. Aussi souligne-t-il l’importance de faire preuve de transparence dans la présentation des données, des hypothèses utilisées pour les calculs et de la méthodologie employée.

4.5.

Afin d’accroître la prévisibilité, le CESE juge important de prendre en compte les incidences potentielles du Brexit sur la répartition des efforts et de s’y préparer. Par ailleurs, l’Islande et la Norvège ont exprimé leur intention de participer à l’action conjointe menée par l’Union européenne, ce qui pourra avoir une incidence sur la mise en œuvre de la répartition de l’effort.

4.6.

Compte tenu des lacunes inévitables qui existent en matière de répartition de l’effort, il importe de mettre en place des mécanismes et des règles d’assouplissement permettant d’en tirer le maximum d’avantages sous l’angle de l’efficacité. De nouvelles formes de flexibilité transsectorielle devraient également être étudiées. Par ailleurs, il convient de mettre en place un système efficace et transparent pour surveiller les effets de ces dispositifs d’assouplissement.

4.7.

La souplesse offerte par la possibilité de négocier les quotas annuels d’émission entre États membres et de mettre en œuvre les mesures dans un autre État contribue à la fois à une meilleure efficacité au regard des coûts et à davantage d’équité. Il est également nécessaire de permettre le transfert de quotas d’émission au fil du temps et de limiter les restrictions à son utilisation, car, dans la pratique, les mesures de réduction des émissions ne suivent pas une trajectoire linéaire d’une année à l’autre.

4.8.

La proposition de la Commission relative à la possibilité d’utiliser des quotas d’émission provenant des secteurs couverts par le SEQE pour compenser les émissions des autres secteurs est bienvenue, car elle vise également à optimiser les réductions d’émissions. Dans le même temps, il faut reconnaître que l’annulation de quotas d’émission dans un pays se répercute sur d’autres pays, étant donné que le système d’échange de quotas d’émission fonctionne à l’échelle de l’Union européenne.

4.9.

Le CESE se félicite de la possibilité qui est offerte d’utiliser les absorptions de carbone et les réductions d’émissions dans le secteur UTCATF pour compenser les émissions dans d’autres secteurs. L’éventuelle inclusion de la gestion forestière dans les mécanismes de flexibilité doit être conçue de manière à stimuler les investissements dans la gestion durable des forêts et la croissance forestière et à ne pas entraver l’utilisation des ressources forestières en tant que matière première dans la bioéconomie.

5.   Observations particulières sur la proposition relative à l’UTCATF

5.1.

Le rôle de l’agriculture et de la foresterie exige que l’Union européenne adopte une approche holistique en matière de politique climatique. En plus du défi de l’atténuation du changement climatique, l’agriculture et la foresterie doivent faire face à celui de l’adaptation à ce changement, car ce sont les secteurs les plus touchés par les phénomènes climatiques défavorables. C’est la raison pour laquelle il convient d’encourager le choix d’une voie en matière d’atténuation qui aura les incidences les moins négatives sur la production. Comme cela est mentionné dans la proposition de la Commission, il est important de tenir compte de la position de l’Union européenne sur la scène mondiale et de prendre en compte l’état des lieux global qu’a dressé l’accord de Paris, en particulier à l’égard de l’intégrité environnementale et des effets négatifs potentiels des fuites de carbone.

5.2.

Selon l’accord de Paris, il y a lieu de parvenir, d’ici à la seconde moitié du siècle, à un équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre d’origine anthropique et leur absorption par des puits de carbone tels que les forêts. Il est dès lors essentiel de conserver les forêts comme puits et d’éviter une saturation de dioxyde de carbone dans les forêts vieillissantes.

5.3.

La gestion durable des forêts, associée à l’utilisation du bois comme matière première pour la fabrication de produits de toute sorte et au remplacement des combustibles fossiles par la bioénergie, est un moyen efficace de contrôle des équilibres en matière de carbone. Pour éviter de fragiliser l’intégrité environnementale, il convient de ne pas compenser les émissions fossiles d’autres secteurs d’une manière qui réduirait la disponibilité du bois pour la bioéconomie.

5.4.

La gestion des puits forestiers n’a pas seulement trait à la superficie forestière, mais avant tout à la stimulation de la croissance des forêts grâce à la gestion active de celles-ci et à l’utilisation accrue des produits du bois. Le CESE estime donc qu’il est important que les produits ligneux récoltés (PLR) soient inclus dans le secteur UTCATF et que les États membres utilisent pleinement les possibilités offertes par ces produits pour le stockage du carbone et les crédits qu’ils génèrent. En outre, il devrait être possible d’autoriser une compensation des émissions liées à la déforestation par l’accroissement des ressources forestières obtenu grâce à une gestion durable des forêts.

5.5.

Afin de tirer parti du potentiel important que revêt la gestion durable des forêts (1) pour l’atténuation du changement climatique, le CESE demande à la Commission de concentrer et d’intensifier ses efforts sur le développement des règles comptables de la gestion forestière. Ces règles devraient refléter les taux réels de croissance des forêts et de séquestration de carbone, pour éviter le problème que posent les règles en vigueur, à savoir que, dans certains cas, des puits d’absorption sont définis comme des sources d’émission.

5.6.

Les règles comptables proposées relativement aux niveaux de référence pour les forêts sont plus complexes qu’auparavant et n’encouragent pas suffisamment l’amélioration de la croissance forestière ou la bioéconomie. Le Comité propose qu’au lieu d’établir des critères trop détaillés, les niveaux de référence nationaux pour les forêts soient établis par les États membres en fonction de l’usage qu’ils ont prévu de faire de leurs ressources forestières, tout en garantissant que les tailles annuelles n’excèdent pas la croissance annuelle sur le long terme.

5.7.

Le CESE se félicite de la remarque de la Commission selon laquelle, pour éviter le double comptage des émissions, l’utilisation de la biomasse dans le secteur énergétique est comptée comme nulle, conformément aux lignes directrices du GIEC. Il importe par ailleurs d’éviter toute autre forme de double comptage des émissions.

5.8.

Le CESE demande à la Commission de faire en sorte de rationaliser les règles comptables internationales pour le secteur UTCATF. Afin d’encourager d’autres pays à participer au processus, ces règles devraient être aussi simples que possible. Au niveau international, l’Union européenne devrait également apporter une contribution reposant sur ses compétences en matière d’inventaire des ressources forestières et de méthodes de surveillance, en particulier en développant un système satellitaire précis de l’Union européenne qui soit capable de fournir des données complètes et actualisées.

5.9.

Comme pour la gestion des forêts, la gestion active des terres cultivées et des prairies contribue également à lutter contre le changement climatique, tout en contribuant à la sécurité alimentaire mondiale. L’amélioration de la gestion des terres arables et des pâturages, notamment en ce qui concerne la productivité des sols, la récolte et la replantation, accroît la séquestration du carbone et devrait donc être créditée de manière adéquate. Limiter la production de biomasse conduirait à une réduction progressive de l’absorption des gaz à effet de serre présents dans l’atmosphère en raison de la baisse de la photosynthèse. Il convient également de tenir compte des spécificités des sols organiques et des possibilités de poursuivre une activité agricole sur ceux-ci.

5.10.

Afin de tirer pleinement parti de l’important potentiel de la gestion des terres cultivées et des prairies pour accroître la fonction de puits de carbone du sol et indiquer les possibilités d’amélioration de leurs performances, le CESE invite à étudier et à mettre en place des règles de comptabilisation applicables à la biomasse associée à des plantes non ligneuses annuelles et vivaces. Les possibilités offertes par une approche dynamique de la gestion des sols axée sur l’optimisation de leurs fonctions — en tenant compte des situations locales — ne profiteront pas uniquement au climat et à l’environnement, mais contribueront également à assurer la viabilité économique et sociale du secteur agricole, en particulier des petites exploitations agricoles.

5.11.

En définitive, le succès de l’accord de Paris s’explique par l’approche ascendante adoptée pour fixer des objectifs nationaux, sur la base des atouts et possibilités dont disposent les différents États membres. Par ailleurs, le CESE relève les différences qui existent entre les États membres dans le secteur UTCATF. Les politiques devraient donc être conçues au niveau national dans le respect du principe de subsidiarité, et le secteur UTCATF devrait être conservé en tant que pilier distinct de la politique climatique.

5.12.

Le CESE encourage les différents États membres à mettre en place des politiques ambitieuses en matière d’atténuation des changements climatiques dans le secteur UTCATF, tout en créant une vision à long terme pour une utilisation durable des terres et de la foresterie, notamment en faisant participer la société civile et les partenaires sociaux au processus aux niveaux national, régional et local.

5.13.

Pour permettre la mise en œuvre de ces politiques ambitieuses, des ressources financières importantes sont indispensables. À cette fin, le CESE invite la Commission à mettre en place, en plus des mécanismes de financement existants et en liaison avec la BEI, un instrument financier distinct pour soutenir la réalisation de ces objectifs. En outre, il est à l’évidence nécessaire d’accroître l’investissement dans la recherche et le développement axés sur les nouvelles méthodes d’atténuation des changements climatiques.

Bruxelles, le 14 décembre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Nabuurs e.a., A new role for forests and the forest sector in the EU post-2020 climate targets (Un nouveau rôle pour les forêts et le secteur forestier dans les objectifs en matière de climat de l’Union européenne au-delà de 2020), 2015.