2.2.2017   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 34/121


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive (UE) 2015/849 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et la directive 2009/101/CE»

[COM(2016) 450 final — 2016/0208 (COD)]

(2017/C 034/19)

Rapporteur:

Javier DOZ ORRIT

Consultation

Conseil, 19.8.2016

Parlement européen, 12.9.2016

Base juridique

Articles 50 et 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 

[COM(2016) 450 final — 2016/0208 (COD)]

 

 

Compétence

Section spécialisée «Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale»

Adoption en section spécialisée

5.10.2016

Adoption en session plénière

19.10.2016

Session plénière no

520

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

182/0/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) estime que la lutte contre le terrorisme et son financement ainsi que la lutte contre le blanchiment de capitaux et d’autres formes de criminalité économique associées doivent constituer des priorités permanentes de la politique de l’Union européenne.

1.2.

Le CESE marque en principe son accord avec les mesures prévues dans la proposition de modification de la directive relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme (1), et avec le caractère urgent de sa transposition.

1.3.

Compte tenu de la nature mondiale de ces phénomènes, le Comité plaide pour que l’Union européenne et ses États membres assument à l’avenir un rôle encore plus important et jouent un rôle moteur au sein des instances et forums internationaux actifs dans le domaine de la lutte contre le blanchiment de capitaux et les formes graves de criminalité qui l’accompagnent. Il importe de mettre en œuvre des actions et des mesures internationales et mondiales coordonnées, afin de faire preuve d’une plus grande efficacité et d’engranger davantage de résultats, et l’Europe peut, à cet égard, jouer un rôle de premier plan.

1.4.

Le Comité est conscient de l’effort que les entreprises et entités assujetties ainsi que les autorités de contrôle doivent consentir afin de se conformer à la directive. C’est cependant un effort nécessaire que tous doivent faire pour réaliser les objectifs pleinement partagés, parmi lesquels la défense du système financier et d’autres entités assujetties contre l’utilisation de ce dernier à des fins criminelles. Le Comité propose de réaliser une évaluation de l’impact de l’application de ces mesures.

1.5.

Le CESE exprime sa préoccupation quant au fait que plusieurs facteurs risquent de limiter sérieusement l’efficacité dans la pratique des 4e et 5e directives relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux (directives LBC). En premier lieu, la liste des pays tiers à haut risque, publiée le 14 juillet 2016, omet de nombreux pays et juridictions au sujet desquels il existe des indices sérieux qu’ils servent de paradis fiscaux à des fins de blanchiment d’argent, et ne comporte aucun des vingt et un pays mentionnés dans les «Panama Papers». Compte tenu du fait que les mesures renforcées de surveillance appropriée prévues dans la 5e directive LBC ne s’appliquent qu’aux pays tiers répertoriés comme étant à haut risque, le CESE propose soit d’élaborer une nouvelle liste de pays tiers à haut risque, soit d’étendre le champ d’application des mesures visées à l’article 18 bis de ladite directive. Le CESE considère comme prioritaire la création de registres publics nationaux des bénéficiaires effectifs de comptes bancaires, des sociétés, des fiducies/trusts et des transactions, et l’accès à ceux-ci par les entités assujetties.

1.6.

Le CESE invite instamment les institutions européennes à renforcer leurs politiques visant à en finir avec les paradis fiscaux. Il estime plus particulièrement qu’il est nécessaire que toutes les obligations établies par la 5e directive LBC, et notamment celles relatives à l’identification des bénéficiaires effectifs de comptes bancaires, des sociétés, des fiducies/trusts et des transactions, soient étendues à tous les territoires ou juridictions sous souveraineté des États membres.

1.7.

Il faut articuler davantage la lutte contre le blanchiment de capitaux avec les mesures qu’il convient de mettre en œuvre contre la fraude et l’évasion fiscales, la corruption et d’autres infractions connexes — trafics d’armes, de drogue, d’êtres humains, etc. — ainsi que contre les organisations de l’économie criminelle. Il y a lieu d’élaborer de nouvelles initiatives contre ces délits et leurs connexions avec le blanchiment. Il serait également nécessaire de prévoir des mesures contre la concurrence fiscale déloyale.

1.8.

La lutte contre le terrorisme et le blanchiment de capitaux nécessite une coopération plus étroite entre les différents services de renseignement et de sécurité des États membres, et entre ceux-ci et Europol.

1.9.

Le CESE est d’avis que les accords de libre-échange et de partenariat économique devraient inclure un chapitre sur les mesures de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Il invite la Commission européenne à l’inclure à titre de proposition de l’Union européenne dans le cadre des négociations en cours, notamment celles sur le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI), ainsi que dans les traités en vigueur, au moment de leur révision.

1.10.

Le travail des cellules de renseignement financier (CRF) des États membres et leur coordination permanente au niveau européen sont essentiels. Le CESE estime qu’il serait judicieux de créer un instrument européen de surveillance, de coordination et d’anticipation des changements technologiques.

1.11.

La lutte contre le blanchiment revêtant une grande importance et afin de garantir une application efficace et uniforme des règles en la matière dans tous les États membres, il est essentiel que les textes et les concepts qui figurent dans les mesures proposées soient aussi clairs que possible. Cela favorisera dans le même temps la nécessaire sécurité juridique pour tous ceux qui doivent appliquer ces textes.

1.12.

Il serait souhaitable d’harmoniser à l’échelle européenne le traitement juridique — définitions et sanctions — de l’ensemble des infractions liées au blanchiment de capitaux, à la fraude fiscale, à la corruption et au financement du terrorisme et des infractions connexes. De même, une harmonisation des sanctions résultant du non-respect des dispositions des directives LBC serait nécessaire.

1.13.

Le CESE propose que soient prévues des mesures de contrôle des filiales des entités assujetties dans des pays tiers à haut risque et que les clients ne soient pas les seuls à être surveillés.

1.14.

Le CESE propose à la Commission d’étudier des mesures supplémentaires de protection des droits des citoyens face à une utilisation illicite ou abusive de l’information enregistrée par les autorités compétentes ou par les entités assujetties.

1.15.

Le Comité se félicite du traitement rapide de ces propositions et espère qu’elles entreront en vigueur dans les plus brefs délais, sans toutefois que l’on rogne sur la qualité des résultats. Il y a lieu, dès lors, de prévoir un calendrier réaliste pour la transposition des textes et leur application dans les États membres, ainsi que des orientations claires.

2.   Contexte et proposition de la Commission

2.1.

Les violents attentats terroristes perpétrés en France, en Belgique et dans d’autres pays européens, ainsi que les fuites sur le blanchiment d’argent provenant d’activités criminelles qui se déroulent dans des paradis fiscaux, la dernière en date étant celle révélée par l’ICIJ (2) sur les «Panama Papers», ont amené la Commission à proposer de nouvelles mesures contre l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme. Le 5 juillet 2016, la Commission a approuvé, parallèlement à la proposition de la 5e directive LBC, une autre proposition pour fournir aux autorités fiscales l’accès aux informations relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux (3), ainsi qu’une communication sur d’autres mesures visant à renforcer la transparence et la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales (4).

2.2.

Une récente étude du Parlement européen (5) souligne que «les “Panama Papers” ont mis en évidence le rôle des paradis fiscaux en tant que facilitateurs de l’évasion fiscale et la nature agressive de certaines pratiques d’évasion fiscale qui masquent la frontière entre fraude et évasion. Dans ce contexte, l’opacité résultant du secret, de l’absence de traçabilité et du manque d’échange d’informations fiscales joue un rôle important dans les cas de non-respect des sanctions économiques, et occulte des informations utiles et nécessaires relatives au crime organisé, y compris au blanchiment d’argent lié à l’activité terroriste, à la corruption et au trafic de drogues».

2.3.

L’ICIJ a publié les «Panama Papers». Sa base de données — l’Offshore Leaks Database (6) — contient des références relatives à 45 131 sociétés de l’Union européenne (7). Sur les vingt et un territoires que le cabinet Mossack Fonseca utilisait pour les opérations de fraude et d’évasion fiscales et de blanchiment de capitaux, deux sont des États membres de l’Union européenne et trois, des juridictions qui dépendent de l’un d’eux (8).

2.4.

La 5e directive LBC concrétise une partie des propositions du plan d’action destiné à renforcer la lutte contre le financement du terrorisme (9), à savoir celles qui impliquent une modification de la 4e directive LBC (10) et de la directive sur les garanties exigées des sociétés pour protéger les intérêts tant des associés que des tiers (11). Le plan propose d’avancer la date de transposition de la 4e directive LBC du 26 juin 2017 au 1er janvier 2017, qui est également la date limite pour la transposition des deux propositions de directive du 5 juillet 2016.

2.5.

Le cadre politique et législatif complexe de la 5e directive LBC inclut, à partir de 2015 seulement, deux autres initiatives: le programme européen en matière de sécurité  (12) et la proposition de directive relative à la lutte contre le terrorisme  (13), qui établit une nouvelle qualification des délits liés au financement du terrorisme.

2.6.

Le 14 juillet 2016, la Commission a adopté le règlement délégué sur le recensement des pays tiers à haut risque et une liste en annexe (14) qui reprend celle approuvée par le Groupe d’action financière (GAFI) lors de sa réunion à Busan (Corée), le 24 juin 2016.

2.7.

La proposition de la 5e LBC impose de nouvelles mesures de vigilance appropriée que doivent appliquer les entités assujetties — établissements financiers, professionnels liés au secteur, prestataires de services aux fiducies et aux jeux de hasard, agents immobiliers, etc. — à leurs clients, nouveaux et existants. Surtout, elle prévoit, dans son article 18 bis, des mesures de vigilance renforcées à l’égard de la clientèle en activité dans des pays tiers à haut risque. Les États membres peuvent également appliquer des contre-mesures pour les juridictions à haut risque, y compris l’interdiction d’y créer des succursales ou des bureaux de représentation, ou d’y effectuer des transactions financières.

2.8.

Une nouveauté réside dans le fait que les plates-formes de change de monnaies virtuelles et les fournisseurs de portefeuilles de stockage relèveront du champ d’application de la directive et seront considérés comme des entités assujetties aux fins des mesures de vigilance. Par ailleurs, l’anonymat est supprimé pour l’utilisation en ligne des cartes prépayées et le seuil de 250 EUR applicable aux cartes prépayées anonymes est abaissé à 150 EUR en cas d’utilisation en face-à-face.

2.9.

La 5e directive LBC propose également les mesures suivantes: renforcer les compétences des CRF et promouvoir la coopération entre elles; faciliter l’identification des titulaires de comptes bancaires et de paiement, en mettant en place, au niveau national, des registres centraux automatisés de ces comptes; rendre obligatoire l’identification et l’enregistrement des bénéficiaires effectifs d’entreprises (en ramenant le seuil de participation de 25 % à 10 % des actions), de fiducies/trusts, de fondations et d’entités similaires; et permettre l’accès public à ces informations sous certaines conditions.

3.   Observations générales

3.1.

Les différentes formes de criminalité qui exploitent le blanchiment d’argent et les paradis fiscaux aux dépens des droits fondamentaux de toute la population sont très graves. Le blanchiment de capitaux est en constante augmentation malgré les efforts déployés par les autorités européennes et nationales.

3.2.

La libéralisation des flux de capitaux dans le monde et la vitesse d’application de nouvelles technologies numériques aux transactions rendent difficile la lutte contre l’utilisation du système financier à des fins criminelles. Les enquêtes sur les derniers attentats du terrorisme djihadiste en Europe ont fourni des informations sur ses modes de financement, lesquels n’étaient pas couverts par la 4e directive LBC. Il est dès lors justifié de proposer sa modification, alors qu’elle n’est pas encore entrée en vigueur, et d’avancer la date limite de sa transposition.

3.3.

Le CESE marque en principe son accord avec les mesures proposées dans la 5e directive LBC et croit qu’elles peuvent être utiles pour contribuer à mettre fin au terrorisme et au blanchiment de capitaux.

3.4.

On pourrait toutefois émettre une réserve concernant les conséquences qu’une utilisation inappropriée par les autorités compétentes d’un grand volume d’informations sensibles pourrait avoir sur les droits fondamentaux, notamment en matière de protection des données à caractère personnel. La proposition de 5e directive LBC prévoit certaines mesures de précaution à cet égard. La connaissance de certains comportements gouvernementaux, dont témoignent les révélations de Wikileaks (2010 et 2012) et les «documents de Snowden» (2013), nous conduisent à proposer à la Commission d’étudier la possibilité de mettre en place des mesures supplémentaires de protection des droits des citoyens face à l’usage abusif des informations enregistrées, et notamment d’analyser la possibilité d’établir une qualification pénale commune de l’utilisation illicite d’informations et de données à caractère personnel. Le CESE pourrait contribuer à la réalisation de cette étude.

3.5.

Sans préjudice des propositions actuelles et des autres initiatives et mesures que le Comité préconise, dans le présent avis, de mettre en œuvre au niveau européen, il est essentiel que l’Union européenne et ses États membres assument à l’avenir un rôle encore plus important et jouent un rôle moteur au sein des instances et forums internationaux actifs dans le domaine de la lutte contre le blanchiment de capitaux et les formes graves de criminalité qui l’accompagnent, des phénomènes mondiaux qui, en règle générale, sont de nature transfrontalière. Il importe de mettre en œuvre des actions et des mesures internationales et mondiales coordonnées, afin de faire preuve d’une plus grande efficacité et d’engranger davantage de résultats, et l’Europe peut, à cet égard, jouer un rôle de premier plan.

3.6.

Alors que de nombreux citoyens de l’Union continuent de subir les effets de la crise, les politiques d’ajustement et l’augmentation de la pauvreté et de l’inégalité, ils apprennent que les grandes entreprises multinationales pratiquent l’évasion et la fraude fiscales et que des personnalités du monde économique, politique, culturel ou sportif éludent l’impôt et blanchissent leur argent dans des paradis fiscaux. Le fait que certaines de ces procédures et juridictions soient également utilisées pour financer des organisations terroristes susceptibles de commettre les crimes les plus atroces, en Europe et dans d’autres parties du monde, rend cette situation intolérable. Il y a lieu d’exiger des autorités européennes et nationales d’agir efficacement pour y mettre fin.

3.7.

Nonobstant le paragraphe 3.2, la réalisation des objectifs des directives LBC pourrait être sérieusement entravée par les carences de l’action politique menée en vue d’en finir avec les paradis fiscaux, pôles indispensables pour le blanchiment de capitaux, et ce, en raison également d’une articulation insuffisante des initiatives de lutte contre le blanchiment de capitaux avec les activités relevant de la lutte contre les délits qui le facilitent (fraude fiscale, appartenance à des organisations terroristes ou criminelles, trafic d’armes, de drogue et d’êtres humains, etc.) dans un contexte marqué par la survivance de pratiques de concurrence fiscale déloyale dans l’Union européenne.

3.8.

La liste des pays à haut risque qui a été publiée par la Commission le 14 juillet 2016 (15) ne comprend aucun de ceux qui figurent sur la liste des «Panama Papers». Ce fait est paradoxal puisque l’un des arguments avancés par la Commission pour proposer la 5e directive LBC s’appuie sur les révélations contenues dans ces documents. Un seul pays à haut risque qui ne collabore pas est inscrit sur cette liste: la Corée du Nord. Dans le groupe II, qui inclut les pays qui ont pris l’engagement de remédier aux carences et ont demandé une assistance technique pour la mise en œuvre du plan d’action du GAFI, figure l’Iran. Dans le groupe I de pays qui ont déjà élaboré un plan d’action qui leur permettra d’être supprimés de la liste dès qu’ils se seront conformés aux prescriptions figurent neuf pays (dont quatre en guerre: Afghanistan, Iraq, Syrie et Yémen). Une partie de l’argent qui sert à financer le terrorisme passe par ces pays. Toutefois, ce que montrent toutes les analyses et recherches sur ce thème, c’est que la majeure partie des opérations de blanchiment de capitaux provenant des autres formes de criminalité ne sont pas réalisées dans ces pays.

3.9.

Il est regrettable qu’un organisme tel que le GAFI, qui accomplit un travail aussi important pour ce qui est d’analyser la criminalité financière internationale et de proposer des solutions pour la combattre, n’ait pas trouvé le moyen approprié pour établir ses listes de pays à risque. Il est logique que la Commission se serve des recommandations (16) et autres propositions du GAFI pour lutter contre le blanchiment de capitaux. Toutefois, se plier à celles-ci peut annuler une partie de l’efficacité de la 5e directive LBC dès lors que les mesures renforcées visées à l’article 18 bis ne s’appliqueront qu’aux pays tiers à haut risque.

3.10.

Le CESE estime que l’efficacité dans la pratique de la 5e directive LBC supposerait soit de bien revoir la liste des pays tiers à haut risque pour y inclure les pays ou territoires où sont réalisées les principales opérations de blanchiment de capitaux, soit d’élargir le champ d’application de l’article 18 bis à toutes les entités assujetties et les juridictions qui, selon les informations détenues par les CRF, sont soupçonnées de se livrer à des opérations de blanchiment de capitaux. Le CESE propose également l’établissement d’une liste unique de juridictions qui ne coopèrent pas en matière de poursuite des infractions économiques.

3.11.

Le fait qu’une partie non négligeable des opérations de blanchiment est effectuée dans des juridictions dépendantes d’États membres devrait amener toutes les institutions de l’Union à prendre un engagement politique ferme pour en finir avec les paradis fiscaux sur leur territoire. Plus concrètement, les obligations d’identification des bénéficiaires effectifs de comptes bancaires, de la propriété des entreprises et de toutes les parties des fiducies/trusts et des transactions que la proposition de 5e directive LBC impose aux entités assujetties de l’Union européenne devraient être étendues à tous les territoires sous souveraineté des États membres, y compris ceux qui disposent de législations fiscales spéciales. Pour remplir leurs obligations, les entités assujetties doivent pouvoir également s’appuyer sur les données des registres (administratifs) nationaux. De même, les mesures renforcées de l’article 18 bis devraient s’appliquer aux juridictions dépendantes d’États de l’Union européenne qui effectuent des opérations de blanchiment d’argent.

3.12.

La fraude et l’évasion fiscales sont étroitement liées au blanchiment de capitaux. Une partie de l’argent blanchi provient de la fraude et de l’évasion fiscales. Aussi est-il nécessaire de coordonner la prévention et la répression de ces deux formes d’infraction, tant sur le plan législatif que sur celui de l’action politique et des activités des services de renseignement, de la police et des systèmes judiciaires. Le CESE a accueilli favorablement les initiatives récentes de la Commission visant à lutter contre la fraude et l’évasion fiscales dans l’Union européenne, mais estime qu’elles demeurent insuffisantes et qu’il serait par conséquent inutile d’en engager d’autres, qui s’articuleraient avec celles prises contre le blanchiment de capitaux.

3.13.

La lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme exige une étroite coopération entre les différents services de renseignement et de sécurité des États membres, et entre ceux-ci et Europol. Force est de constater que les niveaux actuels de coopération sont insuffisants. Malgré les déclarations publiques des responsables nationaux et européens et le soutien des citoyens en faveur du renforcement de cette coopération, d’importantes lacunes en matière de coordination sont rendues publiques après chaque attaque terroriste. Dans certains cas, des problèmes de coordination sont détectés entre les différents services d’un même État. Il y a lieu de mettre tout en œuvre pour remédier à cette situation.

3.14.

Au cours des dernières années, l’Union européenne a négocié et signé des accords de libre-échange et de partenariat économique. Elle négocie actuellement un traité d’une grande importance: le PTCI. Ces traités devraient offrir une excellente occasion de mettre en place des mesures bilatérales ou birégionales en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Le CESE demande à la Commission de réfléchir à la façon d’introduire un chapitre y relatif dans les traités négociés actuellement et à l’occasion de la révision de ceux qui sont déjà en vigueur. Le CESE souscrit pleinement, sur ce point, aux conclusions de l’étude du Parlement européen susmentionnée (17).

4.   Observations particulières

4.1.

Les CRF des États membres doivent mener à bien un important travail d’information, de surveillance et de prévention, y compris l’anticipation des évolutions technologiques rapides qui sont susceptibles d’être utilisées aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme. Il est absolument nécessaire de faire acte de diligence pour apporter des réponses nationales et mettre en commun au niveau européen les résultats des différentes enquêtes. La coordination permanente et rapide des CRF est essentielle. Le CESE estime qu’il serait judicieux de créer un instrument européen de surveillance, de coordination et d’anticipation technologique.

4.2.

Les entités assujetties, telles que visées par les 4e et 5e directives LBC, doivent accomplir des tâches de surveillance et de contrôle des personnes et des mouvements suspects. Toutefois, ces directives ne prévoient pas d’exigences ni d’obligations quant aux activités des entités assujetties dans des pays tiers à haut risque. Il conviendrait de remédier à cette situation dans laquelle on surveille davantage les clients que les entités elles-mêmes.

4.3.

Les recommandations suivantes de l’avis du CESE CCMI/132 sur la lutte contre la corruption (18) sont particulièrement utiles: a) élaborer sans délai une stratégie quinquennale de lutte contre la corruption qui soit cohérente et globale, assortie d’un plan d’action; b) créer un Parquet européen et renforcer les capacités d’Eurojust; et c) imposer aux entreprises multinationales de faire part de leurs données financières clés sur leurs activités dans tous les pays dans lesquels elles opèrent.

4.4.

De l’avis du CESE, il serait nécessaire de mettre en place une harmonisation à l’échelle européenne du traitement pénal — définitions et sanctions — de l’ensemble des infractions liées au blanchiment de capitaux, à la fraude fiscale, à la corruption et au financement du terrorisme ainsi qu’aux infractions associées. La Commission et l’Autorité bancaire européenne devraient également favoriser l’harmonisation des sanctions en cas de non-respect des obligations par les entités assujetties.

4.5.

La lutte contre le blanchiment revêt une grande importance et doit être efficace, énergique et résolue. Il est dès lors essentiel que les textes et les concepts qui figurent dans les mesures proposées soient aussi clairs que possible. Cela favorisera dans le même temps l’indispensable sécurité juridique pour tous ceux qui doivent appliquer ces textes, et garantira une application uniforme dans l’ensemble de l’Union.

4.6.

Le Comité se félicite du traitement rapide de ces propositions et espère qu’elles seront adoptées et entreront en vigueur dans les plus brefs délais. Il convient toutefois de ne pas rogner sur la qualité des résultats. Il y a lieu, dès lors, de prévoir un calendrier réaliste pour la transposition des textes et leur application dans les États membres, ainsi que des orientations claires.

Bruxelles, le 19 octobre 2016.

Le président du Comité économique et social européen

Georges DASSIS


(1)  Ci-après la «5e directive LBC», selon son sigle français: COM(2016) 450 final.

(2)  International Consortium of Investigative Journalists (Consortium international des journalistes d’investigation).

(3)  COM(2016) 452 final.

(4)  COM(2016) 451 final.

(5)  Service de recherche du Parlement européen (EPRS): «The inclusion of financial services in EU free trade and association agreements: Effects on money laundering, tax evasion and avoidance. Ex-Post Impact Assessment», p. 18.

(6)  Offshore Leaks Database.

(7)  EPRS, op. cit., p. 19 et 20.

(8)  EPRS, op. cit., p. 21.

(9)  COM(2016) 50 final.

(10)  JO L 141 du 5.6.2015, p. 73.

(11)  JO L 258 du 1.10.2009, p. 11.

(12)  COM(2015) 185 final.

(13)  COM(2015) 625 final, p. 2.

(14)  C (2016) 4180 final.

(15)  Règlement délégué C(2016) 4180 et annexe avec la liste de pays: http://ec.europa.eu/transparency/regdoc/rep/3/2016/FR/3-2016-4180-FR-F1-1-ANNEX-1.PDF

(16)  Normes internationales sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et de la prolifération.

(17)  EPRS, op. cit., p. 59.

(18)  JO C 13 du 15.1.2016, p. 63.